IDÉES
SUPPLÉMENT AU JOURNAL N° 22189 DE LA RÉPUBLIQUE DES PYRÉNÉES ET N° 22170 DE L’ÉCLAIR DES PYRÉNÉES DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
» Le journal des Rencontres Littéraires
Pau
CE SUPPLÉMENT VOUS EST OFFERT PAR LA COMMUNAUTÉ D D’AGGLOMÉRATION AGGLOMÉRATION PAU BÉARN PYRÉNÉES
© THINKSTOCK
Passions Passion Les idées mènent le monde
Du 17 au 19 novembre au Palais Beaumont à Pau
Durant trois jours, Pau, capitale des idées, réunit philosophes, écrivains, artistes, journalistes... pour débattre autour du thème de « Passion, Passions ». Ces rencontres se doublent d’un Salon du livre.
AVEC 24 INVITÉS DE TRÈS HAUT NIVEAU, DONT...
l Daniel Cordier, résistant, secrétaire de Jean Moulin en 1942-1943 l Robert Badinter, avocat l Titouan Lamazou, navigateur et peintre l Patrick Pelloux, médecin urgentiste et ancien chroniqueur de Charlie Hebdo l Claire Chazal, journaliste l Ruth Elkrief, journaliste l Smaïn, humoriste l Fayçal Karoui, directeur musical de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn...
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
II
« La passion joue un rôle considé INTERVIEW François Bayrou décrit un monde où la passion, thème des Idées mènent le monde, a détrôné la raison. À la veille de la 4e édition des Idées mènent le monde, quel bilan tirez-vous des trois premières ?
Le père des Idées mènent le monde, François Bayrou, se dit homme de passion(s) mais aussi de raison. © MARC ZIRNHELD
SOMMAIRE Le Béarn terre de passions PAGE III
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Le jour qui a marqué leur destin PAGE IV
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Deux vies, deux regards PAGE V
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Les 24 invités du salon PAGES VI et XI
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Les amours célèbres en Béarn PAGES XII-XIII
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Comment aimezvous ? Notre test PAGE XIV
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Le Salon 2017 en pratique PAGES VII à X et XVI █
C’est une réussite largement reconnue et d’abord par le public puisque des dizaines de milliers de personnes viennent tous les ans pour entendre des intervenants tout à fait exceptionnels. Il est rare de présenter un plateau de ce niveau, d’autant plus que tout le monde est bénévole, organisateurs comme intervenants. C’est un magnifique engagement. De la même manière, pour le
public, tout est gratuit. Pour moi, l’intelligence, la sensibilité et la créativité sont pour tous et ne sont pas réservées à ceux nés dans les milieux privilégiés. Mon idée : « Venez et vous découvrirez ».
Du progrès de l’édition 2016 à la passion, n’y a-t-il pas un monde ? Au contraire, les deux thèmes ont beaucoup à voir. Nous vivons des temps dans lesquels la passion, souvent éruptive, joue un rôle considérable. Voyez l’information : j’ai dans mon bureau la première page de « L’Éclair » du jour de ma naissance, 16 des 17 titres parlaient de politique étrangère. C’est fascinant : pourtant, ce n’est pas si loin ! Aujourd’hui, le
sensationnel, qui est une forme de la passion, est toujours mis en exergue, surtout dans les journaux people ou les chaînes d’information continue. Tout se passe comme si le monde avait recherché la raison pendant deux ou trois siècles et que toutes les digues étaient désormais emportées par la passion. Ma génération a vécu avec l’idée que le racisme aux ÉtatsUnis était en voie de s’éteindre. Je me souviens des premiers mariages mixtes et de l’entrée à l’université blanche des premiers étudiants noirs, et on est allé jusqu’à élire, avec Obama, un président métis ! Puis avec Trump, on est retombé dans l’archaïque et le passionnel.
« Une société qui n’est pas celle dont le siècle des Lumières rêvait »
Et la passion religieuse : on a vécu tout un temps où on avait au Proche et Moyen-Orient, un pouvoir occupé par le mouvement baasiste, laïque. Je me souviens des discours de Nasser en Égypte où il moquait en public ceux qui voudraient remettre le voile aux filles ! Et on a le retour de ce qu’on appelle l’intégrisme, qui n’est pas autre chose qu’une irruption de la religion passionnelle, et qui veut s’imposer à tous les aspects de la vie. Le mariage qui était affaire de raison est devenu d’amour […] La presse s’intéresse aux passions : la moto, le cheval, le jardinage… C’est un incroyable changement de société qui n’est pas du tout celle dont le siècle des Lumières rêvait.
Pourquoi différenciez-vous passion (au singulier) et passions (au pluriel) ? Ce n’est pas le même sujet : la passion comme phénomène qui
Philippe Meyer ou l’amour de la conver RENCONTRE Cette grande voix de la radio sublime l’art de la conversation. Privé de son média, l’esprit libre de Philippe Meyer vagabonde désormais « en peau de caste ». Et si on parlait de passion avec raison et esprit, sans effusion, ni éruption, sans mot plus haut que l’autre ? Voilà un passionné parfait pour « Les idées mènent le monde ». Philippe Meyer, voix incontournable de la radio et amoureux de la conversation, qui déteste qu’on la compare au débat d’idées – « je préfère les combats de coq, pour les paris », commente-t-il sèchement.
« Un goût qui se mérite » « L’art de la conversation a été développé il y a plusieurs siècles dans les salons, avant d’en sortir. C’est une passion qui se mérite et dont j’ai hérité, transmise par des gens que j’admire, quelque chose qui repose », pose celui qui, enfant, a été « adopté par le gros récepteur Grundig avec son unique œil vert dont la pupille se dilatait ou se resserrait pendant la recherche des sta-
Après 35 ans de radio, Philippe Meyer rebondit poussé par ses auditeurs, sur internet. © Claude Truong-Ngoc
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MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
rable » organise une société ou une personnalité, et les passions dans lesquelles on s’investit individuellement.
Et vous, êtes-vous passion ou raison ? Je suis un peu des deux. Je donne ma vie à des choses qui en valent la peine : la préoccupation de la cité au sens large du terme (la politique), les grandes aventures partagées, les livres, mes tribus (familiale, amicale et politique), la passion pour Pau et cette région – j’en ai fait la preuve : il a fallu s’y prendre à plusieurs fois pour gagner la ville [rires] –, la passion pour les Pyrénées, pour la langue, la passion pour ces gens que personne ne défend, ou encore les chevaux, la nature, les champs…
Et la raison alors ? À côté de ça, je suis rationnel. On croit que je suis littéraire, mais le fond de ma nature est davantage technique et scientifique. J’aime construire, comme on le voit dans cette ville, j’aime l’architecture et le travail du maçon. Aujourd’hui, le monde réel, celui qu’on touche, les murs, les ciments, les bétons, les chaux, les moteurs disparaissent de la connaissance. Moi, pour être né dans cet univers-là, j’ai l’esprit pratique, ça me sauve beaucoup. En fait, c’est mon équilibre.
Une passion envahissante ? Je ne suis pas « addict » ou je le suis moins que beaucoup d’autres, je me désintoxique facilement.
Pas de la politique visiblement ? N’en jetez plus ! Votre plus grande passion parmi toutes celles-ci ? Je ne sais pas faire le tri… Ma plus grande passion, c’est vivre.
sation tions », se souvient-il dans le dernier numéro de Vanity Fair où il évoque les émissions et les voix qui ont façonné son esprit. Un art dans lequel ce docteur en sociologie est passé maître et dont il régale depuis 35 ans, avec ce timbre sans pareil, sa liberté et son effronterie, ceux qui savent écouter. Il commence sur France Inter, « un délicieux hobby » avec « Télescopages » en 1982, avant de ponctuer les matinales du leitmotiv « Nous vivons une époque moderne ». En 1990, on lui confie un portrait politique « caustique mais informé », plus ou moins apprécié par les invités. En 1999, Martine Aubry, premier ministrable, refuse le sien et Meyer claque la porte du rendez-vous. Il réjouira l’oreille en parallèle de son émission politique dominicale « Esprit public », avec « des nouvelles sans gravité » dans « Conciliabule » et de vieilles ritournelles dans « La prochaine fois je vous le chanterai ».
Emmené par ses auditeurs 35 ans de radio et des auditeurs fidèles qui ont été nombreux à le titiller (des « incitations, sollicitations voire adjurations ») pour qu’« Esprit public » dont le journaliste-producteur a été évincé par France Culture en juin, survive avec lui (l’émission « originale » continue à la radio, animée par Émilie Aubry). Depuis la rentrée, il mène donc son « Nouvel esprit public » (1) sur internet, en peau de caste comme il aime à le pro-
Je pourrais, mais il reste du chemin à faire… Et il en restera après moi. RECUEILLI PAR M.B. Im.berthoumieu@pyrenees.com
« C’est une passion qui se mérite et dont j’ai hérité, transmise par des personnes que j’admire » noncer (traduisez podcast), grâce à un financement participatif qui lui a déjà permis de réunir quelque 92 000 euros (deux fois plus qu’attendu). Toujours avec cette philosophie qui répond parfaitement à celle des rencontres paloises, et qu’il définit lors de sa première émission sur internet en citant Marcel Pagnol « Nous ne prenons pas nos opinions pour des jugements ». « On écoute son visà-vis, on s’emploie à répondre et à développer, décrit-il encore. La conversation n’est pas un mode de communication dans lequel on est d’accord, mais dans lequel on ne cherche pas à incorporer les gens sous sa bannière. » Reste maintenant à le faire savoir car les podcasts n’ont pas encore trouvé leur modèle économique. « Revenez dans six mois », défie l’animateur. Chiche. M.B. I 1. www.lenouvelespritpublic.fr
III
Le Béarn, terre de passions SPORTS Fous de rugby, mais
pas seulement, les Béarnais sont des amoureux de la pratique sportive.
Les clubs emblématiques, d’abord : la Section Paloise porteétendard du rugby béarnais luimême émanation professionnelle d’une des cultures du rugby des villages les plus fortes de l’Ovalie ; l’Elan Béarnais et son épopée improbable du marché de la Moutète à Orthez à l’écrin du Palais des sports de Pau. Mais le Béarn compte d’autres monuments sportifs : le Grand Prix de Pau et
Le rugby des villages, une culture béarnaise. son circuit urbain, inscrits au patrimoine automobile mondial ; le Pau Golf Club de Billère, premier golf d’Europe continentale créé en
MONTAGNE Magnifié
par le célèbre Pic du Midi d’Ossau, le Béarn entretient un lien viscéral avec ses montagnes.
Plus qu’un sommet dominant, le Pic du Midi d’Ossau est un emblème du Béarn, une icône même, mais aussi presqu’un membre de la famille comme en témoigne son affectueux surnom (« Jean-Pierre »). Une étude de 2014 a recensé pas moins de 110 entreprises utilisant l’Ossau dans leur communication. Le Pic du Midi d’Ossau est le symbole du
« Jean-Pierre », ce sommet béarnais qui fait « partie de la famille ». lien charnel et ancestral que les Béarnais entretiennent avec « leurs » Pyrénées. Une activité pastorale encore très vivace dans
GASTRONOMIE Le Béarn se distingue par un goût prononcé pour les « bons produits » et la convivialité qui va avec. Évacuons-le tout de suite : la sauce béarnaise a été inventée dans la région parisienne. Deux plats sont en revanche identitairement rattachés au Béarn : la poule au pot, liée à Henri IV, et la garbure. Côté produits, la région est une zone de production fromagère (brebis, vache). Le Béarn participe par ailleurs à la tradition gastronomique gasconne
Bons produits, technique et convivialité, la recette gagnante d’Yves Camdeborde. (foie gras, confit, magret), mais le cochon occupe une place centrale. Le territoire est dans la zone d’appellation du jambon de Bayonne. On
POLITIQUE Le Béarn a été
tout au long de son histoire un véritable vivier de destins politiques nationaux.
Gaston Fébus, Jeanne d’Albret, Henri IV, Bernadotte, Louis Barthou, André Labarrère, François Bayrou, pour ne citer qu’eux. Nombreuses sont les personnalités béarnaises qui ont joué un rôle politique de premier plan au niveau national. Sur une période récente, de Louis Barthou à François Bayrou, le Béarn a fourni son lot de ministres à la République.
Henri IV ou l’art du compromis. On peut citer encore Léon Bérard, Auguste Champetier de Ribes, Pierre de Chevigné, Maurice
1856 ; l’hippodrome du Pont-Long inauguré dès 1848. On peut ajouter à ce panorama déjà incroyablement riche, l’histoire d’amour de la région avec le vélo qui fait de Pau la ville la plus visitée par le Tour de France après Paris et Bordeaux, le concours complet CCI**** du domaine de Sers, sans oublier le stade d’eaux vives de Pau/Bizanos qui vient d’accueillir les Mondiaux de canoë-kayak… Tous ces fleurons sont l’expression de la passion des Béarnais pour le sport sous toutes ses formes, du rugby au basket donc, en passant par le football, le handball, la pelote, et, de plus en plus, la course à pied.
les vallées d’Ossau, Aspe et Barétous en atteste. La carte postale paloise de « la plus belle vue de terre » (selon Lamartine) depuis le boulevard des Pyrénées, également. Tout comme le thermalisme qui a joué un rôle essentiel dans la notoriété du Béarn, puis le tourisme hivernal (les stations de ski) ou estival (le petit train d’Artouste). Même si la proximité de la côte basque peut servir de trouble-fête, les Béarnais vivent pratiquement chaque week-end avec leurs montagnes que ce soit pour s’adonner aux joies des sports d’hiver ou aux plaisirs de la randonnée, de l’escalade ou encore du canyoning.
se passionne aussi pour le boudin et l’andouillette. Côté vins, les jurançon, pacherenc et madiran ont leurs lettres de noblesse. Enfin au rayon sucré, impossible de ne pas citer le Russe d’Artigarrède ou la célèbre coucougnette créée par Francis Miot. On aura compris que les Béarnais ont développé un goût prononcé pour les bons produits du terroir mais aussi toute la convivialité qui s’y rattache. Un parti pris gastronomique enfourché avec talent par Yves Camdeborde inventeur du concept de « bistronomie », et de nombreux autres chefs (confirmés ou prometteurs), en Béarn.
Plantier, Alain Lamassourre… Sous la Ve République, des Béarnais ont été candidats à 7 reprises à la magistrature suprême (dont François Bayrou trois fois). Cette forte représentation peut être reliée à un goût prononcé des Béarnais pour le débat public, tradition orale oblige, mais aussi à une propension historique à vouloir pendre leur destin en main (cf. les fors de Béarn). Le tout, le plus souvent avec un sens aiguisé du compromis (voire des transgressions) que certains associeront au légendaire art béarnais du sous-entendu…
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
IV
... Daniel Cordier est entré RENCONTRE Le monde du patriote s’écroule à 19 ans, quand le 17 juin 1940, Pétain appelle à cesser le combat. Lui s’engage.
Le jour où...
À 98 ans, Daniel Cordier, raconte comme si c’était hier le tournant de sa vie, avec humeur et humour. Comment depuis Bescat et Pau, il a basculé dans la Résistance. Celui qui sera le secrétaire de Jean Moulin, de juillet 1942 à son arrestation en juin 1943, n’avait alors que 19 ans, des idées bien arrêtées sur le monde, une vie heureuse auprès de sa mère, divorcée, et de son beau-père, Charles Cordier, une jeune fille à épouser… Tout s’écroule le lundi 17 juin 1940, à 12 h 30, quand le héros de guerre qu’il voit en sauveur, le Maréchal Pétain, tout juste nommé président du Conseil, appelle à cesser le combat. Dans la grande maison de Bescat qui a vue sur la vallée d’Ossau et le pic du Midi, il écoute le discours à la radio : « Ma mère s’est effondrée en larmes dans les bras de mon beau-père et je suis monté me jeter sur mon lit en sanglotant », se souvient le nonagénaire.
« Se rendre ? C’était impossible » « Je voulais faire la guerre, explique celui qui était alors Camelot du roi. Mon père et mon beau-père étaient d’anciens combattants et aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu être militaire. J’espérais que Pétain lancerait la mobilisation générale pour que
j’aille tuer du Boche (sic) ». Car à 18 ans, il devait avoir l’autorisation de son père pour se battre. Et celui-ci lui avait refusé, rompant à jamais leur relation. Daniel se sent coupable, sans doute s’il était allé sur le front, la guerre aurait été gagnée. « Se rendre ? C’était impossible : il fallait faire quelque chose ». Pétain devient le traître et le jeune nationaliste maurrassien veut toujours se battre pour la France. Il file à Pau retrouver ses camarades à la permanence de l’Action française. « Je propose de prendre les voitures de nos parents, les fusils de chasse et d’aller tirer sur les Allemands qui descendaient vers les Landes : on en tuait quelques-uns et on serait morts pour la France !
« Je voulais tuer du Boche, je n’en ai tué aucun », regrette le résistant.
Qu’est ce qui engage une vie ? Cordier doit beaucoup à son beau-père qui l’a aidé à partir. Mais il pense souvent au pyjama que portait son père le jour où il a claqué la porte parce qu’il lui refusait d’aller au combat, un pyjama qui l’a empêché de le poursuivre dans la rue et de l’arrêter net… © DR
Badinter condamne la peine de mort LA PASSION DE LA JUSTICE Peu après l’élection de François Mitterrand, le ministre de la Justice se présente devant les députés : il va défendre le projet de loi d’abolition de la peine de mort. C’est l’un des discours les plus marquants que les murs du Palais Bourbon ont eu à entendre. Le 17 septembre 1981, le ministre de la Justice, Robert Badinter, entre à l’Assemblée nationale pour y défendre le combat de sa vie : l’abolition de la peine de mort. Une journée dont il se souvient avec précision. « Je pénétrai dans l’hémicycle bruissant. Les travées des députés étaient remplies. Les tribunes du public, bondées. Je gagnais le banc des ministres », écrit-il dans son ouvrage « L’Abolition ». Parmi les parlementaires qui l’y rejoignent, André Labarrère, maire
de Pau de 1971 à 2006 et alors ministre chargé des relations avec le Parlement. Dans « l’atmosphère particulière » de l’hémicycle, Robert Badinter sent le poids de l’histoire. « Assis à ma place, devant la tribune de l’Assemblée nationale où Lamartine, Hugo, Jaurès, Briand avaient soutenu la grande cause de l’abolition, j’éprouvais une émotion mêlée d’étonnement. »
Un militant devant les députés « J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale d’abolir la peine de mort en France. » C’est par ces mots forts
Ce jour-là, dans « l’atmosphère particulière » de l’hémicycle, le ministre sent le poids de l’histoire. © AFP
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
Le Journal des Rencontres Littéraires
V
LE REGARD DE…
en résistance Frédéric Tissot Quand je l’ai annoncé, il y a eu un grand silence, rigole-t-il. Ils ne voulaient pas mourir comme ça. Moi, j’étais hors de moi ! ». S’ils ne veulent pas mourir la fleur au fusil, les jeunes vendeurs du journal d’extrême-droite, décident d’une réunion le vendredi pour se rassembler et agir. Pour quoi ? Ils ne le savent pas encore. Mais font imprimer 4 000 tracts. Des tracts qu’ils vont corriger à la main dès le mercredi, avançant la réunion. Car tout se précipite : un arrêté va interdire la circulation de nuit, gênant les velléités de départ. Ce 19 juin, aucun n’a entendu l’appel, lancé la veille par un certain général de Gaulle à continuer la lutte et à rallier l’Angleterre. Mais la BBC le relate et conforte les rebelles dans l’idée de rejoindre l’armée française en Afrique du Nord.
Ralliement à la mairie de Pau Le lendemain matin, Daniel fait sa valise, bien décidé à prendre le bateau à Bayonne. Mais son beaupère lui apprend que le préfet empêchera le rassemblement et lui conseille d’aller voir le maire Pierre Verdenal. Celui-ci lui propose l’hôtel de Ville : « Je le vois encore, très amical, il me dit une chose que je ne savais pas : la police n’a pas le droit d’entrer dans la mairie ! ». Les jeunes iront discrètement devant la salle initialement prévue, pour guider les participants vers la place royale. « C’était fou, se rappelle Cordier. La mairie était pleine à craquer et il y avait du monde sur la place ! » Malgré la cacophonie, le mot d’ordre est passé : rendez-
vous au monument aux morts de la place de Verdun, à 21 h 30, pour une minute de silence. Ceux qui veulent partir, devront amener leur bagage.
Stoppés par un fusil-mitrailleur De là, par petits groupes pour éviter les soupçons, les jeunes se dirigent vers le garage de compagnie de bus TPR du beau-père de Daniel. Quatre autocars se remplissent. Mais au moment du départ, des militaires (prévenus ?) les mettent en joue et leur intiment de faire demi-tour en raison du couvre-feu. La déception. Que faire ? Les garçons se dispersent à pied, vers la route de Bordeaux. La nuit avance, et les rares restés au garage se disent qu’ils prendront la ligne régulière au petit matin. Les Cordier partent tous feux éteints prévenir les marcheurs. Le vendredi, ils ne seront que 17 à bord du bus… 17 qui prendront le bateau à Bayonne, grâce à Charles (encore) qui paie leur passage. 17 qui croient partir pour l’Afrique du Nord, mais qui débarqueront à Londres pour intégrer la jeune armée du général de Gaulle. Daniel Cordier, lui, n’ira jamais sur le front mais en zone occupée, dans la Résistance. « J’étais un très bon soldat. Je voulais tuer du Boche, je n’en ai tué aucun, regrette-t-il encore aujourd’hui. Je n’ai rien fait ! ». Rien ? C’est une autre histoire que raconte ce grand discret devenu historien dans « Alias Caracalla » (éd Gallimard). Un pavé à lire absolument. M.B. Im.berthoumieu@pyrenees.com
à l’Assemblée
que le ministre, plus habitué aux salles d’audience qu’aux discours face aux représentants du peuple, commence son discours. Un discours qu’il refuse de voir comme un plaidoyer mais qu’il prononce avec une passion non-dissimulée. « En vérité, celui qui s’adressait ce jour-là aux députés attentifs n’était ni le ministre ni l’avocat, mais le militant passionné d’une grande cause qui triomphait enfin », écritil. Le lendemain, lors du vote, les députés se rangent en grande majorité à l’avis du Garde des Sceaux, à 363 voix contre 117. Les sénateurs l’approuvent également, le 30 septembre. Son ouvrage se conclut sur ces lignes : « En sortant du Sénat, je découvris que le soleil avait dissipé la brume matinale. […] Il faisait beau, merveilleusement beau. Je pensai à tout ce qui était advenu. Puis je rentrai chez moi, le long des allées. C’était fini, la peine de mort. » H. R. I
Médecin voyageur, Frédéric Tissot ne connaissait pas grandchose du peuple kurde avant de faire la connaissance d’Abdulrahman Ghassemlou, en février 1981. Il ne se rappelle plus de la date exacte mais le souvenir est gravé à jamais dans sa mémoire. Frédéric Tissot, médecin baroudeur, fait une rencontre décisive qui va bousculer sa vie. « Je me souviens de la grotte souterraine au Kurdistan d’Iran où j’ai rencontré pour la première fois le docteur Ghassemlou », se remémore le médecin. C’est ce jour-là, au contact du secrétaire général du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran, qu’il prend conscience des difficultés rencontrées par ce peuple sans État pour faire valoir son identité. « C’est ce qui fait que je suis encore investi pour le peuple kurde, pour lequel j’ai donné beaucoup de ma vie », résume-til. Cela devient alors son grand
La cause kurde dans le cœur
combat. « Tout ça va me faire plonger à l’intérieur du XXe siècle et remonter jusqu’à la chute de l’Empire ottoman, pour comprendre cette non-existence. » Il restera deux ans sur place, exerçant dans la clandestinité la médecine de terrain.
Le médecin devient Consul général
« ÇA A CHANGÉ MA FAÇON DE VIVRE, MES PERSPECTIVES PEUT-ÊTRE, MAIS RIEN DANS MA TÊTE. C’EST UN ACCIDENT, VOILÀ, ÇA ARRIVE À PLEIN DE MONDE.»
À son retour en France, il travaille avec Danielle Mitterrand à l’accueil d’un millier de réfugiés kurdes sur le territoire. S’il continue ses activités de médecin, en Afghanistan notamment, c’est comme diplomate qu’il reviendra finalement au secours de la cause
Patrick Pelloux Arrivé parmi les premiers dans les locaux de Charlie Hebdo après l’attentat du 7 janvier 2015, Patrick Pelloux, 54 ans, médecin urgentiste au Samu de Paris (et président de l’Association des médecins urgentistes de France), a dû porter assistance à certains de ses plus proches amis. Une journée traumatisante dont il a tiré un récit. Il aurait pu être dans la salle, au moment où deux terroristes armés ont fait irruption dans les locaux de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, tuant onze personnes dont huit membres de la rédaction. Et blessant plusieurs autres. Mais ce jour-là Patrick Pelloux, médecin urgentiste et chroniqueur pour Charlie, était retenu ailleurs. Arrivé rue Nico-
« ÇA M’A PERMIS, AVEC MON REGARD DE MÉDECIN, DE VOIR CE QU’ON ME CONSEILLAIT ET DE VOIR SI ÇA S’APPLIQUAIT BIEN. J’AI ÉTÉ MA PROPRE EXPÉRIENCE. »
kurde. En 2006, survient un événement qui aurait pu éloigner Frédéric Tissot : il devient paraplégique après avoir été frappé par un arc électrique lors d’une mission en Haïti. Il relativise : « Ça a changé beaucoup de choses pour mon entourage car d’un homme debout, je suis devenu un homme assis. Mais pour moi ça n’a pas changé grand-chose dans ma vie. Ça a changé ma façon de vivre, mes perspectives peut-être, mais rien dans ma tête. C’est un accident, voilà, ça arrive à plein de monde. » L’année suivante, il est nommé par son ami Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères au poste de Consul général à Erbil (Kurdistan). Depuis, il garde un œil très attentif sur la situation dans la région, notamment suite au référendum organisé récemment au Kurdistan irakien. « Malgré son succès, c’est devenu une vraie catastrophe historique pour les Kurdes irakiens puisqu’en quelques jours ils ont perdu tous les acquis qu’ils avaient obtenus toutes ces dernières années », estime l’ex-diplomate. Toujours amoureux de ce peuple, il œuvre à promouvoir sa cause. Et continue ainsi un combat entamé il y a plus de 35 ans. HUGO RICHERMOZ I
Dans l’enfer des attentats jour-là, il va se servir des armes qu’il maîtrise le mieux : la plume et la médecine.
Un long chemin pour « vivre avec »
las Appert, il doit alors porter assistance à ses amis blessés. Et s’apercevoir que d’autres sont déjà morts. Sur place, son cerveau se scinde en deux. Alors que l’urgentiste s’affaire pour sauver les blessés, dans une série de gestes automatiques, l’ami pleure déjà ses proches en silence. Une « fracture » teintée de « souffrance immense » qui, une fois sorti du feu de l’action, n’a pu se résorber. Pour exorciser le psychotraumatisme subi ce
Dans son livre témoignage, « L’Instinct de Vie », paru en début d’année 2017, il raconte l’horreur vécue et le long chemin pour surmonter ce traumatisme. « J’ai voulu faire un essai sur le psychotraumatisme et comment guérir, ou vivre avec », expliquait-il au moment de la sortie de l’ouvrage. Une « thérapie » qui lui a permis une longue introspection, mais aussi d’étudier l’attitude de son entourage devant cet état de fait. « Ça m’a permis, avec mon regard de médecin, de voir ce qu’on me conseillait et de voir si ça s’appliquait bien. J’ai été ma propre expérience. » Victime d’un phénomène de sidération, il mise sur la patience pour sortir la tête de l’eau. « On s’en sort avec beaucoup de temps. J’ai écrit ce livre pour expliquer aux gens qui accompagnent des personnes victimes d’un drame quel qu’il soit, qu’il faut beaucoup de temps. » H. R. I
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VI
« En France, tout devient passion »
L’historienne vient de publier son dictionnaire amoureux de la psychanalyse. © DR
LA PSYCHANALYSTE Élisabeth Roudinesco nous prescrit une bonne cure de parole. Vous venez de publier le « Dictionnaire amoureux de la psychanalyse ». Est-ce votre passion ? Non, je ne dirais pas cela. C’est plus un objet d’étude, mais certainement passionnel car la moitié de mes livres en parlent, et elle est au cœur de ma vie. Je suis plus passionnée par l’histoire de la psychanalyse que par sa pratique, par cette aventure intellectuelle, depuis les premiers freudiens qui voulaient comprendre les névroses et explorer l’inconscient, comment elle a changé et s’est inscrite dans notre culture.
C’était assez original, non ? Personne n’avait étudié l’histoire de la psychanalyse en France avant moi. Et j’ai aussi évolué vers l’histoire comparative car la psychanalyse est une internationale. Cela me donne une distance critique, qui n’exclut pas l’histoire de la clinique, la passion de guérir, de changer l’homme et ses névroses.
Dans votre abécédaire, il n’y a pas la passion. Pourquoi ? La passion est une notion très large. J’ai préféré l’intégrer à amour qui est une longue entrée de mon Dictionnaire. Et j’y parle des folies amoureuses qui peuvent aboutir à l’excès, à la pathologie. Les passions de l’âme sont complexes mais indispensables à l’organisme. Si on prend trop de médicaments, on est apathique, sans angoisse et sans passion. Mais si on est sous l’emprise de la passion on peut en mourir.
Jugez-vous la passion des idées toujours aussi forte en France ?
Elle ne régresse pas. Voyez les intellectuels de droite, d’extrême droite, les réactionnaires qui dominent le débat. On leur répond tout le temps. Avec certains on peut débattre, comme Alain Finkielkraut, mais avec d’autres, Eric Zemmour ou Michel Onfray, c’est impossible. Celui-ci a toujours refusé de débattre publiquement avec moi, car il est incapable d’affronter ses erreurs monumentales – dates fausses, références inventées, délires, textes copiés et collés, etc – et il serait ridicule face à quelqu’un qui se contenterait de corriger sa copie.
Le débat, une autre de vos passions ? Le débat d’idées est toujours passionnant. Et en France, tout devient passion – c’est pour ça que je l’aime. Tout y devient une affaire conflictuelle. Comme pour le mariage homosexuel, pour lequel j’ai milité : ça a mis des millions de personnes dans la rue ! Alors qu’en Angleterre, un décret, et c’est passé. La France est ainsi, convulsive, depuis le siècle des Lumière et la Révolution : et même avant. Et cela continue, comme ces rencontres à Pau entre intellectuels, que vous ne verrez jamais en Angleterre où le débat se joue entre scientifiques dans le huis-clos des campus ou aux Etats-Unis. Dans les pays anglophones, il y a des « experts » et non pas des « intellectuels »..
Dans une société où l’on soigne les maux de l’esprit par la méditation ou/et les psychotropes, la psychanalyse et la parole ont-
« C’EST UNE AVANCÉE DE LA CIVILISATION D’AVOIR LE DROIT DE S’EXPRIMER »
ÉLISABETH ROUDINESCO, HISTORIENNE DE LA PSYCHANALYSE
Après le bonheur et l’enfance, puis le progrès, l’édition 2017 des « Idées mènent le monde » se penche sur la passion dans tous ses états et sous toutes ses formes. Écrivains,philosophes, chercheurs, chroniqueurs de radio ou de télévision, sociologues, enseignants, scientifiques, journalistes ou encore auteurs, les invités animeront conférences et débats. Ils pourront dialoguer avec le public tout au long de ces trois jours.
RAPHAËLLE BACQUÉ
Journaliste politique, scénariste, écrivain Grand reporter au journal Le Monde, Raphaëlle Bacqué est née en 1964. Diplômée du Centre de formation des journalistes, de l’Institut d’études politiques de Paris et diplômée en droit public, elle a commencé sa carrière à l’AFP puis à France soir, au Parisien et à Marianne. Après un livre et documentaire sur « L’Enfer de Matignon » en 2008, elle cosigne le scénario du téléfilm « Silences d’État » en 2013.
elles encore leur place ? Oui. C’est ce qui arrive avec ces histoires de harcèlement : les femmes n’ont longtemps pas voulu parler et on voit bien la grande nécessité de libérer la parole. Cela ne peut pas se soigner à coups de médicaments ! Même si je suis partagée sur ce déballage : il faut rester dans les règles du droit et apporter la preuve, même si cela doit coûter cher. La société est beaucoup plus libre que lors de la naissance de la psychanalyse à Vienne, où la parole des femmes était interdite et la pratique amoureuse frustrée. Mais ça ne veut pas dire qu’on fait tout et n’importe quoi, il est nécessaire de maîtriser ses pulsions et ses passions.
Qu’est ce que la psychanalyse peut encore apporter à une société qui la critique autant ? Je suis toujours frappée par la haine et les attaques qu’elle suscite. Depuis les religieux qui la disaient satanique et ceux qui la jugent inefficace, alors qu’on ne peut pas guérir l’homme de sa condition humaine ! Les psychanalystes sont aussi très responsables de cette détestation. Mais un petit peu de cure par la parole ferait du bien, c’est une avancée de la civilisation d’avoir le droit de s’exprimer. Aujourd’hui, la psychanalyse n’a disparu d’aucun des pays où elle s’est implantée, elle est une culture. On parle freudien sans le savoir en Occident (lapsus, oubli, inconscient), quand ailleurs on évoque les esprits. Et le divan des politiques, ce n’est pas freudien ? Les émissions de déballage et les autofictions ? De la culture psychanalytique ! - même si ce n’est pas la meilleure. Sans révolution freudienne, on n’aurait pas eu les avatars de la révolution freudienne. M.B. Im.berthoumieu@pyrenees.com « Dictionnaire amoureux de la psychanalyse », Élisabeth Roudinescou, Plon/Le Seuil, 608 p., 24 €
Les 24 JÉRÔME DESCHAMPS
RUTH ELKRIEF
LÉOPOLD EYHARTS
MICHEL LE BRIS
PHILIPPE MEYER
OLIVIER MONGIN
Comédien, metteur en scène L’acteur, metteur en scène, et auteur de théâtre mais aussi acteur et réalisateur de cinéma, marqué par Jacques Tati, doit sa popularité à la troupe des Deschiens qu’il créé en 1978 avec Macha Makeïeff. Le couple va monter 20 spectacles. Né en 1947, l’ancien de la Comédie Française est à la tête du Théâtre national de Nîmes (200307), avant celle de l’OpéraComique pendant 8 ans.
Écrivain, essayiste Michel Le Bris (1944) est passionné par les grands espaces et les aventuriers. Révolutionnaire marqué par 1968, fou de littérature, éditeur, romancier, philosophe, et journaliste (cofondateur de «Libération»), il est un spécialiste de Robert Louis Stevenson, et directeur du festival du livre et du film de Saint-Malo « Étonnants voyageurs » créé en 1990. En 2009, il publie sa biographie « Nous ne sommes pas d’ici » (Grasset).
Journaliste, présentatrice Née en 1960, elle intègre TF1 en 1987 comme correspondante aux États-Unis, avant de prendre la tête du service politique et de présenter « Le Grand Journal » avec David Pujadas, puis « 19 h Dimanche ». En 2001, elle passe à RTL, où elle animera « Le Grand Jury ». En 2005, elle entre chez la toute jeune BFM TV, où depuis sept ans, elle mène « 19 h Ruth Elkrief ».
Journaliste, essayiste Né en 1947 en RFA, Philippe Meyer est docteur en sociologie avant de se lancer dans le journalisme. Il est une des grandes voix de la radio (à Radio France), celle d’un érudit drôle et amoureux du verbe, de la conversation et de musique. Écarté de France Culture et de son émission « L’Esprit public », il a lancé à la rentrée un podcast hebdomadaire, « Le Nouvel Esprit public », grâce à un financement participatif.
Spationaute, ingénieur Ce Biarrot de 60 ans qui a fait son lycée à Louis-Barthou à Pau, est un spationaute français, pilote d’essai et officier de l’armée de l’air. Il a passé trois semaines sur la station Mir en 1998 pour réaliser des expériences scientifiques et un mois et demi sur la station spatiale internationale en 2008, pour y installer le laboratoire européen Colombus. Il est désormais chargé des activités d’après vol à l’Agence spatiale européenne.
Philosophe, essayiste Né en 1951, le directeur de la publication de la revue intellectuelle « Esprit » (19882012) s’est formé à l‘histoire, aux lettres, à l’anthropologie et à la philosophie. Une multidisciplinarité qu’il met au service de la compréhension des mutations des sociétés contemporaines : il a écrit des essais sur la ville, la violence et le rire. Olivier Mongin est un proche d’Emmanuel Macron avec lequel il dit entretenir une « amitié philosophique ».
Le Journal des Rencontres Littéraires
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
ROBERT BADINTER
Avocat, homme politique L’avocat parisien né en 1928, s’est rendu célèbre avec son combat contre la peine de mort. Après avoir évité la guillotine à plusieurs condamnés, il obtient l’abolition en 1981 alors qu’il est Garde des Sceaux de François Mitterrand. Il fera aussi voter la dépénalisation des relations homosexuelles avec les mineurs de plus de 15 ans. Il a aussi présidé le Conseil constitutionnel de 1986 à 1995.
STÉPHANE BOURGOIN
Écrivain C’est après le violent meurtre de sa compagne en 1976, à Los Angeles, que ce chroniqueur de film de série B et d’horreur a voulu comprendre les tueurs en série. Né en 1953 à Paris, il est devenu le confident de 77 d’entre eux et a écrit des dizaines de livres sur le sujet. Il est devenu un spécialiste autodidacte et a enseigné au Centre national de formation de police judiciaire et inspiré des écrivains de polar.
YVES CAMDEBORDE
Chef cuisinier Né à Pau (1964), ce fils et frère de charcutiers quitte le collège à 14 ans pour devenir apprenti cuisinier. Elève des plus grands, il invente la bistronomie derrière les fourneaux de La Régalade (dans le XIVe à Paris) : un succès. En 2005, il ouvre un hôtel et le Comptoir du Relais SaintGermain. Il gagne en popularité à partir de 2010 avec sa participation à l’émission de M6 «Masterchef » pendant quatre éditions.
JEAN-CLAUDE CASANOVA CLAIRE CHAZAL Économiste, intellectuel Ce professeur d’économie né en 1934, est un libéral formé par Raymond Aron avec lequel il crée la revue « Commentaire » en 1978, qu’il dirige. Il a participé à des cabinets ministériels centristes, notamment comme conseiller du Premier ministre Raymond Barre (7681). Défenseur de l’autonomie universitaire et de la pluridisciplinarité, il a dirigé la Fondation nationale des sciencespolitiques qui gère l’IEP de Paris (2007-16).
Journaliste, animatrice Diplômée d’HEC, la journaliste née en 1956, est une des figures de l’information sur le petit écran pour les Français. D’abord sur Antenne 2 puis sur TF1 où pendant 24 ans, elle présente les journaux du weekend. Débarquée en 2015, cette férue de culture anime depuis « Entrée Libre » sur France 5 ainsi que son condensé sur France Info. Elle a aussi animé les Victoires de la musique classique et monte sur les planches pour des cultures.
XI
DANIEL CORDIER
Résistant, marchand d’art, historien Daniel Cordier n’a que 19 ans quand il s’engage en juin 1940 dans les Forces françaises libres. Parachuté en 1942 en France, il devient le secrétaire de Jean Moulin jusqu’à son arrestation un an plus tard. Après la guerre, le Compagnon de la Libération se consacre à l’art contemporain. En 1977, il se fait historien pour défendre la mémoire de Jean Moulin. Il travaille à la publication de ses journaux.
i nvités du salon palois JEAN-MICHEL FAUVERGUE MICHAËL FŒSSEL
RAPHAËL GLUCKSMANN
JEAN-FRANÇOIS KAHN
FAYÇAL KAROUI
PATRICK PELLOUX
SMAÏN
ALEX TAYLOR
FRÉDÉRIC TISSOT
Ex-chef du raid, député LREM Jean-Michel Fauvergue, 60 ans, a dirigé le Raid entre 2013 et 2017. Il y a commandé l’opération et l’assaut lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, après le massacre à Charlie Hebdo, mais aussi ceux du Bataclan ou encore la neutralisation du meurtrier d’un couple de policiers à Magnanville. Spécialiste de la sécurité publique et de l’immigration, il est écrivain et député en Seineet-Marne.
Médecin urgentiste, syndicaliste, écrivain Ce praticien hositalier né en 63, exerce au SAMU de Paris. Le syndicaliste se fait connaitre pendant la canicule de 2003 en donnant l’alerte aux médias de ses conséquences dans les hôpitaux. Grand défenseur de l’hôpital public, il était aussi chroniqueur à Charlie Hebdo et a beaucoup écrit sur son expérience d’urgentiste et son engagement social et syndical.
Philosophe, professeur Ce spécialiste de philosophie allemande, de philosophie politique et de Kant est professeur à l’École polytechnique depuis 2013, où il a succédé à Alain Finkielkraut. Né en 1974, cet ancien de Normale sup’ est conseiller de la rédaction de la revue « Esprit », où la conduit un de ses maîtres, Paul Ricœur. Dans son dernier livre il se penche sur la liberté, la souveraineté et l’autonomie qui deviennent le centre de la philosophie moderne après la Révolution.
ELISABETH ROUDINESCO
Historienne, psychanalyste Docteur en lettres modernes et sciences humaines, directrice de recherches à l’Université de Paris VII, Elisabeth Roudineso (1944) est psychanalyste (formée à l’école freudienne de Paris) et historienne de la psychanalyse. La biographe de Lacan et Freud préside la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse depuis 2007, et est chroniqueur au Monde des livres depuis 1996.
Essayiste, réalisateur et consultant Le fils très médiatique du philosophe André Glucksmann est un intellectuel dans l’action. Après des documentaire sur le génocide au Rwanda et la révolution Orange, il est consultant pour les gouvernements géorgiens et ukrainiens. Anti-Poutine, critique envers l’abandon des idées, anti-réac et pro-européen, il veut imposer sa vision d’une société ouverte, citoyenne, universelle et humaniste.
Comique, acteur Né en Algérie, il arrive en France en 1960 à l’age de 2 ans. Après la tournée des cabarets parisiens, le succès arrive en 1986 avec le one-man-show « A Star Is Beur ». Dix ans après, il obtient Molière, Victoire de la Musique et grand prix Sacem pour « Comme ça se prononce ». Il vient d’écrire des contes musicaux pour enfants avec l’orchestre de Pau : « Le disparu de la page 41 » et « Le fabuleux périple du pupitre voyageur ».
Journaliste, écrivain Né en 1938, il démarre sa carrière en couvrant la guerre d’Algérie et révelera notamment l’affaire Ben Barka. Il est le père des hebdomadaires «L’événément du jeudi» (1984) et «Marianne» (1997) qu’il dirige jusqu’en 2007. Le polémiste engagé, critique envers le néolibéralisme, est un proche du MoDem. Il se présente en 2008 aux élections européennes, mais élu, il se désiste, comme il l’avait annoncé.
Journaliste, animateur Le Britannique, vit en France depuis 1979, où il est devenu le « Monsieur Europe des médias », en 30 ans de télé et de radio, notamment pour France 3 (« Continentales » au début des années 90) et France Inter (revue de presse européenne). Officier des Arts et des Lettres, le sexagénaire (1957) a abandonné le journalisme avec le Brexit pour devenir militant pro-UE et a acquis la nationalité française en mars.
Chef d’Orchestre, directeur musical de l’OPPB C’est à la demande d’André Labarrère que le chef Fayçal Karoui (1971), a pris la direction de l’orchestre de Pau (OPPB) en 2002, où il y a tout à construire et où il va populariser la musique classique. En parallèle, ce passionné prend la tête du New York City Ballet (20062011) et désormais celle du fameux orchestre Lamoureux qu’il recentre sur le répertoire français.
Médecin humanitaire Depuis son service militaire de coopérant au Maroc, le médecin né en 1953, est un humanitaire de terrain, en Afghanistan, au Kurdistan, au Kosovo… Ce french doctor, fidèle de Kouchner, est touché par la foudre à Haïti en 2006 et devient paraplégique. Mais il ne rompt pas. Son ami devenu ministre le nomme consul général à Erbil, au Kurdistan irakien (20072012). Désormais, il s’occupe de l’accueil des migrants en France.
TITOUAN LAMAZOU
Navigateur, artiste peintre et photographe Né en 1955, il prend le large à 18 ans et réalise ses premières œuvres en 1982. Sa rencontre avec Éric Tabarly l’amène à la victoire du Vendée Globe en 1990. Il va parcourir le monde à la rencontre de femmes, dénonçant la misogynie et l’Unesco le nomme artiste pour la Paix. Il travaillera aussi sur les camps de réfugiés au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie.
Directeur de la publication : Jean-Pierre Barjou Rédacteur en chef : Nicolas Rebière Coordination : Eri c Bély Edition : Maryline Tastet, Olivier Bonetti Imprimerie : Pyrénées Presse, Z.I. Berlanne, 64160 Morlaàs
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
XII
Le Béarn, terre de passions amoureuses L’amour impossible de Franz Liszt et Caroline de Saint-Cricq HISTOIRE Au XIXe siècle, le Béarn est le théâtre de la passion dévorante et platonique entre le jeune musicien et la fille d’un comte béarnais Le touriste qui déambule dans la belle cité de Navarrenx se trouvera tout étonné de découvrir près de la Porte Saint-Antoine, à l’intérieur des remparts, une petite plaque de marbre sur laquelle apparaît le nom de Franz Liszt. Une inscription gravée dans la pierre rappelle aux visiteurs que le virtuose passa en ces lieux en 1828. Celui qui allait devenir un artiste mondialement adulé n’avait même pas 17 ans à cette époque. Il vivait une sorte de rêve d’amour avec une jeune fille du même âge : Caroline, la fille de l’arrogant comte de Saint-Cricq. C’est l’histoire de cet amour platonique, qui marqua profondément Franz Liszt, que l’historien René Descazeaux raconte en détail dans son ouvrage « Le Livre de l’Insolite du Béarn des gaves ». Nous voici au début de l’année 1828. Franz Liszt vit à Paris avec sa mère, Anna. Musicien virtuose, c’est déjà un artiste réputé. Le hasard, sans doute, fait se rencontrer le musicien et le comte de Saint-Cricq, natif d’Orthez d’une famille anoblie, qui vient d’être nommé ministre du Commerce et des Manufactures de Charles X.
sous le regard perdu de Madame de Saint-Cricq. Une idylle réunit et fascine les deux adolescents. Caroline lit beaucoup ; c’est elle qui fera découvrir à Franz, ébloui, l’univers merveilleux de Dante et les œuvres de deux jeunes auteurs qui promettent, Hugo et Lamartine. Il y a un engouement Liszt chez les Saint-Cricq. C’est vraisemblablement à cette époque à Navarrenx que les petits amoureux échangèrent leurs premiers serments. Et puis survient la catastrophe inattendue qui brise le cœur des amoureux. La comtesse, très malade, se fait un devoir, avant de mourir, de se confier à son mari. Elle évoque en tremblant les sentiments qu’elle a vu naître, et qu’elle a cautionnés, entre les jeunes gens : « S’ils s’aiment, ils l’ignorent ; au moins ne les empêchons pas d’être heureux ».
La fin des leçons de musique
Peu après cet aveu, la comtesse décède. Nous sommes le 30 juin 1828. C’est avec une rage froide et silencieuse que le comte de SaintCricq accueille l’intolérable nouvelle du penchant de sa fille pour Liszt, en qui il voit surtout un saltimbanque. Début juillet, il convoque Franz Liszt pour lui signifier la fin des leçons de musique. Franz sortit sans un mot et ne revint jamais. Pour lui, c’est un drame extrême, l’effondrement. Il abandonne la musique, veut entrer au séminaire de Paris. La révolution de juillet 1830 le tire de sa torpeur. Franz Liszt s’étourdit alors dans son art. Il triomphe dans les concerts qu’il donne dans les plus grandes villes du monde, dévore Rousseau, Chateaubriand, Vol-
Coup de foudre
Le jeune artiste est reçu par le comte et sa femme qui, au détour d’une conversation, évoquent les dons musicaux indéniables de leur fille et l’éventualité de cours à dispenser pour épanouir ces heureuses dispositions. Liszt écoute plus par politesse que par intérêt quand, soudain, une petite jeune fille de 16 à 17 ans, aux cheveux sombres et aux yeux violets, entre dans le salon, l’air presque triste. Mystère du coup de foudre, Franz tient à commencer sur l’heure la première leçon, jouant pour elle seule. Le voici amoureux fou de Caroline ! Dès lors, les cours de piano deviennent presque quotidiens
Franz Liszt conservera toujours le souvenir de son amour de jeunesse. REPRO PP
taire, Hugo, multiplie les conquêtes féminines. À l’automne 1844, Franz Liszt vient assurer une série de concerts, en Béarn puis sur la Côte Basque. Liszt est annoncé pour un concert à Pau, le 8 octobre. Une véritable frénésie s’empare de la ville. La soirée est prodigieuse, le succès de Liszt immense. Liszt, sensible à la ferveur du public béarnais, va accepter de jouer à nouveau le 10 octobre. Ce soir-là, il reçoit dans sa loge la visite d’une femme élégante et discrète qui, depuis le premier rang des fauteuils, ne l’a pas quitté du regard tout au long du récital magique. Cette inconnue aux yeux violets l’aborde d’une voix très douce et chargée d’émotion : « Monsieur Liszt, bonsoir, ne me reconnaissez-vous pas ? Caroline de Saint-Cricq ? Mme Dartigaux ». Franz croit défaillir en découvrant au doigt la bague qu’il lui avait donnée, il y a si longtemps, à Navarrenx peut-être, une bague portant ces deux mots gravés pour eux seuls : « expectans expectavi ». Tout le passé resurgit soudain. Anéanti par cet incroyable signe du destin, Franz promet en balbutiant de lui rendre visite dès le lendemain.
Retrouvailles 15 ans plus tard
Mais Caroline n’est plus libre. Foudroyée en 1828 par l’éloignement définitif de Franz, elle s’est pliée à la volonté brutale de son père. On lui a fait épouser, le 14 mars 1831, le comte BertrandLucien d’Artigaux, devenu depuis président de chambre à la Cour d’Appel de Pau. Le 9 octobre, dans l’après-midi, Liszt se fait conduire devant l’hôtel particulier des d’Artigaux, au 5 de la rue du Lycée. Caroline est soudain près de lui, elle est entrée silencieusement dans la pièce, envahie d’un incommensurable vague à l’âme. Ils vont longuement échanger. Nous sommes en fin d’aprèsmidi, et Franz va prendre congé. Alors qu’on le raccompagne vers la cour d’honneur, les lèvres de Caroline lui disent une dernière fois, très simplement, que le plus bel amour est celui qui est impossible : Les deux êtres s’éloignent, les yeux embués de larmes. Liszt donnera un dernier concert, une matinée de musique, au bénéfice des pauvres de Pau, la ville de ses adieux déchirants.
Franz Liszt avec, en médaillon, Caroline de Saint-Cricq. © LITHOGRAPHIE D’EUGÈNE DEVÉRIA
Les Pyrénées pour oublier Maud DE BIARRITZ AUX PYRÉNÉES Henry Russel, un explorateur meurtri. Henry Russel (1834-1909) est déjà un aventurier avant de se lancer dans la conquête de la montagne, de devenir le père du pyrénéisme et d’inspirer Jules Verne pour son Michel Strogoff. Un aristo irlandogascon qui mène grand train grâce à la fortune familiale, jusqu’aux sommets où il fera creuser des grottes pour recevoir la bonne société paloise, entre autres. Un alpiniste excentrique qui cache un cœur brisé. Car entre deux voyages entre l’Amérique du Nord et l’Asie, Henry rencontre à Biarritz, Maud, une Anglaise dont il tombe amoureux. Mais elle est protestante et peu fortunée. Les Russel espèrent qu’un nouveau périple fera oublier la belle à Henry. Mais de retour quelques années après, il tombe sur elle par hasard et tout est comme avant. Les deux amants veulent se marier. Maud espère que son évê-
que anglican de père, plutôt modéré, la laissera embrasser la foi catholique. Il refuse, d’autant qu’Henry n’a ni profession ni fortune, et que sa petite dot ne leur permettra pas de vivre. La mère d’Henry met son veto à l’union mixte, quand son père vante le mariage de raison et menace de lui couper les vivres. L’explorateur s’en veut de ne pas être indépendant. Il rejoint Maud en Angleterre, espérant la faire renoncer à sa religion. Ils se séparent, déchirés. Pour se consoler, Henry vouera sa vie aux Pyrénées. Sans jamais oublier Maud, avec laquelle il correspond et qu’il reverra une dernière fois, trois ans plus tard. Il restera célibataire, au grand dam de ses parents.
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Le Journal des Rencontres Littéraires
XIII
La passion des arts Titouan Lamazou : « Mes passions sont éphémères »
NAVIGATEUR, ARTISTE
Du navigateur vainqueur du Vendée Globe en 1990 à l’artiste aux multiples talents qu’on connaît aujourd’hui, Titouan Lamazou n’a cessé d’être en mouvement. Avec la curiosité comme moteur. Tour à tour navigateur, peintre, baroudeur, photographe ou écrivain, l’homme a plus d’un tour du monde dans son sac. Mais ce n’est pas à proprement parler la « passion » qui souffle dans ses voiles. « On pourrait dire, entre guillemets, que j’ai la passion du voyage, de l’art ou de la navigation. Mais je n’appelle pas ça des passions », expliquet-il d’emblée. Surprenant ! Mais alors, Titouan l’assoiffé d’ailleurs serait-il à ce point détaché pour ne pas se sentir « passionné » par toutes ses activités, ses voya-
« LES CHOSES QUI ME GUIDENT DANS LA VIE SONT BEAUCOUP PLUS FORTES QUE DES PASSIONS. »
éphémères en général. Je pense que les choses qui me guident dans la vie sont beaucoup plus fortes que des passions. »
Ce qui compte, c’est l’envie
ges, ses rencontres ? Au contraire ! « Le mot passion pour moi est réducteur. Par exemple, la passion ce n’est pas l’amour. L’amour, c’est beaucoup plus fort alors que la passion, c’est un phénomène un petit peu passager. C’est une question de mots mais je ne parle jamais de mes passions parce qu’elles sont
Parler, il en sera toutefois question lors du festival littéraire au cours duquel l’artiste évoquera son parcours. « Ce qui est difficile dans la vie, c’est d’écouter ses voix intérieures et d’utiliser au mieux les outils que l’on a », analyse-t-il. « On peut être tenté, dans la vie, d’aimer ce que l’on nous fait aimer mais qui est simplement ce qui est dans l’air du temps, et pas forcément la réalité de ce que l’on est. » Lui qui a pris la mer très jeune a toujours tenté de suivre cet élan. « L’aventure, c’est un autre mot que je n’emploie pas. Je préfère parler d’envie. Comme disait Jacques Brel, c’est ça qui compte : l’envie d’être peintre, voyageur, marin. » Autant de vies qu’il aura loisir de partager avec le public lors du festival. HUGO RICHERMOZ I
Fayçal Karoui : Un amour qui a survécu à la mort « La musique prend toute la place »
CHEF D’ORCHESTRE
CIMETIÈRE DE PAU Le veuf garde un œil sur sa femme.
Le prince russe Valérien Platonow aimait tellement sa femme, Théodora, qu’à sa mort, il fit ériger sur sa tombe, une statue la représentant sous son plus beau jour, celui de ses noces. Et il la fit poser orientée vers l’est, afin de pouvoir la contempler, tous les matins, avec sa lunette, depuis la superbe villa Mont-Rose de Gelos où ils avaient vécu pendant dix ans. C’est là que cette Polonaise mourut, le 28 avril 1875, à l’âge de 52 ans. Après avoir épousé en
1864 en secondes noces, le prince devenu ministre de Pologne, Théodora le convainc de venir s’installer à Pau où le climat plus clément peut l’aider à surmonter ses congestions pulmonaires. Valérien qui a 18 ans de plus qu’elle, a lui aussi une santé fragile. Le couple exilé s’installe à Pau en 1866, puis dans la propriété des coteaux de Gelos l’année suivante. On l’apprend dans « Le cimetière de Pau » d’Antonin Nicol (éd. Monhélios), le prince né en 1807, a toujours été proche du pouvoir, page du tsar Alexandre Ier, délégué politique en Pologne aux côtés du grand-duc Constantin, conseiller de cour d’Alexandre II, chambellan, conseiller d’État, sénateur de Pologne… Le diplomate devenu béarnais fera de nombreux allers-retours vers Saint-Pétersbourg jusqu’en 1880. Le tzar le décorera du grand cordon de Saint-Alexandre Newski pour ses services. Valérien ne rejoindra son aimée que 18 années après son décès. Il meurt le 24 décembre 1893 et est enterré au cimetière de Pau après ses obsèques à l’église russe.
Le directeur musical de l’orchestre de Pau Pays de Béarn ne vit que pour la musique. Une passion aux multiples possibilités qui l’occupe à chaque instant. Chez Fayçal Karoui, la musique est un moteur inépuisable. « Ma vie est la musique. Ce n’est pas un hobby qui occupe une certaine place ; c’est du matin au soir et du soir au matin. Je cherche tout ce qu’il est possible de faire avec la musique pour la rendre accessible ou à tisser des passerelles avec des artistes que l’on n’aurait pas pu rencontrer sur une scène classique », détaille le chef d’orchestre. Une passion à travers laquelle il trouve son moyen d’expression : « J’ai pour la musique et pour tout ce qu’elle procure une passion totale, même si cela peut provoquer des angoisses ou des doutes. C’est même parfois de la détesta-
«J’AI POUR LA MUSIQUE ET POUR TOUT CE QU’ELLE PROCURE UNE PASSION TOTALE»
J’ai la chance d’être dans un domaine qui ouvre des possibilités incroyables. »
Transmission automatique
tion. Je passe par plein de sentiments quand je travaille une partition. Mais quand on vit des concerts avec d’autres artistes, il se passe des choses très fortes. La musique, pour moi, prend toute la place. » Et quand on lui demande si cette passion ne se révèle pas envahissante, il contre-attaque : « Non, car elle permet tellement de choses !
Cette passion, grâce à laquelle le chef d’orchestre a pu faire « mille rencontres », il ne veut pas la cultiver pour lui seul. C’est pourquoi il s’est lancé avec vigueur dans le projet El Camino, où 169 enfants de quartiers défavorisés se perfectionnent dans la maîtrise de la musique symphonique. « Quand on voit ce que ça peut procurer aux enfants, c’est absolument extraordinaire. Je suis le seul professionnel à partager la scène avec les petits pendant les concerts. On est entre nous, entre artistes », apprécie le musicien. « La passion pour la musique engendre la passion pour la transmission. Il se passe avec la musique ce qu’il se passerait sans doute avec le sport. El Camino, au bout du bout, c’est tisser ce lien particulier entre les enfants et l’équipe qui les encadre. » Autant de sujets pour alimenter sa conversation avec Frédéric Morando lors du festival littéraire. HUGO RICHERMOZ I
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
XIV
Comment aimez-vous ? Vivez-vous l’amour plutôt dans la proximité ou bien la distance, dans la protection ou le besoin de soutien, dans l’acceptation sereine de l’autre ? Pour découvrir le profil dont vous êtes le/la plus proche, répondez aux questions.
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Un autre mot pour l’amour : Fusion Liberté Protection Complicité Soutien
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À quand remonte votre dernière soirée à deux ? 2 « À un mois. J’aimerais qu’on se voie davantage » 4 « À vrai dire, je ne me rappelle plus » 3 « Pour son anniversaire » 5 « Il y a une quinzaine de jours, on avait appelé une baby-sitter » 1 « Nous le faisons très souvent ! »
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Vous fêtez l’anniversaire de votre rencontre : 2 Vous laissez à votre conjoint(e) le soin de tout organiser 3 Vous préparez tout en secret pour lui faire plaisir 5 Vous discutez de ce que vous allez faire ensemble 1 Vous dînez aux chandelles en tête-à-tête chez vous 4 Vous improvisez à la dernière minute…
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Vos préférences musicales respectives : 4 Sont très différentes 1 Sont quasiment identiques 2 Vous avez adopté les siennes 3 Vous avez imposé les vôtres à la maison 5 Vous avez les vôtres, mais vous aimez bien les siennes aussi
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Quand un conflit éclate entre vous : 3 Vous dites : « Tu sais bien au fond que j’ai raison » 5 Vous en parlez franchement le plus vite possible, même si parfois c’est difficile 1 Il n’y a pas de conflit entre nous. 4 Vous restez persuadé(e) que l’autre a tort 2 Vous êtes anéanti(e)
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La répartition des tâches à la maison ? 5 « On en parle ensemble » 1 « Soit l’un, soit l’autre, on est interchangeable » 4 « Ce n’est pas vraiment un sujet de discussion » 2 « J’essaie de deviner ce que je peux faire pour l’aider » 3 « À chacun son rôle »
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Avez-vous des activités personnelles ? 4 Oui, c’est ma respiration, sinon j’étouffe ! 1 Pas besoin, on fait tout ensemble ! 5 Oui, après on se raconte... 3 Moi, non ; mais mon/ma conjoint(e) oui ; je garde les enfants 2 Moi peu, mon/ma conjoint(e) oui et parfois trop à mon goût
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Vous arrivez le soir, votre conjoint(e) n’est pas rentré. Cela arrive souvent, vous êtes
autonomes 5 Il/Elle vous avait prévenu(e) 3 C’est inquiétant surtout s’il/si elle ne m’a rien dit 1 Il/Elle ne fait rien sans me prévenir 2 Vous préférez quand c’est le contraire
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Après une fête, il faut ranger le salon. Votre conjoint(e) est débordé(e) et fatigué(e) : 4 Vous le/la laisser se débrouiller 2 Vous lui demandez ce qui ne va pas 5 Vous prenez spontanément la relève 3 Vous lui dites : « Laisse et va te coucher ! » 1 Vous lui demandez ce que vous pouvez faire pour l’aider enfant a de la fièvre le 10 Votre soir où vous aviez prévu une sortie avec des amis : 3 Vous les appelez pour annuler 4 Vous y allez quand même en laissant votre conjoint(e) auprès de l’enfant 2 Vous interrogez votre conjoint(e) sur la conduite à tenir 1 Vous emmenez votre enfant avec vous 5 Vous invitez vos amis à venir chez vous
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Vous allez au restaurant ensemble : 2 C’est votre conjoint(e) qui vous invite 3 C’est vous qui décidez du lieu 1 C’est votre restaurant habituel 4 C’est le plus proche de chez vous 5 C’est une surprise que vous lui avez réservée
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Sur votre table de chevet s’amoncellent revues et livres. Votre conjoint(e) trouve que cela fait désordre. Vous lui répondez : 2 « J’enlève ça tout de suite », en ruminant intérieurement 1 « Excuse-moi, je ne voulais pas te gêner… » 3 « Tu as raison, je m’en occuperai… » 4 « C’est mon coin, je fais ce que je veux » 5 « C’est d’accord, je vais remettre de l’ordre »
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Votre conjoint(e) aimerait prendre plus de temps pour lui/elle. Vous lui répondez : 2 « Si c’est ce que tu as décidé… » 1 « Pourquoi, on n’est pas bien ensemble ? » 4 « On en reparlera plus tard » 5 « Comment vois-tu les choses ? » 3 « Bien sûr ! » attendez de votre 14 Vous conjoint(e) qu’il/elle : respecte votre territoire vous soutienne de façon inconditionnelle 5 vous parle de ses désirs 1 partage tout avec vous 4 2
3
obéisse à vos désirs
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Vous partez faire du sport. Votre conjoint(e) vous appelle en urgence pour passer à la Poste pour lui/elle avant la fermeture. 4 Vous lui demandez si ça ne peut pas attendre demain 3 Vous lui dites de ne pas s’angoisser, vous irez 1 Vous y allez sur le champ 2 Vous êtes agacé(e) mais ne laissez rien paraître 5 Vous lui expliquez que vous y passerez avant d’aller à votre séance de sport
Test élaboré par Catherine Serrurier, thérapeute de couple et auteur, entre autres, de « C’est de ta faute ! Peur, pouvoir et rivalité dans le couple » (éd. Desclée de Brouwer) en partenariat avec Psychologies Magazine. Numéro de novembre en kiosque actuellement. Retrouvez nos experts sur www.psychologies.com Faites le calcul de vos points et reportez-vous ci-dessous
16 l’amour. Votre conjoint(e)
20 à 36 : « Je t’aime, je te veux tout proche »
vous fait comprendre qu’il/elle n’en a pas envie. 5 Vous l’embrassez en plaisantant sur votre terrible frustration 2 Vous vous demandez ce que vous lui avez fait 1 Vous redoutez qu’il/elle ne vous aime plus comme avant 3 Vous insistez 4 Vous soupirez bruyamment et lui tournez le dos
Pour vous, l’amour se vit dans la proximité. Vous ne vous sentez bien que lorsque vous êtes tout près, tout contre votre conjoint(e)... Sa présence physique vous rassure, vous stimule, vous encourage. Cette proximité n’est pas seulement spatiale, vous avez également en commun des goûts, des idéaux, des activités (sorties, vacances, sports, loisirs). Ces dernièresrestent,toutcommevotreréseaud’amis,limitées.Normal :votreprincipalcentred’intérêt, c’estvotreconjoint(e) !Etlorsque,parmalheur,vousvousretrouvezinvolontairementéloignés l’undel’autre,votremoitié(e)resteprésent(e)dansvospensées.Vousluiadressezdescoups de téléphone ou des SMS. Lorsqu’on vous demande quels sont ses défauts, vous n’arrivez pas à lui en trouver… Les différences de vue, ou les conflits entre vous deux, vous plongent dans le désarroi, vous les évitez comme la peste car cela vous bouleverse profondément : vous avez alors l’impression d’être incompris(e), abandonné(e)…
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Votre conjoint(e) réclame une caresse intime avec laquelle vous n’êtes pas très à l’aise : 1 Vous n’avez plus très envie de faire l’amour mais vous n’en montrez rien 5 Vous lui confiez vos réticences en enchaînant : « Et que dis-tu de celle-ci ? » 3 Vous lui faites comprendre que ce n’est pas une demande convenable 2 Vous vous scandalisez de sa demande 4 Vous n’avez plus très envie de faire l’amour
37 à 52 : «Je t’aime, j’ai besoin de toi»
conjoint(e) vous avoue 18 Votre une infidélité d’un soir. Une
Pour vous, aimer c’est assurer la protection de l’autre, le/la soutenir, le/la rassurer car vous avez l’impression que, sans vous, votre conjoint(e) est fragilisé(e), perdu(e). Il est de votre devoir de l’assister dans les grandes mais aussi les petits choses. Il s’agit d’une question de solidarité élémentaire. Si vous êtes une femme, vous avez développé une attention prévenante vis-à-vis de votre conjoint que vous exercez avec zèle et tendresse. Chaque petit détailcompte :rangement,préparationdurepas,règlementdesoucismatérielsoudesanté. Si vous êtes un homme, vous voulez assurer à votre femme le maximum de confort et de sécurité matérielle. C’est une obligation morale à laquelle vous vous soumettez avec plaisir, aveclaconvictionréconfortantequedonnel’utilité.Dansuncascommedansl’autre,onpeut direquec’estvotreactivitéquiprotègel’autredesaléasdelavie.Vousenretirezd’ailleursune légitime fierté.
Vous avez envie de faire
fois, le choc de l’annonce passé : 5 Vous vous sentez prêt(e) à pardonner mais vous voulez en discuter 1 Vous vous estimez trahi(e), sali(e) à jamais 2 Vous partez en claquant la porte 3 Vous cherchez un moyen de le/la punir 4 Vous lui rendez la monnaie de sa pièce n’êtes pas d’accord sur 19 Vous le choix d’un film à voir. Vous dites : 2 « Comment peux-tu m’imposer tes choix ? » 1 « Je ne comprends pas comment tu peux aimer ce type de film ! » 3 « Allons, tu verras, je suis sûr(e) que ça va te plaire… » 4 « Tant pis, j’irai le voir tout(e) seul(e) » 5 « D’accord, on va voir le tien cette fois-ci ; la prochaine fois, c’est le mien ! » considérez votre 20 Vous conjoint(e) comme : 1 Un(e) autre vous-même 2 Votre moitié 4 Votre vis-à-vis ou votre concurrent(e) 5 Votre égal(e) 3 Votre complément
Pour vous, aimer, c’est avant tout se laisser aimer par l’autre. Vous avez besoin de votre conjoint(e) pour vous sentir plein(e), entier(e), comblé(e)... C’est son amour qui vous donne le sentiment d’exister. Sa présence, son regard, ses attentions vous rassurent et vous valorisent. Vous éprouvez peut-être de l’admiration pour votre partenaire. Vous avez le sentiment que ses qualités rejaillissent aussi sur vous. Votre couple vous confère votre identité et votre solidité. Cette grande attente se double parfois de moments plus difficiles àvivre :ceuxoùvoussentezcommeuneéclipsedanscetamour.Vouscraignezsouventque l’autrenevousaimeplusautant.Cesdoutesvousplongentsecrètementdansl’anxiété,voire l’angoisse. Vous réclamez alors des signes de réassurances pour reprendre pied et continueràavancer.Vousoscillezentrelebonheurd’êtreensembleetuneinquiétudesourde quant à l’avenir.
53 à 68 : «Je t’aime, je te protège»
69 à 84 : «Je t’aime, mais je suis indépendant» Pour vous, l’amour se vit dans l’indépendance et le respect de la liberté de l’un vis-à-vis de l’autre. Aimer l’autre, ce n’est pas renoncer à son épanouissement personnel. Vous avez des activités sans votre conjoint(e). D’ailleurs, vous estimez qu’il existe un accord implicite aveclui/ellequivousautoriseàvousaccorderdesespacesdelibertésansenréférerenpermanenceàl’autre.Cequivousdonneparfoislesentimentdevouscroiser...Celanevousempêche pas de privilégier d’autres occasions pour partager davantage d’intimité. Au contraire, vous considérez que c’est cette distance qui permet à votre amour de s’épanouir, de conserver son attrait sans risque de se faner. A vos yeux, il n’y a pas de pire « tuent l’amour » que le quotidien, les habitudes, la routine qui génèrent immanquablement une lassitude puis des conflits.Vousavezpeut-êtrevécudesexpériencesamoureusesdouloureusesquivousinvitent à la prudence...
85 à 100 : «Je t’aime pour ce que tu es» Pour vous, l’amour est avant tout un échange. Il consiste à trouver un subtil équilibre entre le « je » et le « nous ». Vous veillez autant à votre épanouissement personnel qu’à celui de votreconjoint(e).Autrementdit,le«je»neselaissepasétoufferparle«nous»,etle«nous» n’entravepasle«je».Lorsquevousmenezdesactivitésensolo,celles-cinerestentpasenfermées dans votre jardin secret mais sont reversées dans le pot commun du couple. Aimer, c’est aussi découvrir ce que l’autre aime. L’idée de « faire des sacrifices » vous est étrangère, car aimer, c’est forcément vouloir le bien de l’autre. Si vous acceptez de vous donner sans pourautantrenonceràvotreautonomie,vousaccordezunelargeplaceauxprojetscommuns, qu’il s’agisse d’activités quotidiennes ou plus exceptionnelles.
Le Journal des Rencontres Littéraires
MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017
XV
Claire Chazal : « La pratique de la danse, pour m’épanouir » ENTRETIEN La journaliste Claire Chazal entretient, depuis toujours, une relation forte et passionnée avec la danse.
Qui ne la connaît pas ? Claire Chazal a présenté, durant tout de même plus de 20 ans, cette grande messe qu’est le journal télévisé de TF1. Le JT le plus regardé d’Europe. Très appréciée des téléspectateurs, celle qui se destinait au départ plutôt à la danse classique a repris du service pour France 5 dans « Entrée libre », depuis bientôt deux ans, et sur Radio classique. Elle évoque sa passion, toujours présente.
Comment la danse est-elle entrée dans votre vie ?
J’ai découvert cette activité très jeune, dès l’école, alors qu’il n’y avait pourtant aucun atavisme familial. Mes parents, des intellectuels, croyaient plutôt aux études. J’ai de suite accroché en ayant le rêve un peu secret d’entrer à l’école de l’Opéra. Mais je n’étais sûrement pas assez douée !
Claire Chazal s’est remise à la danse il y a dix ans et y consacre 90 minutes par jour. © AFP
Qui sont vos modèles ? J’ai vu beaucoup plus de ballets contemporains que classiques. La découverte, à l’âge de 10 ans, de Maurice Béjart et ses ballets m’a absolument fascinée. Sinon, il y a Rudolf Noureïev, Sylvie Guillem aussi, et d’autres, des icônes qui restent dans mon panthéon. J’ai, en plus, eu la chance d’en rencontrer, professionnellement, la plupart, d’en interviewer beaucoup. Certains sont devenus des amis.
Quelle place y consacrez-vous aujourd’hui ? J’ai abandonné alors que débutait ma carrière de journaliste. Puis, il y a environ 10 ans, on m’a demandé de présenter un
bout de spectacle pour TF1, au profit de l’association ELA (portée par Zidane). J’ai remis les pointes, un chorégraphe m’a fait répéter. Aujourd’hui, c’est un effort quotidien auquel je consacre 90 minutes. Cela m’a aidé physiquement, pour la souplesse du corps, le souffle aussi. La pratique de la danse reste, pour moi, une formidable source d’épanouissement personnel !
sionne, c’est de partager des émotions, de découvrir des artistes, d’aller voir des spectacles, d’être dérangée par des livres, des ballets… Aujourd’hui, avec France 5, on ne touche pas des millions de personnes, mais peu importe. L’émission est bienveillante, et on essaie de parler de ce qui est beau en utilisant une forme plutôt vivante.
Diriez-vous qu’il faut également être Cette même passion vous anime-t-elle passionné pour être journaliste et traipour tout ce qui touche à la culture ter l’information ? Oui. Nous avons une chance (*)? Absolument. Ce qui me pas-
inouïe : que ce métier soit une
Smaïn, la passion réparatrice ENTRETIEN En poursuivant son rêve de devenir comédien, ce jeune orphelin en quête d’identité est devenu « un homme heureux ».
Avec l’enthousiasme d’un enfant, Smaïn continue de multiplier les projets. © ARCHIVES J.-P. GIONNET
Il est loin, le temps où Smaïn, alors écolier, faisait l’école buissonnière pour se balader dans les rues de Paris. C’est pourtant ainsi, à la sortie d’un théâtre qu’il est tombé sur Raymond Devos, l’une de ses idoles. Cette rencontre, comme tant d’autres, l’a poussé à croire en son destin. Lui, le petit beur orphelin, qui a grandi entre les foyers et les familles d’accueil, s’est construit un caractère grâce à sa dévorante passion pour le rire et la comédie. Devant sa télé, il s’identifie à Medhi, héros de la série « Belle et Sébastien », lui aussi abandonné par son père. « C’est un acte de résilience. On parle toujours de donner un sens à sa vie. Pour moi,
ça a été de construire ma vie par mes rêves », explique-t-il. « C’est un cheminement parfois long, parfois court mais un vrai parcours qui fait qu’on a une satisfaction de nous-même et de l’acte créé. »
Une passion à transmettre Ce besoin d’être vu et de pouvoir raconter son histoire au plus
« La passion m’a permis de rencontrer l’outil de mon envie »
passion ! Si ce n’est pas le cas, je crois qu’on l’exerce d’une façon disons un peu moins heureuse. Je suis devenue journaliste par hasard. Je n’avais pas la vocation au départ, pas de journalistes dans ma famille et je n’ai pas fait d’école. Mais, dès mon entrée dans un journal, la passion a instantanément été là ! Je parle de la passion de la rencontre avec des gens. De la passion de l’écriture aussi, de la transmission. Et enfin d’une passion pour la force de l’image, du direct. RECUEILLI PAR GÉRARD CAYRONIg.cayron@pyrenees.com
grand nombre, c’est sur les planches qu’il l’a assouvi. Ses spectacles attirent les foules, au point qu’il décroche, en 1992, un Molière. « J’ai présenté le Conservatoire trois fois, il y a une dizaine d’années, j’ai été recalé trois fois », se souvient-il. Vous avez eu tort », lance-t-il alors, malicieux, au moment de récupérer son prix. « Ma passion m’a permis de rencontrer des gens incroyables, de faire par exemple la première partie de Léo Ferré. Elle m’a aussi permis de rencontrer l’outil de mon envie », détaille le comédien. Avec l’enthousiasme d’un enfant, il continue de multiplier les projets. Le dernier en date l’a mené vers la mise en scène, dans une pièce intitulée « Borderline » où il essaye de transmettre sa passion aux comédiens qu’il dirige. « Ma vie a été la concrétisation d’un rêve d’enfant. Maintenant, ce que je veux c’est transmettre cette expérience. » HUGO RICHERMOZ I
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MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017