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Yamila–Doowy

©VIRGINIA ROTA

# électro # sensitive # EP # pop·frenchy

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©JAMES K BARBOSA

TEXTE: DIDIER ZACHARIE En 2019, Yamila se fendait d’un premier album de pop avant-gardiste électronique unique en son genre. Trois ans plus tard, elle nous emmène encore plus loin avec Visions, album concept où l’électronique se mue en une musique contemporaine aux accents mystiques, telle une Hildegard von Bingen du 21e siècle.

TEXTE: NICOLAS ALSTEEN Musicien tout-terrain, producteur en vogue, Thibaud Demey contribue en catimini aux succès de Lost Frequencies ou de Mustii. En solo, il revêt le costume de Doowy pour chanter le français sans contrefaçon. Quelque part entre Metronomy et Julien Doré, sa voix suave se porte au chevet de sujets graves.

Yamila Rios est Espagnole, elle a longtemps vécu aux Pays-Bas avant de s’installer en Belgique. Enfant, elle étudie le violoncelle tout en étant submergée par le flamenco: «Cette musique fait partie du langage musical familier dans lequel j’ai grandi. En Espagne, le flamenco est chanté et joué à toutes les fêtes de famille”. Adolescente, elle découvre les compositeurs contemporains pionniers de l’électronique d’avant-garde comme John Cage, La Monte Young, Pauline Oliveiros ou Stockhausen. Elle décide de partir aux Pays-Bas pour étudier la sonologie (l’étude des sons, notamment électroniques) au Conservatoire royal de La Haye. «J’y ai passé sept ans de ma vie, entourée de musiciens fantastiques. C’était un luxe!» Elle se plonge dans la musique comme s’il s’agissait d’une thérapie. C’est l’autre signification de la sonologie: la thérapie par les sons. «C’est en faisant de la musique que je vis les expériences les plus intenses. C’est quelque chose d’abstrait. Elle peut toucher l’âme et le corps. Quand je fais de la musique, mon intention est toujours que l’auditeur ressente quelque chose dans son corps.»

Ce qui nous amène à Visions, son deuxième album à paraître le 1er juillet. Un disque-concept qui doit autant à l’electronica expérimentale de Clark (producteur anglais du label Warp avec lequel elle a collaboré) qu’aux chants religieux du Moyen Âge: «J’ai commencé à travailler sur le disque en lisant des textes de mystiques comme Sainte-Thérèse, Hildegard, Julienne de Norwich… Ce qui m’a frappé, c’est que ces religieuses parlaient de manière très précise de leur corps et qu’en fait, Dieu n’était qu’une excuse pour parler de leurs expériences physiques… J’ai le sentiment que nous avons perdu cette capacité à ressentir les choses dans notre corps avec autant d’intensité. Ça a été le point de départ de l’album, ce besoin de retourner au corps et à l’expérience mystique qui le meut». La thérapie par les sons. Physique et spirituelle. Ingénieur du son de formation, musicien par passion, Thibaud Demey n’a jamais choisi son camp. Cette neutralité est aujourd’hui sa plus grande force. Capable de produire des chansons pour les autres (Mustii, Ykons) ou de renforcer les performances scéniques d’un blockbuster (Lost Frequencies) via d’astucieuses interventions instrumentales, l’artiste bruxellois met à présent sa polyvalence au service de ses propres compos. «J’ai longtemps hésité avant de me lancer en solo, concède-t-il. Par peur ou manque de confiance, je me trouvais toujours des excuses pour retarder l’échéance. Puis, le confinement est arrivé… et je suis passé à l’action.» Bien décidé à se frotter au format chanson, Thibaud Demey dégote alors un nom de scène au casting de série télé américaine Malcolm. «Avant, je la regardais tout le temps. Je m’identifiais au personnage de Doowy. C’était le petit dernier d’une famille, chouchou des parents et, surtout, bouc émissaire de ses grands frères. En soi, c’était l’histoire de ma vie. D’autant que le personnage de la série jouait du piano et bien d’autres instruments.» Toute cette empathie se matérialise maintenant sous la pochette de Contre-Nuit, le premier essai de Doowy. «Sur cet EP, les thématiques abordées sont assez austères. J’évoque la mort, les relations toxiques, la nostalgie de l’enfance ou les dérives de la virilité: des sujets pas très joyeux. En revanche, les mélodies sont toujours dansantes et colorées. Contre-Nuit vient souligner cette ambivalence. C’est une façon de contrer mes parts d’ombre avec une musique rayonnante.»

Le plus souvent pop, disco et décontractés, les (six) morceaux proposés sur le disque insufflent volontiers de la légèreté au cœur d’un monde agité. Du côté le plus obscur de la force, Doowy chante toutefois Mon étoile, un hommage assumé à sa mère décédée. «Cette chanson, c’est un pied de nez à la tragédie. Une façon d’enterrer définitivement les traumatismes du passé pour ne retenir que la tendresse, la beauté et la douceur. La démarche n’était pas évidente mais à l’arrivée, elle est extrêmement apaisante.»

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