L'école et son couloir, étude d'un dispositif spatial

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L’ÉCOLE ET SON COULOIR

ÉTUDE D’UN DISPOSITIF SPATIAL



L’École et son Couloir -étude d’un dispositif spatial-

Laurent Duboisset Travail de fin d’étude Sous la direction d’Hubert Lionnez

Faculté d’Architecture LaCambre-Horta Université Libre de Bruxelles Janvier 2015



Sommaire


Préface.........................................................................................10 Introduction................................................................................12

I-

Le Couloir et la forme scolaire.

Chapitre 1. L’affirmation du couloir dans les prémices de l’école. De « la marche à la course », étymologie du couloir Les premiers couloirs...........................................................19 De la marche à la course......................................................22 La normalisation d’un système de circulation Les corridore de la contre-réforme........................................26 Le Ratio studiorum...............................................................32

Chapitre 2. La construction d’un modèle d’espace. La naissance de l’institution scolaire Hygiénisme et utopie..........................................................41 « Les écoles-monuments »...................................................43 Un modèle d’espace.............................................................47 La continuité moderniste Le Modernisme tempéré......................................................55 La standardisation scolaire....................................................64

Chapitre 3. De l’usage du couloir à sa critique. « L’usine scolaire » : la critique d’un modèle pédagogique La dimension foucaldienne du couloir.................................75 Bettelheim : une analyse du couloir scolaire........................82 La pièce et le couloir Le dispositif du couloir comme le plan «antitype »..............86 D’un espace servant à une architecture de connexion..........88


II-

La Nouvelle École et son Couloir

Chapitre 4. Architecture et pédagogie. L’éducation nouvelle. L’essor des mouvements pédagogiques................................93 L’espace éducateur...............................................................95 Les modèles de transformations de la forme scolaire Les écoles de plein air..........................................................102 Des Écoles à Aire ouverte à l’Open School...... ...................106 Les écoles pavillonnaires.....................................................118 Les modernistes au service d’une nouvelle école. Le rayonnement de la pédagogie active du Bauhaus............134 La synthèse d’Alfred Roth...................................................138 Espace et apprentissage : Herman Hertzberger....................140 Chapitre 5. La reconsidération du couloir scolaire Hans Scharoun/couloir chemin L’Ecole et le nouvelle société...............................................146 Projet Darmstadt, 1951......................................................146 Arne Jacobsen/couloir hiérarchisé Une architecture fonctionelle..............................................154 Ecole Munkegård, 1956.....................................................156 Herman Hertzberger/couloir «in-between » L’influence de Van Eyck......................................................167 Ecole Montessori, 1960 .....................................................168 Conclusion..................................................................................184 Bibliographie..............................................................................190 Iconographie...............................................................................196



Introduction

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Préface

Ce mémoire fait suite à un projet réalisé dans le cadre de l’atelier Unité de Production, dirigé par Thierry Decuypere, et qui avait pour thème : architecture et pédagogie. À la suite d’une lecture sur la critique du couloir scolaire dans l’ouvrage Survivre du pédagogue Bruno Bettelheim j’ai décidé d’entamer une investigation sur le sujet à travers une recherche théorique. Celle-ci a abouti à la conception de deux maquettes en béton, présentant une déclinaison de différents types de couloir en relation avec les espaces qu’ils desservent. Cette recherche spatiale interroge la relation dialectique classe/couloir à travers deux types d’expressions : la première aborde la question du plein et du vide, en référence à la condition du couloir comme espace caverneux que l’on retrouve dans l’école Paspels d’Olgiati, et la deuxième aborde le thème de la division des espaces engendrés par le dispositif tel qu’on le retrouve dans le projet d’habitation de Christian Perez. 10



Introduction Avec l’émergence de l’institution scolaire dans les sociétés européennes à la fin du XVIIIe siècle, nous assistons à un nouveau mode de socialisation et d’éducation. Jusqu’alors, les savoirs se transmettaient à travers les nombreuses activités de la vie quotidienne. Dans l’Antiquité, Platon et ses élèves n’avaient besoin que d’un jardin. Au Moyen Âge, l’étude réservée aux ecclésiastiques se tenait dans le chapitre des monastères. Avec l’avènement des sociétés industrielles et l’émergence d’un enseignement de masse, la « forme scolaire », telle qu’elle est définie par le sociologue Guy Vincent1, absorbera peu à peu les autres modes d’enseignement. En effet, jusqu’à lors l’apprentissage s’inscrivait dans une relation de personne à personne, où le savoir-faire, la connaissance et les coutumes se transmettaient de manière orale et avec une certaine familiarité. Désormais, on n’obéit plus à une personne, mais à « des règles auxquelles sont assujettis tant les élèves que les maitres2.» Une nouvelle relation s’établit entre un individu – le professeur – qui possède le savoir et qui va l’instituer, et un groupe – la classe – qui, en retour, s’« élève », et ce, dans un mode collectif. Ce processus va uniformiser les élèves dans un ensemble déterminé par un lieu : l’école3. 1 VINCENT Guy (dir.), L’éducation prisonnière de la forme scolaire?, scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1980, 325p. 2 Idem. p54. 3 La définition d’entrée de « l’école » dans le Larousse : « établissement où l’on donne un enseignement collectif général.»

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Celle-ci accueille « l’ensemble des lieux dédiés aux différentes formes d’apprentissage des savoirs et de socialisation ». L’école témoigne de « la conception qu’une société se fait de l’éducation et de la pédagogie, ainsi que de la façon dont un lieu est habité.4» Depuis toujours, elle a été associée à l’unité de la salle de classe qui constitue l’espace pédagogique par excellence. Cette dernière est le lieu d’apprentissage et de concentration où l’élève acquiert les connaissances qui lui permettront de raisonner et d’affronter le monde extérieur. À l’inverse, la cour de récréation, présente dans chaque école, est perçue comme un espace de détente sans pour autant sortir de la logique pédagogique. C’est le lieu de « re-création », où l’enfant expérimente par lui-même5. Le lien entre ces différents types d’espaces d’apprentissage s’exprime à travers les circulations ; le plus généralement constitué par des couloirs. Ils sont le passage obligé depuis l’extérieur vers les différents espaces scolaires. Le couloir est à la fois un sas de transition, un espace de circulation, et un lieu de rencontre informelle. Néanmoins, les couloirs sont surtout perçus comme des espaces de concentration. En effet, le temps scolaire divisé dans la journée est rythmé par les allées et venues des élèves. Ces circulations, qu’elles soient organisées ou chaotiques, sont intenses. Si bien que la condition du couloir symbolise dans l’imaginaire collectif une des particularités de l’école. Alors que ce dispositif de circulation est largement utilisé dans de nombreux édifices, il est souvent considéré comme secondaire et sans grand intérêt. En effet, cette perception se reflète bien dans les réflexions théoriques. Malgré de nombreuses publications sur les espaces scolaires rédigées par des spécialistes tels que des sociologues, des pédagogues ou des architectes, la littérature scientifique sur le couloir scolaire est assez réduite en tant que sujet principal de recherche. La 4 MAZALTO Maurice, PALTRINIERI Luca, Introductions : Espaces scolaires et projets éducatifs , revue internationale d’éducation de Sèvres, 64, décembre 2013, p33. 5 Dans le documentaire « Recréations » (1993), Claire SIMON définit le temps de la recréation comme le moment d’affranchissement de l’enfant de sa propre servitude.

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présentation à la XIVe Biennale d’architecture de Venise en 2014 de l’exposition Elements of Architecture sous la direction de Rem Koolhaas est assez révélatrice de ce fait. L’ouvrage accompagnant l’événement présente un propos global sur le couloir en architecture à partir de son étymologie jusqu’à son utilisation à l’échelle urbanistique, en passant par la symbolique qu’il évoque dans l’imaginaire collectif actuel6. De nombreuses références de projet y sont présentées. Pourtant, l’équipe de recherche n’aborde pas la question du couloir des édifices scolaires, contrairement aux couloirs des prisons et des asiles qui, comme nous le verrons, participent à la même logique dans la construction de modèles architecturaux au XIXe siècle. Au final, l’unique recherche sur le dispositif du couloir dans laquelle l’école est mentionnée est l’article Corridor du critique architectural Mark Jarzombek. Nous constatons donc un véritable manque d’informations sur le sujet. Mon travail tentera de combler ces lacunes. En effet, alors que le couloir est un dispositif spatial omniprésent dans les établissements scolaires, la rareté des publications à propos de celui-ci m’a interpellé. La question du couloir est intéressante, car elle soulève certains thèmes essentiels et transversaux à l’architecture : les questions de circulation, de distribution, de composition, du dimensionnement. Aussi, elle ne s’attache pas seulement au simple champ architectural, mais nous permet également d’aborder des notions sociologiques, voire philosophiques, à travers ses usages. Ainsi, l’étude du couloir scolaire, malgré le peu d’intérêt qu’on lui a porté jusqu’alors, s’avère digne d’une étude approfondie. Le but de ce mémoire sera de s’intéresser aux dispositifs du couloir dans l’architecture scolaire, à travers une démarche analytique depuis le XVIIe siècle jusqu’à la seconde partie du XXe siècle, prin-

6 KOOLHAS Rem (dir.), Corridor, Element of architecture, Biennale di Venezia, Marsiglia, 2014, 148p.

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cipalement en Europe. Nous aborderons le sujet avec les questionnements suivants : en quoi la condition du couloir est-elle représentative des aspirations pédagogiques et sociales de nos sociétés ? Et comment la reconsidération du dispositif dans les années 1950 offre-t-elle des solutions architecturales aux nouvelles aspirations pédagogiques ? Nous tenterons de répondre à ces questions en deux temps, à travers un développement chrono-thématique. Tout d’abord, nous analyserons l’importance du couloir dans l’émergence et la construction de la forme scolaire depuis le XVIIe siècle. Cette partie visera à comprendre comment la relation dialectique entre couloir et salle de classe s’inscrit comme un des éléments déterminants du modèle scolaire traditionnel. Elle se conclura sur la question de la condition du couloir à travers l’analyse des critiques qui lui ont été formulées. Puis, dans un second temps, l’étude des évolutions du couloir à travers l’avènement de nouvelles écoles au XXe siècle nous amènera à présenter les relations entre architecture et pédagogie. L’étude de projets d’école conçus par trois figures de l’architecture européenne nous permettra d’appréhender de manière plus concise la question du couloir. L’iconographie cherchera à confirmer les réflexions apportées par la rédaction, notamment à travers le pochage des espaces de circulations7 dans les représentations en plans et en coupes de références d’écoles.

7 Dans la même logique que l’ouvrage Corridor, elements of architecture.

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Le couloir et la forme scolaire

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Chapitre I. L’affirmation du couloir dans les prémices de l’école. I- De « la marche à la course », étymologie du couloir. C’est au XVIIe siècle que la langue française va commencer à utiliser dans le langage courant le mot couloire, dérivé du verbe couler. Il désignait jusque-là « l’écuelle par où l’on coule le lait », qui suggérait aussi le « canal qui rejette les humeurs excrémentielles8. » L’utilisation de ce terme quelque peu péjoratif par la langue française fait figure d’exception. En effet, les langues romanes et anglo-saxonnes continuent d’utiliser encore aujourd’hui le terme originel, corridore.

8 La définition est tiré des gloses de Rachi de 1762.

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Les premiers couloirs C’est au XIVe siècle, en Italie et en Espagne que l’on voit apparaitre, pour la première fois, l’utilisation du mot corridore. À cette époque, le terme ne faisait pas encore référence à un dispositif architectural, mais à un individu : le coursier, « celui qui pouvait courir vite », selon l’origine latine du mot. Ce soldat était utilisé pour porter des messages derrière les lignes ennemies, apporter des rapports de guerre, et même arranger des situations entre deux parties opposées en tant que négociateur9. Au XVIIe siècle, avec l’hégémonie politique et culturelle de la France, le sens premier du mot corridore fut remplacé par courier, puis coursier. Néanmoins, le corridore s’introduit dans le langage de l’architecture militaire comme un terme désignant les espaces de circulation des fortifications, permettant ainsi de communiquer rapidement avec les troupes10. Un de ses dérivés, le corridoio permettait de désigner les passages secrets entre les palazzi. On retrouve ces dispositifs architecturaux dans de nombreuses villes italiennes de la Renaissance telles que Parme, Urbino ou Florence. C’est dans cette dernière que l’on distingue l’un des exemples de corridoio les plus connus. En 1565, la Famille Médicis commande à Georgio Vasari la construction d’un passage pour connecter le palazzo Vecchio au palazzo Pitti en passant par le ponte vecchio. Ce corridoio deviendra l’un des édifices les plus remarquables de la cité11.

9 Nous retrouvons une référence de ces personnages dans l’enfer de Dante. 10 KOOLHAS Rem (dir.), Corridor, Element of architecture, Biennale di Venezia, Marsiglia, 2014, p4. 11 JARZOMBEK Mark, Corridor Spaces, Critical Inquiry, Vol. 36, No. 4 (Summer 2010), MIT, Chicago, p731.

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figure 1 Le corridoio dominant l’Arno, Florence -1565-


figure 2 Corridoio, vue intèrieure -1565-


De la marche à la course Avant le XVIIe siècle, il n’existe pas de références témoignant de l’utilisation du terme corridore dans le champ de l’architecture. Comme le fait remarquer Mark Jarzombek, selon l’origine étymologique des espaces de circulation dans l’architecture domestique de la Renaissance, nous n’avons pas à « courir » dans les palais, mais à y « marcher ». À l’entrée d’un palazzo, le visiteur pénètre dans l’andito signifiant « aller » ou « marcher ». Cet espace, étroit et relativement court, menait généralement à la camminata, l’espace de la marche, qui était disposé tout autour de la cour intérieure et constituait le dispositif de circulation principal du bâtiment. Celle-ci distribuait les espaces de réception et de vie qui se composaient de pièces en enfilade. (Figure3) À cette époque, l’espace et le temps correspondaient à une même logique qui se reflétait dans le rythme lent de la composition architecturale. La marche ne correspondait pas seulement à un déplacement, à ce que l’on appelle aujourd’hui une circulation. Elle pouvait aussi être chargée de sens, en fonction de la nature des espaces traversés. Le cloître et le déambulatoire s’inscrivaient dans une (dé)marche méditative inscrite dans l’espace religieux. La galerie et le portique correspondaient plutôt à des espaces de flânerie, où la représentation sociale ou civique était présente12. C’est à la moitié du XVIIe siècle que nous allons assister à l’apparition du corridore dans le champ de l’architecture classique. Dans un premier temps, il est conçu comme une pièce de transition, puis comme un dispositif de circulation qui s’étend à l’ensemble du bâtiment.13

12 LEVY Albert, La distribution de l’espace monastique, préfiguration de la distribution domestique moderne, Architecture et comportement, Genève, 1989, vol. 5, n°4, p341-368. 13 EVANS Robin, Translations from Drawing to Building and Other Essays, Architectural Association, London, 1997, 294p.

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figure 3 L’andito- Palais venitien XVIIe siècle


En 1644, le plan d’un palais dessiné par Felice Della Greca à Rome révèle la présence d’un corridore en lieu et place de l’andito. Dans cet exemple représentatif d’un mouvement qui s’enclenche, le terme sort du jargon militaire pour s’immiscer dans l’espace domestique du palazzo. Cette innovation traduit la volonté de la noblesse italienne d’être informée rapidement des nouvelles de l’extérieur en permettant à ses messagers un accès rapide au sein de la demeure. Même si l’utilisation du corridore comme espace de transition marque une étape dans l’avènement du couloir, il ne change pas encore la configuration générale des espaces circulatoires14. C’est Francesco Borromini qui projette les premiers dispositifs d’une circulation continue dans l’ensemble du bâtiment, générée par des corridore. À l’Église St Ilvo della Sapienza (1642-1650), le dispositif de couloir en U est marqué par trois entrées articulées autour de la circulation verticale des volées d’escaliers. La composition d’un couloir continu détermine l’ensemble des logiques architecturales du bâtiment ainsi que ses formes, sa circulation, et son programme. Elle offre un nouveau dispositif circulatoire qui vient entourer la cour et crée un lien direct à l’entrée en s’insérant dans le bâtiment à travers deux longs espaces de circulations parfaitement symétriques15. (Figure 4) « Le corridor ne mettait pas en évidence le rythme lent de l’andito, mais l’accentuait. De manière plus soutenue, il attirait l’attention sur une certaine cadence qui s’inscrivait dans une dimension moderne16.»

14 JARZOMBEK Mark, Op Cit., p731. 15 Idem, p732. 16 Idem. p732.

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figure 4 Sant’Ilvo alla Sapienza Francesco Borromini


De cette « révolution du couloir » en marche, de nouveaux dispositifs de circulation vont émerger dans l’espace domestique avec l’utilisation fréquente d’un couloir central de distribution dans les demeures françaises du XVIIIe. Néanmoins, celui-ci va prendre une véritable dimension architecturale avec la mise en place d’un réseau d’enseignement à travers toute l’Europe.

II- La normalisation d’un système de circulation : le couloir dans les collèges Jésuites. Comme nous l’avons vu avec les exemples de Borromini, une transition dans les logiques architecturales de circulation a lieu. Pour autant, c’est dans la création de collèges par l’ordre des Jésuites, à partir de 1550, que l’on va assister à une normalisation de l’utilisation du couloir. Celle-ci va se faire par une construction massive de collèges, dont l’organisation sera édictée par le Ratio Studiorum, considéré comme l’un des premiers manuels de pédagogie de l’histoire de l’enseignement17.

Les corridore de la contre-réforme La création de la Compagnie de Jésus s’inscrit dans la volonté de la papauté d’amorcer une vaste renaissance religieuse à laquelle l’occident chrétien aspire dès le XVe siècle et qui permettrait dans le même temps de contrer la diffusion des idéaux protestants. La mission des Jésuites est dictée dans les constitutions. Elles sont rédigées par le fondateur de l’ordre Ignace de Loyola, et portent principalement sur l’évangélisation, la justice sociale, et l’éducation. Sur ce dernier

17 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004. pp3-9.

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figure 5 Oratoire St Philippe Neri Francesco Borromini


point, l’une des particularités de la compagnie réside dans la longue formation dispensée aux nouveaux disciples ecclésiastiques. Des laïcs furent aussi acceptés en contrepartie d’aides financières et logistiques apportées par les pouvoirs locaux, qui voyaient dans cette nouvelle formation intellectuelle une arme nécessaire pour lutter contre le camp protestant. Rapidement, un réseau se constitua à travers toute l’Europe et de nombreux collèges furent construits18. À la moitié du XVIIe siècle, on dénombre l’édification d’environ 15000 collèges à travers toute l’Europe19. Dans une très grande majorité de ces institutions, les plans officiels labellisent la disposition de corridore depuis l’entrée du bâtiment jusqu’aux espaces les plus privés. « Ces espaces inscrivent le bâtiment dans la terminologie militaire des messagers, du pouvoir international des courtiers, et par implication, des alliances de la contre-réforme avec Rome. Ils lient l’institution des collèges jésuites au monde extérieur à la fois de manière réelle [les réseaux de la contre-réforme], et de manière symbolique [les corridore] (…) Dans un moment presque magique de translittération de « marcher » à « courir », et d’un système politique local à un système mondial, un nouvel élément architectural est né 20.» L’un des premiers collèges qui institue ce nouveau système de circulation se trouve à Dubrovnik (Figure 6). Le patio est toujours présent pour apporter de la lumière, de l’air et de la tranquillité à travers un espace ouvert à l’intérieur de l’édifice. Néanmoins, il ne constitue plus le système de circulation primaire. Un dispositif de deux corridore en croix permet un accès direct depuis l’extérieur à l’ensemble des espaces et des pièces du collège. 18 ROMANO Antonella, Les collèges jésuites dans le monde moderne (1540-1772), In : Communications, 72, 2002, L’idéal éducatif p 132. 19 Idem. p 134. 20 JARZOMBEK Mark, Op. Cit. p731.

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figure 6 Collège jésuite de Dubrovnik


figure 7 Plan collège jÊsuite


figure 8 Plan collège jÊsuite


Toutefois, l’identité formelle des couloirs du Collège de Dubrovnik reste sommaire et fonctionnelle. C’est au Collegium Romanum que le couloir va, pour la première fois, s’inscrire pleinement comme un élément de l’architecture de la Renaissance, autant dans sa forme que dans son image. En 1680, Andrea Pozzo vient peindre à l’aide de trompe-l’œil et de fresques le couloir qui lie l’église du Gésu aux chambres où St Ignace de Loyola vécu. C’est l’un des premiers exemples remarquables de couloir décoré21. (Figure 9) Le Ratio Studiorum Entre les nombreux pays où la Compagnie de Jésus s’établit, il existe de nombreuses disparités culturelles, linguistiques, et politiques. Avec des effectifs de plus en plus importants dans les collèges22, l’enseignement ne pouvait plus se faire de manière individuelle et il a fallu organiser un système d’enseignement pratique et ordonné23. C’est dans une volonté d’éduquer ses disciples sur une base commune que l’ordre mit en place le Ratio Studiorum. Ce manuel définit les fondements du système éducatif jésuite en proposant une pédagogie, mais aussi des indications aux enseignants qu’il fallait former, et des conseils à chacun des membres de l’institution, pour permettre le bon fonctionnement de la vie en communauté. Ce manuel voulait donner les moyens aux collèges pour répondre à une « situation inédite de crise d’une catholicité sur la défensive (…) et d’être une réponse possible aux problèmes de formation des laïcs, voire du clergé, dans le cadre du vaste mouvement de Contre-Réforme24.» Sa première édition publiée en 1598, fut rédigée par des intellectuels, enseignants, recteurs de collèges, tous Jésuites. 21 JARZOMBEK Mark, Op. Cit., p731. 22 La compagnie compte 22 589 élèves en 1749. 23 ROMANO Antonella, Op.Cit. p 130. 24 CALVEZ Jean Yves, « Le ratio », charte pédagogique des jésuites, Études 2001/9, Tome 395, p. 210.

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figure 9 Corridore, plan collège jÊsuites


Dans la pédagogie qu’il prodigue, le Ratio Studiorum dissocie la skhola, la leçon, fonction pédagogique de l’école, du classis, le niveau. Il recommande aux enseignants que les élèves soient regroupés par niveau d’âge, et non par groupes de capacités. L’enseignement se fait dans une grande pièce : la salle de classe. Celle-ci devient le lieu principal d’une année du programme scolaire, suivi par un groupe de 20 à 40 disciples. L’enseignement se veut frontal, les rangées de pupitres étant tournées vers le bureau du maître disposé sur une estrade. La lecture de l’ouvrage Le temps des espaces pédagogiques nous éclaire sur une continuité de la salle de classe entre l’enseignement monastique et Jésuite. Son auteur, Philippe Bugnard, considère qu’il y a une « continuité plastique » entre la cathédrale et la salle de classe, dans la manière dont nous occupons celles-ci. Mais aussi, le rôle de l’affichage, le son de la cloche, l’orientation du mobilier, sont autant d’éléments qui existaient déjà dans l’enseignement scolastique et qui vont perdurer jusqu’à nos jours25. La dissolution de la Compagnie en 1773 met fin à l’enseignement des collèges jésuites. Néanmoins, la nouvelle institution scolaire qui émerge au début du XIXe va reprendre les fondements du système éducatif de l’ordre religieux. Dans cette continuité du dispositif pédagogique, la normalisation du couloir va dépasser la simple expression architecturale du mouvement de la contre-réforme pour devenir avec l’unité d’enseignement de la salle de classe, le modèle spatial caractéristique de l’instruction scolaire.

25 BUGNARD Pierre-Philippe, Le temps des espaces pédagogiques, De la cathédrale orientée à la capitale occidentée, Presse Universitaire, Nancy, 2006, p123.

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Chapitre II. La construction d’un modèle d’espace. Durant l’ancien régime, les écoles n’eurent pas d’édifices spécifiques. L’enseignement primaire était le plus souvent dispensé soit dans les pupitres des monastères, soit dans la « chambre d’école » des édifices communaux. C’est dans les années 1830 que l’on va passer des chambres d’école à la « maison d’école ». Ce nouveau type de bâtiment que l’on retrouvera durant tout le XIXe va refléter la diversité de l’architecture vernaculaire, en inscrivant les signes traditionnels du clocher et de l’horloge dans l’usage civil. Pour autant, ce type d’édifice était principalement rural26. Les véritables innovations des bâtiments scolaires vont se faire dans un contexte urbain en pleine croissance27 avec la création d’un enseignement secondaire. Son modèle pédagogique qui va trouver ses fondements dans l’enseignement jésuite va se construire tout au long du XIXe et au début du XXe siècle. 26 LEVEL François, Prélude : de l’architecture scolaire, In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p15. 27 Lié à la révolution industrielle, voir l’article de KUHN Christian, Modern Schools, Architectural Review, février 2012, n°1380 p59-69.

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figure 10 The first Lesson -1889Axel Gallen


figure 11 Die Dorfschule -1875Albert Anker


figure 12 En classe -1896Jean Geoffroy


I- La naissance de l’institution scolaire. L’instruction obligatoire en Europe débuta autour de la moitié du XIXe siècle. La construction de nouvelles écoles répondait surtout aux besoins des enfants des classes prolétaires. L’hygiène, le contrôle social et la discipline vont devenir les éléments majeurs de la nouvelle instruction scolaire. Les bâtiments devaient avoir un impact éducatif et exposer à la société la valeur de l’instruction. Afin de montrer l’importance de l’autorité et inspirer son respect, a été créée une école dont « le caractère tranché fait d’elle un monument destiné à frapper l’imagination de l’enfant28.» Cependant, les premières législations29 mises en place pour la construction scolaire n’auront pas beaucoup de conséquences directes sur l’émergence d’une typologie claire d’architecture scolaire. Les pouvoirs locaux se contenteront dans un premier temps de s’approprier une construction pour lui donner une fonction30. Ainsi, la mise en forme des écoles apparait en même temps que d’autres édifices publics tels que les mairies, les hôpitaux ou les prisons : « En fait, c’est la tendance fondamentale qui est celle du 19e, à définir des types architecturaux en imbriquant étroitement la conception du programme et sa traduction architecturale sous forme de projet qui a permis de dégager spontanément des types31.» Ce sera seulement dans la seconde partie du siècle que l’on va voir apparaître une nouvelle typologie. Sans pour autant parler de la naissance d’une architecture scolaire, les nouveaux établissements 28 TSCHIRHAT Annie, Rôle et évolution de l’hygiène scolaire dans l’enseignement secondaire de 1800 à 1910, Carrefours de l’éducation n° 26, Armand Colin, 2008, p56. 29 Loi Guizot de 1832 en France et loi Nothomb en 1842 en Belgique. 30 Ainsi de nombreux collèges jésuites vont être récupérés par les institutions publiques. 31 LEVEL François, Op. Cit., p17.

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d’enseignement secondaire vont être fortement influencés par une pensée administrative hygiéniste à la fois pragmatique et utopique. Celle-ci va se caractériser par : « Une mise en forme de la classe rigoureuse, figeant un modèle d’espace à partir de relations pédagogiques traditionnelles et d’une approche hygiéniste32.» Hygiénisme et utopie En effet, au cours du XIXe siècle, les doctrines hygiénistes vont marquer l’ensemble des sociétés occidentales dans de nombreux domaines tels que la médecine, l’activité physique, l’enseignement, mais aussi l’urbanisme et l’architecture33. Les principes de l’hygiénisme scolaire naissent avec la dégénérescence physique et morale des populations causée par les nombreuses pertes suite aux guerres d’empires du début du XIXe siècle34. En plus de la propagation des épidémies et des maladies endémiques au sein des populations, les disettes et les carences provoquent chez les adolescents des retards de croissance si importants que les autorités vont faire de cet « affaiblissement de la race » une des préoccupations majeures du XIXe siècle35. Les fondements de l’hygiène scolaire s’inscrivent dans trois champs d’intervention. L’hygiène physique de l’élève : soins, diététique, santé, les locaux : l’ensoleillement, l’ergonomie, la ventilation, et enfin la morale de l’individu en construction : ordre, discipline, religion. Cette dernière constitue pour les hygiénistes la finalité 32 TSCHIRHAT Annie, Op. Cit., p57. 33 Dictionnaire Larousse, hygiénisme. 34 DE MUSSET Alfred, Confessions d’un enfant du siècle, Chapitre 3. 35 TOULIER Bernard, L’architecture scolaire au XIXe siècle : de l’usage des modèles pour l’édification des écoles primaire, Histoire de l’éducation, N. 17, 1982. pp. 1-29.

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des deux autres. Elle prend source dans les préceptes militaires issus du modèle prussien. La normalisation, à des fins hygiéniques et morales, des espaces scolaires va finir par être « au service d’une pédagogie de la rectitude physique et morale qui s’appuie sur une idéalisation du détail et de la mesure relevant de l’utopie hygiéniste36.» « L’école s’affirme comme un lieu à construire où le hasard n’a pas sa place. Si les hygiénistes, s’appuyant sur la science, rivalisent d’imagination tant dans la création du mobilier scolaire, de l’éclairage de la classe, des emplois du temps, c’est toujours au nom de la surveillance, de l’ordre, de la morale qui s’appuie sur une idéalisation quasi obsessionnelle du détail et de la mesure relevant de l’utopie37.»

Les écoles monuments Pour préserver la moralité et la santé de la jeunesse sous l’autorité de l’instruction publique, les architectes hygiénistes vont marquer les principes d’ordre et de surveillance dans le caractère architectural des établissements scolaires. Dans l’enseignement secondaire, les élèves sont séparés selon leur âge et leurs régimes, externes ou internes. Chaque catégorie a ses salles de classe, son dortoir, son réfectoire et ses latrines. On érige de longs murs autour de la cour ou de l’école, afin de surveiller les enfants, et éviter les influences néfastes de la ville38. En France, l’architecte Eugène Viollet-le-Duc confirme à l’échelle architecturale cette division disciplinaire, en préconisant aux architectes une visibilité des fonctions de chaque partie des écoles39. 36 TSCHIRHAT Annie, Op. Cit., p57. 37 Idem, p 57. 38 LE GAY Yves, Une approche historique de la construction scolaire en France depuis le 19ème siècle, Centre national de documentation pédagogique d’Aquitaine, bulletin CIPP. 17p. 39 Règlement pour la construction et l’ameublement des maisons d’école, 1880.

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figure 13 LycĂŠe Buffont, Paris -1870 Emile Vaudremer


figure 14 LycĂŠe Buffont, Paris -1870 Emile Vaudremer


figure 15 LycĂŠe Buffont, Paris -1870 Emile Vaudremer


Sous les auspices de l’architecte français, un dispositif général des bâtiments scolaires en ville est mis en place. Le rez-de-chaussée va être occupé par des préaux couverts, le premier et les suivants par les classes, le dernier par les logements de fonction. Pour que l’éclairage et l’aération soient suffisants, on renonce à disposer deux classes dans l’épaisseur du bâtiment. En effet, l’une des causes de l’insalubrité des édifices publics et des écoles en particulier était liée au manque d’aération et aux contaminations engendrées au sein même des bâtiments40. Ces problèmes d’insalubrité entraînent une remise en question par les médecins de l’utilisation de longs couloirs centraux au sein des édifices publics, les écoles, les hôpitaux ou les prisons41. En effet, le couloir avec une ventilation déficiente permettait de relier directement différentes parties de l’édifice, mais il offrait le meilleur moyen d’une contamination générale. Pour répondre à ce problème, on préconise l’utilisation de longs couloirs longitudinaux constitués d’ouvertures sur l’extérieur et d’impostes vitrées ménagées dans les murs séparant le couloir des classes. Aussi, une augmentation du volume des cages d’escaliers est recommandée pour améliorer les flux d’air à l’intérieur des bâtiments42. À la fin du XIXe siècle, les écoles dites Jules Ferry en France (Figure 16 à 19), le Heimatstil en Suisse ou le modèle Queen Anne en Angleterre vont être les institutions les plus représentatives des Ecoles Monuments. Malgré leurs caractéristiques différentes, elles vont toutes proposer le même modèle pédagogique constitué autour d’un imposant couloir distribuant les salles de classe.

40 La publication par Louis Pasteur de la théorie des germes se fait en 1878. 41 La condition du couloir dans les édifices publics, à travers l’analyse du philosophe Michel Foucault est développée dans le chapitre III de la première partie : De l’usage à la critique. 42 TSCHIRHAT Annie, Rôle et évolution de l’hygiène scolaire dans l’enseignement secondaire de 1800 à 1910, Carrefours de l’éducation n° 26, Armand Colin, 2008, p57.

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Ces édifices « marqués du sceau du rationalisme 43» dans la logique du modèle pédagogique dominant, répondent en tout point aux prescriptions d’Eugène Viollet-le-Duc et des autorités publiques.

Un modèle d’espace On remarque que les architectes de ces Ecoles Monuments vont s’attacher aux côtés fonctionnalistes des espaces intérieurs en délaissant la qualité architecturale au seul profit de l’enveloppe externe (Figure 13). La classe va se standardiser à travers ses dimensions et son mobilier . Les ouvertures vont être traversantes ; côté extérieur pour la ventilation du local, et côté couloir pour la surveillance44. Dans la continuité du mode d’enseignement jésuite, le renforcement de la salle de classe comme l’unité pédagogique par excellence entraine le renforcement du couloir. Il devient à la fois dispositif de circulation et de distribution à l’ensemble du bâtiment, et support constitutif d’ordre et de surveillance. « Le dialogue affirmé des circulations et des salles de classe, espace servant/espace servi, va de pair avec l’affirmation des fonctions distinctes de chaque partie. Commentaire de cette vision tout à la fois dialectique et didactique des formes architecturales, l’écriture du détail met l’accent sur des oppositions constructives qui vont achever de rendre l’édifice particulièrement visible. Ce code formel devient bientôt le signe même de la construction scolaire45.» 43 TOULIER Bernard, L’architecture scolaire au XIXe siècle : de l’usage des modèles pour l’édification des écoles primaires, Histoire de l’éducation, N. 17, 1982. p17. 44 LE GAY Yves, Une approche historique de la construction scolaire en France depuis le 19ème siècle, Centre national de documentation pédagogique d’Aquitaine, bulletin CIPP, p13. 45 LEVEL François, «Prélude : de l’architecture scolaire», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p15.

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figure 16 École Arago, Paris -1880Charles Le Coeur


figure 17 LycĂŠe du petit Condorcet -1865Charles Le Coeur


figure 18 LycĂŠe Buffon, Paris -1890Emile Vaudremer


figure 19 LycĂŠe Renoir, Paris -1870Emile Vaudremer


L’écriture architecturale des établissements scolaires se détermine par l’addition d’une définition administrative de la distribution et d’une vision rationaliste des conceptions architecturales. Elle offre à l’école une véritable identité. Néanmoins, derrière l’apparence d’unité dans une convention rationaliste commune, la diversité des solutions est abondante. Les divergences sont notables entre différents projets et dans la comparaison entre école primaire et secondaire. Ce qui amène François Loyer à se questionner : « Il est difficile d’affirmer qu’il y ait eu naissance d’une véritable architecture scolaire à partir de ces définitions dont la visé reste pragmatique : la mise en forme spatiale de la classe, figeant un modèle d’espace à partir de relations pédagogiques traditionnelles et d’une approche mécaniste de l’hygiène n’entraine pas nécessairement une typologie architecturale rigoureuse. Les données contextuelles, qu’il s’agisse de la forme et de la nature du terrain ou plus simplement des ambitions monumentales du projet, peuvent modifier du tout au tout la transcription architecturale de ces prescriptions qui ne visent après tout que la distribution interne des salles de classe46.» Ainsi, la construction de l’institution scolaire du XIXe s’est moins affirmée par un langage architectural propre à l’ensemble de l’édifice que par un modèle pédagogique où le couloir s’inscrit comme un dispositif architectural radical, à l’image des théories éducatives de l’époque.

46 LEVEL François, «Prélude : de l’architecture scolaire», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p13.

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Figure 20 Groupe Scolaire, rue de Zedé, Paris -1895Eugène Train


II-La continuité moderniste. Au cours du XIXe siècle, l’institution scolaire naissante a été vue comme un moyen idéal d’éducation du corps et de contrôle de l’hygiène par les autorités publiques. Dans le contexte de l’entre-deuxguerres, les acquis du XIXe n’apparaissent plus comme suffisants et adaptés. La féminisation du corps enseignant, ainsi que les conséquences psychologiques de la « Grande Guerre », vont entrainer un adoucissement de la pédagogie autoritaire promue jusqu’alors47. Aussi, l’instruction scolaire va instaurer un nouveau type d’établissement pour la petite enfance. Elle s’explique par une urbanisation toujours croissante qui affaiblit le modèle familial traditionnel. Avec l’émergence du Modernisme, l’architecture scolaire de l’entre-deux-guerres va devenir sobre et fonctionnelle. Son rôle ne sera plus de renforcer l’ordre et la discipline, mais de promouvoir une éducation démocratique. En effet, les critiques modernistes vont associer les « écoles existantes à des prisons insalubres, tristes et sombres48. » Ils sont les tenants d’une école « claire, ouverte et gaie49.» Ces nouvelles doctrines instituent l’air et la lumière comme les éléments prépondérants à la nouvelle école. Pour autant, ses nouveaux motifs ne sont pas tant hygiénistes ou pédagogiques que proprement architecturaux.

47 MAYEUR Françoise, «Quand l’enseignement sied aux femmes» In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p56-65. 48 CHATELET Anne-Marie, «Un grand personnage historique ? L’école primaire», mémoire de DEA, Paris, Institut d’Urbanisme, Octobre 1983. 49 RUBIO Marian, «L’élan brisé d’une nouvelle architecture scolaire», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p142-153.

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Le Modernisme tempéré La remise en question de l’architecture académique du XIXe provient essentiellement du Mouvement Moderne, dont l’Exposition des arts décoratifs de 1925 se fait l’écho. En 1928, Le Corbusier parvient à organiser le premier Congrès international d’architecture moderne –CIAM– à la Sarraz. Il y condamne l’académisme et les créations monumentales. Les institutions scolaires des pays industrialisés qui à partir des années 20, aspirant à un renouvellement, trouvent dans le Mouvement Moderne une nouvelle expression et de nouveaux modes de construction sans pour autant s’inscrire complètement dans les audaces du Corbusier ou de Perret. Dans un premier temps, nous assistons à un modernisme tempéré, qui dans la continuité des écoles monuments, va se servir des idées et des techniques modernistes pour mettre en avant les nouvelles exigences en matière d’hygiène. « La modernisation consiste à améliorer souvent avec éclat, le confort, et à actualiser l’apparence : des taches que la plupart des architectes peuvent prendre en charge, sans pour autant être des partisans d’une culture moderne.50» Les plans évoluent peu, d’autant que la réglementation reste, à peu de chose près, celle mise en place au XIXe siècle. Comme le souligne Lemoine, « La définition d’une typologie scolaire propre au Mouvement Moderne s’appuie largement sur une tradition liée à la spécificité du programme.51»

50 LEVEL François, «Prélude : de l’architecture scolaire», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p13. 51Idem, p13.

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figure 21 LycĂŠe Jean de la Fontaine , Paris -1938Gabriel HĂŠraud


figure 22 Lycée Hélène Boucher, Paris -1938Lucien Sallez


figure 23 LycĂŠe Camille SĂŠe, Paris -1934Emile Vaudremer


figure 24 LycĂŠe Claude Bernard, Paris -1938Gustave Umbdenstock


En effet, malgré ces innovations, le modèle pédagogique basé sur une relation dialectique entre les salles de classe et les couloirs perdure tandis que leur expression fonctionnelle va se renforcer. Comme le souligne Mark Jarzombek, l’image de la grandeur des couloirs de l’architecture académique, « fait de fresques, de peinture, et de marbre », va laisser place à un espace où les détails se résument à l’essentiel malgré les innovations pédagogiques et techniques. Les porte-manteaux disparaissent aux profits des casiers, les radiateurs apparaissent sous les fenêtres. Les architectes modernistes trouvent avec la répétition des salles de classe et des longs couloirs, un parfait alibi pour l’adoption massive de la baie horizontale filant sur toute la longueur du bâtiment. Ce nouveau dispositif d’ouvertures répété à tous les étages inscrit la façade dans une nouvelle composition renforçant la vision moderne des circulations52. La dimension du couloir s’offre à la rue et son dessin dialogue avec les cages d’escalier à travers leurs baies verticales53. (Figure 25) Cette nouvelle dimension apporte aux couloirs une réelle qualité. Néanmoins, elle ne doit pas faire oublier le manque de considération quant aux espaces de circulations : « Le maximum de surface devrait être utilisable pour les besoins de l’enseignement, un minimum étant réservé aux besoins secondaires tels que la circulation ou les installations de services.54»

52 Les modernistes sont fascinées par l’idée de mouvement et de continuité liée aux influences du futurisme. 53 CELESTE Patrick, «Les écoles de la ceinture de Paris», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p164-171. 54 ADER Jean, « L’évolution pédagogique et ses incidences sur les équipements », Architecture d’Aujourd’hui, n°107, p78.

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figure 25 Groupe scolaire rue des Morillons, Paris -1870Pierre Sardou


Figure 26 École de la MeerweinstraĂ&#x;e , Hambourg -1927Fritz Schumacher


Figure 27 École de la MeerweinstraĂ&#x;e ,Hambourg -1927Fritz Schumacher


La standardisation scolaire Dès les années 30, une majorité des nouvelles constructions scolaires adoptent les évolutions techniques des modernistes avec un système constructif d’ossature en béton armé. La limitation des contraintes constructives provoquées par l’augmentation des portées et la réduction des points porteurs libèrent le sol et facilitent l’aménagement des espaces intérieurs. Ce type de construction, utilisé dans les édifices industriels, est massivement utilisé dans la construction d’établissements scolaires en milieu péri urbain55. Ces innovations vont s’incarner dans « la barre d’école », inspirée de la cité industrielle de Tony Garnier (1901-1904). L’utilisation de ce modèle qui s’inscrit dans une nouvelle perception de la ville va apporter une dimension résolument moderne à l’école et s’affranchir de la typologie des Ecoles Monuments. Le bâtiment tout en longueur se compose de deux ou trois étages maximum. Au rez-de-chaussée, l’utilisation du préau disposé sous le volume des classes justifie et magnifie la structure sur pilotis. Sa continuité avec la cour de récréation exprime l’image de la perméabilité du bâtiment. Le toit-terrasse, emblème du modernisme, est aménagé comme espace d’exercice. L’exemple le plus manifeste de ce modèle de construction scolaire se trouve à Villejuif avec le complexe scolaire Karl Marx, dessiné par l’architecte français André Lurçat56. (Figure 28) Ces innovations techniques ainsi que l’utilisation fréquente du modèle de la barre vont tendre à une standardisation des édifices scolaires. Cette dernière trouve son apothéose dans les années 50 avec les

55 RUBIO Marian, «L’élan brisé d’une nouvelle architecture scolaire», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p144. 56 BRADEL Vincent, «La modernité s’affiche en banlieue», In : CHATELET Anne-Marie (dir), Paris à l’école, Qui a eu cette idée folle ?, Editions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1993, p 154-163.

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figure 28 Groupe scolaire Karl Marx, Villejuif -1930André Lurçat


figure 29 Groupe scolaire Karl Marx, Villejuif -1930André Lurçat


figure 30 Groupe scolaire Karl Marx, Villejuif -1930André Lurçat


figure 31 Groupe scolaire 20e secteur, Chandigarh -1930S. Bhatti


figure 32 Groupe scolaire 20e secteur, Chandigarh -1930S. Bhatti


figure 33 École primaire de l’Unité d’Habitation, Firminy -1947Le Corbusier


figure 34 École primaire de l’Unité d’Habitation, Firminy -1947Le Corbusier


grandes reconstructions d’après-guerre et l’explosion démographique qui entraina un besoin massif d’écoles. Ces politiques de constructions intenses telles que développées en France avec la politique d’une école par jour tendent à « L’unification générale des dimensions permettant une économie en rendant possible l’industrialisation de la production des éléments de construction ». En effet, le ministère définit précisément le dimensionnement des espaces, sans remettre en question le modèle pédagogique et les circulations : « Une trame de 1,75 m, qui correspond à la largeur d’un couloir (…), les salles de classe représentent 5 trames sur 4. La salle de classe s’organise toujours de manière traditionnelle dans la logique estrade/bureau face à la rangée de pupitres. L’éclairage par la lumière naturelle des ouvertures se fait à gauche (car tous les élèves sont nécessairement droitiers…). Le couloir peut être éclairé en imposte à travers les classes57.» Ces politiques scolaires, qui ont figé le modèle pédagogique dans une relation dialectique entre classe et couloir à travers la standardisation des constructions et l’inertie de l’institution, n’ont pas encouragé une architecture véritablement expérimentale58. Pour cela, il faudra se tourner vers les innovations pédagogiques des pays nordiques qui ont offert à des architectes une véritable possibilité d’inventer une nouvelle relation du modèle d’espace scolaire, entre la salle de classe et son couloir.

57 LE GAY Yves, Une approche historique de la construction scolaire en France depuis le 19ème siècle, Centre national de documentation pédagogique d’Aquitaine, bulletin CIPP. 17p. 58 MONNIER Gérard, L’architecture en France, une histoire critique 1918-1950, Architecture, culture et modernité, Philippe Sers éditeur, Paris, 1990, p172.)

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figure 35 Groupe scolaire rue des Morillons, Paris -1870Pierre Sardou


Chapitre III. De l’usage du couloir à sa critique. À travers le processus de démocratisation de l’enseignement à partir du XVIIIe siècle, jusqu’à la mise en place d’une école publique et obligatoire, le couloir va s’inscrire dans cette évolution comme un élément spatial déterminant dans le modèle pédagogique traditionnel et dans l’identité de l’architecture scolaire. Aujourd’hui, la perception du couloir de l’école dans l’imaginaire collectif est forte. Cet espace est commun, car il représente un lieu déterminant pour qui fréquente l’école ; parents, élèves, enseignants. Pour autant, l’image que l’on en a est souvent négative. Sa fonction réduite à la circulation et à la distribution, son aspect austère et peu lumineux, et l’imaginaire qui l’habite –lieu de punition, de mise en rang, de chahut, etc.– va entrainer avec l’évolution des pédagogies et de la psychologie enfantine une remise en cause de son utilisation traditionnelle. En effet, de nombreuses réflexions ont porté un jugement critique sur la nature du couloir ; à la fois dans sa dimension architecturale, comme élément de circulation qui s’affranchit des dispositifs classiques de composition, mais aussi dans la dimension éducative et sociale à laquelle il renvoie.

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I- « L’usine scolaire » et la critique d’un modèle pédagogique La dimension foucaldienne du couloir De nombreux penseurs post-modernes ont vu à travers le modèle spatial des édifices publics, la forme d’un contrôle social. L’une des réflexions les plus importantes a été apportée par le philosophe français Michel Foucault. S’intéressant aux mécanismes éducatifs de nos sociétés59, il conçoit la forme de l’enseignement moderne non pas comme une simple transmission des savoirs, mais comme un mécanisme de pouvoir qui s’exerce sur les individus. En considérant l’école, comme une institution de socialisation, Foucault estime qu’elle est un dispositif important dans la mise en place et le maintien du « pouvoir disciplinaire ». Dans son ouvrage Surveiller et punir (1975), l’auteur français traite de l’évolution des techniques de punition. Il montre comment la manifestation du pouvoir à travers la sanction est passée du domaine public, de la punition corporelle – supplice, châtiments – à un domaine privé, qui vise la correction et la rédemption de l’âme – l’enfermement –60. Avec la naissance de la prison, la discipline devient l’outil de normalisation des individus. Par la suite, il démontre comment celleci, appliquée à travers la surveillance et la punition des criminels va être étendues à d’autres institutions sociales, telles que les hôpitaux, les casernes et les écoles. À l’échelle architecturale, ce mode de contrôle s’exprime par l’utilisation significative et radicale du dispositif de cou-

59 Dans la continuité de la forme scolaire de Guy Vincent. Voir p10. 60 FILLOUX Jean-Claude. Étude critique : Michel Foucault et l’éducation, In: Revue française de pédagogie. Volume 99, 1992. pp.115-120.

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loirs61 (Figure 36 à 39). Cette relation dialectique des circulations avec les espaces de vie — salles de classe, cachots, chambres d’hôpital ou de régiment — constitutive des « dispositifs de pouvoir » renvoie à la relation de contrôle maitre/élève, médecin/patient, juge/condamné. Dans le cadre particulier de l’école, l’institution scolaire fait de l’élève un citoyen discipliné par le pouvoir. « Lieu clos, l’établissement scolaire, citadelle fortifiée dont les entrées et sorties sont réglementées, est organisé autour d’un espace vide, la cour de récréation placée au centre des bâtiments. À la fois lieu de circulation et de surveillance, l’école est soumise au regard panoptique62.» Ainsi, la discipline marque la gouvernance des corps, c’està-dire « une répartition dans l’espace permettant de faire émerger des conduites normalisées63. » Les espaces de l’école s’organisent comme le support de la fabrication d’une identité qui est en phase avec ledit pouvoir. Elle inscrit la surveillance et la discipline dans une architecture fonctionnelle et hiérarchique. Le contrôle des activités passe par la maitrise du temps et la gestion des espaces d’enseignement et de circulation64. Dans cette logique, nous pouvons appréhender la dimension foucaldienne du couloir dans une triple dimension. Il est un espace de circulation qui se normalise à travers la mise en rang, puis un espace de surveillance où le regard, à travers les impostes, marque la discipline qui institue le savoir. Enfin, c’est un espace disciplinaire, où l’on envoie 61 La lecture d’une série de plan présentant des hôpitaux, des casernes et des prisons dans la publication Corridors, accompagne l’exposition elements of architecture de la biennale d’architecture de Venise en 2014. 62 MABILON Béatrice p 470. En lien avec le panoptique de Bentham (1791), repris par Foucault (1975), au sens de lieu d’où la possibilité du regard de l’autre est toujours possible mais jamais certain. 63 FILLOUX Jean-Claude. Étude critique : Michel Foucault et l’éducation, In: Revue française de pédagogie. Volume 99, 1992. pp.115-120. 64 Idem, pp.115-120.

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l’enfant désobéissant au jugement silencieux des couloirs, inversant ainsi la fonction dialectique du couloir et des cachots de la prison. Néanmoins, Foucault attache peu d’importance à la dimension architecturale des mécanismes qu’il décrit. Il considère la structure spatiale des édifices comme un simple support : « L’architecture, dans les analyses très vagues que j’ai pu en faire, constitue uniquement un élément de soutien, qui assure une certaine distribution des gens dans l’espace, une canalisation de leur circulation, ainsi que la codification des rapports qu’ils entretiennent entre eux65.» Et en aucun cas il ne la perçoit comme un élément générateur : « Foucault ne croit pas outre mesure à un effet originel et spécifique de l’architecture sur les pratiques et les mentalités, et elle ne lui semble donc pas fondamentale pour l’émancipation humaine. Son intérêt pour l’architecture a toujours semblé fugace66.» Finalement, les travaux de Foucault ont marqué la vision de l’école dans l’imaginaire collectif et particulièrement chez les pédagogues. La vision foucaldienne du couloir va l’identifier comme le dispositif spatial de contrôle et de surveillance par excellence. Ce qui va renforcer la remise en question de son utilisation conventionnelle. Néanmoins, au-delà du principe, la dimension spatiale du couloir, et des circulations en général, a été peu approfondie par Foucault. En les réduisant à de simples supports de distribution, il restreint les vérifications de ses théories. Ce faisant, dans la logique foucaldienne, d’autres spécialistes vont s’attacher à analyser, à l’échelle architecturale des espaces scolaires, les mécanismes sociaux décriés par Foucault.

65 FOUCAULT Michel, Dits et écrits 1954-1988, Vol 1, Paris, Gallimard, 2001. 66 FILLOUX Jean-Claude. Op. cit. pp.115-120.

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figure 36 Plan d’une prison dÊpartementale, France -1843-


figure 37 Cherry Hill, Philadelphie -1829John Haviland


figure 38 Plan d’une prison dÊpartementale, France -1843-


figure 39 Asile en Alabama -1854Samuel Sloan


Bettelheim : une analyse du couloir scolaire Dans son ouvrage Survivre, Bruno Bettelheim, pédagogue et psychologue américain d’origine autrichienne, disciple de Freud, s’intéresse à l’étude de la psychose, plus particulièrement chez l’enfant. Dans l’un des chapitres, il présente le couloir en milieu scolaire à travers une analyse descriptive et une critique sociale. L’un des premiers éléments que prend en compte Bettelheim est la perception cognitive du couloir : « La première chose qui nous frappe est leur longueur effarante. Nos grands établissements scolaires de par leurs tailles, éliminent toute intimité et sont un défi à la dimension humaine (…).67 » La fonction circulatoire et distributive du couloir s’exprime directement dans sa forme. Celui-ci est souvent caractérisé par une longue perspective, dans laquelle la répétition des éléments qui le composent –structure, porte, vestiaires, radiateurs– rythme l’ensemble de manière cadencée. Pour réduire cette perception, l’auteur propose : « Les écoles devraient être conçues pour que toutes les classes qu’un enfant donné doit fréquenter soient situées à proximité les unes des autres. S’il faut absolument un couloir, il ne devrait pas être utilisé que par deux ou trois classes.68 » Aussi, ce dispositif longitudinal, qui n’est que le résultat d’une démultiplication importante des salles de classe, se réduit souvent et seulement, à la circulation. Contrairement aux autres espaces de l’école – classes, bibliothèque, préau –, le couloir n’a pas de rôle éducatif. Bettelheim propose : « Le couloir pourrait alors être le territoire personnel des enfants, une partie de l’espace vital familier dont ils disposent à l’école, qui pourrait être décoré et arrangé à leur convenance, et en partie par eux. Cette antichambre commune serait un lieu où on pourrait se détendre et lier des amitiés69.» 67 BEETHELIEM Bruno, Survivre, Paris, Laffont Pluriel n°8366, 1979, pages 257-262. 68 Idem, p260. 69 Idem, p260.

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Dans une autre logique, l’auteur américain remarque que l’espace du couloir scolaire présente différentes temporalités. En effet, durant le temps de la classe, il se résume à un espace vide, désert, ponctué seulement de quelques passages furtifs d’enfants ou d’enseignants. Pourtant lors des interclasses : « (…) des milliers d’élèves se ruent dans toutes les directions pendant cinq minutes. Au lieu de se relaxer et de se fréquenter pendant dix à quinze minutes entre les classes, dans leur couloir, des hordes de jeunes bousculent d’autres hordes de jeunes, en général tout à fait étranger les uns aux autres. Ils courent comme des fous et arrivent essoufflés, dans leur prochaine classe (…)70.» Même si, selon le type d’éducation présenté par l’institution, la mise en rang peut réduire dans une certaine mesure cette idée de chahut présentée par Bettelheim, la question du dimensionnement du couloir scolaire s’avère problématique. L’utilisation très ponctuelle, mais fortement intense du couloir lors des interclasses entraine soit des problèmes de densité spatiale, comme nous l’avons vu, soit d’ergonomie lorsque le couloir est surdimensionné. En toute logique, pour une bonne circulation il devrait répondre à une surface identique aux salles de classe, puisqu’il doit recevoir le même nombre d’élèves. Mais comme le couloir scolaire traditionnel s’inscrit dans la seule logique fonctionnelle, il est difficile de concevoir la moitié des surfaces d’un bâtiment à la seule circulation. Enfin, l’auteur se questionne sur les attentes que l’on porte aux enfants. Traditionnellement, le couloir ne s’inscrit pas dans une logique d’enseignement, mais plutôt d’éducation, voire de socialisation. À la marge de la salle de classe, le couloir peut être perçu comme

70 Idem, p260.

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un espace public pour l’enfant, à l’image de la rue. En effet, dans cette transition entre l’espace d’enseignement qui à ses propres codes, et la cour de « re-création », où l’enfant expérimente par lui-même : « Les couloirs disent silencieusement à l’enfant beaucoup de choses sur l’esprit et les intentions de l’école et aussi sur la société qui l’a construite à son usage. Après tout, la salle de classe et la bibliothèque sont construites pour ce que l’école attend de l’enfant : pour qu’il apprenne. Les couloirs lui en disent donc plus long sur ce que nous attendons de lui que sur ce que nous voulons faire pour lui71. » Enfin, dans une vision foucaldienne, Bettelheim surenchérit : « Dans la plupart des écoles, le couloir est une route où nos futurs citoyens apprennent que la vie, dans notre société, est sinon une course effrénée au succès, du moins une course de couloirs, il est impossible de les distinguer de ceux qu’on peut voir dans les immeubles de bureaux, dans les usines et les prisons72. »

71 BEETHELIEM Bruno, Survivre, Paris, Laffont Pluriel n°8366, 1979, p257. 72 Idem, p262.

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figure 40 RĂŞverie de couloir Robert Doisneau


II- La pièce et le couloir Le dispositif du couloir comme le plan « antitype » L’une des critiques les plus virulentes73 du couloir comme espace de distribution provient de l’historien anglais Robin Evans. Dans son essai « Figures, Doors and Passages », il retrace les dispositifs de circulation en analysant le remplacement du « plan type » de l’enfilade de pièces par le couloir de distribution, « plan antitype ». L’auteur anglais considère que l’enfilade comme « matrice de pièces communicantes » est un type du plan classique de la renaissance. Selon lui, avec l’émergence du couloir dans l’espace domestique du XVIIe nous assistons à une profonde modification des rapports sociaux à travers cette nouvelle composition. La mise en place d’un dispositif de circulation parallèle à l’enfilade avait pour but « d’empêcher les pièces de service d’importuner les autres par le passage continuel à travers elles.74 » Le couloir permettait alors de ne plus mélanger les espaces de vie et de services et ainsi de séparer les maîtres de leurs serviteurs. Ce nouveau dispositif fonctionnel va devenir un « instrument d’aise », mais aussi un « gaspilleur d’espace, trop rigide75. » Le couloir, en se réduisant à une simple circulation va formaliser le mouvement, et s’inscrire dans une logique inverse des pièces en enfilade :

73 JARZOMBEK Mark, Corridor Spaces, Critical Inquiry, Vol. 36, No. 4 (Summer 2010), MIT, Chicago, p756. 74 Idem, p77. 75 MOLEY Christian, Architecture d’un habitat 1880-1970, Le moniteur, Paris, 1997, 205p.

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« Le mouvement dans l’espace architectural se faisait par filtration plutôt que par canalisation, ce qui signifie que même si une grande importance pouvait être accordée au passage séquentiel d’un endroit à un autre, le mouvement n’était pas nécessairement un générateur de forme76.» Quant au dispositif d’enfilade, il ne fixe pas le mouvement et laisse une plus grande flexibilité à l’espace, une plus grande possibilité de rencontre : « En facilitant la communication, le couloir a réduit le contact. Cela signifie que la circulation, délibérée ou nécessaire, a été facilitée tandis que la circulation accidentelle a été réduite, et le contact (…) a été au mieux accessoire et distrayant, au pire corrompu et malin77. »

C’est dans ce sens que Robin Evans critique le dispositif du couloir, car il tend à un renfermement des individus sur eux même, à travers la fermeture des pièces servies par le couloir. Celui-ci crée des espaces de vie « habités » opposés à des espaces de simple circulation « inhabités », fonctionnels, ce qui nous renvoie à la critique de Bettelheim sur le mode d’utilisation des couloirs scolaires. Malgré la justesse de ces critiques, Robin Evans ne fait que rendre compte des faiblesses du dispositif. En proposant de nouveaux types de compositions, il contourne la problématique du couloir78.

76 EVANS Robin, Translations from Drawing to Building and Other Essays, Architectural Association, London, 1997, p78. 77 Idem, p77. 78 BELVAL Charlotte, PARQUET Jean, Plan sans couloir, mémoire de fin d’études, Master théories et Projet, sous la direction de Jacques LUCAN, École d’Architecture de la Ville et des Territoires, Janvier 2011, p30.

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D’un espace servant à une architecture de connexion La dualité entre espace de circulation et espace de vie résonne clairement avec le modèle d’espace scolaire. L’architecte américain Louis I. Kahn s’interroge sur la nature de ces différents espaces et sur leur relation dialectique. Généralement, celle-ci s’inscrit dans une opposition entre espace servant et espace servi, où « des espaces mineurs servent des espaces majeurs79. » Tel est le cas dans l’immense majorité des édifices scolaires et malgré les nombreuses réflexions pédagogiques et architecturales conduites sur les salles de classe, le mobilier, l’hygiène etc. Très peu d’évolutions ont porté sur le dispositif du couloir. Finalement, les nombreuses critiques qui en découlent sont révélatrices d’un état de fait. Mais contrairement à Evans, qui propose un autre type d’architecture tel que le plan libre : « qui chercherait à faire jouer pleinement les choses qui ont été si soigneusement masquées par son antitype ; une architecture découlant de la fascination profonde qui attire les gens vers les autres ; une architecture qui a reconnu la passion, la sensualité et la sociabilité. La matrice de pièces communicantes peut être une caractéristique intégrale de ce bâtiment80. » Louis Kahn, questionne la nature de ces espaces de circulation. Ils considèrent la pièce comme l’élément structurant la composition architecturale : « La pièce est le commencement de l’architecture. C’est le lieu de l’esprit. On est dans la pièce, avec ses dimensions, sa structure, la lumière qui lui donne son caractère, son aura spirituelle, et on prend conscience que tout ce que l’homme propose et fait devient vie81. »

79 EVANS Robin, Op. cit., p77 80 EVANS Robin, Op. Cit., p76. 81 Louis Kahn, « Law and rule in architecture », Conference, Princeton University, 29 Novembre 1961.

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Néanmoins pour Kahn, dans un ensemble composé d’une « société de pièces », ce sont les espaces de circulation qui ont vocation par leur « architecture de connexion » à être « l’âme de la composition ». C’est pourquoi il estime que les espaces de circulation, tels les couloirs, doivent faire part d’une attention particulière « Cette architecture est d’une importance égale à celle des espaces principaux ; bien que destinée au mouvement, elle doit d’abord être baignée de lumière naturelle.82» La condition du couloir à être une simple circulation, lui retire tout caractère programmatique. Pourtant, il offre à l’architecte plus qu’une surface, mais un espace où l’architecture peut être au service d’ellemême, où la lumière et la structure seraient les éléments constitutifs du mouvement. « C’est à cela qu’on évalue l’architecte, à l’organisation des espaces de jonction, qui fait sentir autour de soi la totalité de l’institution quand on marche dans le bâtiment83. »

82 Idem. 83 Idem.

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II-La Nouvelle École et son couloir


Chapitre IV. Architecture et pédagogie. La modernisation de l’architecture à partir des années 1920, n’a pas forcement entrainé un renouvellement du dispositif pédagogique traditionnel. En effet, les constructions scolaires ont pour la plupart matérialisé des impératifs économiques plutôt que de mettre en avant les nouvelles conceptions éducatives de leur temps. Néanmoins, parallèlement à cette standardisation scolaire, l’émergence de nouvelles réflexions pédagogiques va transformer tout au long du XXe siècle la perception des écoles et de l’espace éducatif.

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I- L’éducation nouvelle. L’essor des mouvements pédagogiques Au début du XXe siècle, à la suite de la féminisation du corps enseignant, un vaste mouvement pour un nouveau mode d’éducation va prôner des méthodes actives d’enseignement et remettre en question les procédés mécaniques traditionnels d’apprentissage par la mémorisation. Auparavant, l’attention portée au fonctionnement et à l’apprentissage se résumait aux questions d’hygiène et de discipline. L’apparition de ces pédagogies nouvelles, plus adaptées à la psychologie enfantine, va mettre l’accent sur « la liberté plutôt que sur la contrainte.84 » Ces nouvelles aspirations prennent racine dans l’ouvrage humaniste de Jean Jacques Rousseau, De l’éducation écrit en 1762. En effet pour le philosophe français, « l’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu que l’on allume ». Il considère que l’enfant en construction doit se positionner au centre du processus éducatif. Avec l’évolution des sciences et l’émergence de la psychologie, de nombreux médecins, enseignants et philosophes vont étudier les mécanismes d’apprentissage chez l’enfant, et proposer de nouvelles approches éducatives. En 1894, le philosophe John Dewey (18591952) crée une « école laboratoire » à l’université de Chicago où il développe sa théorie du « Learning by Doing ». Il considère que l’action pédagogique se doit d’être une réponse au questionnement de l’enfant. Celui-ci construit son savoir dans un processus dynamique et individuel fondé sur la pratique et la construction de sa propre

84 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004, p5.

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expérience. Dans la même logique, Célestin Freinet (1896-1966), instituteur français, blessé lors de la Première Guerre mondiale, considère que l’enfant animé d’un dynamisme naturel qu’il ne faut pas contrarier, doit expérimenter le savoir qu’on lui transmet. Pour Freinet l’erreur est un moyen d’accès à la connaissance. En Belgique, Ovide Decroly85 (1871-1932), neurologue de formation, pense que le milieu naturel et la santé physique conditionnent l’évolution intellectuelle ; l’enseignement se fonde sur les besoins naturels de l’enfant. La classe fonctionne dans un processus démocratique où la sanction est toujours constructive ; un objet cassé doit être réparé. Aussi, Decroly est fortement influencé par la psychologie de la forme, qui aura un impact sur le mode d’apprentissage. Il érige la méthode globale en lecture qui fonctionne sur la reconnaissance des formes – mots ou phrases – plutôt que sur des éléments sans signification – lettres ou syllabes –. Le médecin italien Maria Montessori (1870-1952), qui crée la casa dei bambini à Rome en 1907, va également inventer tout un matériel pratique qui peut être utilisé librement. Elle croit en l’importance du milieu dans lequel les enfants évoluent, et le considère comme un élément primordial dans leur développement intellectuel86. Dans le sillage de ces grands pédagogues, de nombreux esprits expriment la nécessité de réformer l’éducation à la suite de la Première Guerre mondiale. Les nouvelles conceptions éducatives vont gagner en popularité afin de former « des individus capables de mettre fin aux guerres et d›organiser, par la compréhension mutuelle, un monde meilleur.87»

85 Il fonde à Bruxelles l’école de l’Ermitage au 86 de la rue du même nom qui aujourd’hui accueil le centre d’architecture la Loge, construit à la mort de Decroly en 1932. 86 FOURNIER Martine, Un siècle d’éducation nouvelle, in Science Humaines, n°105, Mai 2000, pp75-79. 87 Idem, p76.

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Malgré des points de vue parfois divergents, les différentes sensibilités constituant cette « éducation nouvelle » vont s’accorder à remettre en question le système éducatif traditionnel : « L›enfant aime la nature : on le parqua dans des salles closes. L›enfant aime bouger : on l›obligea à se tenir immobile. Il aime manier des objets : on le mit en contact avec des idées (...). Il voudrait raisonner : on le fit mémoriser. Il voudrait s›enthousiasmer : on inventa les punitions.88» Cette nouvelle manière d’aborder la question de l’éducation va influencer durablement la manière de percevoir et de concevoir les écoles. Ainsi, les théories issues de l’éducation nouvelle vont influencer les sciences de l’éducation et les instructions officielles tout au long du XXe siècle et changer de manière significative le caractère de l’école.

L’espace éducateur L’influence de l’éducation nouvelle sur le modèle traditionnel entraine une conception de l’éducation de plus en plus individualisée au fil du temps. On assiste progressivement à la diminution de l’importance du groupe-classe au profit de l’enfant et de sa personnalité. Ellen Key, auteur du Siècle de l’enfant, déclara en 1910 : « l’éducation ne devait plus s’appuyer sur la discipline et la performance, mais plutôt renforcer le potentiel créateur de l’enfant et stimuler le développement de son individualité.89»

88 FERRIERE Adolphe, Déclaration de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle, 6 Août 1921. 89 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004, p4.

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Ainsi, la classe qui a été construite au XIXe siècle comme l’espace majeur et unique de l’enseignement fondamental à la fois dans sa dimension spatiale et éducative va au fur et à mesure perdre de son importance au profit des autres espaces de l’école. L’apprentissage par l’expérience devient un élément essentiel des écoles nouvelles et l’implication des enfants dans le fonctionnement de l’établissement est encouragée. Celui-ci est fait pour l’enfant et non l’inverse. En effet, les pédagogues cherchent à défonctionnaliser les différents espaces scolaires afin de les rendre plus flexibles. Même si la salle de classe reste l’espace d’enseignement principal, le développement des nouvelles réflexions pédagogiques entraine de nouvelles perceptions sur le caractère des espaces scolaires. L’un des exemples les plus représentatifs de cette conception pédagogique se situe dans la ville de Régio Émilia dans le nord de l’Italie. Dans les années 40, Loris Malaguzzi formalise ses préceptes pédagogiques afin de les intégrer complètement à l’architecture. En développant l’aspect cognitif des espaces adaptés aux enfants, il développe la notion de « reconnaissabilité ». Ce concept qui désigne « la création d’un langage architectural et d’une atmosphère environnementale dotés d’une identité précise 90» va permettre de qualifier l’ensemble des espaces scolaires comme des lieux de développement et d’apprentissage. Pour cela, l’école s’exprime à travers différents éléments facilement identifiables aux yeux de l’enfant : des formes primaires simples, des couleurs vives et des matériaux chaleureux. Déjà en 1908, Frank Lloyd Wright, fortement influencé par les théories de John Dewey, utilise les « dons de Frobël » dans la conception d’un jardin d’enfants dans la banlieue de Chicago. « Bien que l’enfant ignore la signification des objets avec lesquels il joue, son œil

90 DUDEK Marc, Écoles et jardins d’enfants, Berlin, Gollion, 2007, p10.

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développe un sens juste pour la forme.91 » (Figure 41, 42) Ainsi, l’architecte offre une lecture quasi littérale de l’espace, et inscrit le processus d’apprentissage dans le caractère même du bâtiment. Au final, l’apport des nouvelles théories éducatives entraine l’architecture à devenir le « 3e professeur92 » ; après les enseignants et les parents. La dimension éducative va inonder l’ensemble des espaces scolaires et plus particulièrement le couloir. Les établissements ne seront plus seulement conçus sur base d’un programme de locaux. Cette nouvelle dimension pédagogique apporte aux architectes un cadre de références infiniment plus riche et cohérent. Ainsi, l’intégration du couloir à l’espace éducatif offre une nouvelle relation dialectique avec les salles de classe. L’opposition fonctionnelle entre l’espace de la circulation et les lieux d’enseignements va s’estomper, entraînant ainsi une reconfiguration du modèle pédagogique traditionnel.

91 Idem, p10. 92 MUSSET Marie, De l’architecture scolaire aux espaces d’apprentissage : au bonheur d’apprendre ?, Institut Français de l’Education, Dossier d’actualité, n°75, Mai 2012, p5.

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figure 41 Avery School, Chicago -1908F. L. Wright


figure 42 Détail de fenêtre, Avery School, Chicago -1908F. L. Wright


figure 43 Couloir d’une Êcole de type Malaguzzi -1970-


figure 44 Couloir d’une Êcole de type Malaguzzi -1970-


I- Les modèles de transformations de la forme scolaire. Les Ecoles de Plein Air Malgré le développement des nouvelles théories éducatives, ce sont des applications hygiénistes qui entraînent la transformation de la « forme scolaire » traditionnelle. Au début du XXe siècle, les pays industrialisés ouvrent des écoles de plein air pour les enfants fragiles menacés de la tuberculose ou atteints de maladie mentale. La médecine est au service de la pédagogie et ensemble, ils mettent en place des structures éducatives afin de créer des atmosphères stimulantes. Ces écoles associaient l’air, la lumière et l’environnement afin de favoriser l’épanouissement physique. Leurs dispositions permettaient d’entretenir une grande relation avec le paysage et l’environnement. Ces écoles se situaient souvent au milieu de forêts ou de parcs93. Les salles de classe conçues pour s’ouvrir sur la nature environnante permettaient une flexibilité des espaces et de l’enseignement (Figure 46). Ce nouveau dispositif va fortement influencer les architectes-pédagogues dans l’ordonnancement des locaux et des circulations. En effet, le modèle du XIXe dispose généralement d’une cour centrale avec un préau. Le système circulatoire doit canaliser les déplacements lors des récréations qui réunissaient l’ensemble de la communauté scolaire. Avec un accès direct entre les classes et l’extérieur, le rôle catalyseur du couloir se réduit. Malgré les conceptions innovantes de ces établissements, les progrès de la science et de la médecine94 entraînent les Écoles de plein

93 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004, p6. 94 À partir de 1943 la tuberculose peut être guérie grâce à un nouvel antibiotique découvert par le docteur Waksman.

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figure 45 École de Plein Air, Suresnes -1932Eugène Beaudoin


figure 46 École de Plein Air, Suresnes -1932Eugène Beaudoin


figure 47 École de Plein Air, Suresnes -1932Eugène Beaudoin


air à disparaitre à partir des années 50. Toutefois, à la même époque, l’application d’une pédagogie active commence à s’imposer dans la construction scolaire des pays de l’OCDE. Les nouveaux modèles qui en résultent vont être fortement influencés par les Écoles de plein air.95

Des Écoles à Aires ouvertes à l’Open School : la disparition du couloir La nouvelle attention apportée à la personnalité de l’enfant, qui devait se sentir chez lui en classe, entraine au sein des espaces scolaires des transformations importantes. Ainsi, on démolit les estrades des anciennes écoles et les murs de la classe se couvrent de dessins afin de créer un environnement stimulant. On s’inspire des Écoles de plein air pour concevoir des espaces flexibles. Dans les pays anglo-saxons, le concept est fortement développé à partir des années 70. Il en résulte le mouvement des Écoles à Aire Ouvertes. Un modèle érigé en 1969, à partir d’un projet architectural suédois, le SAMSKAP (figure 48), définit à travers un organigramme l’ordonnancement des locaux. Ceux-ci disposés de manière concentrique visent à réduire les espaces de circulations en permettant un accès direct depuis les salles d’apprentissages à l’ensemble des locaux. La conception circulaire des espaces est pensée pour faciliter les activités et les cloisons pliables permettent une grande flexibilité d’usage. De grandes salles d’enseignement entourent des espaces plus restreints destinés au travail plus individuel. Au centre, un hall recueille le matériel scolaire utile tant aux élèves qu’aux enseignants. Pour limiter les nuisances des déplacements à travers les différents es95 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004, p7.

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figure 48 modèle SAMSKAP


paces, les revêtements de sol en moquette sont généralement installés dans l’ensemble de l’édifice. Malgré ces innovations, ce modèle d’école imposé dans les années 70 rencontre une vive résistance dans l’enseignement primaire. Les réticences des enseignants ayant une pratique traditionnelle de l’éducation, et les faibles résultats obtenus aux tests d’évaluation essoufflent le mouvement. À partir des années 80, on se remet à recloisonner les espaces96. Pour autant, l’ouverture des espaces scolaires liés à la diversification des enseignements va trouver un écho dans la construction d’établissement secondaire ou tertiaire. À partir des années 80, influencées par un « anticorridic movement 97», de nombreuses écoles à plan libre s’ouvrent dans les pays nordiques et anglo-saxons. Ce type d’école, institué le plus souvent en campus, fonctionne comme un quartier de ville. Les circulations et les espaces de vie tels que les halls, les salles de lectures ou de rencontres, se confondent. Ainsi, la notion même de circulation à travers les espaces dédiés au mouvement tend à disparaitre au profit du déplacement : « Tous les espaces sont contigus entre eux directement et non pas à travers des couloirs, les murs des pièces ont une relation intense avec les pièces d’à coté. Se déplacer à travers un bâtiment signifie passer directement d’un espace à un autre.98»

96 FORSTER Simone, Op. Cit., p8. 97 Le concept de l’anti-corridic movement est largement décrit par Mark Jarzombek dans l’article « Corridor Spaces » p765. Nous retrouvons les idées de cette tendance dans l’ouvrage de Robin Evans Translations from Drawing to Building and Other Essays, dans le chapitre « figures, doors and passages ». 98 HASEGAWA Yuko, « Spaces that obliterates and ereas programms », Sanaa 1995-2000, El croquis,n°99, p21 cité dans BELVAL Charlotte, PARQUET Jean, Plan sans couloir, mémoire sous la direction de Jacques LUCAN, Ecole National Supérieure de Marne-laVallée, Janvier 2011, p57.

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figure 49 Belair Primary School, Texas -1955Caudill, Rowlett, Goss


figure 50 Belair Primary School, Texas -1955Caudill, Rowlett, Goss


figure 51 Belair Primary School, Texas -1955Caudill, Rowlett, Goss


figure 52 ÂŤIn der BerglenÂť school, Stuttgart -1975Behnish & partner


figure 53 ÂŤIn der BerglenÂť school, Stuttgart -1975Behnish & partner


figure 54 École Open Air, Amsterdam -1930Jan Duidek


figure 55 École Open Air, Amsterdam -1930Jan Duidek


figure 56 Collège Orestad, Copenhague -1998Kim Herforth Nielsen


figure 57 LycĂŠe Naerum, Copenhague -2002Dall & Libdhardsen


La disparition du couloir envisagé par les modèles scolaires anglo-saxons qui s’inscrit dans une réflexion plus générale des modernistes sur l’espace libre constitue un véritable tournant dans l’histoire de l’architecture. Néanmoins, dans le cadre de ce mémoire sur l’analyse du couloir scolaire, nous allons nous attacher à étudier les modèles qui ont cherché à investir les espaces de circulations, afin d’en redéfinir leur condition.

Les Ecoles Pavillonnaires : l’investissement du couloir Dès 1903, le concept des Écoles de plein air inspira Tony Garnier dans sa conception de son projet de cité industrielle. Considéré comme le père des Ecoles Pavillonnaire, l’architecte français imagina dans le contexte de la nouvelle Ville Moderne, un système d’éducation pour le primaire, organisé en petites écoles de plain-pied, dispersées dans des espaces verts. « Les pavillons des classes sont généreusement vitrés, dotés de fenêtres coulissantes permettant une ouverture de la pièce sur toute sa largeur et ils ont un accès direct au jardin dans lequel l’enseignement peut se tenir par beau temps. Ces pavillons présentent d’autres avantages, tels que l’éclairage bilatéral, la ventilation transversale et la grande profondeur des pièces qui, résultant d’un plan au sol presque carré, laissent plus de liberté dans l’aménagement mobilier et permettent le travail des élèves en groupes.99» Contrairement au modèle à Aire Ouverte, cette forme scolaire s’inscrit dans la continuité du cadre pédagogique traditionnel, basé sur la relation entre classes et couloir. Néanmoins, à travers la 99 CARSTEN Thau, VINDUM Kjed, Arne Jacobsen, Danish architectural press, Copenhagen, 2001, p368.

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construction du modèle pavillonnaire, de nombreuses réflexions se sont portées sur la question des circulations : « Le couloir latéral présente théoriquement l’avantage d’offrir à chacun la possibilité de déterminer la manière dont les salles de classe se positionnent en fonction des points cardinaux. Au cours de la dernière décennie (cf 1950), un dispositif longitudinal des circulations a fortement gagné du terrain aux dépens des couloirs centraux dans les écoles. Les couloirs agréables et lumineux ont légitimement été encensés, contrairement aux sombres couloirs centraux. Néanmoins, avec cette évolution, les écoles de plain-pied, plus vastes, deviennent plus chères à construire.100 »

Ce nouveau dispositif, qui s’oppose au modèle de la barre scolaire fortement utilisé dans des pays comme la France101, va connaître une grande popularité dans les pays du Nord dans la seconde partie du XXe siècle. En Allemagne, dès les années 30, sous l’impulsion des idées modernistes de la république de Weimar, de nombreuses réformes scolaires liées à des réflexions urbanistiques sur la périphérie de grandes villes, sont entamées. Elles entraînent la construction d’établissements scolaires modernes selon un modèle pavillonnaire. Ainsi, dans le Neue Frankfurt, Ernst May construit la Friedrich Ebert-Reformschule, entre 1928-1930. Cette École Pavillon inspirera les écoles dites « tapis » construites au Danemark dans les années 60, sous l’impulsion d’Arne Jacobsen102.

100 CARSTEN Thau, VINDUM Kjed, Arne Jacobsen, Danish architectural press, Copenhagen, 2001, p368. 101 L’exemple le plus représentatif est celui de l’architecte André Lurçat à Villejuif. 102 Voir l’analyse dans le chapitre II, sur l’école Munkegård.

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Malgré la volonté de l’administration scolaire allemande d’établir le modèle pavillonnaire comme références pour les futures constructions, la crise économique des années trente n’a pas permis de mener ce programme à son terme. Néanmoins, « la ou les conditions économiques ne permettaient pas de construire des écoles pavillonnaires, on s’efforça de conserver leurs avantages au sein d’édifices à plusieurs étages »103. Malgré un retour forcé à des modèles d’école plus traditionnels dans les centres-ville allemands, il est intéressant de saluer l’ingéniosité de l’architecte Frank Schuster. Celui-ci conçut à partir de 1928, un modèle alliant les qualités de l’École Pavillon, à travers la ventilation, l’ensoleillement bilatéral de la salle de classe, avec l’efficacité de la barre longitudinale. Le « type schuster » permet, avec la suppression des couloirs dans les étages et l’implantation des cages d’escaliers entre deux classes, d’agrandir à toute la profondeur du bâtiment les salles d’enseignements. Avec la fin de la guerre et la relance économique des années 50, nous assistons à un retour du modèle pavillonnaire symbolisant le renouveau social. Son modèle sera mis en avant par des architectes pédagogues : « L’acte de protestation que constitue l’école pavillonnaire de vastes étendues, qui fut l’une des premières réponses controversées à l’idée toujours en vigueur de l’école-caserne, a fait place à des conceptions plus variées.104»

103 SCHNEIDER Romana, Op. Cit., p7. 104 CONRADS Ulrich, Neue deutsche Architektur 2, Stuggart, 1962. In, SCHNEIDER Romana, Tendances de l’architecture scolaire en Allemagne au XXe siècle, Histoire de l’éducation, 2004, p8.

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figure 58 École Pavillon, Francfort -1928Ernst May


figure 59 École Pavillon, Francfort -1928Ernst May


figure 60 École Pavillon, Francfort -1928Ernst May


figure 61 École ADGB, Bernau -1930Hannes Meyer


figure 62 École ADGB, Bernau -1930Hannes Meyer


figure 63 École ADGB, Bernau -1930Hannes Meyer


figure 64 École ADGB, Bernau -1930Hannes Meyer


figure 65 Prairie School, Illinois -1936F. L. Wright


figure 66 Prairie School, Illinois -1936F. L. Wright


figure 67 Holy Gost School, Missouri -1952Alfred Roth


figure 68 Holy Gost School, Missouri -1952Alfred Roth


figure 69 Crow Island School -1939-


figure 70 Crow Island School -1939Eero Saarinen


III- Les Modernistes au service d’une nouvelle école. Certains architectes modernistes considèrent la question de l’éducation et des nouvelles pédagogies émergentes comme un élément novateur permettant à l’architecture scolaire de prendre une nouvelle dimension. Cette aspiration qui émerge dans le contexte allemand des années 20, à travers les Écoles Pavillons, se manifeste au fil des décennies sous plusieurs formes. Ainsi, les réflexions de nombreux courants artistiques et de certaines figures de l’architecture relayées dans les publications ou à travers le rayonnement de projets exemplaires permettent de diffuser leurs idéaux. Ils vont ce faisant promouvoir une architecture scolaire novatrice à travers un équilibre entre architecture et pédagogie et dépasser le modèle des écoles casernes du XIXe.

Le rayonnement de la pédagogie active du Bauhaus L’un des exemples les plus représentatifs de cette aspiration de l’architecture à utiliser la dimension pédagogique pour véhiculer ses idéaux se matérialise dans l’école du Bauhaus (1919-1933). En effet, dans la volonté de moderniser la société allemande, encouragée par la République socialiste de Weimar, l’institution fondée par Henry Van de Veylde105 va mettre en place un système éducatif novateur au niveau de l’enseignement supérieur. Son directeur, Walter Gropius, qui s’inscrit dans le mouvement du Deutsher Werbund, réussit à fusionner l’ancien Institut des Arts Décoratifs à l’Académie des Beaux-arts de la ville de Weimar. Il conçoit un enseignement supérieur basé sur la production où « il n’existe pas de différence essentielle entre l’artiste et l’artisan.106» Les cours qui se veulent interdisciplinaires sont dirigés à

105 Il fonde l’institut en 1901 qui prend le nom de Bauhaus sous la direction de Walter Gropius en 1919. 106 DROSTE Magdalena, Bauhaus, Taschen,2002, p. 17

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la fois par un « maître artisan » – Werkmeister – et un artiste, « maître de la forme »107 – Formmeister –. Avec le transfert de l’école de Dassau à Weimar en 1925, l’institution va inscrire dans le caractère même de son bâtiment l’esprit de sa formation. L’édifice conçu par Gropius, disposé au centre de la parcelle, est composé de 3 ailes asymétriques accueillant les ateliers, l’administration et les dortoirs. Ce dispositif qui exprime la diversité des fonctions offre différentes spatialités. L’espace circulatoire s’inscrit dans la même logique et se dilate au gré de la nature des espaces qu’il dessert. Les ateliers évoluent dans un dispositif libre, apportant une flexibilité de travail et de création. Au 1er étage, leurs accès s’articulent aux cages d’escaliers et au couloir reliant la partie administrative. Le dispositif de circulation et de distribution se veut fonctionnel comme les dortoirs. Néanmoins, sa disposition longitudinale, ses dimensions agréables et le rythme des grandes baies s’ouvrant sur le paysage rompent la monotonie de sa composition (Figure72). La similarité qu’entretient ce couloir conçu par Gropius avec celui de Hannes Meyer, pour le projet de l’école fédérale ADGB à Bernau, nous interpelle. En effet, elle illustre bien une certaine continuité dans les idéaux novateurs des deux directeurs successifs du Bauhaus. (Figure 64 et 72) Durant toute son existence, le rayonnement de l’école à travers sa pratique d’une pédagogie active va fortement diffuser les idéaux de son modèle à travers la production de ses étudiants et la renommée des enseignants. Le Bauhaus va ainsi participer à la diffusion des théories de l’Éducation Nouvelle, mais au-delà d’un système pédagogique applicable à tous les niveaux scolaires, le caractère architectural de l’institut offre aux architectes sensibles à la question de l’éducation, un modèle de référence. 107 Des artistes tels que Paul Klee, Vassily Kandinsky, Théo Van Doesburg vont faire partie du corps enseignant.

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figure 71 Bauhaus, Dassau -1925Walter Gropius


figure 72 Bauhaus, Dassau -1925Walter Gropius


La synthèse d’Alfred Roth Depuis les années 30, de nombreux questionnements portés par les architectes modernistes envers les programmes pédagogiques se sont formulés par le biais de publications. De nombreuses revues spécialisées108 présentent, à travers des dossiers de recherches, le chemin parcouru depuis les modèles du XIXe et « formulent l’espoir d’une reconstruction de références. 109» Ces ouvrages montrent, à défaut de repères reconnus, la diversité des constructions scolaires en Europe ainsi qu’aux États-Unis à travers la présentation de projets exemplaires110. Les innovations architecturales issues des nouvelles pédagogies sont souvent mises en avant, sans pour autant entrainer un cadre de références pour les futures constructions. Ce travail de synthèse entre les innovations modernistes et les nouvelles tendances pédagogiques va être réalisé dans les années 50 par Alfred Roth, professeur à l’école polytechnique fédérale de Lausanne et spécialiste de la question scolaire. Dans son ouvrage « New School », l’architecte-pédagogue américain recense « les impératifs pédagogiques essentiels dont tout architecte devrait tenir compte lors de la conception d’un édifice scolaire.111 » Pour A. Roth, qui s’inspire des théories humanistes de Pestalozzi , « l’enfant est le sujet et non l’objet de l’éducation ». Pour cela, 112

108 Pour ne citer que les principales; Architectural Forum 1922, n°34 ; Architecture d’Aujourd’hui, 1961,n°94 ; 1963, n°107 ;1966, n°123 ; 1977,n°197 ; Casabella, 2000/2001, n°751. 109 DEROUET-BESSON Marie Claude, Les murs de l’école, éléments de réflexion sur l’espace scolaire, Paris, Métailié, 1998, p99. 110 Schneider-Esleben à Düsseldorf en 59-61 ; Gunter Bernish, Lorch, 1960; Smithson, Norfolk, 1953 111 FORSTER Simone, Architecture scolaire : regard historique tourné vers l’avenir, bulletin CIPP, n°15, décembre 2004. 112 Dans la continuité de Rousseau.

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l’architecture doit être à son échelle, car « la jeunesse ne demande aucun luxe, mais de l’espace ». Il faut donc éviter la construction d’édifices trop monumentaux. L’architecture doit faciliter la nouvelle variété des types d’enseignement. « Il faut donc une disposition souple et différenciée, adaptée à une grande variété de situations pédagogiques : enseignements collectifs, travail de groupe, regroupement de classes, etc. » Dans la première partie de son ouvrage, l’auteur s’attache à présenter une étude « des problèmes en rapport avec l’éducation aux degrés primaire et moyen, en vue de fournir des bases et des suggestions à leur solution méthodique ». Pour cela, il s’efforce de donner un cadre le plus large possible, allant de l’échelle urbanistique à celle de la décoration, en passant par l’hygiène, l’acoustique, et l’éclairage. Malgré, le manque d’informations explicites sur les directives à apporter sur les espaces de circulations, Roth nous donne implicitement des orientations sur la relation dialectique que les unités pédagogiques doivent entretenir avec la circulation : « Pas de corridors avec une enfilade de classes systématiquement uniformes, disposées en alignement rigide et monotone, pas de rangée de pupitres dans les salles, mais des dispositions plus vivantes.» Dans la seconde partie de son ouvrage, il présente des projets exemplaires d’écoles du niveau primaire et moyen, qu’il réactualise lors des rééditions113. La structure de l’analyse est similaire pour chaque exemple, comme suit : type d’école/disposition des locaux/ construction et matériaux/l’unité de classe. Au final, la publication de New School, en 1950, marque le début de la construction de nouvelles écoles dont les avancées péda113 Entre la première édition en 1950 qui présente 31 ouvrages, seul 4 sont conservés dans la publication de 1957.

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gogiques s’incarnent dans les qualités architecturales. Le modèle de l’École Pavillon, prôné par Roth, va se développer majoritairement dans les pays du Nord, plus ouverts aux nouvelles visions éducatives. En conclusion de ses recommandations Roth nous offre tout le recul de sa réflexion : « L’architecture doit être d’une grande simplicité afin de permettre une liberté d’utilisation. La durée des constructions est plus longue que celle des pédagogies (…) L’école doit être en harmonie avec la nature, exclure tout ce qui est faux, schématique et artificiel.114»

L’évolution du couloir selon Herman Hertzberger À travers la construction de nombreux édifices scolaires novateurs dans les années d’après-guerre, l’architecte Herman Hertzberger, à l’instar d’Alfred Roth, formula une réflexion sur la transcription architecturale des évolutions sociales dans le milieu scolaire. Dans de nombreux ouvrages théoriques tels que Space and Learning publié en 2008, Hertzberger apporte une analyse aboutie des transformations spatiales des nouvelles écoles de la seconde moitié du XXe siècle. Dans le chapitre « corridor as a learning street », l’architecte hollandais prend du recul sur l’évolution du dispositif du couloir en s’appuyant sur les changements opérés à partir des années 60. Pour comprendre ces évolutions spatiales, Hertzberger constate les changements sociaux opérés à partir des années 50. La croissance démographique liée au « baby-boom », accompagné d’une nouvelle immigration, entraine une hausse de la fréquentation scolaire. De plus, l’évolution de l’éducation, qui se base de plus en

114 ROTH Alfred, The new school, edition Girsberger, Zurich, 1972 (réedition), p17.

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plus sur un apprentissage individuel et des travaux de groupe demande plus d’espace pour chaque élève115. Ainsi, comme le remarque justement Hertzberger, la classe devient trop petite. Avec des budgets limités, les écoles s’appuient alors sur les espaces inoccupés. La classe s’ouvre sur les espaces adjacents, tel le couloir, afin de s’agrandir. Cette évolution marque l’intégration du couloir à l’espace éducatif. Le centre de l’enseignement se déplace. Les classes ne tourneront plus le dos aux couloirs, au contraire elles s’ouvrent sur celui-ci. La circulation se transforme : « L’évolution pédagogique a changé la nature de ces espaces caverneux, froids, et auxiliaires, qui étaient souvent trop longs, trop hauts, et souvent mal éclairés. Les couloirs doivent devenir des espaces de vie et de travail, dignes de luminosité, et théoriquement égaux en qualité aux salles de classe elles-mêmes.116» Pour soutenir ces évolutions, Hertzberger présente les améliorations qu’il faut entreprendre. Pour que les couloirs soient habitables, comme une véritable extension des classes, il faut changer leurs apparences et leurs éclairages. Ainsi, tout ce qui caractérise le couloir tel que les portes-manteaux ou les casiers doit être remplacé par du matériel qui évoque l’atmosphère de travail et la concentration. Ceux-ci doivent marquer l’attention afin d’établir une circulation plus « douce », et ainsi libérer le couloir. Hertzberger suggère une personnalisation des espaces de travail dans le couloir afin qu’ils soient tous différents. « C’est en utilisant efficacement l’ensemble des espaces disponibles que l’on arrivera à donner un sens à la circulation ». Ce faisant, chaque recoin du couloir deviendra un espace potentiel d’apprentissage. Ainsi, son investissement par le travail des élèves per-

115 Dans la continuité d’Alfred Roth. 116 HERTZBERGER Herman, Space and learning, 010 publishers, Rotterdam, 2008, p74.

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met de se rendre compte des apprentissages et entrainer de la curiosité quand on circule à travers cet espace. Dans la nouvelle relation dialectique entre classes et couloir prônée par Hermann Hertzberger, celui-ci porte une attention particulière à la question du seuil. Pour que les couloirs se transforment en espaces de travail, il faut créer des contacts visuels avec la classe permettant à l’enseignant d’avoir un contrôle naturel et discret sur les élèves. Ainsi, le seuil de la classe qui le sépare du couloir doit prendre une nouvelle dimension afin de devenir une articulation à part entière ; une surface polyvalente, de transition, qui peut aussi bien faire partie de la classe que du couloir. Quand le seuil s’aménage comme véritable espace, il permet de créer une transition douce entre l’aire de couloir et la classe117. Au final, les suggestions d’Herman Hertzberger que l’on retrouve dans les écoles qu’il a conçues118, nous permettent d’appréhender le couloir à travers une réelle réflexion sur l’espace scolaire et la pédagogie. À travers celle-ci, l’architecte apporte une réelle conclusion sur la place de l’architecture face à la pédagogie, dans le cas de l’architecture scolaire : « [les architectes] devraient moins se préoccuper des aspects pédagogiques afin de se concentrer davantage sur les conditions spatiales qui les supportent.119»

117 Cet espace peut accueillir les portes manteaux, les casiers, les rangements, etc. 118 Le mémoire présente une analyse de son travail p ?? 119 HERTZBERGER Herman, Space and learning, 010 publishers, Rotterdam, 2008, p74.

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figure 73 École De Polygoon, Almere -1991Hermann Hertzberger



Chapitre V. La reconsidération du couloir. À partir des années 50, le mouvement des Écoles Pavillons pour l’enseignement primaire prend une ampleur importante, notamment dans les pays du Nord. Malgré un nombre relativement faible d’écoles de ce type, leurs qualités architecturales et le rayonnement qu’elles engendrent dépassent le simple champ de l’architecture scolaire. Dans la continuité des avant-gardistes des années 30, certains architectes cherchent à imposer une conception de l’architecture en tant que phénomène culturel autonome. Ainsi, la diversité et les qualités spatiales de certaines écoles sont moins le résultat d’une influence des pédagogues que d’une recherche architecturale aboutie ; sans pour autant s’écarter du cadre pédagogique traditionnel. Dans ce contexte, la reconsidération spatiale du couloir dans une réflexion éducative et architecturale participe à l’établissement d’un réel parti sur la question scolaire120. Pour illustrer ce propos, nous allons analyser le travail de trois figures de l’architecture européenne : Hans Scharoun, Arne Jacobsen et Hermann Hertzberger ; qui ont introduit, dés les années 50, une réelle réflexion sur l’école et son architecture à travers la reconsidération du dispositif du couloir, pour en faire « l’âme même de la composition »121. La transcription architecturale de leurs aspirations à travers des projets d’Écoles Pavillons, constitue de véritables références dans l’architecture scolaire et générale. Les solutions variées qu’ils apportent vont permettre de reconsidérer les possibilités spatiales du couloir, au service de l’éducation, de la société, et parfois bien au-delà. 120 Comme le décrit par exemple Herman Hertzberger dans son ouvrage Space ans learning. 121 Louis Kahn, « Law and rule in architecture », conference, Princeton University, 29 Novembre 1961.

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I- Hans Scharoun, COULOIR-CHEMIN L’École et la nouvelle société À l’occasion du 50e anniversaire de la première exposition de la colonie d’artistes installés à Darmstadt, qui avait pour thème « l’homme et la ville », l’architecte allemand Hans Scharoun va présenter un projet d’école. Sans être réalisée, l’œuvre suscita le plus grand intérêt et influença profondément les débats sur la construction d’écoles en Allemagne122. En effet, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, « l’école incarne dans ce pays, comme peu d’autres équipements, l’espoir d’un renouveau social.123 » Les bombardements ont provoqué la destruction des centres urbains, où se situent la plupart des établissements scolaires. Pour se démarquer des idées national-socialistes qui avaient érigé le modèle du XIXe siècle comme le plus approprié124, on développa, comme nulle part ailleurs, les Écoles Pavillons symbole d’une libération de l’espace et des individus. Depuis ses débuts dans les années 20, Hans Scharoun, partage le désir de nombreux intellectuels de son époque pour refonder une société démocratique. Il développe de nombreux projets utopiques125, qu’il considère comme une étape préliminaire à toute construction réelle. Sa vision s’exprime dans ses projets de bâtiments publics ou de 122 SYRING E., KIRSCHENMANN J., Sharoun 1893-1972 Marginal de la modernité, édition Taschen, Köln, 2004, 96p. 123 SCHNEIDER Romana, « Tendances de l’architecture scolaire en Allemagne au XXe siècle », Histoire de l’éducation,102|2004, p8. 124 «Il s’est avéré qu’en règle générale les édifices à deux étages dotés de couloir centraux, distribuant des classes de part et d’autres, étaient les plus adéquats et avantageux». Cité par TREUT Ann : Architektur im Dritten Reich 1933-1945, Berlin 1967, p239. Dans SCHEINDER Romana, Op Cit. 125 SYRING E., Sharoun 1893-1972 Marginal de la modernité, édition Taschen, Köln, 2004, p9.

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maisons du peuple – volkshaüse –, qui traduisent une nouvelle manière de vivre. Son travail s’inscrit dans une vision résolument moderniste qui « témoigne néanmoins d’une position architecturale extrêmement personnelle.126 » En effet, l’architecte, considère que l’espace par nature, n’est pas statique, mais dynamique. Considéré par la critique comme un « expressionniste organique », la conception fonctionnelle de Scharoun l’entraine à élaborer les espaces de l’intérieur vers l’extérieur127. L’enveloppe doit faire partie intégrante de l’environnement et ainsi se fondre de manière organique. Néanmoins, l’importance de la forme est au service de la fonction et non de la représentation128. Aussi, pour Scharoun, l’expérience de l’espace doit s’inscrire dans un contexte social. Pour lui, l’école n’est pas seulement un lieu de dévellopement humain, c’est aussi « une composante de la ville à venir et un modèle de nouvelle société.129» Avec la montée des fascistes, Scharoun, à qui l’on reproche de ne pas avoir une architecture assez germanique, va se replier un temps sur des commandes privées. Celles-ci vont nourrir toute une réflexion chez l’architecte sur la relation de l’individu et la communauté, comme élément fondateur de la société. Il donne dès lors une importance particulière à la conception de l’école : « La tâche la plus importante de l’éducation est l’insertion de l’individu dans la communauté, à travers le développement du sens de la responsabilité personnelle, de sorte que la communauté qui en résulte représente davantage que la somme des individus.

126 Idem, p7. 127 Cette conception s’exprime dans ses croquis préliminaires, où l’intérieur est traité comme un paysage, et l’extérieur comme un dedans, à l’image des peintures de Chagall. 128 L’appartenance au cercle expressionniste de la Gläserne Kette, dans ses jeunes années, influença fortement certains traits stylistiques chez Scharoun. 129 SCHNEIDER Romana, Op. Cit., p9.

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[…] Pour cela, l’école n’est pas le symbole du pouvoir politique pas plus qu’elle n’est le produit d’une perfection technique ou artistique. Comme tout autre bâtiment, une école devrait donner l’idée d’un mode de vie en accord avec le principe universel de la démocratie130. » Ainsi, Scharoun considère le rôle de l’institution scolaire aussi bien comme lien entre l’individu et la société que comme médiateur entre la famille et la ville.

Le couloir central organique Un de ses travaux de recherche exposé à la manifestation de Darmstadt en 1951 est présenté sous la forme d’un projet théorique d’École Pavillon, pouvant être construit. Le site de l’école est conçu comme une ville. Un couloir central, « le chemin de la rencontre » à l’image de la rue, distribue des classes ou plutôt des « habitations scolaires » selon leur concepteur. Le dispositif de circulation central constitue la colonne vertébrale du projet, de manière spatiale et symbolique. En effet, la disposition des salles de classe forme différents quartiers « qui correspondent aux caractéristiques de développement de différents groupes d’âge.131 » En les reliant, le couloir forme ainsi un cheminement dans l’école et dans la construction symbolique de l’enfant. Ce parcours quasi initiatique s’exprime dans l’adaptation du dispositif aux fonctions des espaces qu’il distribue. Ainsi, selon l’analyse de Syring et Kirshenmann, les salles de classe des plus petits –6/8 ans– (Figure 76), orientés au soleil, « rappellent la grotte ou la cachette ». 130 SCHAROUN Hans, conférence lors de la Triennale de Milan en 1960. 131 SYRING E., KIRSCHENMANN J., Sharoun 1893-1972 Marginal de la modernité, édition Taschen, Köln, 2004, p57.

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figure 74 Projet d’École à Darmstadt -1951Hans Scharoun


figure 75 Projet d’École à Darmstadt -1951Hans Scharoun


figure 76 Projet d’École à Darmstadt -1951Hans Scharoun


Celles des moyens –8/11 ans–, ont « toutes la même orientation et se rattachent dans une proportion, certes limitée, au monde extérieur et au groupe.132 » Enfin, les espaces du quartier « ouvert » permettent de relier l’enfant à la communauté, c’est un point de rencontre central de l’école, mais aussi le lien avec le contexte urbain. Malgré une continuité spatiale du couloir parcourant l’ensemble du projet133, celui-ci rompt les rigides compositions de la perception que l’on retrouve habituellement dans ce type de dispositif. En effet, Scharoun, qui se considère comme « a-perspectiviste », crée un espace qui se dilate, s’articule, au gré de sa structure organique, et donne au mouvement l’idée du cheminement. Avec des jeux de plein et de vide, il offre des vues à travers de grandes structures vitrées donnant sur la nature extérieure, et des continuités spatiales avec les halls destinés aux rassemblements. Le caractère expressif de son architecture s’exprime aussi dans la relation dialectique des « habitations scolaires » avec le couloir. Un jeu d’interpénétration des formes marque la présence et le caractère des différentes salles de classe dans l’espace circulatoire. Le couvrement de celui-ci s’inscrit dans la même logique organique, avec un jeu de pivotements des toitures créant des continuités formelles avec les espaces adjacents. Au final, Hans Scharoun, avec cette architecture extrêmement novatrice pour l’époque réinterprète la question de la fonctionnalité dans le domaine scolaire à partir du modèle pédagogique traditionnel. Ainsi, ce couloir central de distribution s’adaptant aux besoins de l’enfant et de son apprentissage entraine une nouvelle considération du dispositif dans sa relation dialectique avec les es132 Idem, p57. 133 La longueur approximative du couloir est d’une centaine de mètres.

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paces d’enseignements. Scharoun introduit la question de l’« In between » et influence certainement les réflexions sur l’espace scolaire chez les architectes structuralistes tel Aldo Van Eyck ou Herman Hertzberger.

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II- Arne Jacobsen COULOIRS HIÉRARCHISES Une architecture fonctionelle En 1957, l’architecte moderniste Arne Jacobsen réalise l’école d’enseignement primaire Munkegård, à Vangedevej, située dans la banlieue de Copenhague. En s’inspirant du modèle développé par Ernst May en 1928, l’architecte danois crée un nouveau type d’école alliant les qualités du modèle de plein air à l’efficacité des barres d’écoles, à travers un dispositif de circulation hiérarchisée. Considéré comme « Le Corbusier danois », Arne Jacobsen fait partie de la jeune génération d’architecte scandinave qui dans les années 30 délaisse les conceptions classiques pour ouvrir la voie aux progrès. À la suite de la Seconde Guerre mondiale qui entraine une pénurie de matériaux et une dépression économique au Danemark, Arne Jacobsen réussit à imposer des solutions rationnelles et fonctionnelles à ses constructions. Ainsi, il conçoit des ensembles d’habitations « aux lignes simples et d’un modernisme presque anonyme ». Dans le quartier Bellevue de Klompenborg, ville touristique non loin de Copenhague, l’architecte construit le lotissement Søholm, disposé sous la forme « d’une chaine de maisonnettes en série ». (Figure 77) Ce projet relativement modeste obtient un retentissement international par le biais des revues spécialisées. En effet, « l’originalité d’une conception tout à fait autonome de la forme » s’inscrivant dans un rythme « parfaitement étudié dans le décalage réciproque des villas »134 offre à l’ensemble une grande homogénéité. L’attention particulière portée par Jacobsen sur les espaces communautaires et la végétation exprime tout son intérêt sur la question des usages. 134 CARSTEN Thau, VINDUM Kjed, Arne Jacobsen, Danish architectural press, Copenhagen, 2001, p369.

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figure 77 Lotissement Søholm,-1950Arne Jacobsen


Ce souci que porte Jacobsen sur la qualité du milieu, associé à une architecture fonctionnaliste trouve « une expression absolument convaincante 135» dans les concours qu’il remporte pour la construction d’écoles. Selon l’auteur de sa monographie, Kjed Vindum136, l’architecte danois en s’inspirant du modèle pavillonnaire allemand des années 30137 parvient à conjuguer les aspirations éducatives de l’époque avec les besoins d’infrastructures scolaires importantes, pour des effectifs de plus en plus nombreux.

Le couloir hiérarchisé Décrit comme le symbole de « l’école moderne »138 la Munkegårdsskole est marquée dans sa composition par le dispositif de circulation. L’édifice s’implante sur un terrain légèrement en pente. L’accès au site s’effectue par un chemin connecté à la rue qui s’insinue entre deux bâtiments accueillant le parking à vélos et les dortoirs. Ils viennent s’articuler avec les salles de gym orientées côté est et ouest de l’établissement scolaire. L’ensemble délimite une cour de récréation allongée. Le bâtiment principal accueillant les espaces d’enseignements est structuré par cinq couloirs parallèles, orientés nord sud. La disposition continue des salles de classe dans un axe est ouest s’insère entre les espaces de circulations et s’ouvrent sur des patios. Le hall, les locaux administratifs, ainsi que les bureaux des enseignants s’intègrent entre deux couloirs prolongés jusqu’à l’entrée.

135 DYSEEGAARD Søren, Arne Jacobsen : un architecte danois. Ministère royal des affaires étrangères, 1971, p6. 136 CARSTEN Thau, Op. Cit., p369. 137 Idem p369. 138 VINDUM Kjed, Arne Jacobsen, Casabella, n°750-751, Décembre 2006, p45.

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figure 78 École de Munkegaard-1957Arne Jacobsen


L’ensemble est rythmé par la répétition des éléments et marque l’approche résolument moderniste de l’architecte. Chaque patio par la disposition de sa végétation et son traitement de sol marque une diversité, visible depuis les baies du couloir : « traverser l’école, c’est se promener dans un grand jardin aux nombreux pavillons.139» Ainsi, la circulation s’intègre dans une progression de la cour de récréation jusqu’à la classe qui donne accès au patio. En effet, à partir des couloirs, l’accès aux salles s’effectue par des espaces de transition. Ces antichambres, qui s’inscrivent dans le prolongement des espaces d’enseignement, permettent le travail en groupe et communiquent entre elles à travers un dispositif en enfilade. L’intégration de ces deux types de circulation de manière orthogonale hiérarchise le mouvement entre une circulation dirigée – le couloir – et des déplacements moins contraints – les pièces en enfilades –. De plus, ces articulations conservent une certaine efficacité spatiale : « L’échelle intime du projet suggère une petite école, alors que dans les faits elle comprend 850 élèves de tous âges.140» L’expression du dispositif est renforcée par la disposition astucieuse des toitures. Pour accentuer les ouvertures dans les salles de classe, afin d’apporter plus de lumière, Jacobsen positionne dans le décollement de la toiture des baies sur toute la longueur des classes. Ainsi, la disposition orthogonale des différentes circulations composant une grille est maintenue par un jeu de lignes obliques141 qui renforcent le rythme du parcours dans le bâtiment.

139 CARSTEN Thau, VINDUM Kjed, Arne Jacobsen, Danish architectural press, Copenhagen, 2001, p371. 140 Idem., p371. 141 Cette caractéristique marque une continuité formelle avec le projet d’habitations de Søholm.

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figure 79 L’antichambre, École de Munkegaard-1957Arne Jacobsen


figure 80 Patio, École de Munkegaard -1957Arne Jacobsen


figure 81 Couloir, École de Munkegaard -1957Arne Jacobsen


Dimension du couloir 2,6m x 55m

Dimension de l’antichambre 3,1m x 7,5m

figure 82 Coupe, École de Munkegaard -1957Arne Jacobsen


figure 83 École de Munkegaard -1957Arne Jacobsen


Au final, à travers la mise en place d’une structure orthogonale pour l’école de Munkegård, Arne Jacobsen a su désarticuler le modèle spatial traditionnel, en pivotant les salles de classes, afin de libérer des espaces scolaires nouveaux, tels que les patios et la salle de travail en groupe. Pour ce faire, l’architecte danois a mis au cœur de son projet la question des circulations, en les intégrant au dispositif éducatif. Ceci n’en réduit pas moins la fonctionnalité du couloir, mais ne permet pas non plus un réel investissement de l’espace à cause d’une longueur peut-être trop importante. Néanmoins, le jeu des ouvertures et des vues en diagonale vers les patios et les espaces d’enseignement, depuis les couloirs, nous rappellent à la manière de Kahn que : « C’est à cela qu’on évalue l’architecte, à l’organisation des espaces de jonction, qui fait sentir autour de soi la totalité de l’institution quand on marche dans le bâtiment.142»

142 Louis Kahn, « Law and rule in architecture », conference, Princeton University, 29 Novembre 1961.

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figure 84 École de Munkegaard -1957Arne Jacobsen


II-Hermann Hertzberger COULOIR « IN BEETWEN » Dès la fin de ses études à l’institut polytechnique de Delft en 1958, Hermann Hertzberger débute la conception d’une école primaire suivant les préceptes de Maria Montessori. À travers cet édifice, l’architecte hollandais apporte une grande réflexion sur l’espace et l’apprentissage en approfondissant la relation dialectique entre salles de classe et lieux de circulation. Herman Hertzberger grandit à Amsterdam où il est fortement influencé par un environnement mesuré et articulé avec soin par l’architecte-urbaniste Berlage. Il reçoit une éducation de type Montessori influençant ses idées sur l’importance du contexte afin de concevoir des espaces ajustés à la dimension humaine. Ces aspirations seront encore plus renforcées grâce à son mariage avec Irène, institutrice attachée aux méthodes de la pédagogue italienne143. Au cours de sa formation, Hertzberger développe une pensée structuraliste auprès de l’enseignant-architecte Aldo van Eyck, qui s’inscrit dans la continuité des réflexions du linguiste suisse Ferdinand de Saussure ou de l’anthropologue français André Lévi-Strauss144. En 1958, il rejoint van Eyck dans l’équipe de rédaction de la revue « Forum ». Ensemble, « ils développent les concepts pratiques de l’habiter, de l’individualité et de la modularité, à travers une approche critique de la société moderne145.» Ces concepts, dans la continuité de Berlage, 143 REGNIER Nathalie, Vers un environnement plus sociable, Construction moderne, n°112, 2003, p31. 144 Le structuralisme est un courant des sciences humaines qui s’inspire du modèle linguistique et appréhende la réalité sociale comme un ensemble formel de relations (Larousse) 145 BEFVE Nathalie, LANDAUER Paul, Chroniques de l’habiter, regards croisés; habiter l’espace de la toile, habiter l’espace intermédiaire, habiter la société de l’accès. Mémoire, Ecole National Supérieure d’Architecture de Marne-la-Vallé, 2011, p36.

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organisent rapidement les fondations du structuralisme architectural hollandais. Néanmoins pour Hertzberger : « La notion de structuralisme comporte un malentendu au départ : on l’associe trop souvent avec une architecture d’éléments préfabriqués, ce qui n’est pas totalement faux, mais n’est pas suffisant pour la caractériser ». En effet, Hertzberger, en utilisant une grille constructive à une majorité de ses projets cherche à établir dans ses bâtiments un « ordre universel.146» à travers l’idée de la communauté.

L’influence de l’orphelinat de van Eyck En 1957, Aldo van Eyck se voit confier l’édification du nouvel orphelinat d’Amsterdam. Son détachement vis-à-vis du modernisme des CIAM et des Team X lui permet de donner libre cours à ses propres réflexions architecturales. Accompagné du maitre d’ouvrage Frans van Meurs, ancien directeur de l’orphelinat147, van Eyck propose de concevoir un bâtiment propre aux enfants. L’orphelinat ne devait pas être perçu comme une institution, mais plutôt comme l’espace domestique de la maison dans laquelle les enfants, n’ayant que peu de liens avec l’extérieur, puissent s’y sentir chez eux. Pour cela van Eyck mène une véritable expérimentation sur les espaces de connexions : « Plus de couloirs et de passages sans fin où un enfant peut s’y perdre, mais des liens entre les différentes zones d’habitats et de loisirs, des liens ingénieusement créés dans lesquels rien ne peut être fait pour interrompre la convivialité d’un foyer commun148.»

146 Entretien entre Hermann Hertzberger et Nathalie Regnier dans Vers un environnement plus sociable, Construction moderne, n°112, 2003, p31. 147 Orphelin de naissance Van Meurs grandit dans le même institut. 148 Entretien entre Hermann Hertzberger et Nathalie Regnier dans Vers un environnement plus sociable, Construction moderne, n°112, 2003, p31.

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A travers une structure proliférante, composée de modules carrés disposés sur une trame simple, l’orphelinat ne hiérarchise pas les espaces autour d’un centre. L’assemblage des modules accueillants les activités de l’orphelinat se greffent autour d’espaces intermédiaires formant une continuité spatiale à travers l’ensemble du bâtiment. Ce dispositif caractérisé par Van Eyck comme l’espace « in beetwen » marque une réelle innovation dans la composition architecturale. « Cette réalité polycentrique possède une cohérence complexe dans laquelle, les choses à travers leur autonomie, sont purement reliées les unes aux autres par des relations réciproques.149 »

L’école Montessori à Delft Dans la continuité de l’architecture structuraliste développée par Aldo van Eyck pour l’orphelinat d’Amsterdam, Herman Hertzberger conçoit l’école Montessori à Delft à partir de 1958. Les similarités dans la composition des deux projets marquent une réelle continuité entre les deux architectes. Pourtant, Hertzberger porte une réflexion beaucoup plus approfondie sur l’application spatiale des théories éducatives à travers la méthode Montessori. Ce projet, situé en amont des réflexions qu’il porte dans son ouvrage Space and Learning, témoigne d’un aboutissement dans la reconsidération de la condition du couloir scolaire.

149 BEFVE Nathalie, LANDAUER Paul, Chroniques de l’habiter, regards croisés; habiter l’espace de la toile, habiter l’espace intermédiaire, habiter la société de l’accès. Mémoire, Ecole National Supérieure d’Architecture de Marne-la-Vallé, 2011, 71p.

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figure 85 Orphelinat d’Amsterdam -1957Aldo van Eyck


figure 86 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


figure 87 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


La structure de l’école se compose d’unités autonomes caractérisées par l’architecte comme des petites maisons, « elles sont toutes situées le long du couloir, comme le long d’une rue. La maitresse, la mère, de chaque maison décide avec les enfants de l’aspect et de l’atmosphère qu’il convient de donner à l’endroit.150 » À l’image de la ville, l’école est ainsi composée d’un ensemble de maisons organisées : les salles de classe; autour de la rue : le couloir. Néanmoins, la configuration du plan de l’école construite en 1960, ne permet par de caractériser l’espace de circulation, l’« in between », comme réellement un couloir, mais plutôt comme un espace centralisé, avec des dimensions rappelant le hall. Pourtant, dans la construction du projet, Hertzberger imagine un développement de la structure de l’école (Figure 88), qui permettrait d’augmenter le nombre de salles de classe et donc d’allonger l’espace de l’« in between » destiné à la circulation. En effet, nous avons remarqué à travers l’analyse de la construction du modèle scolaire traditionnel que la condition du couloir était intimement liée au nombre de classes distribuées par celui-ci. Plus le nombre de salles de classe augmente, plus l’espace qui les distribue s’allonge et renforce ainsi les conditions d’un espace couloir. C’est pourquoi, le dispositif spatial mis en place par Hertzberger, qui s’inscrit à mi-chemin entre le hall et le couloir est tellement singulier qu’une définition stricte ne pourrait être envisagée. À travers ce «couloir in beetwen », presque labyrinthique, nous allons tacher de comprendre les conditions de son investissement. En invoquant l’image de la rue dans l’édifice scolaire, Hertzberger introduit à l’échelle de l’architecture le concept de « rue reconquise ». Cette réflexion née « dans l’euphorie existentialiste d’après-

150 BEFVE Nathalie, LANDAUER Paul, Op. Cit., p39.

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1960

1966

1970

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figure 88 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


guerre »151 aspire à un retour de la rue, en tant qu’espace de « séjour collectif ». Avec l’augmentation du trafic motorisé et la priorité qu’il lui a été accordé, l’effacement de la rue avec l’abandon de l’îlot au profit de la barre, mais aussi l’individualisation de la société à travers la situation économique, tout ceci entraine une dévalorisation de l’espace collectif et plus particulièrement celui de la rue. Pour cela, Hertzberger vise à appliquer les conditions spatiales permettant d’engendrer de nouveaux contacts sociaux. Dans le cas de l’école Montessori, l’architecte hollandais applique ces aspirations à l’échelle des élèves. Cette reconsidération du couloir comme l’espace de la rue entraine Hertzberger à réfléchir sur la relation dialectique avec les classes, à travers la question du seuil : « L’enfant assis sur le seuil de sa maison est suffisamment loin de sa mère pour se sentir indépendant. Mais en même temps, sur cette marche qui fait aussi bien partie de la rue que de la maison il se sent en sécurité, car il sait que sa mère est à proximité. L’enfant se sent à la fois chez lui et dans le monde extérieur. Cette dualité existe grâce à la qualité spatiale du seuil (…) un lieu où deux mondes se chevauchent152.» En tenant un réel propos, à la fois sur la question des espaces d’enseignement et de leur dispositif spatial, l’architecte cherche à transcrire les théories éducatives de Montessori dans un langage architectural cohérent. La salle de classe est divisée en plusieurs sous-espaces de travail, d’étude et de création. La disposition du bureau du maitre s’articule pour avoir une vue sur l’ensemble des parties. Afin de marquer ces espaces, Hertzberger introduit une différence de niveaux permettant à des groupes de s’isoler sans trop déranger les autres.

151 Fortement développé aux Pays-Bas, à travers le mouvement Proto, les thématiques qu’elles abordent seront repris chez la Team X. 152 HERTZBERGER Herman, Leçon d’Architecture, Gollion, Infolio, 2010, p44.

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figure 89 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


figure 90 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


Dimension du Seuil 3.5m x 4m

figure 91 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


figure 92 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


figure 93 École Montessori, Delft -1958Hermann Hertzberger


L’espace de l’« expression libre » qui constitue un véritable vestibule s’extrait de l’unité d’enseignement, pour introduire l’entrée de la classe directement dans le couloir-hall. Hertzberger les considère comme « de véritables places de travail permettant aux élèves d’étudier pour soi, c’est-à-dire sans être en classe, mais sans être exclu non plus.153 » Ce dispositif répété pour chaque classe renforce la lecture structuraliste de l’espace lorsque l’on se situe dans le couloir-hall. L’entrée dans la maison154 module subtilement le contact avec le couloir-hall et caractérise un véritable seuil qui « constitue la condition spatiale de la rencontre et du dialogue entre des espaces de natures différentes ». Pour ce faire, Hertzberger articule l’entrée par un muret derrière lequel les enfants peuvent travailler tout en ayant un contact visuel à la fois sur le couloir-hall et l’espace principal de la classe. La nature particulière du lieu d’étude et de transition est renforcée par la lumière zénithale obtenue à l’aide de lucarne155. Afin de permettre une appropriation de la classe comme on pourrait le faire dans un espace domestique, des étagères sont disposées dans différentes ouvertures : « Il est important que les enfants puissent exposer les choses qu’ils ont produites (…) Cela peut se faire de façon informelle, en utilisant par exemple la paroi séparant la salle de classe du hall comme espace d’exposition. De cette manière, chaque classe peut présenter une image qui l’identifie aux yeux des autres, tout en marquant la transition entre salle de classe et espace commun.156 »

153 Idem, p44. 154 Nous retrouvons le même module, à l’entrée de l’école. Il renforce un la volonté de l’architecte d’investir les espaces de transitions, que ce soit pour l’entrée dans les classes ou dans l’édifice lui-même. Voir p46 des Leçon d’architecture d’Hermann Hertzberger 155 Ce dispositif à été déjà introduit par Aldo Van Eyck pour l’orphelinat d’Amsterdam. 156 HERTZBERGER Herman, Op. Cit., p43.

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L’articulation du seuil comme un réel espace de transition qui avait déjà était introduit dans les années 50, par de nombreux architectes tels que Jacobsen, entraine une nouvelle relation dialectique entre la salle de classe et son couloir. Jusqu’au projet de l’école de Delft, la composition de ces espaces, telles des antichambres ou des annexes de la classe se distinguaient de l’espace de circulation principale. Avec Hertzberger, on assiste à un réel investissement architectural du couloir par la classe. L’espace s’organise à travers un réel questionnement sur les attentes que l’on porte à l’architecture afin de créer des lieux de vie signifiants aux yeux des enfants et des éducateurs.

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Conclusion


Conclusion L’étude historique des évolutions de l’institution scolaire à travers l’analyse d’un dispositif architectural nous a permis de comprendre à quel point les aspirations et les croyances d’une société pouvaient se refléter dans l’éducation de ses individus. Au XVIIe siècle, le développement d’un nouveau système éducatif à travers la mise en place des collèges jésuites s’inscrit dans une volonté politique de la part des catholiques de contrer les idées protestantes. Ainsi, l’instauration puis la normalisation d’un nouveau dispositif de circulation et de dis184


tribution révèlent une nouvelle conception de l’espace. Elle traduit à l’échelle architecturale l’intensification des échanges entre les collèges, et une organisation pratique de l’enseignement. Ce système éducatif des Jésuites a fortement influencé notre enseignement moderne. Au XIXe siècle, avec l’émergence d’un enseignement pour tous, le dispositif du couloir normalisé par les Jésuites permettra une organisation rationnelle de l’enseignement, à l’image des sociétés industrielles de l’époque. La radicalité des espaces de circulations porte les principes hygiénistes de morale et de discipline, mais elle permet surtout d’accueillir le plus grand nombre d’élèves. Ce phénomène aura pour effet de multiplier considérablement le nombre de salles de classe par écoles, entraînant un allongement des couloirs. Par la suite, la standardisation des édifices scolaires portée par l’élan moderniste des années 1920 n’entraîne pas un réel renouvellement de la conception des circulations et des espaces éducatifs. Pourtant, l’évolution des sociétés vers des systèmes de plus en plus individualistes au XXe, entraine une nouvelle forme d’éducation. À la suite des deux guerres mondiales, les sociétés aspirent à plus de liberté et à des systèmes d’éducation moins sévères. Ceux-ci sont introduits par les nouvelles pédagogiques actives. Les tentatives architecturales pour appliquer les nouvelles tendances trouvent un équilibre avec la conception d’Écoles Pavillons dans les pays du Nord. À travers certaines figures de l’architecture des années 50, le dispositif du couloir critiqué par de nombreux spécialistes trouve une nouvelle condition. Les analyses de l’espace couloir dans certains projets exemplaires nous a permis de découvrir ses potentialités. Elles permettent de dépasser les critiques afin d’offrir de réelles réponses à la condition initiale du couloir. En effet, le projet de Hans Scharoun, pour l’école Darmstadt, présente un long couloir central de circulation et de distribution, néanmoins il parvient à détourner la pau-

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vreté spatiale du dispositif pour en faire un réel parcours initiatique. L’école Munkegård, d’Arne Jacobsen réussit, par une hiérarchisation des circulations, à accueillir des effectifs importants tout en sublimant l’idée de l’École Pavillon. Enfin, l’école Montessori de Delft présente un aboutissement architectural de l’investissement du couloir par la pédagogie. Au final, la reconsidération du couloir, qui s’inscrit dans une réflexion architecturale et pédagogique aboutie, offre un nouveau champ d’exploration dans la conception des espaces scolaires. D’un espace de circulation intense, il devient un lieu alternatif à l’éducation sans pour autant perdre son aspect socialisateur. Aujourd’hui, les écoles, à l’image de nos économies, se spécialisent de plus en plus vers des enseignements techniques, voire numériques. Les formes qu’elles prennent traduisent une réelle diversité dans l’architecture scolaire, en plus des disparités géographiques. Comme le constate Rem Koolhaas dans son ouvrage Corridor, Elements of Architecture, le couloir tend à disparaitre du domaine de l’architecture pour revenir, selon ses origines étymologiques, à une échelle territoriale. Le concept de couloir, que l’on retrouve en aéronautique – couloir aérien–; en géopolitique – couloir humanitaire –, en économie – economic corridor –, etc., témoigne de ce fait. L’utilisation de plus en plus fréquente du terme pour exprimer, non plus un espace physique de circulation, mais un concept de connexion entre deux points est intéressante dans le cadre de l’éducation. Ainsi, à l’heure actuelle, le glissement de plus en plus important de l’apprentissage des salles de classe aux couloirs, ne montre-t-il pas la volonté d’entraîner les individus dans des espaces et des réseaux de plus en plus connectés, à l’image de la société numérique du début du XXIe siècle ? Quoi qu’il en soit, les a priori que l’on avait sur le couloir sont finalement en contradiction avec la vaste perspective que son étude nous offre.

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Figure 73, 30, 90, 92, 93 HERTZBERGER Herman, Space and learning, 010 publishers, Rotterdam, 2008, 255p. Figure 74, 75 SYRING E., KIRSCHENMANN J., Sharoun 1893-1972 Marginal de la modernité, édition Taschen, Köln, 2004, 96p. Figure 77 DYSEEGAARD Søren, Arne Jacobsen : un architecte danois. Ministère royal des affaires étrangères, 1971, 56p. Figure 78, 79, 84, 85 DAL CO Francesco (dir.), Scuola del secondo novecento, Casabella, n°750/751, decembre 2006, 162p. Figure 86, 87 HERTZBERGER Herman, Leçon d’Architecture, Gollion, Infolio, 2010, 515p.

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Un remerciement, aux couloirs du Parc Imperial dans lequel j’ai grandi, mais aussi à ceux de la Faculté. aux enseignants, et notamment Judith Lemaire et Dany Poncelet, pour m’avoir lancé dans l’aventure, ainsi qu’Eve Deprez et Alain Simon pour leur conseils et leurs exigences, à mon promoteur, Hubert Lionnez et son aide bienveillante depuis la BA2, aux amis, et notamment Willy, Sophie et Mr. Picard, pour leur réconfort gustatif, à mes frères et mes parents, pour m’avoir fait confiance dans mes choix tout au long de mon parcours. Et puis, merci à Alice, tout simplement.


Ce mémoire à été sponsorisé par Simone Cartailler


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