Mémoire de master

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Image en couverture : BREVET Nathalie, ROCHETTE Hughes, 748708 1 409319 2, Cherbourg-Octeville, 2013, Photo : AurĂŠlien Mole 2


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg – Janvier 2017 Laure Solvet

ARCHITECTURE D’URGENCE : UNE PROFESSION EN CONSTRUCTION Exploration d’une pratique de l’architecture.

Mémoire de Master Densité, urbanité, intimité : Les défis du « vivre-ensemble » Sous la direction de Valérie Lebois 3


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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de mémoire, Valérie Lebois, qui a su m’encourager, me soutenir et me conseiller tout au long de ces dix-huit derniers mois. Sa patience et son aide ont été essentiels dans la mise en œuvre de ce mémoire. Je souhaite également remercier les personnes à l’origine de l’organisation du workshop « L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo ». Ces deux jours ont permis de m’éclairer sur l’architecture d’urgence et de trouver de nouvelles pistes de réflexion. Ils ont également été l’occasion de rencontrer des acteurs passionnés et passionnants. Je remercie enfin toutes les personnes qui m’ont aidé dans la phase d’écriture. Leur aide et le temps qu’ils m’ont accordé ont été précieux.

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ................................................................................... 5 INTRODUCTION ..................................................................................... 9 I.

DE LA PHILANTHROPIE DE L’ARCHITECTE D’URGENCE ....... 15 A. B. C.

Une pluralite des méthodes de travail ................................. 20 Une profession pluridisciplinaire .......................................... 42 Une nouvelle image de l’architecte ...................................... 58

II. DE L’IMPORTANCE DE LA MEDIATISATION............................. 65 A.

La diffusion comme quête de séduction d’un nouveau public .. ................................................................................................. 69 B. La communication comme fabrique d’une image spécifique ................................................................................. 80 C. La médiatisation comme partage des savoirs ....................... 90 III. A. B. C.

DE LA CONSTITUTION DE PRINCIPES COMMUNS ……… 103 Vers l'émergence de fondements ...................................... 105 Vers une professionnalisation de la profession ................. 123 Vers une plus grande reconnaissance ................................ 132

CONCLUSION ..................................................................................... 141 ANNEXES ............................................................................................. 147 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. 175 TABLES DES ILLUSTRATIONS ............................................................ 181 TABLE DES MATIERES ........................................................................ 183

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INTRODUCTION Bénin, 2009. Des inondations frappent le pays. La compagnie aérienne Air France propose, aux jeunes de dix-sept-dix-huit ans, des séjours humanitaires pour venir en aide aux populations qui vivent en bordure du lac Ahémé, à l’ouest du pays. Je décide d’y prendre part, nous nous envolons avec une dizaine de volontaires vers Cotonou. Durant ce séjour, nous aidons les habitants d’un village à reprendre le cours de leur vie suite à ces inondations. Cette catastrophe naturelle a détruit l’intégralité des champs alentours, champs qui constituaient le seul moyen de survie financière de ces habitants. Nous avons donc, en collaboration avec la population et dans un souci d’échange et de partage, planté des palétuviers (arbres ayant pour propriété d’absorber l’eau) dans les champs encore inondés pour permettre une reprise plus rapide des récoltes. Avec les femmes du village, nous avons également fabriqué des nattes destinées à être vendues au marché pour compenser la perte d’argent que représentait l’inexploitation temporaire des champs. Durant ces quelques jours passés aux cotés des habitants, un lien de confiance, de respect et de bienveillance mutuelle fort s’est créé. Les discussions ont peu à peu pris le pas sur l’aide matérielle, chacun tentant de comprendre les modes de vie et la culture des autres, faisant de notre soutien un soutien tant psychologique que matériel. Ce voyage m’a permis de prendre conscience de l’intérêt d’agir pour les populations en détresse. Il a révélé en moi une envie d’agir, de me rendre utile. Volonté qui me semblait tout à fait compatible avec le métier auquel je me destinais alors : architecte. Qu’il soit question de catastrophes naturelles ou de toutes autres formes de catastrophes, la question du logement des populations se pose, donnant aux architectes la possibilité de s’impliquer en aidant les sinistrés à se reconstruire. Le choix de ce sujet de mémoire s’est donc fait suite à cette expérience personnelle qui m’a beaucoup marquée et qui m’a donné envie de comprendre et d’en apprendre plus sur la question de l’architecture d’urgence. Cette expérimentation de l’aide humanitaire m’a amenée à m’interroger sur les différentes formes que peut prendre le métier 9


d’architecte et notamment une pratique moins connue (bien qu’elle soit plus actuelle que jamais avec la question des réfugiés qui se pose actuellement en Europe) et pratiquée par un certain nombre d’architectes. Afin de poursuivre ma réflexion suite à cette expérience, j’ai tout d’abord choisi de centrer le thème de mon mémoire sur la place de l’architecte dans les contextes d’urgence architecturale. La différence majeure entre l’architecture et l’architecture d’urgence est bien évidemment l’urgence de l’intervention. Tandis que les architectes tels qu’ils apparaissent dans l’imaginaire collectif conçoivent des projets pérennes dans un laps de temps de plusieurs mois voire plusieurs années, les architectes de l’urgence doivent concevoir et construire des habitations ou bâtiments publics dans un temps imparti très court, tout en répondant aux mêmes exigences de qualité que leurs confrères. De même, bien que les volontés premières restent identiques entre ces deux pratiques : construire vite, durable, résistant et en adéquation avec le patrimoine local, le site et les besoins des « commanditaires », le reste du processus est quant à lui bien différent. La pratique commune fait suite à une demande et s’organise selon des étapes allant de l’esquisse à la réception, l’architecture d’urgence quant à elle, prend place sans qu’aucune demande ne soit formulée. L’intervention des architectes de l’urgence se fait dans le cadre de l’aide humanitaire, aide mise en place sans que les sinistrés n’aient formulé une quelconque demande. De plus, la réponse à cette « demande » doit être très rapide afin de répondre à l’urgence du contexte. Les étapes du processus de conception ne sont donc plus les mêmes et ne supposent plus les mêmes compétences et connaissances. C’est pourquoi l’architecture d’urgence implique une collaboration entre bon nombre d’acteurs disposant tous de savoirs spécifiques : architectes, urbanistes, géographes, artisans, sinistrés… Ce constat m’a permis de définir qu’au delà de la complexité de la place de l’architecte, la pratique de l’architecture d’urgence elle-même pouvait s’avérer complexe. J’ai donc fait le choix de m’intéresser à la pratique de l’architecture 10


d’urgence elle-même et à ses enjeux actuels. L’ensemble des professionnels réunis sur le terrain d’une catastrophe forme une aide internationale qui agit suite à une catastrophe d’origine naturelle, politique, technologique ou sociale, avec pour but principal d’aider des populations en détresse. L’aide humanitaire est essentiellement soutenue par quatre piliers : les Nations Unies, la Croix Rouge et le Croissant Rouge, les Organisations Non Gouvernementales (ONG)1 et les bailleurs de fonds. Dans ce développement, seront essentiellement étudiés les ONG et leurs acteurs de terrain. Ces organisations sont indépendantes, elles ont leurs propres capacité et volonté d’action. De même, leur organisation interne étant similaire, les ONG représentent des entités qui peuvent être comparées. Elles sont donc un outil d’analyse riche qui pourra servir au mieux les propos de ce mémoire. Il y encore quelques années, la partie architecturale de l’aide humanitaire était gérée par des ONG généralistes et des bailleurs de fonds ne possédant pas les compétences nécessaires pour mener à bien des missions en ce domaine2. La volonté d’une partie du corps architectural d’aider les populations sinistrées à se reconstruire durablement et sereinement a favorisé la création d’ONG ou autres organismes d’architecture d’urgence, la plupart de ces derniers l’étant suite à une catastrophe naturelle et donc en réponse à un besoin3. Ces créations, au delà de représenter l’accroissement de l’intérêt des architectes pour l’humanitaire sont également à l’origine d’une plus grande représentation des architectes de l’urgence sur le terrain. Or, une profession plus représentée est forcément synonyme d’une plus grande capacité d’action. Cependant, cette capacité

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GENOT Xavier, Concepts relatifs à l’abri d’urgence, conférence dans le cadre du workshop « L’abri d’urgence : une architecture minimum ? – Atelier in vivo », ENSAS de Strasbourg, 9 juin 2016 2

NANTOIS Frédéric, L'engagement humanitaire par l’architecture, in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 43 3

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d’action pour être efficace se doit d’être accompagnée d’une reconnaissance de la profession. Reconnaissance qui tend encore aujourd’hui à faire défaut sur le terrain. C’est peut-être là l’explication du renouveau de la médiatisation de cette pratique de la profession qui a accompagné l’augmentation de l’intérêt pour l’architecture d’urgence au sein de la sphère architecturale. En effet, apparaissent depuis quelques années de nouveaux supports de diffusion qui ne se limitent plus simplement à des articles de magasines spécialisés. L’architecture d’urgence semble donc être à un tournant majeur dans son histoire, tournant qui pourrait lui permettre d’être mieux reconnue tant sur le terrain des catastrophes que dans la sphère architecturale ou au sein des non initiés et ainsi d’accroitre l’intérêt qui lui est porté. Cette analyse nous amènera à nous poser la question suivante : Comment la plus grande visibilité de l’architecture d’urgence et le tournant que connaît cette pratique permettent de définir de nouveaux enjeux de la profession ? Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons tout d’abord aux différentes méthodes de travail qu’utilisent les ONG d’architecture d’urgence étudiées. Ceci nous amènera à définir les multiples rôles que doit jouer l’architecte sur le terrain d’une catastrophe. Cette multiplicité des rôles et notamment la qualité d’écoute dont doit faire preuve l’architecte sera alors l’occasion de définir si cette pratique de l’architecture peut permettre de construire une nouvelle image de l’architecte en contrepoint avec celle plus commune. Cette première partie nous amènera à nous intéresser au processus de médiatisation de cette profession. Nous étudierons alors les nouveaux supports qui émergent depuis quelques années et les différents acteurs qui prennent part à cette médiatisation. Cette étude permettra de définir ce que la médiatisation peut apporter à l’architecture d’urgence, les enjeux dont elle peut être révélatrice. Nous étudierons donc l’élargissement du public visé qu’elle suppose de par les nouveaux supports qui se développent, l’image qu’elle peuvent donner de l’architecture d’urgence et le partage des avoirs 12


qu’elle permet entre les différents acteurs. Enfin, dans une troisième partie, nous nous questionnerons sur la façon dont la médiatisation, au travers du partage des savoirs qu’elle met en place, peut être à l’origine de la construction des principes communs entre les différents acteurs de l’architecture humanitaire. En étudiant ces différents principes nous dégagerons trois axes majeurs de réflexion : la construction de fondements de l’architecture d’urgence, la professionnalisation de la profession et la reconnaissance de celle-ci. Ainsi, cette troisième partie permettra de définir si la reconnaissance de la profession est bel et bien un enjeu majeur de cette pratique de la profession ou si elle n’est qu’une résultante d’un enjeu plus important.

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I. DE LA PHILANTHROPIE DE L’ARCHITECTE D’URGENCE

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Cette partie a pour objectif de démontrer que l’architecture d’urgence ne se limite pas à la simple architecture mais qu’elle induit de nombreuses connaissances qui en font une pratique particulière. Pour mettre en exergue cet aspect, nous étudierons tout d’abord différentes organisations œuvrant dans l’architecture humanitaire. Ceci permettra de révéler les multiples façons dont peuvent être traitées les missions d’urgence, les spécificités de chacune d’entre elles et les liens qui les unissent. Ces différentes méthodes de travail permettront de mettre en lumière la pluralité des professions que suggère l’architecture d’urgence et donc de définir les apports des architectes sur le terrain mais aussi les apports des populations locales en terme de savoirs et de savoir-faire. De ces démonstrations, nous déterminerons l’impact que peut avoir l’architecture d’urgence sur l’image de l’architecte ; en quoi cette pratique du métier peut tendre à modifier l’image de l’architecte dans l’imaginaire collectif. Le choix des organisations étudiées se veut révélateur des différentes méthodes de travail mises en place par les architectes de l’urgence. Il a donc été guidé par une volonté d’étudier un panel le plus large et le plus divers possible, sans limite quelle qu’elle soit. Les groupes sélectionnés étant tous très actifs dans le domaine de l’architecture d’urgence, leur choix a permis une étude plus aisée grâce aux nombreuses sources disponibles. Pour définir les volontés de ces organisations et ce qu’elles sont réellement en mesure de produire sur le terrain des catastrophes, les informations quant à leurs actions ont essentiellement été tirées de leur site internet. Ceci permet d’observer plus précisément la façon dont un organisme souhaite se présenter et de définir si ses volontés peuvent être ou sont mises en œuvre une fois sur le terrain. Le but n’est pas de porter un jugement sur ces organismes mais de comprendre comment l’urgence architecturale peut parfois mener à faire l’impasse sur des volontés qui représentent pourtant leur image de marque ou comment leurs discours peuvent être en décalage avec leurs actions. Dans ce développement, nous étudierons différents types d’organisations. Bien que leur sélection ne soit pas lié à leur 17


dénomination, il semble important d’en comprendre les spécificités pour la suite du développement. Seront essentiellement étudiées des associations ou fondations à but non lucratif. Ces deux types d’organismes peuvent ici être définis comme ONG en raison de leur statut. Cependant, leur définition diverge quelque peu. Tandis qu’une association se définit par « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager les bénéfices4 ». Une fondation provient de « l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif 5». Ainsi, tandis qu’une association peut être créée par tout un chacun et est représentée par des membres, une fondation doit être reconnue par son gouvernement et est dirigée par un conseil d’administration, un directoire ou un conseil de surveillance6. L’étude portera également sur un collectif. Ce type de structure se différencie de celui des associations en cela qu’il n’a pas d’existence juridique. Un collectif ne peut donc pas être défini comme une ONG. Les organismes étudiés n’ayant pas été fondés dans le même pays, ils ne sont pas régis par les mêmes lois. Cependant, une obligation commune les unit : leur but non lucratif. Ainsi, ils sont tous tenus de travailler de façon désintéressée. De même, l’ensemble des organisations étudiées étant non-gouvernementales ou indépendantes, le choix de leurs interventions leur est propre. Ce sont les dirigeants de chaque organisation qui font le choix d’intervenir ou non suite à une catastrophe, choix reposant sur plusieurs critères tels que le nombre d’associations déjà investies dans la mission ou le niveau de richesse du pays, c’est à dire sa capacité à répondre seul à 4

POIDEVIN Blandine, « ONG et associations », in Juriexpert, 29 septembre 2011, Disponible sur : juriexpert.net 5

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la crise. Des demandes peuvent également être formulées auprès d’un organisme (pour l’association Architectes de l’Urgence, un formulaire est disponible en ligne sur le site de l’organisme), qui fait le choix, après étude de la demande, d’y répondre ou non. Du fait de leur indépendance, ces organisations forment elles-mêmes leur réseau dans les différents pays au sein desquels elles interviennent. Chaque association possède donc ses propres interlocuteurs et spécialistes locaux sur les terrains des catastrophes. Ces interlocuteurs sont divers mais permettent tous de faire parvenir des informations au plus vite et le plus objectivement possible auprès des architectes de l’urgence. Leur aide est donc primordiale pour les architectes de l’urgence car ils sont à l’origine d’un gain de temps. S’il s’agit de professionnels tels que des architectes ou des artisans, ils permettent également aux architectes d’urgence de comprendre au mieux le contexte et le site ou de reconstruire au plus vite tout en conservant le patrimoine local de par leur grande connaissance du lieu et de ses enjeux. Les autres ONG présentes sur le terrain d’une catastrophe font également partie des interlocuteurs des architectes de l’urgence. Toutes les ONG se doivent de mettre en commun leur stratégie afin d’être le plus efficace possible et ainsi d’éviter le gaspillage de temps et d’argent. Les gouvernements locaux sont bien évidemment des interlocuteurs des ONG de l’aide humanitaire, ce sont eux qui permettent de mettre en place une aide solide et efficace, de par la rapidité d’intervention de leurs équipes mais aussi des fonds dont ils font don pour la mission. Enfin, les interlocuteurs les plus importants sont les sinistrés eux-mêmes. La reconstruction se faisant avec et pour eux, leur collaboration avec les architectes est intense et essentielle et ce, tout au long de la mission.

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A. UNE PLURALITE DES METHODES DE TRAVAIL Chacun de groupes étudié témoigne de son engagement humanitaire au travers d’une méthode qui lui est propre : tandis que l’association Article 25 privilégie les actions sur le long terme en s’opposant au relogement pérenne dans des habitats temporaires, Make it Right porte quant à elle un intérêt particulier à préserver le patrimoine architectural et à reconstruire des habitats écologiques, durables et préventifs. « Ces structures possèdent chacune des champs de compétences, de savoirs qu’elles développent dans des directions propres, avec des partenariats divers, dans des situations géographiques et des contextes particuliers7 ». Afin de mieux comprendre comment fonctionnent ces organisations d’architecture d’urgence, nous allons étudier la méthode de travail de certaines d’entre-elles. Leur présentation est faite selon l’ordre chronologique de leur création afin de pouvoir faire ressortir d’éventuels tournants ou l’apparition de nouveaux aspects dans la pratique de l’architecture humanitaire.

Figure 1 : Document de l’auteur, Frise chronologique de la naissance des ONG étudiées, 2016

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NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.44 20


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Architectes Sans Frontières : le travail à moyen terme : L’association non gouvernementale Architectes Sans Frontières (ASF) a été fondée en 1979 par l’architecte Pierre Allard. Ce dernier a souhaité créer cette association suite à une prise de conscience quant au manque d’engagement des architectes dans les contextes d’urgence. Ainsi, ASF est la première ONG d’architectes qui a agit dans le domaine de l’aide humanitaire. Lors de sa création, cette association se présentait comme un organisme portant assistance aux sinistrés de catastrophes naturelles mais aussi aux victimes d’accidents collectifs, de guerres ou toutes autres situations défavorables. Pour les architectes de l’association, la seule limite à leur intervention résidait dans le fait que l’aide apportée devait avoir un rapport avec les domaines de l’architecture, de l’urbanisme ou de l’environnement. Toutes les opérations de cette association étaient organisées selon le même mode opératoire : en collaboration avec les autres ONG présentes sur le terrain, ASF assistait la maîtrise d’ouvrage afin d’évaluer les besoins et d’élaborer un programme, réalisait des projets grâce à des partenariats locaux et élaborait des programmes de formations. Les méthodes de travail et d’action mises en place par l’association étaient donc bel et bien représentatives de son engagement. Dans les années 1980, ASF s’est développée dans de nombreux pays tels que le Brésil, le Cameroun, le Kurdistan, le Mozambique ou encore le Vietnam. L’association se voulait essentiellement engagée dans des projets relevant de l’amélioration et de la construction de logements. En 1996, malgré une structure solide en apparence, l’association interrompt son activité pour des raisons de « débats internes et de contexte professionnel de plus en plus difficile8 »

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NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.46 21


d’après Frédéric Nantois9, architecte et journaliste engagé dans l’architecture d’urgence et qui étudie l’évolution de l’association dans l’article « L'engagement humanitaire par l’architecture ». Cette interruption de l’activité de l’association n’est pas commentée par l’association elle-même. Cette volonté de ne pas commenter cette cessation, d’activité peut être due à des différends entre les membres qui n’étaient alors pas tous d’accord sur la marche à suivre et la position à adopter face aux contexte d’urgence. Elle peut être aussi révélatrice de la complexité d’action des architectes de l’urgence sur le terrain. Dans les années 1990, l’architecture d’urgence était bien moins représentée qu’aujourd’hui ; l’action des ONG architecturales y était donc certainement plus complexe encore. En 2002, l’activité reprend, menée par un groupe d’étudiants de l’école d’architecture de Strasbourg et d’anciens membres. Cette reprise de l’activité par des étudiants est révélatrice d’un changement d’état d’esprit au sein des nouvelles générations d’architectes. Leur engagement s’intensifie10, elles sont intéressées par l’aide humanitaire et remotive d’anciens membres parfois découragés. L’objectif de la nouvelle organisation est alors « de redevenir rapidement opérationnel et de bâtir un monde solidaire11 ». L’association se reconstitue avec pour ligne de conduite les articles de la charte de Hasselt12 qu’elle adopte en 2003 et ratifie en 2005. Cependant, la situation de l’aide humanitaire a changé, de nouvelles organisations se sont engagées, et l’ONG se voit contrainte de se 9

Vous trouverez en annexe 1 (page 140) des informations sur Frédéric Nantois ainsi que sur son dossier « L’engagement humanitaire par l’architecture ». 10

Nous reviendrons sur l’engagement des jeunes architectes et étudiants dans l’architecture d’urgence ultérieurement dans ce développement. 11

ALLARD Pierre, fondateur d’Architectes Sans Frontières

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La charte sera développée et analysée dans une autre partie de ce mémoire.

Figure 2 : 1 : ASF, Centre d’éducation des Beaux-Arts et de l’artisanat, Burkina Faso, 2006 / 2 : ASF, Clinique dentaire, Sri Lanka, 2006 / 3 : ASF, Centre d’alphabétisation, Sirimi – Niger, 2001 / 4 : ASF, Maisons, Portugal, 2008 / 5 : ASF, Maison rurale, Ghana, 2007 22


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recentrer sur certains objectifs. Elle se présente donc comme une association mettant l’accent sur le développement des populations sinistrées à moyen terme dans le but de répondre aux besoins fondamentaux de celles-ci et ce, au détriment des interventions dans les situations d’urgence. Ce changement de méthode de travail, présentée par l’association comme une volonté de se recentrer sur des objectifs plus proches des enjeux du moment, peut également être vu comme une reconnaissance de la difficulté d’action des ONG architecturales sur le terrain d’une catastrophe. Malgré cela, la nouvelle méthode de travail de cette association se veut répondre à un objectif clair : tandis que les autres ONG ou structures d’architecture humanitaire œuvrent dans l’urgence, ASF se focalise sur la reconstruction postérieure, plus pérenne (cf. Figure 2). Il s’agit de mettre en place un fonctionnement qui permette à chaque ONG de trouver sa place dans les contextes d’urgence sans perturber ou refaire le travail des autres. Aujourd’hui, l’association a retrouvé la capacité d’action de ses débuts, ce qui peut être la preuve d’un engagement humanitaire architectural plus conséquent qu’à sa création. -

Voluntary Architects’ Network : les matériaux locaux : Shigeru Ban13 est un architecte japonais investi depuis toujours dans l’architecture humanitaire. Durant ses études, il étudie le matériau papier et en constate la solidité. Il commence à en étudier les capacités et à développer des systèmes de structures à partir de celuici. Le séisme de 1995 à Kobe est l’occasion pour l’architecte de mettre en œuvre les techniques qu’il a mis au point pour la construction d’abris d'urgence et autres équipements. Naissent les premières Paper Log Houses, maisons manifestes de son travail architectural humanitaire. Contrairement aux autres organismes étudiés, Ban a 13

Vous trouverez en annexe 2 (page 142) des informations sur la démarche de travail de Shigeru Ban ainsi que sur son investissement dans l’aide humanitaire.

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commencé à réfléchir seul à la question du logement d’urgence ; il a développé une réflexion sur le sujet sans coopérer avec d’autres architectes. Cependant, le seul moyen de trouver des subventions pour ce type de réalisations est de créer une structure juridique spécifique. Il fonde alors Voluntary Architects’ Network (VAN) en 1995. Cette association qui regroupe plusieurs praticiens se présente comme étant dans la lignée des méthodes de travail développées par Ban : construire essentiellement en carton ou en papier, avec des fondations en caisses de bières ou de soda afin de répondre le plus simplement et le plus efficacement aux besoins des sinistrés (cf. Figure 3). Ces systèmes structurels répondent donc aux questions de respect du site d’implantation par l’utilisation de matériaux présents sur place mais aussi de facilité de construction de par leur simplicité, questions majeures de l’architecture d’urgence. Quant à la durabilité, la durée de vie de ces structures est estimée à vingt ans, le temps, selon l’architecte, de trouver les financements nécessaires à la construction d'un bâtiment en « dur ». Aujourd'hui, Ban est consultant pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, pour qui il conçoit et développe des habitats d'urgence. De par ce poste, Ban peut donc développer ses systèmes de structures et faire progresser la recherche en architecture d’urgence. La méthode de travail mise en place par l’architecte japonais ne se limite pas simplement à l’utilisation de papier ou de carton, Ban présente également son travail comme façon d’utiliser au maximum les matériaux présents sur le site. Il s’agit de mettre en valeur les matériaux locaux pour intégrer au mieux les populations sinistrées dans le processus de reconstruction. Selon lui, grâce à cette méthode, les populations peuvent prendre part aux reconstructions car elles en maîtrisent les techniques constructives. De plus, la construction de ce type de structures est simple, les sinistrés peuvent donc reconstruire sans formation. L’appropriation de l’espace par ces derniers est assurée par le fait qu’ils reconstruisent eux-mêmes leurs habitats et que ces habitats sont intégrés dans leur patrimoine architectural. Il n’est plus question de reconstruire un abri longue durée mais de procurer un confort minimum aux habitants dans l’attente d’une 25


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reconstruction plus pérenne. Le travail de VAN porte également sur la construction d’équipements collectifs tels que des écoles, des lieux de cultes… Ces édifices sont eux aussi construits à partir d’éléments trouvés sur place et en partie par les habitants selon l’association, leur permettant de s’approprier plus rapidement le lieu. La volonté de l’architecte de travailler au plus près des populations en utilisant les matériaux et savoir-faire locaux semble inévitable et vital dans ce type de contexte. Cependant, bien que l’association se présente comme une organisation mettant en avant l’importance des matériaux locaux, sa technique est particulière. Les recherches du japonais prennent parfois le dessus et sont préférés les tubes de papier, faits à partir de papier récupéré dans les environs et recyclés, à un matériau purement local tels que la pierre ou la terre. La méthode de travail de cette association se substitue parfois à sa volonté de mettre en valeur les techniques locales. TAMassociati : l’engagement social : Le collectif TAMassociati a été fondé en 1996 à Venise par trois architectes italiens : Massimo Lepore, Raul Pantaleo et Simone Sfriso. Contrairement aux autres associations décrites précédemment, ce collectif n’a pas été créé en réponse à une urgence humanitaire. Il est né de la volonté de ses dirigeants de collaborer avec l’ONG Emergency qui œuvre dans le cadre de l’aide humanitaire médicale en fournissant des soins dans les zones africaines en guerre14. Le collectif a été créé dans le but de pouvoir répondre aux appels d’Emergency lors de missions humanitaires. Les projets mis en place par l’association ont donc toujours une vocation médicale : hôpitaux, centres pédiatriques, maternités, cliniques… (cf. Figure 4). 14

AQUILINO Marie, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p.74 Figure 3 : 1 : VAN, Paper shelters, Haïti, 2010 / 2 : VAN, Paper Log Houses, Kobe – Japon, 1995 / 3 : VAN, Eglise, Christchurch – Nouvelle-Zélande, 2011 / 4 : VAN, Paper Log House, Cebu – Philippines, 2014 / 5 : VAN, Paper House, Bhuj – Inde, 2001, Photo : Kartikeya Shodhan 27


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De par la collaboration avec l’ONG Emergency, TAMassociati met en avant une démarche de travail tournée vers la prise en compte des droits humains fondamentaux : l’accès aux soins et à la santé. Ce collectif se présente comme partenaire d’une architecture éthique permettant aux patients d’Emergency de retrouver leur dignité perdue lors d’une catastrophe naturelle, d’une guerre15… Il se veut également œuvrer pour une modernisation des architectures locales par l’utilisation de technologies contemporaines comme les énergies alternatives afin de mettre en place des constructions durables. Enfin, TAMassociati lutte également contre la mauvaise coopération qui existe sur le continent africain en temps de crise : le but défini par l’association étant de mettre en place des collaborations qui permettent de simplifier le travail humanitaire afin de le rendre plus efficace. La pratique architecturale de ce collectif est donc le témoin de son engagement social et de ses convictions16 . Cet engagement rend le travail de ce collectif différent des autres ONG d’architecture humanitaire : l’angle d’attaque principal se veut architectural mais aussi et surtout social du fait de sa coopération avec Emergency. Les architectes de TAMassociati tentent de démontrer que l’aide humanitaire architecturale a bel et bien sa place dans les contextes de crise en mettant en œuvre une méthode guidée par le droit de l’Homme à avoir un toit17 et en collaborant avec les autres acteurs de l’aide internationale. Le collectif, au-delà d’œuvrer pour les victimes

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AQUILINO Marie, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p.74 16

PANTALEO Raul, co-fondateur de TAMassociati

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Figure 4 : 1 : TAMassociati, Maternité, Busengo – Rwanda, 2014, Photo : ASA studio / 2 : TAMassociati, Centre pédiatrique, Port Sudan – Soudan, 2012, Photo : Massimo Grimaldi / 3 : TAMassociati, Centre chirurgical, Goderich – Sierra Leone, 2011, Photo : Massimo Grimaldi / 4 : TAMassociati, Clinique ambulatoire, Polistena – Italie, 2014, Photo : Marco Affanni / 5 : TAMassociati, Centre pédiatrique, Bangui – République Centrafricaine, 2008, Photo : Marcellol Bonfanti 29


permet également de faire évoluer l’aide humanitaire en prouvant que la collaboration entre deux organismes d’aide internationale est tout à fait possible et qu’elle peut mener à des missions réussies. -

Architecture et Développement : la coordination des compétences : Architecture et Développement (A&D) est une association de solidarité internationale fondée en 1997 à Paris. Cette association est composée de professionnels du bâtiment : architectes, ingénieurs, géographes, urbanistes… Signataire de la Charte de Hasselt, cette association s’est formée suite à trois constats : - la mauvaise intégration des questions des ressources humaines et matérielles ainsi que des questions environnementales et constructives dans des projets humanitaires qui se doivent pourtant d’être durables, - la pénibilité à trouver des réponses efficaces aux besoins des populations sinistrées, - le décalage des réponses apportées par les ONG généralistes avec les réalités locales18. L’action de l’association est présentée comme une coordination des différents acteurs de l’aide humanitaire architecturale. Selon ses porte-paroles, l’association tente de mettre en place une collaboration permettant de mutualiser qualité architecturale et performances environnementales19. Ainsi, elle conçoit et réalise des projets d’habitats durables, effectue des expertises techniques, évalue les risques, assiste et encadre la maîtrise d’ouvrage et forme les populations sinistrées si besoin. L’association appuie également sur l’attention particulière qu’elle porte au conseil et à l’aide des populations sinistrées afin de leur permettre de reconstruire et de se reconstruire. A&D entend travailler sur une approche pérenne de la reconstruction qui s’inscrit dans le contexte social, économique et 18

Architecture & Développement, Nos convictions, consulté le 16 avril 2016, Disponible sur : archidev.org 19

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Idem


environnemental du pays d’intervention. Ainsi, cette association souhaite œuvrer pour une meilleure réponse de l’aide humanitaire architecturale qui permettrait de faire progresser la pratique de l’architecture d’urgence et de rendre son travail plus lisible et mieux organisé. Les réalisations de l’association A&D reposent sur un point fondamental de l’architecture d’urgence : prendre en compte les réalités locales. En mettant en place des collaborations entre les différents acteurs de l’aide humanitaire, l’association assure une lecture du contexte la plus complète possible. De même, sa volonté de travailler au plus proche des sinistrés permet de ne pas imposer sa présence mais d’apporter l’aide dont la population estime avoir besoin. Le but est d’améliorer les conditions de vie des victimes en leur apportant l’aide nécessaire et en leur permettant de se développer par elles-mêmes20. -

Architectes de l’Urgence : le conseil et les diagnostics : En 2001, la Somme est victime d’inondations sans précédent. Les collectivités locales font alors appel à de nombreux architectes et leur demandent d’établir des diagnostics techniques afin de mettre en sécurité les populations. C’est ainsi que naît Architectes de l’Urgence (AU), créée notamment par Patrick Coulombel21, architecte de formation. Le but initial que voulait atteindre cette association était de porter assistance aux populations victimes de catastrophes naturelles, technologiques ou humaines22. Cependant, au fur et à mesure de son évolution, l’association a souhaité compléter cette action par le conseil aux populations sinistrées et des missions

20

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.48 21

Vous trouverez en annexe 3 (page 144) des informations sur la formation de Patrick Coulombel et sur son investissement dans l’humanitaire. 22

ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 31


d’évaluation et de diagnostic. Pour le président de l’association, c’est en 2004 suite au tsunami de l’Océan Indien que l’action de l’organisation connait un tournant23. Dorénavant, le conseil et les diagnostics sont complétés par une intervention de terrain, menée en collaboration avec les autres ONG présentes. Aujourd’hui, les objectifs annoncés par l’association sont les suivants : apporter des réponses adaptées à chaque situation, garantir le respect de la dignité humaine, prendre en compte le patrimoine architectural, culturel et historique local, reconstruire des habitations et équipements de qualité, mettre en place des programmes de formations et agir en concertation avec les populations tout en respectant l’autorité locale24. Pour les atteindre, l’ONG a mis en place une méthode en deux étapes25. Tout d’abord, dans l’urgence, l’évaluation cartographique et la mise en place de partenariats éthiques entre l’association, les populations, les gouvernement locaux et les ONG présentes sur le terrain sont réalisées. Parallèlement, les besoins des sinistrés, les risques immédiats encourus par les populations et donc les mesures à prendre pour les limiter sont évalués. Des abris temporaires sont mis en place et les infrastructures sont réparées pour apporter soutien à la population. Durant cette période, les architectes jouent un rôle clé dans la reconstruction psychologique des sinistrés : leurs interventions leur permettent de mieux affronter les difficultés qui les attendent en étant épaulés par des professionnels. Cette phase se rapproche donc de la philosophie de l’association A&D : aider les victimes à se reconstruire en leur apportant aide et conseil.

23

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.140 24

ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 25

Idem

Figure 5 : 1 : AU, Mission humanitaire, Photo : Architectes de l’Urgence / 2 : AU, Tchad, 2010 / 3 : AU, Abri d’urgence, Pakistan, 2005 / 4 : AU, Bâtiment référent, Tchad, 2009 32


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Ensuite, vient la reconstruction et le développement. Cette étape consiste à reconstruire des habitats pérennes destinés à reloger les sinistrés ainsi que les équipements essentiels à une reprise sereine de la vie. Cette phase rejoint ainsi l’angle d’attaque de l’association ASF qui souhaite travailler sur le moyen terme. Au cours de cette phase, la prévention des risques par la reconstruction d’habitats structurellement adaptés prend une place majeure (cf. Figure 5). La méthode de travail adoptée par les architectes de l’association pendant cette reconstruction est spécifique : le transfert des connaissances permettant de conserver et d’améliorer le savoir faire local et de former la population est privilégié. Le but n’étant pas d’imposer une vision de l’habitat à mettre en œuvre, les architectes s’attachent à travailler au maximum avec les ressources locales et dans une dynamique d’échange et de partage des connaissances de chacun. Tout comme le montre la Figure 5, les architectes travaillent en permanence avec les populations afin que leur intervention soit une aide et non la base de la reconstruction. Cette étape vise également à reconstruire de façon pérenne en relançant l’économie locale et donc en reconstruisant des bâtiments publics permettant l’échange et la relance du pays. L’association AU s’est élevée au rang de fondation afin de disposer de plus de moyens mais aussi d’être mieux reconnue et ainsi de participer aux réflexions sur la prévention des risques. Le fonctionnement de cette fondation est révélateur d’une partie importante du travail des architectes de l’urgence : au-delà d’une aide architecturale, ces praticiens doivent compléter leur travail par une aide « psychologique ». Il ne s’agit pas pour autant d’agir au même titre que les ONG médicales. Le but est de mettre l’Homme, le sinistré, au centre de son action et de l’intégrer dans un processus de reconstruction durable. Dans le livre de Patrick Coulombel « Architectes de l’urgence : un nouveau métier de l’humanitaire »26, cette importance du coté social du travail des architectes est largement relatée et vérifie la volonté de l’association d’œuvrer dans 26

34

Vous trouverez en annexe 3 (page 144) des informations sur ce livre et ses objectifs.


ce sens. Cependant, la volonté de reconstruction durable s’avère quant à elle beaucoup plus complexe une fois sur le terrain. Vite dépassés par la réalité du contexte complexe dans lequel ils agissent, les architectes de cette association ne peuvent pas toujours mener à bien leurs missions comme ils le souhaiteraient et selon leurs engagements initiaux. Cela peut s’expliquer par le fait que, contrairement aux autres organisations étudiées, cette fondation n’a pas fait le choix de travailler sur une période du processus de reconstruction. Elle travaille effectivement sur l’ensemble de ces phases et doit donc démultiplier ses capacités professionnelles et matérielles pour mener à bien ses missions. Article 25 : l’engagement sur le long terme : Article 25 a été fondée en 2005 par Victoria Harris, en collaboration avec Norman Foster. Son nom fait référence à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ». Cette association est considérée comme l’une des ONG d’architectes les plus importantes, notamment du fait de ses nombreuses antennes mondiales27 : Bangladesh, Pakistan, Haïti… Cette organisation travaille essentiellement à la reconstruction des pays en situation d’urgence humanitaire causée par des contextes locaux complexes, des guerres ou des catastrophes naturelles. Contrairement à d’autres organisations ou ONG, Article 25 a fait le choix d’agir de façon bien particulière en menant l’ensemble de ses projets sur plusieurs années. Ce choix s’explique par le fait que l’ONG s’oppose radicalement au 27

AQUILINO Marie, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p.75 35


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principe de première nécessité qui voudrait que les populations sinistrées soient relogées dans des habitats temporaires, lesquels empêchent le pays de se reconstruire durablement selon elle28. Article 25 se présente comme une association dont le but premier est de réaliser des expertises techniques visant à sécuriser les lieux susceptibles d’être dangereux pour la population. Leur objectif est donc proche de celui de la Fondation Architectes de l’Urgence, qui établit elle aussi de nombreux diagnostics techniques. Cependant, un autre objectif s’ajoute à celui-ci : l’évaluation des besoins de chacun afin d’établir des contrats entre sinistrés et entreprises locales et non pas dans le but de reconstruire comme ses ONG consœurs. Pour l’association, ces contrats permettent de déterminer le budget de chaque reconstruction et ainsi de gérer des fonds de solidarité pour une répartition équitable29. De plus, selon l’association, cette méthode permet de privilégier au maximum l’économie des fonds ainsi que l’utilisation des matériaux locaux et de la main d’œuvre locale. Ainsi, la relance de l’économie est assurée par le processus de reconstruction. Article 25 lutte donc dans le but d’améliorer l’action de l’aide humanitaire architecturale afin de reconstruire des habitats et des équipements plus sûrs, plus résistants et plus durables pour limiter la vulnérabilité30 (cf. Figure 6). Tout comme les autres associations étudiées précédemment, Article 25 tente de travailler au plus proche des populations locales et met un point d’honneur à utiliser les ressources et les savoir-faire des populations auxquelles elle vient en aide. Travaillant sur le long terme, il semble évident qu’un échange entre architectes et sinistrés est impératif pour la réussite de la 28

AQUILINO Marie, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p.76 29

Idem

30

ARTICLE 25, What we do, consulté le 1 août 2016, Disponible sur : article-25.org

Figure 6 : 1 : ARTICLE 25, Maison des enfants, Nkoranza – Ghana, 2007 / 2 : ARTICLE 25, Ecole de Gourcy, Bethel – Burkina Faso / 3 : ARTICLE 25, Logement résistants aux séismes, Pakistan, 2005 37


reconstruction. De plus, la mise en place de contrats entre sinistrés et entreprises locales est représentative de la volonté de relancer durablement les populations sinistrées. Ces contrats permettent à la fois de relancer l’économie et aux populations de se reconstruire et de se stabiliser durablement au travers d’une économie pérenne. Make it Right : le patrimoine architectural : L’association Make it Right a été créée en 2007 par Brad Pitt suite à l’ouragan Katrina qui a détruit une grande partie de la NouvelleOrléans. Le projet de cette association était alors de reconstruire le quartier du Lower 9th Ward, l’un des quartiers les plus touchés par la catastrophe. Le groupe développe dès lors une ligne de conduite qui caractérise aujourd’hui encore l’ensemble de ses projets : construire des habitats durables, autonomes, respectueux de l’environnement et reproductibles grâce à la formation d’une main d’œuvre locale, le tout pour un prix défiant toute concurrence : « Notre travail en Nouvelle-Orléans est la preuve que des maisons saines et de haute qualité environnementale peuvent et doivent être disponibles pour tout le monde31 ». Ainsi l’ensemble des réalisations de cette association intègre l’utilisation de matériaux recyclables, d’énergies renouvelables et de techniques constructives adaptées au contexte (pilotis dans les zones inondables, matériaux résistants dans les zones sujettes aux tempêtes…). De plus, l’une des préoccupations à laquelle Make it Right souhaite répondre lors de ses missions est la volonté de toujours s’inscrire au mieux dans la tradition architecturale locale grâce à l’utilisation de matériaux et de techniques constructives propres au site. Les projets réalisés dans le quartier du Lower 9th Ward (cf. Figure 7) illustrent cette démarche. Leur style architectural est à l’image de celui des maisons de la Nouvelle-Orléans : construites sur

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MAKE IT RIGHT, How we built, consulté le 22 décembre 2015, Disponible sur : makeitright.org Figure 7 : 1 et 2 : MAKE IT RIGHT, Maisons dans le Lower 9th Ward, Nouvelle-Orléans – USA, 2005 38


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pilotis, en bois et peintes de différentes couleurs, ces maisons s’intègrent pleinement dans le patrimoine architectural local. L’enjeu majeur de cette association est donc de prendre en compte les questions environnementales, tant par l’utilisation de matériaux respectueux de l’environnement que par l’intégration de systèmes structurels appropriés aux contraintes du site ou par l’intégration de l’architecture dans son milieu. Au regard de ses réalisations, l’association respecte bel et bien ses engagements architecturaux et environnementaux. Cependant, les maisons construites suite à l’ouragan Katrina ont vu leur prix exploser créant une vague de colère au sein des habitants du quartier ayant acheté une maison. L’association a donc du prendre en charge les dépassements de prix et la mission de reconstruction s’est avérée être un échec en terme de respect des engagements de l’association32. De même, la reconstruction des maisons a été ouverte à des personnes n’habitant pas le quartier avant la catastrophe. Les informations données par l’association sur son site internet et la réalité de la mission sont donc bien différentes. Ce décalage suggère de prendre du recul quant aux informations médiatisées par les associations. Malgré les différentes approches de chaque association, elles suivent toutes trois grandes phases d’action. Tout d’abord l’urgence, dans les premiers jours qui suivent la catastrophe, puis le relèvement, sur les plusieurs semaines suivantes, et enfin le développement qui peut durer jusqu’à plusieurs années après la catastrophe. Seule l’association Architectes de l’Urgence a choisi de diviser son action en deux phases. Ceci peut s’expliquer par le fait que, contrairement à ses consœurs, cette association intervient sur l’ensemble de la durée d’une mission ; elle n’a pas fait le choix de travailler sur le court ou le long terme mais sur l’intégralité du processus de reconstruction postcatastrophe. De plus, bien que ne distinguant que deux phases, la seconde étape à laquelle cette association souhaite répondre se 32

DEPILLIS Lydia, « If you rebuild it, they might not come », in New Republic, consulté le 17 décembre 2016, Disponible sur : newrepublic.com 40


divise en deux parties33 : l’aide à la reconstruction et la relance économique. Ces étapes correspondent donc respectivement à la phase de relèvement et à celle du développement des autres associations étudiées. L’étude de ces différentes associations ou ONG est révélatrice de la pluralité des méthodes de travail de l’architecture d’urgence. Chaque association a fait le choix de mettre l’accent sur une période du processus de reconstruction ou sur un aspect particulier d’une période. La pluralité des méthodes de travail est donc synonyme de richesse de l’action humanitaire en architecture : chacun des groupes permet de rendre plus efficace l’architecture d’urgence et de répondre au mieux aux besoins en se focalisant sur un aspect spécifique. Il est alors possible de mettre en place une reconstruction durable et efficace de par l’engagement de chacun dans une phase différente. Chacune des grandes étapes de la reconstruction peut alors être menée à bien, par une association connaissant les enjeux auxquels elle doit répondre. Ainsi, bien que guidées par une volonté propre, le but de ces organisations reste commun : aider les populations à se reconstruire et à reconstruire une sociabilité après une catastrophe qui leur a souvent tout pris. L’étude de ces associations par ordre chronologique de leur fondation est révélatrice de l’importance qu’a pris l’engagement sur le long terme ou sur les phases finales de la reconstruction ces vingt dernières années. En effet, nous pouvons constater que toutes les associations créées après le milieu des années 90 ont mis un point d’honneur à travailler sur le long terme ou, à défaut, sur une reconstruction durable. De même, la « renaissance » de l’association Architectes sans Frontières et son changement de méthode de travail révèle un tournant dans la pratique de l’architecture d’urgence : il ne

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ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 41


s’agit plus d’aider à passer une crise mais d’aider à la surmonter durablement. Cette étude montre également que l’engagement des architectes de l’urgence ne se limite plus à un engagement architectural. L’aide aux victimes dans tous ses aspects, matériel et psychologique, fait désormais partie intégrante de la démarche des associations d’urgence architecturale. Ceci est accompagné d’un autre changement : la volonté de plus en plus importante d’utiliser et de mettre en valeur les ressources, les savoirs et les savoir-faire locaux afin de ne pas dénaturer le site et de ne pas se poser en colonisateur. Le but est de partager, d’échanger et qu’architectes et sinistrés apportent leurs connaissances pour répondre au mieux à l’urgence. En effet, les démarches de travail des organisations étudiées vont toutes dans le même sens : travailler pour les sinistrés tout en les laissant se reconstruire seuls pour ne pas interférer avec leur reconstruction. Enfin, cette étude montre de façon éloquente l’importance de prendre du recul sur les enjeux et les engagements énoncés par les associations. Ceux-ci sont souvent énoncés sur leurs sites internet, premier vecteur de communication utilisés par les ONG, qui leur permettent une « publicité » et qui doivent donc mettre en avant des enjeux ambitieux pour mettre en valeur l’organisme. Cependant, une fois sur le terrain, la réalité peut les rattraper et ne leur permet pas toujours de remplir tous les objectifs de leur mission.

B. UNE PROFESSION PLURIDISCIPLINAIRE Comme ceci a été démontré précédemment, l’architecture d’urgence peut être pratiquée de bien des manières. Chaque organisation fait le choix de s’intéresser à une approche de la profession, qui suggère des compétences et des connaissances particulières. Si la première phase de reconstruction se veut essentiellement apporter une aide au travers de diagnostics techniques et de l’écoute aux sinistrés, la deuxième phase s’attache à répondre à la problématique du 42


logement de façon plus pérenne. La troisième phase suggère quant à elle de mettre en place des projets architecturaux et économiques qui permettront une reconstruction solide et durable. Ainsi, ces trois étapes supposent des besoins professionnels différents. Les architectes agissent dans des contextes d’urgence humanitaire, ils doivent donc multiplier les rôles et trouver des collaborateurs pour répondre aux différents enjeux du terrain, ils ne sont plus de simples architectes. L’architecte de l’urgence : une qualité d’écoute: Selon Patrick Coulombel « l’écoute, le réconfort, la discussion avec ces personnes qui ont été choquées, parfois même traumatisées par ce qu’elles ont vécu34 » sont primordiaux dans la démarche de projet des architectes de l’urgence, d’où son attachement à les mettre en exergue lors des missions de son association. Cette capacité d’écoute dont font preuve les architectes de l’urgence permet de mettre en place une relation de confiance entre eux et les sinistrés auxquels ils viennent en aide. Elle est donc privilégiée dès le début d’une mission par la majorité des architectes qui, lors de leurs retours de missions, mentionnent souvent cette étape clé de leur travail. Ce rôle existe bel et bien dans la profession plus « traditionnelle » de l’architecture. Les architectes se doivent de prendre en compte les volontés, les envies et les besoins de leurs commanditaires lors de la création d’un projet. Cependant, dans les contextes d’urgence, cet aspect prend une toute autre ampleur. Il n’est plus question de réaliser la maison qui fera rêver les commanditaires mais de construire au plus vite des habitats adaptés et adaptables qui permettront aux populations de se relever. L’architecte se doit donc d’être « psychologue », d’être à l’écoute, de ne pas s’imposer dans la reconstruction mais d’y trouver sa place pour comprendre les sinistrés et les aider à se reconstruire. Les architectes de l’urgence ayant une expérience dans la pratique du métier « traditionnel » mettent en 34

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.57 43


avant ce contraste qui existe entre architecture courante et architecture d’urgence. Shigeru Ban, lors de sa conférence « Works and humanitarian activities »35 au Palais de l’Europe à Strasbourg, a soulevé ce paradoxe. Bien que les architectes soient familiarisés avec la prise en compte des besoins des clients, lors de missions d’urgence, cela prend une telle ampleur et une telle importance qu’ils doivent apprendre à écouter et à hiérarchiser les besoins différemment. En effet, les besoins des sinistrés dans ce type de contexte sont souvent rudimentaires mais le manque de fonds oblige les architectes à faire des impasses, des choix. Ils doivent donc comprendre au mieux les populations pour mettre en œuvre des projets qui répondent aux besoins les plus vitaux. Xavier Génot36, coordonnateur d’équipes sur des missions d’urgences et sur la thématique de l’abri à la Croix-Rouge, a largement relaté son implication dans la création d’un lien fort entre son équipe et les populations locales lors de sa conférence « Logement et abris, tradition, résilience et aide humanitaire – L’exemple du Vanuatu 6 mois après le cyclone » à l’ENSA de Strasbourg le 27 octobre 2015. L’architecte revient régulièrement sur l’importance qu’a pris cette confiance, ce respect mutuel et l’échange dans la mise en place d’un projet durable. Il ne définit pas son travail uniquement comme celui d’un architecte mais comme celui d’un humanitaire. Il ne s’agit donc pas de reconstruire pour les sinistrés mais de les aider à se reconstruire. De ce fait, les architectes de l’urgence ne doivent pas prendre une place de « savant » mais guider les populations quand elles en ont besoin. Patrick Coulombel, dans son livre « Architectes de l’urgence : un nouveau métier de l’humanitaire » accorde une large place à la description de la collaboration entre architectes et sinistrés et à 35

Vous trouverez en annexe 2 (page 142) des informations sur cette conférence et ses objectifs. 36

Vous trouverez en annexe 4 (page 146) des informations sur l’investissement de Xavier Génot dans l’architecture humanitaire ainsi que sur la conférence dont nous faisons référence ici « Logement et abris, tradition, résilience et aide humanitaire – L’exemple du Vanuatu 6 mois après le cyclone ». 44


l’implication de ces derniers dans le processus de reconstruction. Selon lui, le dialogue ainsi engagé avec les populations et cette relation de confiance mise en place, les praticiens sont à même de comprendre et de cerner les besoins des sinistrés et peuvent mettre au point des réponses adaptées. Ce lien tissé entre architectes et sinistrés est également un moyen pour les praticiens d’apporter écoute et attention aux populations dans cette période difficile qu’elles traversent. De même, la création d’un dialogue avec les sinistrés est essentielle dans le processus de reconstruction, elle est inhérente à la réussite d’une mission car elle est la clé de la prise en compte des besoins des populations et donc de l’appropriation des habitations par les sinistrés. Le type d’habitat dépendant de ces besoins, différents d’une mission à l’autre du fait de la localisation, des caractéristiques du site, du climat, des coutumes, des habitudes de vie… Ils ne peuvent pas être négligés lors de la réalisation d’un habitat d’urgence et font qu’une réponse unique est inenvisageable. Les architectes doivent comprendre les populations pour appréhender avec justesse le contexte et ainsi répondre au mieux aux attentes. Une fois mise en place, cette relation permet d’intégrer pleinement le sinistré dans le processus de reconstruction. Il n’est plus question de reconstruire pour les sinistrés mais de construire avec les sinistrés, qui sont les interlocuteurs les plus importants des architectes. Intégrés au processus de reconstruction, ils s’approprient leurs nouveaux espaces en les construisant, épaulés par les architectes. Lors du départ de ces derniers, il leur est alors possible de reprendre le cours de leur vie au sein d’habitats dans lesquels ils ont déjà reconstruit une sociabilité, repris des habitudes de vie et qui correspondent à leurs attentes et à leur patrimoine local. Ce point de vue est également celui de nombreux théoriciens tel que Frédéric Nantois : « Non à l’assistanat, oui au partenariat ! Pas question d’œuvrer à la place de la population locale […] de donner des leçons de développement. L’action des architectes est nécessairement contextuelle. La réussite des missions

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repose sur l’implication des populations et l’appropriation des projets37 ». Le projet de Shigeru Ban à Kirinda au Sri Lanka (cf. Figure 8) s’est fait dans une démarche d’échange avec les sinistrés, de prise en compte des besoins 38. Il s’est attaché à connaître les besoins des sinistrés avant de mettre en œuvre un projet de reconstruction. Ce projet avait pour objectif de reconstruire totalement le village de pêcheurs détruit par le séisme de Sumatra en 2004. Tout en intégrant le programme gouvernemental dans son projet, l’architecte a tenté de répondre au mieux aux besoins de la population : disposer d’une structure commune au centre du village, d’un espace de vie ouvert permettant à la famille de se retrouver dans l’habitat, d’une douche et d’un sanitaire privatif39… Ainsi, Ban a mis en place des habitats comprenant deux chambres, un coin sanitaire et une pièce de vie ouverte sur une cour couverte. Cette cour permet d’agrandir l’espace intérieur tout en protégeant l’habitation du soleil. Dans le respect de la tradition musulmane, l’architecte a intégré une cloison coulissante à cet espace extérieur afin d’assurer l’intimité des femmes. Enfin, la structure a été réalisé à partir de briques traditionnelles sri-lankaises afin que les habitants puissent prendre part à la reconstruction. De même, le mobilier est fait à partir de bois local. L’attention particulière portée aux coutumes et aux besoins des habitants a guidé Ban donc la conception de ce projet de village. Les habitants ont été pleinement intégrés dans la démarche de projet, depuis la définition des besoins jusqu’à la construction, permettant la mise en œuvre d’un projet respectueux du contexte et de ses habitants. 37

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.45 38

SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p. 84 39

Idem, p. 86

Figure 8 : 1 à 5 : BAN Shigeru, Maisons reconstruites dans le village de Kirinda, Sri Lanka, 2004 47


L’architecte de l’urgence : un ingénieur : Durant la première phase du processus de reconstruction, les architectes de l’urgence doivent procéder à de nombreux diagnostics techniques. Ces diagnostics ont deux enjeux majeurs : définir le niveau de dangerosité des constructions pour la population et définir si celles-ci peuvent faire l’objet d’un projet de reconstruction, dans l’immédiat ou à la suite d’une remise en état de leur structure. Ils ont donc pour but d’éviter une augmentation du nombre de victimes en assurant la mise en sécurité des populations. Suite à leur étude, si les architectes considèrent que l’édifice est trop peu fiable pour être réutilisé dans un projet de reconstruction ou pour accueillir la population, ils choisissent de le rendre inaccessible. Au contraire, s’ils estiment qu’un bâtiment présente une structure suffisamment fiable pour héberger des sinistrés, ils peuvent faire le choix de le rendre utilisable et viable au plus vite. Ces diagnostics font appel à des connaissances en ingénierie ; ils sont garants de la mise en sécurité des populations et ne peuvent donc être pris à la légère. C’est pourquoi ils sont réalisés par des architectes de l’urgence ou par des architectes ou ingénieurs locaux, collaborateurs des ONG et possédant les connaissances nécessaires. L’intervention de professionnels locaux permet de réaliser les diagnostics au plus vite en multipliant les acteurs et de ne pas montrer les architectes comme les seuls capables d’agir ou de prendre des décisions. Ainsi, les populations locales ne sont pas prises en compte que pour la reconstruction mais également pour toutes les autres phases importantes du processus. L’association Architectes de l’Urgence a mis en place un code couleur pour ses diagnostics40 afin de le rendre compréhensible par la population. Le rouge signifie qu’un bâtiment doit être évacué au plus vite et qu’un périmètre de sécurité doit être mis en place autour de celui-ci. L’orange marque quant à lui les bâtiments qui peuvent être conservés mais qui doivent auparavant faire l’objet d’une 40

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007 48


restructuration (consolidation du bâtiment, déblayage des gravas…). Enfin, le vert signifie qu’une maison ou un édifice peuvent être utilisés sans que des travaux ne soient nécessaires dans l’immédiat. Cette catégorisation des bâtiments se fait grâce à une fiche répertoriant des critères à remplir pour qu’une construction soit accessible. Cette méthode permet de rendre plus efficace le travail des architectes de l’urgence mais aussi de leur permettre de justifier leur choix en cas de désaccord. Ces diagnostics sont vitaux dans la démarche des praticiens et dans le début du processus de reconstruction : ils permettent de définir quels bâtiments peuvent représenter un enjeu architectural dans les phases de reconstruction suivantes. De même, ils permettent de mettre en sécurité les populations, aspect essentiel du travail humanitaire selon Patrick Coulombel qui a fondé son association avec pour axe de travail la mise en sécurité des populations auxquelles elle vient en aide : « [L’architecte] effectue le diagnostic technique de la situation […] la sécurité étant le point fondamental de notre intervention41 ». Le rôle d’ingénieur des architectes de l’urgence ne se limite pas à l’évaluation de la situation, ils prennent part à la reconstruction, phase qui fait évidemment appel à des connaissances techniques. En effet, les habitats reconstruits ne doivent pas seulement répondre aux besoins des sinistrés, ils doivent les sécuriser en cas de nouvelle catastrophe. Ces constructions ont donc besoin d’être adaptées aux contraintes naturelles du site. Cette adaptation suggère une réflexion sur des systèmes de structures permettant de prévenir au mieux une éventuelle catastrophe : pilotis en cas de zones sujette aux inondations, structures solides sur les zones à fort potentiel sismique… Les populations sinistrées, quelles qu’elles soient, possèdent bien souvent leurs propres méthodes de construction, leurs systèmes de structure. Les architectes travaillent donc en 41

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.83 49


collaboration avec les sinistrés ou les professionnels locaux pour comprendre et connaître les techniques qui existent déjà et qui ne nécessitent parfois que quelques améliorations pour être optimales. Ce rôle d’ingénieur se fait donc en collaboration avec les sinistrés et témoigne d’un partage, d’un échange des connaissances entre architectes et populations locales. Au-delà de ces diagnostics et réflexions structurelles, les architectes de l’urgence sont donc également attachés à former les populations sinistrées. Cette formation permet d’assurer que les constructions réalisées suite à leur départ seront elles aussi faites dans une recherche de mise en sécurité. C’est uniquement une fois ces techniques constructives mises en œuvre et partagées avec les populations que les constructions pourront être considérées comme pérennes et permettront aux populations de s’y trouver en sécurité. Ainsi, une réflexion poussée des systèmes structurels et une transmission des connaissances techniques sont indissociables du processus de projet car ces aspects sont garants de la prospérité des habitats. Le projet de Land Arquitectos à Santiago au Chili (cf. Figure 9) est caractéristique de ce rôle d’ingénieurs que doivent jouer les architectes de l’urgence. Le projet d’école développé par les architectes a fait suite au séisme qui a touché la région de Santiago du Chili en février 2008. Les trois salles de classe imaginées par Land Arquitectos répondent aux contraintes climatiques et naturelles du site de par l’utilisation de matériaux et la mise en place d’une volumétrie appropriées42. Un débord de toiture permet d’ombrager les salles de classes et l’éclairement en façade est contrôlé par des persiennes orientables pour réguler la température à l’intérieur du bâtiment. Des fenêtres de toit accompagnent les ouvertures latérales 42

SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p. 85 Figure 9 : 1 : LAND ARQUITECTOS, Ecole, Santiago du Chili – Chili, 2008 / 2 : LAND ARQUITECTOS, Ecole, Schémas de concept, Santiago du Chili – Chili, 2008 50


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et apportent une lumière diffuse au sein de l’espace. Ces fenêtres permettent également de ventiler naturellement le bâtiment. Cette ventilation est associée à la ventilation de l’enveloppe du projet qui intègre une isolation ainsi qu’une lame d’air afin de maintenir une température constante dans le bâtiment et de gérer les fortes amplitudes thermiques du lieu. Enfin, la charpente en acier est renforcée en des points stratégiques afin de répondre aux normes parasismiques. Ce projet est donc représentatif des enjeux techniques auxquels les architectes doivent répondre afin de mettre en place une solution en adéquation avec les besoins des sinistrés tout en tenant compte des contraintes climatiques et naturelles. Cependant, les architectes espagnols n’ont pas intégré les populations locales dans la réalisation de ce projet. De même, les technologies utilisées ont été importées d’Europe43 et ne reflètent pas forcément les techniques constructives utilisées par les autochtones. Ce projet ne s’inscrit donc pas dans une démarche d’échange des connaissances, bien que répondant parfaitement aux contraintes du site. Cette particularité peut s’expliquer par le fait que l’école a été financée par la fondation Holcim, fondation engagée dans l’architecture durable et renouvelable. La mise à l’écart des sinistrés ne provient peut-être pas d’une volonté des architectes mais de la fondation elle-même qui a pu souhaiter que l’accent soit mis sur la durabilité de la construction, qui représente l’engagement de la fondation, et non sur l’intégration des populations dans le processus de reconstruction. De plus, le choix d’utiliser des systèmes constructifs venus d’Europe en donc des techniques peut être inconnues des locaux ne permettait pas forcément de les faire participer à la reconstruction. Ce projet est donc témoin du fait que l’intervention d’acteurs financiers peut être à l’origine de la réduction des capacités d’action des architectes, les poussant parfois à mettre de côté leurs volontés premières. 43

SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p. 85

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L’architecte de l’urgence : un urbaniste : Ce rôle de d’ingénieur assimilé à l’architecture d’urgence est en partie lié à une autre notion que suppose cette pratique de la profession : l’urbanisme. Ce rôle d’urbaniste, plus connu des architectes, permet de prendre en compte le fonctionnement de la ville et du tissu au sein duquel prend place le projet de reconstruction mais aussi des coutumes culturelles locales. L’intégration de ces éléments doit être au cœur de la réflexion du processus de reconstruction. Un projet ne peut être viable s’il n’intègre pas le fait que chaque population a des habitudes bien spécifiques en terme de morphologie et de typologie de ville. Espaces partagés, espaces intimes, lieux de rencontres… Chaque civilisation construit sa sociabilité autour et grâce à des espaces différents qui se doivent d’être reconstruits suite à une catastrophe afin d’assurer la pérennité du projet. Il s’agit donc pour les architectes de définir les espaces et leur type de façon précise pour mettre en place une organisation correspondant à la population à laquelle ils s’adressent et redonner à la ville sa morphologie d’origine tout en l’adaptant aux contraintes. « Il faut prendre garde à ne pas détruire, au nom de la reconstruction, les liens ténus mais fondamentaux que les gens ont tissés avec des lieux44 » déclare Hitoshi Abe, cofondateur de l’association Archi+Aid.. Cette analyse de l’architecte japonais symbolise son engagement dans la reconstruction participative, engagement qui guide les actions de son association et qui permet selon elle d’assurer la réussite d’une mission45. Les architectes de l’urgence au-delà de comprendre ces liens afin de les réintégrer dans les structures qu’ils conçoivent, doivent également collaborer avec les populations locales qui leur permettent de comprendre et de percevoir ces liens vitaux à leur reconstruction. De même, la prise en compte de l’échelle urbaine dans la démarche de projet permet de mieux penser la ville de demain et de ce fait, de 44

SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p.83, Propos de Hitoshi ABE 45

ARCHI+AID, About us, consulté le 17 décembre 2016, Disponible sur : archiaid.org 53


limiter les dégâts que pourrait causer une nouvelle catastrophe. Les architectes jouent un rôle majeur lors des reconstructions postcatastrophes. Au-delà d’aider les sinistrés, ils sont également capables de limiter les risques qu’une nouvelle catastrophe pourrait engendrer et donc de permettre aux sinistrés de ne plus revivre un tel drame. L’étude urbaine est donc primordiale car elle révèle les contraintes majeures du site : problème d’écoulement de l’eau, sécheresse de la terre… Une fois mises en exergue, ces contraintes sont prises en compte dans le projet urbain, le rendant cohérent avec le site. Les lieux de reconstructions sont donc choisis en portant une attention particulière à ce que les constructions ne deviennent néfastes pour le site. Par exemple, sur un site sujet aux inondations, les architectes feront en sorte de ne pas déranger l’écoulement de l’eau afin de ne pas favoriser les crues. « La catastrophe est révélatrice de villes reposant sur des fonctionnements de plus en plus complexes et interdépendants que les architectes de l’urgence doivent apprendre à prévoir, gérer et assumer46 ». Cette analyse ne peut cependant pas se faire sans l’intervention de la population ou de professionnels locaux qui sont familiers ou spécialistes du site. Ils sont ainsi capables de définir et d’analyser avec justesse les enjeux urbains et apportent aux architectes de l’urgence les clés de lecture du site. Clés que ces derniers, bien qu’ils possèdent des compétences en urbanisme, ne peuvent pas toujours finement analyser et comprendre ou assumer dans l’urgence.

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SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p.83 Figure 10 : 1 : SUGAWARA-HARADA, Schéma du projet urbain, Rikuzentakata – Japon, 2011 / 2 : SUGAWARA-HARADA, Village de Rikuzentakata – Japon, 2011 54


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Le projet de Sugawara-Harada à Rikuzentakata au Japon (cf. Figure 10) est caractéristique de ce rôle d’urbaniste que jouent les architectes de l’urgence. Le projet de ces architectes japonais visait à reconstruire quarante-quatre maisons temporaires de trente mètres carré chacune dans un village partiellement détruit par le tsunami de 2011. Le choix du site, sa division et la volumétrie des habitats ont été décidés préalablement à leur intervention. Les architectes devaient donc réfléchir à l’infrastructure et à l’implantation urbaines du projet. Dans une volonté de respecter au mieux le site, les architectes ont pensé l’implantation en fonction des infrastructures et des réseaux existants47. Cet axe de travail leur permettait d’utiliser au mieux les ressources du site mais aussi et surtout d’en respecter sa morphologie. Un aménagement paysager, pensé par les architectes, met en valeur le site et permet de créer des zones tampons entre les constructions et les plantations. Ces zones tampons permettent également de créer des espaces de convivialité qui confèrent au projet une ambiance de village, ce qui permet aux sinistrés de se reconstruire ensemble. Dans le but de conserver des espaces d’intimité, toutes les habitations ont été orientées de telle sorte que les habitants n’aient pas de vis-à-vis. Ce travail de Sugawara-Harada s’est donc fait suite à une étude du site, de ses contraintes et de ses spécificités afin de respecter au mieux le lieu tout en mettant au point un projet répondant aux contraintes naturelles. Ainsi, le projet s’inscrit dans son environnement en en utilisant les richesses et respecte les coutumes de la population locale. Ce traitement juste du projet, bien qu’il n’ait pas fait intervenir des professionnels locaux, peut s’expliquer par le fait que les architectes soient eux-mêmes japonais. Il convient de penser que ceux-ci sont à même de comprendre les coutumes d’une civilisation dans laquelle ils évoluent et donc de répondre au mieux aux enjeux urbains.

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SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p.84 56


L’architecte de l’urgence : un atout multiple : 48 Selon Marie Aquilino , théoricienne de l’architecture et spécialiste de la question de l’architecture d’urgence, la présence d’architectes sur le lieu d’une catastrophe est nécessaire car ceux-ci sont capables d’aborder le contexte sous différentes formes et à différentes échelles : architecturale, sociale ou encore scientifique49. Comme il l’a été démontré, les architectes de l’urgence sont capables de penser tant à l’échelle de l’habitat qu’à celle de l’habitant ou de la ville. Ils ont une vision d’ensemble sur le processus de reconstruction et sur l’ordre dans lequel doivent être entreprises les reconstructions. Ceci s’explique notamment par le recul qu’ils ont sur la situation en comparaison avec les sinistrés, mais aussi par leur expérience dans le domaine de l’urgence architecturale. Ils sont à même de voir sur le court comme sur le long terme afin de permettre une reconstruction rapide, totale et pérenne. Ainsi, en association avec les populations et spécialistes locaux et grâce à un partage des connaissances de chacun, ils peuvent mettre en place un projet durable et efficace au sein duquel chaque acteur apporte sa pierre à l’édifice. La présence des architectes est également un moyen de pallier les limites des autres organisations humanitaires présentes sur les lieux d’une catastrophe : « les architectes peuvent non seulement bâtir dans le cadre humanitaire mais avant tout introduire des compétences qui font défaut, notamment dans des phases de diagnostic et d’expertise, d’évaluation des besoins et des risques, de programmation, d’assistance à la maitrise d’ouvrage, de conseil aux populations. Soit l’ensemble des qualités mises en avant par la profession dans sa pratique courante50 ». Le rôle des architectes n’est plus simplement de penser l’habitat ou la ville de demain mais de 48

Vous trouverez en annexe 5 (page 148) des informations sur la formation de Marie Aquilino, son investissement dans l’architecture humanitaire ainsi que sur le dossier servant de support à ce mémoire « Architectes de l’humanitaire ». 49

AQUILINO J. Marie, SOLEZ Juliette, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p. 70 50

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 51 57


mettre leurs connaissances au service des populations et des acteurs locaux pour une reconstruction durable et fiable. Les architectes de l’urgence ne sont pas uniquement des architectes, ils sont des acteurs humanitaires aux multiples facettes dont les connaissances peuvent s’avérer essentielles sur le terrain. De par leur intervention, ils permettent donc de recentrer chaque ONG sur son domaine de compétences et ainsi permettent à chacun de travailler dans un domaine qui lui est propre et qu’il maitrise. Cependant, ce travail ne peut se faire sans la présence de professionnels locaux. En effet, les professionnels de l’architecture, même s’ils ne sont pas engagés dans l’humanitaire, sont présents dans le monde entier, y compris au plus proche des sites dévastés. Ceux-ci possèdent eux aussi des compétences en architecture, compétences essentielles aux architectes de l’urgence car ils connaissent le site et savent l’appréhender. Le travail des architectes de l’urgence, bien que vital et essentiel sur bien des points, ne peut être complet sans une collaboration avec les professionnels locaux.

C. UNE NOUVELLE IMAGE DE L’ARCHITECTE Au sein de la profession, l’intérêt pour l’architecture d’urgence augmente51 depuis plus d’une décennie. Ce nouvel entrain des architectes pour l’aide humanitaire permet de faire redécouvrir le métier d’architecte au travers d’une pratique particulière de la profession et tend à construire une nouvelle image de l’architecte. Il n’est pas question pour autant de dégrader l’image de l’architecte plus « commun ». Cette nouvelle image ne se construit pas en marge de celle que nous connaissons, elle tend simplement à transformer, à compléter et à mieux comprendre qui est et que fait l’architecte d’aujourd’hui au travers d’une pratique plus particulière de la profession. 51

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 43 58


Cette nouvelle image construite par les praticiens de l’architecture d’urgence est notamment due aux nouveaux rôles que joue l’architecte d’urgence. « On pense qu'il faut qu'on dessine des choses, mais en fait ça n’est pas le cas52 ». Au-delà du rôle de « bâtisseur » qui est habituellement associé à l’image courante des architectes, les architectes de l’urgence voient leur profession devenir pluridisciplinaire en s’appropriant des domaines qui leur sont plus ou moins habituels. Bien que l’architecte « traditionnel » multiplie lui aussi les rôles (architecte, ingénieur, urbaniste…), les facettes des architectes d’urgence sont pour certaines plus éloignées du domaine de compétence des architectes. Evaluation des besoins, formation des populations, mise en place de collaborations avec des partenaires locaux, évaluation des risques, mise en place de mesures pour assurer la sécurité des populations, soutien psychologique… sont autant de rôles auxquels les architectes urgentistes se doivent de répondre. Le capacité d’écoute dont doivent faire preuve les architectes de l’urgence confère au métier une dimension plus humaine que celle qu’on lui connaît habituellement. Du fait de cet aspect de la profession, les architectes de l’urgence sont perçus comme des personnes proches des sinistrés, qui prennent en compte les gens pour lesquels ils travaillent et qui considèrent leurs réalisations comme une aide à des personnes désœuvrées et non comme un projet en soi. Selon Patrick Coulombel, les projets d’architecture d’urgence ont pour but « d’aider les populations touchées, quelles qu’elles soient53 ». En appuyant son propos par « qu’elles qu’elles soient », le président d’Architectes de l’Urgence démontre que l’aide humanitaire architecturale ne fait pas de distinction entre les différentes populations auxquelles elle vient en aide. Ceci constitue donc une différence avec l’architecte « traditionnel » qui, pour sa part (bien que cela ne soit pas toujours applicable) choisit bien souvent les 52

GENOT Xavier, Logement et abris, tradition, résilience et aide humanitaire – L’exemple du Vanuatu 6 mois après le cyclone, ENSAS, 27 octobre 2015 53

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.45 59


clients pour lesquels il travaille ou à défaut les projets auxquels il répond. L’architecture d’urgence est révélatrice d’une spécificité de la profession d’architecte : la prise en considération de l’Homme et de l’aide à apporter aux populations sinistrées. Cette particularité de l’architecture d’urgence et l’importance qui lui est donnée induisent une nouvelle image de la profession : les architectes de l’urgence donnent une plus grande importance au coté social de leur métier ; ils sont soucieux du bien être de leur « commanditaires » de part le rapport humain qu’ils entretiennent avec les sinistrés. Le journaliste Vincent Nicolas, spécialisé dans l’architecture, confère aux praticiens d’urgence une autre qualité : la générosité. « Cette générosité est d’autant plus remarquable si l’on songe que, parmi toutes ces maisons sinistrées diagnostiquées, aucune n’a probablement été conçue par un architecte54 ». En effet, l’architecte d’urgence agit pour des personnes qui n’ont bien souvent jamais fait appel à ses connaissances. Cet altruisme n’est bien évidemment pas propre qu’aux architectes d’urgence, il est commun à toutes les professions de l’aide humanitaire. Les architectes ne parlent cependant pas de leur métier en ces termes. Pour eux, il n’est pas question de générosité mais d’un engagement, d’« une réelle volonté d’agir avec ses capacités professionnelles, pour les gens qui en ont besoin55 ». Les architectes de l’urgence ne se définissent donc pas comme les théoriciens qui les étudient. Ils voient leur mission comme une vocation, une volonté de se rendre utile, et non l’écho d’une générosité. L’aide humanitaire dévoile également un autre aspect de la profession : « il paraît nécessaire d’offrir sa disponibilité pour une période assez longue et sans compter les jours, les heures, ni l’argent…56 » explique le président d’Architectes de l’Urgence, 54

VINCENT Nicolas, « Architectes de l'urgence », in D’Architectures, no125, novembre/décembre 2002, p.19 55

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.144 56

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Idem


engagée depuis 2001. Le métier d’architecte est déjà bien connu comme étant une profession où l’on ne compte pas ses heures. L’architecture d’urgence tend à mettre l’accent sur cette particularité. Les missions humanitaires architecturales sont bien évidemment imprévisibles et supposent une disponibilité immédiate et totale. Les praticiens doivent donc être capables de mettre leur vie entre parenthèses et ce sans délai dès lors qu’une catastrophe a lieu. Cette nouvelle image est donc révélatrice des concessions que les architectes urgentistes doivent faire pour mener à bien leurs missions. Cette image plutôt positive des architectes n’est pourtant pas toujours celle que peut porter sur eux le public. Dans l’imaginaire collectif, ces derniers sont souvent vus comme des personnes à la recherche de projets toujours plus imposants et toujours plus rentables. Cette représentation du métier n’est pas seulement portée par les personnes extérieures au milieu architectural. Certains architectes sont conscients de l’image dégradée que leur profession peut parfois renvoyer et tentent de faire prendre conscience que tous les acteurs de la profession ne pensent pas de cette façon. Shigeru Ban, acteur majeur de l’architecture d’urgence, déclarait lors de l’une de ses conférences : « Nous sommes trop occupés à travailler pour les privilégiés57 ». L’architecte japonais sous-entend que les architectes sont trop occupés à entreprendre des projets grandioses qui les propulseront sur l’avant de la scène architecturale pour penser aux projets plus humbles, qui sont pourtant révélateur de ce pourquoi l’architecte travaille : l’Homme. Cette phrase de Ban est paradoxale : bien que ce dernier soit très investi dans l’architecture humanitaire et à l’origine de nombreuses avancées dans le domaine, il continue à exercer dans le domaine public ou privé, travaillant bien souvent pour de riches commanditaires ou pour de grands projets publics. De même, certaines de ses réalisations d’urgence, telle que la cathédrale provisoire à Christchurch en 2011, ne se font pas toujours l’écho de la pratique de l’architecture d’urgence. Cependant, le problème 57

BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 61


soulevé par Ban tend à démontrer que l’architecture d’urgence peut être un moyen de re-contextualiser l’architecture, de recentrer la profession sur son intérêt originel et de donner à voir ce pour quoi les architectes travaillent réellement. Les rôles d’urbaniste et d’ingénieur étudiés précédemment sont plus communs aux architectes. Ainsi, ils ne construisent pas une nouvelle image mais permettent de mettre en lumière les connaissances des architectes, métier si commun et pourtant parfois méconnu. L’architecture d’urgence tend donc à révéler les multiples facettes que jouent les architectes tant dans la pratique de l’urgence que dans celle plus commune. Elle permet également de juger les architectes sous un nouvel angle. Cette pratique de l’architecture pourrait être à l’origine d’un changement d’appréciation voire de vision concernant la profession d’architecte et la façon d’exercer ce métier. De même, cette nouvelle image permet de mettre en lumière l’intérêt et la considération que portent les architectes envers les personnes avec et pour qui ils travaillent. Au-delà de la découverte d’une nouvelle facette de l’architecte, il s’agit donc véritablement d’une nouvelle image de la profession qui mêle « compétence professionnelle, qualités humaines fortes, solidité psychologique et efficacité et cela dans un contexte très souvent extrêmement dur58 ». Cette description du métier d’architecte de l’urgence par Patrick Coulombel prouve la complexité du travail des architectes de l’urgence mais surtout, leur capacité à savoir gérer différentes problématiques dans un contexte pénible. La pratique de l’architecture d’urgence permet de découvrir « une forme d’éthique de l’action architecturale59 ». De par son action, l’architecture d’urgence tend effectivement à redécouvrir l’éthique de la profession. Cependant, le monde l’humanitaire peut aussi 58

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.71 59

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 45 62


connaître la corruption, bien que celle-ci ne soit pas directement liée à la pratique de l’architecture. L’ensemble de la sphère humanitaire se voit touchée par les déboires qu’ont pu connaître certaines missions. Dans l’imaginaire collectif, cette aide représente un seul et même groupe opérant sur plusieurs domaines. Ainsi, si l’une des professions est entachée, c’est bien souvent l’ensemble tout entier qui se trouve jugé. Les actions humanitaires représentant des aspects financiers et politiques importants, certains acteurs, qu’ils soient, politiques, militaires, humanitaires ou sinistrés, profitent parfois de la situation de crise. Finalement, cette nouvelle image de l’architecte que peut construire l’architecture d’urgence se doit d’être entretenue.

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II. DE L’IMPORTANCE DE LA MEDIATISATION

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Les différentes méthodes de travail des architectes de l’architecture d’urgence et les diverses professions qu’elles supposent sont à l’origine de la création d’une nouvelle image de l’architecte. Cependant, pour exister, celle-ci doit être médiatisée. En effet, sans cette étape, cette nouvelle image ne peut avoir un réel impact et servir la pratique de la profession. Ainsi, les architectes de l’urgence tendent à développer la médiatisation de leur profession au moyen de différents supports. A ce développement s’ajoute l’entrée en jeu de nouveaux acteurs – analystes, artistes ou étudiants – qui permettent de diffuser plus largement encore cette pratique de la profession et ainsi de la refaire connaître. La médiatisation se définit comme le « processus complexe résultant de l’interaction entre divers acteurs collectifs et individuels et aboutissant à la présence d’un sujet dans les médias de masse60 ». Lorsqu’il s’agit d’architecture d’urgence, les acteurs collectifs et individuels qui interagissent sont alors les architectes de l’urgence et les sinistrés auxquels ils viennent en aide. La présence de ces interactions dans les médias est issue de la diffusion faite par les praticiens à la suite de leurs missions de terrain dans un premier temps, puis de celle des nouveaux acteurs entrant en jeu (analystes et artistes) dans un second temps. Cette partie explore les différents supports qui existent aujourd’hui dans la médiatisation de l’architecture d’urgence afin d’en définir ses enjeux et aboutissements. Pour mener à bien cette étude, différents supports ont été étudiés : articles, conférences, livres, expositions, workshops. Le choix des éléments s’est fait dans le souci de représenter au mieux le panel des supports existants et utilisés par les différents acteurs de la médiatisation de l’architecture d’urgence. Pour les expositions, ce choix a également été guidé par la volonté de servir au mieux le propos. De prime abord, une exposition ne semblant pas être un élément de médiatisation évident, leur choix a été fait afin que celles-ci puissent mettre en exergue les points étudiés dans le développement et permette de démontrer qu’elles peuvent 60

BONNAFOUS Simone, « La médiatisation de la question immigrée : état des recherches », in Études de communication 22, 1999, p.60 67


être d’importants supports pour la médiatisation. Pour chaque source ont été étudiés le contexte dans lequel s’est développé l’élément (date, lieu…), son auteur (implication dans l’architecture humanitaire, profession, point de vue concernant l’architecture d’urgence, missions éventuellement effectuées…), les thèmes abordés et enfin ses enjeux (public visé, message, but recherché…)61. Cette étude a permis de faire ressortir deux méthodes du processus de médiatisation : la diffusion et la communication. De même, elle a permis de dégager trois types d’acteurs : les praticiens (architectes œuvrant sur le terrain), les analystes (journalistes, théoriciens et architectes n’œuvrant pas sur le terrain) et les artistes. Cette partie s’intéressera tout d’abord à la quête de séduction d’un nouveau public que suppose la diffusion de l’architecture d’urgence, première méthode du processus de médiatisation. En effet, cette diffusion fait intervenir différents acteurs dont chacun utilise un support qui lui est propre. Les supports de cette médiatisation tendent donc à devenir plus accessibles et permettent d’ouvrir l’architecture d’urgence à un plus large public. Seront donc rattachées à cette partie toutes des sources qui visent à élargir le public touché par l’architecture d’urgence. Nous nous intéresserons ensuite à la deuxième méthode du processus de médiatisation : la communication. Cette méthode vise à donner une image bien spécifique de la profession au travers de l’utilisation de nouveaux supports de médiatisation par les praticiens ou par la construction de figures de proue par les analystes. Cette partie regroupera donc les sources donc le but est de diffuser un message, de le transmettre au travers d’une méthode visant à donner une image particulière de l’architecture. Enfin, nous étudierons le partage des savoirs que suppose la médiatisation. En effet, chaque acteur met en exergue des points importants de la pratique de l’architecture humanitaire dans la diffusion ou la communication qu’il met en place. L’intervention de 61

Vous trouverez en annexe 6 (page 150) le tableau recueillant l’intégralité de données recueillies par cette étude. 68


multiples acteurs permet donc de révéler des connaissances et parfois même des solutions pouvant servir la pratique de terrain.

A. LA DIFFUSION COMME QUETE SEDUCTION D’UN NOUVEAU PUBLIC

DE

La première phase du processus de diffusion : Dans un premier temps, la diffusion de l’architecture d’urgence est faite par les praticiens. Ils en constituent donc les premiers émetteurs. La légitimité de ces architectes de l’urgence est fondée sur leur grande expérience de terrain, leur ancienneté dans le corps architectural et les responsabilités qu’ils ont dans ce domaine. Les informations utilisées a posteriori par les récepteurs de cette première phase de diffusion, les analystes et artistes, proviennent bien souvent des publications qu’ils font à la suite de leurs missions (cf. Figure 11)62. Depuis quelques années, les praticiens font apparaître de nouveaux types de diffusion. Ils ne se contentent plus de relater des faits mais mettent véritablement en scène leurs expériences de terrain. Ils développent de plus en plus de supports qui ne relatent plus seulement des faits parfois peu faciles à se représenter pour le lecteur. On assiste alors à une recherche d’esthétique de la narration dans laquelle l’action humanitaire est ponctuée d’anecdotes, de tranches de vies partagées entre les différents acteurs présents sur le terrain, de ressentis du narrateur. L’architecte devient le personnage principal de son récit, récit au sein duquel les différentes actions qu’il a pu mener sont exposées de façon romancée, imagée. De même, les

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Les récepteurs de la diffusion faite par les praticiens peuvent être composés d’analystes, d’artistes mais aussi de personnes lambda. De ce fait, certains récepteurs sont ici volontairement représentés par des silhouettes noires. 69


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sinistrés ne sont plus décrit uniquement comme des personnes lambda et sans particularité : « Au fil des jours, les Algériens se mettent à revivre, à se parler : quelque part, le séisme les a rapprochés les uns des autres63 ». Ici, Patrick Coulombel nous dévoile un aspect plus humain et plus intime de la mission qu’il vit : les interactions humaines, sans pour autant délaisser la raison pour laquelle il est sur place : la catastrophe naturelle. Il ne s’agit plus simplement de sinistrés mais de personnes qui interagissent et tentent de se remettre ensemble d’une catastrophe qui leur a tous pris. Il n’est donc plus uniquement question d’architecture mais également de l’Homme. Ces apartés qui ponctuent le récit tendent à prendre une place majeure, jusqu’à devenir le fil conducteur du support. Le public est spectateur d’une histoire et non plus d’un simple retour d’expérience visant à faire prendre conscience d’une réalité de terrain, d’une pratique de la profession. Ce type de diffusion permet de relater l’image que les architectes ont de leur travail, de faire partager la réalité de leur pratique professionnelle mais aussi la façon dont ils la vivent. Il convient donc de penser que c’est là l’objectif recherché par les praticiens au travers de ces supports originaux. Leur diffusion est faite dans une pleine conscience de l’impact que la lecture aura sur les lecteurs. Le but n’est plus de choquer mais de romancer pour s’ouvrir à un public plus large. L’apparition de récits de vie dans les supports de diffusion des architectes de l’urgence peut s’expliquer par la volonté des praticiens de développer les missions sur le long terme et non plus se limiter à l’urgence64. Ainsi, les missions s’allongent et les praticiens partagent plus de temps avec les sinistrés et les acteurs présents sur le terrain. De même, les architectes tentent de travailler de plus en plus avec les sinistrés, de leur donner une place majeure dans le processus de reconstruction. De ce fait, le lien qui unit architectes et sinistrés tend 63

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.93 64

Nous étudierons plus longuement ce point dans la partie suivante du développement. 71


à devenir plus fort ; ils partagent une vie quotidienne. A leurs retours de missions les architectes de l’urgence peuvent donc d’avantage mettre en avant des tranches de vie partagés sur le terrain au moyen de retours d’expériences romancés. Tout comme pour leurs livres, les architectes tendent lors de leurs conférences à enrichir leurs présentations d’anecdotes, d’images de la vie quotidienne qui rendent les personnages vivants, réels. Il semble évident que les sinistrés sont bel et bien de véritables personnes, cependant, les spectateurs peuvent parfois oublier cela si les exposés sont trop distants de la réalité du terrain. Lors de sa conférence sur le Vanuatu, Xavier Génot a mis en place cette forme de diffusion où l’accent est porté sur l’importance des rapports humains. « La coordination c’est ça : c’est des gens, une équipe. Ça c’est une photo de quand je suis parti. Il y a Ryan, Andrew […] et là c’est Dick Able. Cette personne est absolument incroyable, c’est le premier architecte du Vanuatu depuis son indépendance et on l’appelle « Able » parce qu’il est vraiment capable, il gère tout à la fois65 » dit-il en montrant une photographie de son équipe entre deux diagrammes. Grâce à cette photographie, Xavier Génot fait entrer les spectateurs dans le monde dans lequel il a vécu. Il rend ses propos vivants, il permet au public de mettre des visages sur les noms. De même, lors de la présentation du site, l’architecte déclare : « il y a des plages, on peut surfer, et puis il y a du café. Et je pense que c’est le meilleur café du monde. Si vous en trouvez, n’hésitez pas, achetezle !66 ». Cette phrase, illustrée par un habitant du village montrant fièrement son café, plonge le spectateur dans la réalité de l’expérience vécue par l’architecte, dans la réalité de la vie sur le terrain. Le public ne se concentre plus uniquement sur la catastrophe naturelle qui fait l’objet de la conférence mais développe un nouvel angle d’attaque de l’architecture d’urgence : les spécificités du pays, 65

GENOT Xavier, Logement et abris, tradition, résilience et aide humanitaire – L’exemple du Vanuatu 6 mois après le cyclone, ENSAS, 27 octobre 2015 66

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Idem


les rapports humains que suggère cette pratique du métier. Il est alors possible de comprendre l’action de l’architecte et d’entrer dans le monde de l’architecture d’urgence sans que des connaissances du métier soient nécessaires ; il n’est plus question de termes techniques mais de l’essence de l’action, de ses spécificités, des interactions qu’elle suggère. La deuxième phase du processus de diffusion : Les analystes et artistes constituent les récepteurs de la diffusion faite par les architectes. Ils étudient ce que les praticiens ont pu dire, faire, exprimer, les difficultés qu’ils ont pu révéler ou encore les questions qu’ils soulèvent lors de leurs retours d’expériences. Suite à cette étude, ils tentent d’en déduire des solutions ou de soulever de nouveaux questionnements au travers d’un article ou dossier, souvent publiés dans une revue spécialisée. Ces acteurs deviennent alors de nouveaux émetteurs de la médiatisation : ils propagent des connaissances, des idées grâce à de nouveaux supports et donc au sein d’un plus large public. Ces acteurs proviennent de domaines différents : théoriciens de l’art ou de l’architecture, journalistes, artistes… De ce fait, leurs points de vue sont parfois différents de ceux des architectes ; ils ne mettent pas en valeur les mêmes enjeux ou questions car, loin de la réalité de terrain, leur approche théorique les guide vers des considérations plus politiques ou économiques. Leur engagement se fait généralement suite à une rencontre avec un acteur de l’architecture d’urgence ou par intérêt pour le domaine du fait de leur profession (théoricien de l’architecture notamment) (cf. Figure 12). Cette deuxième étape de diffusion faite par les analystes et artistes peut parfois induire une boucle dans le processus de médiatisation. Les articles écrits par les analystes et certaines expositions étant faits sans l’intervention directe des architectes de l’urgence, ceux-ci peuvent devenir des récepteurs de la médiatisation dont ils ont été les premiers diffuseurs.

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Les analystes ont un point de vue riche car nourri par des expériences diverses et variées dans le domaine de l’architecture ou de l’art ou encore des connaissances dans des domaines liés à l’aide humanitaire (médecine, ingénierie…). Parfois, leur point de vue est seulement nourri par un intérêt pour cette pratique, rendant leur discours plus distant de la réalité du terrain mais tout aussi intéressant car ils peuvent dégager de nouveaux points de vue, en marge de ceux des praticiens. Leur légitimité se base donc sur une connaissance théorique du domaine contrairement aux praticiens qui, eux, ont une expérience de terrain. Les supports utilisés par ce groupe d’acteurs sont beaucoup plus communs que ceux des architectes. Ce sont essentiellement des articles de revues spécialisées ou de journaux, des retranscriptions d’interviews associées à une analyse des données recueillies ou encore des dossiers. Le point de vue se fait donc toujours au travers du prisme journalistique. L’utilisation de ce type de diffusion permet, comme ceci a été évoqué précédemment, d’élargir le panel de lecteurs. Bien que majoritairement publiés dans des revues spécialisées, ces articles ou entretiens peuvent paraître dans des périodiques voire même des quotidiens généralistes ne traitant pas uniquement d’architecture. Ainsi, parfois associées à de belles images de projets d’habitats d’urgence, ces publications sont faites dans le but de séduire le lecteur plus qu’un livre de praticien ne le pourrait. De plus, ces dossiers ou autres articles sont un moyen de transmettre les idées des praticiens avec un vocabulaire plus intelligible pour le grand public, moins ésotérique. Le lecteur peut alors plus facilement se représenter et comprendre le message ou la question transmis par le support. Les artistes travaillent quant à eux souvent en collaboration avec des acteurs de l’architecture d’urgence. Ils montent alors une exposition qui ne se veut pas forcément en lien avec une mission particulière mais plutôt avec un angle d’attaque, une problématique spécifique de la pratique de l’architecture d’urgence. La coopération entre artistes et architectes, si elle existe, se fait généralement dès les prémices de l’exposition : l’artiste fait le choix de la thématique, du 75


sujet traité puis se tourne vers des architectes et autres artistes pour mettre au point son exposition. Praticiens et artistes appelés permettent alors de rassembler des documents de tous types (photographies, plans, sculptures, modules, maquettes, vidéos…) qui serviront à faire passer le message défini par l’artiste. « Sublime. Les tremblements du Monde. »67, exposition qui a pris place au Centre Pompidou-Metz en 2016, été conduite par l’artiste Amy Balkin (cf. Figure 13). Cette photographe américaine a choisi de regrouper les travaux de nombreux architectes tels que Superstudio ou Shigeru Ban et d’artistes en tous genres : photographes, sculpteurs, scénaristes… Le message originel de cette exposition était ainsi porté par Amy Balkin qui a retranscrit son point de vue au travers d’une mise en scène de projets d’architectes et d’artistes. L’exposition mêlait donc des supports plus ou moins proche de l’architecture : de la photographie à la maquette en passant par la bande audio, les sculptures monumentales ou les planches de projets. Art contemporain et architecture fusionnent, s’entremêlent, se répondent, pour faire surgir un nouvel angle d’attaque, une nouvelle lecture de l’architecture d’urgence. Il est alors possible de porter un regard neuf sur le sujet, d’analyser et de transmettre de façon différente. Tout comme l’introduction de parties romancées dans les retours d’expériences des praticiens, ces nouveaux supports permettent de rendre le spectateur acteur de l’expérience qu’il vit. Le message dont les supports se veulent être porteurs n’est plus guidé par des propos précis mais laissé à la libre interprétation de chacun.

67

Sublime. Les tremblements du monde, Centre Pompidou Metz, Metz, 11 février – 5 septembre 2016 Vous trouverez en annexe 7 (page 152) des informations Amy Balkin, l’artiste à l’origine de l’exposition, ainsi que sur l’exposition elle-même. Figure 13 : 1 : GOIRIS Geert, Mammatus, 2010 / 2 : PENONE Giuseppe, Souffle de feuilles, 1979 / 3 : Exposition Sublime. Les tremblements du monde., Partie « Alternatives », Salle « Bulles, capsules : l’utopie confinée », Centre Pompidou-Metz, 2016, Photo : Christine Hall / 4 : KAWAMATA Tadashi, Under the Water, 2016, Photo de l’auteur / 5 : LAZZARETTO Maurizio et MELITOPOULOS Angela, Two Maps, 2012 76


77


L’architecture se métamorphose pour permettre à chaque visiteur de réfléchir sur le sens de chaque objet et ainsi d’en définir un message. L’exposition « Habiter le campement »68 au Palais de Chaillot à Paris, permettait aux visiteurs, tout comme l’exposition précédente, de passer d’un support à un autre mais aussi d’une ambiance à une autre (cf. Figure 14). Dans la première partie, les visiteurs pouvaient visionner une projection de cartes du monde dépeignant l’état actuel de l’architecture humanitaire. Cette partie, plongée dans le noir, était une introduction à l’exposition permettant de comprendre le contexte de l’architecture d’urgence. Ensuite, des planches de croquis d’abris d’urgence de tous types menaient à un labyrinthe représentant des photos de camps d’urgence et exposé sur des échafaudages semblant symboliser la construction temporaire. Ce labyrinthe était divisé en six parties dont le choix avait été fait par des anthropologues, des géographes et des sociologues : nomades, voyageurs, contestataires, conquérants, infortunés, exilés. Cette séparation en six groupes avait pour objectif de mettre en relation des habitats d’urgence nés d’un même contexte et enfin de les confronter. Elle permettait aussi de comprendre la façon dont peut être investi un campement. Cette partie de l’exposition était également associé à une scénographie mêlant bruits sourds et lumières, Tangente par le collectif 1024. Cette installation permettait de « réveiller et retranscrire, de manière sensible, des accidents, sensations et émotions que l’on peut vivre et ressentir en situation de campement »69. Elle déstabilisait le lecteur70 et lui permettait

68

Habiter le campement, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris, 13 avril – 29 août 2016 Vous trouverez en annexe 8 (page 154) des informations sur cette exposition et sa commissaire, Fiona Meadows. 69

Collectif 1024

70

Idem

Figure 14 : 1 à 4 : Photos de l’auteur, Exposition Habiter le campement, Paris, 2016 78


79


d’interpréter différemment les planches visionnées. Au terme de cette partie, un atelier de construction d’abris d’urgence entouré de salles dans lesquelles étaient retransmises des interviews ou des conférences d’acteurs de l’architecture d’urgence prenait place. Ces changements d’ambiance donnaient une nouvelle dimension à l’exposition. Le spectateur pouvait choisir le support, l’ambiance qui lui parlait le plus, celui auquel il était le plus sensible et réceptif. De ce fait, cette exposition ouvrait l’architecture à un public plus large ; tout en parlant d’architecture au travers de supports plus compréhensibles pour les novices, l’exposition introduisait une dimension artistique de par sa scénographie particulière. Cette exposition était l’occasion pour le visiteur de s’immerger dans un campement grâce à tous les sens mis en éveil par la scénographie. Au-delà d’une simple réflexion, il s’agissait donc également d’une véritable mise en situation. Cette deuxième phase de diffusion faite par les analystes peut ainsi être assimilée à une vulgarisation de la médiatisation de l’architecture d’urgence. Bien que l’intérêt soit de diffuser un message parfois identique à celui des praticiens, celui-ci est transmis au travers de supports plus intelligibles. Les termes sont moins techniques et spécifiques afin que le support puisse s’ouvrir aux personnes non initiées à l’architecture d’urgence.

B. LA COMMUNICATION COMME FABRIQUE D’UNE IMAGE SPECIFIQUE Au-delà de la diffusion, la communication prend aussi une place majeure dans le processus de médiatisation de l’architecture d’urgence. La communication se caractérise par le fait, pour une personnalité, un organisme, une entreprise, de se donner une image

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spécifique vis-à-vis du public71. Il ne s’agit donc plus de relater des faits mais de les utiliser pour construire l’image voulue de l’architecture d’urgence. Ainsi, au travers de la diffusion faite par les différents acteurs, des méthodes de communication sont mises en place pour donner une image bien spécifique de l’architecture d’urgence. Tout comme les supports de la diffusion, ces supports ou techniques de communication ont également pour but de transmettre des connaissances sur l’architecture d’urgence. Cependant, ces savoirs sont inculqués de telle sorte que le lecteur, le spectateur ou le participant sont amenés à penser et agir selon une volonté spécifique. Les expositions, bien qu’elles aient été définies auparavant comme des modes de diffusion de par leur capacité à élargir le public visé, peuvent également être définies comme des supports de communication. En effet, l’art est une notion ambiguë. Si les œuvres ne tendent pas à donner une seule et unique interprétation de ce qu’elles représentent et du message dont elles sont porteuses, elles ont pourtant une forme, une couleur, une taille, un type de support qui traduit la pensée et le point de vue de l’artiste qui les a créés. Chaque œuvre est donc une représentation parmi tant d’autres d’une idée. De ce fait, les expositions étudiées peuvent également apparaître comme des formes de communication. L’artiste à l’origine de chacune des expositions a choisi les œuvres qui y sont exposées, a déterminé leur place et a donc mis en œuvre un cheminement intellectuel visant peut-être à guider les spectateurs vers son point de vue, son interprétation de la question à laquelle veut répondre l’exposition. De par sa subjectivité, l’art peut donc difficilement être catalogué comme diffusion ou comme communication, il semblerait qu’il soit les deux à la fois. Cette communication peut également se faire par les praticiens. Audelà des méthodes de narration particulières utilisées par ces 71

« Communication », Larousse, 2016, Paris 81


derniers, se développent de nouvelles formes de communication au sein desquelles le public est l’acteur premier : les workshops. Lors de ces ateliers, les participants deviennent de véritables architectes de terrain ; ils ne sont plus passifs mais acteurs de la transmission. Lors du workshop « L’abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo »72 qui s’est déroulé à l’ENSAS les 9 et 10 juin 2016, les participants – des étudiants en architecture majoritairement73 – ont été amenés à construire des abris sous couvert d’une histoire inventée par les organisateurs, des praticiens de l’architecture d’urgence ou architectes (cf. Figure 15). Chacun des étudiants représentait un habitant du quartier, quartier qui avait été dévasté par un séisme. Par groupe de cinq, avec un stock de matériel donné et dans un laps de temps limité, il leur fallait construire des abris leur permettant de passer la nuit et pouvant accueillir tous les « sinistrés » du groupe. Il n’est donc plus question de relater des faits mais de les faire vivre, de leur donner une dimension spectaculaire, de faire prendre conscience aux participants des difficultés qui peuvent se présenter sur le terrain, des collaborations à mettre en place pour réussir, des choix qu’il faut être capable de faire dans l’urgence… Tous ces artifices mis en place permettent d’immerger les participants au mieux dans un contexte d’urgence. Le but recherché est de donner une image bien spécifique du travail de terrain des architectes de l’urgence. La communication de l’architecture d’urgence vise donc à séduire le lecteur, le spectateur, le participant. Tout en jouant un rôle, il est immergé dans la réalité du terrain, ses difficultés et devient l’acteur de cette histoire. Shigeru Ban utilise lui aussi une méthode qui lui est propre pour communiquer sur l’architecture d’urgence. Du fait de sa réputation dans le domaine de l’architecture tant d’urgence que plus courante, 72

Vous trouverez en annexe 9 (page 156) des informations sur ce workshop, ses objectifs et les personnes qui en sont à l’origine. 73

Une étudiante du lycée Le Corbusier de Strasbourg était également présente.

Figure 15 : 1 à 5 : Abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo, ENSA de Strasbourg, 2016, Photos : ENSAS 82


83


il s’accorde, lors de ses conférences, qu’elles soient ou non destinées à cela, à relayer ses missions d’urgence. Il y expose à la fois des habitats d’urgence et des maisons individuelles. En conséquence, les spectateurs présents, qu’ils soient ou non venus par intérêt pour son travail dans l’humanitaire, sont confrontés à la question de l’architecture humanitaire. Lorsque l’architecte relate les missions auxquelles il a pris part, il utilise là encore une technique bien particulière. Lors de sa conférence « Works and humanitarian activities »74, l’architecte a choisi, contrairement à ses confrères, de ne pas exposer les faits par ordre chronologique mais selon le déroulé des méthodes de construction et de travail qu’il utilise. Ainsi, c’est seulement après avoir expliqué son point de vue sur la façon dont doivent être pensés les habitats d’urgence et la technique qu’il utilise que l’architecte en vient à montrer ses projets. Porteur d’une réflexion particulière sur la mise en place de structures simples et efficaces depuis ses débuts, Ban les met en avant dans son exposé. Les projets et les propos sont donc souvent illustrés au travers de détails ou de photographies de structures permettant à l’architecte de relater largement la rapidité et la facilité de mise en œuvre dont font preuve ses habitats sans pour autant être simplistes. De même, il insiste sur le fait que le choix de chacune des formes de ses projets d’urgence est induit par un aspect pratique. Par exemple, il explique que la forme ronde de la salle de concert créée à L’Aquila en Italie suite au séisme de 2011 n’est pas choisie par souci esthétique. Ajoutée à une variation du diamètre des tubes de carton, cette forme permet une meilleure acoustique au sein du bâtiment. Enfin, portant un intérêt particulier pour l’utilisation de matériaux locaux, l’architecte insiste sur le choix des matériaux de chacun de ses projets et leur intégration dans le patrimoine et la culture constructive locale. La méthode de travail et les concepts de l’architecte, fondements de son architecture, sont ainsi toujours mis en évidence lors de ses conférences. C’est d’ailleurs cette même 74

BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 84


méthode qui est à l’origine de sa réputation sans égale dans le domaine de l’architecture d’urgence. La médiatisation de Ban, qui n’est pourtant pas toujours destinée à cela, permet de mettre en avant l’architecture d’urgence lors de ses apparitions. Il en vient même à mixer sans se cacher ses deux vies professionnelles dans les titres de ses conférences « Works and humanitarian activities »75. Il ne tient pas à dissocier ses travaux humanitaires de ses travaux plus « classiques », ce qui fait de la méthode de communication de l’architecte un véritable moteur pour l’avancée de la pratique qui peut à tout moment servir la cause de l’architecture d’urgence lors de ses apparitions. La communication de l’architecture d’urgence se fait également au travers de l’émergence de figures de proue. Les auteurs de cette communication sont essentiellement les analystes qui, à travers leurs publications, font émerger voire exemplifient certaines démarches ou certains projets. Ces architectes « stars » que font naitre les analystes sont bien souvent des architectes qui ont exercé, ou exercent encore, dans le domaine public ou privé, et qui ont choisi d’œuvrer pour la cause de l’architecture d’urgence. Ils jouissent donc déjà pour la plupart d’une réputation nationale voire mondiale, bâtie sur des projets souvent antérieurs à leur engagement humanitaire. Au-delà de « stars » dont la notoriété sert ensuite l’architecture d’urgence, ce sont parfois des projets qui deviennent « phares ». Ce sont essentiellement des projets qui permettent de mettre en avant des solutions innovantes dans le domaine de l’architecture d’urgence. Ils peuvent également être à l’origine de solutions à des problèmes récurrents du terrain. Ils sont donc eux aussi déterminants dans l’avancée de l’architecture d’urgence et d’une aide précieuse pour les

75

BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 85


1 2

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Figure 16 : Les Paper Log Houses : une architecture exemplaire


futures missions. Ces architectes « stars » et leurs projets représentent donc un fort potentiel de visibilité pour l’architecture d’urgence car ils permettent de mettre en lumière des réalisations de cette pratique de l’architecture. Ils sont donc des diffuseurs de premier choix. Shigeru Ban est l’exemple le plus parlant de la mise en place de cette communication par les analystes. Ce praticien japonais est devenu l’architecte le plus connu de ceux engagés dans l’architecture d’urgence grâce à ses Paper Log Houses (cf. Figure 16). Ses travaux humanitaires ne portent pas pour autant uniquement sur le logement. Il s’intéresse également aux équipements ou même à l’urbanisme des zones sinistrées76. Cependant, ce sont bel et bien ces maisons qui lui ont permis de devenir une personnalité majeure de cette pratique de l’architecture. Les articles et autres livres qui ont été écrits sur le travail de Ban ont mis en avant la simplicité et l’efficacité de ses projets, lesquels ont permis une grande avancée dans l’architecture d’urgence. Les Paper Log Houses sont ainsi devenues le symbole de l’habitat d’urgence par excellence. Ces maisons sont constituées de tubes de papier ou de carton maintenus grâce à un système d’encastrement et/ou de collage puis posés sur des fondations en caisses de bières ou sodas. Le choix de ces matériaux se veut être dans la lignée de la méthode de travail de Ban : utiliser au maximum les matériaux présents sur place. Or, carton, papier ou caisses de sodas sont disponibles partout, ce qui permet de pouvoir construire ces maisons sur n’importe quel site dévasté. Ainsi, il n’est pas nécessaire de transporter du matériel suite à une catastrophe ce qui permet de gagner à la fois du temps et de l’argent. Enfin, le système de fixation de ces habitations étant très rudimentaire, la formation auprès des sinistrés est très limitée. Ceux-ci peuvent donc construire eux-mêmes leurs habitats, dans un laps de temps très court et sans difficulté. Cette volonté de faciliter la construction fait elle aussi partie du cœur de la réflexion de Ban. Ces maisons ont été propulsées au 76

Nous faisons ici notamment référence au projet de Kirinda vu précédemment.

Figure 16 : 1 et 2 : BAN Shigeru, Paper Log Houses, Kobe – Japon, 1995 87


rang de « projets phares » de par leur simplicité de réalisation, leur faible coût, leur rapidité de fabrication mais aussi leur adaptabilité aux populations. Au-delà de leur ingéniosité, ces projets représentent la première véritable recherche en architecture d’urgence. Ban est le premier architecte à avoir fait progresser l’architecture d’urgence en mettant au point des systèmes simples et efficaces. « Le seul architecte qui a, avant nous, travaillé sur le thème de l’urgence, c’est Shigeru Ban. Il a été le premier à travailler et à réaliser vraiment de l’habitat d’urgence à base de tubes en carton. (…) il nous a montré la voie ; nous avons développé ce concept, étudiant tous les problèmes de mise en sécurité et les évaluations77 ». Ses confrères, ici Patrick Coulombel, le définissent comme le précurseur de la profession, le premier architecte à avoir mis en œuvre une réflexion et à avoir trouvé des solutions pour les abris d’urgence. En 2014, Ban s’est vu remettre le Pritzker Prize, distinction très renommée au sein de la profession, pour honorer son travail dans le domaine de l’humanitaire : « Depuis vingt ans, Ban a voyagé sur des sites touchés par des catastrophes naturelles et humaines dans le monde entier dans le but de travailler avec les citoyens locaux, les volontaires, les étudiants afin de construire des abris et des bâtiments communautaires simples, dignes, peu coûteux et recyclables pour les victimes de désastres78 ». Cette distinction a amené l’architecte à être d’autant plus visible et reconnu. Une telle distinction, au-delà d’être un privilège pour l’architecte, promeut l’architecture d’urgence ellemême. Pour Ban, ce prix lui a permis de mettre en avant son travail humanitaire déjà bien connu du grand public. A une plus petite échelle que Shigeru Ban, Richard Rogers fait également partie des architectes « stars » de l’architecture d’urgence. Cet architecte britannique est co-fondateur et membre du conseil 77

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.191 78

« Announcement », in The Pritzker Architecture Prize, janvier 2014, consulté le 23 octobre 2016, Disponible sur : pritzerprize.com 88


d’administration de Médecins du Monde UK, distinction qui lui donne un certain poids dans le domaine de l’aide humanitaire et notamment l’architecture d’urgence. De plus, il est mondialement connu, non pas pour ses habitats d’urgence contrairement à Ban, mais pour ses réalisations dans le domaine public. Il représente donc un atout pour la médiatisation de cette pratique de la profession. Sa notoriété a récemment été utilisée pour le Concours d’architecture & design de la Fondation des Amis de Médecins du Monde, en 2015. La médiatisation de ce concours réservé aux étudiants de France et de Grande-Bretagne s’est notamment faite en utilisant l’image de marque et la légitimité de Richard Rogers, président du jury. Sa présence au sein du jury du concours de Médecins de Monde interroge l’intérêt de faire participer de grands architectes à ce genre d’événement. La légitimité du concours peut éventuellement se faire au travers celle des acteurs présents. Dans le cadre de cet appel à projets, il paraît évident que la présence d’un tel architecte au sein du jury a pu susciter l’intérêt. Les étudiants pouvaient s’imaginer, en réfléchissant sur un thème encore peu représenté et étudié dans les écoles d’architecture, avoir l’honneur de rencontrer Lord Richard Rogers. Il reste tout de même certain que le but premier de ce concours était de faire prendre conscience aux étudiants architectes de l’intérêt d’agir pour l’architecture d’urgence et l’utilisation de cette notoriété, légitimée cependant par la place de l’architecte dans le conseil de d’administration de l’association, n’a pas pu être le seul moteur de la participation de 115 équipes d’étudiants. Les architectes stars, tout comme les projets phares, sont des diffuseurs de premier choix pour l’architecture d’urgence. Ils permettent de mettre en avant la profession, de la faire connaître voire reconnaître et de la mettre en valeur face à l’architecture plus traditionnelle qui tend parfois à l’ « écraser ». L’utilisation de ces figures de proue est donc bien évidemment favorable à la médiatisation de l’architecture d’urgence. Elle lui permet de prendre plus d’ampleur et de diffuser son travail et ses méthodes en mettant en lumière des projets existants. 89


C. LA MEDIATISATION COMME PARTAGE DES SAVOIRS La médiatisation ne suggère pas seulement d’ouvrir l’architecture d’urgence à un nouveau public ou d’en créer des figures stars. Elle est également utile aux acteurs de l’architecture d’urgence eux-mêmes. L’intervention de multiples acteurs dans le processus de médiatisation permet de faire émerger de nouveaux points de vue, de nouvelles questions. Le processus de médiatisation est donc à l’origine d’une mise en commun des connaissances, d’un partage des savoirs. L’architecture d’urgence regroupant de nombreuses disciplines et donc autant de champ de connaissances, il est vital pour ses acteurs de mettre en commun les connaissances acquises par chacun pour faire avancer et progresser leur profession. Ainsi, lorsqu’un praticien procède à un retour d’expérience, ses confrères peuvent profiter de son expérience pour ne pas reproduire les mêmes erreurs ou, au contraire, reprendre des idées qui leur paraissent adaptées à une situation à laquelle ils sont confrontés. De même, l’exemplification de certaines démarches permet de faire émerger des solutions viables. Ce « bagage commun » est donc issu de l’intégration de nouveaux acteurs dans la réflexion et d’une analyse des missions précédentes. Au travers de la médiatisation, ceci permet de définir les projets qui ont fonctionné, ce que pensent et disent les praticiens de leurs réalisations et ainsi de définir les axes à suivre pour les missions à venir. « Analyser attentivement les solutions trouvées dans le passé79 » est selon Marie Aquilino vital pour faire avancer la pratique de l’architecture d’urgence. La mise en commun des praticiens sur le terrain a pu faire émerger des solutions quant à certaines problématiques. Cependant, cette prise de recul suggère de prendre du temps pour analyser le passé. Ceci est donc en lien avec l’ancienneté de la profession, ancienneté 79

AQUILINO J. Marie, SOLEZ Juliette, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p. 71 90


qui permet de définir si les enjeux auxquels les praticiens ont souhaité répondre durant une mission se sont révélés efficaces sur le long terme. Ce n’est qu’en observant l’évolution sur le long terme qu’il est possible de définir si les différents aspects d’un projet s’avèrent être réussis ou s’ils sont des échecs. Suite à cette étude, ces divers aspects peuvent alors être remodelés lors de missions suivantes et finir, à force de réflexion, par déboucher sur une réponse fiable et durable. Relater une mission peut donc s’avérer être la possibilité pour les praticiens d’être plus efficaces, de mieux répondre aux contraintes et de faire avancer leur pratique de l’architecture. La mise en commun d’un savoir suggère également une remise en question des différents acteurs de l’architecture d’urgence. Architectes, analystes et artistes n’ont pas les mêmes formations. Leurs divergences de points de vue sont notamment dues à leurs parcours différents et donc à leurs approches différentes de l’architecture d’urgence. Tandis que les architectes sont attachés aux enjeux sociaux de leur métier, les analystes tendent à privilégier les aspects financiers, environnementaux ou politiques. Cependant, cette divergence peut être à l’origine de nouvelle réponses. Mises en commun, les visions des différents acteurs peuvent permettre de définir des réponses adaptées se basant sur l’expérience de terrain des uns et l’analyse théorique des autres. De même, cette mise en commun permet de mettre en exergue les erreurs produites lors des précédentes constructions et ainsi de définir ce qu’il ne faut pas reproduire. Il faut donc savoir tirer des enseignements des projets passés80. Les architectes de l’urgence doivent être capables de revoir perpétuellement leur jugement afin de s’adapter au mieux à chaque situation. Du fait de sa grande expérience de terrain, Patrick Coulombel, président d’Architectes de l’Urgence et architecte de formation, fait partie des praticiens dont le savoir permet de faire avancer 80

AQUILINO J. Marie, SOLEZ Juliette, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p. 71 91


l’architecture d’urgence. La diffusion qu’il fait des missions auxquelles il a participé n’a pas uniquement pour but de séduire un public nouveau ou de mettre en avant les difficultés rencontrées. Dans son livre « Architectes de l’urgence : un nouveau métier de l’humanitaire », il tente de mettre à profit le savoir qu’il a acquis tout au long de ses années passées sur le terrain pour en faire profiter ses confrères. Dans un chapitre dédié à la mission de la fondation Architectes de l’Urgence au Bangladesh en 2004, il met en place un catalogue de types d’habitats basé sur « l’apport de solutions techniques envisageables81 » et répondant à la contrainte naturelle du site étudié : les inondations récurrentes. Cette inventaire non-exhaustif se veut être l’aboutissement d’une réflexion de plusieurs années de pratique de terrain. Cette liste regroupe donc l’intégralité des solutions que l’architecte et ses équipes ont pu tester lors de missions où les inondations étaient le principal problème naturel à gérer, solutions qui se sont avérées fonctionner. Cette liste permet aux autres architectes d’urgence travaillant sur un site dont les contraintes sont identiques de se référer à des solutions qu’ils savent être fiables. Ils peuvent alors gagner du temps lors de la réflexion sur les habitats à construire car des axes de travail sont déjà définis en amont. De plus, l’architecte met en place un inventaire au sein duquel chaque réponse suggère des besoins matériels différents et est donc adaptable à différentes situations autant qu’à différents budgets : « Les habitations flottantes : ces maisons reposent sur des radiers de bambou qui, lors des crues, suivent les mouvements de l’eau permettant d’éviter les inondations […] La toiture refuge : cette solution consiste en l’aménagement des toitures à un mode de vie temporaire82 ». Ces deux solutions suggèrent effectivement deux types de constructions bien différentes : tandis que la première peut être construite de toutes pièces lors d’une mission, la deuxième suggère de disposer d’un habitat ou d’une maison préexistante. Cette mise en place de 81

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.49 82

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Idem, p.120


solutions « prêtes à l’emploi » permet de laisser aux praticiens plus de temps pour adapter leurs projets aux sinistrés et donc de construire des habitats pérennes plus rapidement, voire immédiatement. Ils ne sont plus contraints de réfléchir au concept même de l’habitat qu’ils doivent construire, ils peuvent choisir celui qui est le plus approprié et l’adapter. En sus de son aide dans la construction d’un inventaire de type d’habitats, Patrick Coulombel relate largement la méthode de travail qu’il met en place avec ses équipes lors de missions : « l’un – en charge de l’aspect humain – écoute longuement et réconforte le sinistré et l’autre effectue le diagnostic technique rapide de la situation […] cette méthode présente l’extraordinaire avantage de la fiabilité, la sécurité étant le point fondamental de notre intervention83 ». Les nombreuses missions auxquelles cet architecte a pu prendre part lui ont permis de mettre au point une méthode de travail efficace, qu’il partage ici avec ses confrères afin qu’eux aussi puissent voir leurs interventions devenir plus performantes. Dans le cadre d’une exposition, la question principale est souvent révélée dans le titre. « Habiter le campement », exposition ayant pris place au Palais de Chaillot, étudiait effectivement les différents types de campements existants, les raisons pour lesquelles ceux-ci existent et ce qui fait la particularité de chacun. Les « campeurs » étaient divisés en six groupes distincts permettant aux visiteurs d’étudier, de comparer les campements en fonction d’un contexte bien précis. Cette exposition était révélatrice de l’existence de types d’abris d’urgence. Au travers des planches exposées, le visiteur pouvait constater les similitudes qui existent entre les abris construits par les personnes d’une même « famille ». Cette exposition suggérait donc que l’architecture d’urgence peut puiser ses idées dans les formes créées par les sans-abris, les festivaliers, voire même les exilés et que

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COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.83 93


les réponses sont souvent sous nos yeux et ne demandent qu’à être améliorées ou réutilisées. L’exposition « Architecture d’urgence»84 , à Paris en 2014, était quant à elle une réflexion sur la question de l’abri et de l’habitat d’urgence (cf. Figure 17). Ainsi, des projets réalisés ou toujours au cœur d’une réflexion étaient présentés comme étant à l’origine de nouvelles pistes de travail, de nouvelles idées voire de projets potentiellement utilisables sur le terrain. Tandis que certains projets non aboutis suggéraient simplement des pistes de réflexion, des projets finalisés permettaient de mettre en exergue des abris ou habitats dont le concept pouvait être repris par les architectes de l’urgence ou à défaut, être repensés. Cette exposition était une forme de mise en commun, un état des savoirs de l’architecture d’urgence. Elle permettait de faire un point sur ce que l’architecture humanitaire a déjà produit et ainsi de définir les idées qui mériteraient d’être plus approfondies. Les expositions sont donc bel et bien des éléments de médiatisation importants de même que les artistes peuvent être des émetteurs de solutions essentiels. De par le choix qu’ils font de regrouper des supports au sein d’une même exposition, ils permettent de mettre en valeur ou en confrontation des éléments dont les architectes n’avaient pas toujours eu l’idée et ainsi, parfois, de révéler de nouvelles questions et de nouvelles solutions.

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Architectures d’urgence, Pavillon Vendôme, La Maréchalerie, La maison des arts de Malakoff, 9 avril – 27 juillet 2014 Vous trouverez en annexe 10 (page 158) des informations sur cette exposition et ses objectifs. Figure 17 : 1 : Jones Partners Architecture, Hesselink Guest Hut/Container House Model, 1994 / 2 : ENCORE HEUREUX + G. STUDIO, Room-Room, Photographie de la performance réalisée à Pekin en 2008, 1998 / 3 : PROUVE Jean, Maison démontable 6x6, 1944 / 4 : WODICZKO Krzysztof, Homeless Vehicle, 1994 / 5 : BAN Shigeru, Paper Log Houses, Kobe, 1995 94


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Les concours pour étudiants sont eux aussi à l’origine d’un partage des savoirs. La volonté de les rendre le plus proche possible de la réalité du terrain suggère que les réponses données soient réellement envisageables. Ainsi, les solutions soumises au jury lors de la phase finale de ces concours sont parfois porteuses d’espoir pour l’architecture d’urgence car de nombreuses innovations (à parfaire parfois) peuvent être trouvées. Le projet gagnant du « concours d’Architecture & de Design de la Fondation des Amis de Médecins du Monde »85 a été réalisé par une étudiante de l’ENSA Paris-Val-deSeine. La réflexion portée sur son « Hive module » (cf. Figure 18) est très proche des concepts utilisées pour les missions « réelles ». En effet, son habitat est complétement adaptable au contexte : il peut se multiplier à l’infini permettant d’élargir un camp ou bien d’agrandir l’espace intérieur pour accueillir tous les membres d’une famille, aussi nombreux soient-ils. Il est donc adaptable et appropriable par ses habitants. De plus, la structure totalement démontable et pliable permet de transporter facilement et rapidement l’abri d’un point à un autre. Cette structure permet également de regrouper en son centre tous les services afin de laisser libres les façades. Ce module répond donc à toutes les contraintes imposées par le concours et est représentatif de nombreux questionnements de l’architecture d’urgence. Preuve que les projets issus de ces concours peuvent être réalisés, la gagnante a été mise en contact avec des ingénieurs ainsi que des structures qui souhaitent réaliser son projet. Les concours étudiants sont donc bel et bien à l’origine de la mise en commun des savoirs de tous et peuvent aboutir à de réelles solutions.

85

Vous trouverez en annexe 11 (page 160) des informations sur ce concours et les objectifs auxquels il se voulait répondre Figure 18 : 1 et 5 : FONTAINE Héloïse, Hive Module, croquis de recherche, 2016 / 2 et 4 : FONTAINE Héloïse, Hive Module, 2016, Photo : Valentina Cugusi / 3 : FONTAINE Héloïse, Hive Module, planche du rendu final, 2016 96


97


Les Paper Log Houses de Shigeru Ban représentent également une mise en commun d’un savoir : elles sont représentatives de sa méthode de travail et sont issues d’une longue réflexion de l’architecte sur la question de l’abri d’urgence. Leur médiatisation les a propulsés au rang d’architecture exemplaire de par leur simplicité et leur efficacité. Shigeru Ban, en diffusant ses travaux et sa méthode de travail, participe donc à ce partage des savoirs. Il permet à ses confrères de profiter de son étude sur le papier et le carton et leur fait découvrir comment ces matériaux peuvent devenir de véritables atouts lors de missions d’urgence de par leur faible coût et leur simplicité de mise en œuvre. Au-delà de cet aspect « pratique », l’utilisation exclusive de matériaux disponibles sur place permet selon Ban de mettre en valeur et de respecter le site sur lequel viennent s’implanter les nouvelles constructions : « l’important est d’utiliser des matériaux locaux, je ne veux pas importer86 ». Certains praticiens ne parviennent pas toujours à mettre en place des réponses d’habitats permettant d’utiliser uniquement des matériaux locaux. Cette diffusion du travail de Ban donne des pistes aux praticiens et ouvre la voie à des constructions respectueuses de leur environnement. L’architecte met un point d’honneur à prendre en compte les besoins des populations sinistrées : « Les gens souffrent mentalement et physiquement : ils ont besoin de confort87 ». Son approche est profondément liée à l’idée qu’un architecte de l’urgence ne doit pas se contenter d’être architecte mais doit aussi savoir multiplier les rôles pour mener à bien un projet de reconstruction. Au-delà de représenter des exemples architecturaux, les Paper Log Houses sont donc les témoins de la volonté de Ban de faire participer les sinistrés à la reconstruction. Les Paper Log Houses ne nécessitant aucune connaissance en bâtiment ou en ingénierie, les sinistrés peuvent

86

BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 87

Idem

Figure 19 : BAN Shigeru, Axonométrie éclatée d’une Paper Log Houses, 1995 98


99

Figure 19 : Paper Log House ou l’utilisation de matériaux locaux


facilement participer à cette reconstruction. « Tout le monde peut le faire88 » (cf. Figure 19). Enfin, Ban a une vision bien particulière du travail de l’architecte concernant la mise en place d’habitats pérennes. Si tous ses confrères ainsi que les analystes s’accordent à dire que les constructions faites durant les missions d’urgence doivent de préférence être durables, Ban pense quant à lui que cet aspect dépend du contexte. « Qu’estce qui est permanent ? Qu’est-ce qui est temporaire ? Est-ce que le béton est plus permanent que le papier ? 89». Ici, Ban remet en cause la volonté des acteurs de l’architecture humanitaire de vouloir à tout prix construire un habitat durable dans l’urgence. Acteurs qui s’accordent pourtant à dire que les réalisations de l’architecte sont viables, efficaces et avant-gardistes. Il soulève donc une nouvelle façon de penser l’habitat d’urgence et sa conception. Malgré cette divergence d’opinion, Ban rejoint ses confrères sur un point : un habitat temporaire ne peut et ne doit pas être habité sur le long terme. Selon lui, c’est en tenant compte de cette contrainte que les praticiens peuvent faire en sorte que cela ne se produise pas : « Si un abri est trop confortable, il durera plus longtemps90 ». Les architectes doivent donc concevoir des abris qui, de part le confort qu’ils apportent, ne pourront être que transitoires afin de ne pas justifier d’en faire des habitats pérennes. Marie Aquilino, journaliste, s’est elle aussi beaucoup penché sur la question du travail sur le long terme des architectes de l’urgence. Contrairement aux praticiens, elle pense que la possibilité d’étendre dans le temps la capacité d’action des architectes urgentistes est essentiellement une question de gestion du budget octroyé. Elle estime que cette gestion doit être « rationnelle, pensée,

88

BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 89

Idem

90

Idem

100


contractualisée91 » et « faire appel à des acteurs financiers impliqués dans des projets de banque éthique, de microcrédit, de microassurance et de prêt92 ». Les praticiens, qui s’intéressent également à la question, suggèrent des solutions différentes. Loin de vouloir faire entrer en jeu des acteurs financiers, ils sont plutôt ouvert à la création d’une plate-forme unique d’appel aux dons qui serait « une solution préférable car la redistribution pourrait se faire en fonction des besoins de chacun93 ». Bien que les solutions proposées soient diverses, ceci montre que les analystes ont également leur rôle à jouer dans l’avancée de la profession. Du fait du recul dont ils disposent, ils peuvent être porteurs d’idées innovantes sur des questions auxquelles les praticiens ne trouvent pas de solutions viables. Xavier Génot, praticien au sein de la Croix-Rouge, fait, tout comme Shigeru Ban, partie des architectes de l’humanitaire très attachés à respecter les besoins des habitants au sein de leur nouvel habitat. Cette volonté est bien évidemment une volonté partagée par l’ensemble du corps architectural. Cependant, elle n’est pas toujours évidente à mettre en place du fait notamment du manque de temps. Ainsi, l’architecte a mis en place une méthode bien particulière et efficace. Il a fait le choix de laisser les sinistrés reconstruire seuls leurs abris et de leur apporter uniquement des conseils et un savoir-faire constructif. Les habitants sont alors formés par les architectes euxmêmes, qui leur apprennent à contreventer correctement leur habitat, à fabriquer des tirants… Suite à cela, les populations sont donc à même de reconstruire comme elles le souhaitent tout en intégrant des techniques constructives fiables. Cette technique permet d’assurer la construction d’habitats adaptés aux besoins et au mode

91

AQUILINO J. Marie, SOLEZ Juliette, « Architectes de l'humanitaire », in Archistorm, no43, juillet/août 2010, p. 69 92

Idem, p.70

93

JULIEN Fabrice, « Architectes de l’urgence : « Il faut de l’argent, c’est le nerf de la guerre » », in Le courrier picard, 3 mai 2015, consulté le 15 mai 2016, Disponible sur : courrier-picard.fr 101


de vie des sinistrés mais aussi de les intégrer pleinement dans le processus de reconstruction. De plus, les sinistrés étant formés, ils sont capables de reconstruire seuls lors du départ de l’aide humanitaire. L’architecte, en diffusant sa méthode de travail permet donc de partager ses connaissances avec ses confrères.

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III. DE LA CONSTRUCTION DE PRINCIPES COMMUNS

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Le partage des savoirs permis par l’ouverture de l’architecture d’urgence à de nouveaux acteurs ne faisant pas toujours partie de la sphère architecturale est important pour faire progresser cette pratique du métier. Ces savoirs partagés semblent plus largement être à l’origine de la mise en place d’un processus de construction de la profession au travers de principes communs. Cette partie a pour objectif de démontrer, d’une part, que les différents acteurs de l’architecture d’urgence recourent à cet échange de connaissances pour construire ces principes et d’autre part, que ces derniers permettent de répondre aux différents enjeux de cette pratique de la profession qui s’organisent selon un processus hiérarchisé et qui interférent entre eux. Pour répondre à cet objectif, différentes sources ont été étudiées (livres, articles, conférences, workshop, cycles de formations des associations…) qui permettent de dégager trois grands axes récurrents qui constituent des enjeux majeurs pour les auteurs de ces sources et plus largement pour l’architecture d’urgence elle-même. En premier lieu, nous étudierons donc la construction des fondements de l’architecture humanitaire. Cette profession est pratiquée de multiples façons de ce fait la constitution de fondements sur lesquels se basent les actions d’urgence semble être vitale pour le développement de l’architecture d’urgence. Ensuite, nous examinerons la professionnalisation de l’architecture d’urgence, suite logique de la construction des fondements de cette profession car ils tendent à rendre le métier plus organisé et donc plus professionnel. Ceci nous amènera à développer un troisième enjeu : la reconnaissance de la profession. Les architectes d’urgence évoluant au milieu des géants de l’humanitaire, connus, reconnus et investis depuis bien longtemps, le processus de construction de principes communs pourrait être à l’origine d’une plus grande reconnaissance de leurs actions au sein de l’aide humanitaire.

A. VERS L’EMERGENCE DE FONDEMENTS

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Suite à leurs missions, les architectes font émerger des nouvelles connaissances lesquelles, additionnées à celles des analystes, artistes ou autres étudiants s’intéressant à l’architecture d’urgence, construisent des savoirs et savoir-faire, des principes communs qui, par leur diffusion, permettent à l’ensemble des acteurs de l’action humanitaire architecturale d’œuvrer dans le même sens. Ils sont à l’origine de l’apparition de nouveaux fondements du métier qui semblent guider bon nombre de praticiens. -

Les étapes de la reconstruction et leurs spécificités : Parmi ces fondements se trouve l’organisation des missions autour de trois phases94 : l’urgence, le relèvement et le développement. Ces phases sont la base des principes communs construits par les architectes de l’urgence car, comme il l’a été démontré précédemment, chaque ONG organise sa méthode de travail autour de l’une de ces temporalités et s’attache à répondre à ses spécificités. Ces phases permettent de définir une chronologie, elles priorisent les besoins et actions à mener afin d’y répondre de façon rationnelle et d’apporter à la population une reconstruction solide et durable. Chaque étape a une incidence sur la suivante. Chacune d’entre elles doit donc être menée à bien afin de pouvoir mettre en place les actions ultérieures (cf. Figure 20).

94

MOLES Olivier, CRAterre, l’architecture et la réponse aux désastres, conférence dans le cadre du workshop « L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo », ENSA de Strasbourg, 9 juin 2016 106


Figure 20 : Document de l’auteur, Les étapes de la reconstruction post-catastrophe, 2016

L’urgence, première phase, a deux objectifs principaux95 : mettre en sécurité les populations et les reloger provisoirement. Afin de répondre à ces enjeux, les architectes de l’urgence mettent en place des partenariats et collaborations entre les différents acteurs présents sur le terrain notamment les architectes, les sinistrés, les professionnels locaux, les ONG présentes et les gouvernements. Ces coopérations permettent aux architectes de renforcer leurs actions et d’agir plus rapidement et plus efficacement. Une fois ces collaborations organisées, peuvent être entreprises les différentes missions de cette phase. Tout d’abord, la mise en sécurité se fait grâce à la réalisation de diagnostics techniques qui définissent le niveau de danger que peuvent représenter des édifices et qui permettent de déterminer le potentiel de certaines structures et donc leur possible restauration. Parallèlement à ces diagnostics, les populations sont relogées dans des abris d’urgence. Ceux-ci sont de simples protections souvent construites à partir des bâches disponibles dans les kits d’urgence fournis par les ONG telle que la 95

ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 107


Croix-Rouge. Ces abris disposent d’un confort très rudimentaire et ne sont mis en place que pour une période courte, leur vocation étant simplement de loger les sinistrés le temps que des habitats plus pérennes soient construits. Les abris forment souvent des camps au sein desquels se reconstitue une première sociabilité autour des équipements publics provisoires (écoles, centre de soins, marchés…). Afin de reconstruire des habitats plus pérenne, une évaluation des besoins des sinistrés est également entreprise durant cette phase. L’urgence est donc une étape capitale du processus de reconstruction car elle détermine l’ensemble des actions qui prendront part par la suite et est garante de leur réussite. Le relèvement, seconde étape du processus, constitue une phase de reconstruction plus pérenne. Les habitats construits ou mis à disposition durant cette phase sont destinés à reloger les sinistrés durablement. Sont également reconstruits les équipements essentiels à une reprise sereine de la vie. Durant cette étape, la prévention des risques par la reconstruction d’habitats structurellement adaptés et le partage de connaissances entre architectes et sinistrés prend une place majeure96. En effet, il ne s’agit pas de reconstruire pour les sinistrés mais de les aider à se reconstruire. Les collaborations avec des professionnels locaux prennent alors tous leur sens : ils sont les piliers des reconstructions et permettent de mettre en valeur les savoirs et savoir-faire qui constituent leur patrimoine architectural local. Ainsi, cette phase comprend la formation des populations aux techniques constructives adaptées au site afin de limiter les dégâts que pourrait causer une nouvelle catastrophe. Les habitats construits durant la phase de relèvement constituent donc une première étape au retour à la vie « normale ». Les sinistrés peuvent y reprendre le cours de leur vie et des moyens sont mis en œuvre pour pallier les constructions en attente. Enfin, le développement, dernière étape du processus, vise à reconstruire de façon durable. Il ne s’agit plus seulement de 96

ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 108


reconstruire des équipements ou habitations mais également de relancer l’économie locale et de reconstituer la sociabilité préexistante entre les sinistrés97. Ceci se fait par la construction de bâtiments publics permettant l’échange et la reprise d’une activité économique. Durant cette phase, est également privilégiée la sensibilisation des populations au développement durable afin de ne pas favoriser une nouvelle catastrophe. Bien que le processus de reconstruction selon ces trois phases soit l’axe de travail majeur des architectes, la complexité des contextes d’urgence rend certaines actions difficiles à mettre en œuvre. C’est essentiellement la troisième phase qui est bien souvent écourtée. Les budgets alloués au début des missions d’urgence ne sont pas toujours suffisants pour prolonger les missions sur plusieurs années. La volonté des ONG d’architectes de travailler sur des phases différentes permet donc de pallier ce problème en créant un relai entre les différentes organisations. Ainsi, chacune peut mettre à profit ses fonds et ses capacités d’action pour qu’une mission puisse être menée de bout en bout et donc permettre une reconstruction durable. Le provisoire et le permanent : La question du caractère provisoire ou permanent des habitats reconstruits suite à une catastrophe est l’une des problématiques majeures de l’architecture d’urgence. Tous les acteurs de l’architecture humanitaire, qu’ils soient praticiens ou analystes, sont favorables à une reconstruction d’habitats permanents permettant une reconstruction pérenne des sinistrés98. Ce type de reconstruction permet effectivement une projection de vie sur le long terme pour les populations tandis que les abris d’urgence tendent à répondre de

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ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 98

Cette affirmation fait suite aux lectures sur lesquelles repose ce développement. Ici, sont notamment concernés Marie Aquilino, Patrick Coulombel, Xavier Génot, Frédéric Nantois et Catherine Seron-Pierre. 109


façon rudimentaire à une situation de crise. Les praticiens s’accordent donc à dire que leur travail doit aller dans le sens d’une reconstruction pérenne autant que possible, construisant, là encore, un fondement fort. Cependant, l’action de terrain des architectes de l’urgence n’est pas toujours représentative de cette volonté. En effet, de nombreuses missions d’urgence sont mises à mal par les restrictions budgétaires obligeant parfois les architectes à faire l’impasse sur leurs objectifs de reconstruction totale. Certaines associations font donc le choix d’outrepasser les directives imposées par les gouvernements pour mener à bien leur mission. C’est le cas de l’association Architectes de l’Urgence, lors de sa mission à Java au Népal en juin 2006 : « Malgré les fonds importants distribués aux ONG généralistes pour réaliser de l’habitat temporaire en bambous, en tôles ondulées ou avec toute autre technique, nous restons sur le choix de la reconstruction en « dur », c’est à dire pérenne bien que réalisée dans l’urgence99 ». L’association a fait le choix de suivre ses convictions selon lesquelles la reprise de leur vie par les sinistrés n’est envisageable qu’au sein d’habitats pérennes et adaptés. Ils ont ainsi choisi de reconstruire des habitats « en dur » plutôt que des habitats temporaires comme le souhaitaient les gouvernements. Le fait que les architectes de l’urgence ne soient pas les seuls décideurs sur le terrain d’une catastrophe, entraine une difficulté pour les architectes de mettre en œuvre ce fondement, bien qu’il soit semble-t-il partagé par tous. Le développement soutenable : Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins des personnes auxquelles il se destine100. Selon Olivier Moles,

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COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.170 100

MOLES Olivier, CRAterre, l’architecture et la réponse aux désastres, conférence donnée dans le cadre du workshop « Abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo », ENSAS, 9 juin 2016 110


chargé de programmes au sein du laboratoire de recherches CRAterre101, ce type de développement intègre quatre dimensions : sociale, environnementale, économique et technique, et culturelle (cf. Figure 21). Ces dimensions correspondent respectivement à la participation des sinistrés dans le processus de reconstruction, au respect du patrimoine local, au budget alloué et à l’intégration de techniques préventives et à la prise en compte des besoins des sinistrés par les architectes d’urgence102. Le développement soutenable rassemble donc toutes les questions auxquelles doit répondre le processus de reconstruction post-catastrophe et semble donc être un fondement de la profession que les architectes de l’urgence tendent à mettre en valeur. « Il est important que les architectes puissent participer aux projets de reconstruction post-catastrophe en apportant leurs compétences, dans le respect de l’identité territoriale, des ressources locales, des moyens disponibles, au plus près des besoins des populations traumatisées103 ». Sans pour autant en parler, l’analyste Catherine Seron-Pierre décrit ici les quatre dimensions du développement soutenable. Les principes communs mis en exergue par les architectes de l’urgence ou les analystes, bien que n’étant pas décrits selon ce terme, semblent pourtant répondre à ce type de développement.

101

CRAterre est un laboratoire de recherche sur l'architecture de terre crue fondé en 1979 et basé à l’ENSA de Grenoble. Ce laboratoire regroupant des chercheurs, des professionnels et des enseignants a pour objectif de diffuser à l’international les savoirs et savoir-faire de la construction en terre crue répondant aux besoins et à la culture des populations auxquelles elle se destine. 102

MOLES Olivier, CRAterre, l’architecture et la réponse aux désastres », conférence donnée dans le cadre du workshop « Abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo, ENSAS, 9 juin 2016 103

SERON-PIERRE Catherine, « Reconstruire face à l'urgence », in Le moniteur architecture, no218, octobre 2012, p. 83 111


Figure 21 : Document de l’auteur, Le développement soutenable, 2016

-

La dimension culturelle : la prise en compte des besoins : La prise en compte et le respect des besoins des sinistrés sont essentiels dans le processus de reconstruction. Ils ont en effet largement mis en avant dans les méthodes de travail des différentes organisations intervenant dans les contextes d’urgence. L’habitat d’urgence étant le premier lieu de vie après une catastrophe, il apparaît comme un lieu de transition à l’importance fondamentale. Cependant, la localisation, le contexte, le climat, la culture, les habitudes de vie... sont autant de critères qui modifient le type de ces habitats. La prise en compte des besoins et la compréhension de la culture locale sont donc essentielles lors de la conception d’un habitat. Pour ce faire, les architectes de l’urgence doivent observer, dialoguer, analyser, afin d’avoir toutes les cartes en mains pour concevoir un habitat adéquat. La prise en compte des besoins permet 112


également l’appropriation des habitats par les sinistrés, élément clé dans leur reconstruction psychologique. Si l’habitat correspond aux besoins et au mode de vie de ses occupants, alors ceux-ci pourront plus rapidement s’y sentir chez eux, s’y sentir bien et ainsi s’y reconstruire. « Le module d’urgence se doit d’être une réponse intelligente à leurs besoins et doit aussi leur apporter un réconfort moral dans de telles circonstances104 ». Les architectes de l’urgence tendent donc, comme ceci a été démontré précédemment, à donner une importance capitale à l’écoute des sinistrés lors de leurs missions. De plus en plus d’architectes mettent en valeur cette volonté de travailler au plus proche des sinistrés et leur attachement à prendre en compte leurs besoins et demandes. Ce point semble donc devenir un véritable engagement pour les praticiens. Au travers de cette prise en compte et de cette analyse des besoins, les architectes de l’urgence peuvent ainsi assurer la réussite de leurs missions, l’habitat étant vital dans la reconstruction des populations sinistrées. -

La dimension sociale : la collaboration avec les sinistrés : L’intervention des populations auxquelles s’adressent les habitations semble elle aussi inhérente à la conception d’un habitat pérenne. Sans coopération avec les sinistrés, il paraît complexe de définir l’ensemble des enjeux auxquels doivent répondre les habitats. Or, si les besoins vitaux des populations ne sont pas contentés, une reconstruction paraît difficilement envisageable, celle-ci passant par l’appropriation de l’espace. La collaboration entre architectes et sinistrés fait donc également partie des fondements de l’architecture d’urgence. Ce travail conjoint entre acteurs de l’architecture humanitaire et populations locales semble de plus en plus important pour les praticiens. Ceci s’explique notamment par le fait que leur participation est la première étape dans l’appropriation de l’habitat : 104

Autour de l’urgence/Modules d’habitations, Publication de l’université de SaintEtienne, collection Ecole nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne, Master 1, 2007 113


en construisant leur nouveau logement, les sinistrés entament le processus de reconstruction psychologique. Ils s’approprient leur nouvel espace en le façonnant. De plus, en reconstruisant conjointement avec les architectes, les sinistrés ne s’approprient pas simplement les lieux, ils se portent garants du respect du patrimoine architectural. Du fait de cette construction collaborative, les habitations sont respectueuses du site. « Il faut utiliser ce qui existe, dont la main d’œuvre locale105 » déclare Patrick Coulombel. Cet architecte met en effet un point d’honneur à collaborer avec les sinistrés et les professionnels locaux lors des reconstructions. Collaboration qui suggère d’utiliser des techniques constructives connues et maitrisées par les habitants et ainsi d’utiliser et de respecter le patrimoine architectural du lieu. Les populations assurent ainsi la préservation du site et de leur culture, tandis que les praticiens leur apportent l’aide dont ils ont besoin. Si ce fondement tend à prendre une place importante dans l’architecture d’urgence, c’est certainement car « la réussite des missions repose sur l’implication des populations et l’appropriation des projets106 », deux notions indissociables. La Croix-Rouge a mis au point une méthode particulière pour collaborer avec les populations locales et leur permettre de s’investir. Le guide PASSA, Participatory Approach for Safe Shelter Awareness, publié en 2011 à l’attention des membres de l’organisation œuvrant sur le terrain, permet aux architectes de rendre la mission participative car l’implication des populations est nécessaire pour que la mission puisse être menée à bien. Cette approche permet également de développer les connaissances des habitants pour leur faire prendre conscience que les réponses à la catastrophe en terme de construction se trouvent sous leurs yeux, qu’ils les connaissent déjà et qu’il leur suffit de les développer. Le guide décompose l’action de 105

BORNE Emmanuelle, « Architecture(s) de l'urgence, de l'expertise à la formation », in Le Courrier de l’architecte, 2010, Propos de Patrick COULOMBEL 106

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 43 114


reconstruction en huit étapes, symbolisées par des activités allant de la compréhension historique de la zone à l’évaluation des solutions de reconstruction. Ainsi, les populations peuvent définir, comprendre et résoudre les problèmes des systèmes constructifs qu’ils utilisent habituellement et donc les améliorer. Cette méthode se fait donc l’écho de la volonté des architectes de l’urgence de travailler en collaboration avec les sinistrés, de développer un partage des connaissances et non pas de créer un assistanat, néfaste à leur reconstruction. -

La dimension environnementale : le respect du patrimoine local : La construction de réponses inadaptées dans les contextes d’urgence architecturale est bien souvent synonyme de sacrifice du patrimoine architectural local : ce dernier est oublié au profit de la reconstruction d’habitats sans cohésion avec le site sur lequel ils s’implantent. Ceci engendre une perte d’identité de la ville, néfaste dans la reconstruction des habitants. Les architectes d’urgence ont donc pour but de construire « sans pour autant sacrifier la qualité architecturale, bien au contraire107 ». La volonté de Frédéric Nantois de préciser « bien au contraire » symbolise l’importance que doit selon lui prendre la place de la qualité architecturale au sein d’un projet d’urgence. Cette volonté tend à être partagée par de plus en plus de praticiens. Du fait de la construction collaborative entre architectes et sinistrés, les habitations se veulent effectivement toujours plus respectueuses du site. Les matériaux et les techniques de construction utilisés étant locaux, les nouvelles constructions s’intègrent parfaitement avec le patrimoine local. Patrick Coulombel partage aussi ce point de vue : « faire table rase de la culture locale me paraît absurde108 ». Tout aussi intraitable que son confrère, il dénonce ici l’incohérence de l’oubli de 107

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 43 108

BORNE Emmanuelle, « Architecture(s) de l'urgence, de l'expertise à la formation », in Le Courrier de l’architecte, 2010, Propos de Patrick COULOMBEL 115


la culture locale qui caractérise un lieu. La construction dans l’urgence pourrait en effet pousser les architectes à construire sans considération architecturale aucune. Il semble plus aisé de reconstruire rapidement en faisant fit de la culture locale, l’analyse et l’appréhension d’un site étant longues et complexes. Pourtant, c’est bel et bien la conservation et le respect de cette culture qui permettent aux sinistrés de se réapproprier les lieux. L’utilisation des matériaux locaux et de la main d’œuvre locale est donc inhérente à la reconstruction. Les architectes de l’urgence n’interviennent pas pour repenser un lieu sinistré mais pour le repenser avec ses particularités, sa culture et son patrimoine. Les architectes de l’urgence mettent un point d’honneur à comprendre et à respecter le site au sein duquel ils travaillent afin de ne pas faire du « néocolonialisme architectural109 ». Ce fondement important de l’architecture d’urgence ne dépend pourtant pas toujours des architectes. Les volontés de reconstruction rapide guidées par les gouvernements locaux sont parfois une entrave à la réalisation de projets respectueux de leur environnement. Une fois de plus, les architectes ne sont pas les seuls décideurs sur le terrain et leurs interventions ne sont ainsi pas toujours gérées en totalité par leurs soins. De ce fait, bien que leur volonté de mettre en évidence ce respect du patrimoine et son utilisation dans les projets de reconstruction, cela n’est pas toujours évident et demande une prise de conscience de l’ensemble de acteurs agissant dans les missions humanitaires pour pouvoir être menée à bien. -

La dimension économique et technique : l’utilisation de matériaux locaux et la formation : En terme économique, l’utilisation de matériaux locaux est fondamentale dans l’architecture d’urgence. Elle permet de réduire considérablement les coûts en évitant l’importation dont les praticiens ne sont pas friands. La reconstruction des sinistrés passant 109

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.70 116


par la relance de leur économie, les architectes de l’urgence tendent donc de plus en plus à privilégier les collaborations avec les entreprises locales. Shigeru Ban, pionnier de l’utilisation de matériaux locaux, a déclaré « je ne veux pas importer110 ». Ainsi, les Paper Log Houses, maisons constituées de papier et de carton, sont construites sur place à partir de matières premières collectées sur le site et ses environs. Les reconstructions ne sont donc pas en matériaux locaux à proprement parler (pierres, terre…) mais elles intègrent une volonté de prendre en compte les ressources locales. La dimension technique du développement soutenable se caractérise quant à elle de deux manières : par l’intégration des sinistrés dans les reconstructions et par la mise en place de formations. Comme cela a été défini précédemment, les architectes travaillent de plus en plus dans le sens de l’intégration des populations dans le processus de reconstruction afin de permettre la réussite de la mission. Afin que les populations puissent reconstruire conjointement avec les architectes de l’urgence, des formations sont parfois nécessaires. Mises en place par les associations œuvrant sur le terrain, ces formations n’ont pas pour but de définir comment les populations doivent reconstruire mais comment elles peuvent améliorer leurs systèmes constructifs111. Ainsi, les sinistrés sont capables de (re)construire suivant leurs habitudes tout en assurant leur sécurité. Ces formations sont donc une forme de prévention des risques, primordiale dans les contextes d’urgence car elle limite les éventuels dégâts matériels et humains susceptibles d’être causés par une nouvelle catastrophe. Selon Patrick Coulombel, « s’il y a une chose qu’il faut laisser en partant c’est un savoir-faire, une technicité112 ». Pour l’architecte, si la reconstruction est importante, la formation des populations aux techniques

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BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 111

ARCHITECTES DE L'URGENCE, Qui sommes nous, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com 112

BORNE Emmanuelle, « Architecture(s) de l'urgence, de l'expertise à la formation », in Le Courrier de l’architecte, 2010, Propos de Patrick COULOMBEL 117


préventives l’est tout autant. Le transfert des connaissances est donc un enjeu qui semble prendre une importance fondamentale au sein des différents organismes d’architecture humanitaire. Cette volonté de partager les savoirs explique l’importance de la collaboration entre les architectes et les sinistrés et l’écoute dont doivent faire preuve les praticiens. Ecoute qui permet de ne pas imposer une vision des reconstructions mais de valoriser avant tout le savoir-faire des populations locales. Ce fondement de l’architecture d’urgence se fait également l’écho d’une volonté de proscrire l’utilisation de techniques constructives importées et inadéquates au site. « Il faut reconstruire avec des systèmes constructifs adaptés et les moyens locaux113 » affirme le président d’Architectes de l’Urgence, association dont l’un des engagements majeurs est de reconstruire selon les techniques constructives locales. Ceci permet alors aux sinistrés de réutiliser les techniques, de les dupliquer et donc aux architectes de « laisser une technicité ». Les chartes internes : Les principes communs que tentent de construire les différents acteurs de l’architecture d’urgence peuvent également être symbolisés par des chartes. Aucune charte n’est commune à l’ensemble des acteurs de l’architecture humanitaire mais des chartes propres à chaque organisation voient le jour depuis une dizaine d’années, montrant la volonté des organisations d’architectes de l’urgence de construire leur profession sur des fondements adoptés par tous leurs membres. Ces chartes représentent une volonté des acteurs de l’aide humanitaire d’institutionnaliser leur rôle mais aussi leurs devoirs en définissant les principaux sociaux, économiques, politiques ou architecturaux qui guident leurs actions de terrain.

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BORNE Emmanuelle, « Architecture(s) de l'urgence, de l'expertise à la formation », in Le Courrier de l’architecte, 2010, Propos de Patrick COULOMBEL 118


L’association Architectes Sans Frontières dispose de la Charte de Hasselt114. L’élaboration de cette charte a commencé en 2003 pour être définitivement validée en 2005. L’ensemble des filiales d’Architectes Sans Frontières ainsi que d’Architecture & Développement sont signataires de cette charte, soit près de 25 associations qui constituent un réseau non hiérarchisé, indépendant et sans but lucratif115. Cette charte a été adoptée dans le but de rassembler les forces de ces associations et ainsi de renforcer et de mettre en commun leurs réflexions et actions116. Toutes ces organisations ont ainsi pour objectif commun de s’engager à un « développement humain à travers la fonction sociale, équitable, culturelle et environnementale de l’architecture, la construction, la restauration du patrimoine historique et de l’urbanisme 117». Cette charte reprend donc l’ensemble des fondements de l’architecture d’urgence étudiés précédemment et construit des principes communs auxquels doivent répondre les organisations signataires. De par la ratification de cette charte, l’ensemble des groupes ASF et A&D travaille suivant des principes communs même si leur façon de procéder est différente. « Coopérer à des initiatives justes et équitables pour un développement durable en collaboration effective avec les personnes ou communautés défavorisées. Ce processus devra respecter les principes de solidarité humaine, de non-discrimination, avec comme objectif ultime l’autosuffisance des bénéficiaires118 ». L’article premier de cette charte porte sur la volonté de travailler en collaboration avec les sinistrés et ce dans un but reconstruction durable. Ceci est donc la représentation de la volonté des architectes de l’urgence de ne pas travailler pour les sinistrés mais avec les sinistrés.

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Vous trouverez en annexe 12 (page 162) l’intégralité de la Charte d’Hasselt.

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ASF-PORTUGAL, Plaquette de présentation de 2013

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Charte de Hasselt - Article 1, Hasselt, 2005 119


« Partager les connaissances, promouvoir le dialogue et la réflexion, sensibiliser et collaborer pour favoriser une production sociale de l’habitat119 ». L’article 6 met lui aussi l’accent sur l’importance de la collaboration entre architectes et sinistrés. Cependant, contrairement à l’article 1, il fait référence à la mise en place d’un partage des savoirs entre architectes et sinistrés. Partage qui permet aux sinistrés de comprendre les erreurs à ne pas reproduire et de trouver des réponses pour une reconstruction pérenne leur permettant de s’approprier les habitats reconstruits au mieux. Il s’agit ici de favoriser l’échange et de partager les connaissances de chacun pour former les populations à la construction technique d’habitats correspondant à leur culture. « Faciliter l’usage de technologies appropriées, de matériaux écologiques et main d’œuvre adaptés aux valeurs et identités culturelles de chaque situation tout en respectant l’environnement120 ». L’article 5 tend quant à lui à promouvoir l’utilisation de la main d’œuvre et des matériaux locaux, autre point dont l’importance est prônée par de nombreux architectes de l’urgence. Le but de cet article est de mettre en valeurs le patrimoine, les savoir-faire et les matériaux locaux pour permettre une intégration des plus justes des habitats dans leur environnement. Ce point fait donc lui aussi partie des principes communs que les architectes de l’urgence développent et tentent de mettre en exergue lors de leurs missions. « Intégrer une stratégie de développement durable dans les programmes de post-urgence121 ». L’article 9 fait référence à la volonté des architectes de l’urgence de travailler dans un souci de reconstruction pérenne des sinistrés. Le but n’étant pas de limiter les actions à la reconstruction immédiate suivant la catastrophe mais de la prolonger dans le temps afin que les populations retrouvent leur vie post-catastrophe. Cet article marche donc dans le sens de la 119

Charte de Hasselt - Article 6, Hasselt, 2005

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Charte de Hasselt - Article 5, Hasselt, 2005

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Charte de Hasselt - Article 9, Hasselt, 2005

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volonté des architectes de travailler à la construction d’habitats pérennes et non provisoires mais aussi dans celui de prolonger les missions au-delà de la période de crise. « Défendre, fournir et améliorer un habitat digne et adéquat pour tous comme un Droit Universel Fondamental122 ». Enfin, l’article 10 se veut symboliser l’importance de la réflexion dont l’habitat d’urgence doit être issu ; l’importance de son adéquation avec le site, les besoins et la culture de ses habitants. De même, il souligne le fait que les architectes de d’urgence doivent porter une attention particulière à ce que cela soit mis en œuvre pour tous et doivent donc être les garants d’une égalité d’accès à un logement. L’ensemble de ces articles est donc dans la lignée des principes communs que tentent de fonder les architectes de l’action humanitaire, qu’ils soient ou non membres d’ASF ou d’A&D. Contrairement à ses confrères, la charte de la Fondation Architectes de l’Urgence ne décrit pas les grands principes de l’organisme de façon aussi limpide. Cette charte123 , écrite en 2001 lors de la fondation de l’association, qui doit être ratifiée par chacun des volontaires ou salariés et qui se veut transmettre les principes fondateurs de la fondation, ne donne pas tant d’informations sur les grands principes eux-mêmes que sur la façon dont ceux-ci doivent être mis en place. En effet, elle donne des indications sur la façon dont doivent être mises en œuvre les actions de terrain, la phase de la mission au cours de laquelle elles doivent être entreprises ainsi qu’une ligne de conduite que doivent respecter les architectes. Les seuls principes communs en tant que tels qui apparaissent dans cette charte sont majoritairement liés à la mise en sécurité des populations et à la nécessité d’apporter aide et conseil aux sinistrés, points centraux de l’action de l’association. L’article 9 traite de l’importance pour les architectes de l’urgence de mettre en place des collaborations avec 122

Charte de Hasselt - Article 10, Hasselt, 2005

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Vous trouverez en annexe 13 (page 163) l’intégralité de la charte de la Fondation Architectes de l’Urgence. 121


les architectes et professionnels du bâtiment, sans pour autant préciser si ceux-ci doivent être locaux ou non. En dehors de ces rares articles, la charte relate essentiellement les droits et les devoirs des architectes de l’association en des termes juridiques. Pour trouver les principes communs tels que nous les avons étudiés précédemment, il faut s’intéresser aux engagements de la fondation. Ceux-ci représentent alors les principes partagés par les autres ONG tels que la conservation des savoir-faire traditionnels, l’utilisation de matériaux locaux ou encore la mise en place d’habitats longue durée124. L’étude de cette seule charte ne permet pas de définir si les principes communs de l’association sont identiques à ceux des autres ONG. Cependant, la volonté de l’association de ne pas définir avec précision les principes au sein de ce document mais plutôt la façon dont doivent être menées les actions suggère elle aussi la mise en place de certains principes. En effet, cela peut être à l’origine d’une volonté de l’association de créer une cohésion au sein son action et d’inciter ses architectes à tous agir selon les mêmes méthodes et selon le même plan préétabli. Ainsi, tandis que la charte définit les grands principes d’action de la fondation, ses engagements constituent quant à eux les principes communs suivis par l’ensemble des architectes de l’urgence. Cette spécificité de la fondation montre donc la volonté d’aller plus loin dans la mise en place de principes communs en créant également des principes communs de l’action de terrain. Bien que les ONG ne disposent pas toutes de charte, elles agissent pourtant suivant les mêmes principes communs. Ceux-ci sont alors exprimés par des engagements, tout comme la Fondation Architectes de l’Urgence, et sont développés sur les sites internet de chacune d’entre elles. La décision de ne pas acter ces principes dans une charte peut être interprétée de deux manières. Elle peut se faire l’écho d’une mouvance des principes communs d’une organisation, supposant de faire évoluer ou de mettre à jour ces principes 124

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ARCHITECTES DU MONDE, Notre expertise, Disponible sur : archi-urgent.com


régulièrement, selon l’évolution de la pratique de la profession. A contrario, cette décision peut également traduire le fait que la construction des actions de terrain autour de ces principes est d’une telle évidence qu’il n’est pas nécessaire de les entériner par la ratification d’une charte. De par l’étude des différents principes qui guident l’action d’urgence aujourd’hui, il semblerait que ce soit la seconde supposition qui s’applique ici. Cependant, l’architecture d’urgence étant une profession complexe, elle suppose des remises en question perpétuelles qui peuvent faire valoir la supposition selon laquelle les principes communs sont mouvants et évoluent de jour en jour.

B. VERS UNE PROFESSIONNALISATION DE LA PROFESSION La constitution de fondements de l’aide architecturale d’urgence permet d’organiser la profession. Cette organisation tend donc à la professionnaliser. Professionnalisation qui semble être un enjeu majeur pour cette pratique du métier car elle est décisive dans le poids que les organisations d’architecture humanitaire peuvent avoir face aux ONG généralistes établies depuis bien longtemps125. Nous tenterons donc ici de définir les principes communs mis en place par les acteurs de l’action humanitaire pour professionnaliser leur profession. La formation des architectes de l’urgence : La professionnalisation d’une profession, quelle qu’elle soit, passe bien évidemment par la formation de ses pratiquants. Les architectes de l’urgence ont une façon d’exercer le métier d’architecte bien différente de celle de la pratique courante. De ce fait, il semble essentiel de former ces professionnels au mieux, de les rendre aptes

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ARCHITECTES DU MONDE, Notre expertise, Disponible sur : archi-urgent.com 123


à répondre au mieux à l’urgence et ce, le plus rapidement possible. Ceci semble complexe si une préparation n’a pas été faite en amont des missions afin de leur permettre de ne pas être pas pris au dépourvu une fois sur le terrain. Pour préparer au mieux ses praticiens, la fondation Architectes de l’Urgence a développé un système de formation. Faire participer les architectes de l’urgence à des formations semble effectivement être un moyen de créer des principes communs. De par leur formation commune, ces praticiens ont alors une vision identique quant à la façon dont ils doivent agir et quant aux objectifs qu’ils doivent atteindre. Ainsi, l’association a crée différents cycles de formations qui ont pour but de préparer tous les architectes souhaitant s’investir dans le domaine de l’urgence. L’ouverture de ces formations à tous les architectes de l’urgence démontre la volonté de l’association de créer une unité au sein de l’architecture d’urgence. Non pas par la soumission de l’ensemble des acteurs à leur méthode de travail mais bel et bien par la constitution d’une profession guidée par les mêmes principes. A titre d’exemple, la formation « L’architecte et l’urgence », qui se déroule sur trois jours, souhaite « structurer l’intervention volontaire des architectes en milieu construit sinistré126 ». Au travers de l’exploration de plusieurs thèmes (la sécurité dans un contexte d’urgence humanitaire, le concept humanitaire, les constructions préventives…), la formation permet aux architectes de comprendre la posture qu’ils doivent adopter face au risque, d’être sensibilisés aux différents aspects des missions humanitaires (physique, juridique, psychologique…), de comprendre les rapports à mettre en place avec les sinistrés, les gouvernements ou les autres ONG présentes sur le terrain et d’être sensibilisés aux diagnostics et procédés techniques127. Ces objectifs sont donc en adéquation avec les principes communs que tente de construire l’ensemble des architectes de l’urgence. De plus, afin de répondre au mieux aux objectifs ambitieux de cette formation, la fondation fait 126 127

ARCHITECTES DU MONDE, Notre expertise, Disponible sur : archi-urgent.com

ARCHITECTES DU MONDE, Formations continues, Disponible sur : archiurgent.com 124


intervenir des professionnels pour chaque domaine abordé permettant « une approche aussi bien technique qu’humaine aux problèmes rencontrés en situation de catastrophe128 ». Cette disposition met elle aussi en valeur les principes communs de la profession. En effet, ceux-ci se veulent tant lié à la dimension technique de la profession qu’à celle humaine. Cette formation est donc l’occasion pour les architectes de s’organiser autour de valeurs partagées par tous tout en mettant en valeur les spécificités de leur profession et en se professionnalisant. Les autres formations proposées par l’association portent toutes sur un sujet spécifique. Cependant, leurs objectifs sont identiques : sensibiliser au concept de risque, accroître l’importance de la présence des architectes de l’urgence en les formant à des méthodes d'urbanisation et de construction en adéquation avec les risques du site et apprendre à assister les sinistrés dans le processus de reconstruction129. Ces objectifs sont donc l’écho d’une détermination à professionnaliser les missions de terrain en construisant la profession autour des principes communs. La formation des étudiants en architecture : La formation aux contextes d’urgence architecturale ne se limite plus à la simple formation les architectes. Elle passe également par la création de formations au sein du cursus des études d’architecture. L’Ecole Spéciale des Travaux Public (ESTP) de Paris propose depuis 2011 un master spécialisé en collaboration avec la Fondation Architectes de l’Urgence. Ce master « Urgentiste Bâtiment et infrastructures » a été créé afin de pallier la pénurie de spécialistes que connaît actuellement l’architecture d’urgence130. Il semble évident pour la fondation et pour l’école que le métier d’architecte de 128

ARCHITECTES DU MONDE, Formations continues, Disponible sur : archiurgent.com 129

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ARCHITECTES DE L’URGENCE, Mastère de spécialisation, Disponible sur : archiurgent.com 125


l’urgence doit être valorisé dans les études d’architecture pour être plus attractif et créer l’intérêt, d’où la création de filières adaptées. Ce type de formations permet de professionnaliser la profession en formant les architectes de l’urgence de demain au mieux et le plus tôt possible. Afin de rendre la formation complète, ce master en un an aborde des thèmes tant généraux que spécifiques : la géographie (climatologie, vulcanologie, sismologie, hydrologie…), le management, les matériaux, la sécurité… Elle a pour objectif de « former des professionnels de la construction de l’architecture aux projets intégrant le paramètre « urgence »131 » et d’apporter « les outils théoriques et techniques adaptés aux besoins rencontrés sur le terrain132 ». Ce master apporte donc une formation des plus complètes à ses étudiants qui étudient l’ensemble des fondements sur lesquels reposent la pratique de l’architecture d’urgence. Aux termes de cette formation, les architectes peuvent prétendre à des postes à hautes responsabilités, du fait de leurs grandes compétences dans le domaine de l’urgence architecturale et ce, au sein de nombreuses structures133 : Fondation Architectes de l’Urgence, Comité International de la Croix-Rouge, la Croix Rouge, ONG d’urgence, agences des Nations Unies, Ministère des Affaires Etrangères…. La formation d’étudiants au sein d’un même cursus permet de former une nouvelle génération d’architectes de l’urgence autour de principes communs, constituant ainsi une génération d’architectes dont les objectifs sont guidés par les mêmes volontés d’action. Ce master permet donc d’inculquer des principes communs que les architectes de l’urgence tentent de faire émerger sur le terrain. 131

ARCHITECTES DE L’URGENCE, Mastère de spécialisation, Disponible sur : archiurgent.com 132

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Figure 22 : 1 : CRAterre, Palais Royal d’Abomey, Bénin, 2007, Photo : Karalyn Monteil / 2 et 3 :CRAterre, Palais Royal d’Abomey, Bénin, 2007, Photo : Thierry Joffroy / 4 : CRAterre, Festival Grains d’Isère, 2012 / 5 : CRAterre, CRAterre et construction, 2011 126


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L’association CRAterre (cf. Figure 22), basée à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG), propose elle aussi deux formations étudiantes en relation avec l’architecture d’urgence. Bien qu’elles ne soient pas directement liées à la question de l’architecture d’urgence, ces deux formations sont à l’origine de connaissances indispensables à la pratique de cette profession. Elles permettent de donner des pistes de réflexions nouvelles sur les habitats d’urgence de par la formation aux systèmes de structures originaux. Elles traitent également le respect des sites en favorisant l’utilisation de matériaux locaux, question essentielle dans les contextes d’urgence architecturale. Ces formations peuvent donc être s’avérer indispensables pour les architectes de l’urgence une fois sur le terrain et sont, tout comme le master de l’ESTP, à l’origine de la construction de principes communs pour ses étudiants. Le master « Architecture et cultures constructives », dispensé par l’ENSAG, forme à la conception éco-responsable. Il s’agit de « proposer des projets de logements légers pour la planète et pas chers, efficaces énergétiquement et accessibles financièrement à tous, en intégrant, très fortement les notions d'économie134 ». L’objectif est d’apporter aux étudiants une connaissance solide sur les matériaux et les systèmes constructifs ainsi que sur la nécessité de penser le projet d'habitat dans son contexte urbain, dans son intégration au site et dans sa gestion des énergies et des matériaux locaux. Ce master permet de former de nouveaux architectes dont les principes fondateurs sont identiques tout en les sensibilisant aux questions de l’architecture d’urgence. CRAterre propose également un Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement (DSA). Cette formation s’inscrit dans la chaire UNESCO « Architecture de terre », chaire qui souhaite développer la diffusion des savoirs sur l'architecture de terre135. Ainsi, ses objectifs pédagogiques vont de la protection des patrimoines architecturaux, archéologiques et historiques, à la favorisation de la recherche 134

CRAterre, Master Architecture et cultures constructives, Disponible sur : craterre.org

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scientifique sur le matériau terre en passant par le respect de l’environnement naturel. De même que les formations précédentes, ce DSA est un moyen de confronter les étudiants aux problématiques de l’architecture d’urgence et de leur apprendre à agir selon les mêmes principes communs. Les workshops proposés par les écoles d’architecture à leurs étudiants en collaboration avec des acteurs de l’architecture d’urgence sont eux aussi un mode de formation. Bien que ceci ne soit pas leur volonté première, ils permettent aux participants, au travers d’exercices et de conférences, de se confronter aux questions posées par l’architecture d’urgence. En y donnant des clés de réponses, ces workshops définissent donc des principes communs sur lesquels baser les travaux demandés. De même, ils représentent un partage des savoirs, principe fondamental de l’architecture d’urgence. Cet échange ne se fait pas seulement des architectes vers les étudiants mais également entre les étudiants eux-mêmes. Durant le workshop « L’abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo » qui a pris place à l’ENSAS en 2016, les étudiants ont eu à réaliser un abri provisoire en un temps limité. Cette conception a donc fait appel, d’une part, à un partage des connaissances par les organisateurs du workshop ; ces derniers ont dû donner des indications sur les façons de mettre en œuvre un tel abri aux étudiants en les formant à la construction dans l’urgence et en leur apportant des connaissances nécessaires à une action de terrain. D’autre part, les étudiants constituant les différents groupes de travail ont eux aussi eu à mettre en commun leurs connaissances pour répondre au mieux au projet. Ainsi, chacun a apporté ses savoirs en terme de construction pour mettre au point des techniques permettant de pallier les problèmes liés à la construction des abris : contreventer, assembler… (cf. Figure 23). Les conférences données par les organisateurs et les intervenants durant ces deux jours ont également permis de mettre en exergue des principes communs de l’architecture d’urgence tels que l’importance de la prise en compte des besoins, de la participation 129


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des sinistrés ou encore du respect du patrimoine local. Bien que les workshops ne se définissent pas comme une formation à proprement parler, ils sont donc tout de même à l’origine de la constitution de principes communs entre leurs différents participants et se font l’écho des volontés des architectes présents sur le terrain. D’autres actions, volontaires celles-ci, sont également mises à la portée des étudiants et peuvent être à l’origine de la construction de principes communs. Tout d’abord, les missions humanitaires de courtes durées permettant aux étudiants de partir pour quelques semaines ou quelques mois sont organisées par le biais d'ONG ou d’organisations souhaitant accueillir des bénévoles136. En amont de ces missions, les volontaires suivent une journée de formation pour leur expliquer les objectifs de leur mission et répondre à leurs questions. Les chantiers internationaux représentent eux aussi un premier pas vers une formation humanitaire. L'objectif de ces missions est de réaliser une mission commune en groupe : reconstruction, restauration, aide sanitaire auprès des enfants, au sein de structures d'accueil tels que les ONG d’architecture d’urgence. Enfin, le volontariat international représente lui aussi une formation. Ces missions permettent aux personnes de dix-huit et vingt-huit ans de mettre un pied dans l’aide humanitaire architecturale. Ces différentes missions effectuées sur le terrain sont donc l’occasion pour les architectes de l’urgence de former des étudiants à l’architecture humanitaire selon les principes communs qui guident l’action à laquelle ils prennent part.

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« Partir en mission humanitaire », in L’étudiant aujourd’hui, consulté le 25 novembre 2016, Disponible sur : etudiant.aujourdhui.fr Figure 23 : 1 à 5 : Abri d’urgence : une architecture minimum ? Atelier in vivo, Strasbourg, 2016, Photos : ENSAS 131


C. VERS UNE PLUS GRANDE RECONNAISSANCE La reconnaissance de la profession fait partie des grands enjeux actuels de l’architecture d’urgence. Etre mieux reconnu pour agir mieux, se trouver une place au sein des nombreux acteurs de l’aide humanitaire : telle est la suite logique de la professionnalisation de la profession. Pour ce faire, les acteurs de l’architecture d’urgence mettent en place de nombreuses actions, des principes communs, permettant de faire connaître et reconnaître leur profession et de créer l’intérêt. La dénomination d’ONG : L’un des critères de reconnaissance des architectes de l’urgence réside dans la dénomination des organisations. En effet, le terme d’Organisation Non Gouvernementale a une connotation prestigieuse. Dans l’imaginaire collectif, ce terme souligne l’importance d’une organisation et lui donne une dimension internationale. La perception la plus répandue des ONG est celle de « structures non lucratives, issues d'une mobilisation militante et citoyenne à caractère privé, agissant pour des causes sociales […] avec une dimension internationale137 ». A contrario, une association est souvent perçue comme un organisme amateur dont l’échelle d’action reste locale ou nationale138. Pourtant, sur le plan juridique, ces deux appellations ont le même statut. Elles définissent des organisations rattachées à leur pays d’origine mais dont l’action peut s’étendre à différentes échelles allant jusqu'à l’internationale. La symbolique que représente la dénomination d’un regroupement d’architectes d’urgence peut donc jouer un rôle dans la reconnaissance qui lui est accordée. Elle semblerait permettre d’asseoir sa légitimité et ainsi lui donner plus de pouvoir et lui 137

COORDINATION SUD, Le secteur des ONG françaises, Disponible sur : coordinationsud.org 138

DEPREZ Flavie, « Quelle différence entre ONG et association ? » in Carenews, 13 mars 2014, Disponible sur : carenews.com 132


permettre d’augmenter sa capacité d’action. Cette aura dont sont entourées les ONG s’explique également par la reconnaissance que les gouvernements et les institutions internationales leur confèrent. Elles sont perçues comme des « organisations qui supplanteraient presque les états dans certaines de leurs fonctions139 ». Posséder le titre d’ONG serait donc un moyen de faire reconnaître une organisation non seulement par les citoyens mais aussi par les gouvernements. Gouvernements qui constituent bien souvent un frein à l’action des architectes de l’urgence de par le poids administratif qu’ils peuvent faire peser sur eux ou de par le pouvoir de décision dont ils jouissent concernant la capacité d’intervention dont disposent les ONG dans les contextes d’urgence. Cette reconnaissance accordée aux membres d’une ONG peut expliquer le choix de l’association Architectes de l’Urgence de s’être élevée au rang de Fondation. Tout comme les ONG, les fondations semblent, toujours dans l’imaginaire collectif, avoir plus de poids qu’une « simple » association. De même, ceci peut être à l’origine de la décision d’Architectes sans Frontières et d’Architecture & Développement de fusionner leurs groupes. En s’associant, elles augmentent ainsi leur capacité d’action et donc leur poids dans l’action humanitaire. L’ouverture à l’international : Afin de pouvoir agir plus rapidement et plus efficacement, certaines ONG ou associations d’architectes d’urgence ont fait le choix de s’ouvrir à l’international. C’est le cas de la Fondation Architectes de l’Urgence, qui a créé des antennes en Australie et au Canada, respectivement en 2005 et 2007. La volonté de mettre en place ce réseau d’intervention international fait suite à deux réflexions140. Tout d’abord, ce déploiement est une façon d’utiliser stratégiquement les 139

DEPREZ Flavie, « Quelle différence entre ONG et association ? » in Carenews, 13 mars 2014, Disponible sur : carenews.com 140

FONDATION ARCHITECTES architectesdumonde.com

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fuseaux horaires. Lorsqu’une catastrophe se produit, les architectes peuvent intervenir plus rapidement sur le terrain du fait de leur présence sur plusieurs continents. Le fuseau Europe est ainsi géré par la France, l’Espagne et les pays proches, tandis que le fuseau Asie, Océanie, Australie et Japon est géré par l’antenne australienne et le fuseau Amérique par l’antenne canadienne. De plus, la multiplication des filiales permet d’accroître la capacité à lever des fonds et ainsi permettre à la fondation d’être plus rapidement opérationnelle et de réaliser un travail de terrain plus complet. Ajouté à cela, en 2015, Architectes de l’Urgence est passé sous l’égide de la Fondation Architectes du Monde (FAM). Cette fondation reconnue d’utilité publique abrite des structures dont les objectifs sont en adéquation avec au moins un de ses objectifs, à savoir : « - encourager la formation des architectes en France et dans le monde, - conserver et promouvoir le patrimoine architectural, historique et culturel mondial, - soutenir et développer l’engagement humanitaire des architectes en France et dans le monde et de contribuer ainsi au rayonnement de l’architecture, - apporter la compétence des architectes au secours des populations éprouvées par les catastrophes naturelles, technologiques ou humaines.141 ». La démarche de travail d’Architectes de l’Urgence répondant à plusieurs de ces objectifs, elle s’est vu mise sous égide142. Ce procédé a notamment pour intérêt de développer le réseau de la fondation abritée dans le monde entier en utilisant le réseau et la notoriété de 141

FONDATION ARCHITECTES architectesdumonde.com 142

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MONDE,

Disponible

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Au-delà des aspects détaillés dans le développement, une mise sous égide entraine la fusion des personnalités morale et juridique de la fondation abritée et de la fondation abritante. La fondation abritée est ainsi assujettie au régime de la fondation abritante : c’est un contrat qui fixe son degré d’autonomie. Ce procédé a pour intérêt de réduire considérablement les charges administratives de la fondation sous égide ; ces charges étant gérées par la fondation abritante. 134


la fondation abritante143. Ceci a donc permis à l’association Architectes de l’Urgence d’avoir une plus grande visibilité. De même, cette ouverture à l’international augmente le nombre d’architectes au sein du groupe, donnant à la fondation plus de poids et donc plus de légitimité. Enfin, les architectes des différentes fondations du groupe étant formés au sein des mêmes cycles de formations, ils partagent les mêmes principes. Principes qui, grâce à l’ouverture à l’international d’Architectes de l’Urgence peuvent être diffusés plus largement. En établissant une structure plus stable et plus expérimentée et en unifiant le travail de ses équipes autour de bases solides et partagées par tous ses architectes, la fondation permet donc de légitimer son action et plus largement, celle de l’architecture d’urgence. Tout comme Architectes de l’Urgence, Architectes sans Frontières a fondé en 2007 ASF-International. Cette création s’est faite en réponse à l’accroissement de l’intérêt pour les questions sociales et environnementales en architecture et à l'insatisfaction des normes éthiques de l'architecture traditionnelle144. L’ONG est désormais présente dans trente-quatre pays, sur quatre continents, ce qui permet aux différentes antennes d’être plus productives et d’avoir un poids plus important dans les décisions concernant l’architecture d’urgence. Gérant chacune une partie du Monde, elle peuvent se spécialiser pour agir aux mieux dans les contextes qu’elles doivent traiter. L’action de l’ensemble du groupe ASF est ainsi, lui aussi, guidé par les mêmes valeurs. Créer l’intérêt chez les étudiants : La reconnaissance du métier d’architecte de l’urgence ne se fait pas uniquement sur le terrain d’une catastrophe. La sphère architecturale est également un moyen de développer et de faire avancer cette 143

POIDEVIN Blandine, « ONG et associations », in Juriexpert, 29 septembre 2011, Disponible sur : juriexpert.net 144

ASF, About us, Disponible sur : asfint.org 135


pratique de la profession. La volonté des écoles d’architecture de s’ouvrir et de s’intéresser à l’architecture d’urgence permet de professionnaliser la profession comme nous l’avons vu. Or, des acteurs plus professionnels sont fatalement mieux reconnus une fois sur le terrain. L’engagement des étudiants semble donc être un moyen de faire connaître cette pratique de la profession par les étudiants et ainsi de faire progresser leur reconnaissance envers les architectes de l’urgence. De ce fait, de plus en plus de partenariats avec des écoles d’architecture sont mis en place. Ces coopérations permettent aux étudiants de « s’enrichir au contact d’autres cultures constructives et architecturales145 » selon Frédéric Nantois. La multiplication des actions entre architectes de l’urgence et écoles d’architecture peut permettre d’ouvrir aux étudiants de nouvelles possibilités professionnelles et de faire évoluer le regard qu’ils portent sur l’architecture ainsi que leur culture architecturale. Selon Patrick Bouchain, ces jeunes architectes sont une véritable source de renouveau pour l’architecture d’urgence146. L’ouverture de l’architecture d’urgence dans les écoles d’architecture peut donc être à l’origine de l’augmentation de l’intérêt porté par les architectes et étudiants en architecture eux-mêmes sur l’aide humanitaire. Le recentrage sur les compétences de chacun : Certains architectes comme Patrick Coulombel déplorent un « manque de reconnaissance des compétences des architectes en cas de catastrophes147 ». Pourtant, certains analystes ont une lecture différente de la situation. Selon Frédéric Nantois, architecte théoricien, « l’intérêt et la reconnaissance pour les actions des ONG

145

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.44 146 147

Idem, p.45

COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.110 136


spécialisées dans les missions d’architecture148 » tend à augmenter. Il estime cependant que la création d’une structure telle que celle des architectes de l’urgence nécessite du professionnalisme et des moyens pour se voir acquérir un statut d’acteur et de partenaire reconnu « face aux bailleurs de fonds, mais aussi à des ONG non spécialistes dont l’architecture était un champs d’intervention149 ». Contrairement aux praticiens, Frédéric Nantois pense donc que le manque de légitimité octroyé aux architectes sur le terrain n’est pas dû à un manque de reconnaissance de ce qu’ils peuvent apporter à ces contextes, mais plutôt au fait qu’ils doivent se créer une place face à des acteurs bien plus puissants qui ont géré avant eux le problème de l’architecture d’urgence. La reconnaissance des architectes sur le terrain comme acteurs incontournables doit donc passer par l’acceptation de ces ONG à convenir du fait que les architectes sont les mieux placés pour mener à bien de telles missions150. La reconnaissance des architectes de l’urgence est donc un processus complexe et long qui demande une prise de conscience de l’intérêt de leur action par l’ensemble de l’aide humanitaire. La naissance des ONG d’architectes ces dernières années a permis à l’aide humanitaire de recentrer chaque ONG sur son domaine de compétence. Ainsi, les architectes ont pu affirmer l’intérêt de leurs interventions en développant leur capacité d’action. Frédéric Nantois affirme que « les architectes peuvent non seulement bâtir dans le cadre humanitaire mais avant tout introduire des compétences qui font défaut, notamment dans des phases de diagnostic et d’expertise, d’évaluation des besoins et des risques, de programmation, d’assistance à la maitrise d’ouvrage, de conseil aux population. Soit l’ensemble des qualités mises en avant par la profession dans sa

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NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p. 43 149

Idem, p.44

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pratique courante151 ». Au travers des compétences qu’ils mettent en œuvre sur le terrain des catastrophes, les architectes tendent donc à se poser comme acteurs essentiels de la reconstruction postcatastrophe. Leurs connaissances étant de plus en plus convoitées dans les contextes d’urgence, ils sont ainsi mieux reconnus leur permettant d’agir plus sereinement qu’aux débuts de l’architecture d’urgence. L’influence des médias de masse : Les médias de masse semblent également être à l’origine de la reconnaissance qui est octroyée aux architectes. Selon un journaliste des Cahiers Techniques du Bâtiment : « Lorsqu'une catastrophe se produit dans le monde les images affluent désormais de toutes parts. Elles ont pour effet […] de sensibiliser les nantis aux besoins des populations sinistrées en soins et en nourriture. Malheureusement […] d’autres besoins tout aussi essentiels […] sont ignorés par le zapping de l’actualité comme la nécessité d’un toit, la sécurisation, puis la reconstruction et ce travail se prête peu a une exploitation médiatique152 ». La reconnaissance octroyée aux praticiens pourrait donc être entre les mains des médias de masse qui régissent aujourd’hui le monde de l’information. Marie Aquilino pense quant à elle que c’est l’analyse faite par les journalistes qui est à l’origine de l’intérêt porté à une catastrophe et non la quantité de médiatisation elle-même153. Les analyses des journalistes des médias de masse sont les premières sources d’informations disponibles pour les personnes souhaitant s’informer sur une catastrophe. Ainsi, la façon dont ces journalistes relatent un événement et l’intérêt qu’ils donnent à l’architecture dans leur analyse est cruciale quant à la façon dont sera perçue l’importance de l’architecture d’urgence. Ceci suggère que les 151

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.43 152

« Urgentiste : une spécialisation après onze ans de reconnaissance » in Les Cahiers Techniques du Bâtiment, no308, septembre 2011 153

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Idem


informations que les médias choisissent de donner et la façon dont ils choisissent de les évoquer dictent l’intérêt porté à la mission humanitaire et non le simple fait qu’ils s’y intéressent. « Considérés au tout début comme dés poètes, des illuminés, des « dingues », nous avons en vrais pionniers défriché cette « terre de mission », pourtant simple, d’architectes urgentistes ; elle n’avait, avant nous, pas rencontré d’échos autres que des sourires amusés, plutôt moqueurs, de confrères qui ne croyaient pas un instant à cette idée de travailler différemment dans l’urgence154 ».

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COULOMBEL Patrick, Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, 2007, p.191

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CONCLUSION Ce mémoire avait pour objectif de définir les nouveaux enjeux que supposent une plus grande visibilité de l’architecture d’urgence et le tournant que connaît cette profession. Bien que l’architecture se définisse communément comme l’ « art de construire », dans le cadre de l’architecture d’urgence cette définition prend un tout autre sens. Les architectes de l’urgence doivent « concevoir et construire dans les situations de crise, où les contraintes courantes du métier sont exacerbées155 ». De ce fait, chaque organisation œuvrant sur le terrain de l’humanitaire met en place une méthode de travail qui lui est propre et qui lui semble répondre aux spécificités de cette pratique de l’architecture. Les différentes méthodes tendent toutes de répondre à une partie des enjeux de la reconstruction post-catastrophe en s’appuyant sur une période du processus. De ce fait, chaque ONG ou organismes met en avant un rôle bien particulier de l’architecte de l’urgence. Cependant, de par l’étude de différentes organisations, nous avons défini que, parmi ces rôles, la grande qualité d’écoute dont les architectes de l’urgence doivent faire preuve semble être le plus important car facteur de la réussite primordial des missions. Il permet aux architectes de comprendre les besoins, le site ou encore la culture locale. Ainsi, il est à l’origine de la mise en place d’une réponse adéquate même dans l’urgence et donc de la réussite des habitats et plus largement de celle d’une reconstruction durable et totale des sinistrés. Cette qualité d’écoute permet également de construire une nouvelle image des architectes, plus proche de l’Homme. Nouvelle image diffusée par la médiatisation de plus en plus importante et variée que mettent en place ces architectes. Comme nous l’avons démontré dans ce mémoire grâce à l’étude de différents supports, la médiatisation de l’architecture d’urgence se métamorphose depuis quelques années. Elle fait émerger de nouvelles formes de diffusion ou de 155

NANTOIS Frédéric, « L'engagement humanitaire par l’architecture », in D’Architectures, no159, novembre 2006, p.43 141


communication qui, de prime abord, semblent parfois totalement étrangères à la pratique de la profession. Cependant, l’utilisation de ces supports particuliers permet de toucher un public plus large et donc de mieux faire connaître ce métier peu connu. Selon l’analyse effectuée, l’émergence de ces nouveaux modes de médiatisation par les praticiens permet de séduire le public. On assiste à une recherche d’esthétique de la transmission des retours d’expériences ; les praticiens romancent leurs livres ou illustrent leurs conférences par des images de la vie quotidienne. De même, l’apparition de supports nouveaux par les analystes et les artistes ouvre le champ de diffusion de l’architecture d’urgence et ainsi lui permet de s’émanciper de la seule sphère architecturale. Ils donnent aux lecteurs, aux spectateurs, aux visiteurs la possibilité de mieux comprendre l’action des architectes de l’urgence de par la vulgarisation qu’ils supposent. En effet, les termes techniques sont abandonnés pour faire place à des informations, voire même à des œuvres d’art, plus compréhensibles par tout un chacun. Cependant, bien que cette étude ait démontré la capacité de la médiatisation à élargir le public visé, il convient de dire que celle-ci n’aboutit pas toujours. Expositions ou workshops, articles ou conférences sont bien accessibles par tous. Pour autant, le public premier de ces supports semble majoritairement être les architectes ou les étudiants. Ils permettent parfois de toucher un public plus large mais cet objectif ne semble être réellement atteint que par les expositions. La fusion entre art et architecture qu’elles supposent représente un moyen d’intéresser de nouveaux acteurs et de les surprendre. Cependant, les lieux au sein desquels prennent place ces expositions peuvent eux aussi être un facteur de réussite de cet objectif. En effet, le lieu d’une exposition, s’il est un musée connu du grand public, peut expliquer l’affluence de personnes pour une exposition ; les gens ne se déplaceraient plus seulement pour l’exposition mais pour le lieu. Il en est de même pour la naissance d’architectes « stars » ou de projets « phares ». Bien que très connues au sein de la profession, ces figures de proue ne parviennent que rarement à la vue et au su des non initiés. Ainsi, il semblerait que l’intérêt majeur de ces nouveaux modes de médiatisation ne soit pas 142


de rendre plus visible l’architecture d’urgence mais de la faire évoluer. La médiatisation, grâce aux nouveaux acteurs qu’elle met en jeu – architectes, analystes et autres artistes – permet d’explorer et de questionner de nouveaux angles d’attaque de la profession. Elle est ainsi être le reflet d’une multitude de points de vue sur cette pratique particulière. Les différents groupes d’acteurs étudiés ont permis de mettre en exergue le fait que les problématiques et les sujets soulevés par les différents protagonistes de la médiatisation sont bien souvent distincts voire opposés. Tandis que les praticiens sont confrontés aux réalités du terrain et à ses imprévisibilités, les analystes ou artistes font le choix d’étudier un ou plusieurs sujets bien spécifiques avec une prise de recul dont les praticiens ne disposent pas toujours. La médiatisation devient alors le support de la mise en commun et du partage des savoirs acquis par chacun des acteurs. Cependant, si ces savoirs sont uniquement partagés, ils ne peuvent servir la pratique de la profession. Les architectes tendent donc à construire des principes communs issus de ce partage, principes qui semblent aujourd’hui devenir le fil conducteur des missions d’urgence. Ils permettent de construire une profession fondée sur les mêmes valeurs malgré la multiplicité des méthodes de travail qui existe et qui fait la particularité et la richesse de cette pratique. De même, ils tendent à répondre à des enjeux importants de la profession. Au travers de la construction de principes communs, notamment grâce aux formations professionnelles ou étudiantes, l’architecture d’urgence se professionnalise. Cette professionnalisation permet d’institutionnaliser la profession et donc de lui accorder autant d’importance qu’aux autres métiers représentés dans l’aide humanitaire. Cette professionnalisation additionnée à des principes communs tel que le recentrage des connaissances de chacun sur le domaine humanitaire qui lui est propre permet de faire évoluer la reconnaissance qui est accordée aux architectes de l’urgence, tant sur le terrain que dans la sphère architecturale. Ainsi, le pouvoir d’action des architectes de l’urgence tend à augmenter et la profession tend à trouver sa place au sein de l’aide humanitaire. Cette meilleure reconnaissance, qui semblait être l’aboutissement et 143


le but recherché par les architectes, ne paraît pourtant n’être qu’une conséquence de l’enjeu majeur. Il semblerait effectivement que ce soit bel et bien l’évolution de la profession elle-même, sa construction autour de principes communs permettant de rendre l’action des architectes plus efficace qui soit l’objectif recherché par l’architecture d’urgence aujourd’hui et mis en exergue par sa médiatisation. Ainsi, la plus grande visibilité et le tournant que connaît cette pratique ne seraient pas à l’origine de plusieurs enjeux mais d’un seul les regroupant tous : faire évoluer la profession en lui construisant des bases solides et partagées par tous. La médiatisation est donc un facteur permettant de faire évoluer l’architecture d’urgence. Ceci peut alors expliquer la naissance de nouveaux supports et l’intérêt des différents acteurs de la médiatisation à diffuser de plus en plus et de façons plus atypiques. Cependant, bien qu’il soit peut-être trop tôt pour le définir de façon précise, cette médiatisation pourrait présenter des aspects néfastes pour l’architecture humanitaire. En effet, nous pouvons penser que l’architecture de l’urgence risque de voir son fonctionnement devenir identique à celui de l’architecture plus courante si sa médiatisation devient trop importante. Ceci pourrait alors engendrer une nécessité de voir sans cesse naître de nouvelles opérations phares, de nouveaux architectes « stars ». Or, il paraît évident que ceci est loin d’être l’intérêt premier de cette pratique de l’architecture. Les missions, avant tout tournées vers l’aide aux personnes sinistrées ou en danger, n’ont pas pour but de médiatiser les architectes ni de créer une ou des « star(s) » de l’architecture d’urgence. La reconnaissance de projets phares permet, certes, de mettre en avant des solutions à certaines problématiques qui peuvent se poser à l’architecture d’urgence et de faire connaître la profession. Cependant, le but n’est pas que ces projets deviennent des faire-valoir. Il ne serait donc pas souhaitable que l’architecture d’urgence se laisse prendre dans le cercle vicieux que peuvent représenter les médias et la médiatisation. Ceci pourrait mener à une perte de spécificité de l’architecture d’urgence et plus largement de l’action humanitaire. Les actions 144


d’urgence architecturale seraient alors réduites à faire des projets destinés à devenir phares et ainsi, tout comme nous l’avons évoqué plus tôt, entacher l’image de l’humanitaire.

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ANNEXES

ANNEXE 1 : Frédéric NANTOIS ANNEXE 2 : Shigeru BAN ANNEXE 3 : Patrick COULOMBEL ANNEXE 4 : Xavier GENOT ANNEXE 4 : Marie AQUILINO ANNEXE 6 : Tableau de recueil des données ANNEXE 7 : Sublime. Les tremblements du Monde., Centre Pompidou Metz, Metz, 11 février – 5 septembre 2016 ANNEXE 8 : Habiter le campement, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris, 13 avril – 29 août 2016 ANNEXE 9 : L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo, ENSAS, 9 et 10 juin 2016 ANNEXE 10 : Architecture d’urgence, Pavillon Vendôme, La Maréchalerie, La maison des arts de Malakoff, 25 avril – 27 juillet 2014 ANNEXE 11 : Concours d’architecture & de design de la Fondation des Amis de Médecins Du Monde, 1 septembre 2015 – 29 janvier 2016 ANNEXE 12 : Charte de Hasselt, 2005 ANNEXE 13 : Charte de la Fondation Architectes de l’Urgence, 2001

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ANNEXE 1 : Frédéric NANTOIS Biographie Frédéric Nantois, architecte de formation, monte l’agence Archi Media avec Fiona Meadows en 1992 (cf. Annexe 8). Ces deux architectes mêlent l’art à l’architecture pour la conception de leurs projets qui sont « les supports d'une réflexion sur la théorie et la pratique de l'architecture aujourd'hui ». Ils réfléchissent à la façon d’ancrer l’architecture dans la société actuelle en utilisant les technologies contemporaines de communication. Les vidéos sont donc leur support de prédilection car ils les considèrent comme un outil d’expérimentation et de critique. Il enseigne et fait de la recherche sur les relations entre l'architecture et les nouveaux médias. Frédéric Nantois est également conseiller en architecture pour la Fondation Cognacq-Jay, fondation qui tente de développer la solidarité sociale, et est engagé dans l’architecture d’urgence, de par son association avec Fiona Meadows (cf. Annexe 8). Dossier étudié Le dossier « L'engagement humanitaire par l’architecture » propose d’interroger une façon différente de s’engager dans l’action humanitaire. Par la présentation de différentes ONG, l’auteur tente de définir la place de l’architecte dans les contextes d’urgence et de comprendre le fonctionnement des organismes œuvrant sur le terrain. Il s’intéresse également aux écoles d'architecture qui tentent de créer l’intérêt au sein de leur établissement grâce à des expériences pédagogiques. Ce dossier témoigne de l’importance de l’engagement des architectes et des étudiants dans l’aide humanitaire. Cet engagement croissant, selon Frédéric Nantois, permet à la profession d’être plus légitime quand bien même sa reconnaissance aux yeux des autres acteurs présents sur le terrain prend du temps. Mots clés : engagement, étudiants, ONG, place de l’architecte, reconnaissance de la profession. 149


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ANNEXE 2 : Shigeru BAN Biographie Shigeru Ban est un architecte japonais investi depuis toujours dans l’architecture humanitaire. Pendant ses études, il commence à étudier les capacités des systèmes de structures en papier et carton et à les développer. Le séisme de 1995 à Kobe est l’occasion de mettre à profit les systèmes qu’il a mis au point pour la construction d’abris d'urgence. Naissent les premières Paper Log Houses, maisons manifestes de son travail architectural humanitaire. Il fonde Voluntary Architects’ Network (VAN) en 1995. Cette association se fait l’écho des méthodes de travail de Ban : construire avec des matériaux locaux, en papier ou en carton afin de répondre le plus simplement et efficacement aux besoins des sinistrés. Ces systèmes répondent donc aux questions d’écologie mais aussi à la simplicité de construction, préoccupations majeures de l’architecture d’urgence. Aujourd'hui, Ban est consultant pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, pour lequel i il conçoit et développe des habitats d'urgence. Ban est ainsi un précurseur de l’architecture d’urgence ; ses travaux sont d’une importance capitale pour cette pratique de la profession. Conférence étudiée Cette conférence de l’architecte japonais est à l’origine d’une introspection de Ban sur son travail tant humanitaire que privé. Il y présente l’intégralité de ses travaux les plus remarquables en incitant le spectateur à réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans l’architecture humanitaire. Ban expose également ses méthodes de travail si particulières basées sur l’exploitation des matériaux locaux. Il fait l’apologie de la prise en compte des besoins des sinistrés et de leur participation dans le processus de reconstruction.

Mots clés : matériaux locaux, participation des sinistrés, tubes de papier. 151


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ANNEXE 3 : Patrick COULOMBEL Biographie Patrick Coulombel est diplômé architecte en 1991. Il possède également une formation de gemmologue, un BEP d’électricien, un Master 1 de droit privé et a été officier de la marine marchande. Ce riche parcours universitaire l’a amené à travailler en tant que professeur de d’électrotechnique et de mathématiques, comme professeur de voile et comme architecte dans différentes agences d’architecture avant de se mettre à son compte en 1993. En 2001, il fonde l’association Architectes de l'Urgence pour apporter une aide aux victimes des inondations de la Somme, début de son investissement sans faille dans l’architecture d’urgence. Aujourd'hui, l’association est devenue une fondation reconnue d'utilité publique ; elle intervient dans le monde entier pour la gestion des catastrophes naturelles, technologiques ou humaines. Elle est également reconnue au niveau international pour sa rapidité d'exécution et sa maîtrise des situations d'urgence. Patrick Coulombel a également contribué à la création d’Architectes d'Urgence Canada, Australie, Suisse et Monde dont il est co-fondateur. Le point de vue de cet architecte est donc dicté par ses nombreuses formations, le rendant d’autant plus riche et intéressant. Ouvrage étudié « Architectes de l’urgence, un nouveau métier de l’humanitaire » retrace les différentes actions menées par l’association Architectes de l’Urgence depuis sa création. L’architecte transporte le lecteur dans le monde de l’urgence au travers d’un documentaire romancé dont il est le personnage principal. Ce livre questionne la place de l’architecte dans les contextes d’urgence, la création d’un intérêt mondial, la façon de lier urgence, reconstruction à long terme et manque de financement, mais aussi la méthode à adopter pour répondre au mieux aux besoins des populations et les difficultés d’action des architectes dans des contextes d’urgence. Mots clés : roman, besoins des sinistrés, répercussion des difficultés. 153


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ANNEXE 4 : Xavier GENOT Biographie Xavier Génot est un architecte diplômé de l’ENSAS. Il travaille depuis 2005 au sein de la Croix Rouge comme coordonnateur d’équipes sur des missions d’urgence et sur la thématique de l’abri. Cet architecte est très investi dans les missions humanitaires mais également dans l’initiation et l’éducation des étudiants en architecture à l’architecture d’urgence comme le prouve sa participation au workshop étudié dans ce mémoire (cf. Annexe 8) ou la conférence qu’il a donné à l’ENSAS. Conférence étudiée La conférence « Logement et abris, tradition, résilience et aide humanitaire – L’exemple du Vanuatu 6 mois après le cyclone » a été donnée par l’architecte en octobre 2015 à l’ENSAS. Cette conférence porte sur une mission au Vanuatu à laquelle Xavier Génot a participé en 2015, suite au passage du cyclone PAM. Ce cyclone de grande ampleur a affecté 188000 habitants, endommageant ou détruisant 80% des logements dans les zones touchées. L’enjeu de cette conférence est double. Tout d’abord, retracer les étapes de la mission à laquelle l’architecte a pris part et ainsi interroger la prise en compte de la culture locale et l’intégration des sinistrés dans le processus de reconstruction., deux points qui semblent être au cœur de la réflexion de l’architecte. D’autre part, cette conférence interroge le prolongement des missions dans le long terme et pose la question du post catastrophe : que se passe-t-il six mois après ? Comment les populations sont soutenues dans leur processus de relèvement à long terme ? Comment s’articulent aide internationale, tradition et résilience ? L’architecte tient à démontrer l’importance d’une reconstruction durable et totale et donc l’importance de prolonger l’aide humanitaire sur plusieurs mois voire années. Mots clés : long terme, participation des sinistrés, patrimoine local, résilience. 155


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ANNEXE 5 : Marie AQUILINO Biographie Marie Aquilino a étudié à l’université de Brown aux Etats-Unis, où elle a obtenu un doctorat en philosophie ainsi qu’un master en histoire de l’art et de l’architecture. Suite à ses études, elle se spécialise sur la question du réaménagement urbain contemporain en relation avec l'atténuation des risques et le redressement des populations sinistrées. Elle organise régulièrement des séminaires sur le rôle de l'architecte dans la prévention et l'atténuation des catastrophes ainsi que sur la reconstruction durable des sinistrés. Elle collabore actuellement avec la Fédération internationale de la Croix-Rouge pour mettre en place un groupe de travail sur la reconstruction d'Haïti. Elle est également directrice de programmes associés de l'Initiative BaSiC (une collaboration de professeurs et d'étudiants engagés dans la construction de communautés durables) et professeur d'histoire de l'architecture à l'Ecole Spéciale d'Architecture de Paris. En 2014, Marie Aquilino a fondé le Haïti Water Atlas Consortium. Le but de cette association est de développer une plate-forme de gestion des données sur l’eau en Haïti afin de démontrer l’intérêt de l’eau dans le développement économique, l’alignement stratégique, l’atténuation des risques de catastrophes... La vie professionnelle de cette analyste est témoin de son engagement dans l’architecture d’urgence et ses problématiques. Dossier étudié Le dossier « Architectes de l’humanitaire », paru dans la revue Archistorm, interroge le rôle des architectes dans les contextes d’urgence humanitaire. Au travers de l’étude de différentes ONG, Marie Aquilino confronte les réponses d’urgence à celles à plus long terme. Elle veut démontrer que l’engagement des architectes de l’urgence est primordial pour la réussite d’une mission humanitaire et en appelle à l’engagement de chacun. Mots clés : Place de l’architecte, actions à long terme, engagement. 157


ANNEXE 6 : Tableau de recueil des donnĂŠes

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ANNEXE 7 : Sublime. Les tremblements du Monde., Centre Pompidou Metz, Metz, 11 février – 5 septembre 2016 Artiste à l’origine de l’exposition Amy Balkin est une artiste américaine diplômée de l'Université de Stanford. Son travail est basé sur une recherche interdisciplinaire et une critique sociale. Elle se concentre sur la façon dont les humains créent, interagissent et ont un impact sur les paysages sociaux et matériels qu'ils habitent. La place de l’homme a donc une importance majeure dans sa réflexion. C’est dans cette idée que s’est développé son travail pour l’exposition étudiée : interroger la place de l’Homme dans la nature et le Monde. Artistes exposés Shigeru BAN, Richard BUCKMINSTER FULLER, Christo et JeanClaude, Hiroshi SUGIMOTO, Superstudio, Lars VON TRIER… Objectifs de l’exposition Au travers d’œuvres de tous types (films, documents, photographies...) l’exposition « Sublime. Les tremblements du Monde. » explore l’impact de l’homme sur la planète et sa place dans les activités de la nature. L’objectif est de faire prendre conscience aux spectateurs de leur rôle dans l’amplification des catastrophes naturelles. Les œuvres d’artistes mêlées aux travaux d’architectes dépeignent l’urgence dans laquelle nous vivons. L’exposition ne se limite donc pas à la simple urgence architecturale, elle construit un fil conducteur entre nature et architecture, entre art et architecture, pour mener le spectateur vers une introspection, une réflexion sur sa place dans le Monde. L’exposition interroge la place et l’importance que peut avoir l’architecture d’urgence au travers de l’exposition de divers projets, plus ou moins utopiques. Mots clés : art, nature, catastrophe, urgence, place de l’Homme. 161


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ANNEXE 8 : Habiter le campement, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris, 13 avril – 29 août 2016 Commissaire de l’exposition Fiona Meadows, architecte associée à Frédéric Nantois (cf. annexe 1), est responsable de programmes et commissaire d’exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine de Paris. Elle est également à l’origine du laboratoire pour l’Afrique. Ce laboratoire propose l'organisation de workshops et d'expositions et s’articule autour d’un atelier in situ en Afrique. Enfin, elle a fondé le programme « petite architecture » qui veut « substituer la logique du maximum par une logique du minimum » pour éviter le superflu et se réapproprier les petites échelles oubliées. Ce programme s’inscrit donc dans une recherche de valorisation des savoir-faire locaux et des ressources traditionnelles. De par cet engagement, Fiona Meadows interroge ou donne des éléments de réponses aux problématiques de l’architecture d’urgence et tente de sensibiliser ses prochains. Objectifs de l’exposition L’exposition « Habiter le campement », hébergée par la Palais de Chaillot, questionne le rapport entre l’habitat et le campement et donc entre pérennité et provisoire. Ce questionnement se fait au travers de l’exploration de six typologies de campements, illustrés par des photographies. Cette exposition met en exergue les constantes des différents campements étudiés et propose un regard inédit sur une question d'actualité rarement observée à travers le prisme architectural : le campement. Cette exposition amène les visiteurs à se poser des questions sur l’architecture d’urgence et lui donne des éléments de réponses. Grâce à sa scénographie, elle plonge également les spectateurs dans les sensations qui peuvent être ressenties dans ces camps en mettant en éveil tous leurs sens. Audelà d’une simple réflexion, cette exposition est une forme de mise en situation. Mots clés : architecture, campement, diversité des supports, scénographie, immersion, sens. 163


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ANNEXE 9 : L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo, ENSAS, 9 et 10 juin 2016 Organisateurs Ce workshop est né de l’initiative de Bruno DE MICHELI, Anne-Sophie KERH et Xavier GENOT. Anne-Sophie KERH, architecte et professeur à l’ENSAS, a souhaité mettre en place ce workshop afin de prendre ses « responsabilités pédagogiques » et de permettre aux participants « d’appréhender d’autres questions architecturales, plus proches de la réalité ». Elle souhaitait servir l’intérêt public tout en cultivant l’intérêt des étudiants pour cette pratique de l’architecture. L’investissement de Bruno DE MICHELI, architecte et enseignant de structure à l’ENSAS, dans ce workshop a permis d’apporter aux participants des connaissances structurelles afin qu’ils puissent concevoir des abris dont les structures répondent à la facilité et à la simplicité de mise en œuvre que suppose l’architecture d’urgence. Intervenants Olivier MOLES du laboratoire CRAterre, Vincent VIRGO de l’IFRC Shelter Research Unit et Helois HELLIEN du bureau des urgences internationales de la Croix Rouge française Objectifs du workshop Ce workshop permet aux étudiants de réfléchir sur la question de l’urgence en architecture. Au travers de conférences, données par des acteurs engagés dans l’architecture d’urgence, est questionné le rôle de l’architecte dans la réponse aux crises, aux moyens disponibles et aux besoins en habitat minimum pour les plus vulnérables. Cet atelier de deux jours, ouvert à une vingtaine d’étudiants, permet également à tous les acteurs de transmettre et de partager leurs savoirs et d’apporter de nouveaux angles d’attaque et de réflexion sur la pratique de l’architecture d’urgence. Mots clés : réalité de terrain, immersion des participants, spectaculaire, formation, transmission, mise en commun des savoirs, expérimentation. 165


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ANNEXE 10 : Architecture d’urgence, Pavillon Vendôme, La Maréchalerie, La maison des arts de Malakoff, 25 avril – 27 juillet 2014 Artistes exposés Atelier Van Lieshout, BAN Shigeru, BREVET Nathalie, CARDINAL Franck, DECLERCQ Alain, DORENT Nathanael, Encore heureux + G Studio, GALLARDO Ana, GOUDAL Noémie, JONES Wes, LACOTTE Laurent, LAMARCHE Bertrand, LA PIETRA Ugo, PEROU, PETETIN Claire + étudiants de l’ENSAV, PROUVE Jean, ROTTIER Guy, TINCELIN Aude, WODICZKO Krzysztof Objectifs de l’exposition Le projet de Jean Prouvé « La maison démontable 6x6 » qui a été mis en œuvre par l’architecte pour répondre à la pénurie de logement d'après-guerre constitue le point de départ de la réflexion de cette exposition. Cette exposition fait suite au constat du monde actuel au sein duquel l'urgence perdure du fait de la crise économique occidentale et des catastrophes géopolitiques ou climatiques qui engendrent des déplacements de populations. A travers le regard d’architectes et d’artistes, cette exposition propose des pistes de réflexions sur la question de l’urgence et en suggère des réponses. La collaboration d’artistes permet alors de faire émerger de nouveaux points de vue, plus distants de la réalité de terrain mais tout aussi intéressants que ceux des architectes. Ainsi, des projets réalisés ou toujours au cœur d’une réflexion et des œuvres d’art (photographies notamment) sont présentés comme pouvant être à l’origine de nouvelles pistes de travail, de nouvelles idées voire de projets potentiellement envisageables sur le terrain. Cette exposition est donc une forme de mise en commun et d’état des savoirs de l’architecture d’urgence. Elle permet de faire le point sur ce que l’architecture humanitaire a déjà produit et de définir les points à approfondir, à mettre en exergue ou à réutiliser. Mots clés : art, état des savoirs, pistes de réflexions, urgence, solutions. 167


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ANNEXE 11 : Concours d’architecture & de design de la Fondation des Amis de Médecins Du Monde, 1 septembre 2015 – 29 janvier 2016 Organisme organisateur La Fondation des Amis de Médecins du Monde a pour mission de soutenir l’action humanitaire, solidaire et durable dans le domaine de la santé via la recherche technique et scientifique et la promotion et la diffusion de l’innovation. Ce concours a donc été lancé afin de répondre à cette volonté de diffusion. Bien que l’architecture ne soit pas à la base de l’intervention de cet organisme, ce dernier souhaite encourager l’émergence et le développement de nouvelles idées répondant aux problématiques de grande précarité et de nonlogement. Ces deux facteurs tendant à dégrader la santé des personnes les plus vulnérables. Objectifs du concours Ce concours, ouvert aux étudiants français et anglais en écoles d’architecture, propose aux participants de concevoir un module de vie permettant de répondre à la question du non-logement dans les contextes d’urgence. Aucun contexte géographique, climatique, politique, socio-culturel n’est imposé, laissant une grande liberté de réflexion et conception. La seule obligation est de s’inscrire dans une durabilité sociale et environnementale. Les modules proposés doivent donc être autonomes tout en pouvant s’intégrer à un système de vie collectif, habitables par tous les temps, facilement assemblables, démontables et multipliables. Cet habitat doit également répondre au respect de l’intimité de chacun et aux besoins en terme d’hygiène et de confort car il doit pouvoir accueillir une famille ou un groupe d’individus. Ce concours vise donc à respecter au mieux les problématiques du terrain pour d’immerger les étudiants dans la réalité de l’architecture d’urgence. Mots clés : immersion, réalité de terrain, module d’urgence, étudiants. 169


ANNEXE 12 : Charte de Hasselt, 2005 La charte de Hasselt est composée des dix articles suivants : « 1. Coopérer à des initiatives justes et équitables pour un développement durable en collaboration effective avec les personnes ou communautés défavorisées. Ce processus devra respecter les principes de solidarité humaine, de non-discrimination, avec comme objectif ultime l’autosuffisance des bénéficiaires, 2. Promouvoir la responsabilité sociale des professionnels du cadre bâti favorisant les pratiques sociales avant les intérêts spéculatifs du marché, 3. Inciter un « professionnalisme éthique » qui privilégie particulièrement la coopération et la pratique ensemble avec le commerce éthique, les institutions financières qui œuvrent pour la paix, 4. Identifier, promouvoir et travailler auprès d’institutions publiques, organisations multilatérales et le secteur privé sur des politiques, des programmes et des systèmes socio-économiques durables pour l’éradication des inégalités sociales et de l’exclusion, 5. Faciliter l’usage de technologies appropriées, de matériaux écologiques et main d’œuvre adaptés aux valeurs et identités culturelles de chaque situation tout en respectant l’environnement, 6. Partager les connaissances, promouvoir le dialogue et la réflexion, sensibiliser et collaborer pour favoriser une production sociale de l’habitat, 7. Promouvoir le dialogue et la consolidation de partenariats transnationaux durables avec et entre les pays moins développés, 8. Soutenir les processus participatifs, démocratiques, multi-culturaux et interdisciplinaires dans le renforcement solidaire des communautés comme facteur de développement social rural ou urbain, 9. Intégrer une stratégie de développement durable dans les programmes de post-urgence, 10. Défendre, fournir et améliorer un habitat digne et adéquat pour tous comme un « Droit Universel Fondamental ». » 170


ANNEXE 13 : Charte de la Fondation Architectes de l’Urgence, 2001 « Tous souscrivent sur l'honneur aux principes suivants : 1. Sa vocation est de mobiliser les compétences des architectes et de l'ensemble des techniciens du bâtiment, au secours des populations en détresse, aux victimes des catastrophes naturelles, technologiques, des situations de belligérance, sans aucune discrimination de race, de religion, politique ou philosophique. 2. Architectes de l'urgence intervient dans tous les pays du monde, rassemblant sur ses principes fondateurs l'ensemble des architectes internationaux. 3. Tous s'engagent à respecter les principes déontologiques de leur profession, et en particulier à ne percevoir aucune contribution financière autre que celle octroyée par l'association pour le service rendu. 4. Les prestations des architectes de l'urgence sont gratuites pour les sinistrés, indépendantes à l’égard de tout pouvoir et de toute force économique, politique ou religieuse. 5. Ils interviennent à la demande des services responsables de la sécurité, des personnes sinistrées elles-mêmes, et de leur propre initiative quand leur conscience et leur professionnalisme en matière de sécurité des personnes, l'imposent. 6. Les architectes de l'urgence s'interdisent de faire de la maitrise d'œuvre dans le cadre de la mission qui leur est confiée par l'association. Leur intervention consiste principalement : DANS L'URGENCE : 1. à définir la nature et l'ampleur des travaux de première urgence nécessaires à assurer la sécurité des personnes, 2. à définir les conditions techniques et architecturales de mise en sécurité des immeubles et des lieux publics, 171


3. à procurer aide, conseils et assistance techniques aux personnes sinistrées afin de leur permettre de réintégrer leur logement au plus tôt, dans de bonnes conditions de sécurité, 4. à promouvoir des solutions techniques et architecturales transitoires permettant aux personnes sinistrées de vivre dignement, 5. d'aider les personnes sinistrées à définir la nature et l'ampleur des travaux nécessaires à la remise en état définitif de leur logement. DANS LA PREVENTION DES RISQUES : 1. à contribuer à la mise en évidence des risques par l'analyse des facteurs environnementaux, urbanistiques, technologiques et architecturaux, 2. à apporter des solutions novatrices en terme d'aménagement du territoire, de règlementation, d'urbanisme et de construction contribuant à la sécurité des personnes. DANS L'ACCUEIL DES GRANDS MOUVEMENTS DE POPULATION : 1. à définir les conditions sanitaires et de sécurité des populations accueillies, 2. à établir les plans d'aménagement des terrains d'accueil, 3. à coordonner les travaux d'équipement, d'adduction, d'implantation de l'hébergement provisoire. 7. Les architectes de l'urgence se réservent le droit de témoigner publiquement, librement et en toutes circonstances, dès lors que cette action peut contribuer à préserver des populations en danger, ou améliorer leur sort. 8. Les architectes de l'urgence s'engagent dans leur action à respecter les principes de la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1949 et du droit humanitaire international :

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- Devoir de respecter les libertés fondamentales de chaque individu. - Droit des organisations humanitaires de porter assistance aux victimes. 9. Face aux risques potentiels, les architectes de l'urgence se doivent de mobiliser les architectes et toutes les professions du bâtiment. Recherchant le maximum de compétences et d'efficacité, architectes de l'urgence doit également développer ses moyens financiers. L'association se doit d'utiliser au mieux les compétences et les moyens dont elle se dote. Elle rendra ainsi compte annuellement et dans la plus grande transparence de l'utilisation des fonds et de leur efficacité, tant aux populations bénéficiaires qu'aux donateurs. 10. Architectes de l'urgence est une organisation professionnelle humanitaire et de solidarité basée sur le volontariat. Chaque volontaire est aussi un membre actif de l'association. Cela suppose une adhésion aux principes fondateurs, un engagement une indépendance et une responsabilité́ personnels. Volontaires et responsables, les membres de l'association mesurent les risques et périls des missions qu'ils accomplissent et ne réclameront pour eux ou leurs ayants droit aucune compensation, autre que celle que l'organisation sera en mesure de leur fournir. »

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BIBLIOGRAPHIE -

LA MEDIATISATION PAR LES PRATICIENS : UNE MISE EN SCENE DE L’ARCHITECTURE D’URGENCE.

ARCHITECTES DE L'URGENCE, consulté le 4 novembre 2015, Disponible sur : archi-urgent.com ARCHITECTURE & DEVELOPPEMENT, consulté le 8 novembre 2015, Disponible sur : archidev.org ARCHITECTES SANS FRONTIERES, consulté le 8 novembre 2015, Disponible sur : asfint.org ARTICLE 25, consulté le 25 novembre 2015, Disponible sur : article25.org BAN Shigeru, Architecte de l’urgence, architecture et activités humanitaires, conférence du 12 mai 2003, PEGE de Strasbourg BAN Shigeru, Humanitarian architecture, Aspen art press/D.A.P, Aspen, 2014 BAN Shigeru, Works and humanitarian activities, conférence au Palais de l’Europe de Strasbourg, 3 décembre 2015 CAMUS Christophe, Mais L’Harmattan, Paris, 2016su

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fait

vraiment

l’architecte

?,

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VOLUNTARY ARCHITECTS’ NETWORK, consulté le 22 décembre 2015, Disponible sur : facebook/voluntaryarchitectsnetwork VIRGO Vincent, L’unité de recherche en abri d’urgence de la FICR et la recherche appliquée à l’abri d’urgence, conférence dans le cadre du workshop « L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo », ENSA de Strasbourg, 9 juin 2016

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TABLES DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : Frise chronologique de la naissance des ONG étudiées …………………………………….……………….……………………... 16 Figure 2 : Architectes Sans Frontières : le travail à moyen terme ……………………………………………..………………..…................ 19 Figure 3 : Voluntary Architects’ Network : l’utilisation de matériaux locaux ……………………………………………………………….…... 22 Figure 4 : TAMassociati : l’engagement social ………………….…… 24 Figure 5 : Architectes de l’Urgence : l’aide psychologique ………… 29 Figure 6 : Article 25 : l’engagement sur le long terme …………….... 32 Figure 7 : Make It Right : le patrimoine architectural ……………..… 35 Figure 8 : Le village de Kirinda, reconstruit par et pour les habitants …………………………………………………...…………………….…. 42 Figure 9 : Les contraintes techniques comme bases du projet humanitaire ……………………………………………………….......… 47 Figure 10 : L’urbanisme : entre respect du site et reconstruction des sinistrés ……………………………...………………….......................... 51 Figure 11 : Processus de diffusion _ Phase 1 ………..……….......…... 64 Figure 12 : Processus de diffusion _ Phase 2 …...…...…....……..….... 68 Figure 13 : Entre art et architecture : une diversification des supports …………………………………………………..…….………………..... 71 181


Figure 14 : Entre art et architecture : multiplier les ambiances …..… 73 Figure 15 : Mettre en scène pour mieux communiquer ..................... 77 Figure 16 : Les Paper Log Houses : une architecture exemplaire …….…………………...…………….…...…………………………........ 80 Figure 17 : « Architecture d’urgence » : un état des savoirs ……...………………..………………………………………................... 89 Figure 18 : Le Hive Module : l’innovation d’une étudiante .……...… 91 Figure 19 : Les Paper Log Houses ou l’utilisation de matériaux locaux …………………………….……….………...…...............................…... 93 Figure 20 : Les étapes de la reconstruction post-catastrophe ……………………………………………………………………..……... 99 Figure 21 : Le développement soutenable …………….………..….. 104 Figure 22 : CRAterre, l'architecture de terre ………………...…….. 119 Figure 23 : Les workshop comme formations étudiantes ……...… 122

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TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ................................................................................... 1 SOMMAIRE .............................................................................................. 7 INTRODUCTION ..................................................................................... 9 I. DE LA PHILANTHROPIE DE L’ARCHITECTE D’URGENCE ..................................... Erreur ! Le signet n’est pas défini. A. UNE PLURALITE DES METHODES DE TRAVAIL ................. 20 - Architectes Sans Frontières : le travail à moyen terme ...... 21 - Voluntary Architects’ Network : les matériaux locaux ........ 24 - TAMassociati : l’engagement social .................................... 27 - Architecture et Développement : la coordination des compétences ........................................................................... 30 - Architectes de l’Urgence : le conseil et les diagnostics ..... 31 - Article 25 : l’engagement sur le long terme ....................... 35 - Make it Right : le patrimoine architectural .......................... 38 B. UNE PROFESSION PLURIDISCIPLINAIRE............................ 42 - L’architecte de l’urgence : une qualité d’écoute ................ 43 - L’architecte de l’urgence : un ingénieur ............................. 48 - L’architecte de l’urgence : un urbaniste .............................. 53 - L’architecte de l’urgence : un atout multiple ...................... 56 C. UNE NOUVELLE IMAGE DE L’ARCHITECTE ...................... 58 II. DE L’IMPORTANCE DE LA MEDIATISATION............................. 65 A. - -

LA DIFFUSION COMME QUETE DE SEDUCTION D’UN NOUVEAU PUBLIC................................................................. 69 La première phase du processus de diffusion .................... 69 La deuxième phase du processus de diffusion .................. 73 183


B. C.

LA COMMUNICATION COMME FABRIQUE D’UNE IMAGE SPECIFIQUE............................................................................ 80 LA MEDIATISATION COMME PARTAGE DES SAVOIRS ... 90

III. DE LA CONSTITUTION DE PRINCIPES COMMUNSErreur ! Le signet n’est pas défini. A. - - -

- B. - -

C. - - - - -

VERS L'EMERGENCE DE FONDEMENTS ......................... 105 Les étapes de la reconstruction et leurs spécificités ........ 106 Le provisoire et le permanent ............................................ 109 Le développement soutenable .......................................... 110 - La dimension culturelle : la prise en compte des besoins …......... ...................................................................... 112 - La dimension sociale : la collaboration avec les sinistrés .………. ..................................................................... 113 - La dimension environnementale : le respect du patrimoine local ........................................................................................ 115 - La dimension économique et technique : l’utilisation de matériaux locaux et la formation ......................................... 116 Les chartes internes ............................................................. 118 VERS UNE PROFESSIONNALISATION DE LA PROFESSION …. .......................................................................................... 123 La formation des architectes de l’urgence ........................ 123 La formation des étudiants en architecture ...................... 125 VERS UNE PLUS GRANDE RECONNAISSANCE .............. 132 La dénomination d’ONG .................................................... 132 L’ouverture à l’international ............................................... 133 Créer l’intérêt chez les étudiants ....................................... 135 Le recentrage sur les compétences de chacun ................ 136 L’influence des médias de masse ...................................... 138

CONCLUSION ..................................................................................... 141 ANNEXES ............................................................................................. 147 ANNEXE 1 : Frédéric NANTOIS ..................................................... 149 184


ANNEXE 2 : Shigeru BAN ............................................................... 151 ANNEXE 3 : Patrick COULOMBEL ................................................. 153 ANNEXE 4 : Xavier GENOT ............................................................ 155 ANNEXE 5 : Marie AQUILINO ........................................................ 157 ANNEXE 6 : Tableau de recueil des données............................... 158 ANNEXE 7 : Sublime. Les tremblements du Monde., Centre Pompidou Metz, Metz, 11 février – 5 septembre 2016 ................. 161 ANNEXE 8 : Habiter le campement, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris, 13 avril – 29 août 2016 ....................................... 163 ANNEXE 9 : L’abri d’urgence, une architecture minimum ? Atelier in vivo, ENSAS, 9 et 10 juin 2016 .................................................... 165 ANNEXE 10 : Architecture d’urgence, Pavillon Vendôme, La Maréchalerie, La maison des arts de Malakoff, 25 avril – 27 juillet 2014 …………………………………………………………………………..16 7 ANNEXE 11 : Concours d’architecture & de design de la Fondation des Amis de Médecins Du Monde, 1 septembre 2015 – 29 janvier 2016 …………………………………………………………………… 169 ANNEXE 12 : Charte de Hasselt, 2005 ........................................... 170 ANNEXE 13 : Charte de la Fondation Architectes de l’Urgence, 2001…….. ......................................................................................... 171 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. 175 TABLES DES ILLUSTRATIONS ........................................................... 181 TABLE DES MATIERES........................................................................ 183

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ARCHITECTURE D’URGENCE : UNE PROFESSION EN CONSTRUCTION. Exploration d’une pratique de l’architecture.

Depuis plusieurs années se développe une volonté d’une partie du corps architectural d’aider les populations sinistrées à se reconstruire durablement et sereinement, favorisant la création d’organismes d’architecture d’urgence. Ces créations, à l’origine d’une plus grande représentation des architectes de l’urgence sur le terrain, ont été accompagnées d’un renouveau de la médiatisation de cette pratique. En effet, de nouveaux supports de diffusion apparaissent depuis quelques années. L’architecture d’urgence semble donc être à un tournant majeur de son histoire. Ce mémoire propose de s’intéresser à la plus grande visibilité de l’architecture d’urgence et au tournant qu’elle connaît afin de définir les nouveaux enjeux de cette profession.

Mots clés : architecture d’urgence, qualité d’écoute des architectes, nouvelle image de l’architecte médiatisation, nouveaux supports de diffusion, quête de séduction d’un nouveau public, partage des savoirs, constitution de principes communs, professionnalisation de la profession, reconnaissance de la profession.

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