Une nouvelle
face
pour le
Pile
Méthodologie pour une rénovation urbaine en coopération
Léa Villain
Une nouvelle face pour le Pile Méthodologie pour une rénovation urbaine en coopération
Léa Villain Rapport de Projet de Fin d’Études 2021 - DE 4 Faire Dir. Iris Chervet et Sergio Rodrigues Mention recherche encadrée par Emmanuel Doutriaux et Carolina Menezes Ferreira ENSA Paris Val-de-Seine 2021
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Merci.
Je profite de ces quelques lignes pour remercier toutes les personnes qui ont contribué de près comme de loin à l’enrichissement de ma réflexion pour ce projet de fin d’études, et qui ont su m’accompagner tout du long. En premier lieu, je tiens à manifester mes remerciements à mes tuteurs, Iris Chervet et Sergio Rodrigues, pour leurs précieux conseils et leur accompagnement tout au long de l’année, qui ont participé à l’enrichissement de ce projet de fin d’études. Aussi, je remercie sincèrement Carolina Menezes Ferreira et Emmanuel Doutriaux pour la poursuite de leur accompagnement à l’issue de la soutenance de mémoire. Ces deux derniers semestres passés au séminaire « Constellations – Architectures du commun » auront été pour moi riches en découvertes. Merci à Feda Wardak, qui m’a mis sur le chemin du Pile, de m’avoir partagé ses convictions quant au rôle politique et social de l’architecte. Enfin, merci à Florentin et Théophile pour leurs petites mains et leur précieuse aide lors des phases de projet long.
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Sommaire
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Merci.
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Sommaire
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Avant-propos
Introduction
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01
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Le Pile, un quartier déshérité A. Roubaix, la ville aux mille cheminées B. Le Pile, un grand ensemble horizontal C. Le Pile fertile, un dernier espoir pour le Pile ?
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Une nouvelle face pour le Pile
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Phase 01 : Formation des îlots coopératifs Phase 02 : Le chantier habité Phase 03 : Les choques collectives Phase 04 : L’appropriation
Conclusion
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Avant-propos
Ce rapport de Projet de Fin d’Étude est le fruit d’un long itinéraire réflexif sur la pratique architecturale qui s’est développé et enrichi tout au long de mes études à l’école d’architecture. En licence, j’ai suivi des cours de projets en somme assez « classiques », où formalisme, fonctionnalisme et esthétisme étaient les concepts fondateurs du projet architectural. Puis, certains évènements et rencontres ont fait apparaître chez moi de nouvelles convictions, élargissant alors le spectre de cette discipline. L’architecture ne se limite pas à la simple production d’un « objet » urbain. Au contraire, elle se nourrit de l’entrecroisement de diverses disciplines – dont la sociologie, l’écologie, le droit, la politique. Parmi ces étapes déterminantes de mon parcours, la participation au séminaire « Constellations – Architectures du commun » m’a permis de faire la découverte des actions subversives du collectif En Rue à Saint-Polsur-Mer – que j’ai par la suite choisi comme terrain d’étude pour mon mémoire1 – qui réinterrogent les politiques institutionnelles de rénovation urbaine de l’ANRU. Dans le cadre de ce premier travail de recherche, j’ai eu l’opportunité de me rendre à deux sessions de chantier organisées par l’En Rue, alors qu’ils rénovaient le Cube2 afin d’en faire un bâtiment commun aux habitants du quartier. Ces séjours m’ont permis de faire la découverte d’un territoire, ainsi que de ses habitants, et pour qui 1. VILLAIN Léa, « En Rue vs Anru. Faire la rénovation urbaine en commun. », Mémoire de fin d’étude, sous la direction d’Emmanuel Doutriaux et Carolina Menezes Ferreira, ENSA Paris Val-de-Seine, 2021, 180p. DE 3 - Séminaire « Constellations – Architectures du commun » 2. Cf. « 01 L’expérimentation inachevée du Cube » dans le mémoire.
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ce type de projets collectifs représente une manière de subsister et de lutter contre les politiques d’éviction urbaine. Aussi, cela fût l’occasion d’y rencontrer de nombreux professionnels – éducateurs de rue, acteur culturel, architectes, artistes, sociologues – qui par leur investissement dans l’association, militent pour l’émancipation de ces habitants et leur libre accès aux débats publics. Ainsi, m’ont-ils permis de remettre en question le rôle de la maîtrise d’œuvre dans les commandes publiques, mais aussi de repenser la place du citoyen, de l’usager, de l’habitant au sein de l’espace politique. Ce travail de pratique du projet architectural s’inscrit dans la continuité de cette réflexion sur le rôle des acteurs au sein des projets publics et se pose comme une analyse critique de l’action publique, par la proposition d’une méthode alternative. Ici, nous aborderons ces questions sur le territoire roubaisien, et plus particulièrement dans le quartier du Pile, que j’ai choisi comme terrain d’expérimentation. Ce rapport prendra la forme d’un livret manifeste pour une méthode de rénovation urbaine, qui prône le principe de co-construction et s’appuie sur toutes les ressources dont dispose déjà un territoire : son espace bâti, sa structure sociale, ou encore les dispositifs d’échanges – relationnels et économiques – alternatifs. L’exercice de projet se limitant à un temps imparti – 10 mois – difficilement compatible avec celui de la recherche – qui, quant à lui, correspond à un temps long – il m’a alors fallu m’adapter afin de les concilier. En effet, je suis intimement convaincue par la richesse de l’entrecroisement de ces deux formes d’exercice. La recherche nourrit l’action, tout comme l’action nourrit la recherche, et c’est par cette relation de réciprocité que l’expérimentation se crée. Ainsi, le présent rapport est-il le résultat d’une démarche autoréflexive sur ma trajectoire de formation, en questionnant à cette occasion les méthodes institutionnelles de rénovation urbaine et le rôle de l’architecte, dans le droit fil de mon expérience sur les chantiers de design participatif de l’En Rue.
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Introduction
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Depuis vingt-cinq ans, la requalification ainsi que la revitalisation des quartiers anciens dégradés constituent un enjeu majeur du territoire de la Métropole lilloise. En effet, depuis les années 1990, plusieurs plans d’actions ont déjà été mis en place, comme l’opération de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI) ou encore les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat (OPAH).3 Face à l’urgence de l’insalubrité de ses quartiers dégradés, la Métropole Européenne Lilloise (MEP) a été sélectionnée en 2009 dans le cadre de l’appel à projets du Projet National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD) lancé par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU). Ainsi, depuis avril 2010, la MEP ainsi que les collectivités de Lille, Roubaix et Tourcoing ont décidé la création d’un nouvel outil métropolitain de réaménagement urbain, sous la forme d’une Société Publique Locale d’Aménagement (SPLA), La fabrique des quartiers. Celle-ci a pour vocation de piloter « toutes les actions qui concourent à la requalification et à la revitalisation des quartiers d’habitat ancien dégradés »4 et assure la coordination et la mise en œuvre opérationnelle du projet dans le cadre d’une concession d’aménagement d’une durée de dix ans. En février 2012, la Métropole Lilloise et l’ANRU signent une convention permettant la déclinaison du programme national PNRQAD en un programme d’échelle métropolitaine, qui se prénomme désormais le Programme Métropolitain de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PMRQAD). Celui-ci concerne cinq sites de six communes de la métropole : la route de l’Octroi à Armentières et Houplines ; le 3. Equipe Pile Fertile, Pile fertile. Cultivons l’autre face, La fabrique des quartiers, 2013, 128p. Consulté en ligne : https://pierrebernard-architectes.com/wp-content/ uploads/2019/08/PILE-FERTILE-methode.pdf 4. La fabrique des quartiers, « Nous connaître » http://www.lafabriquedesquartiers.fr/nous-connaitre-un-outilmetropolitain
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secteur Simons à Lille-Sud ; le site Bayard à Tourcoing : le Crétinier à Wattrelos ; enfin, le quartier du Pile à Roubaix. C’est ce dernier quartier qui nous intéressera tout particulièrement et qui constituera le terrain d’expérimentation du projet qui y sera présenté ci-après au travers de ce livret. Au sein du projet du PMRQAD, le Pile représente près de 50% du budget global de la concession d’aménagement.5 Cet investissement majoritaire révèle l’état avancé de dégradation du quartier et témoigne de l’urgence d’y intervenir. Enfin, depuis 2013, la ville de Roubaix a débuté les premières phases du PMRQAD dans son quartier dégradé, avec pour maîtrise d’œuvre l’équipe du Pile fertile. Si celui-ci prône une rénovation en collaboration avec les habitants du quartier, les décisions concernant la démolition de certaines maisons encore habitées a été prise sans aucune concertation avec les ménages concernés.6 Cette politique de rénovation urbaine menée finalement de manière opaque, a engendré un sentiment d’incompréhension chez les Pilets, donnant lieu à la création d’une mobilisation citoyenne. Ainsi, malgré la mutation de la politique de la ville, telle que sanctionnée par la promulgation de la loi Lamy en 20147, de fortes contradictions subsistent entre les discours institutionnels et les pratiques déployées sur le terrain. En témoignent ces nombreuses mobilisations citoyennes. Ainsi, à travers ce livret, nous chercherons à répondre aux interrogations suivantes : comment concevoir une rénovation 5. Op. cit. Equipe Pile Fertile, 2013 6. Ce point sera davantage détaillé dans le chapitre « Le Pile fertile, un dernier espoir pour le Pile ? » 7. Loi n°2014-13 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Loi qui visant à réduire les écarts de développements entre les quartiers défavorisés et les unités urbaines en favorisant les projets de co-construction avec les habitants par la mise en place de Conseils citoyens.
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urbaine qui ne considère pas la démolition comme seule solution aux problèmes sociaux d’un territoire ? Comment mettre en place une rénovation urbaine en relation étroite avec les habitants d’un quartier ? En d’autres termes, comment faire avec ce qui est déjà là, les bâtiments existants et les habitants encore présents ? Dans une première partie, nous tâcherons d’analyser le contexte historique, urbain et social de Roubaix et du Pile, afin d’en dégager les enjeux qui se posent actuellement sur ce territoire. Enfin, dans une seconde partie, nous développerons une méthode de rénovation urbaine, qui se pose comme alternative à celle qui est actuellement en place.
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01 // Le Pile, un quartier déshérité
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Roubaix fait partie de ces villes du Nord de la France ayant connu un grand développement économique et démographique à la seconde moitié du XIXème siècle, grâce à la Révolution industrielle. Cette ancienne bourgade agricole a vu son territoire être métamorphosé par l’implantation de nombreuses firmes textiles dans son tissu urbain, lui valant ainsi les surnoms de « Capitale de la laine »8 ou encore de « Manchester française »9. Considérée pendant longtemps comme la première usine de France, Roubaix changea cependant totalement de visage dans les années 1970, par le phénomène de désindustrialisation qui s’en est suivi. Aujourd’hui considérée comme la ville la plus pauvre de France10, elle concentre à elle seule de nombreux dysfonctionnements sociaux liés à cet évènement : près de 45% de sa population vit sous le seuil de pauvreté et 30,9% est au chômage.11 Le Pile est un des quartiers les plus anciens de la ville, et qui comme Roubaix, connaît aujourd’hui un destin tragique. Quartier le plus pauvre de la ville la plus pauvre de France, le Pile concentre les problèmes urbains, économiques et sociaux. Les données y sont encore plus alarmantes que celles de la commune en général : 50% des Pilets vivent sous le seuil de pauvreté, 40% sont au chômage et 50% de son parc de logements privés est considéré comme potentiellement indigne.12 Ainsi, nous tâcherons de dégager les enjeux qui se posent aussi bien urbanistiquement que socialement au Pile, pour définir par la suite, une méthodologie de rénovation urbaine adaptée aux problématiques de ce territoire singulier. 8. DAVID Michel, DURIEZ Bruno, LEFEBVRE Rémi, VOIX Georges (dir.), Roubaix. 50 ans de transformations urbaines et de mutations sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2006, 296p. 9. Ibid. 10. Cf. Rapport Compas 2011 du taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France. 11. Données de l’INSEE en 2014. 12. Données de l’INSEE en 2017.
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Carte de Roubaix
Source : Production personnelle
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Plan de situation du Pile
Source : Production personnelle
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A. Roubaix, la ville aux milles cheminées Quand l’industrie façonne la ville Roubaix a longtemps été considérée comme un symbole de l’extraordinaire croissance de la France au milieu du XIXème siècle. En 1800, la petite bourgade roubaisienne dénombre 8300 habitants dans sa population locale, un chiffre qui se verra être quadruplé entre 1800 et 1850, jusqu’à atteindre les 124 365 habitants en 1901, apogée de sa croissance démographique.13 Cette hausse s’explique par un apport notable de l’immigration venant des campagnes, mais aussi en provenance de la proche Belgique.14 Ces vagues d’immigrations trouvent leur explication dans le changement économique qui frappa la ville au XIXème siècle, par l’implantation de nombreuses firmes textiles sur son territoire. Ainsi, au début du XXème siècle, on dénombre près de 200 usines textiles, qui feront de Roubaix le premier centre français de laine peignée, représentant à lui seul 60% de la production de tissu de laine française en 1910.15 Le centre urbain de Roubaix se construit alors selon un urbanisme de 13. TELLIER Thibault, « Le développement urbain de Roubaix dans la première partie du XXème siècle. » DAVID Michel, DURIEZ Bruno, LEFEBVRE Rémi, VOIX Georges (dir.), Roubaix. 50 ans de transformations urbaines et de mutations sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2006, 296p. 14. PETILLON Chantal, « Roubaix, une ville industrielle nourrie d’immigration belge. » DAVID Michel, DURIEZ Bruno, LEFEBVRE Rémi, VOIX Georges (dir.), Roubaix. 50 ans de transformations urbaines et de mutations sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2006, 296p. 15. MAITTE Corinne, DE OLIVEIRA Matthieu, MINARD Philippe (dir.), La gloire de l’industrie, XVIIe-XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 342p.
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productivité, entremêlant à la fois usines et logements pour la maind’œuvre ouvrière, qui donnera naissance aux îlots usine-logements caractéristiques du tissu du faubourg industriel roubaisien. Dans la première moitié du XIXème siècle, les entrepreneurs textiles ont joué un rôle essentiel dans la croissance urbaine de Roubaix. En effet, l’implantation de leurs firmes dans le paysage roubaisien – sur d’anciennes parcelles agricoles – a nécessité l’arrivée d’une nouvelle main-d’œuvre sur le territoire, qu’il a fallu par la suite loger. Ainsi, sont-ils à l’origine de l’édification des premiers logements ouvriers dans la ville, s’organisant selon deux typologies d’habitat singulières : les forts et les courées.
Les forts, une typologie féodale Les forts, par leur organisation urbaine et sociale, reposent sur un système que l’on pourrait qualifier de « féodal »16. En effet, ces îlots se composent de maisons mitoyennes successives alignées sur rue, construites au pied de « l’’usine-château »17. Ces logements s’étendent sur trois niveaux, dont un sous-combles, et s’organisent de la manière suivante : la pièce au rez-de-chaussée constitue la pièce à vivre, le premier étage héberge deux chambres, et le dernier niveau fait office de grenier, ou dans certains cas, est aménagé en une voire deux chambres.18 Par ailleurs, chaque maison possède en principe son jardin privatif, dans lequel la famille ouvrière peut subvenir à ses besoins vivriers. 16. DELFINI Antonio, « Désindustrialisation. Tout changer pour que rien ne change ? » ADAM Matthieu, COMBY Emeline (dir.), Le capital dans la cité. Une encyclopédie critique de la ville, Paris, Editions Amsterdam, 2020, 462p. GRENIER Lise, WIESER-BENEDITTI Hans, Les châteaux de l’industrie – recherches sur l’architecture de la région lilloise de 1830 à 1930, Paris-Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1979, 307p. 17. Ibid. 18. Cf. Plans des maisons ouvrières type 1930 p.23.
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Ces maisons ont été construites par le patronat et représentent une manière de concilier ses intérêts avec ceux des ouvriers, en leur permettant d’accéder à un logement à peu de frais, dans lequel ils peuvent y loger toute leur famille. Par ailleurs, cette proximité avec leur lieu de travail leur offre une économie de temps.19 Cependant, cette proximité ne semble jouer qu’en la faveur des industriels, au détriment des ouvriers, dont la vie s’organise autour de deux temporalités : la journée étant consacrée au travail à l’usine, et le temps libre à celui de la vie familiale dans le logement.
Les courées, symbole de la précarité ouvrière Les courées arrivent quant à elles plus tardivement dans le paysage urbain, et contrairement aux maisons ouvrières des forts, ne sont pas édifiées par les patrons textiles20. En effet, la croissance démographique ne cessant de grimper, la demande en logement pour les ouvriers arrivants est alors de plus en plus accrue. Cela n’a pas été sans conséquence sur l’urbanisme roubaisien, qui a dû s’adapter et répondre à une demande urgente en logements, que les maisons mitoyennes des forts ne parvenaient plus à satisfaire. Ainsi, certains corps de métier de la classe moyenne, tels que les artisans ou commerçants, ont profité de cette aubaine pour rentabiliser leur foncier en bâtissant leurs fonds de parcelles.21 A cette période, seules les constructions donnant sur le front de rue nécessitaient une autorisation préalable. Ainsi, il était aisé pour ces petits propriétaires d’y construire des logements, qu’ils pourraient par la suite louer aux ouvriers arrivants. Des courées voient alors le jour en cœur d’îlots, organisées selon deux bandes de petites maisons successives – qui dans de rares 19. PROUVOST Jacques, “Les courées à Roubaix”, Revue du Nord, n°201, 1969, pp.307-316 20. Ibid. 21. Ibid.
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cas possèdent un jardinet – séparées par une impasse centrale les reliant directement à la rue. Elles s’étendent sur deux niveaux, et sont construites sans salle d’eau ni WC privatifs, qui se situent dans une petite baraque indépendante au logement, et qui sont partagés par tous les habitants d’une même courée. Les courées sont alors le symbole de la précarité sociale de la population ouvrière, dont les logements, par leur étroitesse et vétusté, sont devenus rapidement insalubres. Ainsi, les courées bien qu’elles aient été une réponse urgente à un besoin accru en logements ouvriers, ont surtout été pour les propriétaires de la classe moyenne une opportunité de rentabilité foncière.
Une politique contre l’insalubrité du logement ouvrier Ce ne sera seulement qu’à partir du début du XXème siècle que le périmètre urbain de Roubaix sera remis en question. Désormais, la ville s’étend jusqu’au secteur Cartigny à l’Est, aux secteurs Fresnoy et Favreuil à l’Ouest et enfin au Petit Baumont, au Pile et aux Trois Ponts au Sud. Cette extension marque un tournant dans l’évolution urbaine de la ville. Jusqu’ici, sa croissance démographique consécutive à son développement industriel n’avait jamais fait l’objet d’expansion territorial. L’état des logements ouvriers étaient dès lors devenu à cette période très préoccupant. En effet, pour lutter contre l’insalubrité des logements qui sévissait alors, une commission municipale est créée afin de procéder à un état des lieux.22 Les résultats sont alarmants et les rapports de logements individuels insalubres sont de plus en plus nombreux. Ainsi, la nécessité de déployer à Roubaix une politique pour contrer l’insalubrité de l’habitat devient primordiale. Cela donnera lieu à la création de nouvelles percées pour aérer les îlots déjà construits, et concernant l’aménagement des nouveaux 22. Op. cit. TELLIER Thibault, 2006
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quartiers au Sud, il sera décidé de dissocier les îlots résidentiels des îlots industriels, contrairement à ce qui prévalait dans le centre-ville. C’est ainsi que les quartiers Sud deviendront à majorité résidentiels, comme c’est le cas du Pile par exemple.
Plans et coupe d’une maison ouvrière type 1930 Source : Production personnelle d’après les documents des Archives de la ville de Roubaix
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Les îlots usines-logements : caractéristiques du tissu urbain roubaisien
1. L’îlot Pierre de Roubaix
Source : Production personnelle
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2. L’îlot Roussel
Source : Production personnelle
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L’évolution des îlots en lanières : la colonisation des coeurs d’îlots
1. Axonométrie d’un îlot en lanière au moment de sa construction
2. Axonométrie d’un îlot en lanière aujourd’hui Source : Productions personnelles
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XIXème siècle
Changement du mode de vie des habitants
Maisons étroites et profondes construites à l’origine sans salle d’eau. Jardin situé en fond de parcelle permettant aux ouvriers de subvenir à leurs besoins alimentaires.
Aujourd’hui
Construction d’extensions par les propriétaires pour agrandir leur logement. Saturation du coeur d’îlot, problèmes d’éclairage naturel et de ventilation des logements.
Source : Productions personnelles
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B. Le Pile, un grand ensemble horizontal Roubaix face à la désindustrialisation et à l’économie néolibérale Les villes industrielles du Nord, spécialisées dans la production sidérurgique, textile, minière, mécanique ou construction navale, ont vu leur économie bouleversée par deux phénomènes concomitants, à savoir la désindustrialisation, ainsi que la mutation de la sphère économique dans le régime de ce que l’on nomme couramment « l’économie néolibérale » ou « le capitalisme tardif »23. Ainsi, Roubaix incarne ce passage de la ville industrielle à la ville postfordiste, qui n’aura pas été sans lourdes conséquences pour la population ouvrière locale.24 En effet, l’importation d’objets fabriqués à moindre coût de main-d’œuvre par des pays émergents a engendré une forte concurrence mondiale. Les industriels ont alors dû mettre au point de nouvelles stratégies de restructuration, notamment en délocalisant leurs entreprises et en sous-traitant leur production dans des pays où la main-d’œuvre y était moins onéreuse. Ce phénomène de délocalisation a engendré la fermeture de nombreuses usines, entrainant un processus d’enfrichement des quartiers industriels. Les politiques urbaines s’orientent alors très vite vers des stratégies d’attractivité pour leur territoire, notamment à destination d’entreprises et d’habitants susceptibles d’apporter de nouveaux capitaux, et ainsi redorer leur blason. Ces politiques 23. JAMESON Fredric, Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 2011, 608p. 24. A l’échelle de l’agglomération roubaisienne, ce sont 30 000 emplois ouvriers qui disparaissent entre 1968 et 2015. Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire, Paris, Editions Amsterdam, 2019, p.12
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conçoivent la ville comme une entité productrice de richesses, répondant aux besoins des cadres et jeunes actifs qualifiés, au détriment des populations ouvrières. En effet, cela va passer par la patrimonialisation des friches industrielles déchues, qui se verront être transformées par leur propriétaires en des centres culturels ou commerciaux. C’est par exemple le cas de la Condition Publique25 à Roubaix, cette ancienne usine lainière reconvertie en laboratoire artistique par Patrick Bouchain en 2003, ou encore de l’usine Motte-Bossut, réhabilitée en équipement, le Centre des archives du monde du travail. Enfin, les espaces urbains populaires ont également subi les conséquences de ces changements économiques brutaux, comme les quartiers anciens, dont le Pile fait partie. Ces quartiers se sont lourdement paupérisés et abritent une population précaire, qui y vit par relégation. Ainsi depuis une quarantaine d’années, ces espaces font l’objet de grands projets de transformations urbaines mené par l’ANRU, accompagnés sur le volet social par la mise en place d’une politique de la ville, dans le but de réduire l’inégalité de ces territoires avec leurs centres urbains plus développés.
Le travail de subsistance, un moyen de survie pour les classes populaires Les quartiers populaires sont ainsi considérés comme des espaces ghettoïsés, qui subissent les conséquences de la désindustrialisation et concentrent aujourd’hui de nombreux problèmes sociaux : délinquance, pauvreté et chômage. Néanmoins, il est vrai que la tertiarisation économique a largement participé à la paupérisation des classes populaires. Dans le cas du Pile, les chiffres y sont alarmants. En 2014, près de 45% de sa population vit sous le seuil de pauvreté, 30,9% est au chômage et 33% sont considérés comme 25. La Condition Publique se situe au Nord du quartier du Pile.
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« inactifs » dans les statistiques.26 Mais alors, « Qu’est devenu le travail après la fermeture des usines ? Que fait le travail à la vie des gens – y compris à celles et ceux classés comme “chômeurs” et “inactifs” dans les statistiques ? »27 C’est à ces questions que le collectif Rosa Bonheur28 tente de répondre à travers une enquête ethnographique menée dans les quartiers populaires roubaisiens sur une durée de cinq ans – de 2011 à 2015 - publiée en 2019. Ainsi, les travaux de ce collectif ont-ils permis d’enrichir une analyse critique de la ville, du travail et des rapports sociaux de classe par une approche compréhensive des classes populaires, qui sort des représentations habituelles. Rosa Bonheur a cherché à comprendre comment ces populations, qui vivent aux marges du salariat depuis la fermeture des industries, parviennent-elles à vivre et à subvenir à leurs besoins. Comme une des clés à cette interrogation, le collectif développe dans son ouvrage le concept de « travail de subsistance ». Celui-ci prend la forme d’emplois plus ou moins officiels, tels que les garages à ciel ouvert, les chantiers de réhabilitation des maisons ouvrières, les soins portés aux personnes de l’entourage, la récupération et le recyclage d’objets déclassés, ou encore la recherche de commerces à petits prix pour les besoins alimentaires quotidiens. Ce travail omniprésent, indispensable à la survie économique de ces habitants, se construit collectivement et repose sur des logiques d’échanges, comme le souligne les chercheurs : « Transitant par des espaces aux marges des institutions et des marchés, un travail de subsistance s’organise désormais sur la base de réseaux de réciprocité familiaux, amicaux, de voisinage ou communautaires, qui jouent un rôle d’amortisseur social et économique d’une crise structurelle. »29 Ainsi, le 26. Données de l’INSEE en 2014. 27. Op. cit. Collectif Rosa Bonheur, 2019, p.10 28. Collectif composé de six maîtres.ses de conférence en sociologie et géographie. 29. Op. cit. Collectif Rosa Bonheur, 2019, p.37
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travail ne s’est pas perdu dans ces territoires, mais il revêt une tout autre forme – plus ou moins formelle – qui peut prendre place aussi bien dans la rue, qu’au domicile ou encore dans les espaces devenus vacants depuis la désindustrialisation.
Naissance d’une centralité populaire Un deuxième concept avancé dans l’ouvrage est celui de « centralité populaire ». En effet, le travail de subsistance participe très clairement à la production de l’espace urbain populaire. Il se déploie dans des espaces du quartier façonnés par et pour les classes populaires. Ainsi, le quartier constitue une centralité populaire, puisque c’est en lui que les habitants puisent les ressources nécessaires à leur subsistance, tels que le travail, le logement mais aussi les ressources relationnelles. Les espaces populaires étudiés se caractérisent, comme la majorité du tissu urbain roubaisien, par une imbrication des espaces industriels enfrichés avec les espaces résidentiels. Cette imbrication transforme alors la rue et le voisinage en des supports de relation de travail et d’échange économique. Par exemple, certains habitants, qui possèdent des compétences dans le domaine mécanique, se sont spécialisés dans la réparation automobile. Cette pratique peut aussi bien prendre place directement dans la rue, ou dans des espaces vacants, qu’ils réinvestissent pour leur travail. Ainsi, ces friches permettent-elles aux habitants qui n’ont pas forcément les moyens financiers d’aller chez un garagiste classique, de pouvoir bénéficier de réparations. Par ailleurs, il est courant dans ces quartiers d’y voir s’organiser des marchés aux puces, lors desquels sont revendus des objets et matériaux à moindre coût. Mais encore, certaines femmes pratiquent la coiffure à domicile, permettant encore une fois à ces populations d’accéder à des services qu’elles ne peuvent pas s’offrir habituellement.
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Par exemple, l’enquête révèle que le processus de production de l’espace bâti s’effectue par le biais du logement. En effet, beaucoup de maisons individuelles sont extrêmement dégradées30, et sont alors facilement accessibles financièrement à l’achat pour les classes populaires. Ainsi, beaucoup des habitants du quartier travaillent sur la rénovation de ces maisons, que ce soit pour les habiter par la suite, ou les louer à d’autres ménages. Ainsi, la centralité populaire permet donc de produire à la fois des échanges de service et des échanges matériels et constitue « un système d’entraide et d’appartenance locale qui favorise un processus d’autonomisation dans la sphère productive et de consommation. »31
30. 50% du parc de logement privé est considéré comme indigne au Pile selon les données de l’INSEE de 2017. 31. Op. cit. Collectif Rosa Bonheur, 2019, p.17
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Graphique comparatif des données sociales du Pile avec celles de Roubaix et de la Métropole Européenne lilloise
Source : INSEE 2017
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C. Le Pile fertile, un dernier espoir pour le Pile ? Depuis 2013, la ville de Roubaix en association avec la Métropole Européenne lilloise, développe sur le quartier du Pile le Programme Métropolitain de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés, piloté par la SPLA La fabrique des quartiers. Celui-ci a donné lieu à la mise en place d’un dialogue compétitif afin de sélectionner la future équipe de maîtrise d’œuvre en charge du projet de renouvellement urbain du quartier. La première phase de ce dialogue compétitif a permis de confronter les différentes réflexions des trois équipes en compétition, issues de leurs échanges avec les habitants et les associations du quartier. A l’issue de cette première phase, c’est le projet « Cultivons l’autre face » porté par l’équipe du Pile fertile – dirigée par l’architecte urbaniste Pierre Bernard – qui a été lauréate.
Le Pile fertile, un projet en co-production Ce projet se refuse à proposer un masterplan « classique », mais propose une méthode répondant à l’enjeu de permettre au Pile de « redevenir un quartier ordinaire (ou comment la pauvreté n’est plus un marqueur du Pile) »32. Par l’élaboration d’une méthode plus que d’un véritable plan, le Pile fertile met premièrement le doigt sur l’impuissance des pouvoirs publics quant à la participation des citoyens aux projets de rénovation urbaine, et deuxièmement, pointe le fait que la réponse à la dégradation de ce quartier ne repose pas tant sur des problématiques relatives aux formes urbaines, mais davantage sur des manières de faire, et donc sur une méthode basée sur des principe de co-production : « La méthode que nous proposons est fondée sur l’ambition de placer les habitants du Pile au cœur du 32. Op. cit. Equipe Pile Fertile, 2013, p.11
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processus de conception et de réalisation dont ils ne sont ordinairement que les spectateurs. »33 Selon eux, ces formes de co-production doivent être accompagnées d’un système de gouvernance permettant de révéler le pouvoir de capacitation34 des habitants du Pile.
Une utopie participative face à la réalité technique En 2013 débutent les premières opérations dans le quartier. L’équipe de maîtrise d’œuvre décide d’y organiser un premier évènement avec les habitants afin de réaliser avec eux un « diagnostic en marchant » dans les rues du Pile. Cet atelier révèle notamment un manque d’espaces publics et de végétation, ainsi qu’un encombrement des rues par le stationnement des voitures. Par ailleurs, suite à la démolition de l’usine de la Teinturerie depuis 2001, le Pile accueille un grand espace en friche. Ce foncier représente l’opportunité d’aménager un nouvel espace public et de végétaliser le quartier, en y implantant un parc. Dès lors, l’équipe du Pile fertile organise une réunion à laquelle se joignent une cinquantaine d’habitants, afin de recueillir les préconisations des usagers quant aux futurs usages de ce parc, et les fédérer autour d’un projet commun. Si ce premier volet de l’opération aura connu un fervent succès auprès des Pilets, le dispositif participatif connaît une certaine limite en ce qui concerne la transformation des îlots en lanière, comme le souligne l’architecte et doctorante en aménagement du territoire Pauline Chavassieux.35 En effet, le Pile fertile souhaite mettre en place un système d’accompagnement des habitants concernant 33. Op. cit. Equipe Pile fertile, 2013, p.12 34. Cf. Mémoire En Rue vs Anru, 2021 35. CHAVASSIEUX Pauline, « L’intégration du projet urbain dans un tissu social en décroissance : le cas du quartier du Pile à Roubaix », Actes du colloque des 20èmes rencontres internationales en urbanisme de l’APERAU : « Que reste-t-il du projet ? approches, méthodes et enjeux communs », 2018
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l’auto-réhabilitation de leurs logements actuellement vétustes et insalubres.36 Néanmoins, dans une volonté hygiéniste d’aération des îlots, qui aujourd’hui sont fermés, les architectes-urbanistes préconisent la démolition de 36 maisons37 afin de créer des percées et de réintroduire des espaces végétalisés qui permettront aux habitants de profiter de jardins partagés.
Opération « Maisons à un euro avec travaux » Par ailleurs, le 21 mars 2018, la municipalité lance dans ses quartiers anciens dégradés une opération intitulée « Maisons à 1 euro avec travaux ». En contrepartie, les nouveaux propriétaires devront y réaliser des travaux de réhabilitation, qu’ils auront le choix de mener seuls ou avec des entreprises spécialisées dans la construction. Celleci est portée par l’aménageur La fabrique des quartiers, responsable de la rénovation urbaine du Pile. Sur 17 maisons proposées par la municipalité, 4 d’entre elles n’ont pas trouvé d’acquéreur, et se situent au Pile. Ce résultat s’avère peu étonnant. En effet, les politiques d’expropriations menées par la ville depuis plusieurs années pour racheter les maisons vacantes du quartier a très largement participé à sa dégradation. Fermeture des commerces de proximité, maisons ouvrières murées, tout ceci a fait perdre au Pile son « esprit de village »38 qui y régnait auparavant. Si ce dispositif a permis à 10 ménages à faibles revenus39 d’accéder à la 36. Les îlots des maisons en lanières sont composés d’un amoncellement de petites maisons en briques de type 1930, mitoyennes et étroites, construites à l’origine avec une petite parcelle de jardin, et qui au fil des années ont été colonisées par les extensions auto-construites des habitants, désireux d’agrandir leur espace de vie. 37. Cf. plan masse du projet du PMRQAD du Pile. 38. Propos d’un habitant du Pile. ROXO Lucas, PILLAN Simon, Pile, permis de démolir, 2018, 71 minutes 39. Personnes éligibles à l’accession sociale ainsi qu’aux subventions de l’Agence nationale de l’habitat.
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propriété, il s’avère néanmoins inadapté à un tel quartier, qui à l’état actuel, ne donne pas à ce stade encore envie à de nouveaux ménages de s’y installer. Ainsi, cette politique ambitieuse lancée par la municipalité, s’avère être un échec, et n’aura pas participé au renversement d’image du Pile.
La Table de quartier : un contre-pouvoir populaire Enfin, les différentes politiques d’expropriation et d’expulsion qui ont eu lieu en amont des projets de démolitions prévus par le PMRQAD – décidés sans concertation avec les habitants – constituent pour les Pilets une violence en leur donnant le sentiment de ne pas être des « interlocuteurs ou interlocutrices »40 de la rénovation urbaine en cours, mais plutôt comme « des problèmes à résoudre »41. Ainsi, le projet de création de percées proposé par le Pile fertile a fait apparaître des craintes chez les habitants du quartier. En effet, certains ont finalement appris que leur maison était menacée par la destruction, et qu’ils risquaient de perdre l’usage de leur logement. En 2014, en réaction à ces décisions nouvelles, une Table de quartier se monte au Pile, portée par l’association de quartier Association Nouveau Regard sur la Jeunesse (ANRJ) – créée et installée dans le Pile depuis 2004 – ainsi que l’Université Populaire et Citoyenne de Roubaix. Les Tables de quartier sont des espaces citoyens qui s’inscrivent dans une expérimentation nationale lancée en 2014 par la Fédération nationale des centres sociaux et la coordination des
40. Collectif Hiatus, « Pile : permis de démolir. Documenter les mobilisations face à la rénovation urbaine », Métropolitiques, 15 avril 2019 41. Ibid.
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quartiers populaires « Pas sans nous »42. Ces tables ont pour but de rassembler différents acteurs intermédiaires d’un territoire – associations locales, commerçants, centres sociaux – et les habitants afin de mettre en place des campagnes permettant d’améliorer concrètement la vie de la population. Ces organisations qui agissent en toute indépendance des pouvoirs publics – contrairement aux Conseils citoyens institutionnels – « incarne[nt], par conséquent, la volonté de passer d’une logique de participation descendante imposée par les institutions […], à une logique plus ascendante, à l’initiative de la “ société civile ” »43. Ainsi, la Table de quartier du Pile devient la caisse de résonance des revendications habitantes en ce qui concerne les décisions de transformation et d’aménagement de leur territoire, en s’érigeant comme une forme de contre-pouvoir, au risque éventuel de s’ériger eux-mêmes en médiateurs institués de cause habitante. Le documentaire Pile, permis de démolir44 tourné entre janvier et juillet 2017 – soit quatre années après le lancement du PMRQAD – retrace cette lutte entre les Pilets et les acteurs de la rénovation urbaine. Les réalisateurs ont eu l’occasion de recueillir la parole de nombreux habitants concernant leurs revendications, et éclaire sur la fracture entre les pouvoirs publics et eux. Les habitants s’interrogent : pourquoi démolir des maisons encore habitées alors qu’il y a suffisamment de maisons murées dans le quartier ? Cette friction entre les deux parties ne s’arrangera pas à la suite de l’édiction de la Déclaration d’Utilité Publique en 2017, qui donne le 42. Le collectif « Pas Sans nous » a été co-fondé par Mohammed Mechmache en 2014 à la suite de la publication du rapport Bacqué-Mechmache en 2013 pour la réformisation de la politique de la ville. Ainsi, il prône le concept de capacitation des habitants en jouant le rôle de syndicat des quartiers populaires auprès des pouvoirs publics. 43. TALPIN Julien, « Une répression à bas bruit. Comment les élus étouffent les mobilisations dans les quartiers populaire », Métropolitiques, 22 février 2016 44. Op.cit. ROXO Lucas, PILLAN Simon, 2018
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droit d’exproprier les habitants malgré leur volonté de rester ou leur désaccord quant au prix de rachat de leur bien.45
45. Op.cit. ROXO Lucas, PILLAN Simon, 2018
Plan des interventions du PMRQAD au Pile
Source : Production personnelle à partir des documents de La fabrique des quartiers
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Documentaire Pile, permis de démolir
Source : Affiche du documentaire Pile, permis de démolir (2018)
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Journal de la Table de quartier du Pile - Sainte Elisabeth
Source : Table de quartier du Pile, Université Populaire et Citoyenne, 1er numéro, , 17 octobre 2016
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Le Pile aujourd’hui : commerces fermés, maisons murées
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Source : Photographie personnelle, octobre 2020
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Le Pile aujourd’hui : commerces fermés, maisons murées
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Les vestiges de l’époque industrielle
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Source : Photographie personnelle, octobre 2020
Source : Photographie personnelle, octobre 2020
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Les enjeux de la future rénovation urbaine
Le quartier du Pile, qui a été façonné par une forte culture du travail au moment de l’essor industriel, a également été profondément déstructuré par son déclin. Le processus de désindustrialisation qui s’amorce au tournant des années 1970 a profondément affecté son paysage urbain et mis au centre des préoccupations locales l’enjeu de la rénovation urbaine et de la requalification de l’habitat ouvrier insalubre. Toutefois, si le projet lauréat Pile fertile met en avant une méthode prônant la collaboration et la participation des habitants du Pile pour mettre en œuvre la rénovation urbaine, celui-ci ne semble pas y intégrer l’ensemble des moyens déployés par les classes populaires pour leur subsistance. La réhabilitation des îlots en lanière par l’équipe du Pile fertile soulève deux enjeux. Premièrement, un enjeu d’aération et de rénovation des îlots de maisons ouvrières à l’échelle urbaine et architecturale. Deuxièmement, ces choix urbains de démolition revêtent, d’une certaine manière, un enjeu de gentrification du quartier, en évinçant une partie de la population locale – par les politiques successives d’expropriations nécessaires à la mise en place de ces démolitions – pour y importer par la suite une nouvelle population issue de classes sociales plus favorisées. Ainsi, ce premier travail d’analyse permet de révéler les nombreux enjeux qui se jouent au Pile aujourd’hui. Tout d’abord, comment y concevoir réellement une rénovation urbaine, en coopération avec les habitants qui seraient désireux d’améliorer leur cadre de vie ? Mais aussi, comment rénover le Pile en trouvant une alternative à la démolition des maisons encore habitées qui n’ont pas été murées
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par la politique d’expropriation ? Ou encore, comment intégrer au projet urbain les dispositifs alternatifs de subsistance inventés par les habitants pour subvenir à leurs besoins ? Finalement, comment réenvisager en tout autre terme la notion même de production de l’urbain, en relation aux mutations économique et sociale d’aujourd’hui ?
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02 // Une nouvelle face pour le Pile
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A la suite des enjeux qui ont été présentés précédemment, il s’agira dans cette partie de proposer un protocole de rénovation urbaine alternatif à celui déjà en cours depuis 2013 au Pile. Ce protocole fictif s’inscrit dans la continuité d’une démarche réflexive des méthodes institutionnelles de rénovation urbaine, que j’ai initié à l’occasion de l’étude des chantiers de design participatif du collectif En Rue à Saint-Pol-sur-Mer. Ici, il s’agira davantage de proposer une méthode – plus qu’un plan masse figé – qui, par l’implication des Pilets dans le processus de conception du projet, aurait la possibilité d’être enrichie et réadaptée à chacune des étapes qu’elle propose. Par ce protocole, l’idée sera de repenser le rôle de l’architecte dans les projets publics, qui, par ses connaissances techniques fera office de conseiller des habitants, mais aussi de médiateur ou d’intercesseur en quelque sorte, en prenant en compte leurs revendications. L’architecte serait celui qui propose aux habitants des espaces généreux, qu’ils pourront par la suite s’approprier aisément. Dans un premier temps, ce protocole expérimental sera étudié sur le site des îlots en lanières, mais il pourra être par la suite développé et réadapté à d’autres îlots du quartier concernés par la rénovation urbaine.
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Une rénovation urbaine en coopération
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Phase 01 : Formation des îlots coopératifs
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La démarche La première phase du protocole consistera à établir un projet urbain sur la base de ce qui est déjà existant dans les îlots en lanières : les maisons encore habitées, les maisons vacantes murées, mais aussi les habitants toujours présents. Il s’agira de considérer les îlots en lanières non plus comme un regroupement de petites entités privées et individuelles, mais comme un bien commun à tous les habitants d’un même îlot. Ainsi, à l’aune des enjeux présentés précédemment, le système coopératif semble être approprié à un quartier comme le Pile, pour les nombreux avantages qu’il propose. En effet, les habitants d’une même coopérative sont collectivement propriétaires de parts sociales dans la coopérative. Lorsqu’un habitant quitte la coopérative, ce n’est pas la valeur foncière du logement qui est revendue, mais la part sociale. Ainsi, il représente un verrou à la spéculation foncière, protège les propriétaires précaires – comme peuvent l’être des habitants du Pile – et permet aux ménages en difficulté d’accéder plus facilement à la propriété. Enfin, le système coopératif repose sur un principe communautaire par lequel les différents membres se réunissent autour de valeurs et de convictions partagées spécifiques à l’élaboration d’un commun.46
46. Ce point sera davantage développé dans la suite du chapitre.
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La coopérative La rénovation des îlots coopératifs se déroulera dans le cadre juridique similaire à celui de l’habitat participatif, puisqu’il s’agira de concevoir la réhabilitation des logements en co-construction avec les habitants. Les projets d’habitats participatifs sont encadrés par la loi ALUR47 promulguée en 2014. Cette nouvelle loi a fait apparaître deux nouveaux statuts juridiques permettant aux habitants d’obtenir le rôle de maîtrise d’ouvrage : les « sociétés d’autopromotion »48 et les « sociétés coopératives d’habitants »49. Si ces deux statuts possèdent des définitions juridiques semblables, leur différence réside par l’utilisation des termes de « jouissance » et de « propriété » dans les objectifs fixés par la loi. En effet, les sociétés d’autopromotion délivrent à ses membres associés un accès individuel à la propriété, tandis que les sociétés coopératives d’habitants leur donnent le droit d’usage d’un logement, la propriété du foncier appartenant collectivement à la coopérative. Ainsi, si les sociétés d’autopromotion correspondent à une communauté d’intérêts de la conception jusqu’à l’achèvement des travaux, les sociétés coopératives reposent quant à elles davantage sur un système communautaire dont les fondements s’inscrivent dans la perpétuation du commun. C’est ce dernier qui sera choisi pour l’élaboration du protocole de rénovation urbaine.
47. Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové promulguée par la ministre de l’égalité des territoires et du logement Cécile Duflot. 48. Art. L. 202-1 de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. 49. Ibid. Art. L. 201-1.
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« Art. L. 201 – 2. – [Les sociétés coopératives d’habitants] ont pour objet de fournir à leurs associés personnes physiques la jouissance d’un logement à titre de résidence principale et de contribuer au développement de leur vie collective dans les conditions prévues au présent article. » Source : Art. L. 201-2 de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
« Art. L. 202-2. – [Les sociétés d’attribution et d’autopromotion] ont pour objet de fournir la propriété ou la jouissance d’un logement à titre de résidence principale et d’entretenir et animer les lieux de vie collective qui y sont attachés. »
Source : Art. L. 202-2 de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
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Faisceau de droits associés aux acteurs en fonction de leur statut
Source : Production personnelle d’après les travaux d’Elinor Ostrom
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La gouvernance Une fois la coopérative d’habitants formée, les associés doivent établir une structure de gouvernance qui assurera sa bonne gestion et sa pérennisation dans le temps.50 Les associés coopérateurs et les habitants membres de la coopérative se partageront le bien commun qu’est l’îlot en lanière. Ainsi, suivant leur statut au sein de l’organisation, les différents acteurs se verront attribuer des droits correspondants : accès et prélèvement, gestion, exclusion et aliénation.51 Ces droits seront inscrits dans la charte de la coopérative qui explicitera les règles de gestion et de fonctionnement des bâtis et des espaces partagés. Chaque nouveau membre devra y adhérer au moment de son adhésion. Ainsi, pour pouvoir jouir de son logement, il faut dans un premier temps adhérer au système de vivre-ensemble de la communauté.
50. Cf. CORIAT Benjamin (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2015, p.38 « [Les communs désignent] des ensembles de ressources collectivement gouvernés, au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre partenaires participants au commun (commoners) et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme. » 51. Faisceau de droits associés aux différents membres de la coopérative d’après les travaux de recherches d’Elinor Ostrom. OSTROM Elinor, Governing the commons : The Evolution of Institutions for Collective Action, New York, Cambridge University Press, 1990
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Habitat coopératif et commun L’habitat coopératif peut être à mon sens qualifié de commun, par le fait qu’il est constitué dès sa création, d’un projet d’habitat conçu collectivement, par une communauté s’étant réunie autour de valeurs socio-politiques partagées. L’économiste britannique Elinor Ostrom, qui a longtemps travaillé sur cette notion, émet l’hypothèse de l’existence de Common-Pool Ressources (CPR), des biens communs constitué de « stock », dans lesquels peuvent être prélevées des « unités ». Dans le cas des îlots concernés par le protocole de rénovation urbaine, ces ensembles de maisons ouvrières constitueraient le « stock », composé des unités que sont les maisons ouvrières. Il y a donc ici, une dissociation entre propriété foncière et celle du bâti. Aussi, Ostrom a développé au cours de ses recherches les huit principes nécessaires, mais non suffisants, à la soutenabilité d’un CPR dans le temps.52 Par ailleurs, l’économiste Benjamin Coriat a procédé à une actualisation de la définition de commun telle que faite par Ostrom, qui, selon lui, repose sur trois critères.53 Premièrement, la « ressource », qui est donc l’objet du commun. Deuxièmement, la nature des droits et des obligations des participants de la ressource. Troisièmement, le système de gouvernance qui lui est associé et qui assurera le respect des droits et des obligations relatifs aux membres du commun. Enfin, les chercheurs Pierre Dardot et Christian Laval avancent la thèse de la portée politique du commun, comme « une nouvelle institution générale des sociétés »54 alternative au système néolibéral, par le développement d’un mode d’action coopératif. Ainsi, ils 52. Op. cit. OSTROM Elinor, 1990 53. CORIAT Benjamin (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2015, p.38 54. DARDOT Pierre, LAVAL Christian, Commun. Essai sur la révolution au XXIème siècle, La Découverte, Paris, 2014, 600p.
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définissent le commun comme « le nom d’un régime de pratiques, de luttes, d’institutions, et de recherches ouvrant sur un avenir non capitaliste »55. Ainsi, l’habitat coopératif permet de faire évoluer la réflexion sur la notion de commun, par le prisme de l’architecture, dans ses dimensions économique, sociale et politique.
55. Op.cit. DARDOT Pierre, LAVAL Christian, 2014, p.17
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Source : Production personnelle
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Co-construire la rénovation urbaine Dans un premier temps, un espace dédié aux discussions et aux débats autour de la transformation urbaine et architecturale sera implanté au sein de chaque îlot en lanière coopératif. Cet espace accueillera régulièrement des ateliers de co-conception réunissant architectes-urbanistes en charge du projet de rénovation et habitants membres de la coopérative. Ainsi, ils débattront collectivement des décisions urbaines à venir. Tout d’abord, l’équipe de maîtrise d’œuvre initiera un premier travail de relevé de l’existant : maisons habitées et maisons vacantes murées. Cette première étude permettra de dégager un plan des interventions possibles sur l’îlot, qui seront ensuite présentées à l’assemblée constituée d’habitants, et pourra être revu et discuté en fonction des revendications de chacun. Néanmoins,
l’équipe
de
maîtrise
d’œuvre
privilégiera
la
conservation du bâti existant, et n’aura recours à la déconstruction de bâtis seulement sur les maisons relevées comme « vacantes » et seulement si cela est justifié par des choix urbains cohérents – création de percées, passages en cœur d’îlot depuis la rue, aération des cœurs d’îlots.
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Proposition d’interventions urbaines sur les îlots en lanières
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Source : Production personnelle
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Phase 02 : Le chantier habité
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La démarche
La situation des maisons ouvrières des îlots en lanières encore habitées est préoccupante. En effet, ces maisons bâties à la fin du XIXème siècle n’ont depuis subi peu, voire aucuns travaux de rénovation. Leurs propriétaires – se trouvant dans une situation financière précaire – n’ont de ce fait pas eu les moyens de les remettre aux normes de construction en vigueur, notamment pour ce qui est relatif aux performances thermiques. Ainsi, il paraît urgent d’y intervenir en premier lieu, afin de permettre à leurs habitants de vivre dans de bonnes conditions. La démarche présentée ci-après, privilégie l’auto-construction dans l’optique de mettre à profit le temps du chantier en valorisant les savoir-faire locaux et en donnant toute sa place à l’éducation populaire dans le quartier. L’intervention sur ces maisons devra être rapide afin d’éviter aux ménages de vivre des situations de relogement trop importantes.
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Source : Production personnelle
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La maison coopérative, lieu de la permanence architecturale
Afin d’assurer une rénovation sur-mesure pour chacune des maisons, une permanence architecturale se tiendra dans l’équipement construit à cet effet : la maison coopérative. Elle sera animée par l’équipe de maîtrise d’œuvre en charge de la rénovation urbaine. Ce nouveau lieu constituera un point de diffusion et de réflexion locale autour de la réhabilitation des logements ouvriers. Des réunions y seront organisées avec les habitants concernés afin de définir avec eux les modifications à venir de leur logement en fonction de leurs moyens et de leurs besoins. Par ailleurs, pour les habitants volontaires, il leur sera possible de participer aux travaux de rénovation de leur logement, et ils seront accompagnés tout du long du processus par l’architecte en permanence. Ce volet de la rénovation des logements pourra être organisé avec une structure spécialisée dans la réinsertion professionnelle.
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Proposer un plan qui s’adapte aux besoins de chacun L’architecte en charge de la permanence architecturale travaillera sur un plan de logement fonctionnel mais qui saura aussi s’adapter au mieux aux besoins de chaque ménage – familles nombreuses, familles monoparentales…
1. Des espaces généreux, appropriables
Ainsi, afin de permettre aux logements de jouir d’espaces de vie les plus généreux possibles malgré l’étroitesse des maisons, l’idée sera de proposer une bande « technique » qui concentrera les circulations verticales ainsi que les pièces qui nécessitent des gaines d’eau (cuisine, salle de bain, WC). Cette disposition des espaces en plan permettra à la partie libre d’être organisée différemment selon les besoins de chacun : grandes pièces à vivre, deux chambres voire quatre chambres (cf. Plans des différentes propositions)
2. Une intervention « légère »
L’intervention architecturale concernant les maisons se voudra être la plus « légère » possible afin d’éviter aux habitants un déplacement prolongé à l’extérieur de leurs logements. Celle-ci se concentrera sur des travaux de second œuvre pour résoudre les problématiques thermiques actuelles des maisons, par la pose d’une isolation, ou encore le repositionnement des circulations verticales pour maximiser la fonctionnalité des espaces. Aussi, un travail sur les toitures pourra être envisagé, afin de permettre aux pièces se trouvant sous les combles de profiter d’apports lumineux naturels et de les rendre ainsi plus facilement habitables.
3. Un jardin retrouvé
Chaque logement possèdera son propre espace de jardin privé – comme cela était prévu à l’origine au moment de la construction des maisons – que les habitants auront le choix de laisser ouvert ou non sur le jardin en cœur d’îlot, qu’ils se partageront avec tous les membres de la communauté.
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Produire plan schématique
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Phase 03 : Les choques collectives
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La démarche
Les maisons devenues vacantes par la politique d’expropriation menée par la ville de Roubaix représenteront l’opportunité de diversifier les typologies du parc de logements actuelles du quartier. D’après le diagnostic des îlots en lanières, les maisons vacantes sont regroupées en choques541 de deux, trois, voire quatre maisons. Ainsi, ces différentes choques proposeront des logements collectifs aux typologies variées (du T2 au T5), ainsi que des espaces partagés aux habitants d’une même choque. Ces nouveaux logements seront proposés à de nouveaux habitants du quartier aux revenus modestes, qui sont donc éligibles à des aides sociales pour le logement. Ces constructions neuves privilégieront l’utilisation de matériaux biosourcés, tels que le bois, et offriront des espaces propices à la vie en communauté.
54. La choque est un groupe de maisons identiques édifiées à l’initiative d’un propriétaire foncier à l’époque industrielle.
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Des logements appropriables
Les typologies des logements collectifs réinterpréteront la trame originelle des maisons en lanières. Ils seront organisés en duplex et s’étendront sur le premier et le deuxième niveau, afin de pouvoir installer des espaces collectifs auto-gérés dans les rez-de-chaussée. Sur le même principe que les maisons individuelles, les logements collectifs disposeront d’une bande « technique » regroupant à la fois circulations verticales et pièces techniques. Cette disposition permettra aux habitants de bénéficier d’un logement traversant, orienté Nord-Sud. Par ailleurs, les espaces de vie de ces logements pourront être prolongés par une terrasse partagée avec les autres habitants de la choque, qu’ils pourront s’approprier collectivement. Le second niveau du logement abritera des espaces plus privés, comme les chambres et la salle de bain.
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Des espaces auto-gérés pour intégrer le travail de subsistance
Comme nous avons pu le voir au cours de l’analyse du territoire dans le premier chapitre de ce livret, le travail de subsistance développé par les classes populaires est très ancré dans le quartier. Le projet propose alors d’intégrer à l’espace urbain et bâti ces réseaux économiques et d’échanges, par l’implantation d’espaces auto-gérés par les habitants de la coopérative aux rez-de-chaussée des choques. Les usages des ces espaces seront définis par les habitants de la coopérative, et la maîtrise d’œuvre prévoira les travaux nécessaires à réaliser. Ces espaces auto-gérés permettront de ne plus voir les îlots comme un ensemble monoprogrammatique résidentiel, mais proposeront désormais une diversité d’usages, qui participeront à l’autonomie de subsistance des habitants.
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Source : Production personnelle
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Phase 04 : L’appropriation
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La démarche
La dernière phase du projet de transformation des îlots en lanières se concentrera sur les espaces extérieurs. Maintenant que la communauté est reformée et relogée, il ne reste plus aux habitants qu’à habiter et s’approprier les « lieux communs ». Par la démolition des extensions auto-construites et des murets séparatifs en limite parcellaire, les îlots bénéficient de cœurs libres et dégagés, qui permettront à leurs habitants de jouir d’un espace public végétalisé – qui est peu présent actuellement dans le quartier. Ce grand jardin central sera partagé à la fois par tous les habitants de la coopérative, mais sera aussi accessible pour les autres habitants du quartier qui ne sont pas membres de la coopérative. Cela permettra d’éviter le sentiment d’entre-soi qui peut être reproché aux projets communautaires.
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Organisation de chantiers de design participatif Des réunions de concertation seront organisées avec les habitants de la coopérative, afin de définir les usages qu’accueillera ce grand jardin. Par ailleurs, des sessions de chantiers participatifs pourront être organisées pour co-construire avec les habitants les futurs mobiliers et aménagements du parc. Ces ateliers pourraient également faire intervenir des artistes en résidence à la Condition Publique pour développer avec les habitants des projets d’art citoyen. Ces chantiers pourraient également être conçus en lien avec les différents ateliers autogérés de la coopérative, et permettront de fédérer autour d’un projet commun les membres de coopérative, et les autres habitants du Pile externes à la coopérative.
La maison coopérative, un lieu pédagogique A la fin du chantier de transformation des îlots, la maison coopérative sera un lieu propice pour exposer de l’histoire de la coopérative. Ces expositions retraceront les différentes étapes du protocole de rénovation urbaine qui a été expérimenté tout au long de ces années. Elle pourrait être un laboratoire des méthodes de rénovation urbaines alternatives, pensées en co-construction, et pourra accueillir différents évènements et débats autour de ces enjeux, afin de faire évoluer les pratiques institutionnelles. Ainsi, elle permettra de faire rayonner les expériences éprouvées durant ces chantiers, et démontrera qu’il est possible de faire autrement. Les îlots coopératifs ne fonctionnent pas comme des entités autonomes et indépendantes, mais ils s’ouvriront au contraire sur le reste du quartier, le reste de la ville et le reste de la métropole lilloise, dont certains quartiers anciens se trouvent dans des situations urbaines et sociales similaires à celles connues par le Pile.
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Conclusion
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En introduction de ce rapport, nous demandions comment concevoir une rénovation urbaine qui compose avec le « déjà-là » d’un territoire, c’est-à-dire son bâti et ses habitants. Cette interrogation sous-tend deux autres questions. Comment intégrer et faire participer les citoyens, habitants, usagers aux projets publics de transformations urbaines ? Ou encore, comment réadapter le rôle de l’architecte, de la maîtrise d’œuvre dans ce type de commande publique ? Ce présent livret se veut être une proposition à ces différents enjeux qui se posent, par la méthodologie qu’il propose. L’architecte n’est plus seulement celui qui dessine et décide, mais participe à l’implantation d’espaces politiques, de débat, qui permettront d’ouvrir et d’intégrer la parole habitante. Il permet ainsi de développer sur les territoires populaires des projets qui se pensent et se construisent collectivement. Ainsi, l’architecte participe à faire des habitants, non plus de simples spectateurs, mais de réels acteurs de la transformation de leur quartier, en considérant, valorisant et mettant à profit les savoirs et savoir-faire dont ils sont doués. C’est par un rapport de proximité avec un territoire – que permet par exemple le système de permanence architecturale – qu’il lui sera possible de cerner les enjeux singuliers que revêt la rénovation urbaine. Ce protocole propose de ne pas figer la requalification d’un quartier par un plan, mais permet, par sa souplesse, d’accueillir l’imprévu, et d’intégrer les possibles évolutions et adaptations liées à la singularité du territoire. Ainsi, cet exercice de projet de fin d’étude, croisé avec l’exercice d’écriture du mémoire, fut pour moi l’opportunité de réfléchir une autre manière de concevoir le projet d’architecture. C’est par la relation étroite de la pratique et de la recherche, que l’architecte peut inventer des outils qui feront évoluer les mentalités et les pratiques institutionnelles.
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Ma participation à certains chantiers du collectif En Rue à Saint-Polsur-Mer, m’ont permis de prendre conscience des enjeux évoqués plus tôt. Enfin, je conclurai ce travail sur ces mots de Simone et Lucien Kroll, qui résument toute la nécessité de repenser la posture de l’architecte aujourd’hui, et qui ouvrent la voie que je souhaiterais prendre après l’école d’architecture : « Notre atelier a toujours calculé, rusé, trompé, manipulé les évènements pour leur faire produire de la complexité. Il l’a souvent atteinte par la participation d’usagers, méthodique ou romantique, pourvu qu’elle produise des arguments de temps et de lieu, qui puissent interdire la monotonie de la répétition qui plaisent tant à la génération actuelle d’architectes et de Maîtres de l’Ouvrage. Cette passion de la complexité provient d’une façon de voir les “habitants” non comme une marchandise ou un prétexte, mais comme un réseau infiniment précieux de relations, d’actions, de comportements, d’empathies qui forment lentement un tissu urbain. C’est ce réseau qui devient “matériau d’architecture”. A bas la machine ! Il se fait que nous sommes architectes et non médecins, mais où est la différence ? »552
55. BOUCHAIN Patrick (dir.), Simone et Lucien Kroll : une architecture habitée, Arles, Actes SUD, 2013, 360p.
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Références
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Chantiers de design participatif Collectif En Rue // Saint-Pol-sur-Mer (2017 - 2021)
Le collectif En Rue est une association pluridisciplinaire composée d’habitants, d’un acteur culturel, de travailleurs sociaux, d’architectes, de sociologues ou encore d’artistes - qui développe différentes actions participatives. Celles-ci prennent place dans les espaces publics des résidences HLM Guynemer - Jean Bart de la commune de Saint-Pol-sur-Mer, non loin de Dunkerque. En effet, depuis 2014, ce quartier populaire est soumis au Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain
(NPNRU) mené par l’Agence Nationale de Rénovation
Urbaine (ANRU). L’En Rue est un projet collectif né en réaction à cet évènement, menaçant plusieurs bâtiments d’habitat social à la destruction. Ainsi, le collectif a entrepris depuis 2017 de nombreux chantiers de co-construction avec ses habitants pour réaménager les espaces publics des résidences sociales. Ces actions entendent expérimenter une nouvelle manière de concevoir la rénovation urbaine, davantage inclusive et participative. L’En Rue, c’est un projet fait par les habitants, pour les habitants.
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Source : Photographie personnelle, juillet 2020
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Granby Four Streets Collectif Assemble // Liverpool (2013 )
Granby Four Streets est un projet communautaire visant à reconstruire Granby, un quartier de Liverpool, qui a fait l’objet de projet de rénovation urbaine depuis plusieurs décennies. Ce quartier, autrefois animé, abritait une population socialement et ethniquement diversifiée. Plusieurs rues de Granby ont été démolies à la suite du projet de rénovation urbaine, sauf quatre qui n’ont pas été concernées par ces transformations. Néanmoins, elles ont fini par subir peu à peu les conséquences des travaux de régénération : de plus en plus de maisons vacantes, et de moins en moins d’habitants restants, dispersant alors la communauté originelle du quartier. En réaction à ces évènements, un groupe de résidents a décidé d’entreprendre des actions créatives, afin de sortir ces rues de l’abandon et les réutiliser. Pendant vingt ans, ils ont défriché, planté, peint et fait campagne pour reconquérir leurs rues. En 2011, les résidents de Granby se sont lancés dans une forme novatrice de propriété foncière communautaire, le Granby Four Streets CLT, dans le but de redonner vie à des maisons vides en tant que logements abordables. Le collectif britannique Assemble a travaillé avec Granby Four Streets CLT et Steinbeck Studios pour présenter une vision durable et progressive pour le quartier qui s’appuie sur le travail acharné déjà effectué par les résidents locaux et se traduit par la remise à neuf des logements, des espaces publics et la fourniture de nouveaux travaux et opportunités d’entreprise. Le résultat de cette vision a été la réalisation de plusieurs projets dont 10 Maisons sur la rue Cairns, Granby Winter Garden et Granby Workshop.
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Source : Collectif Assemble
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Ilot Stephenson Construire // Tourcoing (2008-2012)
Le quartier Stephenson à Tourcoing est un espace résiduel d’une opération nommée « Zone de l’Union », un vaste ensemble foncier intra-urbain d’environ 73 hectares situé sur le territoire de trois villes, Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. Il s’agit d’un ancien ensemble industriel et habité devenu friche, à la suite des crises de la métallurgie et du textile. L’ensemble du site fait l’objet d’un projet de renouvellement urbain ambitionnant de devenir un immense éco-quartier comprenant de l’habitat, des entreprises et un réseau d’espaces verts. A partir de l’année 2000, un plan d’aménagement est mis en place, puis le scénario présenté par les architectes Reichen et Robert remporte le marché de définition lancé en 2003. L’opération débute par une phase d’acquisitions foncières par la Société d’économie mixte (SEM) « Ville renouvelée », puis par un certain nombre de démolitions. De nombreux habitants, déjà démoralisés par la perte de leurs emplois, quittent alors leurs habitations. Certains habitants du quartier Stephenson, personnes âgées ou chômeurs, fondent une association « Rase pas mon quartier ». Celle-ci, présidée par Marguerite Parent, retraitée, obtient de haute lutte que ces maisons soient conservées. La SEM confie alors une mission préalable à la structure Notre Atelier Commun animée par Patrick Bouchain, pour donner un contenu programmatique au maintien de ce quartier et élaborer un processus de réalisation. Elle est aujourd’hui prolongée par une mission de maîtrise d’œuvre ayant les finalités suivantes : curage des maisons abîmées, accompagnement des habitants restés sur place dans leurs projets et leurs travaux de remise aux normes et de transformation de leurs maisons, accompagnement identique des projets des nouveaux habitants, construction de certaines parcelles vacantes, réalisation des espaces partagés, élaboration d’un schéma global d’organisation de l’îlot assurant l’insertion du projet Stephenson dans le projet global de l’Union.
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Source : Construire - Architectes
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Ensemble à Boulogne-sur-Mer Construire, Sophie Ricard // Boulogne-sur-Mer (2010 - 2013)
A Boulogne-sur-Mer, le quartier du Chemin Vert fait l’objet d’un vaste projet de renouvellement urbain piloté par l’ANRU, qui a causé de nombreuses démolitions, à tel point que le maire de la commune formule le souhait d’épargner la rue August-Delacroix. Dans cette rue délaissée par les bailleurs sociaux abrite une population fortement précarisée : anciens marins-pêcheurs, retraités, gens du voyages sédentarisés… Ces familles habitent cette rue depuis plusieurs générations et se sont fortement appropriés ce territoire, par le biais de bricolage de rue, d’économie de la débrouille, ou encore d’extensions auto-construites dans les jardins privés. Ainsi, l’équipe de l’agence Construire propose le pari suivant : rénover les maisons de cette rue pour le prix de la démolition. Sophie Ricard, alors jeune architecte, sera chargée d’habiter une des maisons à rénover, et accompagnera ces habitants dans la transformation de leur logement par la mise en place d’une permanence architecturale.
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Source : Construire - Architectes
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Architectes de quartier à l’Ile-Saint-Denis Association Ici! // Ile-Saint-Denis (2011 - 2019)
Le projet de l’association ICI ! est né de la collaboration de cinq étudiants en architecture pour leur projet de fin d’étude. Leur travail questionne la place de la participation habitante dans la fabrication de la ville, en prenant comme postulat la nécessaire mise en place d’actions permettant d’échapper à une forme de démocratie participative passive. Ils ont alors choisi pour terrain d’expérimentation le quartier sud de l’Île-Saint-Denis, qui est soumis depuis plusieurs années au NPNRU. Ainsi, cet exercice de projet abouti à la création de leur association, ICI !, pour concrétiser leurs intentions de projet sur ce territoire, par la mise en place d’une permanence architecturale. Ainsi, leur démarche se déploie selon trois principes directeurs : 1. Cultiver les ressources, en valorisant le déjà là d’un territoire (ressources matérielles, ressources immatérielles et ressources vivantes) 2. Créer une culture commune par l’imaginaire commun et des moments collectifs 3.. « Culture projet » , s’appuyer sur des ressources et une culture commune pour imaginer le futur.
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Source : Association ICI!
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La Borda Cooperativa d’arquitectes Lacol // Barcelone (2017 - 2018)
Réalisé en collaboration avec le cabinet d’architecture Lacol, le complexe résidentiel La Borda à Barcelone est un bel exemple d’organisation d’usagers unis pour lutter contre la spéculation immobilière. À une période et dans un quartier de la ville particulièrement propices aux modèles communautaires, la Cooperativa d’arquitectes Lacol a, en quelque sorte, appliqué son approche professionnelle au projet architectural La Borda. La Borda est une émanation du réaménagement de Can Batlló, un ancien site industriel textile désaffecté du sud-ouest de Barcelone transformé en centre culturel dans le cadre d’un projet participatif lancé en 2011. Dans le cadre d’un modèle innovant de « permis d’utilisation », la coopérative de La Borda a le droit d’utiliser le terrain pendant 75 ans, en échange d’une cotisation annuelle. Le projet a été développé dans le cadre d’un processus démocratique conforme avec l’objectif de La Borda de créer une communauté axée sur l’égalité. La Borda a non seulement fourni à ses membres des logements sûrs et plus abordables, mais est également un exemple de réponse à des besoins urgents de logements via une alternative plus équitable aux modèles traditionnels d’accès à la propriété et de location.
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Source : Institut Municipal de l’Habitatge i Rehabilitacio de Barcelona
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Bibliographie
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Ouvrages ADAM Matthieu, COMBY Emeline (dir.), Le capital dans la cité. Une encyclopédie critique de la ville, Paris, Editions Amsterdam, 2020, 462p. BOUCHAIN Patrick (dir.), Simone et Lucien Kroll : une architecture habitée, Arles, Actes SUD, 2013, 360p. Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire, Paris, Editions Amsterdam, 2019, 240p. CORIAT Benjamin (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2015, p.38 DAVID Michel, DURIEZ Bruno, LEFEBVRE Rémi, VOIX Georges (dir.), Roubaix. 50 ans de transformations urbaines et de mutations sociales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2006, 296p. GRENIER Lise, WIESER-BENEDITTI Hans, Les châteaux de l’industrie – recherches sur l’architecture de la région lilloise de 1830 à 1930, Paris-Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1979, 307p. JAMESON Fredric, Le Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 2011, 608p. MAITTE Corinne, DE OLIVEIRA Matthieu, MINARD Philippe (dir.), La gloire de l’industrie, XVIIe-XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 342p. OSTROM Elinor, Governing the commons : The Evolution of Institutions for Collective Action, New York, Cambridge University Press, 1990
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Chapitres d’ouvrages CHAVASSIEUX Pauline, « L’intégration du projet urbain dans un tissu social en décroissance : le cas du quartier du Pile à Roubaix », Actes du colloque des 20èmes rencontres internationales en urbanisme de l’APERAU : « Que reste-t-il du projet ? approches, méthodes et enjeux communs », 2018
Articles de revues PROUVOST Jacques, “Les courées à Roubaix”, Revue du Nord, n°201, 1969, pp.307-316 Collectif Hiatus, « Pile : permis de démolir. Documenter les mobilisations face à la rénovation urbaine », Métropolitiques, 15 avril 2019 [Consulté le 25/03/2021] https://metropolitiques.eu/Pile-permis-de-demolir-Documenterles-mobilisations-face-a-la-renovation.html TALPIN Julien, « Une répression à bas bruit. Comment les élus étouffent les mobilisations dans les quartiers populaire », Métropolitiques, 22 février 2016 [Consulté le 16/10/2020] https://metropolitiques.eu/Une-repression-a-bas-bruit-Commentles-elus-etouffent-les-mobilisations-dans.html Equipe Pile Fertile, Pile Fertile, cultivons l’autre face, La fabrique des quartiers, 2013
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Mémoires
LAPERDRIX Paul, « L’habitat participatif un projet commun. L’habitat participatif, l’affirmation de formes de commun par la loi ALUR et son application.», Mémoire de fin d’étude, sous la direction d’Elisabeth Mortamais et Emmanuel Doutriaux, ENSA Paris Val-de-Seine, 2018, 120p.
Filmographie ROXO Lucas, PILLAN Simon, Pile, permis de démolir, 2018, 71 minutes
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Table des matières
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Merci........................................................................5 Sommaire.................................................................6 Avant-propos.................................................................8
Des conseils citoyens aux mobilisations citoyennes....10
01 Le Pile, un quartier déshérité...........................14 A. Roubaix la ville aux milles cheminées...............16 Quand l’industrie façonne la ville............................16 Les forts, une typologie féodale................................18 Les courées, symbole de la précarité ouvrière..............19 Une politique contre l’insalubrité du logement...........20 B. Le Pile, un grand ensemble horizontal.........................26 Roubaix face à la désindustrialisation et l’économie néolibérale...............................................................26 Le travail de subsistance, un moyen de survie pour les classes populaires.................................................27 Naissance d’une centralité populaire.......................29 C. Le Pile fertile, un dernier espoir pour le Pile ?...................32 Le Pile ferile, un projet en co-production.................32 Une utopie participative face à la réalité technique...33 Opération « Maison à un euro avec travaux » .........34 La Table de quartier : un contre-pouvoir populaire...35
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Les enjeux de la future rénovation urbaine.......................46
02 Une nouvelle face pour le Pile......................48 Phase 01 : Formation des îlots coopératifs........................52 La démarche.........................................................53 La coopérative.......................................................56 La gouvernance.....................................................59 Habitat coopératif et commun.................................60 Co-construire la rénovation urbaine.........................63 Phase 02 : Le chantier habité............................................66 La démarche.........................................................67 La maison coopérative, lieu de la permanence architecturale......................................................69 Proposer un plan qui s’adapte aux besoins de chacun............................................................70 Phase 03 : Les choques collectives..................................72 La démarche.........................................................73 Des logements appropriables.................................75 Des espaces auto-gérés pour intégrer le travail de subsistance......................................................76 Phase 04 : L’appropriation................................................78 La démarche.........................................................79 Organisation de chantiers de design participatif.......80
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La maison coopérative, un lieu pédagogique............80
Conclusion..................................................82
Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .88 Bibliographie....................................................................102
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Le Pile, quartier le pauvre de la ville la plus pauvre de France, appartient depuis 2013 au Programme Métropolitain de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés. Ce projet de renouvellement urbain, qui préconise la démolition de plusieurs maisons ouvrières encore habitées, a sucité l’incompréhension et la colère des habitants du quartier qui n’ont pas été concertés lors de ces prises de décisions. Ce présent rapport est le résultat d’une démarche réflexive
sur
les
méthodes
institutionnelles
de
rénovation urbaine et pose les questions suivantes : comment composer avec le déjà là d’un territoire, aussi bien son bâti, que ses habitants, ou encore les dispositifs économiques et sociaux alternatifs existants ? Dès lors, comment faire de ces composantes un « matériau d’architecture » ? Enfin comment réadapter le rôle de la maîtrise d’oeuvre dans ce type de commande publique, tout en rendant les habitants réellement acteurs de la transformation de leurs lieux de vie ?