Lambersart Art nouveau 1900

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CARNET DE VISITE


L’Art Nouveau, Modern Style ou Style 1900 prône les volutes orientales et les lignes courbes de la flore et de la féminité. C’est le premier style qui rompt avec les traditions du passé. Il hérite cependant des peintres romantiques, préraphaélites et postimpressionnistes, à l’image d’un Gustav Klimt. Le mouvement s’alimente aussi des récits de voyages ésotériques d’écrivains en Moyen et Extrême Orient, comme Pierre Loti. L’art japonais traitant les volumes de façon linéaire inspire nombre d’artistes. En France, les légendes et le médiévalisme créatif d’Eugène Viollet-Le-Duc constituent une autre source.


L’Art Nouveau est considéré comme le premier art total : l’architecte s’occupe de tout l’espace intérieur et extérieur. Il englobe l’architecture et les arts décoratifs du bâtiment : nouveauté comme la ferronnerie, retour du sgraffite de la renaissance italienne (dessin gravé dans le mortier et peint). L’affiche à l’exemple d’Alfons Mucha et le mobilier sont aussi de la partie. Le style répond au besoin de personnaliser un environnement et participe à l’épanouissement de l’Homme qui l’occupe. En 1892 à Bruxelles, Victor Horta, Paul Hankar et Henry Van de Velde définissent les principes de l’Art Nouveau. Il s’illustre lors de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris, manifestation emblématique de la Belle Epoque coïncidant avec l’ouverture de la première ligne de métro. Les bouches à l’enseigne du Métropolitain sont créées par l’architecte Hector Guimard. Nancy devient la capitale française de l’Art Nouveau en France et fonde son école. À Barcelone, Antoni Gaudí en est la figure de proue. En Grande-Bretagne, le mouvement Arts & Crafts a préparé le Modern Style. Ce style glamour est à son apogée en 1905. L’Art Nouveau perdure jusque 1914 en évoluant vers la géométrie : l’Art Déco. L’Art Nouveau est dédaigné des années 1920 à 1950 puis reconnu dans les années 1960. Ses affiches inspirent même les designers du mouvement psychédélique.

Sept oeuvres d’Antoni Gaudí et quatre habitations majeures de Victor Horta sont inscrites au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco.

Ce style architectural déjà peu répandu a subi les destructions des deux guerres mondiales. Seules quelques dizaines de façades dans la métropole ont été conservées dans ce style. L’exemple le plus connu est la maison du céramiste Louis Coilliot, 14 rue de Fleurus à Lille, conçue par Hector Guimard entre 1898 et 1900 et classée aux Monuments Historiques. Juste avant, Coilliot a signé chez nous la mosaïque de la Villa St-Georges inscrite aux Monuments Historiques. Le chevalier médiéval y affronte un dragon, peut-être chinois (voir la photo). À Lambersart, les éléments décoratifs visibles de la rue ont été presque tous recensés pour la création d’une promenade. Façades, mosaïques, céramiques pour frises et enseignes, lave émaillée, ferronneries pour clôture de jardin, grille de porte et garde-corps de balcon, sgraffites et vitraux illustrent l’Art Nouveau dans notre ville née à la même époque.





Le belge Léon de Smet possède une usine de grès cérame à Gand. Il y a notamment conçu la mosaïque géante de la façade du théâtre flamand en 1899. À Lambersart, De Smet a racheté en 1880 l’unité du Carreau de Canteleu rue des Blanchisseurs à Théophile Winckelmans, parti s’agrandir à la Croix de Pierre (site actuel de Lomme près du Pont Supérieur). De Smet gagne une médaille d’or à l’Exposition Universelle de Paris 1900 et a une nombreuse clientèle. L’usine et le lieu de vente emploient jusque 200 personnes, certains habitent dans la cour de l’Yser voisine. En 1908, Jean van Overstraeten succède et fonde après-guerre la Société Générale de Carrelage, absorbée en 1958 par Villeroy & Bosch. En 1968, la production est arrêtée, le site est vendu à la COMAR dont le directeur est Jean Vindevogel père. Des cinq fours à céramique, un seul est conservé pour servir de micromusée. En 2015, le lieu est loué à Décocéram.


QUELQUES

AÇ ADES Point de façades courbées à la Victor Horta ou Hector Guimard à Lambersart ! Les quelques façades de style Art Nouveau se rapprochent des réalisations plus sobres de Paul Hankar. Citons l’ensemble de maisons de ville Les Palmiers et Bouton d’or avenue de l’Amiral Courbet, ainsi que le rez-dechaussée de la Villa du Soleil (1), de 1900. Celle-ci a subi des dégâts d’artillerie fin mai 1940 avec sa partie supérieure modifiée, comme d’autres maisons de Canteleu, avenue de Dunkerque (2). Ensuite, il faut voir, avenue de Jussieu, les maisons de ville attenantes Béthanie et Villa André (3) (architecte G. Fayolle, 1913). Puis, la Villa Wargny, avenue de l’Hippodrome (architecte Léonce Hainez, 1906). Enfin, la maison de ville Andrée-Georges, avenue du Maréchal Leclerc et la maison de Georges Sdez de 1908 (4) en face de sa blanchisserie disparue avenue de Boufflers, méritent un détour.

1 - Derrière le portillon de jardinet d’époque 2 - Porte et imposte avec ferronnerie conservées comme les arcs de décharge 3 - Partie de la façade à l’étage, avec carrelages de dragons et beaux-arts 4 - Façade de la maison avec ferronneries de porte et soupirail et frises en lave émaillée


Avenue de Jussieu


Avenue Amiral COURBET



DES

NSEIGNES VARIEES

Écrites en alphabet Art Nouveau, on en trouve en carrelage, lave ou fonte émaillées, mosaïque ou dans un sgraffite. Vous en verrez plusieurs dans l’exposition.

Complétons-les avec la Villa Victoria, avenue de l’Hippodrome, Aux Églantiers avenue Pasteur, Sam-Play avenue Marceau, où il manque sa sœur Sam-Suffy.

Enseigne en carrelage avenue du Maréchal Leclerc

DE RARES Nous avons recensé quatre séries de sgraffites à Lambersart, dont trois dans le quartier du Canon d’or, à commencer par le cabaret éponyme à l’entrée de la rue de Lille et son médaillon central (2), de 1911. L’avenue de Jussieu dévoile un beau sgraffite restauré avec la jeune Béthanie au chapeau et des iris (1). En face, un ensemble de quatre maisons, réalisé par l’architecte Eugène Gondolo vers 1913 présente des sgraffites en frises et en enseignes : villas Fernande, Sainte Cécile, Sainte Barbe et Aimé (les trois premières sont recolorées). Enfin, un sgraffite mérite d’être signalé : celui de la villa l’Ermitage de 1908 sur le mur en vagues récemment restauré, avenue Delécaux (3).

GRAFFITES

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Léonce Hainez est né en 1866 à Esnes (Nord). Il est l’élève d’Émile Vandenbergh à l’école des Beaux-Arts de Lille. De 1881 à 1896, il travaille à la mairie de Lille et dessine plusieurs groupes scolaires. Ensuite, il s’installe comme architecte libéral et réalise des édifices privés à Lille, sa banlieue, Malo-les-Bains. Il conçoit notamment avec Emile Vandenbergh la rue des Lilas en 1897 à St Maurice Pellevoisin. En 1898-99, le grand Institut Pasteur de Lille est érigé boulevard Louis XIV. Après 1900, Hainez est influencé par le Modern Style. On le ressent dans certaines villas et le Théâtre Sébastopol à Lille, réalisé en 1903 en 102 jours.

En 1904, Hainez devient architecte en chef du Département du Nord. On lui doit l’établissement thermal de Saint-Amand-les-Eaux (actuel hôtel des curistes), le sanatorium familial de Montigny-en-Ostrevent, l’ancien site des Archives Départementales. Il continue aussi sa carrière libérale, son cabinet étant situé 2 rue de l’Orphéon. Signalons la façade du 18, boulevard JB Lebas comportant deux Atlantes comme le théâtre Sébastopol. Le 49 rue Nicolas Leblanc de 1907 est de nos jours occupé par une agence départementale.


Léonce Hainez est l’auteur de plusieurs villas châteaux et maisons de ville dans l’avenue de l’Hippodrome et les voies adjacentes, le quartier Mairie et les avenues Aubépines-Magnolias-Tilleuls à Lambersart, ainsi que le secteur de l’avenue de Bretagne côté Lille. Malheureusement, la plupart d’entre elles ne sont pas identifiées par manque de plaque d’architecte sur la façade ou absence d’archives. D’autres furent modifiées en 1920-1930 ou détruites fin mai 1940, comme sa villa Régina de 1901 (site de l’actuelle 166 avenue de l’Hippodrome) à la baie d’entrée arrondie. Il nous est parvenu le rang de maisons pair de l’avenue Gruson dont la villa Marcelle, ainsi que la villa de 1906 au 260 avenue de l’Hippodrome dont il manque le toit d’ardoises de la tour. Celle-ci est remarquable pour ses baies asymétriques et sa ferronnerie (voir le plan d’époque et la photographie de la façade actuelle). Léonce Hainez décède le 28 mai 1916 dans sa Villa Régina à Lambersart. Son confrère et voisin Georges Boidin (villa St-Georges), témoin sur l’acte de décès, prendra la succession d’architecte en chef du département du Nord.






LA

ERRONNERIE

UN PATRIMOINE SOUS-ESTIME Ce patrimoine a traversé le XXè siècle, il est encore assez répandu mais quasi méconnu. On remarque les clôtures de jardin, les garde-corps de balcon (1) et surtout les grilles discrètes de porte vitrée. Elles sont souvent peintes en noir ou comme la porte et ne se distinguent donc pas (2). Certaines sont de véritables œuvres d’art ! D’autres sont fabriquées en série, comme les balcons à feuilles de marronnier (3), connus en plusieurs modèles. On pourra admirer les simples arabesques (4) et les figures végétales (5). On connait deux ferronniers d’art avenue de Dunkerque : Elie Millécamps et Emile Lefebvre (6).

1 - Façade de 1913, avenue de l’Hippodrome 2 - Motif de plantes grimpantes devant un vitrail, avenue du Colysée 3 - Avenue Marceau éponyme

4 - Deux garde-corps avenue de Jussieu 5 - Détail de garde-corps coloré, avenue Clemenceau 6 - Façade remplacée par l’accès à la station de métro Lomme-Lambersart


ITRAUX RELIGIEUX ET PROFANES Lors de l’exposition « Les Trésors de St-Calixte », nous avions trouvé la signature des vitraux de l’église du Bourg : Latteux & Bazin, Mesnil-St-Firmin, Oise, 1895. Ils forment un bel ensemble aux accents Art Nouveau (réalisme, cheveux longs, personnages longiformes et drapés), inspirés du médiévalisme des peintres préraphaélites notamment (1). Quant aux vitraux des bâtiments civils, on en trouve encore dans certaines villas et maisons de ville (2 à 4). Malgré l’aide de la Fondation du Patrimoine pour la restauration, ce patrimoine remarquable est fragile, il tend à disparaître, aussi, protégeons-le !

1 - Verrière St-Calixte 2 - Verrière de 1925, avenue du Maréchal Leclerc 3 - Vitrail d’un médaillon, allée St-Pierre 4 - Vitrail floral dans un occulus, avenue du Colysée






Alfons Maria Mucha est né le 24 juillet 1860 à Ivanice, une ville du sud de la Moravie, située dans l’actuelle République Tchèque, à l’époque dans l’Empire austro-hongrois. En 1866, à la suite de l’une des plus grandes batailles de la guerre austro-prussienne, à 30 kms de la ville, une épidémie de choléra s’abat sur la région. Le jeune Mucha restera fortement marqué par l’image de ces corps souffrants. Le premier dessin attribué à Mucha, le Christ crucifié, date de 1868. La beauté de l’architecture, le mysticisme ainsi que la musique des églises le marquent beaucoup. Mucha devient à 12 ans choriste de l’église St-Pierre-et-Paul de Brno, capitale de la Moravie. L’église lui offre une bourse d’études mais 5 ans plus tard, Mucha est renvoyé. C’est vers l’art qu’il décide de se tourner, notamment inspiré par une fresque du style tchèque baroque de Jan Umlaf.

Mucha arrive à Paris en 1887, accompagné de son camarade de classe, l’artiste Karel Mašek. Le comte Khuen-Belasi arrête de le financer, il devient illustrateur professionnel, il donne aussi des cours de dessin. En 1893, Mucha partage un studio avec Gauguin. Il revient vers la photographie, essayée à Vienne. La vie de Mucha bascule le 26 décembre 1894 : tous les autres artistes de Lemercier, responsable du magazine Le costume au théâtre et à la ville qui emploie Mucha, sont en vacances. Mucha répond à une commande de dernière minute : l’affiche pour la pièce Gismonda jouée par la grande diva Sarah Bernhardt. La demande émane directement de La divine Sarah, Le jeune artiste arrive à Vienne et travaille à l’apogée de sa gloire. La pièce pour un décorateur de théâtre en 1880-81, débutera le 4 janvier 1895, la tout en prenant des cours du soir et en capitale doit être couverte de visitant les galeries. En 1882, à Mikulov, son 4000 affiches dès le premier travail de portraitiste est remarqué par janvier. Le style Mucha détonne. le comte Karl Khuen-Belasi, qui le mandate L’affiche devient populaire, le pour décorer sa résidence principale. Le succès est total. Sarah Bernhardt frère du comte, Egon, finance les études de est tellement séduite qu’elle Mucha à l’académie des Beaux-Arts de offre au jeune artiste un contrat Munich en 1885. Ils visitent ensemble de six ans. Il est désormais en Venise, Florence, Bologne et Milan. Il débute charge des affiches, des décors aussi des collaborations illustratives à de scènes ainsi que de ses Munich pour le magazine Krokodil. costumes. Cette même année,


Mucha est approché par le grand imprimeur Champenois, avec lequel il réalise la série Les Saisons en 1896. Champenois assure le développement de la notoriété de l’artiste, son travail est décliné sur de nombreux supports. Mucha s’installe dans un nouveau studio bien lumineux. Il rencontre le sculpteur Auguste Seysses, qui va lui permettre d’expérimenter la sculpture avec le pastel. Ils réalisent Femme au lys et La Nature, exposées au Musée d’Orsay de Paris et au Musée Fin de Siècle de Bruxelles. En 1897, Mucha donne sa 1ère exposition en solo. La préface du catalogue des 107 oeuvres présentées est écrite par Sarah Bernhardt. La même année, il tient une autre exposition au Salon des Cent avec 448 travaux. Puis il est exposé à Bruxelles, Munich, Vienne, Budapest, Prague, Londres, New York.

Mucha décore le pavillon de Bosnie- Herzégovine dans l’Exposition Universelle de Paris de 1900. Il en obtiendra des récompenses. Le gouvernement austrohongrois lui finance ainsi un voyage au coeur des Balkans, dont naît l’inspiration pour son futur projet « L’Epopée Slave ». Il devient membre de l’Académie Tchèque des Arts et Sciences et fait la rencontre de Marie Chytilová, avec qui il partagera le reste de sa vie. Au début des années 1900, Mucha effectue 5 voyages aux Etats-Unis. Il donne des cours, réalise des portraits pour la haute société et devient même ami du président Roosevelt. En 1906, après leur lune de miel, Mucha retourne avec sa jeune épouse à New York. Il fait la rencontre du milliardaire Charles Crane et du futur président Woodrow Wilson, qui portent un intérêt politique sur cette région d’Europe. Crane financera le projet de Mucha, « L’Epopée Slave » : 10 évènements, endroits ou personnages marquants reprendront l’histoire slave. Mucha peint le 1er tableau en 1910 après la naissance de sa fille Jaroslava. Il aura aussi en 1915 un fils, Jiri, qui fera partie de la Royal Air Force pendant la guerre

1939-45, sera correspondant de la BBC et l’auteur de la biographie sur son père.

Le financement du milliardaire Crane permet à Alfons de louer le château de Zbiroh, du 12ème siècle, situé à 60 kms de Prague. Il y travaille les décors des bâtiments publics importants célébrant l’héroïsme tchèque, préfigurant son grand projet sur le peuple slave. Fervent patriote, Mucha réalise aussi les billets de banque et les timbres de la nouvelle Tchécoslovaquie. L’épopée slave est finalement présentée en 1928, pour les 10 ans du pays. Lors des dernières années de sa vie, la menace d’une grande guerre marque Mucha, qui souhaite édifier un monument sur l’humanité. En 1939, l’armée nazie envahit Prague. Les activités francmaçonniques de Mucha dérangent. Il est interrogé pendant plusieurs jours par la Gestapo. La pneumonie contractée en 1938 s’aggrave et l’artiste décède le 14 juillet 1939, peu avant ses 80 ans, sans avoir pu ériger son monument. Malgré l’interdiction des rassemblements publics et des discours, l’académicien Max Švabinský délivre une oraison funèbre à une large foule endeuillée. On a fêté cette année les 20 ans du Musée Mucha de Prague, seul musée au monde entièrement consacré à la vie et à l’oeuvre de l’artiste.


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