MADE IN TRIESTE

Page 1

Léa Laulhère

MADE IN TRIESTE Retisser les liens entre la ville et son vieux port

04.2015



SOMMAIRE

INTRODUCTION

Page 5

I- ZONES PORTUAIRES EUROPÉENNES

Page 7

A- Rupture de l’interface Ville/Port B- ... Ou la nécessité de se réinventer

II- GOLFE DE L’ADRIATIQUE, ZONE DE FRONTIÈRE

Page 21

A- Problématique du territoire frontalier B- Enjeux de la ville port-frontière

III- TRIESTE, ENTRE REPLI ET EXPANSION

Page 31

A- De la cité cosmopolite austro-hongroise... B- ...A la belle Trieste endormie C- Vers une nouvelle centralité européenne?

IV- IL VECCHIO PORTO FRANCO, SYMBOLE D’UNE OUVERTURE INTERNATIONALE

Page 53

A- Une ville interdite contemporaine B- Renaissance de la Cité de l’Adriatique par la mémoire internationale

V- MADE IN TRIESTE

Page 77

A- Dispositif d’ouverture de l’ancien site portuaire B- Passerelle Parc Boccaccio - Vieux Port Franc C- Réaménagement de la Piazza Libertà

VI - LES ATELIERS DE COUTURE INTERNATIONAUX

Page 92

A- L’Ancienne Hydrobase du Vieux Port Franc B- Démarche architecturale C- Documents graphiques des Ateliers Internationaux de Couture

CONCLUSION

Page 102

RÉFÉRENCES

Page 106

3


COMPOSITION DU JURY

Directeur de diplôme : Jacques POCHOY, Architecte DPLG et urbaniste Enseignante ESA: Ursula BIUSO, Architecte du Patrimoine Enseignante - chercheuse à l’Université d’Artois : Corinne LUXEMBOURG, Géographe DESA - de 10 ans : Léo MARTIAL, Architecte DESA Personnalité extérieure : Thibaut GUEZAIS, Paysagiste DPLG

4

Personnalité extérieure : Dalila MESSAOUDI, Docteure en Géographie et Aménagement


INTRODUCTION

Nous tendons à nous étendre, à conquérir, à posséder.

Cette constatation change peu à peu notre manière de construire, de nous mouvoir, de penser, d’habiter, de vivre en somme. Comment construire pour demain? Nous ne prenons plus le temps de concevoir, d’édifier : ce que nous créons aujourd’hui n’est pas pensé pour traverser les âges. L’ère de la consommation influe aussi dans l’art de la construction : avoir tout de suite. Il s’agit du «maintenant», l’attente n’a pas sa place. Nous voulons habiter dans l’instant et demain n’est pas dans les édifices d’aujourd’hui. De nombreux esprits se sont essayés à l’anticipation, de George Orwell avec 1984 à Stanley Kubrick avec 2001 l’Odyssée de l’Espace. Pourtant lorsque l’on pense à construire, la prévision est primordiale, il faut imaginer tous les scénarios possibles pour mieux y répondre. Prendre conscience de la limite de notre espace est déjà une avancée en soi, et la manière dont nous concevons et nous construisons doit en être une conséquence. Cette limite se manifeste clairement dans les villes. Pour qu’une ville existe en tant que telle, il faut qu’elle ait une forte urbanité, c’est à dire qu’elle ait une forte densité tout en ayant de nombreuses interactions entre ses différents acteurs. La ville est un lieu urbain, où l’on se rencontre, où l’on tisse des liens, un théâtre quotidien, un lieu de l’ensemble. Il arrive parfois que des lieux deviennent obsolètes, qu’ils ne répondent plus à aucune situation. L’espace qu’ils représentent est précieux, il peut contenir de nouveaux potentiels nécessaires au futur de la ville. Ce renouveau est essentiel. Une ville à l’arrêt est une ville morte. En partant de ce postulat, nous allons essayer de comprendre les critères permettant de rendre compte de cette stagnation en milieu urbain. Quelles en sont les raisons et quelles solutions pouvonsnous apporter. L’étude de ces phénomènes à échelle mondiale puis européenne nous permettra de nous focaliser sur le cas particulier de Trieste. Cette ville italienne, par son positionnement géographique et

son histoire est concernée par ce besoin d’urbanité et de renouveau. Depuis plus de 40 ans, Trieste est caractérisée par un immobilisme matérialisé par le statut de son Vieux Port Franc déchu. Il s’agit de mettre en lumière les enjeux de cette ville et comment par un remaniement urbain lui redonner le mouvement dont elle était autrefois génératrice. Cette énergie naissait en grande partie dans son quartier portuaire, pour se propager ensuite dans son hinterland, plaçant Trieste au rang de 4ème port européen au XIXème siècle. L’impulsion de ce port se percevait aussi dans les relations d’échanges internationaux, en Europe, voir dans le monde entier. Aujourd’hui cet espace urbain représente un questionnement réel, que ce soit au niveau de la ville ou au niveau du pays, mais pour des raisons que nous étudierons et déchiffrerons, ce quartier s’est transformé en une non-zone, un morceau de ville interdit. L’intention est de montrer que la réappropriation de ce quartier pourrait aider la ville à trouver un nouveau rayonnement en le transformant et en l’adaptant . Une des difficultés de cette initiative réside dans la recomposition urbaine de la ville, il ne s’agit pas de recréer un énième parc à jeu aquatique, un Disneyland de l’Adriatique, mais d’insuffler à la ville une énergie cohérente avec son contexte urbain, sociologique et culturel. Ce travail se développe selon différentes échelles : en premier, un état des lieux sur la situation actuelle des villes portuaires dans le monde et en Europe, permettant de mettre en relief les problématiques urbaines, économiques et sociales auxquelles se confrontent l’ensemble des villes portuaires après la révolution des transports au XIXème siècle. Ceci permettra ensuite expliciter les défis qui s’ouvrent à Trieste comme ville port-frontière : comment la ville gère cette problématique globale de gestion de l’interface ville/port. Par suite logique, le quartier du Vieux Port Franc fait l’objet d’une étude approfondie. La revalorisation de ce territoire par la réappropriation urbaine du quartier par la Cité de l’Adriatique est le cœur du projet de ce diplôme. Il s’agit de redonner une vie à ce lieu charnière entre l’Adriatique et le Karst par la création d’opportunités et d’échanges. 5


«(...) il pense à tous les ports, aux marchandises d’outre-mer que les grues déchargent sur les quais, aux auberges où les équipages de diverses nationalités se cassent des bouteilles sur la tête, aux fenêtres illuminées du rez-de-chaussée, avec à chacune une femme qui refait sa coiffure.» 6

Italo Calvino, Les villes invisibles, Edition Gallimard, 2002


I ZONES PORTUAIRES EUROPEENES


PRIMORSK

9

13 ST PETERSBOURG

20 GOTEBORG

GRIMSBY 12

LONDRES 18

AMSTERDAM 5

3 HAMBOURG 6 BREMERHAVEN

ZEEBRUGE 1 ROTTERDAM 17 19 2 ANVERS DUNKERQUE

Les 20 premiers ports d’Europe en 2012 (Trafic en millions de tonnes) 2011 1 Rotterdam (Pays-bas) 434,6 2 Anvers ( Belgique) 187,2 3 Hambourg ( Allemagne) 132,2 116,2 4 Novorossiysk ( Russie) 92,9 5 Amsterdam ( Pays-Bas) 88,1 6 Marseille (France) 7 Bremerhaven (Allemagne) 80,6 76,9 8 Algésiras (Espagne) 9 Primorsk (Russie) 75,1 65,8 10 Valence (Espagne) 67,5 11 Le Havre (France) 12 Grimsby (Royaume-Uni) 57,2 13 Saint-Petersbourg (Russie) 60 60 14 Constanza (Roumanie) 50,4 15 Gênes (Italie) 16 Trieste (Italie) 48,2 17 Dunkerque (France) 47,5 18 Londres (Royaume-Uni) 48,8 47 19 Zeebruge (Belgique) 41,2 20 Göteborg (Suède)

2012 évol % 441,5 1,5 184,1 -1,7 130,9 -1 117,4 1 94,3 1,5 85,6 -2,8 84 4,2 83 7,9 74,8 -0,4 65,7 -0,2 63,5 -5,9 60,1 5,1 57,8 -3,7 50,6 10 50,2 -0,4 49,2 2,1 47,6 0,2 43,7 -10,5 43,5 -7,4 41,7 -1,2

11 LE HAVRE

16 6 MARSEILLE

VALENCE 10

ALGESIRAS 8

©Source : Autorités Portuaires de Trieste- carte réalisée par l’auteur

15 GENES

NOVOROSSIYSK 4

TRIESTE CONSTANZA 14


A- Rupture de l’interface ville/port

Fin d’une icône Le développement des techniques de construction navale permit l’accroissement des capacités de charges et des dimensions des navires. Mais cette tendance au gigantisme naval nécessitant un remaniement complet des outils portuaires, les installations maritimes en milieu urbain se retrouvent dépassées et démunies face à ce changement d’échelle. Ces mutations se font d’abord ressentir dans les flux vraquiers (transports de pétrole, céréales et minerais) pour ensuite concerner pareillement les trafics de marchandises diverses (transportées en lots séparés). Avant, les actions du port s’organisaient autour du transbordement et de l’entreposage. Avec cette croissance dans la gestion portuaire, de nouvelles fonctions apparaissent, la mécanisation, l’unitisation des charges, et la conteneurisation. Le statut du port change, il passe d’un lieu stable matérialisant la «porte» entre le monde maritime et le monde terrestre à «un couloir où les cargaisons ne font que passer, et le plus vite possible (...)»1. Dans cette époque de mondialisation des flux et de l’économie, le port n’est qu’un maillon de la chaîne. Il doit se montrer compétitif en développant de nouvelles infrastructures de plus en plus performantes qui répondront aux exigences croissantes des usagers. 1

Vigarié A, Villes portuaires et changements économiques, 1991, page 50

La mondialisation apparaît aussi dans le mode de gestion des ces infrastructures, le commandement d’un port n’est plus local ni régional mais national. L’exemple de la promulgation de la loi n° 65491 en France en 1965 en est une preuve évidente, les plus grands ports français sont transformés en Ports Autonomes. Cette prise de distance des autorités gérantes contribue à creuser le fossé entre la ville et son port. Le développement du port ne va plus nécessairement servir la ville (économiquement, culturellement, socialement, etc...) et réciproquement. Il est cependant nécessaire de préciser que ces évolutions concernent essentiellement les activités d’échanges de marchandises. Certaines activités portuaires ont l’obligation de se rattacher à un milieu urbain comme le transport de passagers.

Evolution du trafic maritime international Millions de tonnes de marchandises chargées

8000 7000 6000 5000

LEGENDE

4000

Autres marchandises transportées

3000

5 principaux vracs

2000

Pétrole Brut et produits pétroliers

1000 0 1970 1980 1990 1995 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Années

©Graphique par l’auteur / Source : UNCTAD

Le système d’interface urbano-portuaire s’est longtemps fondé sur une complémentarité des fonctions de ces deux entités. L’évolution du port était étroitement liée à sa ville et réciproquement, créant ainsi des places d’échanges et de production au sein de la cité, tournées vers le commerce maritime. Le XXème siècle fut marqué par la Révolution Industrielle, avec principalement le grand développement des moyens de transports. La filière maritime fut l’un des principaux domaines concernés par ces mutations, engendrant de nombreuses variations dans l’interface ville/port.

9


St PETERSBOURG

OSLO STOCKHOLM

LIAISONS MARITIMES EUROPEENNES (2010) Réseau fluvial Principales liaisons maritimes

EDIMBOURG

Arcs secondaires DUBLIN

Distance Suez- Trieste : 2250 kilomètres

MANCHESTER

Distance Suez- Rotterdam : 5500 kilomètres

COPENHAGUE HAMBOURG

AMSTERDAM LONDRES

MINSK BERLIN

VARSOVIE

ROTTERDAM BRUXELLES

KIEV

PARIS

ZURICH

VIENNE

MUNICH

BRATISLAVA

GENEVE

BORDEAUX LYON

BILBAO

CRACOVIE

PRAGUE

FRANCFORT

BUDAPEST MILAN

VENISE

PORTO

LJUBJANA

ZAGREB

TRIESTE MADRID

LISBONNE

SARAJEVO

MARSEILLE BARCELONE

SOFIA AJACCIO

ISTANBUL

ROME

SEVILLE

TIRANA CAGLIARI

PALERMO ©Source : Autorités Portuaires de Trieste- carte réalisée par l’auteur

ATHENES


Apparition des délaissés portuaires

Mutation des transports : une révolution totale

Une des réactions à cette incapacité infrastructurelle est l’apparition de grandes Zones Industrialo-Portuaires vers les années 1960, 1970, sur de grands espaces libres en périphérie des villes. Ces nouvelles zones permettent de revoir l’ensemble du schéma organisationnel du port sans restrictions spatiales. L’activité portuaire se retire donc des espaces portuaires intra-urbains. Ces zones se métamorphosent progressivement jusqu’à devenir des bouts de villes fantômes, interdits. Les délaissés urbains apparaissent dès les années 1950 aux Etats-Unis et font leur apparition en Europe dans le courant des années 1970. Ils se retrouvent inadaptés face à l’évolution des trafics et immobiles car dénués d’intérêt aux yeux des autorités portuaires, même si leur siège directionnel est souvent basé dans les principales métropoles du pays ( Paris pour la France, Rome pour l’Italie, etc...).

La Révolution Industrielle a bouleversé principalement les moyens de transports et donc la mobilité en Europe. Comme il est précisé plus tôt, le port n’est qu’un maillon d’une chaîne globale, dépendant étroitement des réseaux d’infrastructures peuplant son hinterland. Pour qu’un port se place dans l’économie des échanges, il faut que la chaîne reliant la Mer ou l’Océan au coeur des territoires soit le plus effifcace et la plus rapide possible. Pour comprendre l’évolution et l’éventuelle décadence d’un port, il est nécessaire d’étudier l’ensemble du réseau de transports a proximité des villes portuaires. Ces cartes (p.10, p.12 et p.13) témoignent des principaux axes de transports qu’ils soient par voie ferrée, routière ou maritime. Quelques indications sont données concernant les distances européennes par rapport à Trieste afin de positionner la ville dans le contexte européen de mobilité actuelle.

Reconstruction de l’interface urbano-portuaire : un enjeu mondial En réaction à cette «démaritimisation»1 des espaces urbains, plusieurs actions de réaménagement se sont organisées dans le monde, qu’elles soient volontaires, comme en Asie (Osaka, Hong Kong), ou forcées, USA (Baltimore, San Francisco). C’est aux Etats-Unis que naît le mouvement de «waterfront revitalisation» consistant à tirer profit de la valorisation foncière de ces espaces maritimes pour y implanter des programmes immobiliers, le plus souvent haut de gamme (tourisme,bureaux, hôtels...). Ce type de recomposition des espaces portuaires ayant eu un succès retentissant en Amérique du Nord, il inspire de nombreuses opérations du même ordre en Europe dans les années 1980. Ces villes portuaires en proie à des zones désertes, cicatrices témoins d’une époque révolue, doivent se réinventer au nom de leur urbanité. 1

Vigarié A, Villes portuaires et changements économiques, 1991, page 50

11


St PETERSBOURG

OSLO STOCKHOLM

LIAISONS ROUTIERES EUROPEENNES (2010) Axes principaux Axes secondaires

EDIMBOURG

Rayon de 1000 km de Trieste Noeuds principaux Noeuds secondaires

DUBLIN MANCHESTER COPENHAGUE HAMBOURG

AMSTERDAM LONDRES

MINSK BERLIN

VARSOVIE

ROTTERDAM BRUXELLES

KIEV

PARIS

ZURICH

VIENNE

MUNICH

BRATISLAVA

GENEVE

BORDEAUX LYON

BILBAO

CRACOVIE

PRAGUE

FRANCFORT

BUDAPEST MILAN

VENISE

PORTO

LJUBJANA

ZAGREB

TRIESTE MADRID

LISBONNE

SARAJEVO

MARSEILLE BARCELONE

SOFIA AJACCIO

ISTANBUL

ROME

SEVILLE

TIRANA CAGLIARI

PALERMO ©Source : Autorités Portuaires de Trieste- carte réalisée par l’auteur

ATHENES


St PETERSBOURG

OSLO STOCKHOLM

LIAISONS FERROVIAIRES EUROPEENNES (2010) Les noeuds du graphe Les noeuds principaux

EDIMBOURG

Arcs du réseau secondaire Couloir Turin - Trieste - Budapest principall adducteur

DUBLIN MANCHESTER COPENHAGUE HAMBOURG

AMSTERDAM LONDRES

MINSK BERLIN

VARSOVIE

ROTTERDAM BRUXELLES

KIEV

PARIS

ZURICH

VIENNE

MUNICH

BRATISLAVA

GENEVE

BORDEAUX LYON

BILBAO

CRACOVIE

PRAGUE

FRANCFORT

BUDAPEST MILAN

VENISE

PORTO

LJUBJANA

ZAGREB

TRIESTE MADRID

LISBONNE

SARAJEVO

MARSEILLE BARCELONE

SOFIA AJACCIO

ISTANBUL

ROME

SEVILLE

TIRANA CAGLIARI

PALERMO ©Source : Autorités Portuaires de Trieste- carte réalisée par l’auteur

ATHENES


B- ... Ou la nécessité de se réinventer «De Londres à Marseille, de Stockholm à Bilbao, de nombreuses villes d’Europe désireuses d’enrayer la spirale du déclin sont parties à la reconquête urbaine de leur zone portuaire historique.»1 Depuis la fin du XXème siècle de nombreuses villes portuaires décident de réagir à la désindustrialisation européenne et urbaine par la requalification de leur zone portuaire. Ces villes portuaires se confrontent au besoin de revaloriser ces lieux. Les actions se mettent en place de différentes manières mais ont en commun cette volonté de se réinventer, de se repositionner dans la grande carte des échanges mondiaux.

Un nouveau potentiel

14

La France et l’Italie commencent à faire face à l’héritage de la désindustrialisation vers le début des années 19702. Malgré de grandes opérations de réaménagement comme l’Usine du Lingotto à Milan par Renzo Piano, ou l’Usine Renault à Boulogne, le patrimoine industriel ne représente que 1,7% des monuments classés dans le monde en 2004. Une des raisons de l’absence globale de cette typologie d’édifice réside dans la complexité de mise en œuvre de ces opérations de requalification. Elles constituent de réels défis juridiques, financiers, architecturaux, sociologiques et économiques. Après avoir recensé un grand nombre de restructurations d’espaces industriels abandonnés tout au long de ces décennies, il est possible d’individualiser trois grands types de requalification :

La recomposition de ces interfaces maritimo-terrestres comprend un grand nombre d’enjeux (culturels, sociaux, économiques, urbains...). La prise de distance par rapport à ces grandes opérations de remaniement peut se faire grâce à une approche méthodique de la situation. Pour mieux comprendre le potentiel de ces quartiers abandonnés, il faut réussir à qualifier objectivement l’état de sa voirie, de ses édifices, de ses accès. Nous sommes aujourd’hui dans une grande période de revalorisation du Patrimoine Architectural du XXème siècle. Des évènements comme les Conférences Internationales sur le Patrimoine Industriel ou les protestations contre la destruction des sites d’usines abandonnées confirment l’envie de valoriser le patrimoine industriel présent en Europe. Au début des années 1970, la question de la sauvegarde et de la mise en valeur des sites industriels européens commence à se poser, qu’ils soient vestiges ou fonctionnels. Cette prise de conscience se répand en Europe à différentes vitesses. L’Angleterre est en avance dans ce domaine (des opérations de requalification de sites industriels apparaissent au cours des années 1950).

1- L’accueil d’espaces de services et de loisirs 2- L’accueil d’activités industrielles 3- La création de logements

1

2

ALLIX G. Comment Hambourg dessine la ville de demain, Le Monde 17.12.2008

Ce type de projet demande une longue réflexion, il s’agit d’adapter l’architecture et la volumétrie de base aux futurs besoins des programmes, en terme d’accessibilité, de desserte et de volume. Afin de pouvoir accueillir d’autres fonctions que celle pour laquelle le site a été initialement pensé il faut que le lieu puisse s’y prêter, c’est à dire qu’il ait une bonne localisation, un bel environnement géographique et, bien sûr, une objective qualité architecturale.

DAMIEN M, SOBRY C. Le tourisme industriel, le tourisme du savoir-faire?2001, p. 40


Exemples de requalification de zones industrielles européennes TURIN

TRZCINY

Lieu : Il Lingotto - Usine Fiat Epoque construction : 1915 Epoque réhabilitation : 1985-2002 Architecte : Renzo Piano Programme : Résidences, centre de congrès, bureaux, etc... Surface : 70 000 m²

Lieu : Fabrique de confitures E. C. : 1916 E. R. :2004 Architecte : Bogdan Kulczynski Programme : Centre artistique multidisciplinaire Surface : 450m²

PARME

HAMBOURG

Lieu : Fabrique de sucre Eridania E. C. : 1899 E. R. : 1999 Architecte : Renzo Piano Programme : Auditorium Surface : 250 m²

Lieu : Fonderie St Pauli E. C. : XIXème siècle E. R. : 2007 Architecte : Jordan Mozer Programme : Hôtel de luxe, restaurants

BIELLA

BARCELONE

Lieu : Atelier textile E. C. : début XXème E. R. : 2001 Architecte : Federico Delrosso Programme : Studio d’Architecte Surface : 165 m²

Lieu : Farinera del Clot - Moulin E. C. : 1852 E. R. : 1995 Architecte : C. Sanfeliu, J. Abascal Programme : Centre civique et culturel

MILAN

LEICESTER

Lieu : Officine Del Volo E. C. : 1915 E. R. : 2001 Architecte : Nicola Gisonda Programme : Salle polyvalente pour plateaux télé, défilés, etc... Surface : 1500 m²

Lieu : LCB Depot - Depot autobus E. C. : 1970 E. R. : 1995 Architecte : Ash Sakula Programme : Centre d’accueil pour entreprises 15


Aujourd’hui, dans ce mouvement de recomposition des friches portuaires, il est possible de recenser plusieurs types de reconquêtes urbaines, dont deux courants principaux. D’un côté le renouvellement des activités du site en rupture totale avec le précédent statut du lieu. De l’autre, prendre comme une opportunité le déclin de la zone en question pour la redévelopper en cohérence avec sa fonction première : l’accueil de navires maritimes. L’étude de deux exemples de villes européennes nous permettra de mieux comprendre les conséquences directes de ces deux courants de pensée urbaine. Ces deux cas représentatifs sont le réaménagement des Docklands de Londres et le redéveloppement des ports principaux de la Mer du Nord (Anvers, Rotterdam, Dunkerque). - Londres dut gérer la requalification des quelques 855 ha de Docks désertés entre 1960 et 1980. Dans le courant du waterfront revitalisation, Londres céda ces surfaces à la London Dockland Devlopment Corporation, entité indépendante des autorités locales. La première action de LDDC fut d’assainir les sites portuaires en remblayant la quasi-totalité des plans d’eau à l’exception de quelques bassins dont celui de Sainte Catherine. Pour chacune des zones de réaménagement, une écluse fut préservée pour l’apport des matériaux de construction et l’évacuation de ceux de démolition. La zone fut ensuite habitée sur la base d’un plan immobilier concernant la mise en place de bureaux, de logements haut de gamme, etc... Les critiques sur cette opération de requalification se concentrent sur l’aspect irréversible de ces actions. En effet, quelques années après ces chantiers, Londres doit faire face à une relance de son trafic maritime. A tel point que Tilbury, la seule zone portuaire publique ayant réchappé au plan de réaménagement des Docks ne suffit plus à la gestion de ces flux. La ville a donc été obligée de développer promptement de nouvelles infrastructures portuaires, excentrées et en rupture avec la ville. Le manque de prévention et de protection vis-à-vis de l’outil portuaire s’est ensuite fait ressentir de manière brutale et imprévue dans l’organisation de l’interface ville/port. 16

- En opposition à ce type d’opération, les principales villes portuaires de la Mer Baltique comme Anvers, Rotterdam, ou Gand ont opté pour un redéveloppement portuaire. L’ensemble des actions est pensé pour recalibrer la totalité de l’organisation portuaire, en allant de la réfaction des quais, des infrastructures terrestres et des machines de manutention jusqu’au remaniement des accès pour les navires. A Gand, une étude a été menée afin de comprendre quelle proportion maintenir entre les surfaces terrestres et maritimes. Il a été montré que le besoin en nombre de postes d’accostage diminue alors que celui des capacités de stockage de marchandises augmente. Ce type de fonctionnement rentre dans la logique de l’accélération des flux, le navire n’a pas la nécessité d’occuper un poste d’accostage pour une longue durée, une fois la marchandise déchargée, il peut quitter la zone portuaire. Ces tendances engendrent de grandes conséquences au niveau spatial : la nécessité de surfaces terrestres plus grandes que pour celles maritimes ou fluviales. Pour Rotterdam, c’est l’observation de la grande échelle du territoire qui a donné la ligne directrice du redéveloppement portuaire de la ville. Les autorités portuaires misent sur la polyvalence des flux que le port pourrait accueillir. Au Sud du quartier de Waalhaven et à l’Ouest de Meerwehaven, des terminaux multivalents destinés à des navires aux dimensions plus modestes sont en cours de conception. Ceux-ci seront spécialisés dans la gestion des flux maritimes non vraquiers. En effet, ces derniers sont les plus demandeurs en termes d’espace et de nautique, mais ne sont pas les plus lucratifs. Pour conclure sur ces deux exemples, les zones portuaires de la Mer Baltique sont encore aujourd’hui très compétitives sur le marché mondial. Ces opérations effectuées dans les années 1990 témoignent de la nécessité de repenser objectivement l’état du schéma organisationnel de la zone avant de lancer des opérations de réaménagement spontanées et irréversibles. Le cas des Docks de Londres s’est aggravé après le changement du statut urbain de la zone, en empêchant tout remaniement.


Exemples de rénovation de zones portuaires européennes BILBAO

AMSTERDAM

Nom : Bilbao Museum Site : Zone Portuaire Architecte : Frank O’Gehry Programme : Musée d’Art Contemporain

Nom : NEMO Site : Zone Portuaire Architecte : Renzo Piano Programme : Musée d’Art Contemporain

GENES

MARSEILLE

Nom : Biosfera Site : Zone Portuaire Architecte : Renzo Piano Programme : Aquarium

Nom : L’Ombrière Site : Port de plaisance Architecte : Norman Foster Programme : Installation architecturale

HELSINKI

BARCELONE

Nom : Helsinki Guggenheim Site : Zone Portuaire Architecte : Concours Programme : Musée d’Art Contemporain

Nom : Peix d’Or Site : Zone Portuaire Architecte : Frank O’Gehry Programme : Sculpture

LONDRES

HAMBOURG

Nom : O² Arena, Dôme du Millénaire Site : Dockland Royaux Architecte : Richard Rogers Programme : Salle de concert

Nom : Auditorium Philarmonique d’Elbe Site : Zone Portuaire Architecte : Herzog&deMeuron Programme : Salle de concert 17


De l’art d’élaborer des énigmes Nous ne prenons plus le temps d’élaborer nos énigmes : l’art de se questionner, de savoir revenir en arrière pour observer, apprendre de nos expériences pour enfin mettre en place une stratégie propre à la problématique soulevée. Il est vrai que dans cette frénésie d’échanges, il est difficile d’anticiper la place qu’aura une ville portuaire dans le marché mondial. Il est pourtant nécessaire de créer cette énigme, d’anticiper et de penser tout type de recomposition des espaces urbains du côté maritime comme du coté terrestre. Apogée de l’urbanisme de l’événement Ces opérations de rénovation et de requalification s’appuient sur les besoins et les objectifs de chaque territoire pour pouvoir établir un programme d’intervention. Dans chacun de ces cas européens, l’objectif visé est le même, réussir à acquérir une forte urbanité pour chacune de ces villes, mais les moyens utilisés pour y parvenir sont différents. Un autre type de réaménagement des zones portuaires intra-urbaines est symptomatique de l’empressement des autorités locales à les requalifier. Celles-ci miseront sur le tourisme et la culture pour redynamiser leur ville (Marseille, Bilbao, Gênes, etc...). Comme le décrit Alain Bourdin dans son ouvrage L’Urbanisme d’Après crise, «Il arrive que l’architecture devienne un événement en elle-même. Les collections du Musée du Guggenheim de Bilbao ne méritent pas de faire courir les muséographes ni même les amateurs, pourtant l’objet architectural fait événement.(...) On leur attribue des effets considérables parce qu’ils sont publiés et contribuent à l’image d’une ville.»1. L’événement relève du spectacle, de l’immédiat, du sentiment. Face à ces objets, le visiteur est passif, peu d’interactions avec le lieu sont possibles, ces actions, ne sont pas pensées pour survivre au temps. Certes la signature d’un architecte renommé peut 18

1 Bourdin A., L’urbanisme d’après crise, 2014, page 48

aider à redorer l’image d’une ville et ainsi contribuer à son attractivité à court terme. Cependant le risque est que cet objet architectural après une certaine période perde de son intérêt. La mise en concurrence avec de nouveaux exploits architecturaux, les dégâts du temps (à quoi ressemblera le MAXXI de Zaha Hadid dans 20 ans), la lassitude du public, sont de nombreuses écueils pour ces objets du spectaculaire...

Conclusion L’ensemble de ces évolutions se lisent dans la chronologie des grands chantiers actuels de requalification des zones portuaires intraurbaines. Les différents thèmes abordés ci-dessus viendront nourrir la réflexion du cas auquel ce mémoire est dédié : le Vieux Port Franc de Trieste. Elle s’organise selon plusieurs axes. - Les liens entre le port et de son arrière-pays à plusieurs échelles (locale, régionale, nationale et internationale). - La conservation éventuelle d’infrastructures et d’édifices portuaires selon leur objective qualité architecturale et fonctionnelle. - La mise en valeur de ses composantes paysagères - La précaution à conserver pour irréversibilité de certain type d’opération.



«Nous qui, en montant sur un môle, pouvons voir sans bouger d’un millimètre l’Europe et la Turquie, imaginer les îles d’Ulysse et les brasseries de Prague où Hrabal cherchait ses personnages, deviner sur les nervures des collines le front de la Grande Guerre qui s’entrelace au rideau de fer, flairer les entrepôts de la Sérénissime bourrés d’objets venus d’Orient et en même temps humer l’odeur des steppes au delà du Danube.» 20

Paolo Rumiz, Aux frontières de l’Europe - Edition folio, 2008. p.32


II GOLFE DE L’ADRIATIQUE ZONE DE FRONTIÈRE


Vienne Munich

Bratislava

AUTRICHE

Distance : 494 km

HONGRIE

Distance : 476 km

SLOVENIE Ljubljana

Trieste Distance : 115 km

Distance : 94 km Distance : 227 km

Zagreb CROATIE

Venise Fig 1 : Distance routière entre Trieste et les capitales environnantes 22 ITALIE

©Source : carte réalisée par l’auteur


A- Problématiques du territoire frontalier Il est nécessaire de comprendre, de percevoir la particularité des zones de frontières avant de se plonger dans l’histoire des murs de Trieste. Dans Aux frontières de l’Europe, l’écrivain Paolo Rumiz voyage le long du continent à la verticale afin de rencontrer cette limite entre Est et Ouest. L’objectif de ce voyage est de se confronter à la notion même de frontière. Elle y est parfois simple, parfois imperceptible, parfois brutale, parfois précieuse...

Fig. 2

Découpe du territoire italien par la Ligne Morgan en juin 1945

L’artiste Simone Cristicchi décrit les territoires de frontières comme des lieux «multi-lingue, multi-éthniques où les cultures se rencontrent, se mélangent, et elles essayent, parfois de se comprendre. Ou elles se font la guerre.»1. L’auteur met ici en évidence la ressource et la menace que peut représenter la limite territoriale. Le Golf de l’Adriatique a été, dans l’histoire, le théâtre de nombreux événements illustrant parfaitement l’instabilité de la zone frontalière. A la suite du Traité de Paris le 10 février 1947, Trieste est l’une des rares villes frontalières à maintenir sa nationalité italienne. En contrepartie, une grande zone de la région Vénétie-Julienne et de l’Istrie sont cédés à la Yougoslavie de Tito, marquant ainsi le début d’un fort exode des populations italiennes d’Istrie, de Dalmatie et de Fiume (aujourd’hui Rijeka) vers leur pays. Cette fuite pour rejoindre la nouvelle frontières est marquée par de sanglants événements comme la disparition de milliers de corps, italiens comme yougoslaves, dans les foibe («fosse» en français) jalonnant le relief karstique. Ces histoires décrivent comment le basculement d’une frontière peut être marquant pour plusieurs générations. Par ailleurs la proximité terrestre du Golfe avec quatre pays différents et sa projection sur la Méditerranée lui confère une ouverture exceptionnelle à tous les niveaux. 1

Cristicchi S., Magazzino 18, Edition Strade Blu Mondadori, 2014 - page 3

23


Fig. 1

Fig. 2

Espaces verts de Trieste et ses environs

LEGENDE Courbe de niveau maritime Profondeur Courbe de niveau terrestre Hauteur du relief

LEGENDE Parcs RĂŠserves naturelles

Fig. 3

Fig. 4

Bati et voirie de Trieste et ses environs LEGENDE Frontière Littoral

24

Relief maritime et terrestre de Trieste et ses environs

Relief de la ville de Trieste et de ses environs


B- Enjeux de la ville port-frontière A ces particularités de territoires frontaliers viennent s’ajouter le dynamisme et les potentialités d’une ville portuaire. Voula Mega écrit «L’imbrication des territoires urbains et portuaires, la restructuration des interfaces villes-ports, la diversité des fonctions et des usages de l’eau, dénominateur commun des activités, fait de ces villes un formidable champ d’expérimentations pour des projets de développement durable»1.

Fig. 5

Transports publics de Trieste et ses environs LEGENDE Axes ferroviaire Gares Axe tramway Axe routiers principaux

C’est dans ce cas de figure que s’inscrit la situation de la ville de Trieste. Le statut de ville port-frontière lui confère une ouverture au monde par le milieu terrestre ou maritime. Par ce positionnement géographique propice aux changements, la ville a été le théâtre de nombreux chamboulements dans son histoire. Elle est pourtant depuis plusieurs décennies dans une situation stagnante, les emplois se renouvellent peu et les perspectives de changements sont quasiinexistantes. Jane Jacobs raconte «les villes stériles stagnent et les villes fertiles progressent»2. Trieste doit retrouver sa fertilité en exploitant les possibilités que son territoire offre. Une décomposition du paysage a été dessinée (fig.1, 2, 3, et 4) pour mieux comprendre le fonctionnement actuel du territoire, notamment quels sont ses besoins et ses enjeux. La ville s’est construite dans les interstices du relief, allant jusqu’à s’approprier une frange du littoral sur laquelle a été construit le Port par la suite. Cette avancée vers l’Adriatique coincide avec l’avancée de Trieste vers le Monde. Les défis actuels de cette ville port-frontière se perçoivent à plusieurs échelle. Au niveau national, il faut tirer parti de son statut de territoire frontalier en densifiant le réseau de transports de l’arrière pays (fig. 5), développer la connexion de la ville avec l’Europe Occidentale et renforcer celle avec l’Europe Centrale et Orientale. 1 2

MEGA V., Modèles pour les villes d’avenir, Edition L’Harmattan, 2008 - page 93 JACOBS J., The Economie of Cities, 1969

A l’échelle de la ville, la relocalisation de la totalité des activités portuaires dans la continuité du Nouveau Port Franc est fondamental. Les autorités en profiteraient notamment pour développer les infrastructures qui y sont déja, ou pour en créer de nouvelles en cohérence avec l’évolution des échanges maritimes. A l’échelle du quartier, le défi concerne principalement la gestion de l’interface urbano-portuaire avec notamment le réinvestissement de la zone portuaire abandonnée avec la mise en place d’un programme et d’un projet attractif.

25


Limites administratives de la Province de Trieste ©Source : www.retecivica.trieste.it - retouchée par l’auteur

LEGENDE 01

1- Santa Croce 2- Prosecco 3- Opicina 4- Banne

Italie

5- Trebiciano

Slovénie

6- Gropada 7- Padriciano

02

8- Basovizza 9- Barcola

09

10- Gretta

03

11- Roiano Nord 12- Roiano Sud

04

13- Conconello

22- Boschetto

14A- Scorcola

23- Chiadino

14B- Cologna Nord

24- Melara

14C- Cologna Sud

25- Rozzol

15 A- Barriera Nuova

26- San Giacomo

15B- Porto Vecchio

27A- Chiarbola Superiore

16- Borgo Teresiano

27B- Campanelle

17- Città Vecchia

28- Chiarbola Inferiore

18- San Vito 19A- Ospedale Maggiore

29A- Cimerière non catholique

19B- Piazza Perugino

29B- Cimetière

19C- Hyppodrome

30- Servola

20A- Guardiella Inferiore

31- Santa Maria Inferiore

Mer Adriatique 05

10 11

13

06

12 14B 14A

15B

20B

16

07

15A 20C 22

19A

23

17 19B

21 19C

26

20C-Sottolongera 21- Longera

33- Borgo San Sergio

08

24 25

18 27A

27B 29A

20B- Guardiella Superiore 32A- Poggi Santa Anna 32B- Valmaura

20A

14C

31 29B 28

32A

30 32B

26 33


Photographies de Trieste

ŠPhotos par l’auteur - Janvier 2015

27


Quartier

Typologies du paysage

Exemples d’Unités du paysage

LE KARST

1. Haut plateau karstique en dehors des centres habités

. bande proche de Trieste . bande proche de la frontière

LE KARST

2. Bourg karstique traditionnel

. Prosecco, S. Croce, Basovizza, Trebician, Gropada

3. Expension urbaine récente

Quartier LIGNE CÔTIÈRE

Typologies du paysage

Exemples d’Unités du paysage

17. Côte

. De Duino à Miramare . De Miramare à Barcola

18. Vieux Port et Gare

. Vieux Port Franc, Aire Ferroviaire

. Opicina

19. Les Rives (ville historique)

. Rives du Canale Grande au Campo Marzio

4. Crête karstique

. Longera, Gretta

5. Noyaux ruraux et/ou spontanés, traditionnels

. Servola, S. Anna

20. Nouveau Port, Ancienne Gare, Zone Industrielle

. Nouveau Port, Zone industrielle, Campo Marzio.

6. Noyau urbain antique

. CittaVecchia, S. Giusto

7. Bourgs depuis la domination habsbourgeoise à la fin des années 1920

. Teresiano, Franceschino, Giuseppino, S. Giacomo, Rione del Re, Gruppi case popolari

8. Vallonné à prévalence historique

. S. Vito, Scorcola Sud

LA VILLE CONTEMPORAINE

9. Indifférencié

. Zone Via Flavia

LA VILLE CONTEMPORAINE

10. Par lots

. S. Flavio, Roiano, Monte Radio

11. Intensive

. Campi Elisi

12. Par îles

. Bourg S. Serge, Alture

13. Axes de voiries urbains et extra-urbains

. Corso Italia, Rue Flavia, Rue du Frioul, Rossetti, Battisti/ Giulia, Carducci/ D’annunzio

Sédiments principalement vaseux/argileux avec sable

14. Noeuds critiques

. Place Forraggia, Borsa, Dalmazia, Goldoni, Place Libertà

Sédiments principalement sablonneux avec gravier, argile et vase

. Places Unità, Oberdan, San Giacomo, Barriera, Garibaldi... . Portiques Chiozza . Rue XX Septembre

Détritus de versant pléhistonique; gravier cimentés, brèches

. Rue de Marchesetti

Calcaire de la formation liburnique crétacée

LA VILLE HISTORIQUE

LA VILLE HISTORIQUE

RUES ET PLACES

RUES ET PLACES

15. Points de références

16. Frontières entre différents paysages

LIGNE CÔTIERE

Composition relief du centre-ville triestin LEGENDE Remblais, accumulation artificielle de remblais et/ou inerte Sédiments principalement composés de gravier, de vase et d’argile Sédiments principalement vaseux/argileux Sédiments principalement vaseux/argileux avec gravier

Sédiments principalement vaseux/argileux avec sable et gravier

Terres rouges

Calcaire alvéolé Calcaire de la formation liburnique tertiaire

Calcaire d’Aurisine

©Source : Studio Pietro Cordara

Composition du paysage triestin


29

ŠSource : Plan RÊgulateur de la commune de Trieste


«L’agriculture triestine ne pourrait alimenter qu’une population de 6000 âmes, le surplus vit du commerce, et le commerce du Danube à l’Adriatique débouche nécessairement sur les côtes orientales mais pas nécessairement à Trieste, parce que ce ne sont pas des conditions stables du territoire qui ont fait naître ce port, mais plutôt des conditions politiques transitoires et donc sujettes à d’éventuelles mutations.» 30

Pietro Kandler, Viva Trieste! , discours du 25 mars 1848


III TRIESTE ENTRE REPLI ET EXPANSION


GRADISCA

Golfe de l’Adriatique MONFALCONE

MIRAMARE

PORTO VECCHIO FRANCO

TRIESTE

LEGENDE

Repères paysagers Communes du Golfe de l’Adriatique

MUGGIA


A- De la cité cosmopolite austro-hongroise ... Trieste, se situe dans le cœur géographique de l’Europe. Elle fut l’une des villes portuaires les plus importantes du continent, et se retrouve aujourd’hui, après deux grandes guerres dévastatrices, profondément changée. En effet cette ville est née et s’est développée en partie grâce à l’ouverture internationale qu’offrait sa position géographique. La ville dispose d’infrastructures d’échanges cohérentes avec cette situation. Par la terre (réseaux ferroviaires) ou par la mer (port franc), Trieste s’est trouvée au centre des échanges avec l’Occident et l’Orient pendant plusieurs siècles. La prospérité qu’a connu Trieste est aussi une conséquence de son statut de ville portuaire de l’Empire Austro-Hongrois, et ce, à partir du XIIème siècle. Grâce à cette position de balcon sur la Méditerranée, la ville jouit d’un développement économique et urbain idéal jusqu’à la Première Guerre Mondiale, où la ville accueille les funérailles de l’empereur FrançoisFerdinand. Trieste se trouve géographiquement entre les deux fronts adversaires, la ville ressort très affaiblie de leurs affrontements.

L’envie de préserver et de mettre en valeur ce quartier est aussi le parti architectural de ce projet. L’image de Trieste ne se limite pas au fameux Caffè degli Specchi ou à la Piazza dell’Unità. Elle est aussi présente dans ces entrepôts et dans leur histoire. Ces Lagerhauser présents aussi dans les ports d’Hambourg ou de Brême sont le patrimoine d’une architecture industrielle et portuaire du XIXème siècle.

Carte des régions d’Italie TRENTE Trentin AOSTE

Lombardie

Val d’Aoste

Frioul Vénétie VENISE

MILAN

TRIESTE

TURIN Emilie - Romagne

Piemont GENES

BOLOGNE Ligurie FLORENCE

«Nous devons prendre appui sur les traces que les hommes ont laissées pour transformer l’état présent des choses [...]»1 Aujourd’hui, par une suite d’événements qui seront définis, la condition de la ville et de son port ne sont plus les mêmes; ses infrastructures ne répondent plus aux besoins actuels et se trouvent être obsolètes, au regard de leur conception et leur utilisation initiales. Il s’agit de comprendre par quels outils de réappropriation urbaine, ce quartier devenu obsolète pourrait resservir la ville, afin de créer avec elle une continuité urbaine. Le souhait d’expliquer comment redonner à ces espaces délaissés du Vieux Port une appartenance Triestine est un fondement de ce mémoire. Il s’agit ici d’une transformation, partir de l’état présent et imaginer une des infinies versions possibles du futur de ce lieu. L’importance de la réutilisation réside aussi dans la nécessité de construire et d’inventer avec ce qui existe. La démolition des édifices endommagés n’est pas la solution idéale, elle induit coûts et énergies non négligeables. 1

CHEMETOV P.., 20 000 Mots pour la Ville, 1997, page 21

Toscane

ANCONA Marches

PEROUSE Ombrie

L’AQUILA Abruges

ROME Latium

CAMPOBASSO

Pouilles BARI

Campagnie NAPLES Sardaigne

POTENZA Basilicate

CAGLIARI

Calabre

PALERME REGGIO DE CALABRE Sicile

33


Fig. 1 : L’Empire austro-hongrois en 1910

Šsource : http://www.cosmovisions.com


Fig. 2

Vue de Trieste médiévale par G. De Franceschi (1370 environ)

Grandeur de l’Empire Austro-Hongrois L’Empire austro-hongrois est un Etat d’europe centrale exercant son autorité sur un grand nombre de territoires : l’Autriche même, les royaumes de Boemie, Galicie, Dalmatie, Hongrie et Lombard-Vénitien, la Croatie, la Slavonie, le conté princier du Tyrole, le duché de Stirie, Ljubjana, la grande principauté de Transylvanie et enfin Trieste et ses environs (fig. 1). Cette autorité connait son apogée de 1867 à 1918. Au lendemain de sa défaite dans la Première Guerre mondiale, elle cède Trieste à l’Italie par le pacte de Londres. L’Italie rallie ensuite les rangs de l’Entente et combat l’Empire austrohongrois. Les relations entre l’anicenne puissance européenne et Trieste ont été tendues à la suite des deux combats pour ensuite se diplomatiser vers la fin du XXème siècle.

Fig. 3

Vue de Trieste par anonyme (1508) issue de la collection C. Pagnini

Évolution cartographique et historique de la ville de Trieste et de son port franc L’évolution de la cartographie de Trieste contient de nombreuses informations sur l’histoire de cette ville et la manière dont elle s’est étendue, des différentes influences architecturales, urbaines. Elle permet aussi de comprendre l’évolution du statut du port de la ville, de sa naissance à son développement. Il s’agit de mettre en valeur quelques critères de ce développement urbain, utiles à la compréhension des problématiques propres à Trieste. L’histoire de Trieste commence par Tergeste, petite colonie romaine de quelques centaines d’habitants fondée au Ier siècle avJ.C. Tergeste occupe déjà à l’époque un poste stratégique de défense d’Aquilée, 4ème cité de l’Empire Romain. La ville a gardé de cette époque un théâtre d’une capacité de 6000 places et le fameux Arc de Riccardo. 35


Fig. 4

Fig.5

36

Teatro della guerra fra Veneziani e Austriaci durante la Guerra di Gradisca- G Keller,1617

«Prospetto vero del Porto e della Città di Trieste» - A.C Seutter, env. 1760

La ville de Trieste se développe considérablement au cours du XIIIème siècle, lorsqu’elle se soumet à l’autorité des Habsbourgs d’Autriche en 1382. Comme le montre la Fig. 1, la ville est délimitée par une nouvelle enceinte murale surplombant la mer. La construction du Palais Communal dominant la place centrale en 1252 atteste du passage de la cité sous autorité communale, marquant le détachement du territoire à l’autorité diocèsienne. La tour à son flanc fut édifiée en 1295. Ce type de représentation est fidèle à l’urbanisme médiéval, soit un territoire clairement défini par une murailles dont l’accès contrôlé se faisait par des «portes». Le tissu urbain est formé par une agglomération d’habitations créant ainsi des réseaux de voirie plutôt étroits et irréguliers. C’est sous le règne de l’Empereur Charles VI que le sort de Trieste en tant que port méditerranéen de l’Empire autrichien est scellé. Le contact de l’Empire avec la mer Adriatique donne naissance à une Trieste moderne. La ville connait son apogée sous l’égide de l’Empire, lorsque Charles VI rédigea en 1719 un diplôme impérial proclamant le territoire comme Port Franc de l’Empire. Ce choix politique dérive de la nécessité de relier par voie maritime le corps des domaines habsbourgeois avec les nouvelles conquêtes autrichiennes en Italie méridionale et en Belgique d’un point de vue territorial. A plus long terme, Trieste matérialise une politique navale et commerciale avant-gardiste. Cet objectif est suivi par l’Impératrice Marie-Thérèse de 1740 à 1780. Emblématique de ce nouveau statut, la création du Borgo Teresiano, soit la Ville Nouvelle, marque un désir de modernité avec son tracé orthogonal dans le développement de la cité de l’Adriatique. C’est la puissance économique et politique acquise par l’arrière pays triestin qui donne et gère l’impulsion volontaire pour le développement de son port. L’axe représenté par le Canal Grande (construit en 1754), au centre du plan de la nouvelle ville (Fig.6), est l’une des premières infrastructures portuaires de la ville (qui fut destituée de ses fonctions premières à la moitié du XIXème siècle).


Fig. 6

«Pianta della Cesarea città e porto di Trieste» - Anonyme, 1785

Les édifices du Borgo Teresiano sont pensés pour l’accueil d’amples boutiques au rez-de-chaussée et de bureaux et logements aux étages supérieurs. Ce type de construction accueille une bourgeoisie entrepreneuriale qui assure le développement du quartier. Dans la partie haute du quartier Teresiano se trouve un torrent formé par les eaux du Klutsh (Rue Coroneo) et du Scoglio (Rue Battisti). De nombreuses activités utilisent la force motrice de l’eau de ce torrent pour alimenter leurs infrastructures (moulin, fabrique de bougie, fabrique de fours, etc...), délimitant ainsi une zone pré-industrielle. Vers 1780, s’ajoute le Borgo Giuseppino, parallèlement au bord de mer, ce qui permet la création des toutes premières infrastructures portuaires.

Fig. 7

«Trieste. Vue prise au dessus-du Lazaret Neuf.» - A.Guesdon, 1853

Au cours du XIXème siècle, la ville continue son développement en cohérence avec la croissance des échanges portuaires de la cité. Elle connait un développement urbain ordonné, toujours par quartiers. Au Sud du Borgo Teresiano, le torrent qui fut longtemps une barrière à toute édification finit par être dompté permettant la construction des quartiers Borgo Franceschino, Maurizio, Chiozza, Conti, etc... toujours en s’adaptant à la topographie du terrain. La différenciation de tous ces quartiers se ressent aussi dans les activités qu’ils abritent : alors que la Città Vecchia accueille tous les ouvriers du port et des ateliers (artisans et industriels), la Città Nuova se munit de douanes, d’hôtels et de nombreux magasins, en cohérence avec le nouveau statut de la ville. En 1836, la révolution des moyens de transports incite les commercants à demander la connexion ferroviaire entre le port triestin et l’arrièrepays pour atteindre Vienne. C’est le début d’un long chantier, qui ne voit son accomplissement qu’en 1857 avec la construction d’une gare provisoire. L’ensemble de ces travaux ayant considérablement coûté à l’Etat, l’entière ligne de chemin de fer est cédée l’année d’après à la Compagnie Rotschild, devenant ainsi La Méridionale. 37


Fig. 8

Fig. 9

«Progetto di piano generale di regolazione ed amplamento della Città di Trieste» - E. Lorenzutti et Office civique des constructions publiques, 1879

La Ville et le Port de Trieste en 1885, carte du Musée civique de la Mer, Anonyme

La Compagnie Rothschild obtient aussi le privilège de gestion du futur développement du port, soit la mise en place des tarifs et l’impossibilité pour toute autre compagnie de desservir les stations de la Méridionale. Cependant les naissances de ces infrastructures ferroviaires, toutes douloureuses soient-elles, permettent l’augmentation du volume de marchandises gérées par le port, le transformant peu à peu en port de transit. Au niveau social, après de nombreux efforts pour rendre Trieste autrichienne, l’irrédentisme prend une nouvelle ampleur pendant la Révolution nationaliste italienne de 1848. Comme le décrit cette citation de Daniele Manin, indépendantiste vénitien : «Nous ne voulons pas que l’Autriche change son mode de gouverner en Italie, nous voulons qu’elle en sorte.»1. Ces revendications nationalistes aboutissent à des affrontement entre les communautés slaves et italiennes au coeur de la ville. A la suite de quoi, ces deux communautés s’ignorent et s’isolent, achevant ainsi l’idéal triestin d’une ville italo-slave. Ces tensions sont aiguisées par la création de l’Unité de l’Italie en 1861, où de nombreux italophones prônent le retour sous l’autorité italienne. Afin de développer la connexion avec l’Italie, l’autorisation pour construire un nouveau port à proximité de la gare, dans le Lazaret est donnée (Fig.7). Antoine Guesdon représente clairement le travail d’excavation du relief triestin ayant servi à la création de l’esplanade ferroviaire et portuaire. En effet, le tracé de la ligne de chemin de fer du Carso ne trouvant pas la surface nécessaire à l’accueil de la nouvelle gare, ce terrain est créé de manière artificielle. Ce long travail de déstructuration topographique permit aussi la construction d’édifices sur la zone dégagée de la colline de Scorcola.

38

1

MAGRIS P., Trieste, une identité de frontière, 2008, page 75


Ces grands travaux coïncident avec l’apogée de la ville autrichienne, qui se retrouve lors de la seconde moitié du XIXème siècle au 4ème rang des villes les plus influentes de l’Empire AustroHongrois, après Vienne, Budapest et Prague. En témoigne la construction d’œuvres architecturales symboles de puissance comme le château de Miramare le long de la côte de l’Adriatique entre 1855 et 1860 pour l’archiduc Maximilien. L’ouverture du Canal de Suez en 1869 bouleverse à nouveau l’ensemble du trafic maritime, entraînant une ultérieure augmentation du nombre de marchandises à laquelle le Port, en pleine construction, n’est pas préparé. Ce n’est qu’à la fin de la construction des 5 moles en 1893 que le Port est adapté à la gestion d’un tel flux de marchandises mais il ne les fait pas transiter, devenant ainsi un port de dépôt, en cohérence avec la capacité de stockage de ses infrastructures. Les différents moles ont été construits en : - 1875, moles I et II - 1879, mole III - 1882, mole O - 1893, mole IV. C’est en 1893 que Trieste accueille son Nouveau Port afin de délester le Vieux Port d’un trop plein d’activités. Malgré l’importance des travaux portuaires effectués, la connexion entre infrastructures ferroviaires et maritimes met beaucoup trop longtemps à se mettre en place laissant le port de Trieste très en retard par rapport à ses voisins européens. A cela s’ajoute la concurrence interne entre le Vieux et le Nouveau Ports qui ne bénéficient pas de liaisons internes, enlisant la gestion de nombreux biens.

A la veille de la Première Guerre mondiale, le Port perd son statut de «port franc» mais parallèlement, le gouvernement y encourage la recherche et la production. A partir des années 1920, Trieste est gouvernée par les fascistes, ce qui a pour conséquence de nombreux affrontements au cœur de la ville contre les antifascistes ou contre les nationalistes slovènes, allant jusqu’à des évènements tragiquement meurtriers (incendie de l’hotel Balkan). Avec la crise de 1929, le rôle de Trieste comme pôle industriel et port européen est affaibli, entraînant la fermeture de nombreuses entreprises, qui avaient contribué jadis à la grandeur de la cité. Seule l’industrie de construction navale résiste à cette crise. Au début des années 1930, la fusion de diverses entités industrielles comme le Chantier Naval Triestin avec l’Établissement Technique Triestin et le Chantier San Rocco à Muggia (commune voisine à Trieste) aboutit à la naissance d’un pôle de recherche industrielle de renommée internationale grâce à sa production de navires et de moteurs marins. Ce type d’activités redonnera à Trieste une grande importance à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ces années correspondent aussi à de grandes mutations sur le plan urbain, initiées par le Plan Régulateur de 1934, sous les directives du gouvernement fasciste. La Città Vecchia se retrouve à devoir répondre aux besoins du nouveau secteur tertiaire tout en voyant expulsés la plupart de ses habitants, ouvriers, artisans et immigrés, renvoyés dans les zones périphériques. Toutes ces opérations de «modernisation» sont souvent un prétexte pour la réalisation de travaux à la gloire du Parti (Maison du Fascio, création du poste de police centrale, etc...). La Seconde Guerre mondiale stoppe ces opérations et la ville connaît l’occupation nazie sous laquelle la Fabrique de Riz de San Sabba se transforme en camp d’extermination.

39


Fig. 9

«Trieste e il suo porto» - Anonyme, 1910

Il est nécessaire d’exprimer que les combats n’ont pas cessé dans la région de Frioul-Vénétie-Julienne à la fin du conflit mondial. En mai 1945, les partisans serbes de Tito entrent dans la ville et massacrent les Italiens fascistes, mais aussi antifascistes et résistants. L’armée titiste trouve dans le relief calcaire triestin un moyen redoutable de mettre en pratique les exécutions sommaires d’Italiens ou d’opposants au Parti, en faisant ensuite disparaitre leurs corps. L’absence de corps empêche encore aujourd’hui de connaître le nombre exact de victimes de ces jours sanglants. La fin de ces deux grandes guerres laissent la ville de Trieste affaiblie à l’image de l’Europe d’après-guerre. Elle se retrouve divisée en deux parties en 1947, à la suite du traité de Paris où la ville est déclarée «Territoire libre». 40

La zone A au Nord/Est est sous commandes anglo-américaines alors que la zone B est sous gouvernance yougoslave. Trieste connaît jusqu’en 1954 la politique du Gouvernement Militaire Allié, à la suite de quoi la partie A de Trieste redevient italienne. Au même moment, une grande partie de la région est léguée à la Yougoslavie, dont l’Istrie ou la Dalmatie (carte page23). Ce n’est qu’après la signature du traité d’Osimo le 10 octobre 1977 que tout le territoire de Trieste est officiellement déclaré italien. Durant tous ces évènements, la cité de l’Adriatique se retrouve à un emplacement central au moment de la Guerre Froide. Trieste continue à ressentir les tensions de l’affrontement entre Est et Ouest au cœur de son territoire. Elle se retrouve divisée, puis unie mais toujours sous l’œil attentif de juges internationaux (ONU).


Evolution de la ville de Trieste par Pietro Kandler 500 av JC

100 av JC

568

1382

1450

1660

1740

1760

1770

1789

1809

1850

LEGENDE

©Albo storico topografico della città e territorio di Trieste - Pietro Kandler

1 : 500 avJC - La cité slave

2 : 100 avJC - La colonies romaine

3 : 568 - Lombards. Trieste fuit!

4 : 1382 - Duc Léopold

5 : 1450 - Empereur Frédéric

6 : 1660 - Empereur Léopold

7 : 1740 - Empereur Charles VI

8 : 1760 - Projet de construction

9 : 1770 - Impératrice Marie-Thérèse

10 : 1789 - Empereur Joseph II

11 : 1809 - Empereur François Ier

12 : 1850 - François-Joseph Ier

41


FLUX MIGRATOIRES VERS L’ITALIE EN 2009 IMPORTANT MOYEN FAIBLE PORTE D’ENTREE EN ITALIE BASE DU TRANSIT ORGANISE DES IMMIGRANTS

RUSSIE CHINE POLOGNE

ALLEMAGNE

UKRAINE REP. TCHEQUE

FRANCE

AUTRICHE Chiasso Modane

PEROU EQUATEUR

HONGRIE

Thorl-Maglern Trieste

ROUMANIE SERBIE ET MONTENEGRO

Ancona

Ventimille

PORTUGAL

MOLDAVIE

ESPAGNE Rome

ALBANIE

Bari Brindisi

Pantelleria

©Source : Atlas de l’Italie Contemporaine

MAROC

ALGERIE

TUNISIE

Lampedusa

LYBIE EGYPTE

GRECE

TURQUIE

INDE PHILIPPINES SRI LANKA


B- ... A la belle Trieste endormie

Population et démographie Cette rupture de «rythme» se lit précisément sur l’évolution démographique de la ville (Fig.1). C’est à la suite de la Première Guerre mondiale que le nombre de Triestins commence à baisser sans jamais croître à nouveau tout au long du XXème siècle. Cette tendance se confirme aussi par la gentrification italienne. Par son positionnement, Trieste est la porte d’entrée de l’Europe de l’Est vers l’Italie (carte ci-contre). Elle héberge au cours des siècles plusieurs vagues de migrants venus de différents pays. La présence de lieux de cultes variés atteste de la résidence de ces communautés. Par son histoire, il a été vu que ces entités diverses ont eu des difficultés à échanger au sein de la ville, se réfugiant chacun dans un quartier spécifique à leur appartenance religieuse ou ethnique. Aujourd’hui encore, la ville doit gérer un flux d’immigrés importants. 1

Rumiz P, Ville-Monde : Trieste, France Culture, 2012

Fig. 1

Relevé démographique de Trieste Population 250000 204 849 habitants

200000

©Graphique réalisé par l’auteur - Source : istat.it

Aujourd’hui, Trieste fascine, par son emplacement, par son histoire, par son ouverture culturelle. Le quotidien Il Sole 24 Ore l’a élue première ville italienne pour sa qualité de vie : «Trieste allie tout le confort d’une métropole au bien-être que procure une nature foisonnante et multiple». Au croisement de la culture slave, franche et latine, elle était jusqu’à peu une ville où l’on pouvait entendre parler quotidiennement allemand, italien et slovène. De grands noms de la littérature sont venus se perdre dans les rues de la cité de l’Adriatique. James Joyce, Umberto Saba, Claudio Magris, Jules Verne, Stendhal, Italo Svevo ont tous foulé le sol de «la ville qui rend fou»1. Pourtant la qualité de vie qu’offre Trieste ne permet pas de cacher un certain immobilisme, à l’image des nombreuses tentatives de projet avortées pour le Vieux Port. A la suite de la baisse des activités portuaires, la ville a perdu de son importance et s’est repliée sur elle-même, se contentant d’un régime économique alimenté par banques et assurances.

100000 50000

5000 Année 1700

Fig. 2

1800 1850 1900

1990 2000 2014 2020

Population immigrées à Trieste en 2014

Serbes 28%

Slovènes 30%

Macédoniens 1.8% Roumains 12.5%

Moldaves 2.5% Ukrainiens 3% Bosniaques 3.5% Albanais 4.5%

Croates 6% Kosovars 5% Chinois 6% *Représentant 10% de la population actuelle triestine

43


Fig. 1

La puissance de la Bora

Relevé météorologique de Trieste

©Source : Servizio Meteorologico dell’Aeronautica Militare, data 1951-2011

Fig. 2

Cartes Postales de Trieste

Il est impossible de nommer Trieste sans parler de La Bora. Ce vent glacial prend sa source au Nord-Est pour souffler sur l’Adriatique, la Mer Egée et la Mer Noire. En mars 2010, le journal local Il Piccolo rapporte un record de vitesse de la Bora, des rafales à 212 km/h. Ce vent est même une des raisons pour lesquelles Stendhal n’a pas pu supporter le climat triestin. Assumant le poste de Consul de France, il écrit dans sa Correspondance : “Nous avons ici le plus beau soleil et le plus grand vent. Ce climat est le contraire de Paris... Il fait bora deux fois la semaine et grand vent cinq fois. J’appelle grand vent quand l’on est constamment occupé à tenir son chapeau, et bora quand on a peur de se casser le bras». L’année dernière, Trieste a même inauguré le Musée de la Bora pour rendre hommage à ce souffle nordique. A l’exception des journées de Bora, Trieste est classée territoire subtropical humide, alors que dans son relief karstique, le climat est plutôt continental, soit plus froid où les saisons sont bien marquées.

Enseignements Trieste est internationalement reconnue pour la qualité de son enseignement supérieur. Le quotidien Il Sole 24 Ore recense l’Università degli Studi de Trieste comme étant la deuxième meilleure université italienne et faisant partie des 250 meilleures universités du monde en 2013. Elle regroupe 12 instituts différents, architecture, économie, pharmacie, jurisprudence et droit, ingéniérie, lettres et philosophie, médecine et chirurgie, psychologie, sciences politiques, sciences de l’éducation et de la formation, sciences mathématiques, physiques et naturelles, langues modernes pour interprètes et traducteur, par ordre de création. Cependant c’est principalement dans les sciences que l’enseignement de Trieste est particulièrement développé et renommé. Un exemplaire unique du Synchrotron ELETTRA a été construit sur le campus scientifique, l’AREA Science Park, de la ville en 1994. 44

©Cartes postales de Cesare Polli


Économie Le régime économique de Trieste s’est longtemps basé sur l’activité portuaire de la ville, qu’elle soit commerciale ou industrielle. La recherche scientifique dans le domaine de la navigation maritime a beaucoup contribué à l’attractivité de la ville. C’est dans ce contexte d’économie prospère que de grandes compagnies d’assurances telle que Generali ou de navigation comme la Lloyd Triestino di navigazione (devenue Italia Marittima en 2006) sont venues s’installer. Ces entreprises sont restées triestines malgré le déclin et la quasi-disparition du port de la ville, contribuant à maintenir un régime financier présent et stable. Par ailleurs, Trieste est aussi connue pour héberger le siège d’Illy, l’une des plus grandes sociétés de café mondiale, spécialisée dans l’importation, la torréfaction et la vente. La localisation de cette entreprise n’a pas été fortuite : implantée en 1933, à l’époque où une grande quantité grains de café était importée. L’importance et le symbole que représente cette marque dans la ville est renforcée par l’élection du directeur de la société Riccardo Illy en tant que maire de la ville en 1993. Il restera à ce poste jusqu’en 2001, son parti étant de Centro-Sinistra (littéralement «centre-gauche».). La présence de ces entreprises au rayonnement international est un des témoignages de la politique entrepreneuriale régnant dans la cité de l’Adriatique. Cette identité de ville économiquement stable (voire attractive) permet le développement d’un tourisme «d’affaires»1 en parallèle du tourisme culturel.

Valeurs statistiques 1 - SANTE / Gdp per capita Trieste : 29 126

Italie : 23 239 1

DELPIROU A., MOURLANE S., Atlas de l’Italie Contemporaine, 2012, p.55

2 - CHOMAGE / En pourcentage de la population active Trieste : 6.1% Italie : 12.7%

3 - CONSOMMATION / Dépenses en instruments électroniques Trieste : 6.1% Italie : 12.7%

4 - EXPORTS / Exportation en % de la province par Trieste : 26 % Italie : 29%

5 - DEPOTS EN BANQUE / Dépôts en banque par capital Trieste : 43,239 Italie : 20,486

6 - JEUNESSE / Part de population âgée de moins de 30 ans Trieste : 23,5% Italie : 28,7%

7 - ENTREPREUNARIAT/Compagnies enregistrées pour 100 habitants Trieste : 7,2 Italie : 10,2

8 - ÉDUCATION / Nombre de diplômés chaque 1000 habitants âgés entre 25 et 30 ans en 2012 Trieste : 97,7 Italie : 71

©source - IL Sole 24 Ore - graphiques réalisés par l’auteur

45


Fig. 1

Des évènements d’envergure internationale

Course de la Barcolana avec le Phare de la Victoire en premier plan

©Gallery www.barcolana.it

Trieste est connue par tous les amateurs de Voile du monde, en effet tous les deuxième dimanche d’octobre, se tient la Barcolana. Plus grand évènement de voile existant, cette régate de plus de cinquante participants est génératrice de nombreux micro-évènements au cœur de la ville (Fig.1). La régate part du Castello Miramare pour atteindre l’arrivée à Place de l’Unité. Ce parcours a été modifié récemment afin de permettre le suivi de la course à l’œil nu depuis la côte. Cet évènement permet de comprendre l’attachement de la ville à sa mer et à l’art de la navigation.

46

©Gallery www.its.it

Fig. 2

International Talent Scout

La cité de l’Adriatique est réputée pour accueillir tous les ans l’événement International Talent Support (ITS) durant lequel des défilés sont organisés pour présenter les talents émergents du stylisme international. Cet événement est un concours permettant de mettre en avant de nouveaux créateurs. C’est une manière de présenter les nouvelles tendances mais aussi les recherches de matériaux, de coupes, de tendances... Les organisateurs de cet évènement ont choisi Trieste comme lieu d’accueil pour plusieurs raisons : «Trieste is the home of ITS. A city on the border of rather different historical, ethnic, geographical and cultural identities, Trieste is a crossroads of cultures located at the core of Europe, where East meets West, but away from conventional “hubs” of the fashion, accessories, jewelry and photography worlds.Traditionally accustomed to commercial trade due to its duty-free port, the town has always been destined to open itself to the sharing of emotions, experiences, ideas and information coming from all over the world.»1 Trieste a été choisie depuis plus de 13 ans pour héberger cet évènement, justement parce qu’elle n’est pas stigmatisée par cette dimension «mode» comme le sont Paris, Milan ou Londres. 1

Description du site d’ITS 2014 : http://www.itsweb.org/jsp/en/location/index.jsp


De cette manière, il ne s’agit pas de limiter le textile à la dimension «mode» ou consommation, mais de le développer grâce à la recherche, tout en profitant d’ITS, ou d’événements du même acabit pour permettre la mise en lumière des innovations et du travail dans le domaine textile.

47


LE COULOIR PAN-EUROPEEN V COULOIR EUROPEEN V COULOIR NORD-EUROPEEN LIAISONS MARITIMES ARRETS

KIEV PARIS

STUTTGART

VIENNE BUDAPEST

LYON

TURIN MARSEILLE

GENES

LJUBJANA

TRIESTE

ZAGREB

FIUME

SARAJEVO

MADRID

LISBONNE

PLOCE VALENCIA

MALAGA

48

BARCELONE

BUCAREST ©Source : Revue Méditerranée n°111- carte réalisée par l’auteur

MILAN


C- Vers une nouvelle centralité européenne?

Rapprochement des distances entre Est et Ouest européen De nombreuses conséquences font suite à l’élargissement de l’Europe vers l’Est : le basculement du barycentre économique à l’Est, le développement des infrastructures de réseau vers les nouveaux pays ressortissants en cohérence avec l’augmentation des échanges entre Est/Ouest et Nord/Sud et ses conséquences sur les villes portuaires du continent 1. Les nouveaux pays ressortissants se retrouvent impliqués dans la politique de développement des réseaux infrastructurels, en particulier entre l’Est et l’Ouest. La création du couloir Pan-Européen V traduit cette volonté de connexion terrestre entre les deux pôles de l’Europe (carte ci-contre), permettant ainsi le développement des territoires qu’il traverse.

L’alternative de l’Adriatique Dans ce cadre géopolitique, la situation d’une ville portuaire commeTrieste se retrouve sensiblement modifiée. Sa position passe de périphérique à centrale dans cette nouvelle configuration européenne. Plusieurs initiatives sont prises depuis pour développer le statut du port de la ville et lui redonner un statut cohérent avec ces nouvelles opportunités. Ces intentions se manifestent par un remaniement du Plan Régulateur de la ville en 2010. Afin de permettre au port de pouvoir faire face à l’accroissement des échanges, l’ensemble des activités portuaires seront relocalisées au sud de Trieste. 1 Pultrone G., Trieste : New Challenges and Opportunities in the Relational Dynamics between City and Port, Revue Méditerranée n° 111 - 2008

De nouvelles infrastructures seront construites à proximité du Nouveau Port Franc (constructions des moles 6,7,8), délaissant l’ensemble du Vieux Port Franc. De plus, le développement du réseau ferroviaire de l’arrière pays à proximité immédiate de la Slovénie, de la Croatie et de l’Autriche est à prendre en compte dans le développement du Golfe de l’Adriatique.

Fig. 1

Les services de transports combinés depuis le port de Trieste (2007)

©Source : Alpine Freight Railway, Dessin : F.Bonnaud Université Paris-Sorbonne, 2008

La coalition des ports de la mer du Nord (Rotterdam, Anvers, Amsterdam, etc...) se manifeste par une législation particulière et une complémentarité dans la gestion des marchandises diverses et variées. L’efficacité de ce type d’organisation se fait ressentir dans l’ensemble du réseau d’échanges maritime européen. En effet 7 des 10 ports les plus importants d’Europe sont localisés en bordure de la mer du Nord (carte page 8). Face à cette concurrence, les ports du bassin méditerranéen peinent à s’imposer.

49


Cependant, à la suite de l’entrée de nombreux pays d’Europe centrale dans l’Union Européenne en 2007 dont la Slovénie, de nouvelles perspectives s’ouvrent à ces territoires. Le principal avantage de ces ports de l’Adriatique est représenté par leur positionnement avancé dans le continent européen et direct par rapport au Canal de Suez (carte page 10). Pour pouvoir profiter pleinement de cette localisation et accroître leur compétitivité, la priorité est de massifier le tissu infrastructurel de l’arrière pays de ces organismes portuaires (Fig. 1).

50

1 BEYER A., SEVIN J-C, Le ports-frontières de Trieste, Kopper et Rijeka, futurs débouchés pour les conteneurs d’Europe Centrale, Revue Méditerrannée, n° 111 - 2008

Fig. 1

©Source : Jane’s Railway, 2007; dessin : F. Bonnaud, Université Paris-Sorbonne, 2008

Un des exemples de tentative de placement par rapport au monopole nordique est la consolidation du nœud de réseau intermodal de l’Adriatique entre les ports de Trieste en Italie, Koper en Slovénie et Rijeka en Croatie. L’existence de ces trois ports est étroitement liée à l’éclatement de la péninsule istrienne. Il se trouve que l’histoire de ce territoire a empêché pendant de nombreuses années le développement de leurs infrastructures (présence du rideau de fer, différence de législation entre pays ressortissants ou non de l’Union Européenne, etc...). Comme le décrivent Antoine Beyer et JeanClaude Sevin «La voie du développement est étroite entre la puissante façade de la mer du Nord et les grands hubs de transbordements méditérranéens dont dépendent encore étroitement les ports de l’Adriatique.»1

Les infrastructures de desserte des ports de Trieste, Koper et Rijeka



«Scende la notte e si abbraccia il silenzio sul Porto Vecchio si affaccia la luna su questa terra che tutto comprendre che tutto perdona...»* * «La nuit tombe et embrasse le silence sur le Vieux Port la lune se penche sur cette terre qui comprend tout qui pardonne tout...» 52

Simone Cristicchi, Magazzino 18, Storie d’Italiani, Esuli d’Istria, Fiume e Dalmazia, Edition Strade Blu Mondadori, 2014


IV IL VECCHIO PORTO FRANCO SYMBOLE D’OUVERTURE INTERNATIONALE


A- La fin du Vieux Port Franc L’histoire deTrieste est étroitement liée à celle de sonVieux Port Franc. L’apogée de la cité correspondant au moment où les échanges commerciaux avec le monde de l’Orient se mirent en place, en 1871. Cette ouverture est le symbole même de l’expansion du territoire triestin, le Vieux Port Franc bénéficie d’infrastructures de connexion maritime et terrestre importantes dont les chantiers ont étés lancés à cette période. Les trains de la gare centrale qui connectaient autrefois Trieste à d’autres villes importantes comme Vienne, Athènes ou encore Istanbul, arrivent aujourd’hui à peine à rejoindre Rome. L’état de ces infrastructures, que ce soit le Vieux Port abandonné ou la Gare Centrale devenue régionale, sont les témoignages infrastructurels du déclin de cette ville. Lorsque le Vieux Port Franc commença à pâtir de son retard en termes d’infrastructures et de réactivité, l’implantation d’activités principalement tertiaires (assurances, banques) ont permis à la ville de connaître un régime économique stable malgré la crise de son activité portuaire. Aujourd’hui encore, comme dans la plupart des villes portuaires, la culture maritime se ressent au quotidien, par l’omniprésence de cette étendue bleue d’abord, mais aussi dans l’emploi (chantiers et industries navales), le tourisme et les loisirs. Ce lieu est un paradoxe, il est la raison même de l’ouverture de la Cité de l’Adriatique sur le monde entier tout en étant une zone strictement fermée à la vie triestine...

Conception et fonctionnement originels du Vieux Port Franc Le Vieux Port Franc de Trieste est composé de 28 magasins, disposés régulièrement sur trois axes parallèles au littoral. Ils avaient la fonction de dépôts et servaient à stocker les marchandises importées. Ces magasin ont été initialement pensés pour accueillir 200 000 tonnes de produits. Durant la période où l’Empire Austro-Hongrois s’ouvre au commerce oriental, vers la fin du XIXème siècle, elle est la 3ème ville la plus riche de l’Empire, gérant 71,1% des marchandises 54

importées et exportées par le territoire1. C’est à ce moment que le Vieux Port connait son apogée, allant jusqu’à stocker un million de tonnes de produits. Les trois axes correspondaient à la période d’entreposage des marchandises, les magasins les plus proches de la mer les gardaient une à trois semaines, la seconde file d’un à trois mois et la dernière, de trois mois à des périodes indéterminées. Aujourd’hui, seul le Terminal Adria est encore en activité pour le déchargement de matériaux, principalement du bois. Le fait qu’il y ait encore un soupçon de mouvement dans l’enceinte du Vieux Port représente pour l’autorité portuaire un moyen d’empêcher toute initiative de requalification de l’ensemble de la zone. Les entrepôts de la zone portuaire ont majoritairement été conçus entre la fin du XIXème siècle et avant la première guerre mondiale. Ces Lagerhauser représentent l’un des exemples stylistiques et structurels les plus significatifs de l’architecture en Italie à cette époque. Ils correspondent aussi aux débuts de l’utilisation du béton armé dans l’édification. De nombreux détails d’ornementation comme la manufacture des colonnes en fonte attestent du statut de modèle que le Vieux Port devait manifester. Ces trois axes sont aussi générateurs de longues perspectives donnant sur les reliefs de la ville.

Une concurrence difficile L’une des principales raisons du déclin du Vieux Port Franc est la comparaison avec le port de Venise à laquelle a dû faire face le port de Trieste. Cette confrontation a lieu à la suite du changement des frontières de Trieste lorsque la ville se rattacha à l’Italie en 1975. A la suite du rapprochement administratif entre ces deux villes portuaires, le Vieux Port Franc ne peut garder son statut intact. Cet évènement entraîne un remaniement du Plan Régulateur du port de la ville, délaissant peu à peu le Vieux Port Franc. 1

GODOLI E., Le città nella storia d’Italia, 1980, p. 63


Fig. 1

Fig. 2

Edifices classés du Vieux Port Franc

Etat des édifices du Vieux Port Franc

LEGENDE

LEGENDE

Edifices classés au Patrimoine

Molo O

Edifices abandonnés Edifices utilisables Edifices utilisés

Molo O

Molo I

Molo I

Terminal Adria

Terminal Adria

Molo II

Molo II

Molo III

Molo III

PORTO VECCHIO FRANCO

PORTO VECCHIO FRANCO

Molo IV

Molo IV

Molo Audace

Molo Audace

Molo dei Bersaglieri

Molo dei Bersaglieri

55


Fig. 1

Trame orthogonale du Vieux Port Franc

Bureaucratie italienne PORTO VECCHIO FRANCO Molo O Molo I Molo dei Bersaglieri Molo II Terminal Adria Molo III

Molo IV

Fig. 2 Confrontation entre la trame urbaine du Vieux Port Franc et du Borgo Teresiano

D’autre part, le fait que le Vieux Port soit resté délaissé durant toutes ces années est aussi une conséquence de la politique portuaire menée à Trieste. Le Vieux Port Franc est régulé par une législation particulière, il est dirigé par les autorités portuaires de la ville. Cette institution n’a aucun devoir de coordination avec les autorités locales. Si l’une des raisons de la décadence du port à été sa mise en compétition avec d’autres ports italiens, la présence de ces deux institutions et leur manque de coordination a aussi contribué à la dégradation des infrastructures de la zone portuaire. Les autorités portuaires et les autorités locales ne relèvent pas de la même institution, voire du même ministère. Tout au long de ces années d’immobilité, en bloquant toutes décisions communes, les infrastructures portuaires n’ont bénéficié d’aucune restructuration, pourtant fondamentale pour la viabilité du lieu. Il arrive pourtant fréquemment que ces deux entités se mettent en accord afin d’effectuer de grandes opérations de remaniement des zones portuaires, notamment dans le cadre de l’Europe (exemples page 17).

PORTO VECCHIO FRANCO Molo O Molo I Molo dei Bersaglieri Molo II Terminal Adria Molo III

Molo IV

56

A Trieste, cette stagnation est la cause d’une frustration très présente dans l’esprit des habitants. Un quartier si beau, si bien placé, si imposant, laissé aux caprices du temps à cause d’une politique et d’une bureaucratie inadaptée... D’autant plus que toute cette surface inutilisée, abandonnée est interdite à la population car placée sous le statut de zone franche. Le territoire est délimité par des fils barbelés, matérialisation de cette interdiction. Pourtant le Vieux Port est visible par le grand axe routier longeant la zone portuaire, qui lui, peut être pratiqué. Mais dès qu’il s’agit de rentrer dans le cœur du vieux port, des militaires découragent les curieux.


0 100 m

PORTO VECCHIO FRANCO Molo O Molo I

olo dei Bersaglieri Molo II Terminal Adria Molo III

Molo IV

Environs du Vieux Port Franc : Silos abandonné Lieux de cultes Edifices Vieux Port fermés au public Gare Trieste Centrale Edifices Vieux Port ouverts au public Limite Zone Franche Accès unique au Vieux Port Franc

57


Requins politiques Officiellement, l’échelle du quartier et sa multitude d’acteurs rendent toute initiative de projet complexe. Les dirigeants des autorités portuaires se renouvellent tous les 4 ans, tout comme les autorités locales et régionales. De ce fait, ce projet de réhabilitation qui couvrirait vraisemblablement une dizaine d’années mériterait un suivi et une organisation optimale de la part de toutes ces institutions. Mais il s’agit surtout d’un besoin de cohésion de l’ensemble de ces personnes, ce qui est actuellement loin d’être le cas. Officieusement, si ce quartier est resté immobile depuis toutes ces années c’est principalement à cause du conflit d’intérêt que représente cette partie de la ville. Au final il ne s’agit même plus de parti de gauche ou de droite, mais plutôt d’une bataille pour le pouvoir. En 2001, le projet de Boeri a été validé par l’ensemble des commissions, mais à la suite de l’arrivée de Vittorio Sgarbi dans le paysage politique triestin, le projet a été abandonné sans aucune justification1. Vittorio Sgarbi a été, et est encore aujourd’hui une personnalité médiatique influente du parti et de la télévision de Silvio Berlusconi.

Pièce détachée D’un point de vue strictement cartographique, la densité du bâti dans la zone portuaire est moindre que dans le centre ville. De plus, l’orientation du tracé est parallèle à l’Adriatique pour des raisons pratiques (l’acheminement des marchandises dans les différentes rangées d’entrepôts), ce qui matérialise une rupture forte avec le tracé du Borgo Teresiano datant des années 1760, qui lui est perpendiculaire à la mer (perpective du Canale Grande). 1

58

«Je redessinai le Vieux Port mais Sgarbi m’a renvoyé.» a denoncé Stefano Boeri au journal Il Piccolo - Trieste Cronaca - 10 aout 2011

L’arrivée de la voiture a complètement bouleversé la manière de se confronter à la mobilité en ville. En effet, la Piazza della Libertà est le seul grand axe routier permettant l’accès au port par la voiture et elle représente l’un des points sensible du trafic de la ville. L’accès au Vieux Port s’est donc trouvé limité et obstrué par des rues trop étroites et mal desservies. L’entrée de la zone portuaire est trop réduite pour l’ampleur de la zone à distribuer. De plus le Vieux Port est longé par la gare, ce qui rend impossible un quelconque accès. Pour permettre l’ouverture du port à son arrière-pays, la gestion de cette problématique d’accès sera primordiale (se référer à la carte des environs du port page 51). Indépendamment du cloisonnement de la zone, l’accès à ce quartier ne se fait pas spontanément, il faut le vouloir pour y rentrer, que ce soit à pied, en vélo ou en voiture. Cette fracture de la connexion urbano-portuaire au niveau de la voirie environnante renforce la sensation de «morceau de ville».

Statut juridique La notion de «zone franche» a évolué tout au long du développement de la cité austro-hongroise. A tel point que, durant l’âge d’or du commerce triestin, toute la ville fut sous le statut de zone franche, bénéficiant d’un traitement financier particulier. C’est en 1891 que la délimitation de la zone franche fut repensée de manière à n’englober que le Vieux Port Franc. Aujourd’hui, cette particularité juridique rend le quartier «interdit» à la ville. Tout en étant à l’abandon, la zone est fermée par des barrières de fils barbelés et gardée par des militaires, rendant la zone strictement inaccessible au public. La possibilité de visiter le port s’obtient par une demande d’autorisation officielle délivrée par les autorités portuaires. Par ce contrôle, le lieu est inconnu du public, qu’il soit triestin ou étranger.


Une question intergénérationnelle De nombreux professionnels se sont confrontés à cette problématique urbaine et architecturale, pour aboutir au néant. La situation du port est la même que 40 ans auparavant. Ci-après, la liste de tous les projets envisagés dans le quartier du Vieux Port Franc de Trieste, sans qu’aucun n’ait été réalisé. Ce document est représentatif de la stagnation dont est victime le quartier du Vieux Port de Trieste mais aussi de l’intérêt que suscite ce lieu, à l’échelle nationale ou internationale.

Liste des projets concernant le Vieux Port Franc Année

Thème

Architecte

Typologie

Localisation

1974

Concours pour Palais Région

Guido Canella

Architecture/Urbanisme

tout le Vieux Port

Roberto Morisi

Architecture

tout le Vieux Port

1986

Slogans utilisés / Image

Trieste comme Montecarlo!

1987

Finporto

non précisé

Architecture

Partie proche de la ville

1988

Polis

Niccolo’ Savarese

Architecture

Partie proche de la ville

1991

Bonifica

Luciano Semerani

Architecture

Partie proche de la ville

1990

Ville de Trieste

Gino Valle

Architecture

Partie proche de la ville

1999

Trieste Futura

Manuel de Sora Morales, Barcelone

Architecture

tout le Vieux Port

2000

Triest’Expo

C&C Architecture et Ingegnerie Srl

Urbanisme, études générales

tout le Vieux Port

2001

Autorités portuaires (Maresca)

Boeri Studio

Urbanisme, proposition d’une variante au Plan Régulateur portuaire

tout le Vieux Port

FIG . 2

2002

Maltauro spa

S. Boeri projet définitif P. Portoghesi projet exécutif

Architecture/Récupération

Magasin 26

Nouveau conteneur culturel!

2002

Greensisam Commune Trieste

Mario Botta

Architecture

Annexe Evergreen, partie proche de la ville

Année

Thème

Architecte

Typologie

Localisation

Slogans utilisés / Image

2003

Collège Constructeurs

Joao Nunes, Carlos Ribas, Maura Manzelle, Lisbonne

Architecture

Vieux Port entier

Trieste comme Lisbonne!

2004

TriestExpo Challenge

A. Cecchetto, M. Bradaschia, P. Plossi

Architecture / Urbanisme, Masterplan

Vieux Port entier

2005

Commune

A. Cecchetto, M. Bradaschia

Urbanisme, Variante Plan Régulateur général de la commune

Vieux Port entier

2005

Autorités portuaires

Ondina Barduzzi

Urbanisme, Variante Plan Régulateur Portuaire

Vieux Port entier

2005

Province TS (Scoccimarro)

J. Acebillo Marin, Barcelone

Architecture

Vieux Port entier

2005

Autorités portuaires (Monassi)

Norman Foster

Architecture / Urbanisme, Masterplan

Vieux Port entier

2005

Chambre de commerce

non précisé

Architecture

Terre-plein Barcola-Bovedo

2006

Commune et autorités portuaires

non précisé

EXPO 2012

Vieux Port entier

2007

Commune

non précisé

Validation du Plan Régulateur Général de la commune

Vieux Port entier

2008

Trieste Porto Vecchio development company (groupe Zamparini)

non précisé

Architecture / Masterplan

Vieux Port entier + Parc de la Mer

2008

Science Park Marine Technology Porto Vecchio

non précisé

Masterplan

Partie du Vieux Port

2009

Maltauro, Rizzani-De-Eccher, Sincloc, Banca Intesa

non précisé

Projet lauréat du concours, naissance de la société Portocittà

2010

Autorités portuaires

non précisé

Signature concession pour 70 ans avec Portocittà

2011

Portocittà

G. Fraziano, Univesité TS

Résidences

Trieste comme Barcelone! - FIG . 1

2011

Exposition Magasin 26 - Biennale

2012

Parlement

2013

Portocittà

2013

Portocittà

Parc de la Mer!

FIG . 3

La ville Interdite s’ouvre! La zone franche peut se déplacer!

Goncalo Byrne

Projet général

FIG . 4

Abandon projet

59


23

1 21

Capitainerie

1a

3

6

9

14

17

2

4

7

10

15

18

11

16

19

2a

60

5

Administration

ADMINISTRATION :

POSTE DE CONTRÔLE

- Année de construction : 1890 - N° étages : 5 - Hauteur maximale : 16.90 m - Superficie couverte : 538 m² - Superficie totale : 2246 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1926 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 7.50 m - Superficie couverte : 2561 m² - Superficie totale : 1265 m² - Etat : Restructuré

MAGASIN N. 1

MAGASIN N. 1A

- Année de construction : 1904 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 6.30 m - Superficie couverte : 3866 m² - Superficie totale : 3866 m² - Etat : Restructuré

- Année de construction : 1897 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 6 m - Superficie couverte : 4151 m² - Superficie totale : 3463 m² - Etat : A l’abandon

24

26


28 25

27

Ex - Centrale hydrothermique

Ex - Station éléctrique

N MAGASIN N. 2

MAGASIN N. 2A

- Année de construction : 1899 - N° étages : 4 et combles - Hauteur maximale : 19.20 m - Superficie couverte : 3500 m² - Superficie totale : 18238 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1893 - N° étages : 5 - Hauteur maximale :17.86 m - Superficie couverte : 3670m² - Superficie totale : 16168 m² - Etat : A l’abandon

MAGASIN N. 3

MAGASIN N. 4

- Année de construction : 1897 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 9.90 m - Superficie couverte : 4270 m² - Superficie totale : 5981 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1906 - N° étages : 5 - Hauteur maximale : 20 m - Superficie couverte : 4519 m² - Superficie totale : 20189 m² - Etat : A l’abandon 61


62

MAGASIN N. 5

MAGASIN N. 6

- Année de construction : 1910 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 6.50 m - Superficie totale : 1200 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1888 - N° étages : 2 et combles - Hauteur maximale : 12.00 m - Superficie couverte : 4748 m² - Superficie totale : 8898 m² - Etat : A l’abandon

MAGASIN N.7

MAGASIN N. 9

- Année de construction : 1888 - N° étages : 3 et combles - Hauteur maximale : 14.90 m - Superficie couverte : 3911 m² - Superficie totale : 11331 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1890 - N° étages : 2 et combles - Hauteur maximale : 13 m - Superficie couverte : 5423 m² - Superficie totale : 11506 m² - Etat : A l’abandon

MAGASIN N. 10

MAGASIN N. 11

- Année de construction : 1889 - N° étages : 3 et combles - Hauteur maximale : 16.30 m - Superficie couverte : 5022 m² - Superficie totale : 13437 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1861 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 3.05 m - Superficie couverte : 3500 m² - Superficie totale : 3182 m² - Etat : A l’abandon

ENTREPÔT N. 14

ENTREPÔT N. 16

- Année de construction : 1950 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 12 m - Superficie couverte : 3642 m² - Superficie totale : 3642 m² - Etat : Utilisable

- Année de construction : 1984 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 7 m - Superficie couverte : 2510 m² - Superficie totale : 2510 m² - Etat : Utilisable


MAGASIN N. 17

MAGASIN N. 18

- Année de construction : 1888 - N° étages : 2 et combles - Hauteur maximale : 12.00 m - Superficie couverte : 2933 m² - Superficie totale : 6353 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1893 - N° étages : 3 et combles - Hauteur maximale : 15.50 m - Superficie couverte : 3788 m² - Superficie totale : 10059 m² - Etat : A l’abandon

MAGASIN N. 19

MAGASIN N. 21

- Année de construction : 1890 - N° étages : 4 - Hauteur maximale : 17 m - Superficie couverte : 2772 m² - Superficie totale : 10690 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1888 - N° étages : 2 et combles - Hauteur maximale : 9.00 m - Superficie couverte : 3160 m² - Superficie totale : 2960 m² - Etat : A l’abandon

ENTREPÔT N. 23

MAGASIN N. 24

- Année de construction : 1951 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 9.00 m - Superficie couverte : 2980 m² - Superficie totale : 2980 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1888 - N° étages : 2 et combles - Hauteur maximale : 12.00 m - Superficie couverte : 2933 m² - Superficie totale : 6353 m² - Etat : A l’abandon

MAGASIN N. 25

MAGASIN N. 26

- Année de construction : 1890 - N° étages : 2 et comble - Hauteur maximale : 12.00 m - Superficie couverte : 2067 m² - Superficie totale : 4964 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1890 - N° étages : 4 - Hauteur maximale : 16.60 m - Superficie couverte : 9460 m² - Superficie totale : 30172 m² - Etat : Restructuré 63


MAGASIN N. 27

MAGASIN N. 28

- Année de construction : 1900 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 7.50 m - Superficie couverte : 3525 m² - Superficie totale : 3485 m² - Etat : Utilisable

- Année de construction : 1980 - N° étages : 1 - Hauteur maximale : 7.00 m - Superficie couverte : 2994 m² - Superficie totale : 2994 m² - Etat : Utilisable

VIEILLE AUBERGE

EX -STATION ELECTRIQUE

- Année de construction : 1912 - N° étages : 2 - Hauteur maximale : 7.50 m - Superficie couverte : 227 m² - Superficie totale : 165 m² - Etat : A l’abandon

- Année de construction : 1936 - N° étages : 3 - Hauteur maximale : 12.00 m - Superficie couverte : 2100 m² - Superficie totale : 6300 m² - Etat : Restructuré

CENTRALE HYDRODYNAMIQUE

CAPITAINERIE EX-HYDROBASE

- Année de construction : 1890 - N° étages : 3 - Hauteur maximale : 13.00 m - Superficie couverte : 2000 m² - Superficie totale : 5000 m² - Etat : Restructuré

- Année de construction : ? - N° étages : 4 - Hauteur maximale : ? - Superficie couverte : ? - Superficie totale : ? - Etat : Restructuré ©Photos par l’auteur

64


Sélection d’images des projets proposés pour le Vieux Port Franc Fig.1

Manuel De Sola Moralès

Fig.2

Stefano Boeri Studio

Fig.3

PortoCittà

Fig.4

Goncalo Byrne

65


Reportage photographique de 1960

66

ŠPhotos par Paolo Sillani


Reportage photographique de 2014

©Photos par l’auteur

67


Fig. 1 : Exposition d’ITS dans le Salone degli Incanti 68

©source : http://www.itsweb.org


B- Renaissance de la Cité de l’Adriatique par la mémoire internationale

Comment se confronter au vide que laissera l’abandon total du Vieux Port Franc dans la ville de Trieste? Cette ville est marquée dans son histoire, dans sa géographie, dans sa langue par l’influence de nombreuses cultures. Le Vieux Port par son activité fut cette fenêtre ouverte sur le monde, qui aujourd’hui n’a plus lieu d’être par le commerce. En réaction à ce manque, le projet est une manière de prendre en compte ce brassage de nationalités présentes dans l’ancienne localité du port-frontière et plus généralement de l’ensemble de la Cité de l’Adriatique.

Trieste au XXIème siècle La ville de Trieste bénéficie d’un grand héritage culturel apporté en grande partie par ses visiteurs qu’ils soient restés un mois, un an ou une vie. Il y règne une atmosphère cosmopolite chantée par le dialecte de la ville. Différentes nationalités communiquent entre elles grâce à cette langue née entre les reliefs du Karst et l’étendue bleue de l’Adriatique. Cette particularité représente une grande richesse, un mythe de Babel revisité. La présence de ces différentes ethnies se ressent dans d’autres domaines comme les lieux de cultes ou les cimetières.

Pour permettre à ces personnes de faire partie de la ville, d’être citoyens, la création d’un lieu d’interaction entre immigrés et résidents autour de l’industrie de la mode serait une réinterprétation du symbole d’universalité du Vieux Port. La présence d’un évènement comme ITS (Fig. 1, Fig.2), prenant appui sur la créativité et l’innovation d’artisans étrangers est un bon prémisse quant à l’installation de ce type de programme. Cependant le déroulement d’ITS dans le paysage triestin est ponctuel et destiné à un public ciblé et privilégié. En implantant ce lieu d’échange autour du savoir-faire textile, l’idée est de rendre accessible et visible à tous les créations et la tradition de manufacture de l’habillement des différentes cultures, tout en permettant aux personnes d’apprendre le métier, de travailler en collaboration avec des créateurs italiens.

Fig.2

Photos du défilé d’ITS 2014

Aujourd’hui, pour rendre hommage à cette richesse culturelle et en réaction à la situation de crise européenne actuelle, le projet se veut être un lieu d’échange, de solidarité et de savoir-faire. Trieste est la première ville italienne accueillant l’immigration des pays d’Europe de l’Est. La majorité de ces personnes sont de passage car la ville n’offre pas de grandes opportunités de travail. Ce passage de masse est donc peu visible : les associations s’occupant de l’accueil des migrants sont dans de petites villes de périphérie comme Gorizia ou Gradisca.

Zoe Waters

Leonie Barth

Natalija Mencen

Anita Hirlekar

©ITS Gallery - www.itsweb.org

L’échange par le partage de connaissances

69


Fig. 1 Localisation du savoir-faire artisanal en relation avec la mode en Italie

L’Italie ou la «rescapée»

©Carte par l’auteur - Source : MINEIE DGTPE UBIFRANCE 2008

Depuis les années 1980, la ruée vers l’Est de l’industrie de la mode et plus particulièrement des usines textiles a laissé l’Europe dans un désert industriel. Cependant, l’Italie a su réagir à cette menace en faisant de l’exportation son cheval de bataille, elle est l’un des plus gros exportateurs de l’U.E (60 % des exportations d’habillement du pays vers les Etats-Unis et 51 % des exportations d’habillement vers le Japon en 20081). Si l’Italie arrive à surnager dans le domaine du textile en cette période de crise, les raisons sont diverses. Outre le fait qu’historiquement le savoir-faire italien en la matière a une réputation internationale, l’organisation des entreprises en réseau (présence de districts industriels régionaux, regroupement d’entreprises complémentaires sur le même site) et la qualité des produits finissent d’assurer la compétitivité de la botte dans le domaine du textile. De nombreuses entreprises sont encore présentes dans le paysage italien, souvent spécialisées dans des domaines particuliers (Fig. 1).

Trentin Lombardie

Frioul Vénétie

Val d’Aoste

TRIESTE

Piemont

Emilie - Romagne Ligurie

Toscane

Marches Ombrie

Abruges Latium

Pouilles Campagnie

Sardaigne

Basilicate

CAGLIARI

Calabre

PALERME

Sicile

LEGENDE Chaussures

70

Maillots de bain

Orfèvrerie

Corsetterie

Soie

Habillement

Maille / Laine

Maroquinerie

Bonnetterie

La recherche et la transmission du savoir-faire en Italie est morcelée, à l’image de l’atelier de l’artisan («maestro»), qui transmet sa technique et sa passion à son élève («allievo»). Ceci rend le domaine de la recherche difficile à qualifier. La présence de nombreuses PME et de peu de centres de recherche montre au premier abord le visage d’un pays peu réactif en matière d’innovation. Cependant ces échelles de travail et leur complémentarité ont au contraire permis à l’Italie de maintenir un rôle d’exportateur international même dans un contexte de crise économique avancée. Le projet du Vieux Port Franc de Trieste s’inscrit donc dans un contexte national plutôt favorable à ce type d’initiative, malgré la conjoncture de crise actuelle.

1 Anonyme, L’Italie comme principal concurrent en matière de textile et d’habillement


Une prise de conscience globale

Fig. 2

Affiche de l’exposition Fashionmix

En février 2015, l’exposition FashionMix a lieu au Musée de l’Immigration de Paris (Fig.2). Ce genre d’événement révèle la prise en conscience apparaissant petit à petit en Europe. Cette exposition dans un lieu comme le Musée de l’Immigration est particulièrement parlante. Comme l’indique son slogan «Mode d’Ici, Créateurs d’Ailleurs», c’est un hommage à tout ce que les immigrés ont pu apporter comme savoir-faire et connaissance dans le domaine du traitement textile, de la couture, de la couleur, de la coupe, de l’esthétique. Dans le milieu même de la mode, de nombreuses «tendances» dérivent d’inspirations internationales. A titre d’exemple, depuis quelques mois, la présence de tissu Wax, originellement issu du textile africain est de plus en plus présente dans les rues. Comme l’entreprise Awalé, créée par un étudiant de l’ESA en collaboration avec ses associés, ces tissus aux imprimés colorés et joyeux sont revisités avec des coupes plus modernes. Ces exemples choisis dans l’ensemble des initiatives présentes dans le monde sont une manière d’attester de l’impact de l’échange des cultures dans le domaine de la mode et du textile. Il est pourtant nécessaire de préciser que le moteur même du projet est l’échange de la culture, mais aussi du savoir-faire. Il ne s’agit pas de rester dans la dimension «mode» bien plus superficielle que l’intention profonde du projet. La volonté est de construire et d’innover autour de la manufacture du textile, regroupant l’habillement, la maroquinerie et la cordonnerie. La volonté est de catalyser un échange entre nouveaux arrivants (immigrés), soucieux de trouver leur place dans le pays où ils souhaitent travailler, et résidents (Triestins ou plus globalement Italiens) détenteurs d’une forte connaissance dans ce milieu. 71


La richesse de l’Est La ville de Trieste concerne une immigration provenant principalement des pays d’Europe de l’Est comme la Roumanie, l’Albanie, la Serbie ou l’Ukraine (cf Partie II), soit la plupart des pays de l’ex-République fédérale de Yougoslavie. A la suite de la déréglementation des marchés des textiles et des vêtements en U.E en 2005, il existe un mouvement considérable des industries textiles et habillement délocalisées en Europe de l’Est, les pays comme la Serbie, la Moldavie, la Bulgarie ou la Roumanie sont les plus sollicités pour accueillir ces grandes firmes. L’appartenance pour la plupart à l’Union européenne et à son régime politique et économique engendre plusieurs avantages : le coût très bas de la main-d’œuvre locale, la proximité géographique avec des transports moins chers et plus rapides (par rapport à l’Asie notamment) et moins de problèmes d’interculturalité (communication sur les produits, gabarits, couleurs, etc...). Par ailleurs, il se trouve que ces pays ont aussi une connaissance dans le domaine textile qui s’explique par leur histoire. Pendant plusieurs siècles, l’Europe centrale et l’Europe de l’Est cultivent une forte tradition dans le travail du textile, de la confection des costumes traditionnels à la haute-couture. Pour citer un exemple précis, dans ce domaine et plus particulièrement dans l’habillement, les techniques de broderies slaves sont très prisées et l’esthétique de ces motifs a désormais traversé les frontières. A la moitié du XXème siècle, sous la dictature de Tito, la Yougoslavie fait l’objet d’un fort développement industriel voulue par la politique du régime, notamment dans le domaine du textile et de l’habillement. Cette tendance est telle que jusqu’en 1954 le pays sera considéré à un moment comme l’atelier de l’URSS. Ces usines textiles prospèrent jusqu’à la chute du régime, et à la suite des proclamations d’indépendance des différents pays, l’activité se retrouve soit abandonnée, soit très affaiblie. Ces événements à long et moyen terme prouvent que ces nations ont aussi une tradition dans le domaine du textile et de l’habillement. 72

Leurs populations y ont été confrontées pendant plusieurs décennies. La mise en place des délocalisations actuelles profite aussi du savoirfaire de la population locale dans le milieu, de l’utilisation des outils jusqu’à la rapidité d’exécution des tâches de travail. Paolo Rumiz raconte, dans un de ces voyages décrits dans son recueil E Oriente, que les seuls Italiens qu’il a croisés dans le train reliant Budapest à Nagykallo’, étaient des employés de la fabrique BENETTON chargés de gérer le transfert des activités vers la ville ukrainienne1.Ce sont ces mêmes populations qui s’exilent de leur pays pour aller à la recherche d’opportunités de travail, de meilleures conditions de vie, et qui arrivent, parfois, en Italie, en passant par Trieste. Un projet d’École de Couture pourrait permettre une mise en relation avec le savoir-faire historique et la tradition de ces populations dans ce domaine. 1

RUMIZ P., E Oriente!, 2003, p. 54

UKRAINE

HONGRIE

BUDAPEST

REPUBLIQUE MOLDAVE

Bucovine

Maramures

NAGYKALLO Crisana

Transylvanie

CHISINAU

Moldavie

UKRAINE

ROUMANIE Banat BELGRADE Olténie

Muntenie BUCAREST

SERBIE MONTENEGRO

BULGARIE SOFIA

Dobroga


Motifs de broderie slaves

©Photos tirées du livre Tissus du XXème siècle

73


L’Éveil de l’Ouest A l’Ouest, une prise de conscience politique et éthique commence à apparaître, l’utilisation des termes de «consommation responsable» dans les médias. La crise économique de 2008 a permis de mettre en exergue les limites du système financier dans lequel la société évolue. La tendance à la consommation de masse et toutes ces conséquences commencent depuis quelques années à être remises en question. Les délocalisations de grandes firmes du textile et de l’habillement et plus particulièrement de leurs centrales d’achat sont critiquées par une partie de la population européenne et des alternatives apparaissent petit à petit. Dans l’ensemble de l’Union Européenne, des initiatives provenant de différents organismes tentent de répondre à leur manière au besoin de préserver et de développer le savoir-faire local. Quelques exemples sont ici présentés pour permettre de voir à quel point le paysage des réponses est amples. Cependant toutes ces histoires ont comme points communs le désir de questionner et l’envie naissante de changer de paradigme. De plus en plus de petites boutiques de créateurs et d’artisans arrivent dans les villes d’Europe de l’Ouest. En opposition à la culture de masse, l’originalité et l’unicité de leurs produits sont leurs principaux arguments de vente. En rajoutant le côté «fait main» et, souvent, la qualité des œuvres conçues, ces structures conquièrent du terrain et arrivent à trouver leur public. Ces procédés se démocratisent et connaissent un petit succès dans les grandes villes. La proximité entre le créateur et le client crée un autre moyen de consommation, basé, souvent, sur l’échange et la communication directe (cf exemples cicontre).

74


Exemples d’entreprises alternatives européennes autour de la couture et de l’habillement FABRIQUE

GIULIA MATERIA

Pays : Italie Ville : Brescia Fonctionnement : Locaux divisés en deux parties, atelier et boutique, production in situ. Produits : Vêtements et accessoires issus de recyclage de tissus.

Pays : Italie, France Ville : Paris, Turin, Florence, Pérouse Fonctionnement : Locaux dédiés principalement à la vente, avec un petit atelier d’appoint aménagé. Produits : Carnets recouverts, liés par des tissus nobles, brodés et imprimés.

L’INCROYABLE CONJUGAISON DU VERBE COUDRE

AWALE

Pays : France Région : Les Vosges Fonctionnement : Projet de la plasticienne Brigitte Bourdon en collaboration avec 1000 couturières Produits : Abécédaire en tissu géant

Pays : France, Côte d’Ivoire Ville : Paris, Abidjan Fonctionnement : Conception de vêtements en quantité limitée fait main Produits : Vêtements mêlant influences africaines et occidentales.

LE SLIP FRANÇAIS

PERUS

Pays : France Ville : Plusieurs sites de production Fonctionnement : Création d’habillement 100% fabriqués en France Produits : Principalement sousvêtement

Pays : France, Pérou Ville : Paris, Arequipa Fonctionnement : Conception de chaussures fait main par des artisans péruviens Produits : Chaussures cousues en tissu au motif originaux aztèques.

75


« (...) Mais ici, presque tout le monde est étranger! Un authentique triestin ça n’existe pas! De quoi vit-on ici? Grâce à qui la ville a t-elle prospéré, comment s’est-elle enrichie? Les étrangers, le commerce international,le cosmopolitisme, le port libre! (...)» Veit Heinichen, Les Requins de Trieste , Edition POINTS, page 41, 2006 76


V MADE IN TRIESTE


N

0

250m

Entrée pour les véhicules motorisés desservant les musées du Vieux Port

Magasin 26, Centrale hydrothermique et Station électrique réhabilités en musées

Parc de la rue Giovanni Boccaccio bénéficiant de terrains de jeux et d’un parcours cyclable (Fig. 3)

Réhabilitation du Silos en un programme comprenant salle de conférence, boutiques, hôtel, etc...( Fig 2)

Actuelle Capitainerie de l’ensemble portuaire de Trieste.

Fig. 1 : Etat d’avancement de l’ouverture du Vieux Port Franc 78

©source : www.retecivica.trieste.it - document par l’auteur


A- Retisser les liens entre port et ville... La continuité du paysage urbain de Trieste est l’un des principes fondamentaux de ce projet. Ce vide que représente le Vieux Port Franc de Trieste dans la mentalité des habitants de la Cité de l’Adriatique se doit d’être comblé. Pour ce faire, le territoire anciennement cloîtré entre ces barbelés doit s’ouvrir à son arrière pays. Le projet répondra à cette problématique par la mise en place de deux types d’interventions différentes : le domaine urbain avec l’unification du front de mer et le domaine économique et programmatique par la création d’un pôle d’activité textile d’habillement dans les entrepôts du Vieux Port. Situation actuelle A l’heure actuelle, le Magasin 26 a été restauré pour abriter un espace d’exposition artistique fonctionnant en partenariat avec la Biennale de Venise (Biennale Difusa). La centrale hydrothermique et la station électrique du Vieux Port ont aussi fait l’objet d’une restauration à l’identique pour abriter un musée relatant l’histoire et l’ancien fonctionnement de ces locaux. Ces lieux sont ouverts au public mais sensiblement reculés de l’ouverture de la ville. Pour y accéder à pied, il faut parcourir 2km de la rue longeant d’un côté la zone du Vieux Port Franc, aujourd’hui inaccessible, et de l’autre les rails désaffectes connectés au Silos abandonné. Cette distance est donc mal perçue car peu attractive pour une promenade piétonne et invisible depuis la ville. Pourtant un accès a été tout récemment ouvert à la circulation automobile au Nord de la zone portuaire (fig.1). Cette ouverture, d’abord pensée pour desservir les équipements publics du Vieux Port, pourrait faciliter l’investissement du Vieux Port par la ville. Elle reste malgré tout dédiée aux véhicules motorisés et l’absence de connexions pensées pour piétons ou cyclistes se fait encore largement ressentir. Il est aussi primordial de nommer la grande opération de réhabilitation en cours du Silos. Actuellement seule une partie de ce bâtiment est exploitée comme parking de voitures et comme entrepôt d’autobus.

Ce bâtiment historique initialement dédié au stockage des marchandises en «grains» (café, sucre, céréales) fait aujourd’hui l’objet d’une reconversion en centre multi-fonctionnel. Il est prévu que l’édifice accueille bureaux, boutiques, une salle polyvalente d’une capacité de 1300 places, salles de sport, hôtel, etc... La future ouverture et promotion de ces locaux encouragera certainement l’ouverture de l’enceinte du Vieux Port Franc. Un des derniers locaux en activité du Vieux Port est la Capitainerie. Elle abrite l’ensemble des bureaux des autorités portuaires et de la Direction Maritime de la région Frioul-Vénétie-Julienne. Cet édifice était anciennement une hydro-base qui servit au lancement du premier avion de ligne civil italien au début du XIXème siècle. Le mole IV présent à proximité de la Capitainerie fait aujourd’hui office de parking à ciel ouvert, il longe le magasin n°1 pour arriver jusqu’à la rue Camillo Benso Conte di Cavour. Le projet se met en place sur trois zones différentes. La première concerne la liaison entre le parc de Via G. Boccaccio avec le Vieux Port Franc, la deuxième se concentre sur le réaménagement de la place Libertà, et le dernier est lié à la mise en place du programme à proximité du Mole IV.

79


Fig. 1

Intervention Principale : Reconversion de la Capitainerie du Port en Ateliers Internationaux de Couture et réaménagement de la Place du Mole IV

Interventions architecturales

N

Intervention 3 Intervention 2 Intervention 1

Fig.2

Intentions paysagères

0

500m

N

La première intervention du projet concerne la partie du Vieux Port en contact avec le Borgo Teresiano qui est la plus attractive de la ville avec ses rives aménagées et ses hauts lieux touristiques (Piazza Unità, Canale Grande, etc...). Localiser le programme d’École Internationale de Couture au Sud du Vieux Port Franc, dans l’actuel bâtiment de la Capitainerie, de la zone franche est aussi une manière d’équilibrer les interventions de réhabilitation. En ouvrant les deux pôles opposés au public (au Nord avec le Magasin 26, au Sud avec le projet), la réappropriation du Vieux Port serait encouragée. La requalification du Mole IV et de sa place fait aussi partie de cette intervention. En supprimant le parking actuel et en retravaillant l’espace public, l’intention serait de façonner la porosité de la frange entre l’ancien site portuaire et la ville. L’objectif est de solliciter le passant à rentrer dans cet espace jusqu’alors strictement interdit, de créer une première prise de contact entre ces deux milieux.- Fig.1 Intervention urbaine 1 : Réaménagement de la Piazza Libertà La Piazza Libertà est le premier lieu public auquel se confronte le passager du train. Cette place est aujourd’hui un espace difficilement lisible, embrouillé par l’omniprésence des véhicules motorisés. La voirie sectionne la place, contraignant ainsi le piéton a emprunter des passages souterrains pour pouvoir la traverser. Elle comprend un «parc» en son centre qui génère aujourd’hui un ombrage conséquent dû à la densité des arbres qui y sont plantés. Ce parc héberge un monument dédié à l’Impératrice Sissi érigé après sa mort en 1912. Il fut démantelé en 1921 suite aux restrictions fascistes pour être ensuite remonté en 1997. Cette place a un grand potentiel, par la qualité des édifices architecturaux qui l’entoure, par son animation, mais surtout par sa proximité immédiate avec le Vieux Port Franc.

Intervention 1

80

0

500m


Intervention urbaine 2 : Construction de la passerelle reliant le Parc Boccaccio avec le Vieux Port Franc A la suite de l’ouverture de la zone franche, la connexion entre le milieu portuaire et urbain se matérialise aussi par la construction d’une passerelle piétonne au niveau de la rue Giovanni Bocaccio. Celleci passe au-dessus des quais de la gare pour atterrir au niveau du Vieux Port Franc. Elle permet un passage privilégié et protégé pour piétons et cyclistes. Il est prévu qu’elle desserve aussi le Silos et les quais du trains. L’objectif de cette intervention est d’amenuiser la frontière physique de la gare qui contribuait fortement à la mise à l’écart du site portuaire.

L’espoir qu’en ouvrant les frontières de cette ville interdite, qu’en laissant un temps et un cadre de confrontation à ces nouveaux possibles, les décisions se prennent avec un certain recul et une pertinence quant aux besoins d’une Trieste du XXIème siècle. - Fig. 3

Intentions paysagères Pour adoucir la perception de la fracture générée par les rails de trains, une promenade sera aménagée sur la voirie ferroviaire abandonnée du Silos. La présence de rails sera utilisée dans la mise en place de l’aménagement paysager. Cette promenade est une manière de créer une respiration dans le tissu urbain globalement dense du centre-ville triestin. Cette promenade pourrait être une opportunité pour aider les personnes à se réapproprier le lieu. Le fait de faire sauter les barrières du Vieux Port et d’échelonner les interventions au cœur de la zone est un moyen de donner aux gens le temps de se confronter au lieu, de l’investir, de le sentir, de l’habiter. - Fig 2

Fig. 3

Objectif final

N

Hypothèse : Le Vieux Port Franc, quartier international de la Cité triestine? A la suite de ces deux interventions, la réouverture complète du lieu sera le fruit de l’investissement de la ville même en son cœur par la présence de programmes riches et variés provenant de fonds mixtes (privés et publics). Cette étape est une hypothèse, la concrétisation de l’ouverture de Trieste vers sa mer.

0

500m

81


Fig. 1 : Parc Giovanni Boccaccio 82

©Photo de l’auteur


B- Passerelle Boccaccio - Vecchio Porto Franco La passerelle piétonne reliant le Parc de la Rue Boccaccio au Vieux Port Franc est un élément ajouté pour créer un accès plus intime et protégé. Cette structure desservira aussi les quais de la gare centrale de Trieste et le Silos, avec tous les nouveaux programmes qu’il abritera. Cet élément se greffera au Parc pour ensuite venir surplomber l’Adriatique, soit une longueur de 450 mètres environ. L’emplacement des percements et leur fréquence se fera en relation avec le paysage qu’ils cadrent. De cette manière, l’expérience de promenade sera une suite de séquences et d’atmosphères différentes, rompant la monotonie de la linéarité de la structure.

Accès Les différents points d’accès à la structure donneront aussi des variantes à son parcours. Ainsi, la longueur de la distance ressentie variera en fonction des destinations choisies. La création de ces nouveaux accès dédiés aux piétons pourrait servir d’itinéraire de substitution à l’actuel trafic de la Piazza Libertà. Cette passerelle est en effet un accès plus direct au Vieux Port depuis le relief de Trieste. D’un point de vue structurel, l’édifice pourrait être soutenu par ces escaliers qui serviront aussi de piliers porteurs.

Fig. 2

Situation actuelle

Fig. 3

Projet de passerelle Boccaccio - Adriatico

Relation avec le paysage Par sa hauteur, la passerelle sera génératrice de nombreuses vues sur le paysage environnant. Les percements agiront comme cadrages à ces nouvelles perspectives. Une fois atteint le niveau de la mer, la passerelle s’ouvrira complètement pour finir en jetée, libérant totalement la vue, que ce soit sur l’Adriatique ou sur le relief de l’arrière-pays. De l’extérieur, les matériaux utilisés se voudront sobres et légers pour marquer le moins possible le paysage existant. Mise en lumière La gestion de la lumière sera aussi un élément clé dans la conception de l’édifice. La passerelle sera plus haute que large, pour lui donner une sensation de respiration et d’ouverture. De jour, les grandes ouvertures permettront à la lumière naturelle d’éclairer le passage. Celles-ci seront complétées par un éclairage artificiel qui prendra toute son ampleur une fois la nuit tombée.

83


Fig. 1 : Porte d’entrée du Porto Vecchio Franco 84

©Photo de l’auteur


C- Réaménagement de la Piazza Libertà La Piazza Libertà est la seconde zone concernée par le projet de réintégration urbaine du Vecchio Porto Franco. Cet accès est stratégique par sa proximité avec la gare centrale de la ville mais aussi parce qu’il est, aujourd’hui l’accès principal à la zone portuaire. De plus, la zone sera aussi le théâtre de la réhabilitation imminente du Silos qui accueillera de nombreuses manifestations. Pour les raisons qui ont été énoncées, un réaménagement de l’espace public est aujourd’hui nécessaire. Repenser la zone comme un lieu de partage entre les différents usagers et non principalement automobile. La place est aussi occupée en son centre par le Théâtre Tripcovich. Initialement, cet édifice était un entrepôt pour autobus qui a ensuite été réhabilité en salle de spectacle lorsque le manque de théâtre se fit ressentir dans Trieste. Actuellement, cette salle est sous-utilisée et fait l’objet de nombreuses polémiques sur son éventuelle conservation. Par son implantation, elle se positionne devant le bâtiment d’accès au Vieux Port, minimisant ainsi sa perceptibilité. L’espace résiduel qui se trouve entre l’entrée du Vieux Port et la Sala Tripcovich est aujourd’hui utilisé comme parking d’autocars, rendant l’espace peu avenant. Cet entrepôt, par la manière dont il est positionné, crée une confusion dans l’équilibre de la place : aucun parvis n’y est aménagé, chaque espace libre est un prétexte pour un nouveau parking.

Pour une voirie partagée Le projet de réaménagement de la place questionne la notion de partage de l’espace public entre les différents types de circulation, piétonne, automobile, cyclable, etc... Ce remaniement a la volonté de rééquilibrer les différents parcours au cœur de la place en créant un parvis pour la Gare Centrale et le Silos. Ces lieux considérés comme piétonnes, la voirie automobile adopte un nouveau tracé, harmonisant ainsi l’atmosphère générale de l’espace.

Fig.2

Situation actuelle

Fig. 3

Projet de réaménagement de Piazza Libertà

Le réaménagement de la Piazza Libertà se veut comme une respiration dans le tissu urbain du centre-ville. D’une part, la relocalisation de la Sala Tripcovich dans l’enceinte du Vieux Port et la suppression de l’ancien entrepôt semblent primordiales. De cette manière; la façade de la porte d’entrée au Vieux Port donnera directement sur le cœur de la place. Afin de valoriser cette nouvelle percée sur la zone portuaire la place fera l’objet d’un travail de topographie et de revêtement de sol. Les motifs au sol seront une manière de faire ressortir les portes actuelles du Vieux Port. 85


86


VI ATELIERS DE COUTURE INTERNATIONAUX


Fig. 1 : Capitainerie (ex-Hydrobase) de Trieste en 2015 88

ŠPhoto de l’auteur


A - L’ANCIENNE HYDROBASE DU VIEUX PORT FRANC Pour accueillir ce lieu d’apprentissage et de création, le bâtiment de la Capitainerie actuelle du Port de Trieste offre de belles perspectives architecturales. C’est le premier édifice de la zone portuaire en contact direct avec le centre-ville, aujourd’hui en activité, il reste strictement surveillé à cause des services qu’il héberge (autorités portuaires, service des douanes). Origine de l’édifice Il est le seul des bâtiments portuaires à s’ouvrir littéralement sur l’Adriatique : une grande nappe tri-dimensionnelle couvre son centre (fig. 1). Cette propriété architecturale provient de la fonction originelle du bâtiment, il fut conçu en 1933 par les ingénieurs Pollack et Bussi comme une base pour hydravion. Le vide qu’il contient servait à contenir les appareils. Avec ses lignes verticales et sa symétrie, son architecture s’inspire du mouvement rationaliste très présent en Italie durant la période de l’Entre-deux-Guerres.

Fig. 2

Hommage architectural La mise en place d’un lieu d’accueil de l’immigration et de son savoir-faire dans l’ancienne hydrobase n’est pas seulement basée sur sa qualité architecturale. Cet édifice et son architecture sont représentatifs d’une période particulièrement obscure de l’Histoire italienne et plus particulièrement de la ville de Trieste. Ce fut pendant les années 1930 qu’une politique «d’épuration ethnique» fut menée par le gouvernement fasciste de Mussolini. Ce genre d’action fut particulièrement meurtrière dans le territoire de frontières qu’est Trieste. Ce projet architectural provient aussi d’un désir de reconnaissance des valeurs qu’apportent d’autres cultures. Il s’agit de transformer ce lieu, autrefois témoin d’atrocités commise au nom du rejet d’autres population, en espace d’échange et de pluri-culturalité.

Élévations de la Capitainerie existante / projet

Façade Ouest

Façade Sud

Façade Est

Façade Nord

89


Axonométrie éclatée du projet R+4 : - Local Technique : 25 m² - Terrasse verte : 290 m² R+3 : Administration - Salle de réunion : 55 m² - Bureau directeur : 30 m² - Bureau secrétaire : 30 m² - Bureau assistante sociale : 30 m² - Bureau infirmière + Infirmerie : 12 m² - Bureau responsables des ateliers : 65 m² - Sanitaires : 15 m² R+2 : - Espace Multimédia : 290 m² - Bureau gestionnaire informatique : 30 m² - Sanitaires : 20 m²

R+1 : - Centre Documentation Spécialisé : 290m² - Bureau documentalistes : 30 m² - Sanitaires : 20 m²

R+4 : - Bar / Restaurant : 230 m² - Cuisine : 30 m² - Local Rangement : 30 m² - Bureau gérant : 30 m² - Sanitaires : 20 m² - Terrasse ouverte : 350 m² R+3 : - Atelier Cordonnerie : 580 m² - Réserve ponctuelle matériaux : 210 m² - Vestiaires : 30 m² - Sanitaires : 20 m²

R+2 : - Atelier Habillement : 580 m² - Réserve ponctuelle matériaux : 210 m² - Vestiaires : 30 m² - Sanitaires : 20 m² R+1 : - Atelier Maroquinerie : 580 m² - Réserve ponctuelle matériaux : 210 m² - Vestiaires : 30 m² - Sanitaires : 20 m²

RDC : - Atelier commun d’appoint : 230 m² - Salle de réunion commune : 52 m² - Local poubelles : 40 m² - Local rangement : 45 m² RDC : - Auditorium 200 places : 350 m² - Réserve générale matériaux : 210 m² - Billetterie / Espace d’information : 45 m² - Sanitaires : 60 m² - Billetterie / Espace d’information : 45 m² - Accueil : 45 m² - Halle Couverte : 1300 m²

90


B - DÉMARCHE ARCHITECTURALE La Capitainerie abrite aujourd’hui les bureaux de la garde côtière. Ces bureaux sont transformés en ateliers de coutures.

L’aile Ouest abrite en complément tous les services parapédagogiques comme l’espace multimédia et la bibliothèque en plus de l’administration.

Réhabilitation La structure originelle de l’édifice est conservée, le vide central est entouré par trois ailes aux fonctions différentes. L’aile Est gère l’ensemble des circulations. Elle sert d’entrée principale et dessert l’ensemble des niveaux. La présence d’escaliers centraux génère une diagonale imposante brisant la rigidité originelle de la façade Est. L’ensemble des ateliers de couture est réparti sur trois niveaux dans l’aile Sud de l’édifice. Les ateliers sont divisés par spécialités : maroquinerie, cordonnerie et textile. Afin de s’adapter à la nouvelle fonction de l’édifice, l’aile Sud sera entièrement reconstruite. La forme orthogonale de l’aile initiale est remplacée par un arrondi parfait. L’absence de coins et de parois dans les ateliers permet la diffusion uniforme de la lumière dans les locaux. L’orientation Sud apporte une grande source de lumière, précieuse à la conception des pièces de collection. La création d’une doubleenveloppe permet de contrôler l’éblouissement et la surchauffe éventuelle des locaux par un dispositif de volets mécaniques et de ventilation naturelle.

Fig. 1

Tous ces services s’organiseront autour de la halle centrale où auront lieux tous les événements des Ateliers. Cet espace libre sera le cœur du bâti, là où toute vie prend forme (fig.1). Frontière public / privé Afin de favoriser les échanges informels entre apprentis et visiteurs les Ateliers abriteront aussi des programmes ouverts aux extérieurs et la halle centrale sera ponctuellement ouverte au public. Au 5ème étage, la présence d’un bar/restaurant et d’un jardin aérien donnant sur l’Adriatique donnera l’occasion aux curieux de parcourir l’intérieur de l’édifice tout en y côtoyant les créateurs des défilés de demain. De plus, le fait de dédier la totalité d’une aile aux circulations est une manière d’encourager les pauses et les rencontres au cœur du bâtiment. Le vide central pourra aussi être investi par des événements organisés par d’autres structures comme la ville de Trieste (fig.1). Le public concerné par la programmation sera ainsi plus varié et plus large.

Modulabilité de l’espace intérieur

DÉFILÉ

MARCHE / FOIRE D’HABILLEMENT

EXPOSITION

CINEMA

91


Fig. 1 : Vue des Ateliers Internationaux de Couture depuis le Môle Audace 92

©Document de l’auteur


C - DOCUMENTS GRAPHIQUES DES ATELIERS DE COUTURE INTERNATIONAUX N

X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Y7

Y0

Y0

Y8

Y9 Y1

Y1

Y2

Y2

Y10

Y3

Y3

Y11

Y4

Y4

Miroir

Y12

Y5

Y6

Y5

Y6 Y13

Y14 Y7

Y7 Y15 X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Plan RDC Echelle 1.500

93


N

X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Y7

Y0

Y0

Y8

Y9 Y1

Y1

Y2

Y2

Y10

Y3

Y3

Y11

Y4

Y4

Y12

Y5

Y6

Y5

Y6 Y13

Y14 Y7

Y7 Y15 X0

94

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Plan R+1 Echelle 1.500


N

X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Y7

Y0

Y0

Y8

Y9 Y1

Y1

Y2

Y2

Y10

Y3

Y3

Y11

Y4

Y4

Y12

Y5

Y6

Y5

Y6 Y13

Y14 Y7

Y7 Y15 X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Plan R+2 Echelle 1.500

95


N

X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Y7

Y0

Y0

Y8

Y9 Y1

Y1

Y2

Y2

Y10

Y3

Y3

Y11

Y4

Y4

Y12

Y5

Y6

Y5

Y6 Y13

Y14 Y7

Y7 Y15 X0

96

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Plan R+3 Echelle 1.500


N

X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Y7

Y0

Y0

Y8

Y9 Y1

Y1

Y2

Y2

Y10

Y3

Y3

Y11

Y4

Y4

Y12

Y5

Y6

Y5

Y6 Y13

Y14 Y7

Y7 Y15 X0

X1

X2

X3

X4

X5

X6

X7

X8

X9

X10

X11

X12

X13

X14

X15

X16

Plan R+4 Echelle 1.500

97


Z0

Z1

Z2

Z3

Z4

Z5

Z6

Z7

Z8

Z9

Z0

Z1

Z2

Z3

Z4

Z5

Z6

Z7

Z8

Z9

1m

98

0m

5m

Z16

Z'17

Z'18

Z'19


Z10

Z11

Z12

Z13

Z14

Z15

Z16

Z17

Z18

Z19

Z20 Z21

Z10

Z11

Z12

Z13

Z14

Z15

Z16

Z17

Z18

Z19

Z20 Z21

Coupe longitudinale

Z'20

Z'21

Z'22

Z'23

99


Z4

Z5

100

Z6

Z7

Z8

Z9

Z10

Z11

Z12

Z13

Z16

Z'17

Z'18

Z'19

Z'20

Z'21

Z'22

Z'23

Z16

Z'17

Z'18

Z'19

Z'20

Z'21

Z'22

Z'23

Z14

Z15

Z16

Z17

Coupe transversale

Z18

Z19

Z20


101


CONCLUSION


Le vent salé griffe les édifices. Les avenues sont désertes, seules quelques uniformes se détachent du décor pour disparaître aussitôt. L’étendue de ces avenues désertes encadrées par les anciens magasins portuaires crée paradoxalement un sentiment de claustrophobie, deux points de vues sinon rien. Étrangement la mer est difficilement perceptible depuis ces rues, les rangées de hangars se dressent comme les ultimes remparts de l’infinité bleue. Seule l’odeur iodée et le cri des mouettes rappellent la proximité de l’Adriatique. Difficile de se défaire de l’image de Trieste, universelle et unique à la fois. La Cité de l’Adriatique laisse une marque, par la beauté de ses paysages, la violence de son climat ou l’atmosphère singulière de ses rues. Cette impression indélébile fut le déclencheur de ce travail de diplôme. Il est inutile de renier l’effet que produit l’immensité du Vieux Port Franc sur l’imagination de ses visiteurs. Traverser ce lieu équivaut à pénétrer dans une autre époque, figée, glacée. Ce désir d’ouvrir le port à sa ville représente le souhait de redonner à Trieste son identité. Néanmoins il a été nécessaire de se libérer de l’emprise de ce lieu fantasmagorique. Remettre la situation triestine dans son contexte, international, régional et local. Analyser objectivement les potentialités et les enjeux de ce lieu. Identifier les possibilités urbaines, architecturales et paysagères du projet. Adapter un procédé d’intervention pour chacune des différentes échelles pour enfin pouvoir tenter de le sublimer. Ce projet ne se limite pas à reconstruire le lien du Vieux Port Franc avec Trieste.

Plusieurs clés de lecture sont possibles : voir ces interventions comme la matérialisation d’une connexion entre la Cité et sa Mer, comme une reconquête de son internationalité, comme un trait d’union entre Passé et Futur. Penser Trieste comme une terre d’accueil assumant pleinement son Internationalité par la valorisation d’un savoir-faire et par la provocation d’échanges. Il s’agit de redonner au travail humble qu’est la couture, une possibilité de se raconter, de se mettre en scène, de se théâtraliser. Voir le labeur comme un lien générateur d’une œuvre commune, comme un facteur créateur d’échange et de solidarité. La volonté profonde de ce projet est de pouvoir créer une ouverture dans la réflexion et ainsi permettre à d’autres initiatives similaires, qu’elles soient complémentaires ou indépendantes d’apparaître. Questionner les valeurs acquises d’aujourd’hui telle que la globalisation et l’omnipotence du Marché pour redonner à l’Humain la centralité qu’il nécessite. Le développement durable ne s’exprime pas seulement dans l’environnement, mais aussi mentalement en permettant aux personnes de se sentir utiles au quotidien. Mêler les notions de travail et d’échanges semble être un réel enjeu aujourd’hui. Les Ateliers Internationaux de Couture représentent un des exemples de la forme que pourraient prendre ces structures d’accueil des migrants. Ce projet est né dans une période où l’Europe a besoin de réinventer sa politique d’ouverture. Dans ce travail, je propose un accueil basé sur l’égalité, l’échange et le désir de construire.

103


104


REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes qui m’ont accompagnée tout au long de cette aventure. Merci à... L’ensemble de mes membres de jury pour leur disponibilité, leur gentillesse et leurs précieux conseils. Ma famille : Antoine, Giovanna, Luca, pour leur soutien et leur présence. Les irréductibles triestins Pietro, Blaz, Manuela, Enrico, Clara, Federico, Kristel, Adriano, Anna, pour m’avoir raconté la ville à leur manière. Mes amis, Olivier, Hadjira, Dihia, Henri, Thomas, Fanny, François L, Théophile, Mehdi, pour m’avoir aidée et surtout pour m’avoir supportée. Et bien d’autres encore, Nadine, Jean-Paul, Flavio, Federica, Luciano, Greg, François P..... A tous, sincèrement merci.

105


REFERENCES Sur l’Europe et l’Italie - Jean-Luc PIGNOL, Le monde des villes au XIXème siècle, édition Hachette Supérieur, 1991, 218 pages - LIVRE

- Jean-Claude DAUMAS, La mémoire de l’industrie, de l’usine au patrimoine, Presses universitaires de Franche Comté, 2006, 422 pages - LIVRE

- Aurelien DELPIROU, Sophie MOURLANE, Contemporaine, 2012, 105 pages - LIVRE

Atlas de l’Italie

- Sylvie DAVIET, Industrie, culture, territoire, édition l’Harmattant, 2005, 183 pages - LIVRE

- Paolo RUMIZ, Aux frontières de l’Europe, 2011, édition folio, 335 pages - LIVRE

- Pierre LAMARD, Histoire de Territoire - Les territoires industriels en question XVIIIème - XXème siècles, édition Alphil, 2010, 432 pages LIVRE

- Paolo RUMIZ, E Oriente, 2003, édition Feltrinelli, 198 pages, langue italienne - LIVRE

Sur l’industrie, le textile et l’habillement - Wladimir ANDREFF, Sous-traitance internationale de façonnage et trafic de perfectionnement passif entre les pays de l’Union européenne et les pays d’Europe de l’Est, Revue d’Etudes comparatives EstOuest,n°2, 2001, 10 pages, langue française - ARTICLE

- Solange MONTAGNE-VILLETTE, Le prêt-à-porte à Paris : de l’artisanat à l’industrie, Université Paris 13, 2009, langue française - THÈSE - Doretta POLI, Tissus du XXème siècle - Designers et manufactures d’Europe et d’Amérique, édition Skira, 2007, 303 pages - LIVRE

- Michel BATTIAU, Le textile vers une nouvelle donne mondiale?, édition Sedes, 1985, langue française - LIVRE

- Vincent PREVOT, Géographie des Textiles, étude d’un espace économique, édition Masson, 1979, 223 pages langue française - LIVRE

- Monique BRUN, Analyse de l’environnement et des stratégies internationales : le cas des entreprises de l’habillement, édition Broché, 1983, 578 pages, langue française - LIVRE

- Bruno de ROSELLE, La Crise de la Mode, la révolution des jeunes et la mode, édition Fayard, 1973, 160 pages, langue française - LIVRE

- Rinio BRUTTOMESSO, Water and Industrial Heritage, édition Marsilio,1999, 175 pages, langue anglaise - LIVRE

106

- Catherine LEGRAND, Textiles et Vêtements du Monde - Carnets de voyage d’une styliste, édition Aubanel, 2008, 239 pages - LIVRE

- Marie-Madeleine DAMIEN et Claude SOBRY, Le tourisme industriel : le tourisme du savoir-faire?, édition l’Harmattan, 2001, 258 pages. LIVRE

- Vincent VESCHAMBRES, Traces et mémoires urbaines- Enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, édition PUR, 2008, 289 pages - LIVRE


Sur les ports

Sur Trieste et son Vieux Port Franc

- Thierry BAUDOIN, Michèle COLLIN et Claude PRELORENZO, Urbanité des cités portuaires, édition l’Harmattan,1997, 401 pages -LIVRE

- Angelo ARA, Claudio MAGRIS, Trieste : Un identità di frontiera, édition Einaudi, 2008, 285 pages, langue italienne - LIVRE

- Claude CHALINE, Rachel RODRIGUES MALTA, Ces ports qui créèrent la ville, édition l’Harmattan, 1994, 299 pages - LIVRE

-Andrea BATTISTONI, Andrea BENEDETTI, Antonella CAROLI e Emma Calebich, Gli Hangar del Porto Vecchio di Trieste, édition Battello, 2002, 105 pages, langue italienne -LIVRE

- Claude PRELORENZO, Philippe DEHAN, Virginie PICON-LEFEBVRE, Cyrille SIMONNET, La ville au bord de l’eau... Une lecture thématique d’Europan 2, éditions Parenthèses, 1993, 109 pages - LIVRE

- Antonella CAROLI, Punto Franco Vecchio, Tecnologie sistemi costruttivi opere professionali e normativa nel porto di Trieste, édition La Mongolfiera, 1996, 237 pages, langue italienne - LIVRE

Sur la ville

- Pietro CORDARA, Revue archeologia Industriale : Trieste industria e commercio alla periferia di un impero, édition luigi micheletti , octobre 1983, pages 5 à 16, langue italienne - ARTICLE

-Patrick BOUCHAIN, Construire autrement, édition L’Impensé Actes Sud, 2006, 191 pages - LIVRE - Alain BOURDIN, L’urbanisme d’après-crise, édition l’aube, 2010, 150 pages - LIVRE - Italo CALVINO, Les villes invisibles, édition Gallimard, 2002, 207 pages - LIVRE - Paul CHEMETOV, 20 000 mots pour la ville, édition Flammarion, 1996, 117 pages - LIVRE - Félix GUATTARI, Les Trois Ecologies, Edition Galilée, 2008, 73 pages - LIVRE - Jacques LEVY, Urbanités, documentaire français, 2013 - FILM - Olivier MONGIN, La condition urbaine, édition du Seuil, 2005, 312 pages - LIVRE

- Mauro COVACICH, Trieste SottoSopra, édition Laterza, 2012, 121 pages, langue italienne - LIVRE - Simone CRISTICCHI, Magazzino 18. Storie d’italiani esuli d’Istria, Fiume e Dalmazia, édition Mondadori, 2014, 158 pages, langue italienne - LIVRE - Marie-Hélène FRAISSE, Villes-Mondes Trieste - Escale 1 et 2, émission française radiophonique, Réalisation : Vanessa Nadjar, Prise de son : Jean-Marie Porcher- France Culture , 2013 - EMISSION RADIOPHONIQUE - Ezio GODOLI, Trieste , le città nelle storie d’Italia, édition Laterza, 1984, 259 pages, langue italienne - LIVRE - Veit HEINICHEN, Les Morts du Karst, édition Policier Points, 2007, 351 pages - LIVRE 107


- Veit HEINICHEN, Les Requins de Trieste, édition Policier Points, 2006, 326 pages - LIVRE - Stefan HERTMANS, Entre villes, édition «Escales du Nord» Le Castor Astral, 2003, 241 pages - LIVRE - Pietro KANDLER, Albo storico topografico della città e territorio di Trieste, édition «Italo Svevo» Trieste, 1989, 45 pages, langue italienne - LIVRE - Hayao MIYAZAKI, Porco Rosso, film d’animation japonais, 1992 FILM - Gabriella PULTRONE, Trieste : New Challenges and Opportunities in the Relational Dynamics between City and Port,revue Méditerranée n°111, 2008, 7 pages, langue anglaise - ARTICLE - Giulio ROSELLI, Trieste e la Ferrovia Meridionale, édition S.A.T, 1977, 103 pages, langue italienne - LIVRE - Umberto SABA, Femmes de Trieste, édition José Corti, 1964, 151 pages - LIVRE - Jean-Claude SEVIN et Antoine BEYER, Les ports-frontières de Trieste, Koper et Rijeka, revue Méditerranée n°111, 2008, 12 pages - ARTICLE

108


109





Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.