Pyrénées Eco ENTRETIEN X
Franck Saudo : « Un esprit de pionnier »
P. VII █
2018
Spécial 80 ans de Safran Helicopter Engines
© REMY BERTRAND, J.-P. GIONNET, ASCENCION TORRENT ET DR
Supplément au journal N°22450 de la République des Pyrénées et N°22431 de l’Eclair en date du jeudi 20 septembre 2018
Mais aussi, les 80 ans de Safran Landing Systems à Bidos PAGE VIII █
DOSSIER - 8 pages X Fondée en 1938, l’entreprise souffle ses 80 bougies cette année
Safran Helicopter Engines
UNE SAGA DE 80 ANS
II
80 CAHIER ANS DE EVENEMENT SAFRAN HELICOPTER ENGINES
80 ANS D’HISTOIRE : LES DATES CLÉS
EDITO Des Pyrénées au monde Dans l’histoire des entreprises, il n’est pas si fréquent d’atteindre 80 ans. Pour y arriver, il faut beaucoup d’ingéniosité, une foi dans le progrès, l’amour du maillot des hommes et femmes qui y travaillent, une capacité à encaisser les chocs économiques et les tensions sociales, une faculté à se remettre en cause... Ce jeudi 20 septembre, Safran Helicopter Engines souffle ses 80 bougies. Et ici ce n’est pas rien. Car qu’on l’appelle « Turbo » hier, « Safran » aujourd’hui, le fabricant de moteurs d’hélicoptères est un totem de ce territoire qui s’étire de l’Atlantique aux Pyrénées. Toujours premier employeur industriel de Nouvelle-Aquitaine, avec ses établissements de Bordes et Tarnos, l’entreprise, née en 1938 en région parisienne mais arrivée ici en 1941, a contribué à façonner notre région, à diversifier une économie productive auparavant essentiellement agricole et à la doter d’une véritable culture industrielle. Le motoriste a aussi permis à de nombreux enfants du pays de trouver un épanouissement professionnel et personnel. À l’aune de ce phénomène, il était logique qu’un journal comme le nôtre, qui a lui aussi grandi en même temps que l’entreprise de Bordes dont il a raconté l’expansion, les bonheurs commerciaux, ses drames, décrit les projets et rendu compte des bras-de-fer sociaux, revienne sur ses huit décennies. Huit pages qui n’ont pas la prétention d’être exhaustives mais permettront aux lecteurs de mieux connaître l’histoire d’une entreprise désormais mondiale, riche de 2 500 clients et présente dans 13 autres pays. Mais toujours avec l’accent d’ici. Supplément au journal du 20 septembre 2018 Edité par Pyrénées Presse Directeur de la publication : Jean-Pierre Barjou. Coordination : Eric Normand
JEUDI 20 SEPTEMBRE 2018
1938
1940
Création de Turbomeca
Départ vers Saint-Pé de Bigorre
Joseph Szydlowski crée le 29 août à BoulogneBillancourt, avec André Planiol (photo), une entreprise appelée Turbomeca. Ils ont à leurs côtés quatre ouvriers et deux dessinateurs. Les effectifs augmentent rapidement et atteignent près de 50 personnes en 18 mois. Les deux ingénieurs ont mis au point un compresseur à circulation variable. Le siège social est alors situé dans l’appartement de la famille Szydlowski, au 8 rue de la Petite-Arche dans le 16e arrondissement à Paris. L’année suivante, la famille Szydlowski obtient la nationalité française.
Turbomeca a commencé à se développer en région parisienne. L’invention de Szydlowski et Planiol a bénéficié d’une belle publicité dans la presse spécialisée, et après une commande de l’Etat pour équiper le moteur Hispano-Suiza, Turbomeca a investi dans l’usine de Mézières-sur-Seine (ci-contre à gauche) dans les Yvelines, acquise en 1939. Mais le début de la seconde guerre mondiale enraye le développement de l’entreprise. Pour fuir l’avancée allemande, l’activité est évacuée vers le piémont pyréneen et s’ancre à Saint-Pé de Bigorre, non loin des ateliers tarbais d’Hispano-Suiza.
X
1938-1947 : le début d’une épopée
INDUSTRIELLE RÉCIT Au début de toute épopée, il n’y a souvent que quelques hommes. Quand débute véritablement la saga de Safran Helicopter Engines qui souffle cette année ses 80 bougies ? En 1927 quand le jeune Joseph Szydlowski, en quête d’un compresseur pour le moteur diesel qu’il a mis au point, commence à venir en France avant de s’y fixer en 1932 ? En 1928 quand il rencontre André Planiol, patron d’une petite entreprise de mécanique avant de débuter une coopération avec lui deux ans plus tard ? En 1930 quand Camille Martinot-Lagarde, haut-gradé français qui travaille au ministère de l’Air, repère le savoir-faire du jeune Joseph Szydlowski ? Ou à la fin de l’été 1938 quand leur entreprise est créée après que la mise au point d’un compresseur se soit révélée concluante ? Qu’importe au final. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est dans cet entre-deux-guerres tourmenté et menaçant que se jouent les premiers pas d’une aventure industrielle qui s’étire ensuite jusqu’à nos jours.
commande d’un démonstrateur de son moteur diesel. Ces deux premiers démonstrateurs sont fabriqués par la Samac (Société anonyme de mécanique automobile Cozette), entreprise dirigée alors par l’ingénieur André Planiol. Mais l’expérience tourne court et après une casse en 36 lors des essais, le duo choisit de se tourner vers les compresseurs, élément du moteur alors peu exploré, considéré comme un organe secondaire. Option concluante.
Première usine En 1936, Szydlowski et Planiol déposent le brevet du compresseur à circulation variable, qui permet d’améliorer la puissance du moteur. En ces temps de réarmement, le ministère de l’Air est conquis. Martinot-Lagarde leur dit : « Maintenant, il nous le faut en série. » L’entreprise Turbomeca est créée en août 1938 à Boulogne-Billancourt. C’est André Planiol qui trouve le nom. La production peut commencer. L’usine de Mézières-sur-Seine, spécialisée dans les traverses de chemins de fer, est acquise en 1939. Mais avant de pouvoir
Le Dewoitine D.520, l’avion de chasse pour lequel Turbomeca livrera ses premiers compresseurs (ci-dessous) avant le début de la guerre. © COLLECTION SAFRAN produire, elle doit être rénovée. Dans un premier temps, les compresseurs sont donc soustraités chez Hispano-Suiza, Salmson et Ford Air. Et dès juin 1940, 900 compresseurs, commandés par le ministère de l’Air, sont produits pour équiper le Dewoitine D.520, un avion de chasse. Mais l’avancée allemande impose le déménagement vers des terres moins exposées. Ce sera le piémont pyrénéen, à Saint-Pé de Bigorre puis Bordes à partir de 1941.
Commande de l’État Au cœur de ces années 20 et 30, le général Camille MartinotLagarde est responsable de la section moteur du service technique du ministère de l’Air. Une fonction qui le conduit à se rendre régulièrement en Allemagne. C’est donc là-bas qu’il rencontre Joseph Szydlowski, un trentenaire ingénieux alors salarié de la société Junkers, et lui passe
Redémarrage Mais tout s’arrête en 1942 avec l’invasion de la zone libre. Alors que Planiol a rejoint les EtatsUnis dès mars 41, Szydlowski part en Suisse et l’usine béarnaise est transformée en garage pour réparer les véhicules de l’armée allemande. La libération de la région de Nay et la fin de la guerre permettent de relancer la
production à Bordes avec les machines de Mézières. Mais Szydlowski, très au fait des évolutions de l’aéronautique, comprend qu’il est urgent de diversifier l’activité. En Suisse, il s’est familiarisé avec la turbine à gaz. Dans la zone d’occupation française en Allemagne, les industriels sont même invités à recruter des ingénieurs allemands. 300 d’entre eux, issus notamment de chez Daimler, sont embauchés au sein d’un bureau d’étude créé spécialement pour le développement de l’entreprise. Un an après, en 1947, 150 d’entre eux sont en France et, après un passage par les usines Berchon de Nay, arrivent à Bordes. Dans une France en pleine reconstruction, les années qui s’ouvrent sont prometteuses. Pas longtemps. Car dès 1947, nouveau coup de frein au développement de la jeune société.
80 ANS DE SAFRAN HELICOPTER CAHIER EVENEMENT ENGINES III
JEUDI 20 SEPTEMBRE 2018
Joseph Szydlowski, pionnier pugnace Né dans une famille juive, Joseph Szydlowski a vu le jour à Chelm le 21 novembre 1896, dans une Pologne occupée par les Russes. Mobilisé dans les rangs russes durant la première guerre mondiale, il travaille ensuite en Allemagne où il s’installe comme ingénieur-inventeur.
1942
1944
Installation à Bordes
Reprise d’activité en Béarn
Réquisitionnés par le ministère de l’Air, les ateliers de Saint-Pé de Bigorre (à gauche) se révèlent vite trop exigus. Joseph Szydlowski se met donc en quête d’un nouveau site. A Bordes en Béarn, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Pé de Bigorre. il rachète un domaine agricole qui appartient à la Société métallurgique de la vallée d’Ossau (SMVO). Une propriété de 7 hectares baptisée le Domaine Longchamps. Il rachète aussi le Domaine Mérillon en face pour créer des logements. En 1942, le personnel s’installe à Bordes et des ateliers sont construits. Les effectifs montent rapidement à près de 500 personnes.
Avec l’invasion de la zone libre, la production est arrêtée et les ouvriers rentrent chez eux. Les machines outils ont même été transférées en Tchécoslovaquie. Mais avec la fin de la guerre, la production peut reprendre. Joseph Szydlowski rentre de Suisse où il s’était réfugié. Turbomeca repart avec 50 personnes à Bordes. Les effectifs augmentent. La société se positionne sur le segment de la turbine à gaz et bénéficie de l’apport d’ingénieurs allemands. Après la perte d’un marché, l’entreprise se spécialise dans le moteur à pistons.
« Cette entreprise a pu durer car les gens ont su faire les bons choix stratégiques » █
« IL Y A UN SENTIMENT D’APPARTENANCE. LES GENS SONT FIERS DE TRAVAILLER DANS UNE ENTREPRISE DE HAUTE-TECHNOLOGIE »
Témoignage
CHARLES CLAVEAUN PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES AMIS DU PATRIMOINE Passionné par l’histoire de l’aéronautique, Charles Claveau est entré dans la société en 1976, à sa sortie de l’école d’ingénieurs. Il a pris sa retraite en février 2006 après 40 années qui l’ont vu occuper différentes fonctions, des programmes à la stratégie.
CHARLES CLAVEAU
L’enjeu de la stratégie
Sa formation est inconnue mais son bagage technique apparaît très vite étendu. Il se signale aussi par sa persévérance, sa pugnacité, son culot et sa grande force de travail. Il dépose de nombreux brevets en Allemagne, d’abord dans l’automobile, puis se spécialise sur le moteur diesel avant de se lancer dans la propulsion aéronautique. Il travaille chez Junkers, grand constructeur aéronautique. La montée du nazisme en Allemagne le conduit à se réfugier en France en 1932. Après la guerre, il revient à Bordes et reprend tout à zéro. Il fait alors des merveilles dans sa capacité à la fois à innover dans la technologie mais aussi à s’approprier de nouvelles notions comme le marketing ou le lobbying. Sous sa férule, Turbomeca multiplie coups de génie et Szydlowski, homme à tout faire, s’impose comme un patron intuitif, autoritaire mais aussi paternaliste, véritable capitaine d’équipe. Promu officier de la légion d’honneur, il décède en 1988 à Césarée en Israël, rassuré sur l’avenir et la pérennité de l’entreprise qu’il a fondée 50 ans plus tôt.
Aujourd’hui, entouré d’une équipe de bénévoles, il travaille à entretenir et valoriser la mémoire de Safran Helicopter Engines, en exploitant le riche fonds historique disponible au sein de l’entreprise. Créée il y a quatre ans, l’Association des amis du patrimoine, qui fête cette année son 700e adhérent, a investi l’ancienne villa de Joseph Szydlowski à Bordes où elle a aménagé un musée. Charles Claveau, qui a également dirigé l’ouvrage « Turbomeca, à la hauteur de la légende » paru en 2008 aux éditions Larivière, nous a raconté l’histoire de l’entreprise. Un récit qui a servi de trame à ce supplément. Pour notre témoin, 80 ans après la fondation de la société,
L’usine de Bordes en 1974, avec au premier plan, la villa de Joseph Szydlowski et au second plan, le gave de Pau. © COLLECTION SAFRAN le secret de la longévité tient aussi à un savoir-faire : celui d’avoir su faire les bons choix stratégiques au bon moment. « Il n’y a pas de mystère. Pour qu’une entreprise dure, il faut savoir faire les bons choix. Et depuis 80 ans, cette entreprise a pu durer car les gens ont fait les bons choix stratégiques, y compris quand ce n’était pas facile… Une entreprise ne peut tout maî-
triser. Par exemple, ce n’est pas nous qui vendons les hélicoptères, ce sont nos clients. Donc, nous ne maîtrisons pas ce marché de l’hélicoptère et pouvons subir ses ralentissements. Par contre, il est nécessaire de toujours anticiper. Les entreprises qui disparaissent sont celles qui n’ont pas su prendre les bons virages au bon moment. » À cela, s’ajoute chez Safran
Helicopter Engines une culture de l’innovation et une foi dans la recherche et développement. 15 % du chiffre d’affaires de l’entreprise restent consacrés à la R & D (Recherche et développement). « C’est un axe fort de la stratégie. Faire de l’argent, ce serait facile. Il suffirait d’arrêter la R & D et le bénéfice exploserait. Mais dans 30 ans, tout serait terminé. Il faut au contraire investir en permanence. C’est un travail de longue haleine mais qui paye, qui assure la pérennité de la société. »
La fierté des salariés Enfin, autre paramètre facteur de longévité, le sentiment d’appartenance des salariés et la fierté de travailler pour l’entreprise. « Les gens qui travaillent chez Safran Helicopter Engines sont fiers de travailler dans une entreprise de haute-technologie. » (1) www.amis-turbomeca.com
Archives de la presse locale : quête de salariés et débuts de l’aventure « On embauche de suite des tourneurs, fraiseurs, modeleurs, tailleurs d’engrenage professionnel. Usine à proximité de Pau. Bons salaires, cantine, transport gratuit pour le travail. Se présenter pour essai à Turbomeca à Bordes. » C’est par une petite annonce dans le quotidien « La IVe République », ancêtre de « La République des Pyrénées », que
l’entreprise fait son apparition le 19 janvier 45 dans les médias
locaux. Le 9 mai 46, l’un des premiers articles consacrés à l’entreprise fait état de la visite du ministre de l’Armement Charles Tillon. « C’est la France qui a appris l’aviation au monde » clame celui qui appartient alors à un gouvernement dirigé par Charles de Gaulle. Cette visite ouvre une série de déplacements ministériels et de chefs d’état sur le site de Bordes qui se poursuit jusqu’à nos jours.
Mais c’est en avril 1947 qu’un long reportage dévoile les promesses industrielles en germe en Béarn. Titré « Bordes, à quelques kilomètres de Pau, est appelé à devenir un centre important de notre industrie aéronautique », l’article s’arrête sur la genèse de l’entreprise, son développement et ses perspectives… et cite pour la première fois le nom du directeur interviewé : Joseph Szydlowski.
IV
80 CAHIER ANS DE EVENEMENT SAFRAN HELICOPTER ENGINES
1952-1955
1955-1958
Politique sociale
Révolution technique
En 1952, le chiffre d’affaires de Turbomeca dépasse le milliard de francs et les effectifs ne cessent d’augmenter, franchissant le seuil des 1 000 salariés. Des services sociaux sont installés au sein de l’entreprise avec le concours du comité d’entreprise. Après la commande de moteurs Marboré par le ministère de l’Air, l’entreprise s’implique dans le logement de ses salariés, en mettant deux immeubles à disposition mais aussi en leur prêtant l’argent pour qu’ils puissent financer la construction de leur habitation. En 1955, l’école d’apprentissage, fondée dix ans plus tôt, est reconnue par le ministère de l’Éducation Nationale.
Le début des années 50 voit plusieurs investissements dans les machines-outils, afin d’augmenter les volumes de production et répondre à la demande des clients. L’entreprise entre de plain-pied dans les trente glorieuses. Les effectifs ne cessent d’augmenter afin de produire les moteurs Marboré et Artouste. En 1958, les machines « Chéringou », mises au point en interne par l’ingénieur du même nom, arrivent dans les ateliers. Une évolution importante qui permet d’augmenter les rendements.
80 ANS D’HISTOIRE : LES DATES CLÉS
La voix des Pyrénées Safran Helicopter Engines tourne ses yeux vers les Pyrénées pour trouver le nom de ses moteurs. Dans cette stratégie, pics et lacs seront mis à contribution à partir de la fin des années 40. Des noms faciles à retenir et qui conjuguent à la fois ancrage local tout en offrant une sonorité aidant à la commercialisation, y compris auprès de clients internationaux.
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1947-1977 : sur les sentiers de
LA RÉUSSITE RÉCIT
À l’Oredon, qui renvoie à un nom de lac de Bigorre, succèderont ainsi le Pimené (pic), le Marboré (pic) et l’Artouste (lac). Parmi les lacs, citons aussi les moteurs Arrius et Ardiden. Côté pics, outre ceux cités plus haut, on trouve l’Arbizon, l’Arriel, et désormais un nouveau moteur sur lequel l’entreprise compte beaucoup et qui renvoie au plus haut sommet pyrénéen : l’Aneto. Mais l’entreprise a aussi choisi parfois des noms de cols voisins (Aspin, Tourmalet, Soulor) voire de vallées (Bastan). L’Adour, comme le fleuve, s’explique d’abord par l’alliance avec Rolls Royce. Enfin, plus insolite, deux moteurs sont liés à la culture basque : l’Arrano, le fameux moteur du futur (lire page suivante) est l’aigle noir de la culture basque alors que le Makila est le bâton des marcheurs et bergers du Pays basque.
Douche froide à Bordes. 1947. Le ministère de l’Air annule le projet commandé à Turbomeca. L’argent de l’État sera pour le concurrent Snecma. En Béarn, il faut réduire le nombre de salariés. Les Allemands rentrent chez eux, les effectifs fondent. Mais Szydlowski et ses équipes ont dans les ateliers de l’usine de quoi repartir. « Puisqu’ils ne veulent pas de mon gros moteur, j’en ferai des petits… » explique alors le patron. Nouvelle preuve de cette culture de la résilience propre à l’entreprise. Depuis février 1947, quelques ingénieurs et techniciens ont commencé à travailler sur une petite turbine à gaz. Un projet jusqu’alors pas prioritaire mais qui devient vital. D’autant qu’avec sa chambre de combustion particulière, il recèle une vraie innovation pour l’époque.
Profession : motoriste
Le petit moteur de 60 CV tourne en 48 et est retenu par l’État pour équiper un avion qui s’appelait l’Armagnac. Le nom donné au moteur est l’Oredon. Il est à la base des grands succès de l’entreprise. L’Oredon, nom d’un lac des Hautes-Pyrénées, ouvre aussi la voie aux patronymes pyrénéens que porteront désormais les moteurs conçus à Bordes. Une idée des Allemands. À partir de l’Oredon, les ingénieurs mettent au point le Pimené. Ce moteur est posé sur un planeur de l’usine Fouga, d’Aire-sur-l’Adour. Date symbo-
s’élever socialement. Au début des années 60, alors que le Marboré, pour les avions, et l’Alouette, pour les hélicoptères, assurent l’activité de l’entreprise, nouveau tournant avec la mise en œuvre d’une coopération européenne sur les avions. Développé pour l’avion francobritannique Jaguar par une entreprise créée par Rolls-Royce et Turbomeca, l’Adour s’affirmera comme un programme fondamental dans l’histoire de l’entreprise. Les effectifs passent de 2 000 à 4 500 en une dizaine d’années et une nouvelle usine est créée à Tarnos, dans le sud des Landes. De quoi aborder les années 70 sereinement.
Equipé du moteur Artouste mis au point en 1954, l’Alouette II vole en 1955. C’est le véritable début de la filière hélicoptères en France. © COLLECTION SAFRAN lique, le 14 juillet 1949 vole un planeur motorisé avec un réacteur français. Le créneau des petits moteurs, dédiés à l’aviation légère ou aux entraînements, apparaît prometteur. À la même époque, l’entreprise décide de creuser le sillon du marketing. Le planeur, baptisé le Sylphe, participe à de nombreux meetings, dont celui de Miami en juin 1950. C’est un triomphe. Petit frère du Pimené, le moteur Marboré est alors mis au point. Le Fouga Magister est équipé de deux exemplaires. Les commandes tombent, notamment après la vente de la licence du Marboré aux USA, au groupe Continental, qui équipera les avions d’entraînement de l’armée de l’air. Le Marboré est
désormais fabriqué en série et les effectifs repartent à la hausse à Bordes. Et ce n’est pas terminé, la croissance se poursuit dans les années 50 avec la mise au point de l’Artouste, moteur pour hélicoptères qui équipe l’Alouette II. L’Alouette II vole en 1955. La production s’accélère, des machines-outils sont acquises et l’usine de Mézières est mise à contribution. C’est le véritable début de la filière hélicoptères en France et le gain immédiat pour Turbomeca de sa réputation de fiabilité. L’entreprise développe son école interne pour former ses salariés. Des centaines de jeunes, issus du piémont pyrénéen, sont recrutés. Rejoindre l’industriel, c’est aussi l’assurance de
La priorité hélicoptères
Une décennie qui marquera une évolution stratégique de taille. Szydlowski est désormais épaulé, depuis 1972, par Gérard Pertica, d’origine basque et ancien patron de la division hélicoptères d’Aérospatiale. Ce dernier connaît bien la filière de l’hélicoptère. Il sait que le programme Adour s’arrêtera un jour. Avec l’essoufflement du marché du petit réacteur, le choix est fait de se spécialiser dans le moteur d’hélicoptères. Ce qui suppose construire une gamme complète de moteurs, investir massivement dans la recherche et développement mais aussi recruter de jeunes ingénieurs… Le virage est pris, porté aussi par le développement important d’Airbus Helicopters et accéléré par le beau succès du programme Arriel.
80 ANS DE SAFRAN HELICOPTER CAHIER EVENEMENT ENGINES
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V
1965
1977
Ouverture de l’usine de Tarnos
Développement à l’étranger
Dans le sud des Landes, l’usine de Tarnos est inaugurée en mai 1965. Elle doit soutenir les activités du consortium Rolls-Royce Turbomeca (RRTM). Il s’agit aussi d’une reconversion industrielle réussie des employés des anciennes Forges de l’Adour suite à la fermeture de celles-ci. Cette usine se consacre d’abord à la production du moteur Adour destiné à l’avion de combat franco-britannique Jaguar. Puis le site landais se spécialise progressivement dans les métiers du support. Aujourd’hui, Tarnos est l’épine dorsale du réseau mondial de support et le plus important site de réparation pour les moteurs en service.
Safran Helicopter Engines ouvre au Brésil son premier établissement à l’étranger, baptisé alors Turbomeca do Brasil. Une douzaine d’autres suivront. Aujourd’hui, l’entreprise recense 13 implantations hors de France qui emploient, en tout, un peu plus d’un millier de salariés. De quoi servir au plus près ses 2 500 clients. Le plus important de ces établissements est celui de Grand Prairie (photo), aux États-Unis, où travaillent 344 personnes, devant celui de Rio de Janeiro, au Brésil, qui compte 174 personnes, puis celui de Fareham, au Royaume-Uni, avec 156 salariés.
Ces moteurs qui ont assuré le succès de l’entreprise EN CHIFFRES
TÉMOIGNAGE
Philippe Petitcolin : « Des savoir-faire uniques »
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18 200 C’EST LE NOMBRE DE MOTEURS
ACTUELLEMENT EN SERVICE DANS LE MONDE QUI ONT ÉTÉ FABRIQUÉS PAR LES ÉQUIPES DE SAFRAN HELICOPTERS ENGINES ou bimoteurs de 2 à 5 tonnes. En quatre décennies, plus de 10 000 exemplaires ont été vendus. Et toutes les 15 secondes sur la planète, un hélicoptère équipé d’un moteur Arriel s’envole.
Le moteur Arriel, mis au point au début des années 70, qui a conquis les fabricants d’hélicoptères. © COLLECTION SAFRAN
En 80 ans, plus de 50 000 moteurs ont été fabriqués par Safran Helicopter Engines. Quelques échecs et beaucoup de succès commerciaux qui ont assuré la prospérité de l’industriel.
En 80 ans, l’entreprise a conçu et assemblé des dizaines de milliers de moteurs. Après la mise au point de l’Oredon, à la base des grands succès de l’entreprise, certains, plus que d’autres, ont permis le décollage de Safran Helicopter Engines. Voici ceux qui ont marqué son histoire.
1. Le Marboré Mis au point en 1950, le Marboré est un turboréacteur dérivé du Pimené. D’abord destiné aux avions-écoles, ce petit moteur équipera le Fouga-Magister de Mauboussin puis, après cession de la licence à Continental et sous le nom J69, le Cessna T-37, avion d’entraînement de l’US Air Force.Le Marboré, qui connaîtra plusieurs versions, sera fabriqué jusqu’en 1990. Près de 6 000 exemplaires sortiront des lignes
de l’industriel alors que Continental produira 10 000 J9.
2. L’Artouste La mise au point du moteur Artouste au début des années 50 marque les débuts de la relation de l’entreprise avec l’industrie de l’hélicoptère. L’Artouste II équipe l’Alouette de Sud Aviation (ancêtre de l’Aérospatiale) qui battra des records d’altitude. En 2007, c’est toujours un Alouette II qui réussit la traversée de l’Atlantique. Près de 4 000 moteurs de cette famille furent fabriqués jusqu’en 1988. Grâce aux moteurs Marboré et Artouste, la prospérité de la firme a été assurée de longues années.
3. L’Adour Né de la coopération francobritannique et de l’alliance entre Turbomeca et le motoriste anglais Rolls-Royce Limited
débutée en 1965, l’Adour a été conçu en 1965 et mis en service à partir de 1973 pour l’avion militaire Jaguar. Ce turboréacteur a ensuite été vendu à neuf autres pays et décliné en treize variantes, équipant aussi bien des avions d’entraînement que des avions de combat, mais aussi des drones comme le Neuron de Dassault. Plus de 3 000 moteurs Adour ont été commercialisés depuis le début du programme.
4. L’Arriel Développé au début des années 70, certifié en 1977, le moteur Arriel est le « best-seller » de Safran Helicopter Engines. Destiné aux hélicoptères légers, d’abord le Dauphin ou l’Ecureuil d’Airbus Helicopters, décliné en deux sous-familles (Arriel 1 et Arriel 2) et une trentaine de versions, il équipe les monomoteurs
Philippe Petitcolin dirige le groupe Safran depuis avril 2015. © NICOLAS SABATHIER
5. L’Arrius Moteur de conception simple et robuste, réputé pour sa fiabilité, l’Arrius est destiné aux hélicoptères de 1,5 à 3,2 tonnes. Mis au point en 1981, enrichi via plusieurs versions, il a été choisi par de nombreux hélicoptéristes. L’Arrius 2, qui a intégré de nombreuses technologies, est entré en service en 1996 et sa dernière évolution, l’Arrius 2R, a été sélectionnée par l’Américain Bell. À ce jour, plus de 3 150 moteurs Arrius ont été fabriqués par Safran Helicopter Engines.
6. Et bientôt l’Arrano et l’Aneto Ce sont les moteurs du futur sur lesquels Safran Helicopter Engines place beaucoup d’espoirs. L’Arrano s’adresse aux hélicoptères de 4 à 6 tonnes et permet une réduction de la consommation de carburant de 10 à 15 % par rapport aux précédentes générations de moteurs. Après un premier vol en janvier 2016, il a été certifié en 2018 et retenu par Airbus Helicopters pour son H160. Quant à l’Aneto, il a été sélectionné pour motoriser le tout nouvel hélicoptère AW189K.
Philippe Petitcolin est le directeur général du groupe Safran depuis le 23 avril 2015. Ayant occupé plusieurs postes à la direction générale des sociétés de Safran, il porte un regard attentif sur l’évolution de la société de Bordes. « Safran Helicopter Engines est un fort contributeur à l’offre des propulsions aéronautiques de Safran grâce à des savoirfaire uniques » indique notamment le directeur général de Safran où travaillent 58 000 personnes. Et de louer aussi l’apport de l’entreprise pour le développement du groupe. « L’expertise de ses 5 620 salariés assure à notre groupe le rang de leader mondial dans la motorisation d’hélicoptères ». Philippe Petitcolin annonce enfin que « Safran Helicopter Engines travaille activement à la prochaine génération d’aéronefs à décollage et atterrissage verticaux ».
VI
80 CAHIER ANS DE EVENEMENT SAFRAN HELICOPTER ENGINES
2000
2005
Avec l’intégration de Turbomeca au sein de Snecma (aujourd’hui Safran Aircraft Engines), l’entreprise Microturbo, créée en 1961 et basée à Toulouse, devient filiale du fabricant de turbines d’hélicoptères. L’entreprise s’appelle désormais Safran Power Units et emploie 475 personnes sur son site de Haute-Garonne. Toujours filiale à 100 % de Safran Helicopter Engines, bénéficiant également d’implantations à l’étranger, elle est spécialisée dans les turboréacteurs (pour missiles et engins-cibles), les groupes auxiliaires de puissance et les démarreurs.
Après 12 ans dans le giron de Labinal depuis 1988, Snecma reprend l’ensemble TurbomecaLabinal en 2000. Cinq ans plus tard, le groupe Safran, issu de la fusion des groupes Snecma et Sagem, est créé. Turbomeca intègre la nouvelle entité. Safran abandonne rapidement ses activités dans la téléphonie et la communication pour se consacrer à l’aéronautique. Un peu plus de 10 ans après sa création, Safran a regroupé toutes ses entreprises sous sa marque ombrelle et est désormais, avec 58 000 employés, le principal motoriste et équipementier français dans l’aéronautique.
Une filiale pour Turbomeca
80 ANS D’HISTOIRE : LES DATES CLÉS
La carte régionale Souvent décrit comme un patron paternaliste, Joseph Szydlowski a toujours essayé d’offrir de bonnes conditions à ses salariés afin qu’ils n’aient à penser qu’à leur travail au sein de l’entreprise. Mais pas seulement. Les dirigeants de l’entreprise, du fondateur à ses successeurs, ont aussi veillé à jouer la carte régionale, s’ancrant résolument dans le Sud-Ouest et pas uniquement en baptisant les moteurs avec des noms de pics (ou lacs) pyrénéens. De fait, si Safran Helicopter Engines est né à BoulogneBillancourt en 1938, c’est bien le sud de l’Aquitaine qui a servi de cocon à son éclosion. Aujourd’hui encore, les établissements de Bordes (créé en 1942) et Tarnos (1965) accueillent à eux deux plus de 4 000 personnes, soit les troisquart des effectifs de la firme. Un besoin permanent en main d’œuvre qui, durant 80 ans, a permis l’ascension sociale de milliers d’enfants d’agriculteurs, de centaines de jeunes qui ont pu être formés et accéder à des métiers de haute-technicité et correctement rémunérés. Ce que confirme la fidélité des salariés à leur entreprise.
Cet impact régional se lit aussi dans la constitution d’un réseau dense d’entreprises sous-traitantes et le recours à de nombreux prestataires, industriels ou non, à l’image des dizaines de cars (ci-dessus) qui, dès la fin des années 40, convergent chaque jour vers Bordes pour amener les salariés. La prospérité du bassin de l’Adour doit beaucoup au fabricant de moteurs.
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JEUDI 20 SEPTEMBRE 2018
Intégration dans le groupe Safran
1977-2018 : à la conquête
DU MONDE RÉCIT
EN CHIFFRES █
72 000 C’EST, TOUTES GAMMES
Les années 80. Dans un monde qui se globalise, le marché de l’aéronautique devient de plus en plus concurrentiel. Le motoriste de Bordes tire son épingle du jeu. En 1977, année de la certification de l’Arriel, il comptait 500 clients. Quatre décennies plus tard, ils sont cinq fois plus.
CONFONDUES, LE NOMBRE DE MOTEURS PRODUITS DEPUIS 1938 PAR L’ENTREPRISE.
L’ami américain
Une expansion qui s’accélère à la fin des années 70, quand Turbomeca commence à ouvrir des filiales à l’étranger. Au Brésil d’abord puis aux USA trois ans plus tard, en Angleterre. Jusqu’à compter à ce jour 13 sites hors de France. Objectif, être au plus près des clients afin de répondre à leurs attentes. « Il faut être partout » entend-on à Bordes. Mais il s’agit aussi de diversifier le portefeuille clients afin de ne pas dépendre seulement d’Airbus Helicopters et investir ainsi les marchés des pays développés mais aussi des émergents. Fort de son maillage, Safran Helicopter Engines décroche ainsi de nouveaux contrats. Aux EtatsUnis par exemple. Malgré les licences du Marboré cédées à Continental au début des années 50, le motoriste n’avait pas encore réussi à percer le marché américain, si l’on fait exception de la vente de turbines ferroviaires à Amtrack au début des années 70. La vente d’Ecureuils par Airbus Helicopters ouvre la porte des USA au Français. Dans la foulée, l’hélicoptériste américain Sikorsky choisit l’Arriel pour son S-76. Et, en 2013,
Devant l’usine de Bordes, l’hélicoptère américano-canadien Bell 505, motorisé par Safran Helicopter Engines, avec un Arrius 2R. © SAFRAN HELICOPTER ENGINES. Safran Helicopter Engines réussit un joli coup en signant avec l’industriel américano-canadien Bell. Objectif, équiper ses hélicoptères 505 avec des Arrius 2R, un moteur développé à Bordes et assemblé à Grand-Prairie, dans la filiale américaine de Safran Helicopter Engines. « Un contrat historique » savoure le PDG de l’époque Olivier Andries. Le Bell 505 a réalisé son premier vol en 2014. Le moteur Arrius 2R a été certifié fin 2015 et l’hélicoptère a été mis en service début 2017. En plus des USA, d’autres marchés sont confortées. Si l’entreprise est présente en Inde, alliée à l’industriel local HAL depuis le début des années 60, l’ancrage s’est renforcé ces dernières années avec l’ouverture d’un site
à Bangalore en 2010. De quoi permettre à l’entreprise du groupe de Safran d’atteindre les 65 % de part de marché. Idem en Chine où la stratégie de coopération avec les industriels locaux, entamée au mitan des années 70, a permis à l’entreprise de s’ancrer durablement dans le pays. Un hélicoptère sur deux est équipé d’un moteur fabriqué sous licence de Safran Helicopter Engines. Et les perspectives de développement sont prometteuses là-bas. Comme elles le sont en Russie et dans des dizaines d’autres pays. Le motoriste est en effet désormais présent dans 155 pays et a affirmé en une quarantaine d’années son rang de numéro 1 mondial de la turbine d’hélicop-
tères. Même si elle a parfois dû encaisser des baisses d’activité. L’intégration au sein du groupe Safran en 2005 a de plus été suivie de la modernisation de l’outil industriel. En moins de dix ans, les usines de Bordes, Buchelay et Tarnos auront été rénovées et modernisées. De quoi gagner en compétitivité, agilité et performance.
Toujours numéro 1 mondial
80 ans après sa création, Safran Helicopters Engines, avec sa large gamme de moteurs, peut revendiquer une part de marché supérieure à 30 %, devant ses concurrents américains ou canadiens. L’entreprise est présente dans le militaire, l’offshore, la sécurité, l’utilitaire, le médical ou encore le tourisme. Sur ses 2 500 clients, 80 % possèdent moins de 5 hélicoptères. Une diversité qui fait que, en 2018, un moteur d’hélicoptère sur trois vendu dans le monde est fabriqué par Safran. L’entreprise emploie 5 620 personnes, dont 4 600 en France. Et toutes les 9 secondes, un hélicoptère motorisé par le groupe Safran décolle dans le monde. Vertigineux.
80 ANS DE SAFRAN HELICOPTER CAHIER EVENEMENT ENGINES VII
JEUDI 20 SEPTEMBRE 2018
RÉTROSPECTIVE
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Ils ont dirigé l’entreprise Joseph Szydlowski 1938-1988 N L’emblématique fondateur aura dirigé l’entreprise durant un demisiècle. À partir de 1972, il aura à ses côtés Gérard Pertica qui prend en charge la partie opérationnelle. Sonia Meton 1988-1996N La deuxième fille du fondateur lui succède comme PDG de la société. Mais sa mort accidentelle dans sa propriété de la Creuse impose de lui trouver un successeur dans l’urgence. Jean-Bernard Cocheteux 1996-2001 N Entré dans l’entreprise en 1983, il en est le directeur général quand les administrateurs le nomment PDG après le décès de Sonia Meton. Emeric d’Arcimoles 20012008 N Ce Gascon prend la suite de JeanBernard Cocheteux et conduira l’intégration au nom du groupe Safran dont il deviendra par la suite directeur général adjoint, en charge de l’international. Pierre Fabre 2008 - 2011 N Adjoint d’Emeric d’Arcimoles, il lui succède naturellement quand ce dernier est promu au sein du groupe Safran. Olivier Andriès 2011-2015 N Passé par Airbus avant de rejoindre Safran en 2008, il prend les rênes de l’entreprise quelques mois après l’inauguration de la nouvelle usine de Bordes. Bruno Even 2015-2018 N Bon connaisseur d’une entreprise qu’il a intégrée en 1999 en provenance de la Délégation générale de l’armement (DGA), il est promu à sa direction après deux ans chez Safran Electronic & Defense. Il laisse sa place à Franck Saudo.
2010
2011
L’usine Szydlowski inaugurée
Nouvelle usine dans les Yvelines
C’est en présence du président de la République Nicolas Sarkozy, du PDG de Safran Jean-Paul Herteman et de deux ministres, Christian Estrosi (Industrie) et Michèle Alliot-Marie (Intérieur) que la nouvelle usine de Bordes est inaugurée le 22 juin. Ultramoderne, dite « du futur », elle porte le nom du fondateur de l’entreprise Joseph Szydlowski. La nouvelle usine, construite entre le site historique et le gave, a nécessité un investissement de plus de 100 millions d’euros et occupe 42 000 m2.
Safran Helicopter Engines quitte son site historique de Mézières-sur-Seine mais reste présent dans les Yvelines en investissant, non loin, sa nouvelle usine de Buchelay, près de Mantes-laJolie. L’établissement, qui accueille également les activités d’Hispano-Suiza jusqu’alors à Colombes, est inauguré le 11 octobre. L’ancienne usine en service depuis 1938 était devenue obsolète et un déménagement s’avérait nécessaire. Les travaux durent une année pour un projet chiffré à 33 millions d’euros. La nouvelle usine emploie 290 personnes et est spécialisée dans les régulateurs de moteurs et accessoires.
« Les pieds ancrés dans notre temps et le regard tourné vers l’avenir» Entretien avec Franck Saudo, à la tête de Safran Helicopter Engines depuis ce printemps. Vous êtes un jeune PDG à la tête d’une entreprise de 80 ans. Vous sentez-vous aussi dépositaire d’une histoire industrielle ? Notre histoire, ce sont nos racines. C’est une source de fierté pour chacun d’entre nous, pour chacun des hommes et de femmes de Safran Helicopter Engines. C’est une histoire fascinante faite d’entrepreneuriat, de conquêtes technologiques et d’excellence industrielle et service. Mais notre histoire, c’est aussi une responsabilité. Celle d’être à la hauteur de nos aînés qui ont hissé décennie après décennie notre entreprise, Safran Helicopter Engines, au rang de n° 1 mondial des moteurs d’hélicoptères. Notre histoire enfin, c’est un tremplin car notre entreprise est résolument tournée vers l’avenir pour relever les défis des moteurs de nouvelle génération, de l’hybridation électrique, du digital ou encore de la fabrication additive. Au final, notre histoire est un état d’esprit : le cœur chargé d’histoire et de fierté, les pieds fermement ancrés dans notre temps, et le regard tourné vers l’avenir.
Avez-vous senti lors de votre arrivée, puis lors de votre nomination au poste de PDG, cet attachement à l’entreprise et à son histoire ? La fierté de nos métiers, de nos savoir-faire et de nos produits est très présente. Il y a chez nous un profond respect et une grande fierté pour l’histoire de notre société, j’ai pu m’en rendre compte quand je suis arrivé en 2013. L’un des exemples les plus symboliques, c’est notre tradition d’appeler nos moteurs du nom de sommets pyrénéens, apparue avec le tout premier moteur de Turbomeca. Notre fondateur, Joseph Szydlowski, l’avait baptisé
Franck Saudo (ici devant un moteur RTM 322) préside Safran Helicopter Engines depuis ce printemps. © COLLECTION SAFRAN Pimenée, du nom d’un pic qu’il aimait gravir et en hommage à ce territoire auquel il était attaché. Aujourd’hui cette tradition se perpétue, comme en témoigne l’Aneto, dernier et plus puissant moteur de notre gamme moteurs que nous avons dévoilé au public à l’automne dernier, et qui nous différencie dans le monde entier !
Quels sont vos priorités et axes de travail pour que cette histoire continue ? La première priorité qui nous anime, c’est la sécurité et la satisfaction de nos clients. Toutes les 9 secondes, un moteur Safran Helicopter Engines décolle quelque part dans le monde pour une multitude de missions, comme le secours, le transport médical, le ravitaillement des plateformes pétrolières ou bien encore des opérations militaires. Les utilisateurs d’hélicoptères comptent sur nous, sur la fiabilité et la facilité d’utilisation de nos moteurs. Notre mission, c’est de contribuer à leur succès avec des moteurs sûrs toujours plus fiables et simples d’utilisation. La deuxième priorité, c’est de travailler notre compétitivité car
« IL Y A CHEZ NOUS UN PROFOND RESPECT POUR L’HISTOIRE DE NOTRE SOCIÉTÉ » FRANCK SAUDO
nous sommes présents sur un marché fortement concurrentiel où rien n’est jamais acquis. Améliorer notre compétitivité, c’est créer les conditions pour que nos enfants et nos petits-enfants aient des emplois, de l’activité sur nos sites demain comme aujourd’hui comme hier. Enfin, la troisième priorité, c’est l’innovation. Safran Helicopter Engines est une société qui a été façonnée par un esprit de pionniers. De nouveaux besoins et opportunités se dessinent aujourd’hui dans le transport aérien avec l’apparition de nouvelles technologies et de nouveaux besoins comme la propulsion hybride ou les drones logistiques. C’est en faisant la course en tête en matière d’innovation que nous serons capables d’apporter des solutions sur ces nouveaux marchés.
Dans 10 ou 20 ans, à quoi pourrait ressembler l’entreprise que vous dirigez aujourd’hui ? Je nous souhaite d’abord qu’entrant sur un site de Safran Helicopter Engines dans 10 ans, nous soyons toujours frappés par la passion et l’engagement au service de nos clients des hommes et des femmes de Safran Helicopter Engines. Je vois également une entreprise où chacun est à l’initiative, dispose d’une autonomie de décision et prend en main le destin de l’entreprise. Autour de nous, l’environnement industriel est transformé avec une usine plus digitale et faisant une place de choix à la fabrication additive. À un horizon de 10 à 20 ans, je vois encore se poursuivre la production de nos moteurs à succès : Arriel, Arrius, Makila, Arrano et Aneto. Mais je vois également une transformation de nos technologies en direction de systèmes de propulsion hybride combinant énergie électrique et thermique pour continuer de gagner en sécurité des aéronefs et en performance environnementale et technique.
CAHIER ANS EVENEMENT DE SAFRAN HELICOPTER ENGINES VIII 80
80 ANS D’HISTOIRE : LES DATES CLÉS
JEUDI 20 SEPTEMBRE 2018
2016
2016
La modernisation de Tarnos lancée
Changement de nom
Turbomeca lance à l’automne le grand chantier de modernisation de son établissement de Tarnos, spécialisé dans la réparation et la maintenance, mais aussi centre d’instruction. Un site où travaillent 1 430 personnes et un investissement de 60 millions d’euros pour l’usine créée en 1965. Dans le cadre de « Cap 2020 », trois nouveaux bâtiment, dont deux à vocation industrielle, vont être édifiés. L’objectif est de réduire les délais de maintenance pour les clients. Ce chantier doit s’achever courant 2019.
Le 19 mai, Turbomeca devient officiellement Safran Helicopter Engines. Un changement de nom dans le cadre d’une stratégie globale du groupe de placer ses filiales sous une seule marque : celle de Safran. Outre Turbomeca, Snecma devient ainsi Safran Aircraft Engines, alors que Messier-Bugatti-Dowty s’appellera désormais Safran Landing Systems. Ces nouvelles dénominations permettent de garantir une attractivité supplémentaire auprès des clients du groupe.
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L’innovation, la clé de la longévité
MAIS AUSSI
SAFRAN LANDING SYSTEMS FÊTE AUSSI LES 80 ANS DE SON SITE DE BIDOS
Sélectionné par Leonardo pour son hélicoptère AW189K, le moteur Aneto est dédié au marché des hélicoptères lourds. © COLLECTION SAFRAN
Un millier de personnes se consacre au sein de l’entreprise à la mise au point des moteurs du futur. Innover pour durer. C’est la clé du succès mais aussi celle de la pérennité de l’entreprise. Au sein de Safran Helicopter Engines, cela fait 80 ans que des équipes travaillent à concevoir des moteurs plus fiables, plus robustes, plus puissants mais aussi plus légers, consommant moins de carburant. C’est bien simple, 15 % du chiffre d’affaires de l’entreprise sont chaque année investis dans la recherche et développement.
Quatre axes définis Dans l’entreprise, quatre axes d’innovation ont été définis. Le premier concerne la gamme des moteurs et leurs différents composants (compresseur, turbine et chambre à combustion). Un deuxième axe est centré sur les systèmes de propulsion. Un troisième s’attache aux domaines industriels, notamment avec la mise au point de procédés innovants pour la fabrication et la réparation. Enfin le support et les services
EN CHIFFRES
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15 C’EST LE POURCENTAGE DU CHIFFRE D’AFFAIRES CONSACRÉ A LA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT
sont eux aussi au cœur de la stratégie de recherche et développement de la société.
Consommation et puissance De fait, ce sont 1 000 ingénieurs des bureaux d’études qui travaillent à la mise au point de nouvelles technologies. L’une des finalités est de proposer aux clients des moteurs moins gourmands en carburant, équipés notamment de compresseurs à haut taux de compression.
Une orientation symbolisée par le programme Arrano (photo ci-dessous) qui permet une consommation en carburant réduite de 15 % par rapport aux autres moteurs. L’Arrano, certifié cette année et qui s’adresse aux hélicoptères de 4 à 6 tonnes, a d’ores et déjà été retenu par Airbus Helicopters pour son H160. Autre nouveau moteur fruit de la R & D, l’Aneto, destiné aux hélicoptères de 8 à 15 tonnes. Il offre lui une puissance de 25 % supérieure aux autres moteurs de ce segment. Le chantier de la consommation des moteurs induit par ailleurs d’autres domaines de recherche, comme celui des matériaux qui permettent de rendre les moteurs plus légers, robustes et plus faciles à fabriquer. Safran Helicopter Engines a ainsi introduit la fabrication additive sur ses nouveaux moteurs. Enfin, avec d’autres entreprises du groupe, Safran Helicopter Engines est impliqué dans le programme de mise au point d’un système propulsif hybride électrique, Il s’agit de proposer à terme des solutions à décollages et atterrissages verticaux pour les aéronefs.
Un autre site du groupe Safran fête ses 80 ans en 2018. Safran Landing Systems, anciennement Messier-Bugatti-Dowty, est le leader mondial des fonctions d’atterrissage et de freinage pour aéronefs. L’entreprise, dont le siège est à Velizy-Villacoublay en région parsienne, emploie plus de 7 600 personnes dans le monde et dispose d’un site industriel à Bidos, près d’Oloron, où travaillent plus de 900 personnes. C’est en 1938 que l’entreprise de George Messier, spécialisée dans les trains d’atterrissage et installée à Montrouge, crée une usine en Haut-Béarn. À l’époque, dans un contexte de forte demande de la part du gouvernement, la France se prépare à la guerre. Bidos est retenu en Vue de l’unité d’assemblage de l’usine de raison de son éloignement de la Bidos. © ADRIAN DASTE/SAFRAN frontière allemande mais aussi de la proximité du chemin de fer, indispensable à l’approvisionnement du site en machines et en matières premières. L’usine emploie d’abord 200 personnes et produit des pièces de rechange pour des assemblages à Montrouge. Après guerre, l’activité est relancée et le site produit des trains d’atterrissage pour des grands programmes : Fouga Magister en 1954, Mirage III en 1959, Concorde en 1964 et Airbus A300 en 1974. 1987 marque le début du programme A320, projet le plus structurant du site, qui précède les grands programmes, civils ou militaires contemporains : A330, Rafale, Tigre, A380, Boeing 787... Le site de Bidos est maintenant spécialisé dans la fabrication de tiges de grandes dimensions ainsi que l’assemblage d’amortisseurs et trains avant de grandes dimensions. Il gère actuellement 22 programmes. À noter que fort de ses succès passés, il continue à investir dans l’avenir, avec notamment l’ouverture d’une unité dédiée aux pièces en titane, ou encore la création d’une plateforme logistique. Plusieurs projets s’intégrant dans la démarche « Usine du futur » de Safran y sont également déployés : closed door machining (ligne de production de machines autonomes capables d’enchaîner des phases d’usinage en continu avec le minimum d’intervention humaine) ; conduite autonome, maintenance prédictive, réalité virtuelle….
L’usine de Safran Landing Systems, à Bidos, créée en 1938. © COLLECTION SAFRAN