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Isha–Roza

©SIMON BOLLU

# album # rap

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Isha

©GUY SCHOTTE

# album·bientôt # artiste·engagée

Roza

TEXTE: NICOLAS ALSTEEN Figure emblématique du rap belge, Isha s’impose en patron à l’heure de servir son premier album studio. Entre hommage au frère disparu et fiction hantée par quelques démons personnels, Labrador bleu monte la garde. Au taquet, toujours loin devant.

Avant de promener son Labrador bleu dans l’espace public, Isha s’est dévoilé via le documentaire Sourire aux fantômes. Diffusé sur les réseaux, ce biopic retrace un itinéraire accidenté. «J’avais besoin de faire le point une dernière fois avant de tourner la page», explique-t-il. C’est qu’à bientôt 36 ans, l’artiste a déjà plus de mille vies au compteur. Modèle pour les uns, parrain du rap bruxellois pour les autres, il a aiguisé son art sur les trottoirs de la ville avant d’imposer son style sur les plus grandes scènes du pays. Vingt ans après ses débuts, Isha sort donc un premier album sous son (pré)nom. «Chaque chose arrive au bon moment, dit-il. En ce sens, Labrador bleu tombe à pic. C’est le témoin de mon endurance et d’une certaine abnégation.» Cet album découle pourtant de nombreuses remises en question. Parti d’une table rase, couché sur une page blanche, Labrador bleu s’est dessiné dans l’instant, à l’instinct. «Avant de l’enregistrer, j’ai jeté l’équivalent d’un disque entier. J’avais l’impression d’être dans la redite.» Pour éviter de se répéter, Isha a pris exemple sur les rappeurs d’Atlanta. «Je suis arrivé en studio sans avoir écrit un mot. Mes textes sont nés au contact de la musique. Cette façon de travailler m’a libéré.» Entre montées de fièvre (Tueur de dragon), coups francs (FIFA) et clin d’œil à l’idole (La réincarnation de Biggie), Isha partage le micro avec Limsa d’Aulnay (Modou), OG Gold (Étage) ou Caballero & JeanJass (Meilleur Karaté). «Ce sont des proches. À un moment, j’avais composé des trucs profilés pour des featurings commerciaux ou complètement bling-bling. Mais j’ai vite réalisé que j’étais sur la mauvaise voie. Dans ma carrière, chaque collaboration tient d’abord à une relation. Il n’y a pas de raison que ça change.» Sous ses dehors fictionnels, Labrador bleu s’abreuve à la source d’un chaos personnel parfaitement maîtrisé. «J’ai besoin d’exfiltrer mes démons pour avancer. C’est quasi thérapeutique. Je ne pourrai jamais écrire un morceau indolore et insouciant. Ça ne me ressemble pas. Ici, toutefois, je mise sur une approche plus cinématographique, moins égocentrique. J’ai trouvé une autre façon de parler de moi.» Une méthode moins autocentrée donc, mais toujours aussi efficace.

TEXTE: LOUISE HERMANT La musicienne bruxelloise publie un premier album dans lequel elle soulève des problématiques sociétales. Roza y porte un regard à la fois frontal, innocent et sensible.

Pour beaucoup d’artistes, le confinement a permis de concrétiser des projets ou de décider de se consacrer pleinement à la musique. La jeune artiste bruxelloise Roza, finaliste du concours Du F. dans le texte en 2020, n’y a pas échappé. Embarquée dans des études de bio-ingénieure, elle décroche après quelques mois. La musicienne de 21 ans se réfugie alors dans la musique, sa passion depuis toute petite, et se construit un studio dans sa chambre. Elle réalise un clip avec les moyens du bord et publie sa première chanson, Coule Amour, sur les réseaux sociaux.

Le morceau attire l’attention de plusieurs radios belges et se retrouve même dans la programmation de FIP, outre-quiévrain. «J’ai été très contente des retours sur ce titre. Il m’a permis de me faire une première expérience dans l’enregistrement et la production pour pouvoir imaginer la suite.» Mise en confiance, Roza se lance dans la composition de son premier album, Système Ouvert, réalisé avec l’aide d’Antoine Flipo, moitié de Glass Museum. Elle y joue de la guitare, du banjo mais aussi du n’goni, guitare traditionnelle malienne. «Il y a forcément une interrogation au niveau de l’appropriation culturelle. J’en ai beaucoup parlé avec des personnes qui en jouent de façon traditionnelle. J’ai vraiment cette intention de respecter cette culture et de ne pas en faire un outil pour permettre de me mettre en avant.»

Portées par des sonorités électroniques et instruments acoustiques, les paroles, écrites en français, évoquent les injustices climatiques et sociales, l’impuissance face à la violence du monde. «Le disque partage un questionnement assez fort à fleur de peau sur les autres, l’état de la société, des réflexions qui me dépassent. Le regard se veut presque innocent sur des informations extérieures.»

Son engagement se traduit également dans une démarche active et concrète. Pour se rendre à ses concerts, elle pédale 1.250 kilomètres à travers la France l’année dernière. «Je voulais incarner mes propos, avoir des revendications palpables, échanger sur des sujets comme l’écologie.» La jeune femme plaide pour plus de sobriété, y compris dans l’industrie musicale. «Quelques gros artistes sont mis en avant, le reste doit se dépatouiller. Il serait intéressant de se reconcentrer sur des artistes locaux.»

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