Villes en transition... Habitat en transition

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Villes en transition... . . . H a b i tat e n T r a n s i t i o n

Quels

e n s e i g n e m e n t s l a p r o m ot i o n i m m o b i l i è r e

p e u t - e l l e t i r e r d e l ’ a u to - p r o m ot i o n e n m at i è r e d ’ h a b i tat c o l l e c t i f u r b a i n

?

Année académique 2014-2015 Auteur : Melle Laetitia de Theux de Meylandt et Montjardin, étudiante architecte Promoteur : M. Grégoire Wuillaume, architecte Lecteurs : M. Bernard Dagnelie, architecte & M. Benoît Thielemans, architecte Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de master en architecture



Villes en transition... . . . H a b i tat e n T r a n s i t i o n

Quels

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p e u t - e l l e t i r e r d e l ’ a u to - p r o m ot i o n e n m at i è r e d ’ h a b i tat c o l l e c t i f u r b a i n

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Année académique 2014-2015 Auteur : Melle Laetitia de Theux de Meylandt et Montjardin, étudiante architecte Promoteur : M. Grégoire Wuillaume, architecte Lecteurs : M. Bernard Dagnelie, architecte & M. Benoît Thielemans, architecte Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de master en architecture



Avant- propos

Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur Grégoire Wuillaume pour sa disponibilité et ses conseils qui ont contribué à l’écriture de ce mémoire. Je souhaite également remercier Monsieur Benoît Thielemans pour son avis éclairé sur le sujet de l’habitat solidaire et participatif, et leurs rôles dans la société d’aujourd’hui.

Je remercie tout particulièrement Monsieur Bernard Dagnelie pour son écoute attentive, ses conseils pragmatiques et l’inspiration qu’il m’a communiqué tout au long de ce travail.

J’aimerais remercier enfin ceux-qui m’ont ouvert leur porte et qui m’ont accueillie pour me faire découvrir leur lieu de vie, ainsi que ceux ayant participé à la conception de ceux-ci. Pour l’Eco-logis à Strasbourg : Monsieur Serge Asencio, habitant et fondateur de l’association Eco-Quartier Strasbourg Neudorf Pour la StattSchule à Hambourg : Madame Liz Kistner et Monsieur Dieter Schmidt, habitants Monsieur Wolfram Tietz, architecte Monsieur Christian Diesener, project manager Pour Brutopia à Bruxelles : Monsieur Jan Thiers, habitant et membre du groupe « Architecture »

Je tiens aussi à exprimer toute mon affection à l’ensemble de mes proches et amis pour les précieux soutiens, aides et encouragements qu’ils m’ont apportés lors de l’élaboration de ce travail. J’adresse enfin une pensée toute particulière à Anaïs, Antoine, Aymeric, Charlélie, Katja, Quentin et Victoria.

5



Table

d e s m at i è r e s

0. I ntroduction  I. M ise

9 11

en situation   A. D éfinitions B. C ontexte

des différents termes

de l ’ habitat collectif urbain en transition

II. Analyse d’exemples d’auto- promotion  A. C hoix

des exemples

B. A nalyse

des

3

projets choisis

1. Eco - logis à Strasbourg, F rance

20

2. Statt Schule à H amburg, Allemagne

34

3. B rutopia à B ruxelles, B elgique

54

C. E nseignements

tirés de l ’ analyse

1. L a

localisation du projet

72

2. L a

taille du projet

73

3. L e

projet de vie

74

4. L’écologie 5. L a

III. C onclusion IV. R éférences

17

et l ’ économie vont de pair

vie et ses degrés d ’ intimité

:

de la rue à la chambre

et perspectives d ’ avenir

bibliographiques

75 76

83 85

Ouvrages Articles,

revues et brochures

Sites Internet

7



0. Introduction La majeure partie de la population mondiale réside aujourd’hui en ville et a délaissé les campagnes, afin de se rapprocher des services, de l’offre d’emplois et de l’offre culturelle. Depuis 2007, plus de la moitié de la population mondiale vit en zones urbaines 1. Il est néanmoins frappant d’observer que c’est précisément dans les villes là où vit la majeure partie de l’Humanité que l’humanité s’est perdue. En effet, l’affranchissement du territoire2 a conduit à la perte des liens entre l’Homme et son habitat et peu à peu à la perte des liens vis-à-vis de ses semblables. L’urbanisation croissante des villes devant répondre à la demande notamment de logements n’a que trop peu souvent intégré les enjeux sociaux de la ville. Le but de ce mémoire est donc de se pencher sur les liens sociaux en relation avec la promotion immobilière. Si à la campagne on connaît encore aujourd’hui plus au moins ses voisins, on ne peut en dire autant en ville. L’anonymat de la masse a certes du bon, néanmoins elle entraîne aussi la perte de repères, le manque d’identité, l’inexistence du sentiment d’appartenance à une communauté et les effets qui y sont liés : criminalité, dégradation des lieux, entre-aide inexistante… Si la promotion immobilière a d’abord eu pour but de reloger décemment la population des villes lors des grandes périodes hygiénistes, elle a ensuite été le fruit de la spéculation financière et ne fut bientôt considérée que comme un produit de placement de fonds. Néanmoins après la rencontre du promoteur bruxellois URBANI, à l’occasion de l’inauguration d’un de leurs immeubles, j’ai repris foi en la possible existence de promoteurs plus proches non seulement de la vie des habitants de leurs immeubles que du portefeuille qu’ils constituent, mais aussi plus proches d’une intégration du développement durable plus poussée que celle imposée par les normes de la construction. Faisant partie de la génération Y 3 et née 3 ans après le rapport de Brundtland 4, le « durable » n’a jamais été une question mais une évidence. En quête de solutions pour relever les défis de l’architecture soutenable5, j’ai procédé à l’analyse de bon nombre de certifications de bâtiment durable : démarche HQE, DGNB, BREEAM, LEED, Passivhaus, Batex. Je n’y ai pas rencontré de satisfaction en ce qui concerne le volet social du durable. Il est peut-être le moins prévisible et scientifiquement quantifiable, cela ne justifie en rien son abandon dans la conception ou la récompense de bâtiments considérés comme exemplaires. Il me paraît nécessaire de réfléchir autrement à la conception de l’habitat collectif en ville. Ainsi les révolutions étant toujours initiées par une poignée de gens, j’ai choisi d’analyser des exemples d’habitat collectif en auto-promotion dans diverses villes d’Europe pour voir quels étaient les enseignements dont la promotion immobilière soutenable pourrait aujourd’hui se nourrir et ce en regard plus particulièrement des espaces communs, et de ceux-ci comme générateurs et garants des liens sociaux entre habitants.

1 population urbaine 50% en 2007 et 53,5 % en 2014, site internet de la Banque Mondiale, http:// donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.URB.TOTL.IN.ZS/countries?display=graph 2 Magnaghi A., Le projet local 3 personnes nées approximativement entre le début des années 1980 et le début des années 2000 [...], Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9ration_Y 4 Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, présidée par la Norvégienne Gro Harlem Brundtland, 1987, http://www.un-documents.net/ our-common-future.pdf 5 de Myttenaere K., Vers une architecture soutenable, 2006 9



I. M i s e

e n s i t u at i o n

A. Définitions

des différents termes

Jonglant avec des termes dont les interprétations peuvent être multiples, il me paraît essentiel de commencer par une partie théorique pour fixer certaines idées.

Promotion

immobilière

L’invention du terme de promoteur immobilier1 peut vraisemblablement être attribuée à Larrue, directeur du Comptoir national du logement (CNL), créé en 1954-1955. Fernand Pouillon, également architecte, qui se fit le défenseur de constructions rapides et bon marché pour pouvoir loger décemment une population en désarroi, pourrait dès lors être considéré comme un des premiers promoteurs immobiliers. La promotion immobilière désigne aujourd’hui encore le fait de faire construire des immeubles pour la revente, la construction ou la location.

Auto- promotion L’autopromotion est le terme technique désignant un démarche constructive choisie pour réaliser un projet d’habitat groupé. Ce terme ne décrit en rien le projet de vie qui peut être attaché à l’autopromotion. Le groupe de futurs habitants peut soit prendre en charge lui même le rôle de promoteur immobilier ou faire appel à un accompagnateur de projet pour la maîtrise d’ouvrage, selon les compétences déjà présentes au sein du groupe. Des spécificités diverses selon les pays existent quant aux structures juridiques nécessaires et possibles pour monter un projet d’habitat en autopromotion. Le terme allemand rencontré dans la littérature : « Baugemeinschaft » , signifie littéralement traduit « communauté de construction », et décrit en fait l’autopromotion. Bruno Parasote, le porte-parole d’Eco-logis à Strasbourg nous apporte la définition suivante : « L’autopromotion marquerait une heureuse évolution de la société civile vers plus de responsabilité et de durabilité. Elle se caractérise par une démarche citoyenne responsable qui prend en charge son besoin en logement et ne se contente pas d’acheter un produit fini, un témoignange de confiance en l’intelligence collective et un engagement à construire son cadre de vie physique et social, à l’opposé de la démarche individuelle et isolationniste de la maison individuelle, un exercice concret de démocratie participative et d’entreprise économique. »2

1 Chevalier L., « Naissance du promoteur », revue Agone, 38-39 | 2008, [En ligne], mis en ligne le 23 mai 2010, URL : http://revueagone.revues.org/195 2 Parasote B., Autopromtion, habitat groupé, écologie et liens sociaux - Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, 2011 11


Architecture

soutenable 1 ( selon la thèse de

Kristel

de

M yttenaere)

« Une pratique architecturale soutenable est avant tout une question d’attitude vis-à-vis du projet d’architecture. Une architecture soutenable est donc avant tout une architecture qui cherche à interroger les modes de conciliation quantitatifs, qualitatifs et symboliques entre l’homme et son environnement ; les modes d’articulation entre les différentes échelles spatiales que le projet matérialise et participe à matérialiser et les modes de transmissions entre les structures héritées du passé, celles du présent et celles dont les générations futures hériteront. »

V illes

en transition

Les villes en transition sont des villes dans lesquelles se mettent en place des initiatives de transition. Il s’agit d’un processus impliquant une communauté et visant à assurer la résilience de la ville face aux défis des crises pétrolières, économiques ou encore climatiques. Ce mouvement international est né suite au cours de soutenabilité appliquée à l’Université de Kinsale en Irlande, donné par Rob Hopkins. La première ville ayant tenté une mise en application fut la ville de Totnes au Royaume-Uni en 2006. Le caractère particulier du mouvement réside dans une vision de l’avenir résolument optimiste. En effet, les différentes crises, changements climatiques, crises pétrolières ou économiques, sont perçues comme de véritables moteurs du changement, comme « l’opportunité de repenser la plupart de ce que nous considérons comme acquis » 2. Les initiatives peuvent être diverses et vont de la sensibilisation à la création de groupes locaux d’alimentation, en passant par la création de monnaies alternatives et locales. Autant de « plans B » élaborés pour la communauté et par la communauté, une autre particularité du mouvement. L’action doit être communautaire et non individuelle, ni politique, encore moins par voie de législation. Optimiste et rassembleur, ce mouvement ne choisit pas non plus les traditionnelles voies de confrontation, comme les manifestations.

Figure 1  :  Illustration de l’initiative « Villes en transition » (Rob Hopkins)

1 de Myttenaere K., Vers une architecture soutenable, 2006 2 Wikipedia, Ville en transition, https://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_en_transition 12


H abitat

groupé

« Terme générique faisant référence à la constitution d’un habitat issu de l’initiative collective de particuliers. Par la notion de groupe, ce terme met l’accent sur le projet de vie collectif. [...] » 1

H abitat

participatif

« Dénomination appelant plutôt à la méthode d’élaboration ou de gestion de l’habitat, voulue de manière partagée avec ses occupants. Parce qu’il est compréhensible par tout un chacun, il devient progressivement le terme fédérateur pour désigner toutes les mouvances de projets faisant appel aux citoyens dans leurs élaborations. Il est toutefois sujet à débat, car la participation ne peut être que consultative. Or les habitats groupés revendiquent une participation forte, voire une implication personnelle de premier plan. »² Un autre terme utilisé pour décrire l’habitat participatif est celui de « cohabitat », faisant références aux modèles anglo-saxons de cohousing.

1 Parasote B., Autopromtion, habitat groupé, écologie et liens sociaux - Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, 2011 13


B. Contexte H abitat -

de l ’ habitat collectif urbain en transition

lieu de l ’ habiter

L’habitat est le lieu de l’habiter. Ce lieu représente plus qu’un simple abri nécessaire à la survie de l’être humain. L’habitat est aussi synonyme d’identité, d’une communauté, d’une croyance spirituelle ou tout simple d’un simple individu. L’architecture doit donc servir à construire ces habitats, et répondre de la façon la plus juste aux demandes des futurs habitants.

H abitat

collectif en transition

Il existe aujourd’hui différents termes désignant des projets d’habitat collectif, chacun incluant des nuances quant à la philosophie, aux conditions financières ou encore au projet de vie qui peut y être attaché. A l’image des initiatives des villes en transition, on peut transposer la réflexion sur l’habitat collectif urbain. Les initiatives citoyennes dont le but est de devenir acteur de la conception de son logement sont de plus en plus nombreuses. L’habitant fait le choix de participer à la création de son mode de vie et de l’architecture qui l’abrite, plutôt que d’être un simple consommateur de biens immobiliers. Cette nouvelle pratique est chargée de sens en matière de liens et de besoins qui évoluent avec la société. Le partage et l’entraide sont des valeurs qu’une partie de la population désirerait retrouver dans un environnement proche de son lieu de vie. Le choix du degré de partage et de solidarité à intégrer dans son mode de vie est propre à chaque projet et à chaque habitant.

H abitat

urbain

: V illes

et enjeux

Les problématiques en matière de logement auxquelles les villes doivent aujourd’hui répondre sont multiples. Véritable alternative entre la promotion immobilière privée et le logement social, l’autopromotion peut aujourd’hui esquisser une réponse à ces enjeux. 1. V illes et proximité - enjeux fonctionnels Les enjeux pour habiter en ville sont pluriels, de part la concentration de population qui y vit. On peut distinguer plusieurs types d’enjeux, notamment un enjeu fonctionnel majeur qui est celui de la proximité des services. Être proche des commerces, de l’habitat, du lieu de travail, des écoles, ou encore des centres sportifs et culturels permet d’éviter des surcoûts de trajet et des pertes de temps considérables, dans une société où le temps est argent et chaque centime se gagne. L’idéal est d’arriver à des temps de trajet réduits, mais également à une utilisation plus large du vélo, des transports en commun ou d’un autre mode de mobilité douce.

14


Le brassage culturel et la présence de multitudes de communautés linguistiques, religieuses ou ethniques peut également être une motivation importante quant au choix pour habiter en ville. Les villes ont toujours eu des visages plus cosmopolites que les rases campagnes. Enfin, le choix d’habiter en ville permet d’éviter l’étalement et l’urbanisation en milieu rural. Il est donc également question d’écologie, car les habitats urbains peuvent, de par leur nature regroupée, être plus écologique. Un des facteurs écologiques de l’habitat urbain résulte par exemple de la compacité qu’offrent les immeubles à appartements par rapport aux villas-quatrefaçades. Un autre facteur est celui de la présence des réseaux d’électricité, d’eau, de gaz et d’égouttage. Enfin, la proximité citée ci-dessus contribue, par le changement de mobilité induit par l’habitat urbain, également à une certaine écologie. 2. V illes et non- lien - enjeux sociaux et sociétaux La ville étant souvent le premier contact d’un étranger avec son nouvel habitat, comment celleci peut-elle au mieux l’accueillir? Nombreuses sont les demandes pour l’obtention d’un logement social et trop longue est la liste d’attente. Les populations défavorisées se retrouvent souvent reléguées en périphérie, les loyers des centre-ville ne leur étant guère accessibles. Les exemples pour illustrer ces phénomènes ne manquent pas et sont souvent sujet de mauvaise presse. Les élus, urbanistes et architectes du siècle passé se sont échinés à trouver des solutions pour promouvoir la mixité sociale, sans réel succès malheureusement. Cette dernière requiert peut-être elle aussi besoin d’un peu plus d’initiative citoyenne, tout comme l’écologie. Elles peut être intégrée en milieu urbain à petite échelle, c’est-à- dire au niveau de l’immeuble, mais elle doit également être consciente et choisie pour pouvoir être pérenne et intégrée. L’intégration d’un projet d’habitat collectif urbain pourrait dynamiser les liens sociaux à différents niveaux. A l’échelle du quartier, il peut lancer un pas vers une nouvelle identité ou retisser et renouer les liens vers une identité de quartier oubliée. Tandis qu’à l’échelle de l’immeuble, il permet un voisinage actif et soucieux de ses cohabitants. Les liens tissés permettent d’éviter l’exclusion sociale ou encore l’isolement de personnes fragiles ou seules, comme par exemple les personnes du troisième âge, les célibataires, les familles monoparentales ou encore des familles avec de moindres revenus.

15



II. A n a ly s e d ’ e x e m p l e s d ’ a u to - p r o m ot i o n A. Choix

des exemples

Les exemples qui seront analysés dans la partie suivante ont été choisis sur base de différents critères. Le projets analysés ayant pour la plupart reçus divers prix ou étant du moins bien représentés dans les médias, présentent un intérêt par l’engouement qu’ils suscitent de la part du public. L’apparente qualité dont ils témoignent méritait d’en effectuer une analyse plus complète. Le choix de trois exemples dans trois pays différents découle d’un désir d’aller au-delà des frontières s’inspirer de ce qui s’y construit. Les modes de vie des trois pays témoignent de cultures différentes qui influencent l’architecture. Cependant j’ai tenu à rester dans des contextes similaires, tant au niveau urbain bien évidemment qu’au niveau climatique. De plus, désireuse d’analyser des exemples relevant également les défis de la construction aux normes et exigences actuelles, j’ai décidé de choisir des exemples plutôt récents. Notons encore que les exemples choisis sont tous habités depuis quelques années au moins pour permettre un retour sur expérience, feedback de la vie au quotidien dans les habitats créés. Ces retours sur expérience sont essentiels pour comprendre comment une architecture est vécue et comment elle répond aux besoins de ses habitants.

B. Analyse

des

3

projets choisis

Les projets seront d’abord présentés de manière succincte au moyen d’une fiche d’identité reprenant les informations principales du bâtiment. L’analyse sera ensuite développée suivant 4 MEM Q3 2015 volets chronologiques du projet, commençant par la conception, puis la construction pour arriver enfin à la vie du projet et à son éventuelle évolution. Villes européennes Eco-Logis StattSchule Brutopia

2

3

1

Figure 2  :  Carte d’Europe avec situation des exemples analysés : 1. Eco-logis à Strasbourg, France 2. StattSchule à Hamburg, Allemagne 3. Brutopia à Bruxelles, Belgique 17



É c o - lo g i s

éco

:

é c o lo g i e

Logis :

Lieu

h a b i tat . . .

d e v i e e n é c o l o g i e av e c s e s h a b i t a n t s


1. E c o - l o g i s

à

Figure 3  :  Vue de la façade Sud (Gies Architekten)

Strasbourg, France

Figure 4  :  Vue depuis la rue (Gies Architekten)

F iche d’identité Maître d’ouvrage : SCIA Eco-logis Strasboug Neudorf Maître d’œuvre : Gies Architekten (Fribourg en Brisgau, Allemagne) & Tekton (Strasbourg) Lieu : Strasbourg Contexte : d’initiative citoyenne, projet livré en 2010 au sein d’un quartier en renouvellement urbain Nombre de logements : 11 (9 propriétaires et 2 en location) Nombre d’habitants : 29 Espaces collectifs : salle commune, chambre d’ami, atelier, buanderie, toiture terrasse, jardin Surfaces des logements : de 35 à 140 m² Surface totale de l’immeuble : 1294 m² Coût de construction au m² : 2950 €/m² (2700 €/m² avec les subventions) Coût total : 2,9 Mio. € (inclus coût du terrain, de la construction, des assurances et des taxes) Standard énergétique : Bâtiment Basse Consommation - BBC (France) - en dessous de 65 kWh/m²an (Alsace)

Figure 5  :  Carte de Strasbourg avec situation d’Eco-logis (Laetitia de Theux - LT)

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a. Phase de conception : Le groupe, le terrain, le projet De la phase de la conception à la concrétisation presque dix années ce sont écoulées pour le projet d’Eco-logis. L’association « Eco-Quartier Strasbourg Neudorf » fondée en 2001 et toujours active aujourd’hui est alors l’initiateur du projet. L’association a pour but de développer un nouveau mode de vie durable en lien avec la création d’un écoquartier à Strasbourg, tels qu’on les connaît depuis les années 80 de l’autre côté de la frontière à Fribourg-en-Brisgau ou à Tübingen en Allemagne. Aujourd’hui encore l’association accompagne des groupes d’autopromotion, notamment dans les contacts avec la Ville et ses collectivités. Néanmoins, faute de soutien de la part des collectivités locales, l’ambition de créer un écoquartier dans l’îlot Lombardie du quartier Neudorf n’a pu aboutir. Après ce long temps d’hésitations, de changements dans la constitution du groupe et de remises en question, l’arrivée de Bruno Parasote dans le groupe coïncidera avec la tournure plus concrète du projet. A partir de 2004, « Eco-Quartier Strasbourg Neudorf » se dirige donc vers la construction d’un éco-immeuble respectueux de l’environnement et s’inscrivant dans une démarche d’habitat participatif. L’ « Eco-logis » accueillera finalement 10 familles sur un terrain de 1700 m² acquis en 2007. Le chantier démarrera en 2009.

Figure 6  :  Eco-logis dans la ville (LT)

Figure 7  :  îlot d’Ecologis et de son terrain (LT)

Le schéma ci-dessous 1 reprend les différents acteurs du projet lors de la phase de montage du projet. On peut remarquer que c’est la Ville de Strasbourg qui a vendu un terrain à l’association pour la construction d’Eco-logis. En effet, après un remaniement politique au sein des autorités de la Ville, les nouveaux élus en place décidèrent enfin de mieux soutenir le projet, notamment en leur octroyant une subvention de 6% du coût total du projet, un geste important pour le projet ayant un peu de mal à se concrétiser.

Figure 8  :  Schéma d’implication des différents acteurs du projet Eco-logis (étude ARENE) 1 Etude ARENE, Eco-logis projet d’habitat participatif, mis en ligne le 13 août 2014, URL : http://democratie. areneidf.org/projets/eco-logis-projet-d-habitat-participatif 21


En ce qui concerne la structure juridique, les dix familles se sont regroupées en une société civile immobilière d’attribution (SCIA). Le nombre de parts détenues par une famille dépend de la taille et des prestations de son logement. La société se verra dissoute pour passer en copropriété dans un délai allant de la fin de la construction jusqu’à un maximum de dix ans. La conception architecturale a fait l’objet d’un concours ouvert à dix architectes invités, dont trois ont réalisé une étude plus approfondie du projet. Les architectes retenus sont Gies Architekten, basés en Allemagne à Fribourg-en-Brisgau et ayant déjà une expérience en matière de Baugruppen, terme allemand utilisé pour décrire les groupes d’habitat participatif. Ils s’associeront au bureau strasbourgeois Tekton architectes pour le suivi de chantier.

Figure 9  :  Vue de la partie centrale de la façade Nord (Gies Architekten)

Figure 10  :  Les terrasses des appartements sont reliées entre elles (Lucile Jeanniard)

Le bâtiment de 1294 m² se compose d’un rez-de-chaussée accueillant les lieux partagés entre les habitants au sud, un parking et des caves au nord, alors que les 3 étages et l’attique sont dédiés au logement. Conçus de manière bioclimatique, les coursives d’accès et l’escalier - tous deux de structure béton - se situent au nord. La façade sud est quant à elle ponctuée de larges balcons-terrasses de 2,40 mètres de large repris par des colonnes de bois et reliés entre eux par des coursives d’1,20 mètre de large. L’architecte a disposé les onze logements tous traversant de façon à satisfaire les besoins en surface de chaque famille. Les deux duplex sont superposés à l’est, tandis que les plus grands appartements sont disposés à l’ouest. La partie centrale du bâtiment a été conçue en fonction des dimensions des appartements de taille moyenne, de telle sorte à ce que les portes ne soient pas alignées entre elles. Les appartements du 1er étage, côté nord sont au rez-de-chaussée du côté sud et bénéficient donc d’un accès direct au jardin (voir figure ci-dessus). « Le bâtiment répond avant tout à nos besoins avant d’être un manifeste d’architecture », c’est ainsi que le décrivent ses habitants, mais c’est bien là une des qualités premières d’une architecture, que celle de répondre à un usage !

Figure 11  :  Esquisse de l’éco-immeuble (Gies Architekten) 22


b. Phase de construction : Le projet, le chantier et les matériaux L’accent a dès le départ été mis sur la volonté de concevoir un bâtiment basse consommation BBC avec des matériaux biosourcés. La norme alors en vigueur pour les bâtiments neufs était le règlement technique de 2005 (RT 2005). Depuis le nouveau règlement technique de 20121 (RT 2012) s’est aligné sur les exigences du label BBC de 2005, autorisant une consommation maximale de 50 kWh/m²/an modulée selon un coefficient de rigueur climatique tenant compte de la zone géographique et de l’altitude. Le coefficient étant de 1,3 pour l’Alsace, le standard BBC de l’époque pour cette région, qui fait donc aujourd’hui office de norme en matière de consommation énergétique, était de 65 kWh/ m²/an. La consommation réelle du bâtiment est néanmoins estimée à 42 kWh/m²/an. La production d’eau chaude sanitaire et de chauffage par plancher chauffant est assurée par 23 m² de panneaux solaires thermiques placés en toiture. Une chaudière à gaz prend le relais lors de l’absence des rayons de soleil ou pendant les grands froids. Face aux restrictions budgétaires, le groupe a malheureusement dû faire l’impasse sur la pompe à chaleur. La ventilation hygiénique du bâtiment se fait par un système de ventilation mécanique contrôlée VMC simple flux et hygro-réglable. Elle permet de réguler le renouvellement d’air selon l’humidité ambiante. L’amenée d’air neuf est naturelle, tandis que l’extraction se fait mécaniquement par la mise en dépression du bâtiment.

Figure 12  :  structure en bois massif (François Desrues)

Figure 13  :  Un duplex lors du chantier (Pascal Bastien)

La structure en bois massif s’appuie sur un soubassement semi-enterré en béton coulé sur place. Les murs sont en bois massif contrecollé, tandis que les planchers « Lignotrend » en lamellé-collé (voir figure ci-dessus) présentent des creux qui seront remplis de graviers pour une meilleure inertie thermique et isolation acoustique. Les 220 tonnes de bois de la structure stockent l’équivalent de 50 ans de CO 2 produit par le chauffage du bâtiment. Le bois, du pin d’Autriche a été manufacturé en Allemagne. L’isolation est en fibres de bois pour les étages et en polystyrène pour le soubassement. Les châssis en bois sont munis de double vitrage. Les restrictions budgétaires ont une fois de plus contraint le groupe, cette fois-ci à abandonner l’idée du triple vitrage.

1 Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « La RT2012 : un saut énergétique pour les bâtiments neufs », mis en ligne le 4 juillet 2011, URL : http://www.developpement-durable.gouv.fr/ La-RT2012-un-saut-energetique-pour.html 23


c. Après livraison : Vie et réalités du projet Cela fait maintenant 5 années que les « Eco-logistes » vivent leur rêve au quotidien. Il m’a dès lors paru nécessaire d’aller voir de plus près comment la vie a pris place après cette longue aventure préliminaire de presque 10 ans. Le quartier plus fortement urbanisé que je ne le pensais semble en pleine expansion. Les chantiers d’immeubles à appartements sont nombreux, même si ici ou là, on peut encore apercevoir quelques anciennes bâtisses parfois même à colombages, typiques de la région alsacienne.

à l’échelle du quartier Les « terrains d’initiatives citoyennes » parsèment le quartier, le mouvement participatif a bel et bien contaminé le lieu. L’ancrage d’Eco-logis dans le quartier ne se limite donc pas à proprement dire à l’immeuble, même si celui-ci et son terrain sont privés aux 11 familles qui y vivent. Lancé sur une idée des habitants d’Eco-logis une des premières initiatives pour la vie du quartier fut la création d’un jardin potager partagé. L’opportunité est née de par la présence, le long des voies du tram qui traversent l’îlot Lombardie, d’un terrain, qui n’était alors qu’un vaste champ de canicides. Toujours dans l’idée d’un partenariat entre la ville et ses habitants, les initiateurs du projet s’enquirent du devenir du terrain auprès des autorités. La ville se chargea de mettre à disposition le terrain tant convoité et d’y installer les cabanons et points d’eau nécessaires. Les futurs maraîchers du dimanche quant eux fondèrent une association pour gérer les adhésions et prirent en charge la mise en place des parcelles et des cheminements entre celles-ci. L’association du « Lombric Hardi », même si initié par des « Eco-logistes », vit aujourd’hui indépendamment de ceux-ci qui se sont d’ailleurs majoritairement retiré du projet.

Figure 14  :  La maison citoyenne: projet en cours de réflexion (LT)

Figure 15  :  Le Lombric Hardi : jardin potager partagé (Lucile Jeanniard)

Les projets d’habitat participatif en autopromotion en partenariat avec la Ville de Strasbourg sont en plein essor depuis 2009, année du premier appel à projet « 10 terrains pour 10 immeubles durables à Strasbourg ». Meltin’potes, BauGroupe ou encore Urban’hotes sont autant de groupes ayant choisi l’îlot Lombardie comme terrain de jeu. La Ville appréciant les enjeux que représentent ce type de projets, a lancé un deuxième appel à projet sur 7 terrains en 2011, dont les premiers sont en passe d’être construits non loin d’Eco-logis. Enfin une des multiples traces dans les environs d’Eco-logis, sera l’ouverture d’une maison citoyenne. Initiée par le Collège « Terrains d’Initiatives Citoyennes » de l’association «EcoQuartier Strasbourg Neudorf », une ancienne bâtisse vétuste alsacienne situé à deux pas d’Ecologis deviendra un lieu conçu par et pour les habitants.

24


à l’échelle de l’immeuble Les nombreux espaces mis en commun au sein du bâtiment Eco-logis sont quant à eux autant d’occasions de se rencontrer et de partager des moments avec ses voisins. Les espaces intérieurs ayant quelque peu rétréci au vu des contraintes budgétaires augmentant lors de la conception du projet ne déçoivent pas pour autant les habitants, hormis la buanderie qui ne dispose pas d’un espace suffisant pour étendre le linge. La salle commune de 35 m² et la chambre d’amis se situent au rez-de-chaussée côté Nord et partagent une salle de bain. Les réservations de l’une ou l’autre se font via Internet. La salle commune bénéficie d’un coin cuisine et est utilisée pour la tenue de réunion ou l’organisation de diverses fêtes et anniversaires. La buanderie est utilisée par 7 familles sur les 11, certains ayant préféré garder un lave-linge dans leur logement.

Figure 16  :  Abri à vélos (LT)

Figure 17  :  Aire de jeu des enfants (Bruno Parasote)

Ayant été tenu légalement de construire le bâtiment avec 10 places de parking, les habitants ont par la suite effectué des transformations correspondant à l’usage réel de la voiture. Il reste donc 6 emplacements de parking réservés aux familles ayant des enfants. Le reste des emplacements a été transformé en cave, en prenant soin de poser une cloison Rf, répondant à la norme incendie pour la séparation entre parking et cave. Les espaces de stockage à la cave ont plus que doublé, permettant d’utiliser une partie de la cave avec accès au rez-de-chaussée au nord comme salle de ping-pong. Les Eco-logistes ont largement remplacé l’usage de la voiture par des moyens de mobilité douce. La majorité des trajets se fait donc à pied, en vélo ou encore en transports en commun, une ligne de tram traversant l’îlot Lombardie et l’autre passant au nord de celui-ci. Un abri à vélo extérieur situé face aux coursives a été érigé quelques années après la construction de l’immeuble pour garantir un emplacement vélo à chaque habitant. Les espaces extérieurs sont pour la plupart partagés. Au nord face à la chambre d’amis et à la salle commune il y un espace plane pour jouer au ballon et une aire de jeux pour les enfants. Quelques arbres fruitiers bordent la rampe du parking à l’est, alors que le jardin en espaliers au sud accueille des parcelles de potager privatives et une parcelle commune. La gestion et l’entretien des espaces partagés nécessitent une attention particulière. Ainsi les tâches d’entretien sont réparties entre les familles : la sortie des poubelles est attribuée à une famille pour un mois, alors que le nettoyage des communs est confié à une famille pour une semaine. Dans les autres tâches ont compte notamment l’entretien du compost. Cette gestion au quotidien s’organise grâce à des réunions mensuelles du « comité de maison » (CDM). Celui-ci réunit aussi bien les propriétaires que les locataires. Les factures relatives à la buanderie ou à la chaudière au gaz, ou encore celles liées à la chambre d’amis, sont également du ressort du CDM. 25


Les réunions de la SCIA traitent des travaux ou aménagements collectifs, comme ceux qu’il a récemment fallu entreprendre pour corriger des infiltrations de la terrasse du 3ème vers certains appartements du 2ème étage. Les enfants et les jeunes ne sont pas oubliés: Réunis en conseil ils ont également voix au chapitre plus particulièrement en ce qui concerne l’aménagement des espaces extérieurs. De plus, deux journées par an sont réservées aux travaux collectifs, il s’agit du 1er mai et du 11 novembre.

Figure 18  :  Jardins potagers à l’arrière exposés au Sud (Pascal Greboval)

Figure 19  :  Salle commune (Pascal Greboval)

à l’échelle du logement Les habitants d’Eco-logis sensibles aux initiatives citoyennes et aux mouvements participatifs n’en sont pas moins désireux de garder une part d’intimité chez eux. En effet, leur manière d’habiter leur immeuble ne réside pas dans le désir d’une vie en communauté. On pourrait penser que dans une telle ambiance de voisinage bienveillant, les traditionnels problèmes liés à celui-ci n’apparaîtraient pas ou seraient résolus avec une certaine facilité. Serge Ascencio, fondateur du groupe, m’a confié lors de la visite : « On est comme les autres! ». Déjà il y a 2 ans, ils avaient ensemble pris la décision de faire appel à un médiateur pour résoudre certains conflits par le biais de la communication non-violente. Un des problèmes majeurs fut celui du bruit. L’immeuble en bois transmet les bruits d’impact entre étages. L’intervention du médiateur a permis aux plus timides de s’exprimer et a rétabli une bonne entente. Néanmoins ils pensent à le refaire intervenir prochainement. L’agencement des coursives continues entre les terrasses a quant à lui également posé quelques soucis. En effet, les enfants dans leur joyeuse innocence ne perçoivent pas la propriété et l’intimité comme leurs parents adultes. Ils avaient donc tendance à courir d’un bout à l’autre des terrasses pour finalement rentrer par n’importe quelle porte ouverte, sans se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de leur appartement.

Figure 20  :  Intérieur d’un logement (Gies Architekten) 26

Figure 21  :  Coursives (Pascal Greboval)


Hormis les problèmes de bruits et de proximité sur les terrasses les habitants sont globalement satisfaits de leurs logements. Si quelques-uns se plaignent des coursives au Nord, c’est plus parce qu’elles leur ôtent une part de luminosité dans leur logement que parce qu’ils sont gênés par le passage des voisins devant leurs fenêtres. Le confort thermique est décrit comme bon, même s’il faut prendre quelques précautions en cas de canicule l’été. Le bâtiment ayant été conçu de manière bioclimatique, le chauffage de l’immeuble se fait par les apports du soleil en hiver ce qui a considérablement diminué les factures d’énergie des familles. Bien qu’Eco-logis ne soit pas le lieu de vie parfait, l’entre-aide et le partage des compétences entre voisins sont des thèmes qui sont chers à ses habitants, tout en s’inscrivant toujours dans une démarche de durabilité et de respect de l’environnement.

d. Après la vie du projet ? En 5 ans il y a eu quelques changements dans le groupe d’habitants d’Eco-logis. Après le décès d’une des membres, il a fallu penser à la transmission de son appartement. Les enfants de celle-ci ont décidé de le mettre en location. Ainsi à chaque fois qu’un nouveau locataire se présente comme c’est le cas pour le studio également, les membres du groupe ont un « droit de regard » sur le nouvel arrivant. Certains de ces locataires potentiels avaient choisi de venir participer à une journée de travaux collectifs pour se présenter. La venue de gens nouveaux et extérieurs au groupe fondateur du projet amène d’autres idées et des manières de vivre différentes qui colorent la vie du groupe. Si un membre du groupe voulait en revanche vendre son appartement, cela reviendrait à revendre les parts sociales correspondantes à son logement. Les membres qui restent auraient là aussi un droit de regard en ce qui concerne l’acquéreur, qui devra signer la charte du groupe pour en faire partie.

Figure 22  :  Photo de groupe des Eco-logistes (Bruno Parasote)

27


Plan

caves

du rez - de - chaussĂŠe

A

caves

1

B

2

4

parking

3

C

5

6

2,5 m

Espaces partagÊs A : buanderie commune B : chambre d’amis C : salle commune

0

28


0

2,5 m

Élévation

de la façade

Sud

29


Coupe

2,5 m

0

2,5 m

transversale

1

Élévation

30

0

2

de la façade

3

Nord

4

5

6


Plan

du

2ème étage

Plan

du

1er étage

31



S tat t S c h u l e

s tat t

:

au lieu de, à la place de

( h o m o n y m e S ta d t :

la ville)

Schule : l’école

Au -

lieu

-

de

- l’école


2. S t a t t S c h u l e

Figure 23  :  Vue du jardin (Claudia Bioly)

à

Hamburg, Allemagne

Figure 24  :  Vue de la façade avant (Dorfmüller | Kröger | Klier)

F iche d’identité Maître d’ouvrage : Baugemeinschaft StattSchule GbRmbH Maître d’œuvre : planerkollektiv Architekten, Wolfram Tietz Lieu : Hamburg, Allemagne Contexte : ancienne école datant de 1878 transformée en logements en 2011 dans un quartier résidentiel proche du centre-ville d’Hambourg Nombre de logements : 29 logements en location et 5 logements propriétaires Nombre d’habitants : 87 (49 adultes et 38 enfants) Espaces collectifs : salle de réunion sur le toit terrasse, salle commune, atelier bois et halle au sous-sol, jardin collectif Surfaces des logements : de 35 à 125 m² Surface totale du bâtiment : 2.712 m² (+ 62 m² salle de réunion collective) Coût de construction au m² : 2490 €/m² Coût total : 6,9 Mio. € (inclus coûts extraordinaires pour le désamiantage et la consolidation des fondations) Standard énergétique : 46,6 kWh/m²an après rénovation

Figure 25  :  Carte de Hamburg avec situation de StattSchule (LT)

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a. Phase de conception : Le groupe, le terrain, le projet Le groupe « StattSchule », dont on peut traduire le nom par « Au-Lieu-De-L’École » convoitait au départ une autre école pour son projet de logements en autopromotion. Le premier terrain convoité a vu son école rénovée et agrandie, c’est alors que l’une des plus anciennes écoles communales du quartier d’Altona fut abandonnée. L’ancien bâtiment scolaire dans lequel vivent aujourd’hui les membres de la « StattSchule » date de 1868. Le bâtiment et son enceinte appartenaient à la Ville de Hambourg et comprenaient en plus du bâtiment principal une grande cour de récréation et une salle de sport. Ces deux derniers ont également fait l’objet de plusieurs constructions d’habitat en autopromotion.

Figure 26  :  StattSchule dans la ville (LT)

Figure 27  :  îlot de StattSchule et de son jardin (LT)

En 2005, la fondation Lawaetz proposa à 6 groupes, avec lesquels elle était en contact, de se former en un seul groupe « StattSchule » pour réaliser leur rêve. La fondation Lawaetz qui a aussi joué le rôle d’assistant à la maîtrise d’ouvrage agit au nom de la Ville d’Hambourg. Fondée en 1986, elle présente des domaines de compétences variés comme l’aide à l’accès au logement, à l’emploi, ou encore à la formation. Toujours dans une démarche de « Hilfe zur Selbsthilfe » 1, son leitmotiv « Innovation für das Gemeinwohl » 2 illustre bien le but de la fondation. Le choix de la fondation Lawaetz comme partenaire était important pour le groupe, étant donné sa mixité sociale. La proportion de propriétaires est plutôt faible par rapport aux locataires. À cela il faut ajouter que ceux-ci sont locataires de logements sociaux, dont certains n’auraient pas pu accéder financièrement au projet sans l’aide de leurs futurs cohabitants. L’intervention de la fondation a permis le montage d’abord administratif et juridique de l’opération avant de jouer le rôle d’assistant aux maîtres de l’ouvrage lors du chantier. Ainsi le montage juridique en « Genossenschaft » 3 octroie un plus grand pouvoir de décision aux locataires, mais a été réalisé de telle sorte que les propriétaires ne soient pas lésés. La fondation Lawaetz est le seul assistant à la maîtrise d’ouvrage proposant ce type de montage alliant propriétaires et locataires sociaux pour des projets d’habitat participatif. Le choix du premier architecte proche de la fondation Lawaetz fut un échec : Son esquisse ne correspondait pas aux desiderata des habitants. Il avait prévu de conserver le plan d’organisation axiale d’un grand couloir qui distribuait autrefois les salles de classe. Ceci aurait conduit à des appartements mono-orientés et à une perte d’espace considérable en matière de circulations.

1 traduction française : « l’aide pour pouvoir s’aider soi-même » (LT) 2 traduction française : « innovation pour le bien-être de la communauté » (LT) 3 traduction française : coopérative 35


La décision fut prise de commander deux propositions à deux autres architectes. Suite à ces esquisses supplémentaires, les futurs habitants ont choisi Wolfram Tietz du bureau planerkollektiv pour son expérience en matière de « Baugemeinschaften»1, mais aussi en matière de rénovation de bâtiments. Son esquisse a convaincu le groupe notamment par un nouveau système de distribution original au centre du bâtiment. Le nouvel escalier a permis la création d’une majorité de logements traversants. L’entrée principale dessert les logements de la partie centrale par le nouvel escalier, tandis que les deux entrées latérales profitent des cages d’escalier existantes pour distribuer les logements dans les deux ailes. Afin de garantir la conservation de l’immeuble, il a été classé avant les travaux. Le classement de l’immeuble affirme une des volontés premières du groupe « StattSchule » : celle de conserver un bâtiment ancien emblématique pour le quartier. Cette décision a fait l’objet de débats. Les détracteurs ont fini par se résigner ou ont dès lors quitté le projet. La volonté de conservation de l’aspect du bâtiment ancien alla pour les futurs habitants jusqu’à conserver toutes les façades extérieures en briques. L’architecte a dû tenir compte des exigences de la Commission des Monuments et Sites et des désirs des futurs cohabitants en matière de rénovation. Ce qui importait à la première était l’aspect de la façade principale. Celle-ci a donc été conservée et remise en état. Par ailleurs l’ajout de deux étages en toiture a du respecter un certain retrait par rapport à la façade principale, afin d’éviter que ceux-ci ne puissent être vu depuis la rue. Néanmoins l’ajout de ces deux étages a été primordial à la faisabilité économique du projet, car il a permis l’adjonction de 6 logements supplémentaires. Il a cependant nécessité la consolidation des fondations de l’ancien édifice.

Figure 28  :  Vue depuis le jardin de l’aileca.Nord 1970 vers 1970 (StattSchule)

Figure 29  :  Vue depuis le jardin de Der l’aile Nord Garten 2009et de la partie centrale en 2009 avant la rénovation (StattSchule)

1 terme allemand désignant les groupes d’habitat en autopromotion 36 Lebendige Geschichte

Die Baugemeinschaft „StattSchule“

zu halten und ihr einen Platz in der


b. Phase de construction : Le projet, le chantier et les matériaux Presque 8 ans après le repérage du site par le premier groupe d’intéressés en 2002, la rénovation put débuter en 2010. La façade remise à nu laisse apparaître le caractère ancien de l’édifice et fait la fierté de ses habitants. Ce n’est qu’après avoir débarrassé les murs de leur crépi que l’on a pu s’apercevoir que les briques n’avaient pas une teinte régulière. Il a donc fallu faire appel à un artisanrestaurateur de Brême pour redonner vie et couleur à la façade. Celui-ci a en effet également dégagé les appareillages des ailes qui avaient disparu sous l’enduit.

Figure 30  :  [haut] Appareillages de ailes remis à jour (LT) Figure 31  :  [bas] Balcon donnant sur le jardin (Irene Graf)

Figure 32  :  Vue de l’entrée principale depuis la rue (Dorfmüller | Kröger | Klier)

Deux attitudes différentes se répondent de part et d’autre de l’édifice, entre la façade principale et le jardin. La première témoigne d’une stricte attitude de conservation imposée, tandis que les autres façades sont le reflet de la nouvelle vie de l’édifice. La corniche en encorbellement de la partie centrale du côté rue a dû être conservée et remise en état. Les soubassements et la cour anglaise avec sa grille ont également dus être restaurés. Alors que certaines fenêtres ont été transformées en porte-fenêtres pour donner accès à des balcons avec la vue sur le jardin, la plupart des fenêtres ont gardé leurs dimensions d’origine. Il faut souligner que les allèges étaient à 1,10 mètre de haut pour éviter que les écoliers les plus distraits ne regardent par la fenêtre. Certains habitants ce sont accommodés de ces allèges, d’autres ont surélevé le sol de quelques marches dans les pièces de vie pour profiter de la vue.

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Les hauteurs sous plafond de 4 mètres offrent un caractère particulier aux logements. D’aucuns en ont profité pour installer leur lits en mezzanine. Précisons que ces surfaces supplémentaires n’entrent pas dans le calcul des surfaces maximales pour les logements sociaux. La générosité des espaces hérités de l’ancien édifice se ressent jusque dans les couloirs d’accès aux logements qui sont de véritables espaces, que les habitants n’ont eu aucun mal à s’approprier. En ce qui concerne les performances énergétiques du bâtiment, il a fallu faire appel à la créativité et à l’expérience de l’architecte. Voulant à tout prix préserver les briques apparentes à l’extérieur, il était hors de question d’envisager une solution de type crépis sur isolant ne fut-ce que pour la façade côté jardin. Les ouvrants des fenêtres furent démontés pour remplacer le simple vitrage par un double vitrage étanche plus performant, tandis que les étanchéités au droit des baies furent améliorées. Seulement certaines parties du bâtiment ont pu être isolées par l’intérieur. Les ailes dont la structure des planchers se constitue de voûtes de briques ont pu être isolées. Les autres parties dont les planchers sont en bois non pas pu être isolées. L’isolation par l’intérieur de ces parties aurait conduit à l’aggravation des ponts thermiques que représentent les appuis des anciennes poutres dans les murs de façade. La ventilation mécanique double flux avec récupération de chaleur a permis de remédier à ce problème. La qualité de l’air étant contrôlée en permanence, aucune condensation ne se forme aux droits des ponts thermiques. La ventilation mécanique est assurée par deux unités distinctes pour la partie ancienne du bâtiment, une pour la partie Sud et une pour la partie Nord. La VMC de la nouvelle partie est quant à elle organisée différemment. En effet, dans cette partie, chaque logement possède son propre groupe technique.

Figure 33  :  Vue de la terrasse côté rue au 3ème étage (LT)

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Figure 34  :  [haut] Terrasse de la salle commune côté jardin au 4ème étage (LT) Figure 35  :  [bas] Terrasse des appartements dans les ailes du bâtiment ancien au 3ème étage (LT)


Certains planchers ont pu être isolés, notamment entre la cave et le rez-de-chaussée et entre le deuxième et le troisième étage lors du remplacement du plancher existant par un plancher en béton qui porte la nouvelle construction. Si des dérogations ont pu être obtenues pour la cause dans la partie ancienne, il n’en est bien évidemment pas le cas pour la nouvelle construction. Celle-ci - isolée conformément aux normes allemandes en matière de consommation énergétique dans les logements sociaux - atteint les performances de l’ordre de 35 kWh/m²an. Pour l’ancienne construction les performances sont passées de la classe G avec 301 kWh/m²an à la classe A avec 46 kWh/m²an après la rénovation. Le choix d’une chaudière à pellets assistée de panneaux solaires thermiques pour le chauffage de l’ensemble des logements et de l’eau chaude sanitaire témoigne du souci de durabilité écologique des habitants. Le réseau de chaleur du quartier passant par le bâtiment n’a pas été retenu pour le chauffage. Les habitants voulaient rester indépendant de celui-ci. Néanmoins ils ont pu en tirer parti, en installant l’espace de séchage de la buanderie dans le local par lequel il passe. L’ancien édifice est constitué de murs porteurs pleins en briques et de planchers en poutres de bois ou en voûtes de briques selon les parties. Les murs de plus d’1 mètre d’épaisseur au niveau des soubassement ne mesurent plus que 40 centimètres d’épaisseur en haut au 3ème étage. Dans la liste des quelques imprévus classiques de rénovation, on peut noter le désamiantage des revêtements de sol qui contenaient une faible quantité d’asbeste. La structure de la nouvelle partie a quant à elle été réalisée en maçonnerie et planchers de béton. L’isolation par l’extérieur est constituée de polyuréthane et de laine minérale. La volonté de l’usage de matériaux écologiques avait été énoncée aussi bien par les habitants que par l’architecte. Cependant pour des questions de coût et d’assurance d’atteindre le niveau de performance énergétique requis ceux-ci ont dû être écartés. Les habitants avaient délégué le contact avec l’architecte à un plus petit groupe de travail constitué d’une demi-douzaine de personnes. Comme bon nombre des membres de la coopérative possédaient des connaissances en matière d’architecture et de techniques spéciales, l’architecte pris le soin de les informer plus précisément du déroulement du projet.

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c. Après livraison : Vie et réalités du projet Il y a 3 ans, les derniers habitants de « StattSchule » emménageaient dans leur cocon tant attendu. Le quartier majoritairement résidentiel et composé d’immeubles anciens accueille aujourd’hui de plus en plus de nouvelles constructions. La Ville d’Hambourg présente un cruel manque de logements et plus particulièrement pour les familles moins aisées.

à l’échelle du quartier L’ancrage historique du bâtiment dans le quartier est incontestable, il participe d’ailleurs à la fierté de celui-ci. Les initiatives de la coopérative pour le quartier sont en cours de réflexion. On peut déjà constater la présence timide d’une « Tauschkiste » 1, qui fait le bonheur de tout le quartier. Initiée par la coopérative et se trouvant sur le trottoir qui a la particularité d’être inclus dans la propriété de l’ancienne école, la boîte à échanges voit passer donneurs et preneurs intéressés dans un balai incessant. Le principe est simple, celui qui veut donner quelque chose qui est encore en bon état et dont il n’a plus besoin peut le déposer dans la boîte. Chaque don n’équivaut pas à un échange systématique. Rien ne peut dépasser de la boîte sur la voie publique. Ce n’est ni le lieu pour déposer de la nourriture ou ses déchets. Celui qui est intéressé par quelque chose le prend et repars content. Farouche mais symbolique, c’est peut-être le départ d’autres initiatives. La coopérative réfléchit à un système de CarSharing, équivalent des voitures à partager. Le moyen de transport préféré des bons élèves est le vélo. Celui-ci est d’ailleurs largement présent dans la Ville d’Hambourg.

Figure 36  :  « Tauschkiste »1 (Jay Jörn)

1 traduction française : « boîte à échanges » 40

Figure 37  :  [haut] Vue de l’entrée latérale au Nord (LT) Figure 38  :  [bas] Bâtiments voisins côté jardin (LT)


La plupart des familles de « StattSchule » résidaient déjà dans le quartier avant d’emménager dans l’école, elles ont donc pu garder les mêmes habitudes en matière de mobilité pour déposer les enfants à l’école, aller travailler ou encore faire leurs courses. La Ville a néanmoins exigé la mise en place d’une quinzaine de places de parking en soussol sous l’ancienne cour de récréation, en plus de la dizaine de celles déjà présentes dans la rue. L’accès au parking est partagé à tout l’îlot ce qui a quelque peu compromis le projet de CarSharing. Si les habitants de « StattSchule » peuvent vivre qu’avec 5 voitures, ce n’est forcément le cas de leurs voisins qui n’étaient pas encore prêts à abandonner quelques places de parking pour des voitures partagées. Il faudra donc tenter de donner une autre chance à ce projet en concertation avec les voisins de l’îlot. De plus la coopérative est en train de monter un projet de FoodCoop. Une salle en sous-sol du bâtiment a déjà été réservée à cet effet. Les habitants du bâtiment ainsi que les voisins qui voudraient s’y joindre pourront par le bais de la coopérative, acheter leurs fruits et légumes directement chez le grossiste et ainsi économiser les marges des intermédiaires.

à l’échelle de l’immeuble Selon Dieter Schmidt, habitant et propriétaire présent depuis le tout début du projet, on peut même dire que l’intérêt pour le « vivre ensemble » a grandi au fur et à mesure des années. Il faut noter l’absence d’un quelconque règlement d’intérieur. Dieter m’explique qu’en effet ils n’en ont pas besoin, quand un problème se présente on le règle directement. L’atmosphère est bon enfant.

Figure 39  :  [haut] Salle commune au sous-sol (LT) Figure 40  :  [bas] Voûtes et prises de lumière de la salle commune (LT)

Figure 41  :  Atelier bois en préparation (LT)

41


Les salles communes en toiture ou à la cave offrent aux habitants différentes possibilités de se rencontrer. La salle au 4ème étage donne accès au toit-terrasse avec vue sur le port d’Hambourg. Elle est utilisée pour la tenue de réunions du conseil d’administration de la coopérative ou encore pour les séances plénières. La salle commune au sous-sol est le lieu de parties de ping-pong endiablées, ou de la pièce de théâtre de fin d’année, ou encore de la fête annuelle de la coopérative à laquelle chaque famille peut inviter une dizaine d’amis extérieurs. Les caves offrent bon nombre d’espaces à s’approprier. Chaque famille a accès à un espace de stockage personnel dans la cave. Hormis la salle réservée à la FoodCoop, on peut encore noter la présence d’une buanderie utilisée par une quinzaine de foyers. L’espace de séchage du linge est chauffé par le réseau de chaleur du quartier qui passe par la pièce. Un autre espace est un atelier bois en devenir. Le matériel de celui-ci est mis à disposition par quelques habitants motivés. La coopérative est légalement tenu d’avoir un conseil d’administration. Les membres qui décident de s’engager dans celui-ci doivent prendre en considération l’investissement personnel que cela constitue en temps. Une réflexion est d’ailleurs en cours quant à la durée des mandats. D’aucuns considèrent que les membres du conseil d’administration devraient effectuer des mandats de 6 ans. Les deux premières années les nouveaux membres sont formés par les plus anciens. Les deux années suivantes les membres formés peuvent appliquer et siéger indépendamment. Finalement les deux dernières années servent à former la génération suivante. Outre le conseil d’administration qui s’occupe principalement de la révision des factures d’eau, de chauffage et d’électricité, d’autres groupes aux intérêts variés se sont formés dans la « StattSchule ».

Figure 42  :  Vue du nouvel escalier dans la partie centrale (LT)

42

Figure 43  :  [haut] Vue de l’accès au jardin depuis l’intérieur de l’îlot (LT) Figure 44  :  [bas] Vue du nouvel escalier dans la partie centrale (LT)


La chaudière à pellets a son propre groupe d’entretien. Il est constitué d’une dizaine de personnes qui s’occupent de vider les cendres une fois par mois en été et toutes les semaines en hiver. La gestion de la déclaration d’impôt et du bilan de la coopérative est confiée à une entreprise spécialisée. Cependant le minimum possible de la gestion de l’immeuble est confié à des tiers. Des séances plénières ont lieu plus au moins tous les mois ou deux fois par mois selon la demande. Celles-ci sont le lieu de décisions et de présentations des différents groupes de travail à l’ensemble des habitants. Ainsi, le projet d’installation de panneaux photovoltaïques fit l’objet de plusieurs séances pour bien expliquer la complexité du montage financier. Liz Kistner, habitante engagée, me confia alors que chacun des habitants avaient dû comprendre les rouages du projet avant qu’il ne puisse être voté. Fièrement, elle considère que la partie pédagogique des séances plénières y est pour quelque dans l’ambiance de la « maison ». Il faut souligner la complexité du projet photovoltaïque. Si les factures d’eau et de chauffage sont assez simplement réglées chacun possédant des compteurs sur les corps de chauffe et aux arrivées d’eau chaude et froide dans les appartements, il n’en va pas de même pour l’électricité. Chaque famille choisissait son fournisseur d’électricité indépendamment de l’immeuble. Pour éviter de devoir payer des taxes sur le courant photovoltaïque produit par la future installation, il a tout d’abord été décidé de prendre un fournisseur commun à tout l’immeuble. L’installation des panneaux photovoltaïques est en fait le meilleur remède trouvé pour palier à des unités de ventilation double flux bien plus énergivores que prévu. Hormis les quelques animosités de bon voisinage, les habitants sont tellement heureux qu’aucun n’imagine dès lors habiter ailleurs. Certaines discussions idéologiques ont pu naître autour de la décoration de l’entrée au moment de Noël. En effet, le traditionnel sapin ne fit pas l’unanimité. Ceux dotés de mains vertes qui affectionnent le travail de la terre ont un avis très tranché sur l’aménagement du jardin, qui peut être l’objet de vifs débats avec d’autres habitants moins passionnés d’horticulture. Quant à la gestion des déchets, chaque foyer est tenu de faire un tri préalable avant d’aller les déposer dans les différents containers dans la rue. Ces containers privatifs enterrés sont accessibles grâce à une clé. Ce système permet d’éviter une gestion répartie entre les habitants et donc une éventuelle source de conflits. En outre 2 des 34 logements sont adaptés pour des personnes à mobilité réduite et certains habitants ayant tout juste passé la cinquantaine réfléchissent à une cellule d’aide aux personnes âgées pour leurs vieux jours. En constante évolution avec encore bon nombre de projets à venir, les habitants n’ont de cesse que d’adapter leur maison à laquelle ils s’identifient.

43


à l’échelle du logement Outre les deux à trois séances plénières réunissant l’architecte et tous les habitants, l’architecte a eu non pas une seule mais trois réunions avec chaque famille, soit une centaine de réunions uniquement pour la conception des logements. De par leur large participation à la conception les habitants sont aujourd’hui globalement très satisfaits de leur logement. Ainsi, Wolfram Tietz, l’architecte, m’a certifié qu’il n’avait pas deux logements les mêmes. En matière de confort les avis dépendent de la localisation de l’appartement dans le bâtiment. Si les nouveaux murs entre appartements présentent une parfaite isolation acoustique, ce n’est pas le cas des anciens murs beaucoup moins performants. Même si on entend les bruits de pas des voisins du dessus, la gêne occasionnée est bien moins moindre que dans leurs anciens logements. En ce qui concerne le confort thermique, il est assurément bon en été grâce à l’inertie que procurent les épais murs de briques. Ceux-ci sont d’une épaisseur de plus d’1 mètre pour les soubassements et de 40 centimètres au dernier étage de l’ancien édifice. Le confort thermique en hiver est globalement bon dans les appartements de la partie centrale mais présente quelques failles dans les ailes Sud et Nord. Il y fait un peu plus froid que dans le reste du bâtiment. Les locataires louent leur logement à la coopérative dont ils sont membres. Ils ont de ce fait un plus grand pouvoir de décisions concernant les espaces communs que pour une location à un propriétaire quelconque.

Figure 45  :  [haut] Cuisine à vivre - réunion du living et de la cuisine (Dorfmüller | Kröger | Klier) Figure 46  :  [bas] Salle à manger avec vue sur le balcon (Dorfmüller | Kröger | Klier) 44

Figure 47  :  Vue intérieure d’un logement : porte-fenêtre donnant sur le balcon (Dorfmüller | Kröger | Klier)


Néanmoins ils ont également bénéficié d’une ouverture particulière non seulement en matière d’agencement des espaces entre eux mais aussi en ce qui concerne le choix des finitions. L’architecte a dû convaincre les habitants de la qualité que représente une grande cuisine à vivre, plutôt que la traditionnelle cuisine fermée coupée des pièces à vivre. La contraction de ces espaces n’a rien changé en termes de surface mais bien en terme de qualité de vie. S’il paraît naturel que les propriétaires aient pu choisir des finitions de meilleure qualité, les locataires ont quant à eux aussi pu adapter plus au moins les finitions en fonction de leur budget. Le surcoût engendré par un tel choix a naturellement été reporté sur le locataire qui en faisait le choix, mais il a permis une réelle appropriation des lieux de vie par leurs occupants.

d. Après la vie du projet ? Il fait si bon vivre dans la « StattSchule » que leurs habitants n’ont pas encore prévu de règles bien définies quant à la sortie de la coopérative de leurs membres. Certains principes existent tout du moins. Premièrement si un propriétaire décide de vendre son appartement, la coopérative possède un droit de préemption pour le rachat. Deuxièmement, si un locataire déménage, les plus proches voisins du nouvel arrivant auront un droit de regard. Un refus d’un nouvel arrivant ne pourrait se faire que s’il a été dûment motivé auprès de la coopérative. Ce qui est sûr c’est que plus de personne rêvent aujourd’hui d’y entrer que d’en sortir. Le seul habitant à avoir quitté les lieux suite à une séparation regrette l’ambiance unique du groupe. Les autres ne pensent pas encore à déménager. La question se posera peut-être avec l’âge, comme dirait Liz, une des jeunes doyennes du projet.

Wir sind StattSchule und WeltKlasse ... Figure 48  :  Photo de groupe des habitants devant le port d’Hambourg (StattSchule)

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Plan: *planerkollektiv* Architekten Tietz Trommer GbR Westansicht Westansicht

Élévation

de la façade principale exposée

Ouest

Ostansicht Ostansicht

Élévation

de la façade côté jardin exposée

Est

Zwei Ansichten: *planerkollektiv* Architekten Tietz Trommer GbR

Zwei Foto

Zwei Ansichten: *planerkollektiv* Architekten Tietz Trommer GbR

hulhof zum Gemeinschaftsgarten

Coupe 46

longitudinale avec répartition des appartements

Längsschnitt


côté jardin

Coupe

du bâtiment existant ( avant les transformations )

côté jardin

Coupe

côté rue

côté rue

transversale ( après les transformations )

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Plan

du rez - de - chaussĂŠe ( avant les transformations )

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Plan

du rez - de - chaussÊe ( après les transformations )

49


Plan

du

2ème étage

50


Plan du

3ème étage

51



B r u to p i a

Bru- : Bruxelles,

la ville

- u to p i a : l ’ u to p i e

U to p i e

b r u x e l lo i s e


3. B r u t o p i a

à

Bruxelles, Belgique

Figure 49  :  Vue de la façade avenue Van Volxem (Tim Van de velde)

Figure 50  :  Vue depuis le jardin intérieur de l’îlot (Tim Van de velde)

F iche d’identité Maître d’ouvrage : Brutopia asbl Maître d’œuvre : Stekke + fraas Lieu : Forest, Bruxelles Contexte : initiative citoyenne, début du projet en 2009, livré en 2012 au coeur d’un quartier déjà bien desservi en matière de mobilité et infrastructures (crèches, magasins...) Nombre de logements : 29 (25 propriétaires et 4 locataires) Nombre d’habitants : 80 Espaces collectifs : salle de réunion, jardin, salon lavoir Surfaces des logements : de 73 à 154 m² Surface totale du bâtiment : 5001 m² Coût de construction au m² : entre 2000 et 2500 €/m² (terrain, taxes et second œuvre compris) Coût total : 5,42 Mio. € Standard énergétique : 27 logements passifs, 2 logements basse énergie - 28 kWh/m²an

Figure 51  :  Carte de Bruxelles avec situation de Brutopia (LT)

54


a. Phase de conception : Le groupe, le terrain, le projet L’idée de l’utopie bruxelloise a germé en 2008 dans la tête de Mark Van der Dries, suite à une discussion avec sa nièce qui était désespérée de ne pas trouver de logement abordable à Bruxelles. Fort de son expérience au sein de l’habitat groupé de « La Tréfilerie » comptant 59 logements à Laeken, il décida de créer un groupe plus axé sur l’écologie. En peu de temps, ils avaient rassemblé un premier groupe d’une quinzaine de personnes. Ayant déjà fait appel aux architectes François Stekke et Serge Fraas par le passé, Mark Van der Dries prit la décision de refaire appel à eux pour ce qui deviendra Brutopia. Le terrain trouvé fin 2008 correspond aux attentes du groupe : Le quartier est accessible depuis le centre-ville en transports en commun et dispose des infrastructures d’une grande utilité pour les futures familles qui habiteront le projet (crèches, écoles, supermarchés).

Figure 52  :  Brutopia dans la ville (LT)

Figure 53  :  îlot de Brutopia (LT)

Le terrain, sur lequel se situaient deux maisons et deux entrepôts à l’abandon depuis une vingtaine d’années, fut acquis dans d’excellentes conditions. Le propriétaire pris à sa charge la dépollution du site chargé en hydrocarbures. Le site a la particularité de présenter deux fronts de rue, un à l’est dans la rue Mérode et un autre à l’ouest dans l’avenue Van Volxem face à l’ancien site des brasseries Wielemans-Ceuppens, qui accueille aujourd’hui le centre d’art contemporain « Wiels ». Pour l’achat du terrain et la construction, le groupe se constitua en ASBL (association sans but lucratif). Très tôt, il apparu nécessaire au groupe de s’organiser efficacement pour pouvoir faire une étude de faisabilité de projet, surtout en ce qui concerne le volet financier. La taille du site permis la construction de 29 logements. L’intérêt grandissant pour le projet, de plus en plus de gens exprimaient leur désir de se joindre au premier groupe. Le premier groupe rassemblait une quinzaine d’entités - un minimum nécessaire afin de profiter d’économies d’échelle à la construction - et était en quelque sorte le noyau dur du projet. L’initiateur du projet pris le soin de mettre un deuxième groupe en « stand-by ». Ceux qui se trouvaient dans le deuxième groupe seraient alors les heureux élus si le projet venait à prévoir plus d’une quinzaine de logements. Le groupe des futurs cohabitants comprit très tôt la nécessité de former des groupes de travail aux compétences et activités variées. Le schéma à la page suivante explique en détail les différentes tâches des groupes et esquisse les relations entre les différentes entités. Un des groupes était notamment chargé de la réalisation d’enquêtes au sein du groupe afin de mieux cerner les envies et attentes de chacun par rapport au projet. La valorisation de l’investissement dans les groupes de travail a été compensée financièrement. Pour ce faire, ceux qui ne pouvaient pas s’investir, car travaillant à l’étranger ont accepté de payer leur logement plus cher, de l’ordre de 4%. 55


lieu d’échange et de réaction par rapport aux propositions des architectes

-

responsable de l’informatique, de la communication et des médias

-

économies d’échelle et réduction de l’empreinte écologique par le partage du matériel

-

responsable de la communication interne au projet : diffusion des rapports de réunions entre les différents groupes

intermédiaire entre les « Brutopistes » et les banques (souvent peu enthousiastes ou dubitatives quant à la solidité du projet collectif)

optimisation du nombre et coût de ressources informatiques par le partage du matériel

-

augmente l’éfficacité de réunions, car sujets déjà lancés en amont

-

au courant des aspects légaux et techniques pour l’obtention d’emprunts hypotécaires

-

-

trouver des acheteurs pour les surfaces commerciales de préférence à objectif social avec une fonction untile pour le quartier

-

-

définit et ajuste le programme de la construction

recherche et soutien d’initatives susceptibles de favoriser le « vivre-ensemble »

-

approche collective permet de négocier des taux attrayants et de soutenir ceux qui sont financièrement plus fragiles

-

-

réalisation des enquêtes sur les souhaits et besoins des membres du groupe

LA STRUCTURATION EN GROUPES DE TRAVAIL RELATIVEMENT AUTONOMES ASSURE UNE RÉPARTITION DES TÂCHES ET L’IMPLICATION DE

responsable de la gestion des comptes de l’asbl Brutopia

FONCTIONNEMENT DÉMOCRATIQUE DU PROJET.

TOUS LES MEMBRES, TOUT EN GARANTISSANT LE

-

« ligne du temps » : planification financière et organisation du paiement des factures

-

constitué de plusieurs « Brutopistes » également architectes (non impliqués professionnellement)

-

recherche d’informations par rapport à la part collective du projet : coûts et « pour & contre » d’un espace commun polyvalent, d’une laverie-buanderie commune, d’un espace de jeu pour les enfants

-

en étroite collaboration avec le notaire : préparation des textes relevant du droit (statuts de l’asbl, acter paiement d’acomptes...)

-

constitué de 3 membres ayant des compténces dans le domaine de la gestion

organisation de « confessions » pour évaluer les possibilités financières de chacun et savoir de quel budget chacun pourra disposer avant de s’engager définitivement

-

-

organisation de visites de projets similaires

débarrasser le terrain des déchets, réparations à éffectuer dans les lieux communs...

résoudre les problèmes techniques

-

-

-

Figure 54  :  Schéma des différents groupes de travail pour la conception de Brutopia (Brutopia, adapté par LT)

56


Le travail des groupes et la coordination de ceux-ci ne fut pas chose évidente. Mark Van der Dries, initiateur du projet qui s’était lancé dans cette aventure, car ayant une année sabbatique devant lui, y a finalement consacré 5 années. D’ailleurs il donne aujourd’hui des conseils à des groupes qui veulent se lancer dans un projet d’habitat participatif et a fait de coach de groupe d’habitat participatif son activité principale. Hormis la volonté de créer un lieu de vie respectueux de l’environnement, une des autres préoccupations des futurs habitants était de pouvoir rendre le projet accessible à tous peu importe leur statut social. Les habitants ont donc décidé d’assumer pleinement la mixité sociale de leur immeuble. Le prix des logements a été évalué en fonction de sa situation et de sa typologie. Un appartement au premier étage avec balcon vaudra donc moins qu’un appartement au cinquième étage avec une grande terrasse, bien que le prix soit le même à la construction. Il a été volontairement décidé de gonfler les différences pour permettre la mixité sociale. Ainsi la différence de prix rapportée au mètre carré entre deux appartements peut monter jusqu’à 1000 euros. L’appartement le plus accessible est estimé à 1200 €/m² livré casco 1. La livraison casco était une autre volonté des « Brutopistes ». Elle permit à chacun d’effectuer les travaux de finitions à ses goûts et à son rythme. Le coût du projet fut réduit de 20 à 30% en comparaison avec des logements neufs de même type, grâce au regroupement de presque une trentaine d’entités pour l’achat du terrain et grâce à la construction collective sans promoteur, dont le travail était pris en charge par les habitants. Il ne faut pas croire en une exception : Le modèle est tout à fait reproductible.

Figure 57  :  [haut] Vue panoramique depuis le site du Wiels avenue Van Volxem (Brutopia) Figure 58  :  [bas] Vue du centre d’art contemporain aujourd’hui (ArtBuild)

Figure 55  :  [gauche] Façades des anciennes bâtisses abandonnées, av. Van Volxem (Brutopia) Figure 56  :  [droite] Ancien entrepôt avant la démolition (Brutopia)

1 Terme d’immobilier qui qualifie la vente d’un immeuble inachevé, dans l’état où il se trouve. Il s’agit souvent d’un gros œuvre fermé, mais dont les aménagements intérieurs n’ont pas été réalisés. (Lexique en ligne : https://www.notaire.be/lexique/C/casco) 57


b. Phase de construction : Le projet, le chantier et les matériaux Après enquête auprès de ses participants, il est apparu que personne ne ressentait le désir d’habiter au rez-de-chaussée. Préférant prendre de la hauteur, les habitants ont néanmoins su saisir l’opportunité que cela offrait au projet. C’est ainsi que les rez-de-chaussée ont pu être vendus comme surfaces commerciales, ce qui permit encore de compenser une partie des coûts du projet. Les deux bâtiments de l’îlot s’organisent de manière similaire. Le projet compte deux cages d’escalier et d’ascenseur, une par bâtiment. Celles-ci desservent soit directement des appartements de plein pied, soit des coursives à rue qui amènent à des duplex. Les coursives du 1 er étage sont couvertes, tandis que celles du 4ème étage sont à ciel ouvert. Un autre point essentiel du projet était de pouvoir offrir à chaque logement un espace extérieur de bonne taille. Les balcons, dont la taille a été choisie par les habitants en fonction de leurs moyens et désirs, sont situés en intérieur d’îlot et offrent des vues sur le jardin collectif en contre bas. Les balcons situés au 1er étage profitent d’un escalier qui permet d’accéder au jardin directement sans repasser par l’intérieur de l’immeuble.

Figure 59  :  Détail de la façade côté jardin (stekke + fraas)

Figure 60  :  Vue depuis un balcon du 1er étage (stekke + frass)

Si 27 des 29 logements sont passifs, les deux derniers et les rez-de-chaussée atteignent des standards «très basse énergie». Les architectes ont fait ce choix, qui s’inscrit dans une démarche d’architecture raisonnée, considérant le surcoût que cela représenterait pour rendre tout le bâtiment passif. Le bâtiment atteint donc des performances de 28kWh/m²an. Bien que livrés casco les appartements intégraient déjà un groupe de ventilation et un boiler d’eau chaude. L’achat groupé et l’installation répétitive de ces éléments a permis des économies d’échelle non négligeables.

58


La ventilation mécanique double-flux prend l’air neuf en toiture du côté jardin et rejette l’air vicié en toiture du côté rue. Le regroupement des prises et évacuations d’air permet d’éviter des sorties à de multiples endroits en façade. Chaque bâtiment possède une chaudière à gaz à condensation nécessaire au chauffage de l’eau chaude qui alimente les boilers de chaque appartement. Des panneaux solaires thermiques en toiture permettent de délester quelque peu les chaudières. En ce qui concerne les corps de chauffe, le choix était laissé aux habitants. Outre le groupe de ventilation et le boiler, les appartements casco intégraient également déjà les isolations acoustiques entre appartements. Très tôt dans le début du projet les architectes ont intégré les réflexions du bureau d’études Daidalos en matière d’acoustique et de thermique. Bien qu’amenant de nombreuses contraintes, comme un pourcentage maximal d’ouvertures par surface de façade, stekke + fraas ont réussi à concevoir des logements lumineux. L’expression simple - mais étudiée - des façades témoigne d’une certaine réussite dans cet exercice. Un petit livre vert édité par les architectes du projet a été distribué aux différents corps de métiers et architectes intervenants pour le second œuvre. Celui-ci comprenait les plans, les indications techniques quant à la ventilation mécanique ou au boiler, mais aussi des restrictions concernant par exemple les saignées pour l’installation électrique. Ceci afin d’éviter que les étanchéités à l’air ou les isolations acoustiques ne soient endommagées suite à la réalisation des finitions. Soucieux de l’environnement, le petit livre vert contenait également des directives en ce qui concerne l’utilisation de matériaux écologiques. Les sols en époxy, en résine acrylique ou encore les peintures fortement dosées en solvants sont prohibés. Le livre donne encore quelques conseils pour l’utilisation de bois labellisé et des obligations quant à l’installation de chasses d’eau économique ou de pommeaux moussants.

Figure 61  :  [haut] Esquisse d’une coursive couverte (stekke + fraas) Figure 62  :  [bas] Vue des balcons sur le jardin (Tim Van de velde)

Figure 63  :  [haut] Vue d’une coursive terrasse couverte (Tim Van de velde) Figure 64  :  [bas] Esquisse de la façade côté jardin (stekke + fraas) 59


La récupération des eaux de pluie a également été prévue. Les eaux récupérées sont celles de la toiture d’un des bâtiments de Brutopia et de la toiture du hall de sport voisin. L’eau de pluie alimente toutes les toilettes et sert notamment à l’arrosage du jardin ou encore au nettoyage. Les matériaux utilisés pour le gros-œuvre fermé correspondent eux au référentiel d’écoconstruction édité par le Nederlands Instituut voor Bouwbiologie en Ecologie - NIBE. Les châssis sont en bois labellisé FSC et munis de triple vitrage pour les logements, tandis que le rez-de-chaussée et muni de double vitrage. Le bardage en aluminium a été choisi pour sa légèreté et pour les multiples possibilités de recyclage qu’il présente. En effet, vu l’isolation demandée, il fallait un matériau de bardage pouvant être suspendu à 28 centimètres du porteur. L’isolation en laine minérale est de 24 centimètres. La structure des deux bâtiments est en béton coulé sur place jusqu’au deuxième étage. Aux étages supérieurs, il s’agit d’une structure mixte en béton coulé sur place et en blocs de silicate.

Figure 65  :  Coursive et façade à rue (Tim Van de velde)

60

Figure 66  :  Balcons et façade vers le jardin collectif (Tim Van de velde)


c. Après livraison : Vie et réalités du projet Les « Brutopistes » ont pu emménager fin de l’année 2013 dans leurs nouveaux logements. Lauréat de l’appel à projets Bâtiments exemplaires - Batex en 2009, Brutopia se veut ouvert sur le quartier Saint-Antoine et la ville aux alentours.

à l’échelle du quartier La volonté d’ancrer le bâtiment dans le quartier s’exprime notamment par le type d’acheteurs auxquels les « Brutopistes » ont décidé de vendre leurs surfaces commerciales. Situées aux rez-de-chaussée elles bénéficient d’une ouverture directe sur la rue. Parmis les occupants des rez-de-chaussée ont compte trois bureaux d’architecture, dont celui de stekke + fraas. Outre les bureaux d’architecture ont peut compter deux centres de service au quartier. La Maison de l’Énergie - Midi en charge des communes de Forest, Anderlecht et Saint-Gilles offre des conseils en matière d’énergie pour permettre d’effectuer des économies. Les prestations dont certaines sont gratuites vont de la visite à domicile à l’accompagnement des travaux en passant par de petites interventions pour diminuer les factures d’énergie. Lors de la visite à domicile, les conseillers en énergie posent un diagnostic et donnent des trucs et astuces à appliquer quotidiennement. Ils proposent également des petites interventions comme le remplacement d’étanchéités de châssis, ou encore l’installation de pommeaux moussants. Ces interventions sont effectuées par une asbl active dans le domaine de l’économie sociale, employant des personnes en difficultés sur le marché de l’emploi dans le secteur de la construction. L’accompagnement des travaux consiste en des recommandations techniques, administratives et financières personnalisées, comme par exemple la possible obtention d’un prêt vert ou de primes de la part de la région. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

entrée miroir profond espace de rencontre bar/cuisine stockage buanderie soins salle de réunion bureau

Figure 67  :  Plan du centre de jour Miro pour personnes du 3ème âge, situé rue de Mérode (Stefan Van Moll - Architecte)

En plus de la Maison de l’Énergie, les bâtiments de Brutopia accueillent un centre de jour pour personnes âgées chapeauté par la Communauté flamande. Ce centre ouvert aux habitants de Brutopia comme à ceux du quartier proposera différents services : aides administratives, repas à des prix abordables, formations Internet ou encore cours de danse et parties de cartes. Le but est de lutter contre l’isolement des personnes âgées et de leur permettre de pouvoir vivre chez elles le plus longtemps possible. Le jardin commun aux logements leur sera ouvert à condition que l’ambiance de bon voisinage reste intacte. Le centre n’accueille pas encore grand monde aujourd’hui, probablement car il n’est pas encore installé dans le quartier depuis très longtemps et qu’il faudra que les gens découvrent son existence. 61


à l’échelle de l’immeuble Hormis ces activités, il faut encore noter que Brutopia dispose d’environ 25 places de parking en sous-sol sous le bâtiment et que celles-ci ont pour certaines été vendues à des habitants du quartier. Même si les « Brutopistes » ont à la construction largement pensé lâcher leur voiture pour se mettre au vélo, il s’agissait bien là d’une des utopies du projet. Presque chacun détient aujourd’hui encore une voiture, deux appartements seulement partagent une voiture. Il faut dire que la station Cambio - un service de voitures à partager - se situe à quelques pas de l’immeuble. Cependant les habitants avaient prévu 80 emplacements vélos, le changement de mobilité pourra donc se faire sous peu. Au rez-de-chaussée se situe une salle polyvalente commune, laquelle a longtemps vu sa nécessité débattue. En effet, si aux yeux de certains elle semblait indispensable à la tenue des activités de groupe, elle aurait pu être cédée à une autre activité et permis la vente de quelques 70 mètres carrés supplémentaires. Ceux-si sont aujourd’hui judicieusement utilisés notamment pour les réunions mensuelles de l’asbl ou encore celles du conseil de gérance de la copropriété. La salle commune peut également se muer en un lieu pour la tenue de goûters d’anniversaire et a servi pour la diffusion des matchs de football de la Coupe du Monde l’an passé. La question du potager a été abordée avec un architecte de jardin qui ne considérait pas le toit comme le lieu idéal pour la culture de fruits et légumes. Le jardin collectif au rez-de-chaussée ne présente quant à lui qu’un zone réduite en pleine terre, et l’exposition ni serait pas optimale. Néanmoins une habitante passionnée fait pousser des potirons dans le jardin.

Figure 68  :  Vue de la façade rue de Mérode (Tim Van de velde)

62

Figure 69  :  [haut] Terrasse de la salle commune (Tim Van de velde) Figure 70  :  [bas] Vue de la façade avenue Van Volxem (Tim Van de velde)


Le jardin accueille également un lieu de compostage. Cependant les habitants ont cessé de l’utiliser suite à un manque d’informations quant à son bon fonctionnement. Il faudra donc quelques réunions et explications supplémentaires pour la bonne gestion du compost. Un couple d’habitants réfléchit justement à la communication interne entre les habitants. Le blog créé au départ ne fonctionne plus et la majorité des échanges se font par mail. Certaines tâches partagées sont organisées de 6 mois en 6 mois pour la sortie des poubelles et le nettoyage des communs. Chaque semaine un logement différent a la charge de sortir les poubelles. Le nettoyage des communs, une tâche également hebdomadaire est effectuée par les occupants de deux logements. Cette solution a été trouvé après avoir remarqué que si un seul occupant était en charge de cette tâche, elle était souvent oubliée. Les habitants se sont engagés à s’investir 100 heures de tâches relatives aux communs tous les 6 mois. Ils peuvent cependant choisir de payer ses heures au prix des titres-services à l’ASBL si ne désirent pas ou ne peuvent pas s’investir autant. En plus de ces tâches régulières, deux journées de travail collectif pour l’entretien de l’immeuble sont organisées chaque année. Ces jours-là les habitants s’occupent notamment du nettoyage des toitures, ou encore de avaloirs. Si la plupart des logements sont occupés par leur propriétaires, 3 avaient été conçus comme appartements de rapport voués à la location. Suite au décès d’un des doyens du groupe, 4 appartements sont aujourd’hui en location. La convention de location prévoit que les locataires s’investissent au même titre que les propriétaires occupant leur logement. Au jour d’aujourd’hui, des quatre logements en location deux sont occupés par des habitants qui recherchaient ce type d’habitat participatif où tout le monde se connaît et où les opportunités d’entre-aide sont plus nombreuses.

Figure 71  :  [haut] Terrasse privative d’un appartement au 5ème étage (Tim Van de velde) Figure 72  :  [bas] Balcons qui se répondent autour du jardin collectif (Tim Van de velde)

Figure 73  :  Coursive - terrasse, un espace que les habitants se sont vite appropriés (Tim Van de velde) 63


à l’échelle du logement Les opportunités de s’investir sont nombreuses au sein de Brutopia, rien n’empêche cependant d’avoir une vie plus discrète et de consacrer moins de temps au groupe. Le confort intérieur des logements est donc relativement important pour préserver un confort de vie et une intimité nécessaire à chacun. En matière de confort acoustique, le triple vitrage offre une parfaite isolation des bruits de la rue, des voies ferrées, ou encore de ceux du jardin collectif relativement bruyant. L’isolation des bruits aériens entre appartements est également de bonne qualité. Contrairement à celle des bruits d’impacts, les bruits de pas sont donc perceptibles entre deux logements. Le bâtiment passif avec ses 24 centimètres de laine minérale offre une excellente isolation en hiver. S’il faut tout de même un peu de chauffage entre novembre et mars, le confort thermique est assuré. En été, la situation est pour le moins préoccupante. Les normes du passif prévoient un maximum de 10 jours de surchauffe par an, c’est à dire 10 jours à plus de 25 degrés à l’intérieur du logement. Selon les dernières mesures, la surchauffe dure entre 2 à 3 mois ! Un groupe d’habitants va prochainement se réunir pour voir quelles seraient les solutions possibles pour remédier à ce problème de taille. Ces surchauffes sont très probablement dues à un manque de protections solaires. Le bureau d’études avait pourtant certifié qu’avec des stores extérieurs métalliques on n’excéderait pas les 10 jours de chaleur. Chaque élément ayant coût budgétaire, le projet tire évidemment sur les limites de certains éléments. Il semble dès lors que pour ce sujet les limites aient été franchement dépassées.

Figure 74  :  Aménagement intérieur d’un appartement : sols et plafonds laissés bruts (Tim Van de velde) 64

Figure 75  :  Cuisine d’un appartement du quatrième étage donnant sur la rue de Mérode (Serge Anton) Figure 76  :  Cuisine d’un autre appartement avec vue sur le jardin (Serge Anton)


On pourrait aussi simplement préconiser aux habitants d’ouvrir leurs fenêtres pour profiter de la ventilation naturelle. Pour ceux ayant un logement qui donne sur l’avenue Van Volxem, le dilemme est tout de même cornélien : ouvrir la fenêtre et avoir une température correcte à l’intérieur mais subir les moustiques de la zone marécageuse du Wiels et supporter le vacarme des trains qui passent non loin; ou garder les fenêtres fermées et avoir trop chaud. Quant aux inquiétudes relatives au vécu des coursives elles ont très vite disparues. Elles sont même plutôt agréables et sont devenues de vrais espaces à vivre vu leur profondeur généreuse. C’est plutôt du côté du jardin que certains habitants se sentent relativement exposés et un peu trop proches de leurs voisins. Le souhait d’avoir une gradation plus riche dans les différentes échelles d’intimité entre le collectif et le privé se fait quelque peu sentir. Il y a peut-être quelque chose de trop théâtral dans ces balcons donnant sur le jardin collectif tel une arène.

d. Après la vie du projet ? Le groupe de composition bilingue de Brutopia n’est finalement rien d’autre copropriété normale , comme me le décrivit Jan Thiers, habitant et architecte de profession (non impliqué professionnellement dans le projet). « Qui serait-on pour juger si quelqu’un est apte à venir vivre ici ? », me dira-t-il encore. Le droit de regard sur les futurs propriétaires ou locataires n’existe donc pas. L’une des caractéristiques de Brutopia est qu’hormis les quelques préceptes du traditionnel règlement d’ordre intérieur commun à chaque quelconque immeuble appartement les habitants y sont relativement libres de participer ou non à la vie du groupe.

Figure 77  :  Photo des futurs habitants sur le terrain avant la démolition des anciens bâtiments (Brutopia)

65


Élévation

de la façade avenue

V an V olxem

Conclusion. Analyse critique des équipements d’un bâtiment passif d’habitat communautaire et participatif livré casco. Brutopia est souvent cité en tant qu’habitat communautaire et comme projet participatif. Les familles d’habitants de Brutopia ont différents profils et donc des attentes différentes en terme de logement. Les réunions des groupes de travaux ont permis de construire un projet pour chacun et pour tous, en s’efforçant de préserver les ressources naturelles. A ce titre, Brutopia est le reflet des familles qui l’occupent, n’hésitant par exemple pas à récupérer l’eau de pluie pour les usages qui le permettent, malgré un coût de traitement élevé, à communautariser certaines fonctions et espaces tels que le jardin, la laverie, le potager en toiture et une salle commune ou encore à effectuer une tournante pour l’entretien des communs, ce qui en réduit aussi les coûts. Élévation de la façade rue M érode En terme d’équipements, c’est le modèle casco qui répondait le mieux à cette volonté. Et cela en réduisant les coûts d’achat, de pose et d’entretien des différents appareils ainsi qu’en permettant une meilleure intégration architecturale des équipements dans le bâtiment (pas de percements individuels, pas d’encombrement par les chaudières dans les appartements,…). Néanmoins, nous avons pu constater des surdimensionnements à plusieurs échelles, qui s’expliquent principalement par la répétition des équipements dans des appartements différents. Il s’agit là d’un choix conscient des concepteurs.

Remerciements et sources. Merci à Serge Fraas (architecte) de nous avoir ouvert les portes de Brutopia et à Frédéric Michaux (Flow Transfert International SA) de nous avoir guidés et donné les documents nécessaires au travail. Merci à Pauline Degrand-Guillaud (architecte) de nous avoir fait visiter V Quinze tout en nous expliquant ses subtilités. Coupe transversale Nous avons pu disposer des plans et fiches techniques et de quelques documents de calcul, cahiers des charges et devis. Nous nous sommes aussi 66 renseignés via les articles de Bruxelles environnement (Batex), A+ et bepassive.


Plan

du

1er ĂŠtage

Plan

du rez - de - chaussĂŠe

67


68

Plan

du

3ème étage

Plan

du

2ème étage


Plan

du

5 ème étage

Plan

du

4ème étage 69



C. E nseignements

tirés de l ’ analyse

Suite aux analyses détaillées des trois exemples d’habitat groupé urbain réalisés en autopromotion, différents critères auxquels un architecte peut être particulièrement attentif me sont apparus comme garants de la réussite de tels projets. Cependant il faut préciser que l’aboutissement de ce type de projets ne dépend pas uniquement de la bienveillance et de l’attention de l’architecte. Il s’agit avant tout d’une aventure humaine de longue haleine pour laquelle il faut compter minimum 4 ans entre l’écriture d’une charte et l’emménagement. Les analyses reprennent des descriptions succinctes des montages juridiques et financiers des différents projets. Le sujet ne se centre pas sur ces thématiques complexes, mais il apparaît néanmoins intéressant de les énoncer pour pouvoir ouvrir le champ de créativité des différents intervenants d’un projet d’habitat groupé participatif. L’architecte doit dès lors pour conseiller au mieux les maîtres de l’ouvrage reconnaître les limites de son champ de compétences et faire intervenir les bons acteurs au moment opportun. Pour le montage juridique et financier on pensera par exemple à faire appel à un notaire spécialisé en immobilier. Il est parfois plus facile de travailler avec des professionnels ayant déjà eu une expérience dans un projet similaire, ou étant du moins ouverts à trouver les meilleures solutions pour le groupe de futurs cohabitants. Requérir le conseil avisé de quelqu’un ayant de très bonnes connaissances en gestion et en finances peut être un argument de taille face aux banques souvent sceptiques quant à la solidité du projet collectif. Enfin, la facilitation de groupe est un des atouts clés pour faire aboutir les rêves d’individus à une réalité commune. Bien souvent les groupes se déchirent à cause d’un conflit qui aurait pu être évité si la communication avait été meilleure. Bien que ce ne soit pas le rôle de l’architecte que de coacher le groupe pour des séances de communication non violente, il peut en retirer quelques enseignements pour n’importe quelle rencontre humaine future que ce soit avec les corps de métier sur chantier ou avec des clients. Avoir choisi trois projets dans trois pays limitrophes n’était certes pas innocent, quelques différences étaient certaines d’apparaître. Elles permettent néanmoins d’ouvrir le champ des possibles et de servir de base de réflexion pour créer des solutions de logements décents. Dans ce cas précis, la référence faite se tourne vers la conception des logements sociaux par le biais des Baugemeinschaften en Allemagne. L’émergence de nouveaux métiers nécessaires pour mener à bien des projets d’habitat groupé existe de puis quelques temps. Les « Baubetreuer » 1 existent en Allemagne depuis de nombreuses années. Leur rôle va de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage classique à la conception de montages juridiques et administratifs, en passant par l’écriture d’un concept correspondant au groupe. Les points d’attention décrits aux pages suivantes seront repris dans la même logique chronologique que celle des analyses. Les premiers seront donc ceux relatifs à la recherche du terrain et à la constitution du groupe. Viendront ensuite les points plus concrets relatifs à la construction et aux espaces.

1 traduction de l’allemand : Celui qui, à titre professionnel, planifie économiquement ou réalise un projet de construction au nom et pour compte d’autrui. (LT) - http://www.anwalt24.de/rund-ums-recht/Makler_ Bautraeger_u_Baubetreuer_Gewerberecht-d164744.html 71


1. L a

lo c a l i s at i o n d u p r o j e t

La situation des lieux d’implantation des projets d’habitat groupé en autopromotion est un critère important. La majorité des exemples plus anciens datant des années 80 et 90 se situent en milieu rural. En effet, celui-ci se prête plutôt bien à l’esprit des premiers habitats groupés reculés de la ville, car souvent en phase avec une volonté de décroissance économique et de proximité de la nature. Les opportunités y sont aussi relativement abondantes : fermes à transformer, potagers et vergers déjà existants etc. Néanmoins les demandes sont aujourd’hui différentes : La proximité du centre urbain offre des avantages non négligeables, comme la proximité du lieu de travail (accessible à vélo ou en transports en commun), celle des écoles, ou encore des commerces mais aussi des hôpitaux, des centres sportifs ou culturels. « Par définition, l’autopromotion devrait se trouver là où se réalise aussi la promotion immobilière, c’est à dire principalement en milieu urbain et en conséquence dans des niveaux de densité s’y afférant. » 1 A ce sujet, il faut ajouter ce qu’ils peuvent apporter à la Ville en termes d’urbanisme, de densification et d’identité. Strasbourg a dès lors bien compris cela avec ses deux appels à projets exclusivement réservés aux autopromoteurs. Bruxelles et ses appels à projets « Bâtiments exemplaires » n’est pas mauvaise élève non plus, même si cependant le projet - dans ce cas - n’est pas centré sur les habitats participatifs. L’importance que peuvent jouer les pouvoirs publics dans ces projets peut avoir un rôle déterminant. Un « coup de pouce final » pour l’achat du terrain par exemple peut se révéler décisif. Très souvent c’est après avoir trouvé le terrain que le rythme s’accélère et que le projet prend une allure plus concrète. La localisation est le critère qui va impliquer une forme architecturale liée de près ou de loin au contexte, sans que cela ne constitue déjà un parti architectural. Le champ des possibles dépendra forcément de si on construit sur un terrain vierge dans un quartier peu urbanisé, si on réaffecte un bâtiment ancien dont la valeur patrimoniale exige la conservation, ou encore si on comble une dent creuse, reste d’un chancre urbain. L’intervention de l’architecte pour la recherche de sites potentiels à l’accueil du projet peut constituer un gain de temps pour le groupe de futurs cohabitants. Les conseils de celui-ci en ce qui concerne le potentiel, le coût ou encore le régime TVA qui pourra être appliqué, sont décisifs. Il est important que le groupe d’habitants constitue un groupe de travail « Architecture » qui pourra servir d’intermédiaire avec les architectes.

1 Parasote B., Autopromtion, habitat groupé, écologie et liens sociaux - Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, 2011 72


2. L a

ta i l l e d u p r o j e t

Les différentes échelles spatiales des projets rencontrés et concernés par l’autopromotion vont de la construction de deux appartements sur une parcelle en ville à des éco-quartiers s’étendant sur plusieurs centaines d’hectares. Cependant l’échelle rencontrée dans les trois exemples analysés ci-dessus est celle de l’immeuble qui s’intègre dans le tissu urbain existant. Cette dimension est bien souvent celle qui permettra des réductions de coût suffisantes pour la réalisation économique du projet et sa viabilité. Néanmoins il ne faut pas oublier un facteur crucial constituant le projet qui est celui de la dimension humaine. Alors qu’en France la taille des exemples d’habitats groupés varie plutôt entre 7 et 15 foyers, en Allemagne on peut trouver des exemples dépassant largement les 50 foyers. Ceci s’explique notamment par le manque de disponibilité des structures juridiques en France, mais également par le développement d’une nouvelle profession en Allemagne, qui est celle de l’accompagnateur de projet en auto-promotion. Ces différences peuvent également s’expliquer par les distinctions culturelles en ce qui concerne le sentiment de communauté plus présent dans les pays du Nord et germanophones, que dans les pays du Sud et latins. Notons que la loi ALUR1 (Accès au logement et un urbanisme rénové) apparue en 2014 permet aujourd’hui en France la constitution de « sociétés coopératives d’habitants » et de « sociétés d’autopromotion ». Bruno Parasote, du projet Eco-logis, estime 5 tailles critiques de projets, considérant qu’à partir de 25 logements il faut impérativement diviser le projets en sous-entités de 10 à 20 logements, car la tenue de grandes réunions plénières est souvent difficile. Christian Diesener, de la fondation Lawaetz à Hambourg, et Jan Thiers, habitant de Brutopia, paraissaient plutôt sceptiques par rapport aux petits projets ne dépassant pas le 30 entités. Une trentaine d’entités permet tout d’abord de regrouper les fonds nécessaires à des projets dont l’envergure devient intéressante par ce qu’elle peut offrir : un coût au mètre carré potentiellement inférieur, des surfaces collectives généreuses, et un groupe de voisins bienveillants. En effet, un conflit entre deux entités dans un plus grand projet n’aura pas le même impact que sur un petit groupe qui risque d’éclater et de ne pas survivre. Un plus grand groupe garantit également d’avantage d’intimité et une identité plus globale, moins attachée aux caractères d’un ou deux pères fondateurs de groupe. Enfin, selon Serge Fraas, architecte et habitant de Brutopia, en dessous d’une quinzaine d’unités le jeu n’en vaut pas la chandelle du moins financièrement. Il faut souligner que dans la plupart des cas si un projet n’aboutit pas, c’est souvent dû au manque de communication à l’intérieur du groupe et à la lenteur des décisions, qui doivent bien souvent être prises au consensus et pour lesquelles chacun doit être présent. L’énergie investie pour rassembler les avis et ressentis de tous les individus du groupe est non négligeable. La constitution de groupes de travail, comme celle de Brutopia, est très certainement un gage de réussite. D’autre part plus le groupe est grand, plus la diversité de compétences au sein de celui-ci peut être variée. Avoir des connaissances en architecture, en bâtiment, en techniques spéciales, mais aussi en gestion, en comptabilité ou en droit peuvent être d’excellents moteurs pour le groupe qui s’enrichit de l’expérience de chacun.

1 de Cooker J., « Petit manuel de l’autopromotion » , décembre 2014 - janvier 2015, EK villes en transition - architectures durables, Á vivre éditions, n°42 73


3. L e

projet de vie

Une des qualités essentielles d’un architecte est très certainement celle d’être à l’écoute de son ou ses maîtres de l’ouvrage. Dans le cas d’habitat participatif, il est important que l’architecte comprenne quels sont les désirs et les attentes du groupe. Le côté participatif doit également être bien compris. Les habitants doivent avoir la possibilité de s’exprimer et d’être concertés assez souvent pour que le projet aboutisse. Si le groupe fait le choix de la mixité sociale, intergénérationnelle, ou de l’intégration sociale de personnes à mobilité réduite, en décrochage social, ou handicapées mentales, cela aura nécessairement un impact sur la conception du projet. La place de l’intimité et de l’autonomie que l’architecture laisse à chacun dans un projet de groupe sera déterminante pour sa réussite. Il est intéressant d’observer, que plus les règles sont simples et plus le projet de vie est vague, plus les gens semblent rester longtemps. Même si quelques règles de base définissent le projet, le but n’est pas de construire un monde parfait. Chaque habitant doit pouvoir évoluer et quitter le projet quand il le veut pour les raisons qui lui sont propres. Néanmoins il ne faut pas oublier que chaque projet et chaque groupe d’habitants est différent et qu’il viendra à chacun de décider si cette manière d’habiter la ville lui convient. En entamant le processus de réalisation d’un tel projet, il faut insister sur le fait que les habitants viennent avec leurs rêves qui en seront le véritable moteur, tout en gardant les pieds sur terre. « [...] chacun doit apporter une partie de rêve dans un tel projet. Sans rêve, sans utopie, il sera difficile d’arriver au bout. » 1, dixit Serge Fraas et François Stekke, architectes de Brutopia.

1 Lietaert M., Le cohabitat - Reconstruisons des villages en ville, 2012 74


4. L’ é c o l o g i e

e t l ’ é c o n o m i e v o n t d e pa i r

Orienter les choix des habitants vers des solutions éco-constructives est une responsabilité qui incombe à l’architecte. Bien souvent, le commun des mortels se perd entre passif, construction écologique, architecture bioclimatique et économie d’énergie. Les projets d’habitat participatif sont le plus souvent des projets aux budgets serrés. Le regroupement d’équipements dans le bâtiment peut être une solution qui va être à la fois écologique et économique. Les trois projets analysés ont tous un système de chauffage central et une buanderie commune. Ces deux exemples ont permis aux habitants non seulement d’économiser à l’achat, mais aussi à l’utilisation. Le choix de systèmes constructifs écologiques et de matériaux de finitions écologiques est un choix pour l’avenir. Les normes ont été dépassées pour repousser plus loin les limites de consommation énergétique tant pour le projet d’Eco-logis que pour celui de Brutopia. Or les niveaux de performance atteints sont aujourd’hui devenus la norme minimale à atteindre dans les deux cas. Les possibilités de laisser certaines étapes de la construction ouvertes, comme par exemple la possibilité de réaliser une partie des finitions en auto-construction, doivent nécessairement être prises en considération. Cela laissera l’avantage à chacun de faire en fonction de son budget et du temps dont il dispose. Néanmoins pour éviter les conflits en matière de responsabilité il est important de trouver des solutions comme celle de Brutopia où les appartements ont été livrés casco, tout en y intégrant déjà les groupes de ventilation et les boilers.

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5. La

vie et ses degrés d’intimité

:

de la rue à la chambre

La partie la pus importante d’une architecture est sans aucun doute la vie à laquelle elle invite. Il faut dès lors distinguer entre différentes échelles du vécu, de celle de la rue en société et du logement représentante de l’intimité, interconnectées par celle de l’immeuble qui peut être figure d’une communauté d’individus. Le thème du vécu des architectures présentées, est la partie la plus développée du travail étant donné que c’est celle qui va pouvoir témoigner d’une certaine réussite de l’exercice de l’architecte. S’il est beaucoup question des espaces communs qu’abritent les immeubles d’habitat participatif, il est pourtant important de souligner le rapport de l’habitat à son contexte urbain. Commencer par porter un regard sur la dite architecture depuis la rue et le quartier, ou la ville, paraît essentiel pour créer des liens qui vont associer durablement les différentes dimensions décrites précédemment. Les liens tissés avec le quartier témoignent d’un désir d’ouverture des exemples d’habitat participatif analysés. L’objectif est d’éviter la vie en autarcie ou en vase clos, tout en gardant un certain niveau d’intimité à l’intérieur du logement. L’installation de surfaces pouvant servir au quartier paraît être un bon moyen de construire ce lien. Cela peut se traduire concrètement par la location d’une salle commune à des personnes extérieures au bâtiment pour des cours collectifs de yoga, ou via la vente de surfaces commerciales à des centres de service pour le quartier, ou la mise en place d’initiatives de voitures à partager, ou d’achats groupés de fruits et légumes. Le rôle de l’architecte est ici d’aller au delà de la réponse directe aux exigences de ses clients et de prévoir des besoins futurs qui pourraient naître au fil de l’évolution du projet. Les espaces communs dans un immeuble d’habitat collectif classique sont les escaliers et ascenseurs, les locaux poubelles, et éventuellement un parking souterrain. Dans un projet d’habitat participatif la surface des espaces communs augmente généralement de 7 à 15% 1. Les espaces et les équipements mis en commun entre les habitants d’un même immeuble sont finalement une des transcriptions architecturales que l’on peut observer dans un projet d’habitat groupé réalisé en autopromotion. En effet, ceux-ci résultent de la réflexion sur le projet de vie conjoint ou commun dans lequel le groupe en question se lance. Dans une société où chacun chérit son intimité mais se plaint ou s’étonne du manque de solidarité, d’entre-aide et de repères, les espaces communs d’un immeuble peuvent devenir le lieu d’opportunités pour tisser des liens sociaux pouvant remédier à ces manques. Dans les exemples analysés, les habitants martèlent fermement leur volonté de faire partie active d’un bon et joyeux voisinage sans pour autant vivre en communauté, chacun gardant son intimité.

Figure 78  :  Types d’espaces ou activités communes caractéristiques d’habitats groupés (Bruno Parasote) 1 Parasote B., Autopromtion, habitat groupé, écologie et liens sociaux - Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, 2011 76


Les espaces communs peuvent être de différents types, reprenons ci-dessous une liste, figurant dans le livre de Bruno Parasote, habitant d’Eco-logis : - la salle de réunion ou salle de fêtes : Il s’agit là de l’espace le plus important au sein d’un tel projet, il est le lieu des réunions, des prises de décisions quant à la vie et au développement de l’immeuble. Celle-ci est généralement assortie d’un coin cuisine et parfois même d’un sanitaire. - la buanderie : espace comportant des machines à laver, éventuellement des séchoirs. Les machines peuvent être collectives ou individuelles. Généralement elles sont collectives et chacun paie ses lessives grâce à des monnayeurs ou la tenue d’un carnet de bord. - les espaces de stationnement : places de parking pour les voitures, avec éventuellement des voitures à partager, mais aussi espace de rangements pour les vélos, les poussettes etc. - les espaces extérieurs : jardins, potagers, toits terrasses, espaces de jeux pour les enfants etc. - l’atelier de bricolage : Il permet la mise en commun d’outils pour la réparation de vélos par exemple. - la chambre d’amis : qui permet d’accueillir de la famille ou des amis sans avoir besoin d’un espace à l’intérieur même de son logement prévu à cet effet. - l’atelier ou la pièce thématique : Elle est quant à elle bien spécifique à une activité comme par exemple la sculpture, la poterie, la peinture ou la méditation, ...

Il va de soi que c’est là encore la créativité de l’architecte qui est sollicitée. Une des principales contraintes quant à ce type d’espace est le budget que les habitants sont finalement près à investir. Trop souvent considérés comme des extras, en cas de restrictions financières, ils se verront soit significativement réduits en termes de surface ou carrément supprimés. Il est important que l’architecte puisse très tôt dans le processus du projet comprendre les rêves des futurs cohabitants. Toutefois sa sensibilité doit être aiguisée pour arriver au meilleur compromis possible pour éviter la désillusion des maîtres de l’ouvrage en bout de course. De plus les espaces collectifs doivent être conçus de manière à ce qu’il puissent évoluer et différentes activités à court terme, mais aussi qu’ils puissent changer de fonctions si l’occasion se présente. Autrement dit, les espaces doivent pouvoir héberger la vie qui va les remplir. L’important est de garantir l’intimité au sein des logements par rapport aux espaces communs. L’intimité est un sentiment perçu différemment par chacun. Pourtant certains dispositifs peuvent être considérés comme gage de réussite pour procurer une certaine intimité à tous, tandis que d’autres sont à éviter. La question du confort « technique » relevant entre autres de l’acoustique ou de la thermique a déjà été largement développée lors des analyses. Elle ne sera pas reprise une fois de plus ici même si cela contribue largement à l’habitabilité des logements. Le confort technique est quelque part le confort le plus basique qu’un logement doit offrir : la protection contre la chaleur, contre le froid, un air sain à respirer, des vues à admirer et le calme essentiel pour se ressourcer.

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Figure 79  :  Store placé entre les colonnes supportant les balcons (LT)

Figure 80  :  Clôture en treillis de bambou pour plus d’intimité sur sa terrasse (LT)

Figure 81  :  Façade nord du duplex supérieur [avant : en 2010] (Camille Dévaux)

Figure 82  :  Façade nord du duplex supérieur : Installation d’un écran de protection en bout de coursive pour garantir l’intimité de la terrasse privative au Nord [après : en 2011] (Cédric Elling)

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Figure 83  :  Brutopia - bâtiment avenue Van Volxem Proximité des balcons pour certains appartements, notamment au 4ème étage (Tim Van de velde)

Figure 84  :  Brutopia - bâtiment rue de Mérode Proximité des balcons pour certains appartements, notamment au 4ème étage (Tim Van de velde)

Figure 85  :  Plans intermédiaires de Brutopia Les façades côté jardin présentaient une alternance de balcons et loggias (représentés en rouge). (stekke + fraas)

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La distinction claire entre le collectif et le privé m’apparaît essentielle compte tenu des expériences et des modes de vie des habitants rencontrés. La volonté d’Eco-logis paraissait ferme : Les coursives d’accès aux logements et l’escalier sont dans le domaine collectif. Les terrasses auraient dès lors pu rester strictement privées. S’il on regarde de plus près, on verra que certains ont mis en place des dispositifs pour conforter leur sentiment d’intimité. Ce ne sont certes que de petites choses, mais elles témoignent de l’usage qui est fait de l’architecture. Il faut pouvoir observer ces détails qui méritent plus de soin. Même lorsque les limites des espaces extérieurs privatifs sont clairement définies, il faut être attentif à l’intimité dont ceux-ci peuvent profiter. Dans le cas de Brutopia, certains habitants du 4 ème étage se sentent plutôt exposés sur leurs balcons. Dans un plan intermédiaire de cet étage , on peut observer qu’une alternance de loggias et de balcons était prévue. Celles-ci n’ont probablement pas survécu au surcoût qu’elles engendraient notamment pour une question de continuité d’isolant. Alors bien sûr ces quelques erreurs pourraient être qualifiées d’anecdotiques et pourtant il me paraît judicieux de les soulever pour pouvoir faire avancer les réflexions sur des projets futurs. Le but n‘est pas de fabriquer un monde parfait, mais de trouver des solutions, façonnées par les multiples contraintes d’un projet, qui peuvent apporter quelque chose de plus à l’habitat. Par ailleurs, les trois projets présentent tous des réussites quant aux cheminements parcourus depuis la rue avant d’arriver au logement. La coursive honnie depuis bien longtemps, redevient un espace agréable à vivre. Pour qu’elle soit réellement appropriable, on peut émettre quelques recommandations tirées des exemples. Tout d’abord elle doit ne devrait pas desservir plus de 5 logements. Ceci permet d’éviter de transformer la coursive en espace exclusivement dynamique, qui n’accueillerait qu’un ballet incessant de rentrées et sorties des différents appartements. Pour ce faire, il vaut mieux qu’elle soit en cul-de-sac, elle sera donc uniquement réservée à ceux qui doivent l’emprunter pour renter chez eux et ne deviendra pas un lieu de passage. Même si théoriquement ouverte à tous les habitants de l’immeuble, la coursive deviendra un lieu entre le collectif et le privé. L’augmentation des degrés d’intimité rend les lieux de transition plus propices à l’appropriation. Enfin, la générosité des espaces communs joue pour beaucoup dans le bien-être des habitants, par les opportunités que cette générosité offre. Une coursive, n’est plus un simple lieu de passage, mais peut réellement devenir la prolongation du logement. Ce sont ces zones de chevauchement des différentes fonctions qui créent des seuils plus agréables sans pour autant changer les limites de l’intimité du logement.

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Figure 86  :  Un jeu d’enfants - Appropriation des espaces de circulation et prolongation du logement (Tim Van de velde) - Brutopia

Figure 87  :  Sur le seuil - Appropriation des espaces de circulation et prolongation du logement (LT) - Stattschule

Figure 88  :  Qualité des seuils Habiter un balcon sur la rue à quelques pas de la porte d’entrée seulement (LT) - Stattschule 81



III. C onclusion

et perspectives d ’ avenir

L’habitat groupé n’est certes pas la solution adéquate pour tout un chacun, elle demande un certaine part d’investissement personnel, que ne demande pas un simple bien de consommation immobilière. J’ai dès lors, par ce travail, tenté d’explorer les pistes que des projets d’habitat participatif peuvent apporter pour la conception de l’habitat collectif urbain et quels étaient les points d’attention à considérer. Chaque habitat groupé est différent et présente des spécificités bien à lui qui contribuent à sa réussite. L’Eco-logis à Strasbourg s’inscrit plutôt dans une veine militante écologique et a réussi le pari du partenariat avec la ville, qui se sert aujourd’hui du modèle de l’habitat participatif comme outil de planification urbanistique. L’originalité de la StattSchule à Hambourg réside dans la participation des futurs locataires à la conception de leur logement social, et dans la mixité de propriétaires et de locataires qu’elle présente. La volonté de sauvegarde du patrimoine a également largement contribué au succès de ce projet qui a permis de conserver l’identité et de fortifier la fierté du quartier autour de lui. L’utopie bruxelloise, Brutopia, a quant à elle réussit le rêve de construire en ville des logements neufs au coût abordable et de permettre une certaine mixité sociale par un système de ventilation des prix en fonction des qualités des logements. L’autre donnée remarquable pour cette réalisation est le double avantage des surfaces commerciales du rez-de-chaussée vendues à des centres de service pour le quartier, ce qui a d’une part permis le financement des logements et d’autre part l’ancrage du projet dans le quartier. Enfin, je retiendrai les possibles défis auxquels doit faire face l’architecte pour la conception de l’habitat collectif. La gestion de l’implantation dans le tissu urbain existant peut être déterminante pour revaloriser un quartier autour d’une identité nouvelle. Viennent ensuite, le défi que représentent le bon dimensionnement et agencement des espaces communs tels les accès, les coursives, la buanderie, ou la salle commune. Pour finir, il ne faut pas oublier la dimension humaine des projets. Très présente dans les projets d’habitat participatif, elle demande un investissement supplémentaire de la part de l’architecte qui doit concilier beaucoup de visions sur la manière d’habiter. La multiplication des projets d’habitat groupé en milieu urbain va bon train. Proposant une réelle alternative entre le logement social et la promotion privée, on peut souhaiter voir à l’avenir l’émergence de nouveaux métiers facilitant ce type de projets, étant donné ce qu’ils peuvent apporter au quartier, mais aussi à l’individu.

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IV. R é f é r e n c e s

bibliographiques

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Articles ,

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