3 minute read

JE VEUX DU SILENCE, DE LA SOLITUDE

La dépression post-partum ne se niche pas que dans des vies fragiles. On peut être mature, indépendante, hyper entourée, préparée et sombrer. C’est pour cela qu’on a choisi de ne pas parler de cet état mais de laisser Laurence le raconter. Parce que la première fois qu’on a discuté avec elle de notre magazine, il y a un an, sur les pavés nantais, elle nous a confié spontanément son expérience, avec réserve et intelligence. On a raconté cette histoire à d’autres mamans, pour essayer de mieux comprendre pourquoi cela résonnait si bien dans nos têtes, et les langues se sont déliées : « moi aussi j’ai sombré, je n’ai rien dit, j’ai digéré et aujourd’hui je suis debout ». Et vous ?

Textes Laurence B. Illustrations Cathy Angleraud

Advertisement

J’ai eu mon fils à 41 ans et demi. Il est arrivé après plusieurs fausses couches pour notre plus grande joie. Ma grossesse fut idyllique. Aucun problème pour moi et mon enfant, je rayonnais, j’adorais voir mon ventre s’arrondir. Mon accouchement s’avéra long et se termina par une césarienne. Rien de traumatisant pour moi, j’avais déjà été opéré dans ma vie. C’est en salle de réveil que tout a commencé.

Je suis allongée sur un lit et la «vague» me submerge aussitôt. C’est un effondrement, une avalanche qui s’abat sur moi, je ne sais pas comment le définir d’une autre façon. Mon fils est dans les bras de son père, il pleure. Je les vois à peine. Mais je n’ai qu’une envie: qu’ils partent et me laissent seule pendant huit jours, six mois, un an s’il le faut. Je veux dormir, du silence, de la solitude et surtout pas m’occuper d’un bébé.

Sauf que je sais que ce n’est pas possible et je m’effondre donc. Ravagée de l’intérieur et incapable de comprendre ce qu’il m’arrive. Très vite, je ressens que ce n’est pas ce baby blues dont les sages-femmes me parlaient enceinte. Je sais que c’est bien plus profond et que ça va durer. Je suis restée une semaine à l’hôpital, toujours dans le même état.

Une fois chez moi, c’est pareil. J’ai le corps en lambeaux, je marche voûtée, je dors peu et mal, j’ai des piqûres et des soins infirmiers tous les deux jours et toujours ce gouffre en moi. J’ai un compagnon présent qui dort dans la chambre de notre enfant les deux premières semaines pour que je «récupère», qui gère les courses et tout le reste. Je ne suis pas isolée, sans personne pour m’aider et pourtant…

Ce n’est pas un problème d’attachement. J’ai aimé mon fils dès que je l’ai vu. Non, c’est autre chose. Alors qu’est-ce que j’ai? C’est une dépression post-partum. Elle touche certaines femmes mais tout cela hélas est tu. Je ne m’en sortirai qu’avec

« Très vite, je ressens que ce n’est pas ce baby blues dont les sages-femmes me parlaient enceinte. Je sais que c’est bien plus profond et que ça va durer. »

l’aide d’une psychologue extraordinaire de l’hôpital de Nantes. Le post-partum n’est pas obligatoirement fun et glamour comme Instagram ou quelques stars nous incitent à le croire. Rachida Dati sortant de la clinique suite à une césarienne, maquillée, brushing et talons assistant au Conseil des ministres trois jours après ou Léa Salamé présentant les débats politiques de la présidentielle un mois après avoir accouché, ces exemples frappants n’aident en rien les femmes. Au contraire, elles les culpabilisent en leur faisant croire qu’être mère c’est être ainsi: conquérantes et sans failles. Accoucher c’est aussi accoucher de l’enfant que l’on était et de la mère que l’on devient. Cela peut venir réveiller certaines souffrances au moment paroxystique de la vie d’une femme: la naissance de son enfant.

This article is from: