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Youssef Swatt’s

Chaque épisode de Fragments enferme un morceau enregistré en “featuring”. Roméo Elvis était l’invité du premier volet. Cette fois, c’est Isha. Quels sont vos critères de sélection pour réaliser ces titres en duo?

Chaque collaboration s’inscrit dans le prolongement d’une relation humaine. J’ai besoin de me reconnaître dans le travail de l’autre, mais aussi d’avoir un rapport authentique dans l’échange artistique. Pour ça, Roméo Elvis et Isha étaient des évidences.

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Primero «En solo, je me considère comme un artiste émergent.»

©MAXIME LORAND

# rap·indé # album

Youssef Swatt’s

TEXTE: NICOLAS ALSTEEN Après un été qui l’a vu se produire au festival Lollapalooza ou aux côtés d’IAM, Youssef Swatt’s dévoile les dessous de son troisième album. Avec de multiples collaborations (Oxmo Puccino, Scylla et Gaël Faye), Pour que les étoiles brillent illumine la rentrée.

Les morceaux enregistrés sur Fragments reposent sur une écriture directe, dense et raffinée. La littérature est-elle l’un de vos moteurs créatifs?

Je ne lis pas autant que je le voudrais. Cependant, j’entretiens une relation très forte avec quelques ouvrages de référence comme Les Identités meurtrières d’Amin Maalouf, par exemple.

Ce bouquin m’a ouvert les yeux. En le lisant, j’ai compris l’absurdité des clichés. Résumer quelqu’un à une seule facette de sa personnalité, c’est forcément réducteur… Pour comprendre les gens, il faut accepter qu’ils soient porteurs de multiples sentiments. Dans un autre registre, je suis sensible aux romans d’anticipation signés par des auteurs comme Aldous Huxley ou

George Orwell. Mais je n’irais pas jusqu’à les présenter comme des sources d’inspiration.

Dans quel domaine puisez-vous vos meilleures idées pour la musique?

D’abord dans ma propre vie. Ensuite, dans les films et les documentaires. Je connais tous les plans de 99 Francs, par exemple.

Ce film de Jan Kounen est une adaptation du roman de Frédéric

Beigbeder. Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais chaque partie du film recèle d’idées qui, à mon sens, sont absolument géniales.

Par ailleurs, je suis un grand fan de huis clos. Réussir à capter l’attention du public au départ d’un espace-temps ultra élémentaire, ça me fascine. Dans le genre, il faut voir Locke, un thriller réalisé par Steven Knight. Pendant tout le film, l’acteur est dans sa voiture, suspendu au téléphone. Au niveau du script et du rythme, le huis clos implique de redoubler d’inventivité.

En tant qu’artiste solo, je trouve ça hyper inspirant.

Primero Fragments

Labrique Attablé dans un hôtel guindé de la capitale, Youssef Swatt’s reçoit Larsen autour d’un café. Simple, détendu et franchement avenant, le rappeur tournaisien vient de fêter ses 24 ans. Voilà pourtant près d’une décennie qu’il traîne ses baskets dans les coulisses du rap indépendant. Vrai-faux artiste émergent, il aborde ainsi la sortie de son troisième album avec la maturité d’un vieux briscard. «J’ai commencé à 14 ans, retracet-il. Dans le milieu, j’étais un prématuré. Aujourd’hui, je ne suis plus un enfant: je dois convaincre les gens que j’ai évolué.» Pour ça, il suffit de jeter une oreille à Pour que les étoiles brillent, le troisième essai du self-made man. «J’ai progressé dans ce métier de façon ultra naïve. À 16 ans, par exemple, je décroche une scène dans un grand festival. Là, les organisateurs me demandent où est mon attaché de presse. Je leur dis qu’il n’est pas là. La vérité, c’est que je ne savais pas de quoi il était question. Une personne? Un objet? Pas la moindre idée… Le lendemain, j’ai dû aller sur Google pour me renseigner.» Pendant des années, Youssef apprend sur le tas. L’expérience acquise l’amène désormais à s’entourer d’une équipe compétente, mais aussi à conseiller les autres. Depuis peu, il est ainsi manager du groupe électro-pop Coline & Toitoine. «J’aime jongler avec mes deux casquettes. Un jour, je suis l’artiste et on s’occupe de moi. Le lendemain, je suis le manager et je prends soin des autres. Cela me permet d’ajuster le curseur, de me prémunir des vices de l’ego trip.»

Produit aux côtés d’El Gaouli, beatmaker connu pour ses collaborations avec Demi Portion, Kool Shen ou L’Hexaler, le nouvel album du Tournaisien aligne 17 titres dopés par une écriture dense et incisive. Dans une veine boom-bap, son flow débouche sur de solides morceaux (Solo, Remonter le temps), mais aussi sur un duo de dingo avec l’emblématique Oxmo Puccino (Le poids des mots). À l’écart des autoroutes goudronnées à l’Auto-Tune, Youssef Swatt’s trace sa route à l’ancienne, dans un style qu’il serait tentant de qualifier de rap conscient. «Je ne préfère pas, dit-il. Car cela sous-tend une forme de condescendance. Un peu comme si les autres formes de rap étaient, par opposition, inconscientes… L’engagement social traverse plusieurs de mes textes, mais je m’autorise aussi la possibilité d’écrire des choses plus légères. Je comprends qu’on puisse m’accoler l’étiquette rap conscient mais, potentiellement, mon prochain album sera complètement différent.» On ne demande qu’à voir. Vivement la suite.

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