Mémoire laura

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DAVID HOCKNEY



SOMMAIRE

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BIOGRAPHIE

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PRATIQUE ET ŒUVRES

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ANALYSE D’ŒUVRE The scrabble game, 1983

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RÉFLEXION

où en est le portrait contemporain?


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BIOGRAPHIE

1937

David hockney est né le 9 Juillet à Bradford en Angleterre.

1953-1957

Il étudie à la Bradford school of Art où il reçoit un enseignement académique.

1959-1962

Il intègre le Royal College of Art à Londres. Il y reçoit un enseignement plus libre. À cette période, il rencontre Francis Bacon et développe de l’intéret pour son œuvre. Il est notamment sensible à la manière dont Bacon rejette l’abstaction au profit d’une figuration. Il obtient son diplome avec succès.

1960

Il se rend à l’exposition consacrée à Picasso à la Tate Gallery. Dès lors, il s’intéresse à l’artiste et est influencé par son travail.

PORTRAIT DE DAVID HOCKNEY PAR DMITRI KASTERINE, 1975

1961

il participe à l’exposition young contemporary, qui réunit des jeunes artistes britan-

niques et il s’y fait remarquer. Il commence à se faire connaître. Il part pour la première fois aux États-Unis, d’abord à New York, puis à Los Angeles. Il est fasciné par les grands espaces Californiens.

1970

Sa première grande rétrospective lui est consacré à la Whitechapel Art Gallery de Londres.

1978

Il quitte l’Angleterre pour s’installer en Californie, région qui l’a toujours attiré. Il réalise de nouvelles peintures avec des couleurs plus franches, la Californie ayant influencé son utilisation des couleurs.

1980

Il se rend à la rétrospective de Picasso au musée d’Art moderne de New York, ce qui amplifie son idée que le cubisme a marqué un tournant dans la représentation. Son travail va s’en influencer. Par exemple, l’idée de ses photocollages est empreinte au cubisme.



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BIOGRAPHIE

1988

Une grande rétrospective de son travail ouvre ses portes à Los Angeles, New York et Londres. Elle y montre ses œuvres réalisées au cours des années 80 qui sont influencées par Matisse et Picasso. Dans ses œuvres exposées, il a exploré l’espace pictural en peignant des formes simples sur des fonds colorés.

1990

Il participe à un séminaire consacré à l’informatique et à l’impression. Il découvre alors qu’il peut dessiner sur son ordinateur et imprimer dans l’immédiat. Il commence alors à s’intéresser aux nouvelles technologies qui permettent la représentation.

1999 1. DAVID HOCKNEY EN TRAIN DE PEINDRE WOLDGATE WOODS, 2006 2. DAVID HOCKNEY DANS SON STUDIO AVEC SON IPHONE

Le centre Georges Pompidou de Paris lui consacre une grande exposition ayant pour thème l’espace et le paysage, thèmes récurrent tout au long de son œuvre.

2005

Il revient vivre en Angleterre, dans le York-

shire, où il a passé son enfance, après environ 25 années passées en Californie. Il redécouvre ses paysages et prend conscience de leur beauté. Il peint alors des paysages de très grands formats.

2010

Une exposition, « Fleurs fraîches » à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent est consacré à ses œuvres réalisés sur des supports numériques : iPhone, Ipad et projections numériques. Elle regroupe des représentations de fleurs présentées sur écran, ce qui permet des images colorées et lumineuses.

2012

Une grande exposition lui est consacrée à la Royal Academy de Londres : A Bigger picture. Cette exposition est consacrée à son travail et à la fascination qu’il porte sur les paysages, couvrant plus de 50 ans de son œuvre. Elle présente des peintures vives et de grandes dimensions inspirées des paysages de son enfance.


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PRATIQUE ET ŒUVRES

DAVID HOCKNEY EST À LA FOIS PEINTRE, DESSINATEUR ET CRÉATEUR DE DÉCORS D’OPÉRAS.

SES TRAVAUX

De sa formation initiale à la Bradford school of art, David Hockney reçoit un enseignement traditionnel. Il apprend le dessin d’observation et la représentation réaliste. Il réalise alors des dessins très précis d’après nature. Tout au long de son œuvre, ses dessins vont traduire une observation minutieuse. Tout ce qu’il voit peut être intéressant à représenter. Ensuite, son enseignement au Royal College of Art le rapproche de l’abstraction. En effet, il s’inspire à cette époque des graffitis et d’un langage visuel enfantin. Par exemple, pour We two boys Clinging, réalisé en 1961, il peind des formes délibérément approximatives et ne cherche pas à donner à ses personnages une apparence humaine.

1. WE TWO BOYS CLINGING, 1961 2. MOTHER I, 1985 3. MR AND MRS CLARK AND PERCY, 1970-1971 4. CELIA, 1982 5. PEARLBLOSSOM HIGHWAY, 1986

Dans les années 60, il va peindre le monde qui l’entoure d’une manière plus naturaliste. Ses doubles portraits réalisés entre 1968 et 1977 le démontre. Pour Mr and Mrs Clark and Percy réalisé entre 1970 et 1971 par exemple, il a peind les personnages en restant fidèle aux modèles. En outre, les effets de matières (le tapis, le cadre du tableau...) et de lumières montrent sa volonté de rester proche de la réalité. Il dépeind dans ce tableau la relation complexe qui unit le mari et l’épouse et montre une distance entre eux. Par la suite, il cherche à se libérer des modes conventionnels de représentations. Il commence alors à se servir du polaroïd et

faire des collages en 1981. En assemblant plusieurs photographies, cette technique lui permet de modifier la perspecive et d’augmenter le temps. Par exemple, Gregory, réalisé en 1982, est un portrait formé de 32 polaroïds, dont chacun représente un fragment du corps. L’ensemble reconstitue le visage et introduit un mouvement. Les bords blancs qui entourent chaque polaroïd forment un effet de mosaïque sur l’ensemble du collage. Ensuite, il va se servir d’un appareil photo ordinaire pour réaliser des collages. La différence avec les polaroïds est qu’il ne peut pas vérifier le résultat immédiatement. La mémoire devient alors un élément important dans le procédé. Ses collages deviennent donc plus imprévisibles. Pour Sisters, réalisé en 1983, il prend d’abord une multitude de photographies et les dispose ensuite. La disposition de l’ensemble n’est donc plus définit dans un carré ou un rectangle. Avec le mouvement des personnages, il montre le temps qui passe, le déroulement d’une action. Pour Pearlblossom Highway, l’assemblage est définit dans un format rectangulaire. L’ensemble est composé d’une centaine de photos dont chacune représente un point de vue différent. En effet, cette fois, pour chaque cliché, il a bougé. Pour le panneau stop par exemple, il est monté sur un escabeau pour le prendre de face. On a donc l’impression de se déplacer dans l’espace.


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PRATIQUE ET ŒUVRES

Ses découvertes faites avec les photocollages vont se retrouver dans sa peinture. En effet, A bigger Grand Canyon, 1998, est réalisé sur le même principe. L’œuvre est composée de 60 toiles de petits formats mises les unes à cotés des autres. Il y a autant de points de fuite que de toiles. En multipliant les points de vues, il cherche à se libérer d’une représentation avec une perspective classique. De cette façon, il veut reconstituer l’immensité de cet espace à travers le Grand Canyon. Pour cette œuvre, il utilise des couleurs très vives, et créé de forts contrastes, avec des gros pinceaux chargés de peintures.

1. A BIGGER GRAND CANYON,1998 2. RAINY NIGHT ON BRIDLINGTON PROMENADE, DESSIN SUR IPHONE, 2008 3. THE RAKE’S PROGRESS, 1975 4. TRISTAN ET ISEULT ACTE II, 1987 5. TRISTAN ET ISEULT ACTE I, 1987

En travaillant sur des décors pour le théatre, il va poursuivre ses réflexions sur la perspective et la perception de l’espace. Il a commencé à travailler sur des décors d’opéra dans les années 1970. Le premier opéra sur lequel il a travaillé étant the rake’s progress. Sa scénographie est traité sans perspective, il n’a pas cherché à créer d’illusions, les pièces triangulaires ont la forme de triangle, les coins sont des coins.. etc. Par la suite, il s’est joué de la perspective. En 1987, il créé les décors de Tristan et Iseult, qui comportent plusieurs points de fuite et différents angles. Ainsi, le spectateur a l’impression d’être plus près de la scène, il est comme immergé dans l’action. Pour réaliser ce décor, il a découpé de grandes

formes qu’il a disposé avec des lumières. Ce sont ces lignes et ces lumières qui définissent les espaces. Ces dernières années, il utilise l’ipad ou l’iphone comme support de création. Cet outil vient remplacer son carnet de croquis et lui permet de créer dans l’instantanéité, très rapidement. Ce nouvel outil est particulièrement intéressant parce qu’il produit des images très lumineuses. L’œuvre de David Hockney est très variée. Son style ne s’est jamais figé. Bien qu’il soit souvent associé au Pop art, il revendique de ne pas appartenir à un mouvement.

SES MÉDIUMS

il utilise de nombreux moyens d’expression et éprouve un besoin constant d’expérimenter. Il se lance toujours dans l’exploration d’un moyen d’expression qu’il n’a jamais utilisé auparavant: Le crayon gris, le crayon de couleurs, le fusain, la peinture acrylique, la peinture à l’huile.. Il s’intéresse aussi à toutes les technologies qui permettent de créer des images, comme l’imprimerie, la gravure, la photographie, le télécopieur, l’ordinateur, l’ipad.. Il ne s’arrête jamais d’apprendre et de s’adapter à de nouvelles techniques..


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PRATIQUE ET ŒUVRES

SES TITRES

Les titres que David hockney utilise s’ajoutent en complément de l’œuvre: Ils décrivent ce que l’on voit. Ils désignent en effet ce qui est représenté : le nom d’un lieu (route de Malibu, place de Fursemberg, Pearlblossom highway..), le nom des personnes (Mr et Mrs Clark et Percy, maman..) ou le nom d’objets (le bureau, chaise, jardin du Luxembourg...). Ses titres apportent en fait une précision à l’œuvre et permettent de resituer le contexte.

SES THÈMES

Les sujets des premières œuvres d’Hockney réalisées au début des années 60, sont les rencontres amoureuses. A travers ses peintures, il va en effet parler ouvertement de son homosexualité.

1. DOMESTIC SCENE, LOS ANGELES 1963 2. PORTRAIT OF MOTHER III, 1985 3. WOLDGATE WOODS, 2006 4. THE ARRIVAL OF SPRING IN WOLDGATE EAST YORKSHIRE, 2011

En outre, sa production de nombreux portraits témoigne de sa fascination pour l’individu. Chaque personne est singiulière, unique et intéressante à représenter. Il a presque exclusivement représenté les gens qui lui sont proches (sa famille, ses amis, ses amants...). Il montre par là les liens étroits qu’il entretient avec les personnes représentées. Le paysage est un thème récurrent tout au long de l’œuvre d’Hockney. Il est en effet toujours inspiré par le lieu où il se trouve. Ainsi, les paysages de la Californie, les grands espaces Américains et les paysages du

Yorkshire seront très souvent représentés. Depuis les années 1980, on remarque une absence de personnages dans ses tableaux. Cela témoigne de sa volonté que le spectateur devienne lui meme le personnage et s’immerge dans ses paysages. L’ensemble de son œuvre montre sa préoccupation pour la représentation de l’espace. En effet, il ne veut pas se limiter à un seul cadrage, et montrer un seul point de vue. Il cherche à abolir les bordures qui définissent l’espace en déconstruisant l’espace et en combinant plunieurs points de vues. Ses réalisations pour l’opéra l’ont amené à réfléchir aux problèmes de la représentation de l’espace car c’est là qu’il a pu se jouer de la perspective classique en créant des illusions dans l’espace. Selon lui, la photographie laisse trop de choses de coté. Elle demande de faire des choix. C’est pour cela, qu’avec ses photocollages, il ne se limite plus à un seul cadrage, il présente plusieurs points de vue simultanément à l’intérieur d’une même image et insère la notion de temps. Il cherche des manières de représenter l’espace sur une surface plane sans l’applatir pour autant. C’est pourquoi il a choisit de peindre le Grand Canyon. Avec ce sujet, il a voulu retranscrire l’immense sensation d’espace que l’on ressent lorsqu’on se trouve en face de ces paysages. Lorsqu’il peint des paysages, il s’intéresse davantage à la façon dont nous regardons le paysage, à la perception de l’espace qu’au paysage en lui même.


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PRATIQUE ET ŒUVRES

SES ÉCRITS

David Hockney a écrit plusieurs livres. Dans Ma façon de voir, écrit en 1993, il raconte 20 années de création, des années 1970 aux année 1990, et nous présente ses reflexions sur la perspective, sur les jeux avec les couleurs vives, sur la reproduction et la représentation.. Il a écrit Dialogue avec Picasso en 1999, c’est le catalogue d’une exposition présentée au Musée Picasso à Paris. Ce sont ses réfléxions par rapport au cubisme. En 2001 il écrit un essai : SAVOIRS SECRETS, les techniques perdues des Maîtres anciens. Il affirme que les peintres de la Renaissance avaient recours à des appareils d’optique comme des lentilles ou des miroirs pour obtenir des tableaux réalistes. Les images étaient projetées sur leurs toiles, ensuite les peintres pouvaient dessiner, puis peindre par-dessus.

1. PAINT TROLLEY, 1985 2. L’ENFANT ET LES SORTILEGES, 1981 3. VAN GOGH CHAIR, 1988 4. PROMENADE AUTOUR DU PATIO DE L’HOTEL, 1985

De nombreux livres ont été édité sur lui, parmis eux : Conversations avec David Hockney résulte d’une dizaine d’années de conversations entre l’artiste et le critique d’art Martin Gayford. Cet ouvrage explore la nature même de la création avec les réflexions, les anecdotes et les passions de l’artiste. Il a également fait l’objet de documentaires: A bigger splash réalisé en 1974 par Jack Hazan, est un film sur David Hockney, où lui et ses amis jouent leur propre rôle. C’est un mélange de fiction et de documentaire qui nous entraine dans l’univers de l’artiste. Il montre les liens entre sa vie et son travail. David hockney en perspective, réalisé par Monique Lajournade et Pierre Saint Jean est un documentaire tourné en 1998 à Los Angeles. Il nous permet de suivre le pro-

cesus de sa création, sa démarche. Il nous parle de ses décors d’opéras, nous fait partager ses réflexions sur la perception de l’espace et sur le rapport entre peinture et photographie. On assiste aussi à la création de deux de ses peintures sur le grand canyon : A bigger grand canyon et A closer grand canyon, qu’il considère comme l’aboutissement de ses recherches sur le rapport à l’espace.

SES INFLUENCES

Déçu par la représentation de l’espace à partir d’un point unique, Hockney va beaucoup s’interesser à Picasso mais dans un premier temps, il ne sait pas comment aborder son œuvre, et trouver sa propre voie. Toute son œuvre va s’inspirer de Picasso. Il réinterprète donc le cubisme à sa manière, dans certaines de ses peintures puis à travers ses photocollages. Il développe en effet l’idée de traiter l’espace en multipliant les points de vues. Il est intéressé par le mouvement que Picasso insère dans ses tableaux en présentant à la fois l’avant et l’arrière d’une figure. À sa manière, il va lui aussi montrer le déplacement dans l’espace. Il va également utiliser la perspective inversée parce que cette représentation signifie un déplacement. Par exemple, si on voit les 2 cotés d’une chaise ou d’un bureau, cela veut dire qu’on en a fait le tour. Dans sa scénographie pour l’enfant et les sortilèges, il s’est insipiré de Matisse pour l’utilisation des couleurs vives, le bleu, le rouge intense, le vert Il s’inspire aussi de Van Gogh. Il a en effet peint sa propre version de la chaise de Van Gogh. Aussi, pour Promenade autour du patio de l’hotel, il lui empreinte sa touche.


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PRATIQUE ET ŒUVRES

SON RAPPORT AU RÉEL

1. GEORGE LAWSON AND WAYNE SLEEP, 1972-1975 2. CHRISTOPHER ISHERWOOD AND DON BACHARDY, 1968 3. INVENTED MAN REVEALING STILL LIFE, 1975 4. SELF-PORTRAIT WITH BLUE GUITAR, 1977

Dans les années 1970, Hockney essaie de se libérer du naturalisme. Lorsqu’il peint George Lawson et Wayne Sleep, il commence à se lasser de cette représentation qui vise à dépeindre la réalité telle qu’on la voit. Pour trouver une solution aux problèmes que lui pose le naturalisme, il introduit dans ses peintures, des détails hyperréalistes avec des figures plus shématiques dans un espace qui n’est pas défini, qui n’est pas bordé par des murs. Pour Invented Man Revealing Still Life, par exemple, il peint un personnage schématique dans un intérieur avec des détails réalistes comme les feuilles de la plante, les drapés des rideaux ou le reflet du pot de fleur sur la table. C’est la première fois qu’il peint sans recouvrir toute la toile. Cette toile l’amène donc à réfléchir sur la manière dont on peut traiter l’espace pictural en s’écartant des règles de la perspective classique. C’est à ce moment là qu’il se libère du naturalisme. Il est ensuite amené à réfléchir aux limites de la photographie. Selon lui, la photographie ne peut pas restituer completement la réalité, car elle est limitée à un point de vue. Au contraire, il pense que le cubisme atteint davantage cet objectif. Par exemple, il

pense que Picasso, en présentant plusieurs cotés d’une figure, arrive à un résultat plus vivant et plus réel. Avec ses photocollages, qui est un procédé empreint au cubisme, il a donc cette volonté de se rapprocher du réel. En peignant de très grands paysages il a également une volonté de restituer sur une toile l’immensité de la nature. Le spectateur est immergée à l’intérieur. Ainsi, Hockney se rapproche de la réalité.

RÉACTIONS DU PUBLIC

David Hockney a très vite été reconnu par le milieu artistique Londonnien. Ses dernières années, sa célébrité n’a cessé de progresser. Aujourd’hui, il est même considéré comme étant l’un des plus grands artistes contemporains. The times l’a récemment désigné comme étant «le plus grand peintre britanique vivant». Il est très populaire auprès des anglais et il a très vite été adopté par les américains lorsqu’il s’est installé en Californie. Récemment, la reine d’Angleterre l’a choisi pour faire partie des membres de l’ordre du mérite britanique. C’est une distinction prestigieuse qui ne compte que 24 titulaires.


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ANALYSE D’ŒUVRE THE SCRABBLE GAME, 1983

THE SCRABBLE GAME, PHOTO COLLAGE, 99,1 x 147,3cm, 1983, DAVID HOCKNEY



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ANALYSE D’ŒUVRE THE SCRABBLE GAME, 1983

The Scrabble Game est un photo collage de 99,1x147,3 cm réalisé en 1983 par David Hockney. Cette œuvre relate une partie de scrabble entre l’artiste, deux de ses amis (le couple David Graves et Ann Upton) et sa mère, venue lui rendre visite en Californie pour Noël. Celle-ci aimait bien jouer à ce jeu et il a décidé d’en faire un photocollage. Lui aussi a participé, en étant d’avantage concentré sur son photocollage que sur la partie, sa main en bas en témoigne. Il pensait que le Scrabble était un bon sujet parce que c’est un jeu qui s’apparente au procédé du photocollage, à savoir assembler des lettres pour former un mot. Cette œuvre montre une scène qui se passe à l’intérieur, et qui est focalisé sur les personnes autour d’une table et du plateau de scrabble. Seule une photo d’une fenêtre en arrière plan nous détache de cette scène et ramène un espace extérieur.

1. GRACE REVUE ET CORRIGÉE, 1978, JEAN-PAUL GOUDE 2. MOUNIA EN SAINT LAURENT, 1985, JEAN-PAUL GOUDE 3. MES VŒUX, 1989, ANNETTE MESSAGER 4. DAVID, CELIA, STEPHAN AND IAN, 1982, DAVID HOCKNEY 5. MARIE-THERESE WALTER, 1937, PABLO PICASSO

David Hockney a donc pris plusieurs photographies de la scène et les a ensuite toutes assemblées. Chaque photographie est un plan rapproché sur une personne ou un objet. Ainsi, l’œuvre est constituée d’une multitude de fragments qui forment un tout. Tous les détails ont leur importance. Par l’accumulation de fragments, The Scrabble Game peut faire penser à Mes Voeux de Annette Messager, où elle assemble une multitude de photographies détaillées sur des parties du corps ensemble. A cette époque, soucieux de se défaire d’une vision trop naturaliste, il cherche un moyen de rompre avec la perspective classique. Il

se pose aussi des questions sur les limites de la photographie, qui selon lui ne peut saisir qu’une fraction de seconde et ne peut présenter qu’un seul point de vue. Dans cette œuvre, Hockney déconstruit donc l’espace en assemblant les images librement. Les photos se chevauchent en créant des répétitions et des ruptures. Ce coté destructuré peut faire penser à Jean Paul Goude qui retravaille ses photographies en découpant des morceaux et en les recollant afin de re-sculpter les corps dans le but de les embellir. Comme pour le travail de JeanPaul Goude, l’ensemble ne forme pas un rectangle, mais les bords sont irréguliers. Ce qui donne à The Scrabble Game une continuité. On peut facilement imaginer son prolongement. Ainsi, l’œuvre parait plus grande, le spectateur est comme immergé à l’intérieur de l’espace représenté. L’artiste implique le spectateur qui se met en fait à sa place durant le jeu. le spectateur partage les lettres avec l’artiste, ainsi, il est projeté dans la scène. The Scrabble Game est, par son procédé, empreint au cubisme. En effet, la représentation de l’espace est déconstruite, la perspective se démultiplie en plusieurs points de vues, les personnages et les objets sont vues sous différentes facettes. Dans une peinture composée de quatres portraits, David, Célia, Stephan et Ian, réalisé en 1982, Hockney montrait déjà les corps et les visages sous divers angles, à la manière de Picasso. Dans un portrait de Marie Thérèse Walter par Picasso, par exemple, on peut voir le visage à la fois de face et de profil.


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ANALYSE D’ŒUVRE THE SCRABBLE GAME, 1983

1. GREGORY WALKING, 1983, DAVID HOCKNEY 2. CHRONOPHOTOGRAPHIE, VERS 1973, ETIENNE-JULES MAREY 3. CHRONOPHOTOGRAPHIE, VERS 1980, ETIENNE-JULES MAREY 4. NU DESCENDANT UN ESCALIER, 1912, MARCEL DUCHAMP

Avec The Scrabble Game, il nous montre ce que l’on aurait pas vu dans une seule photographie. il multiplie en effet les points de vues et augmente le temps à l’intérieur de la scène. En effet, l’artiste ne représente pas seulement une simple partie de scrabble, mais une partie de scrabble en train de se jouer. Les différentes photos restituent la scène dans sa durée. On observe d’ailleurs les changements de couleurs et de lumières entre chaque photos. Il décompose pour ainsi dire le mouvement des personnes et des objets. On observe par exemple les visages changer, la gestuelle des mains, le cendrier bouger de place et se remplir, le plateau de scrabble tourner. Seul le chat semble être resté passif. Cette œuvre rend compte du temps qui passe et de l’évolution du corps dans l’espace. Ainsi, Hockney introdruit une narration dans son œuvre, il raconte une histoire. L’œuvre suggère un temps long, une partie de scrabble étant plutôt lente. Hockney a donc pu pendant tout ce temps emmagasiner tous les regards et expressions. Ainsi, il rend les personnes très vivantes. Il s’intéresse aux attitudes des personnes dans le jeu. On voit David Graves, Ann Upton et la mère de David Hockney avec de multiples expressions. Leurs visages couvrent toute la gamme des émotions : Chacun d’eux passe du rire à la réflexion, de l’agacement à la joie de gagner. Certains mots lisibles sur le jeu se rapportent aussi à ces différentes émotions comme sobs (sanglot), vex (vexer) et scowls (renfrogné). La manière dont il rend compte du mouvement peut faire penser aux chronophotographies de Etienne-Jules Marey. Pour les besoins de la science, Marey invente ce

procédé pour décomposer le mouvement d’oiseaux en vol ou de personnes en train de courir. Comme le photocollage d’Hockney, tous les mouvements décomposés se retrouvent à l’intérieur d’une seule image. Pour un autre de ses photo collages, Gregory walking, Hockney montre aussi le mouvement avec la décomposition de la marche à la manière des chronohotographies. Par rapport au mouvement, the scrabble game peut aussi se rapprocher du futurisme et peut faire penser notamment au Nu descendant l’escalier de Duchamp, où le mouvement du corps dans la descente d’un escalier est décomposé. Comme nombre de ses portraits, cette œuvre apparait comme une autobiographie. l’artiste nous plonge dans son univers, avec sa famille. Il nous fait partager une scène quotidienne. Les personnes qu’il représente étant exclusivement ses proches, son art rend compte de ses rencontres. Sa mère a effectivement fait l’objet de beaucoup de portraits. De la même façon, on retrouve souvent David Graves et Ann Upton. Dans The scrabble Game, Hockney témoigne aussi bien de son intéret pour la représentation de l’espace que de son intéret pour la représentation des personnes. Ainsi, cette œuvre est comme une synthèse de ses aspirations. En effet, avec ce photo collage, il a pu s’affranchir de l’espace conventionel de représentation en déconstruisant l’espace. Il a pu insérer du mouvement dans une image en deux dimensions. Aussi, il intègre le spectateur grâce à une grande image et a des bordures indéfinies. Enfin, il montre son intérêt pour les attitudes des personnes.


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RÉFLEXION OÙ EN EST LE PORTRAIT CONTEMPORAIN?

1. PORTRAIT DU FAYOUM, DU Ier AU IVème SIÈCLE AP. J.-C 2. PORTRAIT DU FAYOUM, DU Ier AU IVème SIÈCLE AP. J.-C 3. DERRIÈRE LA GARE

SAINT-LAZARE, 1932, HENRI CARTIER-BRESSON

4. BRIE, 1968, HENRI

CARTIER-BRESSON

Le portrait est la représentation d’une personne, réelle ou fictive. C’est un genre qui existe depuis très longtemps dans l’histoire de l’art et qui témoigne de l’intéret pour l’humain. La représentation humaine étant ancrée dans la culture occidentale, le portrait a traversé les époques et les mouvements artistiques sans jamais disparaître. On a longtemps pensé que le portrait devait être une représentation fidèle et ressemblante. Il a aussi une volonté de perpetuer le souvenir d’une personne. Les portraits les plus anciens connus à ce jour, à savoir les portraits du Fayoum qui datent du Ier au IVème siècle après Jésus Christ, en témoignent. Posés sur les sarcophages, ces portraits étaient une façon d’identifier les morts et d’entretenir le culte des ancêtres. Au moyen-âge, le portrait disparaît au profit des représentations religieuses. Pendant la Renaissance le portrait se libère du sacré et l’homme redevient central. Le portrait de cour se développe et il est davantage flatteur que fidèle. Par la suite, le portrait romantique ne montre plus seulement l’apparence physique mais il dégage aussi les sentiments et la personnalité du modèle. Alors où en est le portrait contemporain? Est ce que les problèmes que posent les peintres anciens à travers leurs portraits sont toujours d’actualités? Y a t il de nouvelles préoccupations, de nouvelles attitudes? Le portrait parvient-il encore à se renouveler? Nous tenterons de répondre à cette problématique grâce à l’exemple de plusieurs artistes.

DE NOUVEAUX MÉDIUMS Si pendant très longtemps, la peinture était quasiment le seul médium artistique utilisé, l’art contemporain se caractérise par l’éclatement des médiums. Actuellement, la représentation par le portrait est donc constituée de divers moyens et techniques. Par exemple, l’apparition de la photographie va bourlverser l’art du portrait. Dès ses débuts, la photographie va en effet explorer le genre du portrait. Pourtant, pendant très longtemps, on accusait ce médium d’être incapable d’aller au-delà d’une simple reproduction du réel. Les artistes qui pratiquent le portrait photographique vont alors contredire cette polémique en exploitant toutes les qualités expressives de ce médium. Parmis ces artistes, Henri Cartier-Bresson, considéré comme l’un des plus grands photographes du XXème siècle le démontre bien. Après des études de peinture, il se consacre à la photo dans les années 30. Durant toute sa carrière, Henri CartierBresson a réalisé de nombreux portraits. D’inconnus comme de célébrités. Le temps d’une rencontre et à travers une attitude furtive, il sait capter une personnalité. C’est en cela que ses photographies vont au delà de simples reproductions de la réalité. Il va utiliser un appareil Leica, rapide, léger et maniable qui va lui permettre de prendre des photos partout et dans l’instantanéité. L’une des particularités de son travail réside donc dans l’instant décisif : «De tous les moyens d’expressions, la photographie est le seul qui fixe un instant précis».


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RÉFLEXION OÙ EN EST LE PORTRAIT CONTEMPORAIN?

ALBERTO GIACOMETTI, 1961, HENRI CARTIERBRESSON

C’est à dire qu’il n’est pas seulement rapide, il est aussi à la recherche de cet instant parfait, où la réalité devient significative, tant par sa composition que par le comportement de ses sujets. La géométrie que contient ses photos fait aussi toute la singularité de son travail. Henri Cartier-Bresson cherche en effet la géométrie dans le réel, il veut composer ses photos en créant du rythme. Dans un de ses portraits de Giacometti, réalisé en 1961, où l’on voit ce dernier traverser la rue sous la pluie, courbé, et recouvert par son manteau, la géométrie est très présente: lignes verticales, horizontales, diagonales forment une composition équilibrée. Dans ce portrait et c’est le cas pour l’ensemble de ses photographies, il refuse de créer une mise en scène, il n’intervient pas. Il ne photographie pas seulement son sujet, mais son sujet dans un décor. Ici, Giacometti est inséré dans une composition. C’est ce sens de la géométrie qui fait la différence entre un portrait de HCB et celui d’un autre photographe. L’atmosphère qui se dégage du paysage se rapporte par ailleurs au tempérament du modèle: il parait en effet mélancolique. Henri Cartier-Bresson montre ainsi les sentiments de son modèle. Ainsi, avec sa propre démarche, il revisite la tradition du portrait. Ses préoccupations pour la géométrie, son intéret pour la personnalité des autres, et tout cela capté dans l’instant décisif, font toute la singularité de sa démarche. Ainsi, la pratique du portrait dans l’art

contemporain se caractérise par une diversité des techniques et des démarches. Chaque artiste apporte son style, son empreinte personnelle afin de créer sa propre vision du portrait. L’artiste cherche désormais à se démarquer par une démarche originale.

UN PORTRAIT HUMAIN Depuis toujours, le portrait s’attache à montrer l’importance de la personne qui est représentée. Encore aujourd’hui, dans l’art contemporain, des artistes s’atèlent à le démontrer. Martin Schoeller est un photographe Allemand né en 1968 et reconnu aux Etats-Unis. C’est un artiste spécialiste du portrait, à ce point qu’il est surnommé «l’homme aux visages» Pour Martin Schoeller, chaque personne compte. Il s’est toujours intéressé aux gens et aux relations interpersonnelles. Avant de devenir photographe, il a en effet aussi voulu faire des études de psychologie, et c’est de là que lui est venu sa fascination pour les visages. Lorsqu’il fait un portrait, il est sensible à la personne qu’il a en face de lui. Dans sa série close-up, il photographie des célébrités comme des inconnus. Tous ses portraits sont traités de la même manière, avec une approche frontale et directe, en gros plan, sur fond blanc. Ainsi, ses portraits révèlent les détails très précis du visage comme les pores, les poils ou les tâches.



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RÉFLEXION OÙ EN EST LE PORTRAIT CONTEMPORAIN?

1. CLOSE-UP, EMMA WATSON, 2010 MARTIN SCHOELLER 2. CLOSE-UP, CLINT EASTWOOD, 2009, MARTIN SCHOELLER 3. CLOSE-UP, ZINEDINE ZIDANE, 2006, MARTIN SCHOELLER 4. LOUIS XIV EN COSTUME DE SACRE, 1701, HYACINTHE RIGAUD

Ses portraits se limitent à une fraction de seconde, à un instant furtif dans l’expression du visage, que l’on peut capter juste après un rire par exemple, en tout cas avant que le visage n’exprime ce que le modèle a dans la tête. C’est dans ces moments là que le visage exprime une franchise. Afin d’être au plus près du modèle, ces derniers ne sourient pas et ne prennent pas la pose. Le modèle doit avoir l’air d’être lui-même. En effet, Martin Schoeller ne laisse pas l’envie de son modèle d’avoir l’air beau prendre le pas sur son travail. Son travail est aussi caractérisé par l’absance de retouche (tous les défauts sont visibles). L’apparence n’est donc pas sublimée. Il souhaite rester fidèle à sa nature. Ainsi, ses portraits sont des études de modèle, qui réflètent leur vie intérieur. On perçoit dans ces portraits la sensiblité du modèle: Les stars ne peuvent pas se cacher derrière un masque. A travers les émotions que dégagent ses portraits, Martin Schoeller sait au contraire capter la vraie personnalité du modèle. Grâce au gros plan, il installe une proximité entre le spectateur et le modèle. On a l’impression d’être nez à nez avec le modèle, et d’analyser chaque trait de son visage. C’est pourquoi Schoeller met à mal le culte des stars: elles ne sont plus vu sous leur meilleur jour, avec

maquillage, sourire.. elles nous paraissent naturelles et sincères. Ce qui est très fort dans son travail, c’est l’humanité qui se dégage de ces visages. À travers les portraits de Martin Schoeller, les célébrités nous paraissent simples, accessibles et simplement humaines. Martin Scholler démontre que le portrait peut représenter le vrai visage de la personnalité de quelqu’un. Sa démarche de vouloir montrer les sentiments par le portrait n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’art mais ce qui est particulier, c’est qu’il rend les célébrités plus humaines. On peut en effet penser que sa démarche apporte un renouveau au portrait en ce sens qu’il ne donne pas un aspect flatteur de la star. Depuis toujours, l’image des célébrités est idéalisé. Ils sont toujours montrés sous leur meilleur jour. Le portrait du roi Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, réalisé en 1701 le démontre. Ce portrait qui n’a rien de naturel montre la puissance et la majesté du roi avec des symboles. On peut dire que ces portraits de cour sont les héritiers des images de stars actuellement. Et justement, Martin Schoeller avec ses portraits, rompt avec ces représentations sublimées en faisant descendre les stars de leur pied d’estale et en leur rendant leur humanité.


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LA DÉSHUMANISATION

1. GIRL WITH FLOWER SHIRT, 1987, THOMAS RUFF 2. PORTRAIT (ANDREA KNOBLOCH), 1990, THOMAS RUFF, 3. PORTRAIT BRAILLE N°1, 1985, PATRICK TOSANI 4. PORTRAIT BRAILLE N°5, 1985, PATRICK TOSANI

Si l’aspect moral du modèle est important pour certains artistes, d’autres rejettent la psychologie dans leurs portraits. Thomas Ruff, photographe allemand né en 1958 s’appuie justement sur cette idée qu’un portrait ne peut pas montrer la vie intérieure d’un sujet. Il a étudié la photographie à l’académie de Düsseldorf et c’est dans les années 80 qu’il commence à faire une série de portraits. Il part du principe qu’une photo ne peut rien révéler de la personnalité et qu’elle ne fait que reproduire la surface des choses sans jamais pouvoir en saisir le contenu. C’est pourquoi il traite ses portraits de manière neutre. Dans le portrait d’Andréa Knobloch réalisé en 1990 par exemple, le visage est vu de près, en cadrage resséré et sans fond, à la manière des portraits d’identités. Le regard est fixe, le point de vue frontal, la composition symétrique et centrale. Il obtient ainsi un portrait sobre et très froid. Le visage est inéxpressif et il parait dénué de toute émotion. Il travaille de la même manière pour tous les portraits de cette série: en effet, les visages sont tous sans émotions, le format est le même et l’éclairage est similaire d’un portrait à un autre. Ses séances de pose durent seulement 5 minutes. La personne prend place devant l’appareil, Thomas Ruff effectuent les réglages et ça commence. Les gens re-

gardent toujours droit dans l’appareil, avec beaucoup d’assurance. Cette accumulation de portraits provoque alors la disparition de l’individudualité d’une personne, c’est à dire une perte de l’identité. Thomas Ruff dit que ses photos ont peu à voir avec les personnes photographiées et qu’il est très difficile d’interpreter ses portraits. Par exemple, il n’est pas possible de dire quel age ou quel est la proffession de ses modèles car ses portrait ne livrent pas tout ça. Il refuse en fait de donner des intérprétations de la personnalité et il ne garde que l’apparence de la personne. Les portraits-braille que réalise Patrick Tosani, traitent aussi de la disparition de l’identité. Cet artiste est né en 1954 en France et il a étudié l’architecture. En 1976, il se consacre à la photographie. Ses portraits-braille sont des portraits photographiques flous qui sont projetés sur des pages d’écriture en braille. Il associe deux sens, à savoir le toucher (avec l’écriture braille des aveugles) et la vue (avec la représentation d’un visage), et il joue sur l’annulation de ces deux sens. L’écriture braille n’est plus en relief, ce n’est qu’une image. Ainsi, elle est illisible. Et le portrait est flou donc on ne peut pas identifier quelqu’un. L’aveugle ne peut pas lire le braille et le voyant, à son tour, devient aveugle devant ce visage qu’il ne peut pas décrypter.


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En photographiant ce qui ne peut pas être vu et en donner à toucher ce qui ne peut pas l’être, Patrick Tosani remet en cause l’image et l’idée même du portrait. En effet, on pense reconnaitre un portrait mais on a aucune possibilité de reconaitre une personne. Comme décrit plus haut avec Thomas Ruff, c’est encore le rejet d’une identité. Ces deux artistes nous montrent donc bien qu’il existe désormais dans l’art contemporain, de nouvelles attidudes par rapport au portrait. Car depuis toujours, l’idée principale du portrait était l’affirmation d’une personnalité. Ici, cette idée est remise en cause car ces portraits montrent une déshumanisation. Ces photographes montrent un désintérêt pour l’humain en rejettant l’identité d’une personne. Ne rien dévoiler d’une personne et ne montrer que sa façade apporte un renouveau.

LE CORPS DÉMATÉRIALISÉ

PREMIER PORTRAITROBOT D’YVES KLEIN, 1960, ARMAN

Depuis l’art moderne, le portrait se libère de la ressemblance visuelle, avec des artistes comme Matisse et Picasso. Ces artistes marquent déjà une avancée dans le portrait en montrant que la ressemblance à un visage n’est plus primordiale. Mais certains artistes vont plus loin en montrant que le physique n’est plus la seule chose qui compte pour faire un portrait. Arman est un artiste français né en 1928. Son père possède un magasin de meubles. C’est donc dans cet univers qu’Arman passe son enfance parmis des meubles et des objets de brocante, et qu’il lui vient le goût de collectionner. Il utilise l’objet comme

nouveau matériau pour faire de l’art. Sa démarche artistique consiste donc à détourner les objets de leur fonction première en les élevant au rang d’art. Dans les années 60, il commence à réaliser ses portraits-robots, qui sont constituées par des objets personnels de personnes qu’Arman connaissait bien. Il a pratiquement toujours réalisé les portraits de ses proches, à quelques exception pret, lorsqu’il réalisa les portraits de compositeur comme Wagner ou de peintres comme Van Gogh. Dans ce cas, il étudia dans le détail ces personnes. Pour tous les portraits-robots de ses proches, Arman voulait choisir lui-même les objets dont il pensait qu’ils pouvaient le mieux exprimer l’individu et il aimait les choisir dans le lieu de vie de la personne. Il choisissait les objets qu’il ressentait le plus proche de la personnalité, à savoir des effets personnels que son modèle utilisait quotidiennement. Car pour Arman, la personne peut autant être représenté par son corps que par ses objets d’élection. Les objets rendent la représentation d’une personne encore plus lisible puisqu’ils donnent accès à une personnalité. Les objets racontent en effet une vie, des goûts, des loisirs, une profession. Ils donnent un accès inattendu à la vie du modèle. Parmis ses portraits-robot, il a réalisé celui de son ami Yves Klein, où il y rassemble un morceau de papier de la couleur bleu klein, des vêtements, un morceau de la bande dessinée tintin. Autant d’objets qui symbolisent l’artiste et qui nous propulsent dans son intimité et ses goûts.



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Arman aborde le portrait avec sa démarche personnelle. En effet, pour faire un portrait, il ne donne plus à voir le visage de son modèle mais il montre son aspect matériel avec des objets qui symbolisent une personnalité. Désormais, on peut reconnaitre la personne non plus par son physique mais par des objets qui le caractérise. Ainsi, c’est une démarche originale qui se détourne du portrait traditionnel.

UN PORTRAIT ÉTRANGE

1. ENFANT À LA GRENADE, 1962, DIANE ARBUS 2. MOTHER HOLDING HER CHILD, 1967, DIANE ARBUS 3. CREMASTER 4, 1994, MATTHEW BARNEY 4. CREMASTER 3, 1997, MATTHEW BARNEY 5. CREMASTER 5, 2002, MATTHEW BARNEY

Si la beauté a souvent été un élément essentiel au portrait, l’art contemporain souligne qu’elle n’est plus primordiale. Certains artistes sont même fascinés par la laideur, à telle point qu’elle est caractéristique de leur travail. Matthew Barney est un artiste américain né à San Francisco en 1967. Il travaille avec le dessin, la photographie, le cinéma, les installations vidéos et la sculpture. Le corps est au centre de son œuvre. Il travaille sur le monstrueux, le bizzare, la métamorphose, l’hybridation et l’androgynie. Dans cremaster, il montre un univers fantastique, avec des êtres étranges issus de son imagination. Il se met en scène métamorphosé, devenu un être hybride grâce à du maquillage et

des accessoires. Diane Arbus, photographe américaine née en 1923, traite aussi du bizzare. Elle s’est inscrite à la New School, au cours de Lisette Model, photographe réputée pour ses portraits de pauvres, de vieillards ou de cette grosse femme, en mail­lot de bain sur la plage. Sa professeur la pousse à s’approcher au plus près de l’étrange, du tabou et de l’interdit. Elle travaille alors à New York et photographie des inconnus dans la rue, des traverstis, des transsexuels, des handicapés mentaux, des jumeaux, des nains. Elle dresse des portraits troublants et bizzares. Cependant, elle s’attache à montrer que ces personnages atypiques sont avant tout des être réels. Elle enlève en effet la distance avec ses modèles et tisse des liens avec eux. Ainsi, elle montre dans ses portrait que l’étrange peut se trouver partout. Par exemple, dans L’enfant à la grenade réalisé en 1962, il y a quelque chose de monstrueux qui se dégage de ce portrait. En effet, ce qu’elle renvoie de l’enfance n’est pas idéalisé. Il y a au contraire de la folie dans cet enfant qui contraste avec la sérénité du parc. L’idéalisation est donc loin de ces portraits contemporains. La beauté est remise en question. L’artiste fait désormais ce qu’il veut de la représention du corps.


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REJOUER LE TABLEAU

BERNARDO II, 2006, PIERRE GONNORD

L’art contemporain semble se renouveler constamment selon la démarche singulière de chaque artiste. Cependant, certains jouent sur une réappropriation des codes de la peinture. Pierre Gonnord est un photographe et un portraitiste français né en 1963. Il photographie les marginaux. Ses modèles sont souvent des gitans, des voyoux, des immigrés. Tous ses portraits sont photographiés de la même manière : Fond noir, plan serré, corps de profil, visage de troisquart tourné vers l’objectif. Les modèles paraissent serein. En éclairant au maximum la peau, il montre aussi tous les détails du visage. Il montre par là le corps tel qu’il est en rejetant lui aussi une idéalisation. Par ailleurs, le regard est saisissant dans son travail. On a l’impression d’être plongé dans l’intimité de l’autre. De grandes tailles et composés de détails impressionnants, ses photographies obligent donc le spectateur à une confrontation directe avec le modèle, à une rencontre avec ceux auxquels nous n’aurions peut-être jamais eu accès. Le traitement de ses photographies n’est pas sans rappeller la peinture religieuse du XVIIème siècle. Ses photographies peuvent faire penser aux peintures du Caravage. Avec son traitement des couleurs, ses fonds noirs et ses clairs-obscurs, il fait en effet de ses modèles des personnages bibliques. En s’inspirant de cette peinture, Gonnord ennoblit ses personnages. Ainsi, il créé un

décalage, il bouscule les codes et la hiérarchie dans la société en remplaçant le noble par le pauvre. Bien que le portrait contemporain semble s’être écarté de la tradition du portrait ancien, on peut constater que certains artistes puisent encore leur inspiration dedans. Ainsi, Pierre Gonnord revisite la tradition du portrait en apportant un décalage.

CONCLUSION

Le portrait étant un des sujets les plus conventionnels de l’art, on aurait pu penser que les artistes cesseraient de s’y intéresser. Au contraire, ce genre n’a pas perdu de son importance dans l’art contemporain. Le portrait contemporain n’a plus uniquement pour volonté de représenter fidèlement le réel. Il est en fait à l’image de l’art actuel parce que les artistes proposent sans cesse de nouvelles esthétique, de nouvelles expérimentations et de nouveaux concepts. Les artistes ne cessent de s’interroger sur la représentation du corps à travers leurs portraits. Si le portrait ancien s’inscrivait dans une représentation bien établit, celle de la demande religieuse, de l’imitation et d’un code académique, le portrait contemporain s’écarte de ces normes en multipliant les représentations, toujours plus inattendues. Mais n’est ce pas là toute la volonté de l’art contemporain, celle de vouloir toujours surprendre par des pratiques toujours plus singulières?



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SOURCES

· Ma façon de voir de David Hockney, Thames & Hudson · Conversations avec David Hockney de Martin Gayford, Seuil · David hockney en perspective, de Monique Lajournade et Pierre Saint Jean · David Hockney : portraits de famille de Marco Livingstone et Kay Heymer, Thames & Hudson · Le portrait dans l’art contemporain, Éditions Patou · David hockney en perspective, de Monique Lajournade et Pierre Saint Jean · www.hockneypictures.com · www.wikipedia.com



BTS COMMUNICATION VISUELLE ARTS VISUELS APPLIQUÉS MÉMOIRE 2013 LAURA VILLEDIEU

Self-Portrait – 1983 David Hockney Fusain sur papier – 76,2 x 57,2 cm Collection David Hockney


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