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la bonne étoile

Quand je passe tout ce temps à écrire un rôle et à le travailler, à essayer de monter un film, c’est beaucoup de boulot. Un rôle c’est un cadeau, et j’aime bien que la personne qui va le recevoir en soit vraiment contente. Faire ce film en famille et être avec les gens qu’on aime, c’est un luxe, et ça se ressent sur le plateau puisque ça va vite, il y a une confiance mutuelle.

La pièce a été jouée plus de 400 fois avant d’être mise en boîte. C’était la suite logique pour un spectacle aussi acclamé que celui-ci ? Ça n’avait pas grand chose à voir puisqu’au moment où on a décidé de faire le film la pièce n’avait joué que deux mois et puis il y a eu le confinement. Moi je ne m’imaginais pas du tout en faire un film, c’est le public qui me répétait qu’il faudrait le faire alors j’ai essayé de me mettre au boulot. Quand j’ai écrit le scénario j’étais beaucoup moins confiant qu’avec Edmond, j’ai rarement été autant en doute que sur cette aventure parce que quand je me lance dans une histoire ou une création, ça vient habituellement de mon fait, je sais ce que je veux raconter, où je vais, ce que je cherche comme émotion, comme dosage d’humour, comme longueur… Mais ce qui me motivait c’était d’emmener l’équipe avec moi, me battre, aller au bout du truc. J’étais vraiment content quand le film a été projeté pour la première fois en public à Angoulême, on avait les réactions de spectateurs qui pleuraient, riaient, applaudissaient… Et là, ok, tu te dis que tu n’as peut-être pas raté ton coup.

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Comment on s’y prend pour passer de la mise en scène à la réalisation sur une pièce pareille ?

Il fallait enlever la théâtralité, je ne voulais pas qu’on remarque que le film était l’adaptation d’une pièce. Alors j’ai enlevé du dialogue et j’ai rajouté des décors, il en fallait beaucoup pour qu’on ait l’impression de traverser 15 ans de vie et que ça avait été un long tournage. Quant aux dialogues, il y a des punchlines qui étaient trop théâtrales, qui sont pourtant des marqueurs sur scène mais qui ne fonctionnaient pas du tout à l’écran. C’est une autre écriture et une autre façon de jouer.

La mort est omniprésente dans l’histoire du film. Comme pour prendre une revanche sur elle ?

J’ai toujours eu une hyper conscience de l’inéluctabilité de la mort et du temps qui passe, ce qui fait que j’ai toujours fait les choses très vite. Ça me déprime que ça doive s’arrêter un jour, c’est une chose sur laquelle je n’ai pas de prise, or moi je suis toujours dans le contrôle. Pour conjurer ça j’essaie de faire le maximum de choses pour ne pas y penser, c’est pourquoi le message qui sort de la plupart de mes œuvres c’est qu’il faut créer, créer et créer encore, et la morale est plus une pulsion de vie que de dépression. Malgré l’omniprésence de la mort, malgré la chute, malgré la rupture, il y a toujours de l’amour et de la place pour ceux qui survivent.

Ça te force aussi à vivre vite dans ton quotidien ?

Oui, mon obsession est de gagner du temps pour en avoir. Je passe ma vie à gagner du temps et à tout anticiper. Ça passe par recevoir les journalistes chez moi pour faire les interviews plutôt que me déplacer une demi-heure pour aller dans un café, gagner du temps sur les répétitions, bien organiser ma journée… Les années m’ont appris que toutes les choses que j’ai faites en anticipant m’ont servi. Quand je me retourne en arrière, je vois qu’une graine qu’on a planté il y a dix ans peut être devenue une entreprise, une oeuvre, une famille…

Tu te sens plus sage aujourd’hui ?

Je suis plus apaisé qu’il y a quelques années. J’ai moins ce besoin d’exister, puisque en quelque sorte j’existe, je me suis prouvé que j’étais capable de faire des trucs, un film, un bouquin, d’aller au bout. Maintenant je peux prendre du recul et créer en ayant moins l’angoisse de me demander si tout n’est pas vain.

Une histoire d’amour d’Alexis Michalik

Le 12 avril au cinéma

� Texte : Sarah Sirel

Restaurateurs et Parisien·ne·s nous répondent.

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