Bilingues et artistes 2018 juin n°18

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Bilingues et artistes

POÉSIE ENGAGÉE, QUAND LES POÈTES SE LÈVENT LA BANDE DESSINÉE LE CRAYON AU SERVICE D’UNE CAUSE

N° 18

L’Art Engagé

CINÉMA FÉMINISTE QUAND LES FEMMES LIBÈRENT L’ÉCRAN


La Promise, RenĂŠ Magritte, 1966

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Édito Par Idil D. CHANGER LE MONDE Peut-être devrions nous commencer par le Monde. Il est précieux : il comporte les couleurs, les idées, l’amitié, les paysages, les soirs d’été, la glace à la vanille, la musique et le rire ; il est beau grâce et en dépit de nous. Il est imparfait, aussi, car nous le sommes. Voici ce que nous pouvons appeller les Gros Problèmes : la pauvreté, la discrimination, la solitude, la violence, la guerre, le terrorisme, l’ignorance. Ils s’opposent aux Petits Problèmes : un paquet de chips seulement à moitié rempli à l’achat, perdre dix minutes à chercher la télécommande, se rendre compte trop tard que tout est fermé le dimanche. Ces derniers sont faciles à résoudre, mais il faut beaucoup de courage et de détermination pour affronter les premiers. Souvent, en pensant aux Gros Problèmes, nous sommes pris dans un nuage d’impuissance complète contre le malheur des autres. Parfois, face aux fléaux universels que nous partageons, et qui mènent, d’une petite échelle jusqu’à l’humanité entière, le mal de la masse infligé sur la masse, nous préférons penser à autre chose. Néanmoins, il existe des individus têtus et honnêtes qui laissent leur marque sur un acte charitable ou un sourire : les artistes engagés contre toutes choses nocives. Nous vous invitons à voyager à travers les récits de Simone de Beauvoir, Delacroix, Malala, Wajdi Mouawad, Bob Marley, les street artists …….. Que cela vous mette de bonne humeur Et vous incite à changer le monde… Cheers,

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Sommaire

P2: Préface des éditeurs P6: Les expos du moment P9: Mémoire d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir P14: Delacroix, la liberté guidant l’artiste P18: Le cinéma féministe, quand les femmes libèrent l’écran P22: L’engagement dans la BD P30: La poésie engagée P33: Le dernier jour d’un condamné, Victor Hugo P36: Le Street-art engagé

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Subodh Gupta à la Monnaie de Paris:

LES EXPOS DU MOMENT Par Gabrielle M.

Une expo originale d’art contemporain par cet artiste indien qui utilise les objets du quotidien, de son pays, les transforme et les assemble au sein du magnifique bâtiment du Musée de la Monnaie. Rien que pour le lieu, ça vaut le détour ! Infos pratiques : Jusqu’au 26 août, gratuit pour les - de 18 ans. Du mardi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le mercredi jusqu'à 21h.

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Artistes et Robots au Grand Palais

présente les œuvres de 20 robots artistes qui nous interrogent : “Un robot pourrait-il se substituer à un peintre ou un sculpteur ?” Découvrez les œuvres d’art (tableaux, musique, sculptures etc…) générées par des robots et des logiciels d’ordinateurs programmés pour être des artistes. Une thématique d’actualité à aller explorer ! Infos pratiques : Jusqu’au 9 juillet. Billets sur le site du Grand Palais. Horaires : Dimanche, lundi, jeudi, vendredi, samedi de 10h à 20h. Le mercredi 10h- 22h. Fermé le mardi.

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Rodin et la Danse au Musée Rodin est une

belle expo à aller voir pour un moment plein de douceur qui fait plaisir aux yeux. Infos pratiques : Jusqu’au 22 juillet, ouvert tous les jours de 10h à 17h45 sauf le lundi. Voir sur le site pour + d’infos.


Mémoire d’une Jeune fille rangée, Simone de Beauvoir Préface: Idil D. Simone de Beauvoir lutta difficilement à travers son cercle natal, le milieu bourgeois catholique serré pour échapper à l’oppression patriarcale et familiale qui courrait (et court) dans les veines de la société française de l’époque pour devenir une femme, une vraie, émancipée et indépendante. Les origines de Simone de Beauvoir, bien décrites dans cet ouvrage, pointent cependant vers son œuvre principale, Le Deuxième Sexe, dit le texte fondateur du féminisme.

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Première Partie Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail. Sur les photos de famille prises l’été suivant, on voit de jeunes dames en robe longues, aux chapeaux empanachés de plumes d’autruche, des messieurs coiffés de canotiers et de panamas qui sourient à un bébé : ce sont mes parents, mon grand-père, des oncles, des tantes, et c’est moi. Mon père avait trente ans, ma mère vingt et un, et j’étais leur premier enfant. Je tourne une page de l’album; maman tient dans ses bras un bébé qui n’est pas moi; je porte une jupe plissée, un béret, j’ai deux ans et demi, et ma sœur vient de naître. J’en fus, paraît-il, jalouse, mais pendant peu de temps. Aussi loin que je me souvienne, j’étais fière d’être l’aînée : la première. Déguisée en chaperon rouge, portant dans mon panier galette et pot de beurre, je me sentais plus intéressante qu’un nourrisson cloué dans son berceau. J’avais une petite sœur : ce poupon ne m’avait pas. De mes premières années, je ne retrouve guère qu’une impression confuse : quelque chose de rouge, et de noir, et de chaud. L’appartement était rouge, rouges la moquette, la salle à manger Henri II, la soie gaufrée qui masquait les portes vitrées, et dans le cabinet de papa les rideaux de velours; les meubles de cet antre sacré étaient en poirier noirci; je me blottissais dans la niche creusée sous le bureau, je m’enroulais dans les ténèbres ; il faisait sombre, il faisait chaud et le rouge de la moquette criait dans mes yeux. Ainsi se passa ma toute petite enfance. Je regardais, je palpais, kkkkkkkkkk

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j’apprenais le monde, à l’abri. C’est à Louise que j’ai dû la sécurité quotidienne. Elle m’habillait le matin, me déshabillait le soir et dormait dans la même chambre que moi. Jeune, sans beauté, sans mystère puisqu’elle n’existait — du moins je le croyais — que pour veiller sur ma sœur et sur moi, elle n’élevait jamais la voix, jamais elle ne me grondait sans raison. Son regard tranquille me protégeait pendant que je faisais des pâtés au Luxembourg, pendant que je berçais ma poupée Blondine, descendue du ciel une nuit de Noël avec la malle qui contenait son trousseau. Au soir tombant elle s’asseyait à côté de moi et me montrait des images en me racontant des histoires. Sa présence m’était aussi nécessaire et me paraissait aussi naturelle que celle du sol sous mes pieds. Ma mère, plus lointaine et plus capricieuse, m’inspirait des sentiments amoureux; je m’installais sur ses genoux, dans la douceur parfumée de ses bras, je couvrais de baisers sa peau de jeune femme; elle apparaissait parfois la nuit, près de mon lit, belle comme une image, dans sa robe de verdure mousseuse ornée d’une fleur mauve, dans sa scintillante robe de jais noir. Quand elle était fâchée, elle me « faisait les gros yeux »; je redoutais cet éclair orageux qui enlaidissait son visage; j’avais besoin de son sourire. Quant à mon père, je le voyais peu. Il partait chaque matin pour le « Palais », portant sous son bras une serviette pleine de choses intouchables qu’on appelait des dossiers. Il n’avait ni barbe, ni moustache, ses yeux étaient bleus et gais. Quand il rentrait le soir, il apportait à maman des violettes de Parme, ils hsjjhsjdhsj

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s’embrassaient et riaient. Papa riait aussi avec moi ; il me faisait chanter : C’est une auto grise... ou Elle avait une jambe de bois ; il m’ébahissait en cueillant au bout de mon nez des pièces de cent sous. Il m’amusait, et j’étais contente quand il s’occupait de moi ; mais il n’avait pas dans ma vie de rôle bien défini. La principale fonction de Louise et de maman, c’était de me nourrir ; leur tâche n’était pas toujours facile. Par ma bouche, le monde entrait en moi plus intimement que par mes yeux et mes mains. Je ne l’acceptais pas tout entier. La fadeur des crèmes de blé́ vert, des bouillies d’avoine, des panades, m’arrachait des larmes ; l’onctuosité des graisses, le mystère gluant des coquillages me révoltaient ; sanglots, cris, vomissements, mes répugnances étaient si obstinées qu’on renonça à les combattre. En revanche, je profitais passionnément du privilège de l’enfance pour qui la beauté́, le luxe, le bonheur sont des choses qui se mangent ; devant les confiseries de la rue Vavin, je me pétrifiais, fascinée par l’éclat lumineux des fruits confits, le sourd chatoiement des pâtes de fruits, la floraison bigarrée des bonbons acidulés ; vert, rouge, orange, violet : je convoitais les couleurs elles-mêmes autant que le plaisir qu’elles me promettaient. J’avais souvent la chance que mon admiration s’achevâ̂t en jouissance. Maman concassait des pralines dans un mortier, elle mélangeait à une crème jaune la poudre grenue ; le rose des bonbons se dégradait en nuances exquises : je plongeais ma cuiller dans un coucher de soleil. Les soirs où mes parents recevaient, les glaces du salon multipliaient les feux d’un lustre de cristal. kkkkk 12


Maman s’asseyait devant le piano à queue, une dame vêtue de tulle jouait du violon et un cousin du violoncelle. Je faisais craquer entre mes dents la carapace d’un fruit déguisé́, une bulle de lumière éclatait contre mon palais avec un goût de cassis ou d’ananas : je possédais toutes les couleurs et toutes les flammes, les écharpes de gaze, les diamants, les dentelles ; je possédais toute la fête. Les paradis où coulent le lait et le miel ne m’ont jamais alléchée, mais j’enviais à Dame Tartine sa chambre à coucher en échaudé́ : cet univers que nous habitons, s’il était tout entier comestible, quelle prise nous aurions sur lui ! Adulte, j’aurais voulu brouter les amandiers en fleur, mordre dans les pralines du couchant. Contre le ciel de New York, les enseignes au néon semblaient des friandises géantes et je me suis sentie frustrée…

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DELACROIX, LA LIBERTÉ GUIDANT L’ARTISTE Par Nikolas K.

Portrait d’Eugène Delacroix par Thales Fielding,

Bien que durant son enfance Eugène Delacroix (1798-1863) ne montre pas de dispositions particulières à la peinture, il entre tout de même à l’âge de 17 ans dans l’atelier de Guérin où il rencontre Géricault. Puis en 1819 il entre aux Beaux-Arts. Alors que, deux ans plus tard, il peint et envoie à un salon sa peinture La Barque de Dante, le jeune peintre sera accablé de critiques.

Mais ce dernier ne se laisse pas décourager et envoie quatre ans plus tard, en 1828, La Mort de Sardanapale, qui, malgré une fois encore de nombreuses critiques relativement virulentes, va faire à nouveau scandale qui lui permet d’acquérir une notoriété grandissante qui va le mener jusqu’a l’exposition au Salon de 1831 de sa toile la plus connue, La liberté guidant le peuple.

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Le simple promeneur comme moi avait la chance d’attraper une balle ni plus ni moins que les héros improvisés qui marchaient à l’ennemi

Faut-il encore la présenter, cette toile majestueuse, de plus de trois mètres de large pour 2 mètres 60 de haut, représentant en structure pyramidale l’allégorie de la liberté, sein nu, coiffée d’un bonnet phrygien menant la foule par dessus les cadavres, accompagnée par celui qui donnera un jour son image au célèbre Gavroche? Obtention de la légion d’honneur, vente au roi Louis Philippe pour le musée royal, nombreuses commandes, aucun honneur ne sera refusé à cette toile, encensée de toutes parts, symbole de la Révolution Française (malgré qu’il s’agisse de la révolution de 1830) et de l’art engagé au XIXème siècle, et à son créateur.

Peinture témoin de la révolution de 1830, elle montre une scène, certes magnifiée, à laquelle le peintre à été témoin. Il écrira d’ailleurs à son neveu: « Trois jours au milieu de la mitraille et les coups de fusil ; car on se battait partout. Le simple promeneur comme moi avait la chance d’attraper une balle ni plus ni moins que les héros improvisés qui marchaient à l’ennemi avec des morceaux de fer, emmanchés dans des manches à balai ». La composition pyramidale, certainement empruntée au radeau de la méduse de Géricault, peint 20 ans plus tôt, rehausse cette impression de victoire et de puissance.

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La libertĂŠ guidant le peuple, Delacroix


Pour tous ces éléments là ainsi que de nombreux autres, l’étude complète est immense, cette œuvre est devenue le symbole de la liberté par le traitement du sujet, et de la révolution picturale par son réalisme. A cette époque, les sujets contemporains avaient un traitement classique. Ici le peuple est glorifié grâce à la noblesse de ses actions. Cette œuvre est non seulement le symbole de la liberté, mais elle est la preuve de la puissance et de l’influence qu’un artiste peut avoir. La

force d’un artiste se trouve dans sa liberté de pensée, l’originalité de son interprétation et la puissance de ses émotions.

Si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrais-je pour elle

Aussi écrira-t-il: « J’ai entrepris un sujet moderne, une barricade… et si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins

peindrais-je pour elle. Cela m’a remis de belle humeur. », preuve de la volonté d’engagement de l’artiste pour une cause, symbole de la jeunesse pensante de cette époque. Le jeune peintre est un membre accompli de cette génération dont fait partie Julien Sorel ou Georges Duroy, nostalgique des combats de la révolution et de la grandeur de la France Impériale qui n’a pas peur, ni de se battre, ni de mourir pour ses idées. N.K.

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LE CINÉMA FÉMINISTE, QUAND LES FEMMES LIBÈRENT L’ÉCRAN Par Gabrielle M.


Chakde! India ou “Allez l’Inde!”(2007) est un film presque révolutionnaire en Inde qui témoigne de la volonté́ du pays d’évoluer vers plus ́ d’égalité pour les femmes, ce qui est déjà̀ un progrès même si le combat est loin d’être terminé... Synopsis : Le film raconte l’histoire d’un entraîneur indien (Shahrukh Khan) qui est à la tête d’une équipe féminine de hockey sur gazon, celle-ci étant composée de 16 joueuses venant de différents États indiens. L'entraîneur, qui croit en elles, les mène à la coupe du monde de hockey féminin au fil de diverses épreuves...

CHAKDE !

Mon avis : Le film passe un très beau message, bien connu mais parfois oublié : « l’union fait la force ». En effet, pour se montrer à la hauteur de l’équipe masculine, qui raille les joueuses, ces dernières doivent laisser de côté́ leur orgueil (le fait d’être chacune la meilleure joueuse de son état d’origine), leurs propres préjugés et leur individualisme pour s’unir contre le pays qui croit peu en elles au départ, étant des femmes... Outre le message patriotique de l’œuvre, c’est principalement une ode à toutes les femmes, à travers ces joueuses qui triomphent, et sont enfin reconnues en tant que membres de l’équipe nationale féminine, et plus seulement qu’en tant qu’épouses ou jeunes femmes.

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HIDDEN FIGURES “Hidden figures” or “Les Figures de l’ombre” (2017) is the story of three African American scientists, three women, who greatly contributed to the American "Star Wars" at the height of the Cold War.

The movie is based on Margot Lee Shetterly's book, which drew her inspiration from the real life of the famous mathematician Katherine Johnson.

The movie honours these bright women, wrongly forgotten for a long time, who actually proved themselves to be essential assets to their country during the Space Race. A powerful message against racial discrimination is also conveyed, an issue that is still current nowadays...

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WONDER WOMAN

Comme quoi un film de super-héros peut enfin choisir une super combattante comme modèle ! En 2017, il était temps de s’intéresser à nouveau à Wonder Woman ! Le film regorgeant de scènes d’action met également en avant la personnalité de Wonder Woman qui n’a pas que des compétences pour la guerre, et est aussi intelligente, déterminée... Un vrai film “girl power” qui change, superbement interprété́ par Gal Gadot.

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L’Engagement dans la BD Gabrielle M. Les auteurs des BD les plus emblématiques font-ils passer des messages aux lecteurs, même dans les BD destinées à la fois aux enfants et aux plus grands?

Valérian de J-C. Mézières et P. Christin Un album engagé, “Bienvenue sur Alflolol” paru en 1972

Malgré ses 46 ans, cet album n’a pas vieilli du tout et son message résonne encore aujourd’hui. En effet, cette aventure de l’agent terrien Valérian et de son amie Laureline dénonce ici les ravages provoqués par le désir d’expansion toujours croissant des Terriens de l’Empire de Galaxity... Synopsis : Valérian débarque sur une immense planète nommée Technorog ou Alflolol avec Laureline et y rencontre par hasard d’anciens habitants, les Alflololiens, qui, rentrant chez eux après un long voyage, voient leur terre méconnaissable, et colonisée par les humains qui les empêchent de rentrer chez eux...

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Cette famille d’Alflololiens qui n’a fait de mal à personne se voit contrainte d’être envoyée “en décontamination” dans des lieux isolés comme une réserve avant l’intervention de Valérian et surtout de Laureline, ardente défenseur de ce peuple privé de ses droits. Cet album rappelle, entre autres, l’attitude des colons avec les Indiens natifs d’Amérique, parqués dans des ré serves et pour nombreux privés de leurs terres. J-C Méziéres semble également critiquer la violence avec laquelle les Alflololiens sont traités par les Terriens, notamment le gouverneur, qui les colonisent depuis 2 siècles. En outre, la visée écologique de cette oeuvre est à noter. En effet, la magnifique planète est ravagée et enlaidie par les nombreuses usines, mines et plantations d’hydroponiques créées par les humains. Pour les Terriens, “l’exploitation intensive” de la planète passe avant tout... Le message que tente de faire passer l’auteur est donc bel et bien toujours d’actualité aujourd’hui avec la lutte contre le réchauffement climatique...

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Astérix de R. Goscinny et A. Uderzo Et oui même dans “Astérix”, outre les nombreuses caricatures de personnalités célèbres telles Jean Gabin ou Sean Connery, l’on peut remarquer d’autres messages cachés... Par exemple, dans l’album “le Domaine des Dieux” et dans le film adapté de la BD, deux thématiques sont abordées comme toujours avec beaucoup d’humour : la condition des esclaves et l’écologie.

Ainsi, les Gaulois essayent de convaincre les esclaves du camp romain de partir en leur donnant de la potion magique pour leur rendre leur liberté et empêcher la construction du Domaine des Dieux au milieu de leur forêt. Les esclaves refusent comme l’indique leur chef Duplicatha mais passent un accord avec les Romains: ils devront être payés et bénéficier de meilleures conditions de vie, comme s’ils devenaient des ouvriers.

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Par ailleurs, Goscinny et Uderzo utilisent la construction du domaine des Dieux et la destruction de la forêt pour défendre la préservation des habitats naturels, dont les promoteurs immobiliers cherchent trop souvent à s’emparer... Ainsi, Idéfix qui pleure dès qu’un arbre est coupé protège la Nature! Comme le font Astérix, Obélix et Panoramix qui à l’aide de glands magiques font repousser les arbres déracinés par les esclaves.

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Par ailleurs, on peut citer cet autre album d’Astérix où une nouvelle venue, Maestria, se pose en tant que féministe qui exhorte les femmes du village à prendre plus d’indépendance, telle une Olympe de Gouges.

“La Rose et le Glaive”, un album d’Astérix :

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Yoko Tsuno de R. Leloup

Yoko Tsuno de R. Leloup, est une BD féministe apparue en 1969. Yoko est une jeune femme d’origine japonaise qui vit en Belgique. Elle est ingénieure en électronique, ce qui est remarquable à l’époque, et est très indépendante. C’est une véritable héroïne : elle pratique les arts martiaux, est polyglotte et se montre toujours d’un grand courage. De même, elle est prête à tout pour sauver ses proches ou des innocents.

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Tintin, une BD aux messages contrastés Contexte : Les aventures de Tintin est une BD d’origine belge, d’Hergé dont les albums ont commencé à paraître au début des années 30. “Tintin au Congo”, paru pour la première fois en noir et blanc en 1931, est “le reflet d'une époque coloniale et paternaliste”. En effet, le Congo était sous domination belge à cette époque. Cet album est révélateur de la mentalité des occidentaux colonialistes qui se sentaient "supérieurs" aux Congolais, selon la hiérarchie sociétale établie par Darwin. L'image ci-dessous illustre bien le racisme sousjacent, présent dans cette BD, qui est le reflet d'une époque durant laquelle les populations "indigènes" étaient bien souvent exploitées par les colons...

“Tintin au Congo", Les Aventures de Tintin

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“Cock en Stock", Les Aventures de Tintin “Coke en stock” paru en 1958, bien plus tardivement, est pour sa part un album qui s’oppose très clairement à l’esclavage. En effet, le capitaine Haddock s'insurge contre cette pratique abominable, comme le montre l'extrait ci-dessous. "Coke" est en réalité un nom de code désignant les esclaves africains. Cependant, bien que l'attitude révoltée du capitaine envers le trafiquant soit légitime, kk interlocuteur, d'origine Arabe, est néanmoins caricaturé. son Il est présenté comme un homme intéressé, voire fourbe en refusant de désigner les esclaves autrement que par le nom de code. J'en conclus que malgré la condamnation de l'esclavage, le point de vue adopté n'est pas dénué de racisme...

Gabrielle M.

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La Poésie engagée

La poésie, de tout temps utilisée par les poètes comme moyen d’expression, servira, aux heures les plus sombres de l’Histoire, de moyen de propagande et de persuasion, utilisé afin d’emporter l’opinion du lecteur. Cependant, les causes d’engagement peuvent êtres nombreuses, et notamment politiques ou religieuses. C’est d’ailleurs la religion qui va permettre l’écriture de ce que l’on considère comme les premiers poèmes engagés. En effet, le contexte de conflit fraternel de la deuxième moitié du XVIe siècle va forcer certains poètes, aussi bien protestants que catholiques à prendre la plume pour défendre leurs idées. C’est notamment le cas d’Agrippa d’Aubigné, protégé d’Henri IV qui, durant toute sa vie, va écrire pour défendre le mode de vie protestant notamment dans Tragique, paru en 1616, où il écrira: “Là nous n’avons besoins de parure nouvelle, / Car nous sommes vêtus de splendeur éternelle; / Nul ne nous craint plus, ni la faim, ni la soif, / Nous avons l’eau de grâce et des anges le pain.”. Dans l’autre camp, le chef de file est aujourd’hui plus connu que son rival protestant puisqu’il s’agit de Pierre de Ronsard, notamment connu pour son poème « Mignonne allons voir si la rose ». Cependant, sa renommée n’empêche pas Ronsard d’écrire Discours des misères de ce temps, publié en 1562, et où il dénonce l’hypocrisie protestante, écrivant notamment: “Son cœur était couvé de vaine affection, / Et sous un pauvre habit cachait l’ambition, / Ce monstre que j'ay dit, met la France en campagne / hhhhhhhh

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Mendiant le secours de Savoye et d’Espagne / Et de la nation qui, prompte au tabourin, / Boit le large Danube et les ondes du Rhin.”, où, vous l’aurez compris, la France, pays catholique est si embourbé par les problèmes du Rhin et du Danube, c’est à dire du protestantisme, qu’elle se voit obligée de demander l’aide de L’Espagne et de la Savoie, pays également catholiques. Cependant, les débats en poésie autour de la religion sont loin de se cantonner au simple XVIe siècle. Effectivement, cette remise en cause de la poésie passe également par Rimbaud, qui en 1870, écrira une critique virulente des institutions religieuses dans « Les pauvres à l’eglise » ou encore par Verlaine qui dans « L’Enterrement » publié dans les Poèmes Saturniens, décrira la corruption des hommes d’église en écrivant : « tout rondelets, sous leur frac écourté, / Les croque-morts au nez rougi par les pourboires”. Cependant, comme dit plus tôt, la religion est loin d’être l’unique préoccupation des poètes. Effectivement, depuis la Grèce antique déjà, les aèdes content et même parfois dictent leur vision de la politique. Et cet engagement du poète est particulièrement visible en France avec notamment Victor Hugo, un des plus grand poète français et également engagé dans son rôle de député. Bien entendu, nombreux connaissent de lui « Demain dès l’aube ». Cependant, Hugo, lui, n’oubliera jamais son rôle de citoyen et tout comme Chénier dans les lambes, recueils de poèmes engagés écrits durant la révolution, Hugo critiquera longuement « Napoléon-le-petit », comme il se plaisait à appeler Napoléon III, notamment dans Les Châtiments. Mais Hugo s’engagera également contre le travail des enfants, notamment dans « Melancholia », où il écrira notamment : « … Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? / Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? / Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? / Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ». Cependant, il serait faux de dire que l’engagement poétique se limite à Hugo. On jjjjjjjjjjjjj

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le retrouve en effet chez Rimbaud avec « Le Dormeur du Val », dénonçant la guerre franco-prussienne de 1870, ou bien entendu les poèmes résistants tel le célèbre « Liberté » de Paul Eluard, publié en 1942 dans le recueil Poésie et vérité ou les magnifiques vers de « Strophes pour se souvenir », publié dans Le roman inachevé de louis Aragon. Pour conclure cet article sur la poésie engagée, peut-être pourrions-nous citer des poèmes plus contemporains comme « Tombez mes Larmes », poème dénonçant la guerre civile en Syrie, d’un poète anonyme pour des raisons évidente de sécurité. Ce poème, comme tant d’autres montre bien que la poésie, loin d’être un moyen d’expression antique et rétrograde, peut toujours s’avérer utile pour les hommes et femmes souhaitant s’exprimer, et que certains poètes s’engageront tant qu’il y aura quelque chose à dénoncer. N.K.

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Le dernier jour d’un condamné, Victor Hugo Préface: Nikolas K. Victor Hugo, descendant d’une famille Bonapartiste et d’un milieu bourgeois. Indépendant et autodidacte, c'est par tâtonnement qu'il apprend la rime et la mesure durant son adolescence. Victor Hugo rencontre plusieurs fois le spectacle de la guillotine et s’indigne du fait que la société se permet de faire de sang-froid ce qu’elle reproche à l’accusé d’avoir fait. C’est au lendemain d’une traversée de la place de l’hôtel de ville où un bourreau graissait sa guillotine en prévision d’une l’exécution prévue le soir même que Victor Hugo se lance dans l’écriture du Dernier Jour d’un condamné qu’il achève très rapidement. Le livre est édité en février 1829 par l’éditeur Charles Gosselin mais anonymement. Ce n’est que trois ans plus tard, le 15 mars 1832, que Victor Hugo complète son roman par une longue préface qu’il signe de son nom. Poète mais également homme politique, Hugo va toute sa vie se servir de sa plume pour populariser ses idées.

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Chapitre I Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids ! Autrefois, car il me semble qu'il y a plutôt des années que des semaines, j'étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s'amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d'inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C’étaient des jeunes filles, de splendides chapes2 d’évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C’était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j’étais libre. Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n'ai plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude : condamné à mort ! Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes cotés, jjjjjjj 34


seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tète ou fermer les yeux. Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un refrain horrible à toutes les paroles qu'on m'adresse, se colle avec moi aux grilles hideuses de mon cachot ; m'obsède éveillé́, épie mon sommeil convulsif, et reparaît dans mes rêves sous la forme d'un couteau. Je viens de m’éveiller en sursaut, poursuivi par elle et me disant : - Ah ! ce n'est qu'un rêve ! - Hé bien ! avant même que mes yeux lourds aient eu le temps de s'entr’ouvrir assez pour voir cette fatale pensée écrite dans l'horrible réalité́ qui m'entoure, sur la dalle mouillée et suante de ma cellule, dans les rayons pâles de ma lampe de nuit, dans la trame grossière de la toile de mes vêtements, sur la sombre figure du soldat de garde dont la giberne reluit à travers la grille du cachot, il me semble que déjà̀ une voix a murmuré à mon oreille : - Condamné à mort !

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LE STREET-ART ENGAGÉ Par Gabrielle M. Malgré ce que beaucoup pensent, “L'art urbain” comme on le dit en français n’est pas que provocateur, il peut aussi receler de petits trésors cachés…

Bien évidemment Banksy:

“La petite fille au ballon rouge”, Londres, 2002


Ce symbole d’espoir connu dans le monde entier est bien l’une des œuvres les plus emblématiques de Banksy. La petite fille tend les bras vers le ballon en forme de coeur et tente ainsi de ne pas laisser échapper l’espoir et l’amour, ce qui est sûrement à mettre en relation aux guerres et situations de conflits… Banksy a lui-même revisité son œuvre plusieurs fois, notamment lors du 3ème « anniversaire » de la guerre en Syrie.

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Deux autres œuvres qui soulèvent des questions de notre temps: l’homosexualité, le combat pour plus de droits & la société et les réseaux sociaux

“Kissing Coppers”, Banksy, Brighton

“Nobody likes me”, IHeart, Vancouver

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“Fearless girl” de Kristen Visbal : Cette statue en bronze représente une petite fille qui se tient debout devant un taureau, fièrement et sans vaciller, les poings sur les hanches.

L’artiste a choisi de mettre à l’honneur les femmes en montrant la force de celles-ci, prêtes et capables de relever les nombreux challenges de la vie, incarnés par le taureau. Localisation : On pouvait admirer cette œuvre à Wall Street au cœur de NYC, devant celle du “Charging Bull”. Elle devrait être bientôt transférée en face de la Bourse.

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“Tower” : la tour de Keith Haring à l’Hôpital Necker, 1987

Cette tour monumentale représente bien l’énergie et la volonté de vivre qui émanent des œuvres du célèbre artiste, un des grands noms du pop art. C’est un beau message d’espoir pour tous les enfants et occupants de l'hôpital parisien.

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Le Bilingues et Artistes 3ème trimestre Juin. 2018


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