ACTUALITé INTERNATIONALE
Elections américaines : du pareil au même ? Si un nouveau recompte de dernière minute ne l’empêche pas, comme en 2000, à l’heure où ce nouveau numéro de Pilote Urbain sera sorti, on connaîtra déjà le gagnant des élections américaines. Obama ou McCain, quelle différence fondamentale cela peut-il avoir sur les décisions du gouvernement le plus puissant du monde ? Retour sur des programmes étonnamment proches, des discours toujours parfaitement réglés et quelques éléments clés qui ont pu faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Texte : Aurélien Le Genissel
« Joe, le Plombier » A l’heure de la crise financière mondiale, c’est évidemment sur la politique économique que va se jouer une grande partie des résultats du 4 novembre prochain. Et dans ce domaine, contrairement à l’image d’Épinal véhiculée dans les médias, les deux camps restent assez proches et, surtout, très éloignés de ce qu’on pourrait considérer une politique « de gauche » en Europe. Même si les dirigeants socialistes français cherchent désespérément à apparaître comme des émules du candidat démocrate, il faut savoir que le programme d’Obama se rapproche plus de l’aile centriste de l’UMP que de l’interventionnisme du PS. De leur côté, les républicains s’assimileraient plutôt aux idées néolibérales de ce même parti. Malgré cela, il subsiste quelques différences entre les deux candidats. Celles-ci peuvent parfaitement se simplifier en la figure symbolique qui a traversé toute la campagne sur ce sujet : Joe, le Plombier. Outre qu’il ne s’appelle pas Joe, qu’il n’est pas plombier et que ses revenus diffèrent de ses dires, la question reste qu’il est devenu la figure représentative des initiatives fiscales des deux candidats. En abordant Obama, lors d’un tour de ce dernier dans l’Ohio, par un « votre nouveau programme d’impôts va me coûter plus cher, n’est-ce pas ? », il s’est définitivement placé au cœur de la problématique des deux partis. Car « Joe » s’apprête à racheter une entreprise de plomberie qui fait plus de 250.000 dollars de chiffre d’affaires par an et Obama affirme dans son programme qu’il augmentera les impôts au-delà de ce chiffre. La conversation qui s’ensuit est édifiante sur l’idée que se font de l’économie les deux camps : d’un côté un citoyen qui ne comprend pas « pourquoi serait-on pénalisé parce qu’on réussit?» et de l’autre un candidat qui pense que « quand on répartit la richesse, c’est bon pour tout le monde ». Car ce qu’Obama dit aussi à Joe (il commence dans la vidéo qui circule mais est coupé, voir www.youtube.com/watch?v=EvyYYpYeEk4) c’est que dans la grande majorité des cas, pour arriver à un revenu supérieur à 250.000 dollars, il faut passer par les étapes inférieures et, qu’avec la mise en place de son plan, il y serait arrivé plus vite.
Mais ce que Joe dit de son côté à Obama c’est qu’il est disposé à payer plus d’impôts en gagnant moins (en fait, ça sera le cas pour lui et pour une grande majorité de l’électorat) car il espère être riche un jour, pense qu’il le sera bientôt, et ne veut pas payer plus à ce moment-là. Paradoxalement, du pur « American Dream » dont le sénateur de l’Illinois a autant abusé pendant sa campagne. Un langage presque incompréhensible de ce côté de l’Atlantique. Au-delà de cet exemple, et d’un point de vue théorique, on peut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. La majorité des engagements des deux candidats auraient été défendus intégralement par leurs prédécesseurs Bush et Kerry. Ils répondent respectivement avec précision et platitude au parfait manuel du démocrate ou du républicain. Qui pourrait honnêtement se surprendre que McCain défende une baisse des impôts ou Obama une taxe plus importante sur les carburants ? Chacun campe sur ses positions historiques. D’une part un néolibéralisme, enraciné dans les thèses de l’école de Vienne ou de Milton Friedman, pour qui le développement doit venir de la concurrence et de l’énergie de l’entrepreneur sans intervention étatique. De l’autre, un keynésianisme plus ou moins flexible qui redoute l’insensibilité du marché et défend un certain encadrement. Pour les uns ces « réajustements » empêchent justement l’économie d’aller mieux, pour les autres ils sont indispensables pour défendre les laisser pour compte de la société.
gagner cette guerre d’où un retournement progressif en faveur du sénateur McCain. Cela a même obligé Obama à adoucir son discours et à rappeler qu’il serait « à l’écoute des militaires » et, en bon politicien, à laisser la porte ouverte à toutes les éventualités. Il a ainsi admis le succès de l’envoi de renfort en février 2007, qu’il avait fortement critiqué à l’époque. Il ne faut pas oublier non plus que malgré quelques divergences mineures, surtout sur la forme, les deux candidats se rejoignent en grande partie sur l’Afghanistan, le conflit du Proche-Orient ou les relations européennes (dans son ensemble). Il y a quelques sujets incontournables où le géant américain s’en tient à une certaine idée de soi-même et du monde. La politique extérieure semblait être un terrain conquis pour le candidat républicain. Plus âgé, plus expérimenté, ancien combattant blessé au Viêtnam, il paraissait incarner au mieux l’image sécuritaire, forte et rassurante que les Américains veulent avoir de leur président et de leur pays. Ce fut d’ailleurs un de ses arguments choc, reprenant même une idée de Hillary Clinton lors des primaires (un incroyable spot à voir ici www.youtube.com/ watch?v=N-VFA7L2RcE&feature=related), en essayant de faire passer Obama pour mou et inexpérimenté. La crise en Géorgie, à laquelle il réagit très rapidement et fermement (face à un Obama dubitatif qui se trouvait en vacances), renforça cette impression. Reste que le choix de Sarah Palin comme colistière semble avoir équilibré la balance. La dirigeante de l’Alaska apparaît encore plus inexpérimentée et fragile que le sénateur de l’Illinois et la légende raconte qu’elle n’a utilisé son passeport pour sortir des Etats-Unis que récemment. Si l’on ajoute à cela l’âge de McCain, et donc la possibilité de se retrouver à la tête du pays, on peut dire qu’Obama s’en sort bien.
Économie Traditionnellement, une crise économique est un handicap pour le parti sortant. Si la réaction de McCain au moment de la dégringolade boursière avait paru bénéfique (en suspendant sa campagne et proposant des solutions) pour les républicains, les choses sont revenues à la normalité et Barack Obama a réussi à faire apparaître son adversaire comme une continuation des erreurs économiques commises par Georges Bush pendant 8 ans.
Obama
International
• Réduire les impôts des ménages qui déclarent moins de 200.000 dollars, ne rien toucher pour ceux qui gagnent entre 200.000 et 250.000 et augmenter ceux qui gagnent plus de 250.000 dollars au niveau des taux d’avant George W.Bush. • Augmenter l’impôt sur le revenu du capital de 15% a 28% • Taxer les délocalisations • Réduire le déficit budgétaire • Taxer « les profits records des compagnies pétrolières » • STOP Fraud act et Federal Housing Administration : organismes publics chargés de trouver des solutions pour les familles qui perdent leur logement et des freins aux entités spéculatrices
C’est évidemment un des terrains où les positions sont les plus antagonistes. Mais, contrairement à ce qu’on peut penser depuis l’Europe, le fossé n’est pas aussi grand et la différence ne se fait pas en faveur de celui que tout le monde croit. En effet, le sujet de la guerre en Irak a été au cœur des affrontements les plus durs, lançant en quelque sorte les hostilités de la vraie campagne électorale pendant l’été. Mais si l’avantage paraissait devoir revenir au candidat démocrate, l’opinion publique américaine commence à être persuadée que les Etats-Unis sont en train de
• Politique d’allègement fiscal. Baisser les prélèvements pour tout le monde • Réduire les droits de succession • Réduire le déficit budgétaire • Diminuer l’impôt sur les sociétés pour décourager la délocalisation • Plus de libre échange international
McCain
International C’est dans sa facette d’homme ouvert et à l’écoute des autres que tout le monde attend Obama. Reste qu’il n’est pas si facile de se retirer d’un pays « en guerre » (qui plus est s’il est producteur de pétrole) ni d’abandonner une nation en proie à la guerre civile, et où les talibans risquent de reprendre le pouvoir. Dialoguer bien sûr, même avec des pays « bannis » comme la Syrie ou Cuba, mais au moment de vérité les belles paroles ne suffisent pas toujours. C’est ce que commencent à comprendre, par exemple, les groupies du « talante » de Zapatero. Et c’est qu’à la fin, comme disait malheureusement si bien Dostoïevski, « la politique c’est l’amour de la patrie et rien de plus ». Et Obama, comme McCain, reste américain.
Obama • Retour des troupes de l’Irak en 2010 • Dialogue avec l’Iran, la Syrie, le Venezuela, Cuba… • Plutôt contre (mais pas trop au vu du récent conflit en Géorgie) le projet du « bouclier anti-missiles » • Fermer Guantanamo
McCain • Veut ramener les troupes de l’Irak mais ne veut pas fixer de date • Expulser la Russie du G8 et la traiter avec la plus grande fermeté • Pour le bouclier anti-missiles • Lutter contre les pays de l’« axe du mal » et les groupes terroristes (Hamas, Hezbollah…)
Quelques clés toujours bonnes à savoir Pourquoi les élections américaines ne se déroulent jamais comme l’Europe le pense ? D’abord, et surtout, parce que la grande majorité des électeurs ne pensent pas du tout comme le croit un européen. Il suffit de jeter un coup d’œil à la surprenante carte des résultats de l’élection de 2004 (www.lemonde.fr/web/ vi/0,47-0@2-829254,54-1100729,0.html) pour s’étonner des prévisions qui donnaient vainqueur John Kerry. La quasi-totalité du pays présente une victoire républicaine à l’exception des deux côtes (traditionnellement très europhiles) et d’une petite partie du Nord (très industrielle). Dans ce cas, ce qui est étonnant c’est que les républicains ne gagnent pas toujours, non le contraire. C’est que le système politique américain présente plusieurs spécificités intéressantes. L’élection présidentielle se fait au suffrage universel indirect, c’est-à-dire que chaque Etat élit les fameux grands électeurs (538 en tout) qui, à leur tour, votent pour un candidat. Ce système veut préserver un équilibre entre une représentation des citoyens et une visibilité des territoires (des Etats), comme c’est le cas aussi en Espagne. De cette façon, des Etats peu peuplés (comme le Wyoming) bénéficient d’une quantité d’électeurs proportionnellement supérieure à des Etats plus peuplés (comme la Californie). Si l’on ajoute à cela que chaque Etat a son propre système électoral, le jeu devient de plus en plus complexe. Il existe des Etats qui attribuent un nombre d’électeurs proportionnel au nombre de voix obtenues, mais d’autres appliquent le système du winner-take-all, qui donne l’ensemble des grands électeurs au parti du candidat gagnant. C’est le cas en Floride, par exemple, ce qui lui donne une énorme force stratégique car elle compte 27 représentants qui peuvent basculer dans leur totalité d’un côté ou de l’autre. Comme la
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LE COURRIER DES LECTEURS
Floride, il existe plusieurs « swing states » (Etats balançoires) qui n’ont pas d’identité partisane claire, contrairement aux côtes (plutôt démocrates) ou au Sud (Texas, Arkansas, Louisiane, plutôt républicains), et qui représentent donc la différence à faire lors de l’élection. Selon les derniers sondages, cette fois-ci ces Etats semblent être l’Ohio et la Floride (classiques) mais surtout l’Iowa, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie. Ajoutons à cela que le jour de l’élection est aussi celui des élections locales (la Chambre des représentants, 1/3 du Sénat, des référendums qui servent souvent à mobiliser un certain électorat), que la participation reste relativement faible et que les candidats se concentrent sur certains électorats clés (cette année les hispaniques) et nous trouvons là quelques facteurs qui peuvent devenir déterminants.
A chacun sa storytelling Comment convaincre les citoyens de soutenir un programme à l’époque de la fin de l’Histoire (Fukuyama), la pensée faible (Vattimo) ou la disparition des grands récits (Lyotard) ? Par des micro-récits quotidiens et éphémères qui maintiennent en éveil la curiosité des gens grâce aux techniques tirées du marketing et du monde de l’entreprise. C’est la thèse intéressante de Christian Salmon, dans Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (récemment traduit à l’espagnol par Peninsula), qui réadapte, au goût du jour, les analyses classiques de Barthes (Mythologies) ou Raoul Girardet sur l’imaginaire qui structure le discours social, et politique en particulier. A cette différence près que Salmon voit dans ce phénomène, né au milieu des années 90, des « méthodes d’instrumentalisations du récit à des fins précises ». Pour reprendre son exemple dans une de ses chroniques hebdomadaire dans Le Monde (intéressantes applications de sa théorie à l’élection américaine), cela se traduit par cette phrase de Karl Rove, conseiller politique de G. Bush : « lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité ». Et ce sont, en grande partie, l’arrivée des nouvelles technologies, la transformation de l’offre médiatique ou l’information en continu qui ont obligé les spindoctors, mythmakers ou strorytellers (autant de jolis mots pour conseiller en communication et marketing) à « faire la météo » pour reprendre les termes de Salmon, c’est-à-dire « non seulement formater leurs messages de manière pédagogique mais également à créer le contexte dans lequel ces messages prennent leur sens et deviennent utiles ». Cela donne lieu à un espace sociopolitique où la réalité et la fiction se confondent, où l’essentiel sont les « atomes narratifs», souvent variables et paradoxaux, qui constituent l’identité politique. C’est ce qui est arrivé aux Etats-Unis avec des histoires presque ininterrompues : de Sarah Palin, personnage composite, capable de refléter les mille et une facettes d’un électorat volatil et dispersé à McCain, héros et maverick d’un pays taillé « dans le marbre de l’expérience vécue, rugueux et minéral » en passant par Biden, figure de la bonhomie et la candeur progressiste, ami des gaffes à répétitions, et adjudant effacé sous l’aura d’Obama. Car, à ce jeu, c’est Obama qui gagne, avec son histoire qui « évoque celui du héros de la série «A la Maison Blanche» » (comme l’écrit Salmon). Sans oublier qu’il a réussi à manier à la perfection ce que l’écrivain appelle le « carré magique » du storytelling (storyline, timing, framing et networking). Est-ce dire que le sénateur démocrate incarne parfaitement les dérives de cette nouvelle profusion narrative utilitariste ? Non, répond Salmon, qui lui accorde étrangement une capacité de « déconstruction des histoires ». Reste à voir.
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Le Cercle des Français de Barcelone vous informe que son bureau est ouvert à tous les francophones et francophiles. Nous essayons de répondre le mieux possible à vos questions sur le logement, l’emploi, les cours d’espagnol, de catalan, l’éducation etc. Le Cercle vous propose tous les mois des activités à titre culturel (visite d’expositions, connaissance de la Catalogne, conférences...) sportives (promenades, randonnées...) ludiques (dîner, cocktail, théâtre,musique...). Chaque mois, nous envoyons à nos membres une circulaire avec le programme des activités. Nos membres sont part active du Cercle, ils peuvent proposer, organiser ou être responsable des activités, passer leurs annonces gratuitement sur la page web etc...
Un petit message caché avec plein d’amour dans le Pilote pour te souhaiter un très joyeux anniversaire et te dire combien je suis heureuse de fêter ce jour avec toi. Joyeux anniversaire maman ! Pilou. Pourquoi ne pas créer une rubrique sur l’écologie ? Cela nous informerait sur le recyclage par exemple et sur la qualité environnementale à Barcelone et ses alentours. J’aimerais beaucoup en savoir plus sur l’écologie, même à un niveau international, je pense très sincèrement que notre futur dépendra de notre prise de conscience, et les choses qui nous paraissent normales aujourd’hui, nous paraîtront complètement absurdes et inacceptables demain. Voilà, je voulais juste vous apporter mon soutien car j’aime beaucoup votre revue. Corinne.
CHUUUT… C’EST TABOU !
Quelques surprises… à utiliser dans les dîners mondains McCain • Veut la fermeture de Guantanamo • Prône les aides fédérales pour aider les familles face à la crise immobilière, contre l’aile dure de son parti (notamment son ex-conseiller Phil Gramm) • Favorable à la recherche sur les cellules souches embryonnaires
(Institut Français) c/ Moià, 8 3º 08006 Barcelona Tel: 93 200 41 85 www.accueil-bcn.dsared.com barcelone-accueil@hotmail.com
Obama • Favorable à la peine de mort • Favorable à l’union civile entre deux personnes du même sexe mais opposé au mariage homosexuel pour des raisons religieuses • Favorable (il a retourné sa position petit à petit) à certains forages pétroliers près des côtes (offshore drilling).
L’humour en plus Pourquoi est-ce si drôle de suivre la campagne électorale américaine ? Car, dans cet univers incessant de récits et discours, il ne se passe pas un jour sans une nouveauté originale et désaxée. De la vraie politique spectacle : parodie de Palin (par Tina Fey), poupées érotiques à son effigie, épisodes des Simpson, dérapage de Family Guy, campagne des gays pour McCain… A ne pas rater : les hilarants discours auto parodiques des deux candidats lors d’un dîner de bienfaisance quelques jours seulement après le dernier face à face télévisé. Un must
Envoyez-nous vos photos pour faire la couverture du magazine Pilote Urbain ou bien la couverture de Sans Visa notre revue culturelle. Nous mettons également chaque mois à votre disposition notre rubrique Culture Urbaine, qui sert à faire la promotion des travaux des artistes qui souhaitent paraître dans notre revue mensuelle. sansvisa@piloteurbain.com Aux lecteurs assidus du Pilote Urbain, et aussi pour les autres, nous nous adressons à vous pour vous demander de nous faire parvenir vos remarques et vos impressions sur le magazine, vos attentes, vos idées… les rubriques que vous souhaiteriez voir ou au contraire disparaître, les sujets qui vous préoccupent et que nous n’avons pas encore traité etc… Merci de nous écrire à : info@piloteurbain.com
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ACTUALITÉ
Quand le logement devient un casse tête…
Texte : Aurélien Le Genissel / Photos : Dream Warrior, Paolo Contado
Il existe un beau proverbe espagnol qui dit « tanto va el cántaro a la fuente que al final se rompe » (tant la cruche va à l´eau qu´à la fin elle se casse). C’est un peu ce qui s’est passé avec la crise immobilière en Espagne. A force de parler de «burbuja inmobiliaria» (bulle immobilière) tout en continuant à spéculer comme si de rien n’était, on en était venu à se demander si celle-ci existait vraiment et si elle exploserait même un jour. Mais ce jour est finalement arrivé. Il existe quelques mesures qui se mettent en place mais celles-ci prendront du temps et menacent de bouleverser un système bien ancré depuis plusieurs décennies. De Wall Street aux Ramblas : les spécificités ibériques Il faut, encore et toujours, se tourner vers l’extérieur pour comprendre un peu ce qui se passe ici ou ce qui pourrait se passer. Nul mieux que les Etats-Unis, où la bulle de l’immobilier a déjà connu son explosion, pour servir d’exemple instructif. Avec des conséquences qui ne semblent guère alléchantes, la crise américaine des prêts hypothécaires à taux variables (la fameuse crise des subprimes) n’est en fait qu’un scénario catastrophe possible pour l’Espagne dans le cas qui nous occupe. En effet, ces prêts à hauts risques attribués à des personnes peu solvables, s’ajoutant à la fin du boom immobilier dans ce pays, ont fait que les ménages endettés se sont retrouvés en possession d’appartements ou de maisons valant moins que la valeur d’achat. Cela pourrait arriver, en partie, en Espagne : malgré les avertissements et des prix clairement surévalués, les familles n’ont pas hésité à s’endetter pendant des années pour acquérir leur propriété, profitant d’un faible taux d’intérêt. Mais, avec la baisse des prix de l’immobilier aujourd’hui, les propriétaires
espagnols essayent de vendre leurs biens à des prix trop élevés et sont contraints de les baisser car leur hypothèque reste un lourd frais fixe qu’il faut rembourser. Mais il existe quelques facteurs de stabilisation qui différencient l’Espagne du marché américain, anglais ou français (eux aussi confrontés à la crise). Les crédits espagnols semblent plus sûrs que les subprimes américains et, même s’il existe toujours des « hipotecas basura », le pays a fait de cette pratique une vraie culture nationale. Très nombreux sont les jeunes qui décident de s’embarquer dans un crédit à 20, 30 ou 40 ans pour acheter un logement. Un autre facteur qui a fortement freiné la chute des prix du logement ancien est la façon dont les familles espagnoles financent cet achat. Comme l’explique Michel De Mena, spécialiste de l’immobilier à Barcelone, « L’Espagne est un pays de propriétaires ». Plus de 80% des logements sont des logements en accession à la propriété et uniquement 20% concernent les locations. C’est largement au-dessous de la moyenne européenne qui se trouve aux alentours de 68% et 32%. Cela signifie que les familles possèdent un apport de fonds
propres important (souvent l’ancien logement qu’elles veulent vendre avant d’en acheter un nouveau) et qu’elles ont donc moins de nécessités pressantes de vendre. Cette caractéristique a permis de « cloisonner » la crise au secteur des logements neufs qui a vu ses prix baisser depuis quelques mois. Mais tous les analystes coïncident à affirmer que le logement ancien finira par entamer une descente significative entre le troisième ou le quatrième trimestre 2009. La première raison à cela reste la surproduction, responsable sans doute de la chute des prix des maisons et appartements depuis quelques temps maintenant. Il faut dire que le pays a connu un véritable boom du secteur depuis la fin du siècle dernier investissant sans mesure dans de nouveaux immeubles qui maintenant se retrouvent vides et sans acheteurs potentiels. Entre 1998 et 2005, les prix de l’immobilier se sont presque multipliés par 400. Mais, aujourd’hui, le nombre de logements sur le marché tourne aux alentours de 800.000 tandis que la demande stagne à 450.000. Une offre surabondante à un moment où les personnes qui ont besoin de vendre sont de plus en plus nombreuses.
Les crédits, ce dangereux catalyseur Car l’argument central qui augure ces temps houleux est la pression de plus en plus lourde des banques sur des acteurs économiques qui ont de plus en plus de difficultés à rembourser leurs emprunts. Comme le rappelle Mr. De Mena, « il faut savoir que la crise est liée au » car la majorité des prêts concédés en Espagne sont des prêts à taux variable. Selon les statistiques de l’Instituto Nacional de Estadística (INE), 97,5% des prêts hypothécaires contractés en juillet ont utilisé ce type de taux tandis que le taux fixe ne représente que 2,5%. Or l’hypothèque de taux variable a pratiquement doublé ces dernières années passant de 2% à 5%. L’Euribor, qui reste l’indice de référence dans la grande majorité des cas, se trouve à 5,37% en septembre tandis qu’il se trouvait à 4,72% au même moment l’année dernière et à 5,32% en août. Pour se faire une idée, la hausse par rapport au mois précédant représente une augmentation de 58 euros par mois (près de 700 euros par an) à rembourser pour une hypothèque moyenne de 150.000 euros sur 25 ans. Il est devenu plus coûteux pour les entreprises, mais surtout pour les particuliers, de se financer et de maintenir le même rythme de vie tout en rendant plus d’argent à la banque à chaque fin de mois. L’effondrement du marché américain n’a fait qu’empirer les choses et les banques européennes sont devenues craintives et frileuses au moment d’octroyer des prêts et de se lancer dans des aventures immobilières dont on attendait déjà les difficultés. Ce mécanisme, que les spécialistes désignent sous le nom de credit crunch (pénurie de crédit), est un frein puissant aux investissements et à la consommation, donc à la croissance. Si l’on rajoute à cela que le marché souffre d’un manque général de liquidité et que le marché bancaire espagnol se finance largement à l’étranger, on comprend pourquoi il est frappé de plein fouet par les désordres monétaires. Une des dangereuses conséquences possibles serait la désolvabilisation des familles et, par conséquent, l’augmentation du taux de morosité. Ainsi l’Asociación Hipotecaria de España (AHE) prévoit que « la morosité des foyers augmentera jusqu’au milieu de l’année 2009 » et qu’elle connaîtra son pic à la fin de l’année 2008 à cause de l’augmentation du chômage qui se fera sentir à ce moment là. L’Espagne découvre la location Contrairement à ce qu’on pourrait penser dans un premier temps, le marché de la location ne semble pas connaître quand à lui un grand bouleversement. C’est qu’il reste, comme on l’a dit, fortement minoritaire, encore mal exploité et peu sécurisant pour les Espagnols. Le prix moyen de la location n’a presque pas évolué pendant le premier semestre de cette année en ce qui concerne Madrid et Barcelone. Selon l’étude publiée par la page web Idealista,
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ACTUALITÉ spécialisée dans l’immobilier, cette tendance devrait se prolonger jusqu’à fin 2008 et les prix devraient même légèrement baisser en 2009. C’est l’effet inverse qui s’était produit en 2007 quand les prix du loyer dans les deux plus grandes villes espagnoles avaient connu une hausse de 8, 6% (pour la capitale catalane) et de 8,1% (pour la capitale espagnole). Il n’existe donc pas de relation directe entre les deux marchés car les ménages n’envisagent pas la location comme un substitutif à leur situation. Mais ce n’est pas l’avis des dirigeants de tous bords pour qui la location semble apparaître soudainement comme une solution miraculeuse aux difficultés du secteur immobilier. Ce n’est pas un hasard si un des « banners » que l’on peut voir dans la page web de la Mairie de la ville a comme slogan « Perquè tenir un pis buit si es pot llogar amb garanties ? ». La publicité fait référence aux « Borses d’Habitatge » (Bourse d’habitation), une des mesures qui prétend lutter contre la réticence historique des Espagnols à louer leurs appartements. En plus de la subvention de 6000 euros servant à réhabiliter le logement, les aides insistent beaucoup sur la sécurité du contrat : assurance de caution en cas d’impayé, assurance multirisque du logement, conseils juridiques et techniques gratuits… Autant d’encouragements qui doivent servir de « médiation entre les propriétaires de logements vides et des locataires potentiels » et dont l’objectif est « d’augmenter le nombre d’habitations à louer à des prix accessibles ». Car l’idée principale est d’amener les très nombreux propriétaires de logements vides à faire fructifier leurs espaces et de faciliter l’accès à ces logements aux jeunes, sans forcément s’endetter dans un achat. Une vraie petite révolution en Espagne où la culture de la location est presque inexistante principalement à cause de la crainte de possibles dégâts et d’impayés. L’exemple des Bourses d’Habitation vient de la mairie socialiste de Barcelone mais Alberto Ruiz Gallardon (maire conservateur de Madrid) a exprimé la même idée dans le programme « Tengo una pregunta para usted » de TVE1, il y a quelques semaines, et le Plan Vivienda Joven (clairement mis en avant sur la page web du Ministère du Logement) porte comme soustitre « Nouvelles aides à la location » et insiste sur la stimulation de ce type de marché. C’est dans le même esprit qu’il y a quelques mois, au début de son second mandat, José Luis Rodriguez Zapatero avait mis en place une « aide à l’émancipation » (Renta basica de emancipacion ou RBE) de 210 euros par mois pour tous les jeunes de moins de 30 ans qui louerait un appartement et avec un revenu annuel inférieur à 22.000 euros. Reste qu’il existe de nombreux obstacles à ces bonnes intentions. Comme le rappelle l’AHE, et le confirment les récents budgets du gouvernement, la création d’un marché publique de location nécessite “l’investissement d’une importante quantité d’argent qui manque à l’Etat” dans l’actuelle conjoncture économique. Il n’existe pas non plus en Espagne de capitaux privés suffisants pour répondre de manière significative à la demande réelle et c’est pour cette raison que « l’Etat doit faire un effort pour mettre en place le cadre adéquat pour que l’offre potentielle sorte sur le marché au plus vite ». C’est aussi l’avis de Michel de Mena qui rappelle que le marché locatif social est embryonnaire en Espagne et ne représente que 2% du total. En ce qui concerne Barcelone par exemple, il y a aux alentours de 30.000 demandes pour ce genre de logements et les dirigeants ne peuvent actuellement pas y répondre. De plus, il ne faut pas oublier que « dans l’immobilier, les temps de réponses sont beaucoup plus longs », rappelle-t-il aussi. Il faut compter près de trois ans pour construire un immeuble. Le gouvernement semble l’avoir compris car, dans son nouveau Plan Vivienda 2009-2012, l’exécutif veut élargir le nombre de bénéficiaires potentiels de logements sociaux et augmenter le seuil (à 37.216 euros par an) au-dessous duquel il faut être pour pouvoir accéder à un appartement social de location. Une foule d’initiatives, mises en place bien tardivement, pour combler les déficits du marché de location et de logements sociaux mais qui annoncent peut-être une reconversion de l’esprit ibérique en ce qui concerne l’immobilier. Maintenant que le logement n’est plus l’investissement rassurant d’antan, l’époque des appartements transitoires et de l’émancipation fluide et moins tardive est peut-être arrivée.
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Enjeux, paradoxes et défis d’une crise attendue Photos : Stockvault.net / Texte : Aurelien Le Genissel
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C’est sous le signe du ralentissement économique qui touche depuis quelques mois l’Espagne que s’ouvre le deuxième mandat de José Luis Rodríguez Zapatero. C’est donc sans surprise que le sujet a occupé une très grande partie du discours d’investiture prononcé il y a deux mois devant le Congreso de los Diputados par le candidat socialiste. Il y a consacré un tiers de son temps, plaçant les mesures qu’il préconise au début de son intervention. Ce n’est pas étonnant si on sait que, selon un sondage, l’économie est la première préoccupation des Espagnols avant le terrorisme et l’immigration. Une crise annoncée Depuis plusieurs mois, les citoyens vivent avec inquiétude une hausse constante des prix et suivent avec un intérêt craintif la crise financière mondiale, qui se fait sentir dans les difficultés touchant les prêts bancaires. Si l’on ajoute à cela les mauvaises prévisions qui sont apparues dernièrement concernant l’immobilier, un des secteurs qui a fortement contribué au boum économique du pays ces dernières années, on comprend un peu mieux pourquoi l’économie est devenue une priorité pour le gouvernement. Même si le contexte mondial a peut-être accéléré la situation, l’arrivée de ce ralentissement semblait
inévitable après plus d’une décennie de très forte croissance qui a permis à l’Espagne de rejoindre le club des pays les plus riches de l’Union. C’était un secret de polichinelle que la croissance reposait artificiellement sur une surévaluation des prix dans le secteur de l’immobilier et sur les aides qui venaient de l’Europe. Comme l’affirme le Ministre de l’Economie, Pedro Solbes, « nous sommes confrontés à un ajustement plus rapide que prévu dans la construction mais qui se terminera donc avant ». Il y a quelques semaines, le Fond Monétaire International (FMI) avait encore multiplié les craintes en estimant à 1,8 % le taux de croissance de l’Espagne pour l’année 2008, le plus bas depuis
la crise de 1993 et loin des 3,8 % de 2007. Si les prévisions se confirment, le pays connaîtrait un brusque ralentissement de sa croissance et serait, avec les Etats-Unis, le pays occidental le plus touché par ce phénomène. Selon le FMI, cette régression s’explique surtout à cause du contexte de crise mondiale, due à l’instabilité financière de ces derniers mois, mais aussi à un refroidissement de l’activité du secteur immobilier en Espagne. C’est sur le chômage et les prix, talons d’Achille traditionnels de l’économie espagnole, que la crise se fera le plus sentir, avec une inflation qui devrait atteindre largement les 4% cette année et un taux de chômage qui pourrait dépasser les 10% en 2009. Le FMI n’est pas la première ni la seule organisation à revoir les prévisions de croissance de l’Espagne à la baisse : le gouvernement avait déjà changé ses pronostics de 3,3% à 3,1% en décembre. Même si le Ministre de l’Economie, Pedro Solbes, avait qualifié d’«exagérées» les prévisions du FMI, il a finalement admis que la croissance ne dépassera pas les 2,3% cette année . Des chiffres proches de ceux de la Banque d’Espagne qui calculait, quant à elle, un taux de 2,4% et supérieurs à 1,9% du BBVA.
Une crise ? Quelle crise ? Sans prétendre nier les difficultés que traversent quelques PME du secteur immobilier ibérique ainsi que le réajustement que vit le pays, il est pour le moins osé de parler déjà de crise quand la croissance du pays sera supérieure à la moyenne de la zone euro (1,4%) et à celle du G-7. Nombreux sont les pays européens développés (surtout l’Allemagne et la France) qui auraient aimé pouvoir afficher les conditions économiques espagnoles de ces dix dernières années. Paradoxalement, les citoyens ont vécu depuis le début de l’année dans une sorte de climat apocalyptique qui annonçait l’arrivée imminente de la crise. Le traitement quelque peu anticipatoire et démagogique des médias (surtout des plus simplistes et donc des plus lus) ne doit pas faire oublier que les prévisions les plus préoccupantes ne sont pour l’instant que des prévisions, et que les bouleversements présents étaient attendus et même nécessaires selon les économistes. En ce sens, la société espagnole peut vivre un phénomène de prophétie auto-réalisatrice. Cette théorie, mise en place par le sociologue Robert K. Merton, explique qu’une croyance peut modifier des comportements qui, à leurs tours, transformerons cette perception en réalité. Ainsi, à la Bourse, si de nombreux spéculateurs pensent qu’une crise est imminente, leur première réaction sera de vendre leurs actions, ce qui provoquera…une réelle crise ! Sans vouloir transposer exactement le phénomène, il est vrai que l’ambiance qui règne est celle de l’arrivée de temps difficiles et cela pourrait provoquer une contraction de l’économie qui aggraverait les problèmes. Pour répondre à cette future tempête, José Luis Rodríguez Zapatero a présenté devant l’Assemblée quelques-unes de ses mesures phares. Comme il l’avait promis lors de sa campagne
électorale, le gouvernement a mis en place une déduction de 400 euros pour tous les retraités, salariés et professions libérales pour l’impôt sur le revenu. Le Premier Ministre a aussi promis un avancement dans les dévolutions de la TVA, la disparition de l’ISF et la révision de l’impôt sur les successions. Face à cela, les adversaires de Zapatero se trouvent dans une position paradoxale : ils acceptent que le Premier Ministre ne soit pas responsable de la crise (et montrent plutôt du doigt la BCE) mais insistent sur le fait que les « solutions » qu’il préconise ne vont faire qu’aggraver la tendance. Comme le dit Juan Ramon Rallo, citant l’économiste Ludwig Von Mises, « le gouvernement ne peut pas enrichir les gens mais il peut les appauvrir ». C’est, dans le fond, la vraie critique adressée à Zapatero. Il est vrai que les spécialistes ont toujours soutenu que l’économie espagnole est mal structurée (trop dépendante du tourisme et de l’immobilier), qu’il existe un déficit extérieur, un problème de chômage et une trop forte inflation, mais c’est peutêtre justement le moment idoine pour diversifier les échafauds du marché ibérique. Comme souvent, il est possible de sombrer dans le fatalisme ou de profiter des réajustements pour repartir sur de meilleures bases car « ce qui ne me tue pas me rend plus fort », comme disait si bien Nietzsche.
Parier sur des nouveaux moteurs Michel Camdessus, président du FMI de 1987 à 2000, parie sur l’option optimiste et affirme que ces turbulences économiques sont l’occasion de « réorienter la forme de croissance » et de parier sur « le savoir, les nouvelles technologies, l’innovation et la recherche ». L’Espagne a été pendant de nombreuses décennies un pays de délocalisation industrielle où les entreprises venaient chercher de la main d’oeuvre bon marché. La croissance et la convergence économique, réussie en partie grâce à ce même phénomène, ont modifié les salaires et de nos jours l’Espagne doit se rénover et offrir une valeur ajoutée propre. Comment réussir cette évolution ? Comme le dit Camdessus, en formant plus et mieux ses professionnels pour que la main d’œuvre ne soit plus moins chère (ce qui est impossible pour un pays qui tend à rivaliser avec les plus riches) mais mieux qualifiée. Cela passe logiquement par une augmentation du budget public (et privé) attribué à la recherche et au développement qui est très éloigné de la moyenne européenne et des objectifs fixés par l’U.E dans la « stratégie de Lisbonne » en 2000. Le gouvernement
souligne que « l’investissement en I+D+I (Investigación, Desarrollo, Innovación) s’est multiplié par plus de 2,6 dans la période 2004-2008 », mais cela n’empêche pas que l’Espagne n’y investit qu’un peu plus d’1% de son PIB. L’exécutif semble conscient de ce retard et de l’importance future d’un effort économique dans ces aspects et une des priorités des années à venir semble être « l’augmentation substantielle des ressources de l’Administration Générale de l’Etat en I+D+I, surtout en ce qui concerne les programmes de mobilisation du secteur privé » (Programme électoral du PSOE, p.123). Pour cela, le gouvernement a mis en marche le Plan Nacional de I+D+I 2008-2011, qui apportera 47.753 million d’euros pour tenter d’arriver à un investissement de 2% du PIB . Cette adaptation nécessaire passe aussi par un pari décidé pour les nouvelles technologies, rentables à long terme. C’est un fait avéré que les entreprises choisissent majoritairement des pays agréables (Italie, Espagne, sud de la France…) pour leurs congrès ou réunions ; il parait donc logique de tenter de mettre en place des pôles technologiques high tech en Espagne, similaires à la Silicon Valley californienne. C’est l’objectif du projet Malaga Valley e-27 qui réunit différentes entreprises du secteur des nouvelles technologies pour « transformer Malaga en la plus importante zone d’excellence technologique d’Europe, un « Silicon Valley » européen capable d’attirer des entreprises de tous horizons et des investissements en recherche et développement » (voir www.malagavalley). C’est une manière de profiter des avantages de chaque pays, comme c’est le cas aussi de l’énorme développement des énergies renouvelables que connaît l’Espagne, un des états leader de ce marché. Comme le dit José María González Vélez, président de l’Asociación de Productores de Energías Renovables (APPA) « l’Espagne part d’une position privilégiée pour participer au leadership mondial » car l’expansion de ces énergies dans le pays « est considérée comme un modèle à suivre ». Cela fait plusieurs années que les grands groupes investissent dans le secteur et l’importance de cette branche augmente tous les jours, comme le montre le slogan (“Pioneros en desarrollo y sostenibilidad”) et la philosophie de Acciona ou l’image corporative que veulent transmettre des marques comme Iberdrola Renovables ou même Repsol YPF (voir la belle campagne de pub qui passe ces jours-ci à la télévision). Quoi qu’il en soit, la volonté de Zapatero et la conjoncture mondiale invitent à croire à un revirement de la politique du gouvernement socialiste espagnol et à un travail peut-être plus ingrat et moins spectaculaire. On avait en effet beaucoup critiqué le premier ministre espagnol à cause de l’importance qu’il donnait au talante (une sorte d’écoute, de gentillesse face à l’adversaire politique) au détriment du travail moins visible. On parlait alors d’une politique « tape à l’œil » et peu efficace. Avec les problèmes économiques qui s’annoncent et que Zapatero ne semble pas vouloir minimiser, il aura sûrement l’occasion de faire taire ses adversaires car, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’économie est traditionnellement un des sujets les moins glamour et rentables pour les hommes politiques.
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Elections : le casse-tête catalan Le 9 mars, les citoyens espagnols sont appelés à voter quatre ans après l’attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire de ce pays, qui avait eu une influence décisive dans les résultats électoraux.
Texte : Aurélien Le Genissel
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Dans un climat plus serein, les électeurs vont maintenant choisir entre un grand nombre de partis politiques (près d’une centaine de candidatures ont été admises) même si, au final, la décision se fera entre la gauche (PSOE) ou la droite (PP). En ce sens, la complexe réalité nationale de l’Espagne se reflète dans un système politique unique, et qui est difficilement comparable à celui de tout autre grand état occidental, si ce n’est, de loin, à celui de l’Allemagne. En effet, que ce soit pour les élections présidentielles ou pour les législatives, le vote en France, par exemple, se fait toujours pour un parti et d’un point de vue national. Il est vrai que les députés sont toujours les représentants d’une région ou d’un territoire, mais ils sont surtout au service d’un groupe parlementaire qui
cherche la victoire et le gouvernement de la France. On peut dire qu’il en va à peu près de même en Angleterre, où le pouvoir se répartit entre les Tories et le parti travailliste. Même s’il peut y avoir une division des pouvoirs entre plusieurs figures (Le Président et l’Assemblée Nationale), en France ou en Italie par exemple, ces représentants s’occupent toujours de prendre des décisions pour l’ensemble du pays.
Qu’en est-il en Espagne ? Que votent les Espagnols lors de cette élection législative ? Comme en France, ils votent pour une chambre des députés (le Congreso de los Diputados). Cette chambre présente deux caractéristiques qui lui sont propres : ses limites
législatives et exécutives (surtout dans des communautés autonomes comme la Catalogne ou le Pays basque) et les intérêts territoriaux qui s’y mettent en place. En effet, même si les deux partis majoritaires (PP et PSOE) regroupent un très grand nombre de députés (proche des 90% en 2004), il est rare (cela n’est arrivé que trois fois : en 1982 et 1986, pour le PSOE, et en 2000, pour le PP) qu’un des deux atteigne la majorité absolue. Un cas dans lequel, le gouvernement doit se mettre en place en coalition avec des partis minoritaires. Contrairement à la France, ces petits partis se définissent non pas par leurs différences dans le spectre politique, mais par le fait qu’ils soient les représentants d’une communauté autonome, dont ils ont à charge de défendre les intérêts.
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La politique espagnole se joue sur deux dimensions : le débat idéologique et le discours territorial. D’où l’importance des zones dans lesquelles les partis nationalistes prennent un poids important et décident, grâce à leurs groupes parlementaires, du devenir du gouvernement espagnol. En Catalogne, Convergencia i Unió (CiU), fruit de la fusion de Convergència Democràtica de Catalunya et d’Unió Democràtica de Catalunya, est le parti nationaliste le plus important depuis l’avènement de la démocratie en 1977. Centre-droit de l’échiquier politique, le CiU a appuyé à de nombreuses reprises différents gouvernements du parlement espagnol, qu’ils eurent été de droite ou de gauche. De la même façon, depuis quelques années, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), un parti indépendantiste de gauche, a lui aussi réussi à avoir un rôle dans la politique catalane et même espagnole puisqu’il appuie de manière intermittente le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero depuis quatre ans. Historiquement, le fer de lance de l’ensemble de ces groupes, jouant à la fois sur le tableau national et régional, a toujours été de savoir dans quelle mesure participer ou intégrer leur politique à Madrid, sans pour autant trahir leurs intérêts qui se trouvent presque exclusivement en Catalogne.
La Generalitat de Catalunya et son influence… Cette ambiguïté s’accentue d’autant plus si l’on tient compte du fait que la Catalogne possède un puissant gouvernement autonome, limitant le pouvoir effectif du parlement espagnol et donc l’importance du vote dans les élections législatives. Pour un Catalan (et en grande mesure pour un habitant du Pays basque, de Galice ou de Navarre) il est presque aussi important de voter pour les députés madrilènes que pour ceux siègeant à la Generalitat de Catalunya. En effet, la Generalitat possède les
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compétences exclusives en matière de culture, tourisme et logement. Elle contrôle également en grande partie les domaines tels que la sécurité (avec une police propre, les Mossos d’Esquadra), l’éducation et la santé. Lorsqu’il n’a pas la possibilité de décider de manière indépendante, comme c’est le cas pour l’immigration, les impôts ou les infrastructures, le gouvernement catalan participe au choix de la résolution finale, grâce à des commissions bilatérales ou à une répartition des pouvoirs avec l’Etat.
dans l’imbroglio électoral. Serait-ce un exemple de ce qu’on appelle ici le seny catalan (modération ou bon sens) ?
Enjeux, stratèges et alliances pour attirer le vote catalan Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les votes catalans aient une répercussion si grande pour le parlement espagnol et qu’à l’inverse, les résultats espagnols puissent influencer le gouvernement autonomique. Ainsi, par exemple, le leader de CiU, Artur Mas, a déjà averti les socialistes espagnols que s’il apportait son soutien pour former un gouvernement à Madrid, cela aurait logiquement des conséquences sur le parlement catalan, où les socialistes gouvernent en coalition avec la gauche. Il est inconcevable pour lui de donner son appui à Zapatero sans contreparties politiques pour la Catalogne. Quelles pourraient-elles être ? Il ne l’a pas précisé, mais on peut imaginer qu’il y ait une dissolution de l’assemblée ou de nouvelles coalitions parlementaires, car CiU est le parti catalan comptant le plus de députés au parlement de la région, mais il ne gouverne pas. Ces tensions territoriales ne sont pas l’exclusivité des socialistes et le PP, en nommant Manuel Pizarro comme numéro 2 de leur candidature, a effectué un mouvement stratégique qui va au-delà du débat idéologique. En effet, Pizarro est perçu par une grande partie de la société comme une personne « anticatalane »
On comprend donc que les citoyens s’intéressent autant aux élections législatives espagnoles qu’aux élections catalanes. Une des conséquences majeures de ce double jeu se ressent dans les habitudes électorales : beaucoup ne votent pas le même parti quand il s’agit d’élections espagnoles ou catalanes.
Historiquement, dans les élections catalanes, le CiU a quasiment toujours eu la majorité sur le Parti Socialiste de Catalogne (PSC). Il a aussi toujours réussi à obtenir plus de députés, ce qui l’a fait siéger au gouvernement durant 25 ans, jusqu’à sa défaite en 2003, face à une coalition de partis de gauche, le Tripartit (formé par le PSC, ERC et les Verts). Cependant, lors des élections nationales, les résultats s’inversent systématiquement ; c’est le PSC qui réussit à l’emporter. Mobilisation d’un électorat différent, votes selon le type de députés, aires d’influences variables, les explications sont infinies, mais une chose est sûre : la multiplicité sociale se retrouve
depuis qu’il a freiné l’OPA de Gas Natural (une entreprise avec un fort capital de la banque catalane La Caixa) sur Endesa quand il était président de cette dernière. Les analystes ont donc déduit que cette nomination était une sorte de choix où les dirigeants de la droite sacrifiaient les votes en Catalogne (où ils ne sont en fait que la quatrième force politique), pour stimuler les électeurs du reste de l’Espagne. Comme on le voit, la campagne électorale en Espagne doit toujours se lire d’un double point de vue, sans jamais oublier les
pressions qui naissent de l’Estado de las Autonomias (nom du système politique décentralisé de l’Espagne). Tout cela est d’autant plus vrai maintenant que doit se mettre en place le nouvel Estatut. Tout cela est d’autant plus vérifiable à l’heure de mettre en place le nouvel Estatut (une sorte de constitution de la Catalogne), voté et approuvé en 2006, ce qui va augmenter l’autonomie du gouvernement catalan en matière d’impôts, de pouvoir sur les ports et les aéroports ou des finances publiques. Toute une lutte pour les chiffres et les
promesses, les revendications nationales et la répartition budgétaire qui risque de compliquer encore les alliances. On ne peut prévoir les résultats mais il semble probable qu’une fois encore l’appui des nationalistes sera décisif pour le gouvernement de l’Espagne. Politique à deux dimensions et sur deux espaces d’influences. Un nombre incalculable de possibilités et de combinaisons. Jamais peut-être la politique n’avait été si complexe, passionnante et imprévisible. Faites vos jeux, tous les choix sont possibles !
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ACTUALITÉ
Petit manuel pour touristes…
classiques de l’Espagne en terre catalane. Laissez donc de côté la beauté de la corrida, le rôle important de la monarchie dans la transition démocratique, l’évolution exemplaire de l’économie ces dernières années et, surtout, surtout, ne parlez jamais des sevillanas ou du flamenco (folklore très éloigné de l’image que les Catalans ont d’eux-mêmes). Il existe un grand risque de se retrouver à débattre sur la qualité de Barcelone comme ville « anti-taurine », sur le coût actuel de la monarchie ou sur la publication imminente des balances fiscales entre les régions qui montrera, sans doute, le préjudice économique dans lequel vit la Catalogne depuis la nuit des temps. De manière analogue, un autre piège à éviter est de comparer Barcelone à Madrid. Si vous avez visité les deux villes (et ne parlons pas si vous avez le malheur de préférer la capitale) rabattez-vous vite sur le discours protecteur des qualités spécifiques de chaque endroit. De plus, le débat est clos pour les Catalans depuis que « Los Refrescos » ont rappelé dans une chanson à succès que dans la capitale espagnole « no hay playa » (il n’y a pas de plage). Point final. Les conseils sportifs tournent évidemment autour du Barça, gloire et fierté de tout un peuple. Si quelqu’un vous fait remarquer que celui-ci « es més qu’un club » (est plus qu’un club), ne demandez pas s’il parle du fait que c’est aussi une patinoire ou un compte bancaire, il ne fait que souligner l’importance sociale et symbolique du club pour la Catalogne. Mais, en vérité, ne vous inquiétez pas, c’est un club… comme les autres. En parlant de culture, le musée qui se tient au Nou Camp est le plus visité de la région. Après lui, il ne reste plus qu’à faire un tour dans le célèbre Museu de l’Eròtica au beau milieu des Ramblas. Pour ce qui est de l’Euro, réjouissez-vous de la belle performance de l’équipe « nationale », mais sans trop de fougue, on ne sait jamais sur qui on peut tomber…
Photo : Port Olimpic © Turisme de Barcelona / Espai d’imatge
Quelques bonnes idées
Photo : Anella Olimpica de Montjuic © Turisme de Barcelona / Espai d’imatge / Texte : Aurélien Le Genissel
Le soleil s’éternise, la chaleur arrive, les gens sourient, les femmes s’embellissent, les hommes se désespèrent, les terrasses se remplissent, les touristes envahissent les rues… l’été est arrivé ! Et comme c’est l’été pour tout le monde, pour ce mois de juillet si décontracté, l’insipide actualité semble, elle aussi, engourdie par la montée des températures. Rajoutez à cet alanguissement l’apathie intellectuelle propre à cette époque et tout le monde comprendra pourquoi les joies et les désagréments de la saison se retrouvent au centre des réflexions de cet article hérétique. Bienvenue, Bienvenido, Benvingut, Welcome La meilleure manière de connaître une ville, une région ou un pays (en plus d’éviter la combinaison chaussette-sandale…) reste de découvrir ses coutumes et de s’intégrer aux subtiles habitudes locales comme le recommande le Petit guide du parfait voyageur. Défi gigantesque pour des étrangers qui traverseraient pour la première fois les Pyrénées munis de leur éternel et invariable Guide du Routard et chercheraient à « goûter à la spécificité de l’âme catalane et à ses trésors artistiques, de Dalí à Gaudí en passant par Tàpies et Miró » ou à « fréquenter ses bodegas » (voir www.routard.com/guide/code_dest/espagne.htm). N’y a-t-il pas une «Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà», comme l’affirmait le philosophe ? Et pour bien vivre la diversité de cette Espagne « inépuisable », si chère à notre fameux guide (avec la permission de l’autre Petit livre Rouge national produit par une marque de pneumatiques), rien de mieux et de plus risqué que tenter de comprendre cette entité si éculée et surannée qu’est l’âme nationale, dans ce cas l’âme catalane. Heureusement, service d’intérêt général oblige, Pilote Urbain est là pour transformer un visiteur passager en
Mais tout n’est pas faux dans l’image extérieure du pays et, à Barcelone, quelques clichés reflètent convenablement les plaisirs de la ville. Pour ne citer qu’eux, il est indispensable et inoffensif de profiter des tapas, des terrasses au soleil, de la fameuse sangria ou de l’attrayante vie nocturne. Pour cela, il faut d’abord et avant tout avertir le touriste : il existe une vie au-delà des Ramblas et du Barrio Gotico. Inutile de passer ses journées à faire des allers-retours entre Plaça Catalunya et la statue de Christophe Colomb une fois que l’on a déjà vu le quartier. Il est clair que nous ne voulons pas occulter ou minimiser l’attrait et l’intérêt de ce qu’il est coutume ici d’appeler El Centro (ce qui montre bien son importance). Il est même essentiel d’aller s’y promener, boire un café ou une birra
spécialiste imbattable grâce à quelques méthodes clés apprises avec le temps. Petit cours du parfait barcelonais en quelques points.
Quelques erreurs « a no fer » Rien n’est plus dur si on veut s’intégrer que d’être rejeté comme un intrus qui ne peut rien comprendre. Cela arrive souvent (et partout) au touriste, aussi appelé « guiri » par la faune autochtone locale, qui ne comprend pas le faux pas qu’il vient de commettre. Pour éviter cette embarrassante situation, il est donc indispensable de suivre quelques conseils qui pourront permettre à tout le monde de se mouvoir comme un « vrai catalan ». Et voici donc le premier : ne jamais demander à qui que ce soit ce qu’est un « vrai catalan » sous peine de gâcher votre après-midi ou votre soirée. Débat aussi long et stérile que de savoir quel sera le prochain candidat socialiste à la présidentielle ou pourquoi l’O.L. ne passe pas les quarts de finales de la Coupe d’Europe. Sentiment nationaliste (régionaliste, fédéraliste, indépendantiste…) et esprit de contradiction obligent, de manière générale (et préventive), il est mal vu de parler des clichés
Photo : Port Vell © Turisme de Barcelona / G foto
(bière) surtout en fin d’après-midi (c’est-à-dire l’heure du dîner en France, vers 19h30 ou 20h) pour assister au bouillonnement de la vie espagnole. Plus tôt, il est possible de profiter de toutes les boutiques de Portal de l’Angel (à quelques mètres des Ramblas) et, plus tard, il est temps de goûter aux sangrias de la rue Tallers, juste à côté de la fontaine de Canaletes. Mais si l’occasion se présente, aventurez-vous dans des contrées moins fréquentées comme les quartiers de Sarrià, Poble Sec ou Sant Andreu. En ce qui concerne la nuit, Barcelone cache des ambiances pour tous les goûts. Pour les amateurs de bars, fêtes à l’air libre et botellón (même s’il est interdit), ces « réunions » où les jeunes boivent assis sur les places, l’endroit idéal reste Gràcia, un quartier décontracté et accueillant rempli de jeunes espagnols et étrangers pendant l’été. Si, au contraire, ce que l’on cherche sont des boîtes de nuits à la mode, nombreuses possibilités s’offrent au voyageur. Les plus huppées et sélectives sont dans le quartier de Sant Gervasi (comme Otto Zutz ou Sutton), au Nord de la Diagonal, où se donnent rendez-vous les gens chics et bien habillés. Les plus fashions et internationales se trouvent sur la Montagne de Montjuic (avec des clubs comme La Terrazza) et dans le Gayxample de la ville (une partie de l’Eixample). Il ne faut pas oublier non plus des zones comme le Born, Parallel (avec la sala Apolo) ou Poblenou (avec Razzmatazz) où l’on trouve des classiques du genre.
Photo : Font Màgica de Montjuic © Turisme de Barcelona / Espai d’imatge
Un peu de culture… aussi Il est inutile de renchérir sur la beauté des monuments, musées et lieux les plus classiques de la ville, que vous trouverez dans n’importe quel pamphlet sur Barcelone. Sinon suivez les foules. Mais derrière tout ça, il existe aussi quelques autres lieux de moindre notoriété qui sont tout aussi intéressants. Pour se cultiver ou profiter de l’air conditionné des musées, l’idéal reste le Macba et le CCCB (qui se trouvent côte à côte), deux immeubles modernes situés en plein cœur du raval, et dont l’architecture contemporaine est en opposition avec les rues étroites et les vieilles maisons de ce quartier traditionnel de Barcelone, dans l’esprit du Centre Pompidou à Paris. Un référent pour les touristes « in » et les intellos de la région. Un autre phénomène très espagnol sont les fondations-musées financées par les caisses d’épargne qui présentent en général une programmation originale et avant-gardiste. Citons, par exemple, le Caixaforum, près de la plaza España, dont le principal attrait, en plus de la qualité de ses expositions, sont la beauté de l’endroit et la gratuité de son offre. Il en va de même avec la Fundació Caixa Catalunya, placée au cœur de la magnifique Pedrera du Paseo de Gracia, avec des expositions plus classiques mais toujours exotiques et qui ouvre son extraordinaire terrasse sur le toit en juillet jusqu’à 23h30. N’oublions pas, pour finir, le Museu National d’Art de Catalunya (MNAC), qui ouvre ses portes à l’intérieur du Palau Nacional avec des vues splendides sur les fontaines de Montjuïc, et dont le niveau artistique n’a cessé de progresser ces dernières années. Pour les amoureux d’une architecture et d’un urbanisme aussi actuel que controversé, en dehors des sentiers rebattus, il existe la Torre Agbar, aussi appelée El Condon (le préservatif) à cause de sa forme phallique, de notre architecte national Jean Nouvel récemment primé avec le prestigieux Pritzker et, plus généralement, toute la zone de Diagonal Mar (située au bout de cette artère barcelonaise), construite en 2004 à l’occasion du Forum Universel des Cultures. D’autres « perles » moins connues sont le Palau de la Musica Catalana (restauré en 1989), l’Auditori (imaginé par Rafael Moneo) et le Teatre Nacional de Catalunya (de l’infatigable Ricardo Bofill). Dans un esprit plus proche du Marais parisien, la visite à la Catédral Santa Maria del Mar est l’occasion parfaite pour découvrir le Born, un quartier en plein essor qui regroupe des restaurants minimalistes, des boutiques innovatrices et des bars à la mode.
même pas de savoir où vous pourrez garer votre véhicule si vous avez eu la brillante idée (Ô rage ! Ô désespoir !) de voyager en voiture ! Le bariolé système pictural est largement plus complexe que la phénoménologie de l’Esprit. Last but not least, les sybarites et autres gourmets ne peuvent laisser échapper l’opportunité de goûter quelques « bonnes adresses », comme on dit dans le jargon, et quelques « bonnes bouteilles » qui n’ont rien à envier à notre nectar hexagonal. Pour manger : Roig Rubi, Cinc Sentits, Coure, Moncho’s ou le Bar Tomás (à Sarrià, les meilleures bravas de Barcelone) en ordre décroissant de prix. Pour boire : Roda I, Aalto, Valderiz, Pago de los Capellanes, Luis Cañas, Carmelo Rodero. Pour redonner leur vraie valeur à ces quelques conseils, finissons par une belle phrase du toujours énigmatique et poétique Ludwig Wittgenstein : « Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen - en passant par elles - il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l’échelle après y être monté.) », proposition 6.54 du Tractatus logicophilosophicus. Quoi qu’il en soit, profitez de Barcelone, c’est une belle ville. Même Woody Allen y vient tourner ses films. C’est pour vous dire !
LE CHAT
Par Philippe Geluck / www.geluck.com
Photo : Torre Agbar © Turisme de Barcelona / Espai d’imatge
La vie, mode d’emploi S’il y a quelque chose d’essentiel pour assimiler pleinement le mode de vie ibérique c’est l’horaire. En ce sens, la majorité des restaurants (sauf les plus commerciaux) ne servent pas de déjeuner à 12h ni de dîner à 19h30 mais plutôt vers 14h et 21h30. Il serait donc souhaitable de décaler de deux heures les habitudes établies. Surtout que les bars se remplissent souvent vers 23h et ne ferment pas avant 3h. Ainsi, il est inutile d’arriver en boîte vers 00h30 ou 1h : vous serez les seuls sur la piste de danse ! Même si les balades au bord de l’eau sont plaisantes, les habitants ne vont pas majoritairement à la plage de Barcelone. Pour profiter d’une vraie journée au soleil, faites comme eux, choisissez plutôt les petites villes avoisinantes (très proches avec le train de proximité qui se situe à Plaça Catalunya), avec leur sable moins pollué, comme Castelldefells, Sitges (capitale gay du pays) ou Comarruga. Le voyage vaut la peine car quelques-unes ont des centres historiques ou des paseos agréables où se promener en mangeant une glace. Les dirigeants n’ayant pas considéré utile d’ouvrir leurs bornes de vélos payantes aux visiteurs épisodiques (le Bicing marche avec une carte annuelle), ne vous faites pas d’illusion sur une bucolique ballade à deux roues le long de la Diagonal. Au mieux, vous ne pourrez que vous réjouir des nombreux problèmes techniques que rencontrent les usagers habituels. Ne parlons
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Espaces urbains : Les challenges de demain Texte : Aurélien Le Génissel
On pourrait appliquer, à l’évolution actuelle des grandes villes européennes, la formule que Barthes écrivait à propos de Tokyo en 1970 : « La ville dont je parle (Tokyo) présente ce paradoxe précieux :
Comme pour la capitale nipponne, c’est un espace de plus en plus réglé par des lois de cohabitation. L’évolution démographique et la prolifération de l’offre en tout genre qui envahit
urbaines. Là où hier on se trouvait face à une course à la modernité, aux grattes ciels et aux métros, à une sorte de joie du « toujours plus », on assiste aujourd’hui à une lutte pour les transports en commun,
elle possède un centre, mais ce centre est vide. Toute la ville tourne autour d’un lieu à la fois interdit et indifférent, demeure masquée sous la verdure, défendue par des fossés d’eau… ». De nos jours, ce n’est plus un parc sacré qui structure l’espace métropolitain.
l’espace public ont provoqué un curieux phénomène de repli, qui transforme l’espace urbain en un lieu où règne le plus petit dénominateur commun. Paradoxalement, l’objectif à atteindre est une zone de bien être et de repos, où l’on tente de limiter les caractéristiques
tandis que les piétons usent d’une philosophie du contrôle et de la retenue. Alors, prise de conscience ou mauvaise conscience ? Depuis quelques années, les habitants des grandes villes européennes peuvent se demander légitimement ce qu’il en est
ACTUALITÉ de l’idéal moderne de la construction et des voitures. Comme le souligne Marcel Hénaff, « la très ancienne monumentalité a perdu ses assises ; et même la plupart de ses repères. Le concept d’espace public comme visibilité liée à cette monumentalité est lui aussi en crise » . Comprenant les désagréments provoqués par une amélioration exponentielle de la technologie et de ses dérivés, mais profitant aussi de celle-ci, les mairies ont décidé d’agir pour tenter de résoudre les problèmes de cohabitation apparaissant, comme par exemple les bouchons, la nuisance sonore, les problèmes de santé ou la pollution. La Generalitat de Catalogne calcule que près de 50% des résidus dans l’air viennent des différents transports terrestres (voir http://mediambient.gencat.net). Les politiques mises en place sont spécifiques à chaque ville, mais il existe quelques points communs représentatifs d’une volonté d’améliorer la sphère commune, en mettant en place des structures limitatives et, surtout, à travers une législation (restrictive) qui n’est pas toujours bien perçue. C’est évidemment dans cette optique que s’inscrivent les récentes lois sur le tabac ou la très controversée Ordenança de Convivència (cette sorte de « charte du bon citoyen »), que la mairie de Barcelone a mis en place il y a quelques années.
Transports : vers un nouveau modèle Selon la Generalitat, Barcelone compte chaque jour plus de six millions de déplacements, dont une grande majorité (70%) passe par le centre-ville. C’est pour cela que l’on assiste par exemple, ces dernières années, à l’apparition d’un phénomène nouveau dans de nombreuses villes espagnoles : la prolifération des « zones » de stationnement payant. Caractérisées selon différentes couleurs (vert, bleu, orange, rouge…), elles sont censées éviter l’utilisation abusive de la voiture en ville et favoriser les déplacements par des moyens alternatifs (transports en commun, vélo, à pied…). Presque toutes les grandes agglomérations ont adopté ce système (Madrid, Barcelone, Valence, Bilbao, Saragosse, Tarragone…), au détriment,
par exemple, de l’installation d’un péage urbain comme à Londres (London congestion charge, instauré début 2003), Oslo ou Milan, qui oblige le propriétaire de tout véhicule entrant, sortant ou circulant à l’intérieur de la zone de péage entre 7 heures et 18 heures, du lundi au vendredi, à payer une taxe de circulation (une journée à Londres s’élève à 8 £).
Le cas de Barcelone Le monde des zones, prix, amendes, couleurs et horaires est un véritable labyrinthe pour qui voudrait tenter de le comprendre. En ce qui concerne Barcelone, il existe trois zones : la verte qui est exclusive pour les voisins (où ne peuvent stationner que les voitures dont les propriétaires habitent le quartier), la verte « générale » qui favorise économiquement les résidents des alentours, mais qui reste ouverte au reste des usagers, et la zone bleue, payante de manière homogène pour tous. S’il peut être compréhensible que ces restrictions s’appliquent pour des endroits fortement congestionnés (le centre ville) ou pour des quartiers où le stationnement est difficile ou gênant (Gracia ou une partie de la Barceloneta), il est difficile de comprendre pourquoi il doit être appliqué dans des quartiers périphériques ou des espaces résidentiels, dont la majorité des habitants possède un parking et où les transports publics sont plutôt absents. Quoiqu’il en soit, la mairie de Barcelone a décidé d’étendre le phénomène à toute la ville. A l’époque, cette loi provoqua les critiques des partis de l’opposition, le PP et CIU, qui défendaient la gratuité pour les voisins, comme c’est le cas, par exemple, à Vitoria. L’invasion de ces espaces de stationnement payant a entraîné de nombreux problèmes dont le moindre n’est pas de savoir comment peuvent faire les touristes pour venir en voiture à Barcelone. Aporie insoluble, si l’on sait que le prix moyen pour 140 minutes de parking à Barcelone est de 5 euros, mais aussi qu’on a longtemps attendu l’arrivée du TGV reliant la capitale catalane à Madrid et qu’on risque d’attendre celui la reliant à la France. La ville pourrait peut être prendre exemple sur Stockholm, qui a mis en place le système de péage urbain
tout en permettant l’entrée aux voitures immatriculées à l’étranger. Il existe de nombreux indicateurs qui montrent que la spéculation sur les places de parking barcelonaises a déjà commencé. On comprend pourquoi. La zone bleue, par exemple, est une des plus chères d’Espagne et elle est trois fois plus coûteuse qu’à Madrid. Pour se garer une heure, le conducteur barcelonais doit abonner un peu plus de 2 euros (le prix varie un peu selon les endroits), tandis qu’à Madrid cela ne coûte que 0,75 euros. Barcelone reste la ville la plus chère loin devant d’autres métropoles comme Malaga (1,15 euros par heure), Bilbao
du Trambaix permettent de relier Sant Feliu de Llobregat à la place Francesc Macià, tandis que les deux du Trambesòs font de même entre Badalona et la Vila Olímpica. Il existe un troisième tramway, plus touristique (le Tranvia blau), pour monter à la montagne du Tibidabo. Reste que, comme souvent, ces initiatives sont accompagnées de leurs lots de critiques et d’incohérences. On ne compte plus le nombre d’accidents (dont quelques cas mortels) qui ont eu lieu pendant les premiers mois de la mise en place du tramway, bloquant la circulation et ralentissant paradoxalement le transport urbain ! De la même façon,
(1 euro par heure) ou Granada (0,8 euros par heure). De plus, il existe des rues du centre ville où l’on ne peut laisser garée sa voiture que pendant une heure, même si normalement on peut le faire deux heures. C’est nettement moins de temps que dans les autres villes espagnoles où cela oscille entre une heure et demie et deux heures et demie. Le prix de la zone verte pour un conducteur standard est aussi très élevé et atteint les 2,55 euros par heure pendant deux heures maximum. Pour ce qui est des avantages comparatifs, il faut noter que le prix, pour un voisin, de « sa » zone verte est de 0,20 euros par jour, soit 1 euro par semaine. Dans ce cas, c’est le tarif le moins cher en Espagne, après Madrid. De plus, la mairie a mis en place une politique de « bonus » qui permet aux résidents n’ayant jamais été verbalisés de bénéficier d’une subvention de 0,05 euros par jour. Un autre aspect satisfaisant est que Barcelone est une des seules villes à ne pas imposer un tarif minimum et à maintenir des prix purement proportionnels aux nombres de minutes de stationnement.
nombreuses sont les personnes qui ne comprennent pas pourquoi les horaires du bicing s’arrêtent à minuit pendant la semaine (il ouvre à 5 heures) juste au moment où il n’y pas plus de transport en commun, mis à part le Nit bus. Désormais, on ne parle plus de « dernier métro »,
Solutions alternatives : idées et paradoxes Barcelone, comme beaucoup de villes européennes (Paris, Amsterdam, Lyon…), a mis en place un système de bornes de vélos payants gérés par la mairie : le bicing. Il a vu le jour entre mars et juin 2007 comptant environ 1500 vélos et 100 stations. De même, depuis quelques années, il existe cinq nouvelles lignes de tramway à Barcelone. Les trois itinéraires
Fribourg, un modèle de ville écologique Les villes européennes se transforment ainsi petit à petit, maisquelques-unes ont déjà pris ce chemin depuis longtemps et représentent souvent un miroir dans lequel se regarder. C’est le cas de beaucoup de capitales du nord de l’Europe comme Oslo, Stockholm, Heidelberg et, surtout, Fribourg, une référence européenne en la matière. Gouvernée par les Verts depuis quelques années, la ville a mis en place, depuis plusieurs décennies, des plans permettant de conjuguer la modernisation et le bien être. Dans les années 70, des pistes cyclables ont été créées, le centre ville
on parle de « dernier bicing » ! Beaucoup de plaintes montrent que les chauffeurs de taxis, quant à eux, ne sont pas spécialement contents de gérer ces nouveaux clients, préférant les longs trajets des touristes. Pour pouvoir profiter des avantages du vélo, il faut quand même retirer une carte annuelle dont le prix est de 23 euros et qui permet d’utiliser ce transport gratuitement pendant une demi-heure. Le temps supplémentaire doit se payer, avec un maximum de deux heures. Encore une fois, d’autres systèmes présentent des avantages qu’il faudrait peut-être incorporer, comme le paiement direct par carte de crédit à Paris, beaucoup plus
flexibilité de paiement pourrait être avantageuse pour tous. En plus de ces moyens de transport alternatifs, le gouvernement catalan a mis en place depuis l’été 2007 un plan d’amélioration de l’air qui inclut des mesures concernant le transport et la pollution qu’il engendre. Une des mesures les plus controversées a été, par exemple, la diminution de la vitesse maximale en voiture à 80 km/h pour toutes les voies se trouvant aux alentours de Barcelone. Le plan prévoit aussi des modifications dans 40 localités proches de la capitale, qui vont devoir s’adapter à ces nouveautés environnementales. Ainsi Terrassa, par exemple, a aussi mis en
facile pour les touristes ou les utilisateurs irréguliers. Il est vrai que la mairie dit explicitement que « ce n’est pas un service public pour louer des vélos à des fins touristiques », mais il existe quand même des occasions où une plus grande
place un service de vélos, géré par la mairie, et a réduit la vitesse des voitures à 30 km/h dans une grande partie du centre ville. Dans la même optique, la Rambla de cette ville est devenue entièrement piétonne.
est devenu piéton et le tramway a pris une grande importance. De nos jours, le réseau cyclable s’étend sur plus de 500 kilomètres et la gare ferroviaire sert de connexion efficace entre les différents modes de transport, mettant à la disposition du public un parking à vélos de plus de mille places. Toutes ces mesures sont également accompagnées d’une utilisation optimale des énergies renouvelables, ce qui a valu à la ville le surnom de « Ville Solaire ». Dans les années à venir, les grandes agglomérations vont repenser la définition de l’espace public. Il faudra décider quel modèle est-il préférable d’adopter. Comment maintenir un rythme de vie toujours plus exigeant, un
emploi du temps qui laisse peu de place à la flânerie et, en même temps, des politiques qui font passer la qualité de vie avant l’efficacité ? Les gouvernants doivent inciter les usagers à utiliser au mieux les ressources parallèles mises en place, mais pour cela il faut des alternatives viables, utiles et raisonnables. Pour y arriver, il reste sans doute beaucoup d’efforts à faire, mais l’objectif à atteindre est de mieux répartir l’espace commun, en limitant les excès contreproductifs des dernières années. Il semble probable que les villes du futur adoptent la maxime de l’art minimaliste et se dirigent vers un modèle où « le moins c’est le plus ». Espérons que cela puisse fonctionner.
ACTUALITÉ
Tourisme : quel modèle pour Barcelone ?
L’été se termine et déjà de nombreuses personnes se plaignent de la baisse du tourisme. Pourtant, on a pu les apercevoir dans les rues, les bars, les boîtes de nuit, les musées, les restaurants et les monuments de la ville. Mais, devant une telle diversité d’offres, cela reste difficile de se faire vraiment une idée sur ce qui attire le touriste à Barcelone. Attention à ne pas trop se disperser.
Photos : Turisme de Barcelona / Texte : Aurelien Le Genissel
Le vent en poupe, pour le moment… C’est presque une évidence de remarquer l’importance croissante du tourisme pour Barcelone. Selon les chiffres de «Barcelona Turisme», un consortium créé par la mairie et la chambre de commerce pour consolider, développer et promouvoir cette activité, la ville se situe au cinquième rang des agglomérations européennes en ce qui concerne le nombre de visites. Mais, ce qui semble plus important, Barcelone connaît depuis quelques années une progression remarquable : entre 2000 et 2006, elle est passée de 3.643.562 visiteurs à 7.236.428, ce qui lui a permis de dépasser des capitales aussi importantes qu’Amsterdam ou Berlin. Malgré les innombrables déboires de ces derniers étés (chaos aéroportuaire, problème des Rodalies et du TGV, coupure d’électricité, danger de sécheresse…), qui faisaient craindre une dégradation de son image aux professionnels du secteur, la ville a continué sa progression en 2007. Et, au vu de la densité humaine des grandes artères sous le soleil catalan cet été, il devrait en être de même en ce qui concerne 2008. Mais, que viennent chercher ces nouveaux «guiris» venus d’ailleurs ? Il est évident que Barcelone s’est vue entraînée dans ce nouveau boom touristique fruit d’une belle croissance et d’un climat
privilégié. Grâce à son développement économique, social et culturel, facilité par une exemplaire intégration européenne, l’Espagne (et, au-delà, de nombreux pays du Sud) apparaît depuis quelque temps maintenant comme un parfait filon pour l’étranger en quête de dépaysement. Une ration pas trop risquée d’«exotisme» dans un cadre qui se veut, en fin de compte, plutôt rassurant. Ce n’est pas un hasard si les villes qui ont connu la plus grande croissance dans le secteur depuis le début du siècle sont, en plus de Barcelone, Madrid et Rome. Mais avec l’esprit d’aventure et le cosmopolitisme des nouvelles générations, l’arrivée dans l’U.E de nouveaux pays «exotiques» venus de l’Est, des transports de moins en moins chers et l’émergence de l’Asie, tout le monde sait qu’il est impératif de bien définir une « certaine idée de la ville », comme dirait le Général. Aujourd’hui, aller à Paris ou à Milan n’est presque plus aller à l’étranger. Pour cela, les jeunes préfèrent l’Inde, la Chine ou l’Afrique. Il est alors important pour le tourisme de bien souligner les atouts de la capitale catalane et d’adapter les infrastructures au type de tourisme recherché. C’est le meilleur moyen d’éviter de devenir la curiosité touristique de la fin du XXème siècle et du début du XXIème, d’autant plus que 51,8% des visiteurs viennent de l’U.E.
Un accueil adapté Même s’il est alléchant et assez jubilatoire de mettre en avant les déconvenues quotidiennes des services proposés par la mairie, il faut admettre que c’est le résident qui en pâtit et non l’étranger de passage. Au contraire, les facilités proposées par l’administration pour le visiteur sont nombreuses et assez censées : du fameux (et esthétiquement discutable) «Bus Turistic» à la «Barcelona Card», permettant d’intégrer des remises dans les transports en commun, les théâtres ou les restaurants, en passant par l’Articket (regroupant certains musées de la ville) ou par d’infinis «tours» thématiques (gastronomique, culturel, architectonique…) à pied ou par d’autres moyens (moto, vélo, bateau…). Les efforts semblent s’avérer payants au vu des résultats fièrement publiés par la mairie : le nombre d’usagers du bus touristique est passé de 1.881.125 en 2006 à 2.181.599 en 2007 (+16%) ; de même celui de la Barcelona Card est passé de 107.632 à 129.119 (+19.9%) et celui des «Barcelona Walks» de 16.300 à 17.509. Une progression constante et jamais démentie depuis presque 10 ans. En effet, un des objectifs prioritaires des dirigeants barcelonais est de positionner la ville comme une marque de qualité au niveau
culturel, architectonique et gastronomique. Le plan stratégique «Barcelona es Cultura 2000-2004», le soutien à des musées en perte de vitesse (comme le MNAC ou le Museu Maritim) ou la célébration de l’ «Any de la Gastronomia» ne sont que quelques exemples de cette volonté politique de mettre en avant un remarquable patrimoine ou des créateurs talentueux mais quelque peu méconnus. Car, malgré l’«effet auberge espagnole» et une image extérieure où prédominent des hordes de jeunes en zèle lobotomisés par l’alcool amenés par des charters low cost, les moins de 24 ans ne représentent que près de 6% des visiteurs totaux. Sans parler de leur pouvoir d’achat souvent limité. C’est plutôt les 60% compris entre 25 et 44 ans qui sont visés et doivent représenter une clientèle stable et fidélisée. Mais pour cela, la ville devra décider comment se positionner dans un marché saturé où prolifère la concurrence.
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ACTUALITÉ
« Diviser pour mieux régner » La maxime machiavélienne, renouvelée au goût du jour par la fameuse segmentation marketing, est en passe de devenir la référence aussi en matière de tourisme. Car il ne faut pas oublier que le tourisme n’est en fin de compte qu’une grande boutique où les produits sont les monuments, les musées ou le climat lui-même. A ce jeu, Barcelone veut exceller aussi et peut compter sur quelques articles tapageurs dans sa vitrine. Le premier reste son accès à la mer, qui s’est développé avec succès depuis un quinquennat, passant de 843.686 passagers de paquebot arrivés à Barcelone en 2002 à 1.768.306 en 2007. Pendant le premier trimestre 2008 ce nombre a encore augmenté de près de 91.000 personnes (45%) par rapport à l’année dernière. Ainsi, le nombre d’escales dans le port est passé de 37 à 44 selon la Autoridad Portuaria de Barcelona. Une autre réflexion pertinente indique que le profil du touriste type est en train de changer et que l’importance des personnes âgées (de plus de 65 ans) va augmenter dans les années à venir. En effet, selon les estimations, il y aura près de 96 millions de personnes dans cette tranche d’âge en Europe en 2020 ce qui les transformera en un “marché” très appétissant. C’est une des conclusions du plan de tourisme “Horizonte 2020”, une initiative du gouvernement espagnol qui vise à mieux affronter les réalités futures (comme
les voyages des familles monoparentales de plus en plus nombreuses). Barcelone a aussi connu une grande augmentation du nombre de congrès ces dernières années, passant de 1303 réunions d’entreprises en 2006 à 1775 en 2007. Pour attirer ce tourisme si savoureux, la ville a investi profondément dans le renouveau de plusieurs quartiers (une partie de l’Hospitalet ou Diagonal Mar) pour en faire une référence de ce genre de voyages. Avec un équilibre intéressant entre le tourisme d’affaires (51%) et les vacanciers (46%), des tranches d’âges représentatives, des provenances assez diversifiées et des atouts en tous genres, Barcelone doit maintenant décider si elle veut (et peut) absorber cette diversité ou si elle préfère parier et exceller uniquement sur quelques aspects. Cela semble être aussi l’avis de la mairie qui a présenté cet été un nouveau “Pla Estratègic de Turisme” qui devrait faire une radiographie du tourisme actuel et décider des actions à adopter pour maintenir le succès de la ville. Mais cela dépend d’une question fondamentale : la capitale catalane est-elle un simple effet de mode ou est-elle en passe de devenir une référence européenne ?
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ACTUALITÉ
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C’est une vraie tempête sociale et politique qui secoue l’Espagne depuis quelques semaines à cause des problèmes d’eau que risque de connaître dans quelques mois la ville de Barcelone (et toute son aire métropolitaine) si le ciel ne se décide pas, entre temps, à déverser une pluie qui serait plus que jamais salvatrice. Texte : Aurélien Le Génissel / Photos : Stockvault.net
Le problème réside dans le fait que, depuis l’été 2006, la Catalogne vit une des sécheresses les plus importantes qu’elle ait connue depuis 1940, avec un taux de précipitations largement en dessous de la moyenne de ces soixante dernières années. Le manque d’eau, dû à l’absence de pluie, a provoqué un déficit important dans les réservoirs artificiels ou naturels catalans se situant aujourd’hui
aux alentours des 20% de leur capacité de stockage (voir www.gencat.net). Si les pluies de ces derniers jours ont permis de se rapprocher des 23 % , alors que le seuil d’alerte hydrique se situe aux alentours de 15%, il reste cependant un été à traverser. S’il ne pleut pas d’ici à septembre, des restrictions sérieuses pour la ville et ses alentours dès la fin de l’automne 2008 et pendant l’année 2009 sont à craindre.
C’est pour cette raison que le gouvernement catalan tira la sonnette d’alarme en décembre 2007 quand la quantité d’eau des réservoirs passa sous la barre des 30% et commença, en janvier, à appliquer des mesures préventives comme la réduction de l’eau pour l’agriculture ou la distribution de diffuseurs domestiques qui permettent de contrôler la consommation des particuliers.
Quelles alternatives ? Face à ces actions qui ne s’avèrent plus suffisantes, le gouvernement a mis en marche depuis quelques semaines, des résolutions « palliatives et d’urgences » qui devraient permettre de préserver les barcelonais de coupures d’eau, au moins jusqu’à la fin de l’été. Ainsi, les autorités focalisent leurs efforts sur la gestion optimale des réserves, le contrôle exhaustif de la demande, la récupération des puits abandonnés (une vingtaine de projets selon l’Agencia Catalana de l’Aigua) et, surtout, le transport maritime d’eau en provenance de la France (Marseille), d’Almeria (de l’usine de dessalement de Carboneras) et de Tarragone.
Selon le gouvernement, le coût de ce plan de choc s’élève à 150 millions d’euros. Pour autant, le problème est loin d’être résolu et ces initiatives temporaires ne cachent pas le problème de fond : Comment faire pour que la Catalogne ne connaisse plus de problème d’eau dans les décennies à venir? Plusieurs solutions ont été avancées et se trouvent au cœur du débat politique et social qui agite les esprits depuis quelques temps. La première proposition était celle du gouvernement catalan (socialistes, ERC et ICV) qui voulait dévier une partie de l’eau du Sègre, un affluent de l’Ebre, au début de son parcours, pour l’emmener au Gréixer, un affluent du Llobregat (source de la majorité de l’eau barcelonaise), grâce à une canalisation située dans le tunnel du Cadí. Cela permettrait
d’augmenter sensiblement le niveau du réservoir naturel de La Baells (un des trois réservoirs importants pour la ville avec ceux de Sau et de Susqueda). Contre cette idée, l’opposition de Convergència i Unió défend (depuis l’époque où il était au pouvoir en 2002) une solution à long terme qui consiste à créer une canalisation qui puiserait les excédents du Rhône pour venir alimenter les nécessités des Catalans. Une solution complémentaire, acceptée par tous mais interprétée de différentes manières, reste le système du dessalage de l’eau de mer. Il existe déjà une usine de ce type à Tordera, pour laquelle on projette un agrandissement. Le gouvernement en prévoit deux autres qui participeraient
de la figure de l’expert provocant un véritable charivari au sein duquel fusent les accusations, les tactiques politiciennes et les anciennes rancœurs. Si l’on mélange une confrontation politique, un sujet sensible pour beaucoup de gens « ordinaires » (prompts à la manifestation et aux créations infinies d’associations en tout genre) et des querelles territoriales, on se retrouve rapidement confrontés à des situations frôlant le surréalisme où le parti de l’opposition (PP) appuie le gouvernement socialiste (PSOE) contre… les socialistes catalans. Ainsi, le gouvernement de la Generalitat, à majorité socialiste, a demandé au gouvernement central, socialiste également, l’autorisation de transporter
proposée par l’exécutif catalan, sa mise en place aurait été perçue comme une injustice par les Valenciens et son refus d’antan se serait interprété comme une position purement politicienne. La proposition visant à puiser de l’eau dans le Sègre fut vite abandonnée car, en plus de créer une fissure chez les socialistes, elle réveilla les vieilles blessures provoquées par le PHN. Ainsi, Convergencia i Unio, parti de l’opposition en Catalogne, s’opposa fermement à cette décision, qui, selon eux, représentait un risque écologique pour la région. Pour sa part et dès que l’idée fut lancée, le PP ne manqua pas de crier à l’injustice en rappelant que le PSOE s’était opposé au PHN, exigeant le même traitement pour
largement à l’amélioration de la situation (une dans le Baix Llobregat et une autre sur la Côte Sud qui fourniraient respectivement 60 et 20 hm3/an). Reste que l’établissement du Baix Llobregat ne pourra se mettre en marche qu’au printemps 2009 et les deux autres projets n’ont pas encore de date d’ouverture.
provisoirement de l’eau du Segre au Llobregat (ce qui était une des options possibles). Tout aurait pu aller pour le mieux, si le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero ne s’était pas opposé au projet, créant ainsi une réelle fracture interne au sein de son parti, suite à l’ouverte contradiction des socialistes catalans par leurs homologues espagnols. La raison de cette décision risquée, pouvant paraître incompréhensible, se trouve dans le fait que la Catalogne s’opposa en 2001 au Plan Hidrologico Nacional (PHN), une loi votée par le Partido Popular qui prévoyait d’amener de l’eau de l’Ebre à la Communauté Valencienne. Arrêter ce projet fut l’une des promesses importantes du dirigeant socialiste en 2004 et il la tint lorsqu’il arriva au pouvoir. S’il acceptait l’idée
Valence, Alicante et la Murcie. Aux vues de toutes ces difficultés, le gouvernement espagnol décida (car, dans ce cas, c’est l’Etat qui avait le dernier mot), avec l’accord forcé du gouvernement catalan, de transvaser de l’eau du bassin de l’Ebre vers le bassin du Ter-Llobregat. Profitant d’une infrastructure déjà existante qui relie l’Ebre à Tarragone, le gouvernement construira une canalisation de 62 km qui permettra de disposer de 40hm3 d’eau jusqu’au printemps. Le coût du projet est proche des 180 millions d’euros. En prévision d’un éventuel scandale médiatique, les autorités décidèrent d’appeler cette opération « mini transvasement » ou «transfert temporaire » pour la différencier des mesures défendues par le PP en 2001.
L’ouragan politique Les solutions ne semblent pas faire défaut mais, comme c’est souvent le cas, le problème s’envenime dès qu’il tombe entre les mains des hommes politiques transformant petit à petit la question en une guerre ouverte de critiques et de non-sens. Ajoutons à cela l’apparition, très significative dans la démocratie actuelle,
Une solution de circonstances ?
Responsabilité individuelle
Comme on s’en doute, le résultat fut mitigé mais, contrairement aux effets attendus, le PP changea sa stratégie et ses représentants se positionnèrent aux côtés des socialistes (vraisemblablement pour exiger, dans un certain temps, le même traitement pour d’autres régions). Malgré des positionnements politiques surprenants, la solution a finalement été adoptée. Reste que d’autres questions de fond sont encore ouvertes et provoquent de véritables casse-têtes politiques : même si CiU accepte la création d’usines de dessalage (rappelant toujours que la seule ouverte à ce jour a été construite sous leur mandat), le parti nationaliste
Alors que la bataille fait rage, les autorités n’oublient pas de rappeler aux citoyens l’importance de la responsabilité individuelle, au même moment où l’on découvre des fuites importantes dans les canalisations de la ville. Il semble pour le moins déplacé que les hommes politiques donnent des leçons à la population vu que, selon des sondages récents, Barcelone est la cinquième ville européenne qui utilise le moins d’eau par habitant, avec près de 110 litres par personne et par jour, sachant que cette consommation est en diminution constante depuis 15 ans. En ce qui concerne le pouvoir, cela fait 15 ans que le problème est posé et il
insiste sur le fait que le coût énergétique en fait une initiative complémentaire et à moyen terme, insiste sur la solution définitive du transvasement du Rhône. Lors de son discours d’investiture, le président Zapatero a accepté d’analyser cette possibilité (chose qui n’avait jamais été faite par le gouvernement central) perçue comme une « trahison » par les socialistes catalans qui se sont toujours opposé à l’idée, argumentant qu’il serait incohérent de dépendre d’un autre Etat pour se procurer de l’eau. Le CiU a rappelé que cela est déjà le cas en ce qui concerne l’énergie (nécessaire aux usines de dessalement) et l’électricité que le gouvernement catalan relie actuellement au réseau français grâce à une ligne de très haute tension.
n’existe toujours pas de Pacte National de l’Eau, donc de solution, et ce, malgré l’apport économique du Programa A.G.U.A (848 millions d’euros depuis 2004) et les projets (inachevés) qui se multiplient depuis plusieurs années. Aux vues des erreurs répétées, on se demande si la solution la plus « raisonnable » ne serait pas de faire comme le fakir Kiçah qui, face à la sécheresse que connaissait son pays, décida de demander de l’aide au barde Assurancetourix (voir Astérix chez Rahàzade) pour que finalement il pleuve. Sans aller si loin, il semble qu’il faille souhaiter un été pluvieux. Mais cela ferait encore d’autres mécontents.
Californication
Romantisme au bordel
Texte : Aurélien Le Genissel
Gossip Girl
The American Dream Texte : Aurélien Le Genissel
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Voilà ce qui va se passer : vous allez crier « au secours ! », vous allez prendre votre mine la plus outragée, vous allez afficher un dédain digne de votre capacité intellectuelle… mais vous allez regarder. Et malheureusement vous allez aimer. Parce que ce qu’on y raconte n’est pas le rêve exclusif des yankees, c’est le rêve tout court… La vie quotidienne et les problèmes d’une insultante et paradisiaque frivolité de la jeunesse dorée de Manhattan. Comment assister à un breakfast à l’hôtel Ritz (propriété du père d’un de tes amis) après avoir passé une soirée à dépenser un maximum dans la boite de nuit branchée de la ville. Des bals à répétitions, une infinité d’occasions (plus extravagantes les unes que les autres) d’organiser des réceptions, accueils, intronisations, galas, cérémonies et autres agapè pseudo lascifs en tout genre… Tout ça vu à travers les yeux d’une mystérieuse “bloggeuse”, Gossip Girl (« commère » en français, ce qui montre déjà la différence entre nos deux pays… comment appeler une série « commère » ?), qui, en fait, ne fait que donner son nom, et peut-être un air d’innovation technologique à la série. Car c’est quand même LA formule qui marche : dans cette jeunesse, que des belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes qui ont, comme on l’a dit, de vrais problèmes de gosses de multimillionnaire ! Et parmi eux Serena van der Woodsen (Blake Lively), fétarde réformée qui se rend compte un jour (Oh my God, what a surprise !) de la superficialité de son milieu et cherche désespérément la personne qui pourra la comprendre. Le chanceux, c’est Dan Humphrey (Penn Badgley), une graine d’intellectuel, sensible et réfléchi (un homme qui pense quoi !), fils d’une famille moins riche, dont le père est un ex-musicien qui est rentré dans le monde de l’art. On voit le genre : un mélange de Cendrillon, la Belle et la Bête et Breakfast at Tiffany’s. Les luttes du grand amour dans un monde de luxe, argent et superficialité. Que des problèmes et des embûches pour que la sincérité et la simplicité s’imposent. Le tout pimenté avec des personnages cyniques et dépravés (les « amis », Chuck Bass et Blair Waldorf); de gentils adolescents (on peut le croire…) qui ont mal tourné à cause du nihilisme et de la corruption qui naît de l’argent et, surtout, de l’excès de celui-ci. Vous ajoutez à tout cela des relations familiales qui frôlent l’endogamie et l’inceste (rappelons que le créateur, Josh Schwartz, est le même que celui de Newport Beach, THE série où les générations se confondent et l’idée de famille prend un coup, c’est le moins qu’on puisse dire…) et le tour est joué. Et quoi qu’on en dise, c’est triste mais ça fonctionne. Car les histoires, en général, nous montrent les malheurs des personnages pour relativiser les nôtres. Ici le phénomène est plus ambigu et complexe (si l’on peut utiliser le mot pour une série comme celle-ci) : on aimerait quand même bien, à la limite, avoir les mêmes problèmes que ces personnages. Identification-Repulsion. De toute façon on s’amuse. Rien que ça, pas plus. Mais c’est déjà beaucoup.
Une série qui a fait scandale aux Etats-Unis, ne seraitce qu’un petit peu, part déjà avec quelques longueurs d’avance sur ses concurrentes, surtout en Europe. Mais la vérité est qu’on est encore très loin de pouvoir faire des séries avec une telle liberté de ton et de scénario sur le vieux continent. Et c’est pas le commissaire Cordier, son collègue Moulin ou même le Grand Journal ou Kaamelott qui vont changer l’affaire. L’histoire est simple : Hank Moody (un très grand David Duchovny) est un romancier en panne d’inspiration qui a connu naguère un énorme succès avec un livre qui a été lamentablement adapté au cinéma. Séparé de la mère de sa fille, Karen, (Natascha McElhone) pour laquelle il a encore des sentiments, il est aussi et surtout accro aux femmes et aux drogues et ne peut s’empêcher de dire la vérité, souvent de manière drôle et crue. On ne va pas tarder à crier au cliché et on n’aura pas tort. L’écrivain devant la page blanche, séducteur parce que désespéré, cynique et nihiliste. Tout ça serait bien plat si les scénaristes ne réussissaient pas à nous faire entrer dans les phantasmes et les contradictions du héros. Or ils y arrivent et il y en a beaucoup, et de très drôles. Tout ça sans compter la très grande performance de Duchovny qui est passé de chercher des extraterrestres à en paraître un. D’accord, ça ne rendra personne meilleur et ça ne donne pas beaucoup à réfléchir, mais c’est assez tordant et la façon dont Hank se retrouve dans des situations embarrassantes et, surtout, comment il les gère est bien réussi. De très grandes répliques, des vrais problèmes de je m’en foutiste et une panoplie de personnages assez juste (la fille de Hank, Becca, adolescente rebelle et punk qui passe son temps à donner la réplique ou des conseils à son père; ou Marcy, la femme de Charlie, le meilleur ami et éditeur de Hank, qui voit tout ça avec un peu de distance). Que les plus pudibonds ne s’inquiètent pas ; ça commence avec beaucoup de seins et de baise mais une fois que le public est con-quis (car c’est le but), ça se calme énormément. En fait, sous la couche de sueur, poils et autres fluides corporels (et il y en une bonne collection) la première saison est en fait une inoffensive dose de moralité et de mièvrerie que l’on consomme inconsciemment. Car le but final pour Hank reste quand même de récupérer la femme qu’il aime encore (comme par hasard la mère de sa fille). Heureusement pour cela il va faire beaucoup de conneries et rencontrer beaucoup de gens, mais bon, c’est un peu le l’objectif, non ? Recommandé pour : -Ceux qui aiment des scènes de culs, des corps nus et des personnages un peu perdus -Ceux qui aiment les grandes histoires d’amour (pas conventionnelles il faut le préciser) -Ceux qui aiment la sonorité et l’infinie variété des gros mots en anglais. C’est tout un art dans cette série (à voir obligatoirement en Vostfr bien sûr). Il y a une bonne douzaine de dialogues cultes. Déconseillé pour: -Ceux qui en ont marre des clichés de l’artiste perdu qui est sauvé par le vrai amour et, dans le fond, souffre énormément d’avoir toutes les femmes qu’il veut, une belle maison, beaucoup d’argent et du temps pour devenir con.
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Serie TV histoire d’amour, un retournement narratif digne du Sixième Sens, ou presque, et même une poursuite qui, avec un peu plus d’accidents et de tension, pourrait servir de scène finale. Un vrai film en somme. Et nous n’en sommes qu’au premier épisode. Pour l’histoire, elle est simple, ce qui a l’avantage de permettre tous les développements postérieurs. Un avion de ligne atterrit aux Etats-Unis avec tous les passagers morts pour une raison que l’on ignore. Le FBI se retrouve à mener l’enquête mais le partenaire (professionnel et sentimental) de l’agent Olivia Dunham (la charmante Anna Tory), est grièvement blessé. Pour le sauver, elle va enquêter sur des expériences et des phénomènes étranges et s’aventurer dans une aventure dangereuse avec l’aide du Dr Bishop et de son fils, Peter. La Fox, diffuseur de la série, aime à présenter le programme comme un sulfureux combiné de X Files et Twilight Zone (une énorme référence pour les geeks de la planète). Avec un seul épisode, même de 80 minutes, on n’en a pas encore vu assez mais notre « intuition » (c’est-à-dire des heures devant toutes
Fringe
Chronique d’un succès annoncé ?
Texte : Aurélien Le Genissel
sortes de séries) nous dit qu’elle ne sera pas à la hauteur de Lost. Mais, qu’on le veuille ou non, il est facile de parier que ce sera « la » série à voir avant la fin de l’année. Pour : • Ceux qui veulent toujours être au courant de la série branchée du moment • Ceux qui aiment les mélanges de théorie du complot (avec, bien sûr, une grande entreprise derrière tout ça), événements paranormaux et scénario délié (une spécialité de Abrams faute de voir le prometteur final de Lost) • Ceux qui apprécient qu’une femme lance « Interrogez-le » à un collaborateur en pointant du doigt un homme mort depuis cinq heures (le timing a l’air d’être important) Contre : • Ceux qui cherchent à comprendre quelque chose à Twin Peaks • Les inconditionnels de X-Files. Ça sent la reprise non avouée
AVEZ-VOUS DEJA PENSE A FAIRE DU CASTING ? En cette époque d’hypertrophie télévisuelle, où coexistent d’excellents produits et des séries aussi vides que tape-à-l’œil, l’excellence consiste sûrement à retrouver quelques perles passées inaperçues à un moment où le petit écran jouissait d’une moindre renommée que celle qu’il a de nos jours et à débroussailler l’offre touffue qui arrive sur nos écrans à chaque nouvelle saison. Nous tenterons de dépoussiérer le passé sur le site du Pilote avec quelques bonnes idées (Studio 60 on the Sunset Street, Lost Room…) que nous mettrons régulièrement en ligne. Pour ce qui est de l’avenir, nous parierons sur le succès de Fringe. A vrai dire, c’est un pari sans risque, qui semble presque gagné d’avance. Pourquoi ? Car Fringe est la nouvelle série de J.J Abrams, le vrai chouchou de Hollywood ces dernières années. C’est à lui que l’on doit notamment des séries cultes comme Alias ou Lost (la référence en matière de séries), le scénario de Armageddon ou la réalisation de «M : i : III» (Mission Impossible III). Si à cela on ajoute un excellent savoir faire en matière de nouvelles techniques publicitaires et une compétence à toute épreuve quant aux timings de production et diffusion, on comprend parfaitement que le pari était biaisé. Car Fringe est déjà un vrai succès avant même d’être sorti aux Etats-Unis ! En effet, pas un seul épisode n’a encore été diffusé à la télévision outre-Atlantique (le premier est prévu pour la rentrée) et, déjà, la série s’est forgée un public impatient de voir la première saison. C’est évidemment grâce à l’apparition de l’épisode pilote sur Internet que le phénomène s’est amorcé. L’intéressé parle logiquement de piratage. Mais sachant que sa dernière création (en tant que producteur), Cloverfield, a bénéficié d’un plan de marketing viral (e-mailing, spam, publicité énorme sur Internet…) exemplaire en tout point, que la qualité de la copie qui circule est admirable (contrairement à des « vrais » piratages où la copie est défaillante ou marquée d’une surimpression) et que le moment ne pouvait être mieux choisi (deux mois avant la sortie), il serait plus juste de penser qu’Abrams a compris que le futur des séries passe par la toile.
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C’est un fait que la pure audience (c’est-à-dire les spectateurs U.S) ne sont plus le seul critère pour renouveler ou maintenir un programme. Le nombre de téléchargement, les forums, les pages indexées, l’accueil et l’attente du public mondial avant sa « vraie » diffusion, les offres d’achats des chaînes internationales sont autant de facteurs essentiels pour le bon fonctionnement d’une série. Les exemples se multiplient ces derniers temps: Gossip Girl, Californication, Terminator –The Sarah Connor Chronicles… Ce n’est pas un hasard si Internet a vu apparaître les deux épisodes pilotes les plus attendus de la rentrée : Fringe et True Blood, une série atypique de vampires signée Alan Ball, l’acclamé créateur de Six Feet Under. Mais le pari était aussi gagné au vu de la structure narrative et l’excellent niveau esthétique du pilote. C’est un lieu commun de dire que le niveau des séries est similaire à celui des films. Il faudra qu’un jour on se pose la question de savoir comment un film d’environ une heure et demie peut faire en sorte d’apporter plus qu’une série qui dure dix saisons. L’identification avec le personnage, les tensions dramatiques, la subtilité des caractères, la liberté de rythme… autant de facteurs qui jouent en la faveur du petit écran. Cela peut provoquer des dérives (Prison Break) mais, bien utilisé, c’est presque infaillible (Lost). Avant de crier à l’hérésie, laissez-moi me défendre : je suis un cinéphile convaincu. Mes lettres de créances ? Qu’il suffise de dire que je suis très grand fan de Bergman, Antonioni ou Godard. Mais il est difficile de nier que le premier épisode de Fringe fait aussi bien qu’un film. En fait, avec deux ou trois retouches, c’est pratiquement un film. Une œuvre classique, d’actions, avec des événements et des intrigues. On n’est pas dans l’art expérimental ou le cinéma d’auteur. Les séries (jusqu’à maintenant) jouent sur un autre tableau : le bon schéma aristotélicien classique avec « introduction-dévelopement-conclusion », une dose de catharsis et des effets dramatiques connus et efficaces. Il n’empêche, le pilote a une durée comparable à un film (80 minutes environ), une intrigue qui pourrait se clore convenablement sans trop de changements (ou même permettre quelques séquelles), une
Barcelone est une ville cosmopolitaine depuis de nombreuses années grâce à l’engouement qu’elle suscite, de par sa beauté et sa richesse culturelle, mais également pour son côté dynamique qui la place comme une des villes en Europe les plus séduisantes. Barcelone dépasse l’intéressement national, les cinéastes et les publicitaires s’en sont rendus compte eux aussi, et n’hésitent pas à venir tourner des longs métrages ou des spots publicitaires dans la capitale Catalane. Il faut savoir qu’environ 100 tournages par mois sont effectués pour la seule ville de Barcelone, en comptant bien sûr tous les types de tournages, du spot publicitaire au plateau de cinéma. De ce fait, devant la demande importante d’acteurs, figurants, modèles ou extras, des agences se sont montées pour répondre à cette attente. C’est pourquoi, nous avons rencontré ce mois-ci l’agence Alcasting qui a proposé des personnes faisant partie de
son agence sur des films comme « El Perfume », « El Horfanato » et même le dernier film du grand Woody Allen « Vicky Cristina Barcelona ». En complément, les membres de l’agence Alcasting ont pu collaborer à des spots publicitaires pour les campagnes de Vodafone, Nestlé, Ibéria, Téléfonica et encore bien d’autres… Ces tournages ont employé à chaque fois des acteurs, des modèles et des amateurs. Voici un moyen pour certains d’associer le rêve au travail, notamment pour ceux qui ont toujours rêvé de passer sur le petit ou le grand écran. Sachez que l’inscription à l’agence Alcasting est totalement gratuite, elle est ouverte de 0 à 100 ans. Pour être sélectionné pour un prochain film ou spot télévisé, il suffit juste de s’inscrire à l’agence en laissant une photo, un numéro de téléphone, sa taille de vêtement et sa pointure. Ce n’est pas plus compliqué que cela et ça peut s’avérer très rémunérateur…
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Serie TV
Retour hétéroclite du huitième art Après le tremblement de terre qu’a représenté pour l’industrie américaine la grève des scénaristes au début de cette année, il existait de nombreux doutes sur les solutions envisagées par les studios pour cette nouvelle rentrée. Au vu de ces bouleversements, les producteurs ont donc décidé de parier sur un nombre restreint de nouveautés (en comparaison avec le passé) et de se centrer sur quelques grosses pointures.
Texte : Aurélien Le Genissel
Une rentrée mitigée Des productions originales et décomplexées, dignes des films les plus prenants, coexistent avec des programmes décevant de simplicité narrative et d’affectation visuelle. Une utilisation jusqu’au-boutiste des ressorts du cinéma qui ne signifie pas la fin de celui-ci mais une meilleure délimitation de sa spécificité. Ainsi, Fringe, que l’on a déjà présenté dans notre dernier numéro, et True Blood sont les deux seuls gros paris pour cette saison qui va tenter de consolider (Lost, Dexter, Damages) ou ressusciter (Prison Break, Heroes, Terminator: The Sarah Connor Chronicles) les anciennes grosses pointures. Le premier a été un vrai coup d’effet mais semble s’acheminer inexorablement vers un format banal d’une « enquête par épisode » au grand désespoir de nombreux spectateurs (dont je fais partie…), abusant en excès des techniques cinématographiques qui ont fait leurs preuves. En ce qui concerne True Blood, il est clair que nous sommes face à un univers d’accès difficile dont l’esthétique surchargée et la lenteur lancinante n’invitent pas à l’enthousiasme. Mais c’est peut-être justement ces contre utilisations des ressorts attendus qui peuvent faire de cette histoire de vampires dans un bled perdu du Sud des Etats-Unis une histoire attachante. Car, si on fait un effort (mais il faut le faire…), les personnages, les décors et les intrigues semblent s’instaurer petit à petit comme pour le démarrage coûteux d’un gros engin avant qu’il n’atteigne sa vitesse de croisière. C’est, en tout cas, ce que pense la chaîne (HBO) qui a déjà annoncé (dès le second épisode) que la série serait reconduite pour une autre saison.
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Mais quelle que soit la spécificité des offres, et au-delà de l’aspect purement commercial, il est vrai que l’évolution des produits télévisuels ces dernières années a permis d’agglutiner un fervent public qui vit les séries comme une manifestation artistique et non plus comme un simple divertissement. C’est compréhensible au vu de la structure narrative et l’excellent niveau esthétique de perles comme Damages, Dexter ou Lost, de la fraîcheur et l’irrévérence de créations comme Californication ou Generation Kill ou de la légèreté fine et gracieuse de Gossip Girl ou Kyle XY. Comme l’a découvert France Culture (oui, même la très élitiste radio se rend à l’évidence), qui a consacré cet été une série de 24 épisodes de 30 minutes à l’«histoire(s)» de la télévision américaine, « les Sopranos ce n’est pas vraiment de la télé. Plutôt une lente descente aux enfers de près de 90h ».
banale d’un groupe de marines pendant l’invasion de l’Irak. Le nouveau format se différencie d’une série classique car il compte avec un nombre d’épisodes prédéfinis et une durée pour chacun d’eux quelque peu supérieure à la moyenne. On se trouve donc entre la profusion, quelquefois forcée, d’une série et les limitations temporelles d’un film classique. Est-ce que le septième art pourrait se permettre pendant de si longues minutes de montrer à l’écran des Marines en train de ne rien faire ? Peut-être un Terrence Mallick (et encore). Et cette liberté fait justement de Generation Kill une fresque profonde et juste des expériences banales de ce groupe de soldats. A la différence de Redacted, de Brian de Palma (œuvre à laquelle la série emprunte quelques idées), la nouvelle série de David Simmons apparaît comme une recherche extrêmement réaliste et austère des réalités du terrain. Le spectateur ne se retrouve pas agressé par les éternelles scènes de combat et violence mais assiste perplexe à la face cachée de l’armée, au backstage de la guerre, aux cuisines de l’invasion d’un pays. Un recul presque impossible dans les productions standards dont l’intérêt réside justement dans l’action et les événements qui structurent le récit. Et c’est normal : un cinéma de journalisme. Mais la guerre c’est aussi l’attente, le quotidien, le mode de vie, l’ennui, l’imaginaire des soldats… tout ce qu’un film ne peut se permettre de montrer, faute d’espace et de temps, et que Generation Kill arrive à transmettre grâce à un tempo, un rythme et une respiration visuelle époustouflante. Et c’est jouissif de voir ces jeunes têtes brûlées divaguer (dans les deux sens du terme) aux grés des ordres incongrus de leurs supérieurs pendant qu’ils chantent Avril Lavigne ou se préoccupent de la santé de J-Lo. Ou bien quand ils pissent en élucubrant sur des sujets philosophiques de terminale et sur les raisons de la guerre (« Le manque de chattes est la putain de raison profonde de toute l’instabilité globale »). Comme dans les meilleures séries américaines, les dialogues en version originale restent essentiels et cachent quelques répliques qui ont toutes les chances de devenir cultes. Si on ajoute à ce scénario impeccable, une mise en scène visuellement irréprochable, on peut dire que la série compte quelques scènes de combats mémorables et qui font froid dans le dos, tout en incluant quelques subtiles raisons et conséquences de l’invasion américaine. Sans être une œuvre politique, quelques clins d’œil permettent de comprendre la complexité religieuse et politique d’un pays comme l’Irak. Mais il ne faut pas chercher ici une œuvre idéologique, plutôt une vision
extrêmement humaine et sensible (drôle et émouvante à la fois) des limites que peut franchir l’homme.
Ce qu’on peut aussi voir Dans les nouveautés plus « classiques », les paris restent ouverts même si ma préférence se dirige vers The mentalist en ce qui concerne le format de série policière, et à In Treatment pour une option plus originale. La première n’incorpore presque pas d’éléments nouveaux par rapport à ses consœurs mais il est vrai aussi qu’il n’en reste plus beaucoup (des mathématiciens, des spécialistes scientifiques, des anciens taulards, des corrompus, des vampires, tout a été utilisé). Mais l’humour et la finesse des raisonnements de l’enquêteur sont attachants. Ça risque de marcher et, avec un peu de chance, de s’exporter assez vite. En ce qui concerne la deuxième, cela paraissait inévitable ; une sorte de fatalité. A tellement vouloir entrer dans la vie des gens, à vouloir connaître la banalité transformée en art de ces médecins (Grey’s Anatomy), policiers (CSI), gangsters (Les Sopranos) et, surtout, des gens ordinaires, la série sur les psychologues devait arriver. La voilà. Mais, choix remarquable en cette époque d’infatuation visuelle, les épisodes se déroulent intégralement dans une seule pièce entre deux personnages : pas de flashbacks, pas de présentation des faits, pas d’actions ; uniquement une litanie de champs/ contrechamps ponctuée par les dialogues entre le patient et son thérapeute. Il est vrai que les scénarios sont d’une inquiétante banalité mais cela rassure de retrouver une série dont la force reste son extrême simplicité. D’autant plus que le format (une vingtaine de minutes) n’alourdit pas ce sentiment. Reste qu’il faudrait songer à donner plus de profondeur à cet analyste qui semble aussi perdu que ses patients, qui eux le sont, ironiquement, dans des difficultés plus que quotidiennes. Parlant des grandes découvertes du passé et anticipant les succès de demain on en oublierait presque de conseiller les plaisirs du présent. Cela occuperait un autre article (peut-être un jour…) mais, si j’étais vous, je ne raterais pas à la rentrée la crème de la crème : la deuxième saison de Californication et de Gossip Girl (mon petit péché…) et la troisième de Dexter et de Heroes (last chance pour cette dernière…) et, en janvier, la cinquième de Lost et la très attendue deuxième de Damages. Dates américaines, bien sûr ; vice oblige. Pour la diffusion en France et en Espagne, reste à espérer…
Découverte de l’été En plus de l’augmentation évidente du niveau de nombreuses séries, la concurrence féroce qui s’est installée ces dernières années entre HBO et Showtime, les deux chaînes spécialistes en séries controversées et de qualité, a provoqué une nécessité mutuelle de réinventer les thématiques et, surtout, les formats d’une partie de son offre. Une des nouveautés remarquables est l’apparition de ce qu’on appelle les « miniséries ». Un exemple de cela est la très prisée John Adams, une ample biographie du personnage historique. Un autre exemple de cet heureux phénomène est Generation Kill, une série de sept épisodes diffusée cet été par HBO et qui montre la vie quotidienne et
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ITW
Un conte de cinéma
Interview à Arnaud Desplechin Texte : Aurélien Le Genissel
Il n’est pas habituel qu’un festival consacre une rétrospective à un cinéaste dont aucun film ne soit sorti en salle dans ce pays. C’est ce qu’a fait cette année la Mostra Internacional de Cinema europeu Contemporani (MICEC’08) en présentant la filmographie complète (sauf le dernier opus, Un conte de Noël, qui a participé au dernier festival de Cannes) d’Arnaud Desplechin, un des auteurs français les plus adulé par la critique.
Pour commencer, j’aurais voulu savoir ce que vous pensez de ce qu’on nomme le “cinéma européen”. Existe-t-il ? Si oui, comment le définir? Il me semble vraiment que c’est quelque chose qui n’a jamais existé. Sur ce point, je suis un mauvais citoyen et je n’en suis pas fier du tout. (rires) Avec la Movida ou son contraire, je pense au nouveau cinéma catalan avec Recha par exemple, il est possible de parler d’un cinéma espagnol ou d’une façon de regarder les films, y compris les films français ou américains. Qu’il y ait quelque chose qui s´appelle le cinéma anglais, ça c’est sûr. Je l’ai découvert aux Etats-Unis quand les gens parlaient des films anglais, je ne l’ai pas découvert en Angleterre. Par contre l’idée d’un cinéma européen, c’est quelque chose que je n’arrive pas bien à percevoir. Dans ce cas, est-ce qu’un cinéma comme le votre, avec des références directes à une certaine culture française, peut être compris dans un pays comme l’Espagne ou dans d’autres pays européens? C’est là où mon pessimisme prend le dessus. D’abord il faut dire que c’est très émouvant d’assister à une rétrospective dans une ville comme Barcelone où aucun de mes films n’est sorti. Mais d’un autre côté il y a un débat sur moi, c’est aberrant, je n’y crois pas une seconde. Ça me touche et ça m’émeut. Il y a aussi cette chose curieuse et qui parfois est un tout petit peu triste, c’est pas très triste, on s’en remet très bien (rires) mais il se trouve que moi j’aurais jamais pu faire mes films sans les Etats Unis, le Japon et, aujourd’hui, l’Amérique Latine et la Chine, depuis Rois et Reines. C’est très rare les pays qui sont assez grands pour permettre de rentabiliser un film sur son propre territoire. Même à l’époque du cinéma muet ça marchait comme ça. Les films de Griffith étaient rentables, les films de Lumière ne l’étaient pas. Mais parce que la France est un pays trop petit. Mais c’est vrai que moi c’est grâce au fait que dans des pays étrangers, des gens aimaient bien voir mes films et que tant bien que mal on arrive à en faire un autre et un autre. C’est curieux car cela fait peu de temps que je peux commencer à montrer mes films en Italie, toujours pas en Allemagne et pour la première fois en Espagne. C’est très émouvant mais c’est drôle parce que ça prend beaucoup plus de temps alors qu’on est frontalier. Les rapports entre les Etats Unis et le cinéma français sont très faciles. A cause du boom du cinéma mexicain aux Etats Unis, maintenant les rapports entre le cinéma américain et le cinéma espagnol sont très faciles. Pour quelqu’un qui ne le connaît pas, comment définiriezvous votre cinéma? Quelles sont vos thématiques, vos influences, vos maîtres, si vous en avez?
Pour sa première venue à Barcelone, où il est resté que 24 heures, Pilote a pu rencontrer le talentueux réalisateur de La vie des morts ou de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle…). Connaissant ces œuvres complexes et torturées, on imaginait mal Arnaud Desplechin participer aisément à l’exercice autolâtre d’une rétrospective et de la conférence qui l’accompagnait. C’est donc sans surprise que sa participation au débat public s’est faite presque par obligation et que nous avons décidé de réaliser l’interview autour de deux tasses de café dans le bar du CCCB. Une décontraction qui nous a permis de découvrir l’amour que le cinéaste porte à tout ce qui relève du septième art, des films muets à Kill Bill II, et qui donne dès lors à sa voix frêle et incertaine une profondeur et une persuasion quasi hypnotique. On peut aimer plus ou moins les œuvres d’Arnaud Desplechin mais il est certain qu’il sait ce qu’il fait et que, lorsqu’il parle de cinéma, on se transporte dans son monde à lui. Sa réflexion rend hommage à ses aînés en affrontant avec un triste espoir une époque qu’il faut vivre quand même. A la fin, en partant, il me lance en regardant ma tasse : « Vous n’avez pas bu votre café ? ». En effet, la tasse est pleine ; j’ai oublié de boire car il fallait écouter.
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Comme tous les réalisateurs français dont je me sens proche, je suis un fervent admirateur du cinéma populaire américain. Comme tout bon français qui se doit, je suis américanophile (sourire). Surtout en ce qui concerne ma génération parce que j’ai connu des gens, en salle, j’ai découvert tellement de grands réalisateurs quand j’avais le bon âge, à quinze ans, dix huit ans, trente ans. C’est vrai que le cinéma que j’essaie de faire est un cinéma romanesque. Je suis très heureux qu’il y ait des gens qui ne fassent pas du cinéma romanesque, mais moi j’aime bien raconter des histoires où il y a des personnages et c’est vrai que pour ça Truffaut, Bergman et Scorsese, sont des cinéastes auxquels je pense tout le temps.
Et Philippe Garrel? C’est un cinéma qui est presque l’inverse. C’est vrai que je fais un cinéma dont je suis très fier, de prose, alors que lui fait un cinéma qui est poétique. C’est différent. Vous voyez, c’est comme quand je vois un film de Jia Zhang Ke. C’est vrai que c’est un cinéma poétique que je n’ai pas le désir de faire. Quand vous me demandez ça je pense tout de suite à l’admiration indéfectible qu’a toujours eu Truffaut pour Cocteau. Il n’aurait pas fait de films si Cocteau n’en avait pas fait. Maintenant, plus éloigné qu’un film de Cocteau et un film de Truffaut... il y en a un qui raconte des histoires et l’autre juste des instants magiques. Comment définir l´évolution de votre cinéma ? Quelles différences entre La vie des morts (son premier moyen métrage) et Un conte de Noël (son dernier film, présenté cette année à Cannes et qui, paradoxalement, ont beaucoup de traits en commun)? Je m’efforce de ne pas y penser. Je trouverai ça présomptueux de ma part. Quand vous me dites ça, je pense à autre chose... un spectateur devrait voir quel film... à quel moment... Moi j’aime bien penser au film tout seul. Il y a, par exemple, un mot très galvaudé, c’est “la politique des auteurs”, moi je suis pour la politique des films. Je suis aussi pour la politique des auteurs, puisque je suis français bien entendu (rires)... Mais maintenant, ma façon de voir des films, moi, c’est d’abord la politique des films. C’est chaque film qui est important? Oui. Des fois vous faites un film que beaucoup de gens vont voir, des fois vous faites un film que peu de gens vont voir. J’ai toujours essayé de faire des films qui puissent plaire à n’importe qui. Ça ne veut pas dire à tout le monde, je ne sais pas faire des films qui font 10 millions d’entrées ! (sourire). J’aime beaucoup, mais je ne sais pas les faire. J’espère seulement que n’importe qui, un jour, peut être bouleversé par un film pour une raison inconnue. C’est comme une lettre que vous envoyez : vous espérez que ça va un peu changer la vie, aider ou amuser quelqu’un. Et pourquoi celui-là et pas un autre ? Vous ne savez pas. Pourquoi des gens tombent amoureux d’un film plutôt que d’un autre... Ce qui est formidable c’est que ce n’est pas chronologique. Chacun a un avis différent, enfin j’espère.
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ANALYSE Par Aurélien Le Genissel. Lire l'article en : français [VO] 02/07/08 9
Le changement des moeurs (Illustration: Cédric Audinot)
notre dossier | ¿Paparruchas de vaginas?
Zones humides : du trash dans le corps du texte [FOCUS]
Le clitoris, comme outil de plaisir non reproducteur, est l’organe idéal pour défaire l’image séculaire de la Femme et de la Mère. Si la masturbation féminine a été condamnée par les moralisateurs pendant des siècles, aujourd’hui, la pratique semble se décomplexer.
« La masturbation clitoridienne est un geste pur, puisque pratiqué de manière innée. Le fœtus se masturbe dans le ventre de sa mère », affirme Rosemonde Pujol, « jeune femme » de 87 ans, surnommée « Mademoiselle clito » depuis la sortie de son livre Un petit bout de bonheur. Si la masturbation sert aujourd’hui d’étendard pour une nouvelle définition de la féminité, elle est historiquement un thème paritaire en ce qui concerne son interdiction et sa diabolisation. Phénomène de condamnation pour le moins étrange si l’on sait que celle-ci existe déjà chez le nouveau-né et de manière naturelle chez les animaux. Diogène la pratiquait même largement dans les rues d’Athènes ! Mais l’alliance de la religion, la science et l’ignorance ont transformé les caresses des « fruits mûrs de leur nubilité » (comme l’écrit Baudelaire) en « infâme coutume née dans le sein de l’indolence et de l’oisiveté » (selon l’article de l’Encyclopédie de 1765).
Des vagins dialoguent [FOCUS]
Virginie Despentes et Lucía Etxebarría : chiennes savantes [INTERVIEW] Un festival dédicacé à l'éternel féminin [OPINION]
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D’Onan à American Pie ou La fin de l’homme La « guerre de cinq contre un », « jouer de la mandoline », le « plaisir des dieux », « se clitoriser »… Cette richesse sémantique et métaphorique montre l’ambiguïté dans laquelle a vécu la masturbation féminine pendant des siècles, tiraillée entre les foudres des bien-pensants, les admonitions des sermonneurs et un usage décomplexé. Cette stigmatisation s’est construite en grande partie sur une certaine interprétation du mythe biblique d’Onan (condamné après avoir répandu sa semence sur le sol au lieu de le faire dans le ventre de sa femme) et sur la découverte en 1677 du spermatozoïde par Leeuwenhoek. A partir de ce moment-là, la masturbation devient un
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l'auteur, le traducteur
Aurélien Le Genissel
attentat à la vie, une perte par rapport à la reproduction. Elle met en danger la famille, le corps social et même l’avenir des Jaquette d'Un petit bout de bonheur | (ean-Claude Gawsewitch Editeur) hommes. Mais si la masturbation a vécu longtemps dans la clandestinité, sa version masculine semble être devenue un élément naturel, et même d’une discutable banalité dans nos sociétés contemporaines. Il suffit d’observer avec quelle simplicité elle inonde toutes les facettes de la culture occidentale, du drôle d’épisode pâtissier de American Pie aux récits masturbatoires de Bukowski ou de Philip Roth, mettant en scène, respectivement, un téléphone (Mémoires d’un vieux dégueulasse) et un « superbe morceau de viande violacé de foie cru » (Portnoy et son complexe).
Du repli à l’affirmation publique Il n’en va pas de même pour les femmes qui, à cause d’une domination injuste et historique, ont plutôt cultivé une certaine pudeur et un repli sur soi. C’est pourquoi la masturbation féminine est devenue, ces dernières années, un élément combatif pour atteindre enfin une réelle égalité des sexes. Le livre de Rosemonde Pujol n’est qu’un exemple parmi d’autres (comme Baise-Moi de Virginie Despentes, La vie sexuelle de Catherine M de Catherine Millet ou les récentes publications d’Isabella Santacroce et Charlotte Roche) de l’apparition d’une nouvelle vision sexuelle du corps féminin qui veut affirmer la fin du silence par une surexposition active et réactive. Une réunion comme le « masturbate-a-thon » va aussi dans ce sens. Ce marathon de la masturbation est ouvert aux hommes et aux femmes et s’est célébré en mai à Copenhague, après Londres et San Francisco. C’est le cas aussi de pages Web comme ifeelmyself.com ou beautifulagony.com qui mettent en ligne des vidéos de femmes (majoritairement) Denis Diderot, Les Bijoux indiscrets, enregistrées pendant qu’elles se masturbent, prônant de cette | (Amsterdam : Marc-Michel Rey, façon une approche plus désinhibée du désir féminin. 1772)
Le clitoris, organe hédoniste La jouissance féminine, et l’importance du clitoris, porte jusqu’au bout cette logique séparation du plaisir et de la reproduction. Cette idée devient presque militante, vu l’image persistante de la Femme objet aux travers des siècles. Pour elles, avoir des droits passe aussi par une délectation pleine de leur corps. Par son inutilité fonctionnelle et sa gratuité pratique, le clitoris est ainsi devenu le symbole parfait de la postmodernité. Face au règne moderne de l’utile, du performant et de l’efficace, la femme arbore un organe essentiellement hédoniste.
Masturbathon affiche | (masturbate-a-thon.com)
C’est ce qui fait dire à Rosemonde Pujol que « le clitoris est un organe poétique, car c’est l’un des rares à n’avoir aucune utilité productive. » C’est aussi cette incompréhension face à une diversité et une complexité inconnues de l’homme qui poussa Freud à des affirmations aussi sottes que « la masturbation du clitoris est une activité masculine et l’élimination de la
España: ¡Es la innovación, estúpido! [ENQUETE] Se masturber…enfin ! [ANALYSE]
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ANALYSE
OPINION
sexualité clitoridienne est une condition du développement de la féminité » dans son essai La vie sexuelle. Une vision phallocentrique présente aussi dans des expressions comme « le mépris des hommes » qui qualifiait jadis le clitoris. Heureusement les travaux novateurs et essentiels de Masters et Johnson sur la sexualité ont montré l’équivalence des deux « types » d’orgasmes et ont mis à jour l’incroyable variété des techniques et des positions de masturbation féminines face au mécanique et terne va-et-vient typiquement masculin. Une richesse et une subtilité encore obscures pour les hommes et que ces quelques initiatives permettent de revendiquer. Femmes de tous les pays re-jouissez-vous !
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Par Aurélien Le Genissel.
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gaetan_r - 12/08/08 Un titre accrocheur
Nefelibata - 12/07/08 Très bon article... et nécessaire.
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Texte : Aurélien Le Génissel / Photo Philippe Cusumano
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Bernard Werber Vous avez fait des ouvrages complexes, qui mêlent souvent beaucoup de genres différents. Comment préférez-vous définir votre œuvre ? Est-ce de la science-fiction, de la fiction, de la philosophie romancée ? B.W. : J’aime parler d’un nouveau concept que j’appelle la « philosophie-fiction » car il me semble que de nos jours le terme de science-fiction ne convient plus. Il est évident que la science ne peut pas tout arranger, qu’elle n’est pas la solution définitive. Etait-ce le cas dans la science-fiction plus classique, par exemple ? B.W. : Pas exactement. Dans la science fiction classique, la science était soit bonne, soit mauvaise. Dans mon cas, je veux faire comprendre que l’outil n’est ni bon ni mauvais, c’est la façon dont on s’en sert qui est importante. Un marteau, par exemple, n’est en soi ni bon ni mauvais, c’est l’usage que l’homme en fait qui risque d’être dangereux. L’exemple de l’énergie atomique va aussi dans ce sens. C’est pour cela que mes livres sont moins centrés sur la science en soit (même s’il y en a évidemment) que sur un savoir plus large, qui inclut la psychologie ou la sociologie et que l’on peut résumer sous le nom de « philosophie-fiction ». Vous aimez répéter la phrase d’Einstein « il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ». Est-ce l’objectif que vous voudriez atteindre quand vous écrivez ? B.W. : Effectivement. Un des grands objectifs de mes livres serait d’éveiller les consciences. De faire comprendre que, quoi que l’on fasse, il y aura des conséquences et qu’il faut être conscient de ses responsabilités.
Une critique du Figaro définissait une partie de votre œuvre par cette phrase : « D’ailleurs, depuis Les Fourmis, toute son oeuvre est centrée autour de cette unique notion : « Faites attention ! » ». Est-ce que cela vous convient ?
un article sur Le Seigneur des Anneaux. La réponse ? Personne ne connaissait Tolkien !
B.W. : Plus que « Faites attention ! », qui est un peu alarmant, je préfère « Soyez vigilants ». Mon œuvre essaye de montrer les défis qui peuvent nous attendre et de pointer les problématiques que les hommes doivent affronter. C’est le cas, par exemple, de ma dernière trilogie Le Mystère des Dieux, où le personnage principal, Michael Pinson, doit faire face aux questions et aux responsabilités qui découlent du fait de devoir gérer sa propre planète et d’être un apprenti-dieu. Cela est né de la volonté de raconter l’histoire de l’humanité autrement et montrer ainsi que ce n’est pas si simple de faire des choix quand cela a de grandes répercussions.
B.W. : Oui, je crois que les gens ont besoin de rêver, qu’on arrête (comme en France) de leur raconter des histoires de coucheries et la vie quotidienne des écrivains de Saint-Germain. C’est ce que j’essaye de faire et ça marche bien puisque je suis un des écrivains français qui vend le plus.
Pourquoi cela ? Pensez vous que l’on en soit arrivé à un moment critique avec une technologie qui asservit un peu la planète et que vos livres indiquent ce danger ? B.W. : Oui. Je pense qu’il peut y avoir un danger si l’évolution continue dans le sens où elle est en train de le faire. Je pense, par exemple, qu’il existe un grand problème de surpopulation de nos jours. Il semble impossible de continuer à utiliser les ressources tel que nous le faisons aujourd’hui et, en même temps, croître démographiquement de manière indéfinie. Pensez-vous que l’humanité progresse ou pensez-vous qu’il y a plus d’idiots qu’hier ? B.W. : Je pense que les extrêmes augmentent. Les saints sont plus saints qu’hier et les salauds plus salauds. Je crois qu’il y a une grande partie de gens mauvais qui deviennent de plus en plus mauvais et qui amènent le total à la baisse. Malgré l’optimisme qui existe dans mes œuvres et la volonté que j’ai d’augmenter le savoir par mes livres, je crois que globalement le centre de gravité va plutôt vers le bas. C’est logique puisque une grande partie de l’humanité ne peut se poser ces problèmes globaux et ces questions importantes. Quand on a des nécessités impérieuses (se nourrir, se défendre, boire…) on ne peut se permettre de penser aux problèmes de l’avenir. Pour que ça change, il faudrait une politique globale qui essaye de freiner un peu ces mouvements mais je n’y crois pas trop. Revenons à vos livres. Vous définissez vos œuvres comme des « Livres Univers ». Est-ce que vous croyez qu’il en existe beaucoup dans le paysage littéraire français ? B.W. : Non, presque pas. C’est un genre qui existe dans d’autres littératures (comme chez les anglo-saxons) mais en France on n’a pas souvent de grandes épopées ou de nouvelles par exemple. Je raconte souvent une anecdote qui s’est passée il y a quelques années, à l’époque où je travaillais au Nouvel Observateur. Dans une réunion de journalistes (il y en avait vraiment beaucoup) où on débattait pour trouver de nouveaux sujets, j’ai proposé
Croyez-vous que ça puisse être la raison de votre succès ?
Est-ce que ça vous gêne qu’on définisse votre création comme de la vulgarisation ? B.W. : Si l’opposé de la vulgarisation c’est l’élitisme, non. Il est plus dur de faire comprendre le savoir à ceux qui ne le comprennent pas que le contraire. Est-ce que par hasard vous auriez des influences espagnoles dans votre écriture ? B.W. : A vrai dire pas trop. Je connais les classiques, Cervantes... Je pensais à Sin Noticias de Gurb, d’Eduardo Mendoza, qui ressemble beaucoup à votre film Nos Amis les Terriens... B.W. : Oui, on me l’a dit. Il faudra que je le lise. Vous dites : « Quand j’écris, je raconte le film qu’il y a dans ma tête ». Vous considérez-vous un écrivain visuel ? B.W. : Tout a fait. Je travaille mieux avec des images qu’avec des concepts car les images sont universelles. C’est d’ailleurs une des forces du cinéma. Quels sont vos films influences ? B.W. : Le film qui m’a marqué c’est 2001 : l’odyssée de l’espace. Aussi surprenant que cela puisse paraître, mon film Nos amis les terriens est une réflexion sur ce que j’ai compris de 2001. Il y a aussi Blade Runner, Brazil et Jonathan Livingston le goéland. Puis il y a tout le travail de Sergio Leone dont je suis un grand fan. Vous répétez que vous n’étiez pas bon au football. Peut-on être un bon écrivain et bien jouer au foot ? B.W. : Oui ! (rires) Ce qu’il y a de bien dans le football c’est qu’à priori ça canalise les tensions guerrières des peuples. C’est pour ça que par moment ça tourne un peu à la violence. Je m’y intéresserai dans ma prochaine vie, dans celle-ci il y a tellement de gens qui s’y intéressent. J’avais écrit une nouvelle dans ce sens où les pays réglaient leurs problèmes à travers la guerre. Vous aimez réfléchir, comme vous dites, sur des points de vue « exotiques ». Après les fourmis, les anges et les dieux, que vous reste-t-il ? B.W. : Je travaille justement sur un recueil de nouvelles où je vais sortir vingt nouvelles idées.
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Elegy Elegy Un film de Isabel Coixet
Fiche Film
Avec Ben Kingsley, Penélope Cruz, Patricia Clarkson, Peter Sarsgaard, Dennis Hopper, Deborah Harry, Sonja Bennett Article de Aurélien Le Genissel Quand la sensualité ibérique attise l’intellect...
On pourrait résumer une partie de l’évolution du cinéma espagnol des quinze dernières années en suivant de près un de ses plus grands et beaux symboles: les seins de Penélope Cruz. Avec le corps - ou une partie - de Javier Bardem c’est, sans doute, une des références du septième art ibérique. Et ce n’est pas une boutade. En ce qui concerne le macho récemment oscarisé, on ne compte plus les scènes torrides qui ont fait fortune, de La Lune et le Téton (1995) aux scènes homosexuelles de Avant la nuit (2001) de Julian Schnabel. C’est encore plus frappant dans le cas de Penélope Cruz, qui a parsemé de sa sensualité nombre de grands films contemporains en Espagne. Rappelons que la première fois que les seins de la belle sont apparus à l’écran, c’était dans la magnifique scène de Jamón, Jamón, de Bigas Luna, où ils avaient le goût (aux dires de l’heureux usufruitier) de tortilla et…de jambon. Plus tard, ils furent baignés dans du lait, pour le plus grand bonheur (esthétique) du spectateur, dans La fille de tes rêves de Fernando Trueba en 1998 ; puis, la même année dans Ouvre les yeux de Alejandro Amenabar, contemplés par Eduardo Noriega, aux premières loges d’une admirable contre-plongée. Leur trajectoire se termine pour le moment dans le rôle central qu’ils jouent dans Elegy, le dernier film d’Isabel Coixet. Ce symbole magnifique parcourt ainsi la diversité et la progression du cinéma de l’autre côté des Pyrénées, de l’oeuvre libertaire et viscérale de Bigas Luna ou d’Almodóvar, en passant par l’esthétisme classicisant de Trueba ou la fraîcheur d’Amenabar, avant d’intéresser l’intellectualisme intimiste d’Isabel Coixet. Mais l’influence mamellaire ne semble pas vouloir s’arrêter aux frontières espagnoles et, après avoir profité du charme des formes de Penélope dans A corps perdus (2003) de Sergio Castellitto, le spectateur attend avec impatience son rôle dans Vicky Cristina Barcelona, le nouveau film de Woody Allen présenté cette semaine au Festival de Cannes. C’est peu dire que l’on aura attendu avec impatience de voir le traitement réservé par le réalisateur de Manhattan aux deux pulpeuses divas du cinéma : Penélope Cruz et Scarlett Johansson. Le résultat est en effet sulfureux, et la divine poitrine de l’actrice espagnole n’y est pas pour rien.
Ce n’est pas exagérer que d’affirmer que la plus bankable des poitrines est, réellement, le sujet principal de la dernière œuvre d’Isabel Coixet. Comme le dit la réalisatrice de Ma vie sans moi et La vida secreta de las palabras, dans une interview accordée au journal espagnol El Pais, «quoiqu’en disent les féministes, les seins sont très importants ». Par cette provocation - elle ajoute « la féminité c’est les seins », la réalisatrice ne fait que reprendre à son compte l’intérêt tout particulier que suscite l’attrait provoqué par la Femme, et qui se lit dans les œuvres d’une élite new-
Lire la fiche
yorkaise, europophile et intellectuelle (souvent d’origine juive, d’où son humour), dont les chefs de files sont certainement Woody Allen et Paul Auster, et qui compte également, parmi ses plus remarquables représentants, Philip Roth. Ce n’est pas pour rien que Woody Allen a fait de Scarlett Johansson l’égérie de ses derniers films, et de Penélope Cruz sa nouvelle interprète, en terre espagnole. C’est là une manière assez habile, de la part du réalisateur, de transformer le désir que l’actrice espagnole provoque en une réflexion sur les attentes et les frustrations masculines, pleine d’humour et de légèreté, comme seul Woody Allen sait les créer. C’est le cas aussi dans Elegy, adaptation à l’écran d’un livre (La bête qui meurt) de l’écrivain américain Philip Roth. Tous ceux qui connaissent l’œuvre de ce dernier, de près ou de loin, savent que pour Roth un sein, un visage ou un entrejambe peuvent chacun se muer en une question métaphysique de grande importance. Une bonne partie de ses thématiques tournent autour de la figure de l’intellectuel reconnu et cultivé qui n’a qu’une obsession : le sexe et les relations féminines. Un sage de la pensée abstraite, mais rempli de doutes et de contradictions dès qu’il s’agit d’appliquer ces belles théories dans la vie réelle. Le film est fidèle à cette contradiction : on assiste à l’histoire d’amour liant un éminent professeur d’université (Ben Kingsley), légèrement sur le retour, à une jeune femme, Consuelo Castillo (Pénélope Cruz), dont la beauté va l’engouer et le déstabiliser. A partir de cette rencontre, Isabel Coixet tisse une réflexion sur les sentiments, sur la peur face à l’engagement et sur les affres de la vieillesse, à travers le prisme de David Kepesh (le professeur), un homme cynique et désabusé qui ne croit plus (ou n’a jamais cru) à l’amour, et pour qui le sexe sporadique reste la meilleure solution. Comme dans presque toutes les créations de Roth - et d’Allen, un des éléments les plus intéressants du film consiste dans ce labyrinthe émotionnel qu’est le cerveau d’un homme, tiraillé entre ses instincts et sa mauvaise conscience, entre l’amour du beau et la nécessité de l’animalité. Kepesh est un séducteur multiple, qui désire les femmes mais ne permet jamais qu’elles s’approchent trop, car il craint les contraintes. Les choses changent cependant lorsqu’il rencontre Consuelo, une étudiante de son cours de critique littéraire, et qu’il commence à se sentir jaloux et possessif.
L’ambiance use (et abuse) sans complexes des stéréotypes véhiculés par cette high society érudite de Manhattan : musique jazz (une magnifique adaptation de Dance me to the end of love par un autre représentant de cette école, Leonard Cohen), vin rouge, cours consacrés à Barthes et Albert Camus, piano languissant, photos de l’être aimé sur la plage et insipide comparaison entre les yeux de Consuelo et La Maja vestida de Goya. Le point culminant de cette hypocrite mièvrerie aux accents faussement cultivés est atteint lorsque Kepesh affirme que le visage de Consuelo est « une véritable œuvre d’art », bien qu’il soit incapable d’assister à la fête qu’elle a organisée dans le but de lui présenter ses parents. Le film réussit cependant à rendre les nuances et les incohérences dans lesquelles est embourbé Kepesh, à travers sa position de cynique hédoniste incapable de payer le prix de ses décisions, qu’il s’agisse d’un désir sexuel qu’il travestit en amour de l’art (signe, s’il en est, de sa mauvaise conscience), ou de la vieillesse qu’il ne veut pas vivre seul, après avoir savouré un célibat égoïste. Le contraste avec Consuelo est abyssal et angoissant : la jeune femme vit sa sexualité et ses décisions librement, sans se tourmenter ; ce que Kepesh ne peut pas comprendre. Une belle élégie, quoique un peu manichéenne, sur la simplicité et la pureté de l’âme féminine, que Consuelo portera jusqu’à ses dernières conséquences. Pourtant, ceux qui chercheraient le style impudique, fébrile, politiquement incorrect et ironique de Roth ne le trouveront pas car Elegy est, sans aucun doute, un véritable film d’Isabel Coixet, avec tout ce que cela implique de sentimentalisme, de tragédie et d’ambiances intimes. La légèreté et l’humour de l’écrivain américain ne sont pas au rendez-vous dans cette adaptation. Aucune nouvelle de la renommée scène de masturbation qui a fait du Complexe de Portnoy un bestseller en 1969. C’est donc sans surprises que les seins de Pénélope cesseront d’être un - très légitime- obscur objet de désir, pour devenir le symbole de toute la question sentimentale et existentielle entre les deux personnages. Les seins, contrairement au livre homonyme de Roth, deviennent sans doute ici le paradigme des relations amoureuses entre hommes et femmes. Une bonne occasion pour ceux qui apprécient l’univers de la cinéaste espagnole (ou un certain intellectualisme romantique new-yorkais) de voir un mélodrame assez juste et, pour les autres, de revoir une énième fois les seins de Penélope Cruz…
Vivre la fiction… Critiques disc
Cinéma
Automatique
Cuchillo
Luis Salinas
Volume 2.0 Mixed by Adultnapper records
Cuchillo
«Muchas cosas»
Sinnamon Recordings
Fam Distribuciones
Disposer d’un bon mix-cd vous aidera à préserver votre réputation d’impeccable amphitryon, lorsque vous êtes un piètre disque-jockey, que vous ne disposez pas d’un attique orienté plein sud, ou que vous avez tendance à délaisser vos invités pour d’obscures raisons(drague rougeaude ou ébriété extravagante). Bref, le Volume 2.0 du label Audiomatique de Steve Bug risque d’être utile à la majorité d’entre nous durant un été débridé. C’est Adultnapper, DJ et producteur new-yorkais, qui a été désigné pour enchaîner les productions d’une belle palette d’artistes comme Trentemøller, Robert Babicz, Gaiser, Martinez, Gui Boratto ou Martin Eyerer. Entre techno sombre, minimale joviale et deep house élégante, Adultnapper obtient un équilibre musclé, rythmé, fin et mélodieux. Ce mix, avouez-le, c’est la stabilité, la pondération et l’énergie qui vous font défaut en fin de soirée.
« Cuchillo sont et resteront l’un des meilleurs groupes de rock nés dans notre pays. Ne l’oubliez pas ! » C’est par ces mots que Matías Bosch (Go Mag) achève sa critique dithyrambique mais tellement pertinente de l’album homonyme du duo catalan. Epaulés par Paco Loco (Australian Blonde, Maga, Jet Lag), Israel Marco (guitare et voix) et Daniel Domínguez (batterie et percussions), ils pratiquent un folk expérimental et halluciné, aux limites de la réalité. Chantés en castillan ou en anglais, les onze titres qui composent Cuchillo font tantôt penser aux loops et aux samples de Matt Elliot tantôt aux répétitions d’un Manuel Göttsching qui se serait encanaillé avec Devendra Banhart. Cuchillo est incontestablement la meilleur chose qui soit arrivée au rock espagnol depuis bien longtemps, moi aussi je le crie haut et fort !
Il fait des miracles avec sa guitare comme savaient le faire Django Reinhardt ou Jimmy Hendrix. Lui est argentin, il est né à Monte Grande, une ville proche de Buenos Aires. Il émerveille par sa finesse, sa sensibilité, sa précision du geste, son jeu en accords avec autant de vélocité. Que l’on fasse partie d’un public averti ou pas, Luis Salinas arrive à nous enchanter par ses influences diverses, à travers une musique où il ne renie ni ses origines ni ses aspirations. Il se produit en s’inspirant du jazz, du tango et des rythmes latins. Il use d’une subtile fusion entre le classique et le moderne et nous séduit par sa technique sans jamais en abuser. Luis Salinas y laisse une empreinte de passéprésent où ses mélodies flirtent à chaque instant avec la poésie. Il sera présent au festival New Mood Jazz de Castelldefels au mois de juillet.
Texte : Noé Moulin
Texte : Minus
Hulk
Texte : Aurélien Le Genissel
On connaît l’histoire : Bruce Banner (alias Hulk) vit dans le secret depuis qu’il a découvert sa puissance incontrôlable due à une surexposition de rayons gamma quand il était chercheur pour les militaires du gouvernement. Mais le Général Ross veut le retrouver et engage, entre autres, un mercenaire de haut niveau, Blonsky, pour le ramener. Celui-ci a droit à une injection du produit qui a transformé Banner en Hulk pour que la lutte soit plus équitable. Mais, évidemment, les choses dégénèrent et la poursuite finira par un affrontement entre le Bien (Hulk) et le Mal (l’Abomination-Blonsky). Un homme transformé en super héros à cause d’une erreur scientifique, une vie dans l’ombre et la clandestinité, une histoire d’amour qui transcende toutes les apparences extérieures, des affrontements spectaculaires à répétition… tous les ingrédients des films de ce genre, dans la ligne actuelle de Iron Man, X-Men ou Batman, sont ici réunis pour passer deux petites heures agréables. Un croisement de la Belle et la Bête, King Kong et Astérix (pour la potion) où les balles fusent aussi vite que les clichés et les procédés scénaristiques sont aussi évidents qu’efficaces. Mais la question reste de savoir comment différencier et évaluer ces films-spectacles ? Le jeu d’acteur n’est pas vraiment au centre des préoccupations ici et le niveau des effets spéciaux n’a de cesse d’augmenter, atteignant rapidement un niveau qui transforme le produit en un exercice de style visuellement impeccable pour un spectateur lambda. Comment les départager alors ? Sachant qu’un grand nombre de ces films intègrent une structure narrative semblable, une méthode possible peut consister à ausculter les infimes variations. Par exemple, le niveau d’humour et d’autodérision, la beauté et l’originalité des endroits de lutte ou la vraisemblance et l’émotion de la bataille finale. Sur ces points, Hulk remporte un vrai succès pour le premier affrontement, qui a lieu dans une incroyable favela brésilienne, un bon point pour son humour et sa légèreté (avec une fin bien trouvée) et une franche désillusion pour le combat final, dont l’excès, l’invraisemblance et la froideur nous laissent un « mal sabor de boca ». Un film estival, à voir si la chaleur devient trop pressante et qu’on cherche un peu d’air conditionné.
Texte : Cedric Ferrin
AGENDA CONCERTS ET CLUBS (JUILLET) AGENDA CONCERTS ET CLUBS (JUILLET) 08/07/08 – 21h30 // Pop
11/07/08 – 21h30 // Pop
19/07/08 – 22h00 // World
JAMES BLUNT Sala Razzmatazz 38 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
DUFFY Sala Razzmatazz 25 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
B-Estival : TOTO BONA LOKUA Espacio Movistar 30 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
08/07/08 – 22h00 // Rock
11/07/08 & 12/07/08 // Rock espagnol et catalan
21/07/08 – 22h00 // Rock
LENNY KRAVITZ Pavelló Olímpic Badalona 39 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
B-Estival : JOHNNY WINTER Espacio Movistar 35 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
23/07/08 – 22h30 // Funk
THE CINEMATIC ORCHESTRA Sala Apolo 20 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
Mare Nostrum Rock Festival : BARRICADA, MÄGO DE OZ, ROSENDO, BREED77, LOQUILLO, ECO, LILITH, FE DE RATAS, TAS, BASICO, SORPRENDENTE, INSECTO PALO, MAMALADILLA, NADA QUE VER Parc de la Pau - Sant Adrià de Besòs 55 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
09/07/08 – 21h00 // Rock
14/07/08 – 22h00 // World
25/07/08 – 00h00 // Electro / House
B - 52´ S + BLENDA Poble Espanyol 45 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
B-Estival : ERYKAH BADU Espacio Movistar 40 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
SHONKY Sala BeCool 12 € avec conso
10/07/08 – 22h30 // Soul & Funk
15/07/08 – 22h00 // World
GROOVE JUICE Harlem Jazz Club (c/Comtessa de Sobradiel, 8) Entrée gratuite
B-Estival : KEVIN JOHANSEN AND THE NADA Espacio Movistar 25 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
28/07/08 – 21h30 // Red Hot Chili Peppers Cover Band
10/07/08 – 21h30 // Rock
18/07/08 – 18h00 // Musique, littérature et mode en provenance de Colombie COL·LECTIU SURSYSTEM + BURN STATION Live Sala Niu (Poble Nou / Metro: Llacuna) Gratuit / http://www.niubcn.com
A IRMANDADE Harlem Jazz Club (c/Comtessa de Sobradiel, 8) Entrée gratuite
18/07/08 – 01h00 // Techno / House
01/08/08 – 01h00 // Electro, Techno
40ème anniversaire Rachdingue : CARL CRAIG Le Rachdingue (Vilajuïga) 20 € / http://www.rachdingue.com/
Claude Von Stroke + Undo + Surkin + Omar Leon Salas Razzmatazz 12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
08/07/08 – 22h00 // Electronica / Jazz
BEN HARPER AND THE INNOCENT CRIMINALS Pavelló Olímpic Badalona 32 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
11/07/08 – 18h00 // Musique, littérature et mode en provenance de Colombie COL·LECTIU SURSYSTEM + TERRITORIO COMANCHE Live Sala Niu (Poble Nou / Metro: Llacuna) Gratuit / http://www.niubcn.com 36
VON HAUSE Harlem Jazz Club (c/Comtessa de Sobradiel, 8) Entrée gratuite
FUNKY MONKS Sala Luz de Gaz (Sala B) 5
31/07/08 – 22h30 // Musique brésilienne
Aleksandra, d’Aleksandr Sokurov De nos jours, sur le front tchétchène, dans un campement de régiments russes. Aleksandra Nikolaevna, grand-mère généreuse mais au caractère endurci, vient rendre visite à son petit-fils, Denis, officier estimé de l’Armée russe. On suit avec intérêt les pérégrinations de cette femme qui va découvrir et partager le quotidien des soldats. Dotée d’un franc-parler, la vieille femme va chambouler leur rythme de vie en posant des questions, en écoutant et en allant explorer les zones tchétchènes avoisinantes. Le personnage d’Aleksandra contraste avec les soldats, figures désoeuvrées presque irréelles et fantomatiques errant sans espoir; tout comme avec les civils tchétchènes qui essaient de survivre à la tragédie de leur quotidien. Dans cet univers morne et désabusé, l’humanité d’Aleksandra distille un peu d’espoir. Maître du cadre et de l’analyse de la nature humaine, Sokurov nous livre un tableau à l’esthétique remarquable. Les couleurs jaunâtres, l’atmosphère poussiéreuse et brumeuse font de ce film une véritable peinture. L’utilisation de plans rapprochés permet d’inspirer une certaine empathie. Ce faux-film de guerre repose principalement sur le rôle d’Aleksandra, interprêté de manière époustouflante par la cantatrice et soprano russe Galina Vishnevskava. Exempt d’une vision politisée, il ne montre aucun combat, aucune violence, seulement des images d’immeubles en ruine. Le réalisateur adopte tout de même le point de vue russe en véhiculant les notions de patrie et de sacrifice. Mais il élude de manière subtile tout manichéisme réducteur. Il préfère suggérer et méditer sur les conséquences des guerres. Ce film mérite le détour. Pas de guerre mais une vision humaine qui cherche à récréer des liens entre les hommes. Hymne poignant à la tolérance et à la compréhension.
Réalisé par Alexandre Sokurov Avec Galina Vishhnevskaya, Vasily Shetvtsov, Raisa Gichaeva
Film russe. Genre : Drame, Guerre Durée : 1h 32min. Année de production : 2007 Distribué par Rezo Films
Texte : Audrey Damas
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Allons voir au-delà d'Almodovar - Un Artiste peut en cacher bien d'autres Allons voir au-delà d'Almodovar - Un Artiste peut en cacher bien d'autres Article de Aurélien Le Genissel Le succès incontestable de Pedro Almodovar (notamment en France, où il est adulé par la critique et les spectateurs) et l’internationalisation de quelques grands acteurs espagnols ces dernières années (on pense évidemment à Pénélope Cruz et au tout fraîchement oscarisé Javier Bardem) a peut-être éclipsé un phénomène nouveau pour le cinéma ibérique : de plus en plus de films s’exportent à l’étranger.
Il n’est plus inhabituel de voir les productions du pays voisin occuper une bonne place dans les salles françaises. Et pour cause, au moment où l’on parle ici de la crise du cinéma national, il est indéniable que le septième art espagnol se porte bien, en tout cas en termes de quantité de films produits. Si l’on excepte un bon nombre de films co-produits par des pays différents mais dirigés par un espagnol, comme beaucoup de productions de Alex de la Iglesia, dont le tout récent Crimes à Oxford et le populaire Un crime farpait. Les salles françaises proposent en outre beaucoup de nouveautés venues de l’autre côté des Pyrénées : Mataharis, Les sept Vierges , L’Orphelinat (sorti il y a quelques semaines), Rec cette semaine, ou bientôt Dans la ville de Sylvia … Il semble ainsi que le marché se soit modifié ces dernières années, et que l’Espagne a désormais cessé d’être uniquement un pays consommateur, pour devenir un producteur de cinéma. Les chiffres sont assez significatifs sur ce point : selon le CNC, l’Espagne ne cesse d’augmenter le nombre de long-métrages qu’elle produit, et a presque doublé la quantité entre 1999 (82) et 2006 (150). Les recettes et les nombres d’écrans ont eux aussi connu une forte hausse. Pour la grande majorité de ces statistiques, l’Espagne se situe devant l’Angleterre et l’Allemagne (des cinématographies relativement faibles) mais, surtout, devant l’Italie, une référence du septième art européen. Toutefois, ce boom n’est pas qu’une question de chiffres et de quantité : il s'agit davantage ici de qualité, le cinéma espagnol ayant su se diversifier de manière étonnante, et ne pas tomber dans les « dangers » d’une image stéréotypée qui exporterait de l’Almodovar de seconde catégorie. Un humour bien à lui, des histoires quotidiennes proches et bien ficelées, un cinéma d’épouvante très efficace et quelques grands créateurs dans l’ombre du maestro castillan, sont quelques clés de ce succès. Ainsi l’Espagne a-t-elle emprunté une des formules qui a le plus réussi au cinéma français ces dernières années : la superproduction humoristique. Evidemment, chaque humour a ses caractéristiques et l’investissement n’est pas toujours aussi fabuleux que pour les sagas d’Astérix ou de Taxi, mais le cinéma espagnol a amassé ces dernières années de gros revenus grâce à ce nouveau genre. Pour certains films (comme la sagas de Torrente ou les héros de BD Mortadelo y Filemon) un style d’humour autochtone a fait que le triomphe fut plutôt national. Pourtant, d’autres créations, comme Un crime farpait, ont connu un bon accueil en France. En plus de l’humour, le cinéma espagnol s’est aussi caractérisé ces derniers temps par la qualité de ses œuvres de suspense ou d’épouvante. Sa production cinématographique est devenue une référence en la matière grâce au fragile équilibre qu’elle a trouvé entre les grosses productions multinationales, comme les récents Labyrinthe de Pan (avec son casting relativement riche, et une partie de la production d’origine espagnole, même si le directeur, Guillermo del Toro, est mexicain) ou L’orphelinat ; et les produits moins commerciaux mais de grand mérite, comme Rec. Le réalisateur de ce dernier film, Jaume Balaguero, est d’ailleurs représentatif d’une nouvelle génération de cinéastes et cinéphiles, maîtres des techniques cinématographiques classiques, et qui connaissent aujourd'hui une belle réussite. Le chef de file de ce mouvement demeure Alejandro Amenabar qui, après trois long-métrages marqués par le suspens (dont le second Abre los Ojos donna lieu à Vanilla Sky, la reprise américaine interprétée par Tom Cruise notamment), a connu un grand triomphe avec Mar Adentro, Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2004. Un beau panorama se dessine donc, derrière la figure imposante de l’ultra médiatique Almodovar. Un de ceux qui vivent dans l’ombre du réalisateur castillan mais qui mériteraient sans doute davantage de "visibilité", est Julio Medem. En France, c'est dans Lucia y el sexo que l'on a découvert son monde onirique et féerique, une sorte de fable postmoderne et mystique. Il est vrai que ses œuvres sont d’un accès plus complexe, mais on se laisse souvent bercer par sa beauté et ses belles inventions formelles. On attend dans les salles, pour les semaines prochaines, son dernier opus Caotica Ana. Dans le sillage de ce cinéma plus intime et personnel, s’inscrivent aussi de belles réussites d’art plus réaliste et, quelquefois, dramatique. On pense à Isabel Coixet qui a réussi à être une des réalisatrices du polyphonique Paris Je t’aime grâce au bon accueil réservé à ses films précédents, Ma vie sans moi et The secret life of words. Mais c’est surtout Fernando Léon de Aranoa qui, avec une très fine pointe d’humour dans les situations les plus compliquées, excelle dans le genre. Toutes ses œuvres sont des incursions poétiques et justes dans la vie quotidienne de l’Espagne
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moderne : Familia, basée sur les problèmes de famille, Barrio, réflexion sur le nouveau phénomène des banlieues dans le pays ibérique, Los lunes al sol, ou comment contrecarrer les difficultés du chômage et Princesas, traitant du monde de la prostitution. N’oublions pas l’apparition ces dernières années de plusieurs films remarqués dans les circuits moins fréquentés. Ainsi, les documentaires de José Luis Guerin (qui va sortir dans quelques semaines en France son nouveau film Dans la ville de Sylvia), les créations intimes et profondes de Marc Récha, dont Pau et son frère, présenté en compétition dans la Sélection officielle du Festival de Cannes en 2001, et le plus récent Honor de Cavalleria, de Albert Serra, qui faisait partie de la sélection officielle lors de la 38ème édition de la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes 2006. Il apparaît ainsi que, même si les spécialistes, comme presque partout ailleurs, parlent d’une crise du cinéma en Espagne, il existe pourtant de nombreux réalisateurs intéressants et suffisemment solides pour succéder à Pedro Almodovar. Une cinématographie multiple et complexe qui réussit à marier assez bien les genres que les sensibilités esthétiques. Pour le public français, le débarquement, ces derniers temps, d’une multitude de films espagnols, est l’occasion de découvrir cette richesse cinématoraphique plutôt méconnue. N’oublions pas que l’Espagne est le pays qui a remporté le plus d’Oscars du meilleur film en langue étrangère ces derniers 15 ans (trois statuettes exactement). Ce n’est plus un hasard.
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Entretien avec Arnaud Desplechin Entretien avec Arnaud Desplechin Article de Aurélien Le Genissel A l’occasion de la sortie de son nouveau film, "Un conte de Noël", et de la visite qu’il a faite à Barcelone pour une rétrospective organisée par le Mostra Internacional de Cinema europeu Contemporani (MICEC’08), Arnaud Desplechin a bien voulu répondre à quelques questions concernant le cinéma et l’idée qu’il s’en fait.
Profitant du beau temps, c’est autour d’un café que nous avons discuté de l’amour que le cinéaste porte à tout ce qui relève du septième art, de Bergman à Woody Allen, en passant par son admiration pour le cinéma américain. Au milieu du bruit et de l’activité frénétique qui caractérisent les bars espagnols, sa voix ténue et réservée paraissait bien démunie, et augurait des difficultés pour un entretien commode et confortable. C’est tout le contraire qui s’est produit : la profondeur et la persuasion quasi hypnotique de son discours ont vite éteint les interférences extérieures. On peut aimer plus ou moins les œuvres d’Arnaud Desplechin, mais il est certain qu’il sait ce qu’il fait et que, lorsqu’il parle de cinéma, il nous transporte dans un monde bien à lui. A la fin, en partant, il me lance en regardant ma tasse : « Vous n’avez pas bu votre café ? ». En effet, la tasse est pleine; j’ai oublié de boire pour écouter...
- Un conte de Noël…pourquoi faire un conte, et pourquoi à Noël? - Parce que Noël, c’est presque un genre, et je suis très intéressé par les genres. Je crois que je fais un cinéma de genres. Evidemment ce n’est pas du cinéma américain. Si je fais un film politique, comme La Sentinelle, je me dis que le genre c’est l’espionnage et je vais respecter le genre, à ma façon, mais je vais le faire...comme pour la comédie romantique ou pour la comédie du remariage. Il y a un genre mineur que j’adore aux Etats-Unis: le « Thanksgiving movie ». Il y en a trois chaque année qui ne sont pas distribués en Europe, car ça n’intéresse pas les européens. Moi, j’adore ça...C’est toujours la même histoire: vous avez toute la famille qui se retrouve, c’est Thanksgiving, avec la dinde, le fils qui a des problèmes...C’est vraiment devenu un genre avec ses lois et ses codes. J’aime utiliser une forme déjà existante pour la pervertir, m’en servir, la transformer, la bousculer…Je me sens plus libre dans une forme qui existe déjà plutôt que d’inventer une forme tout seul; ce qu’on appelle généralement le cinéma d’auteur. - Et pourquoi un conte? - C’est très trivial. Ça se passe dans une petite ville en France qui est plutôt sinistre, Roubaix, et puis, tout s’enchante, tout devient un peu bizarre, fait un peu peur, fait quand même beaucoup rigoler, c’est un peu merveilleux, c’est réaliste, mais pas toujours, on ne sait pas très bien. Un conte finalement c’est quand il n’y a pas de morale. Je pense à Songe d’une nuit d’été: il n’y pas de morale, on ne comprend pas, il se passe des choses très bizarres, très violentes, très douces, très mélodramatiques, très sentimentales et, à la fin, ça se termine avec tous les personnages sur le sable. On se demande ce que ça voulait dire. Dans un conte, on ne sait pas. Le fait d’utiliser un matériel qui pourrait être brutal, comme la mort, la vieillesse, le cancer, la haine, et de le faire de manière enchantée, comme dans des comédies de Shakespeare, c’était ça le pari du film.
- Quel sens y a-t-il à utiliser les mêmes thématiques, les mêmes noms… - Il y a des noms qui sont pareils et d’autres pas. Les personnages viennent toujours de quelque part. Quelquefois ils viennent d’une pièce de théâtre, de la mythologie, d’un film que j’ai aimé ou d’un film que j’ai fait…Ou c’est un personnage que je n’avais pas regardé sous le même axe et, tout d’un coup, je le fais revenir. A chaque fois que je commence un film, je me dis “ce serait formidable de faire un film qui ne soit pas d’Arnaud Desplechin”. Je le fais et je me dis: “voilà, personne ne va reconnaître que c’est moi, je vais le filmer différemment, l’intrigue est toute nouvelle”. Evidement c’est pour ça qu’on fait le film: on espère qu’on arrivera enfin à faire le film ultime qui sera différent de tous les autres. Puis vous terminez le film et les critiques disent: “ça ressemble pas mal à celui d’avant”, parce que ce qui les intéresse c’est l’auteur. Moi ce qui m’intéresse c’est ce rêve complètement adolescent de se dire “je serai un homme complètement nouveau, j’aurai fait un truc qui n’a rien à voir avec tout ce que j’ai fait avant”. Evidemment à chaque fois on rate, et à chaque fois on recommence en se disant que le prochain film sera un film comme j’aime, c’est-à-dire genre
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un peu Renoir, un peu Bergman, beaucoup Coppola et pas du tout moi. Et à la fin, vous voyez, il y deux ou trois traces et il y a moi qui reste (rires)... - Les références ne sont donc pas toujours chargées de sens. La reprise des noms par exemple… - Ça peut être beaucoup de choses. C’est un vieux truc que j’ai repris à Bergman… - Lui aussi reprend les noms tout au long de sa filmographie… - Oui, mais ce ne sont pas les mêmes. Il y a le couple malheureux, il y a l’homme souffrant, il y a l’homme méchant. Dans chaque film il espère qu’il va faire autre chose, il reprend un autre acteur pour le faire, il essaye de le montrer différemment, de le raconter mieux. On se dit qu’en gros on a douze, vingt marionnettes qu’on sait faire bouger à peu près correctement. Et peut-être avec elles on peut raconter le monde entier. - Le sentiment qui ressort de votre dernier film est plus doux que dans vos œuvres précédentes. Le montage est plus fluide, même s’il reste des faux raccords. En ce qui concerne le fond, les excès des personnages semblent aussi plus atténués, peut-être moins visuels que dans des films comme Rois et Reines ou Comment je me suis disputé… ? - C’est drôle qu’on dise ça. Quand j’étais avec la monteuse en train de finir le film, Emmanuel Bourdieu [le scénariste d’Arnaud Desplechin] a dit qu’il trouvait que le montage était beaucoup plus mélodieux, avec beaucoup moins de faux raccords… Laurence Brio [la monteuse] était vexée! (rires) Elle disait «on a 1800 plans dans le film, 12 fois plus que tout mes petits camarades et on arrive à en mettre de plus en plus et vous voyez même pas qu’on en a mis autant que dans le film précédent» ! (rires) C’est peut-être parce que le film est un peu moins « hip-hop » et plus « jazz ». Un des personnages (le père) écoute du jazz, alors le film est plus jazz. Cela fait que les scansions sont plus harmoniques. Ça dépend aussi de la structure du film. Dans Rois et Reines ce sont deux personnages, deux intrigues, que tout affronte, donc le film est une cassure en lui-même, il est une cassure entre l’histoire de l’homme et de la femme. Là, c’est différent: c’est un film sur une maison. Quand on passe d’un étage à l’autre c’est tout doux, puisqu’on ne saute pas d’un film à l’autre. Je me dis peut-être que c’est le genre, il faut bien que vous trouviez ça plus mélodieux. Toutes les lectures sont justes et exactes. C’est toujours les spectateurs qui ont raison. Toujours. - Au niveau des thématiques. Vous laissez beaucoup de thèmes ouverts…Est-ce que c’est fait exprès ? Quel est l’objectif ? - Peut-être parce que dans les séries américaines, quand le personnage à la fin dit « je vais te dire pourquoi j’ai fait tout ça… », c’est du temps perdu. C’est vrai qu’il n’y a pas un personnage de la famille qui ne dysfonctionne pas : tous dysfonctionnent. Ce qui nous passionnait quand on écrivait le film, et surtout quand on le filmait, c’est l’action que ça produit. Des fois on devine des motifs, des choses, mais on se dit « c’est quoi le fin mot ». Le fin mot c’est, comme les histoires de tout le monde, que l’adolescence est toujours malade, que le risque de la folie traîne toujours, comme celui du désamour, que l’amour est toujours ambigü et qu’il a sa dose de haine derrière…Mais tout ça on le sait, c’est ce qu’on vit tous les jours… Par contre ce qu’on ne vit pas tous les jours, c’est l’action qui est produite par ça. Il y avait l’idée de foncer à l’action tout de suite et toujours, plutôt qu’à l’explication. - En parlant de dysfonctionnement, dans Un conte de Noël, le personnage d’Amalric parait moins excessif, plus retenu que d’autres fois, ce qui donne un poids intéressant aux autres membres de la famille… - On a un film de Thanksgiving, donc tous les personnages sont à égalité, c’est le principe. Dans l’autre film (Rois et Reine), il y a un héros et une héroïne, c’est tout. On ne voit que Nora et Ismaël. Quand on travaille sur un genre, l’espionnage, l’horreur, le western, les films de famille, la comédie du remariage, il faut voir quels sont les dangers, les règles…Dans les films de Thanksgiving ou de Noël il y a, pour moi en tant que spectateur, un écueil à éviter, c’est la mièvrerie. Quand ça devient mièvre ce n’est pas heureux, c’est le moment où l’on s’ennuie dans le film. C’est souvent la scène d’explication. Quand ça devient mièvre, c’est le moment où le film ne produit plus d’enthousiasme, n’est plus une machine à actions. Et d’éviter la mièvrerie ça veut dire que tous soient à égalité, qu’il n’y ait pas de héros. - Quel est votre rapport à la littérature ? On a critiqué votre utilisation de la voix off, des citations littéraires. Dans ce film il y a une place centrale de la lecture de Nietzsche, de la lettre d’Amalric à sa sœur, face à la caméra… - Il y a une expression de Wittgenstein que j’aime: « ramener les mots à la maison ». Les mots sont loin. Ce qui est très beau c’est que le cinéma est un art populaire. Par exemple, moi je n’ai pas fait d’études mais j’aime bien lire. Je trouve beau qu’un film soit fait pour les gens qui ne peuvent pas lire: les adolescents, les enfants et les pauvres. Maintenant le cinéma a changé, les temps ont évolués; il y a la télévision, les jeux vidéos... Mais le cinéma est né comme ça, il est né comme un art de foire et je pense qu’il le sera toujours parce que…il est fait pour ça! J’aime bien l’idée de prendre les choses nobles, qui appartiennent aux adultes, à la bourgeoisie ou aux universitaires et de les ramener en bas. Je trouve que c’est une des choses que le cinéma peut faire de façon formidable. Après on peut le faire de façons différentes. Par exemple, la vulgarisation : vous n’avez pas lu Don Quichotte, mais vous pouvez voir une bonne adaptation de Don Quichotte. C’est bien pour les gens qui ne le liront jamais. Moi ce n’est pas exactement ça. J’aime bien raconter des histoires où les personnages mènent des vies que je n’ai pas menées : ils sont professeurs d’universités, souvent très calés, mais quand je regarde le film je comprends ce qu’ils disent. Je ramène les mots. - Pourquoi les moments de littérature sont toujours un moment de nœud du film ? Vous n’avez pas la tentation de cacher cette référence, de ne pas la montrer au public ? Pourquoi l’expliciter… - Ce n’est pas de l’expliciter. Par exemple, ce que j’aime bien avec Woody Allen (au début je n’avais pas compris), c’est que je vois des personnages qui ont lu des livres et souvent je ne les ai pas lus. C'est-à-dire que les personnages sont
plus vivant parce qu’ils connaissent des choses que je ne connais pas. Dans Kill Bill II, ils parlent d’histoires, de combats, de livres sur les samouraïs. Je ne connais rien sur les samouraïs. C'est-à-dire que les personnages savent des choses que je ne sais pas et du coup, pour moi, ça les fait exister plus exactement. Par exemple, la démonstration mathématique qu’il y a dans le film [faite avec l’aide de Wendelin Werner et Cédric Villani] est vraie. Ça ne sert à rien car de toute façon je n’écoute pas ce qu’ils disent, mais ça me plait de savoir que c’est vrai. C'est-à-dire que s’il y a un seul mathématicien dans la salle il se dit « ah, elle est pas mal faite ». Ça me plait que les personnages, par exemple un médecin, aient un langage un peu étrange, un peu étrange dramatique, un peu poétique et que, des fois, il utilise des expressions bizarres, rigolotes, qu’il fasse une faute de français…Mais que ce soit exact. S’il y a un type qui lit Nietzsche, il lit Nietzsche. S’il y a un homme qui est médecin, il est médecin. De respecter le savoir que les personnages ont, c’est très important pour moi; ça crée un monde qui est un peu plus riche.
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Critiques disc
Cinéma BRUNETTOB+ Freelastica / Decoder MuziquePhonomonkey
PETAR DUNDOV Escapements Music Man / Decoder Muzique
ANNE CLARK The Smallest Acts of Kindness NetMusiZone/ Intergroove distribution
Happy, un cuento sobre la felicidad Texte : Audrey Damas
Textes : Noé Moulin
Entre le « A » d’Alegria et le « C » de Confianza se cache « B+ » de Brunetto, comme un hymne à la positivité. Artiste sévillan basé à Barcelone depuis quelques années, Brunetto excelle à l’heure de jouer avec les textures, les mélodies et les voix. Sur ce troisième effort studio, il tisse des paysages sonores faits d’IDM, de trip-hop, de soul, de jazz ou de hip-hop, mais, et c’est là que réside la nouveauté, en proposant des structures beaucoup plus pop que sur ses précédents albums. Agrémenté des voix de la chanteuse d’opéra canadienne Martina Govednik, des rappeurs Kiffa, Suko et Diargi ou du chanteur de rock ACCD, cet opus est une petite merveille d´éclectisme représentant parfaitement le climat multiculturel de notre cité.
Depuis ses origines, la techno est une musique sans visage et sans image, faisant bien souvent abstraction de l’identité et de la personnalité de ceux qui la font vivre. Cependant, depuis quelques années, la starification et la hype ont pris la place des cagoules et les producteurs de musique électronique sont maintenant omniprésents dans les médias. Petar Dundov, lui, à su rester intègre ; géniteur d’une techno en constante évolution rendant justice à l’appellation « minimal » au sens classique du terme, le producteur croate offre avec Escapements un disque pur, sobre et retro-futuriste faisant tantôt penser aux productions atmosphériques de Jeff Mills et tantôt aux premiers disques de Krafwerk.
Alors que la majorité des artistes qui ont fait les belles heures de la cold-wave sont tombés aux oubliettes ou qu’ils tentent désespérément une réapparition à grand coup de pratiques marketing, Anne Clark revient sobrement sur le devant de la scène après une absence discographique de plus de 10 ans. Avec The Smallest Acts of Kindness, la voix de Sleeper in Metropolis synthétise parfaitement les influences accumulées au fil d’une longue carrière tout en recherchant de nouvelles formes de communiquer avec son public. Un disque froid et des textes en « spoken word » abordant d’un point de vue humaniste des sujets graves tels que la crise économique mondiale, la carence de ressources naturelles ou la politisation excessive des entités spirituelles.
Mike Leigh nous avait habitué à des films plutôt pessimistes. Avec Happy, il crée la surprise en réalisant un long-métrage définitivement positif. Cette fois-ci, sourire et bonne humeur au programme. L’héroïne, Poppy, est une jeune institutrice loufoque et déjantée qui profite pleinement de la vie entre ses sorties, son travail, ses cours de trampoline et de flamenco. Déterminée à prendre les choses du bon côté, elle décide d’apprendre à conduire le jour où on lui vole son vélo. Récompensée au Festival de Berlin 2008, Sally Hawkins, qui interprète le personnage de Poppy, irradie le film de sa moue mutine et de sa grâce enfantine. Parfois exaspérante avec ses mimiques et ses rires qui frisent l’hystérie. Mais surtout, émouvante pour le regard qu’elle porte sur la vie et qu’elle transmet à tous ceux qui l’entourent. L’humour, qui accompagne tout le film, atteint son paroxysme lors des scènes des leçons de conduite : la protagoniste est, en effet, confrontée à Scott, un instructeur acariâtre et frustré. Au-delà de l’aspect comique reposant sur les contraires, Mike Leigh confronte deux conceptions de vie diamétralement opposées. Légèreté et insouciance contre amertume et rigueur. Le réalisateur britannique fait l’apologie de la félicité mais le film n’est pas aussi édulcoré qu’il n’y paraît. Pourtant, on ne retient que la leçon que nous donne Poppy qui affiche un optimisme à toute épreuve. Sa foi en l’avenir parvient à nous convaincre qu’un sourire peut faire changer le cours des choses. Mais le destin se résume-t-il à une question de volonté ? Qui sait ? Quoiqu’il en soit, ce film nous procure une véritable bouffée de joie de vivre. Bon antidote contre la sinistrose ambiante actuelle. Acteurs : Sally Hawkins, Eddie Marsan, Stanley Townsend Réalisateur : Mike Leigh Durée : 1h58 Genre : Comédie
AGENDA CONCERTS ET CLUBS (NOVEMBRE) AGENDA CONCERTS ET CLUBS (NOVEMBRE) Tous les lundis – 22h00 // Karaoké Rock’n’Roll ANTI-KARAOKE Sidecar Club 7 € avec conso. 06/11/08 – 21h30 // Musiques du Monde SMOD (Mali) Sala Apolo [2] 13 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 10/11/08 – 21h30 // Rock CHRISTIAN DEATH Sala Bikini 24 € / Centres Fnac, http://www.ticktackticket.com, et www.bikinibcn.com 12/11/08 – 20h.00 // Indie rock LATE OF THE PIER Sala Razzmatazz 3 18 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 12/11/08 – 21h30 // Rock stoner BRANT BJORK AND THE BROS (USA) + CUZO Sala BeCool 15 € / http://www.salabecool.com/ 12/11/08 – 21h00 // Indie / Psyché BEACH HOUSE Sala Apolo [2] 12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 12/11/08 – 22h00 // Rock HOWLIN RAIN Sala Sidecar 15 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 13/11/08 – 21h00 // Pop BARBARA CARLOTTI & MELANIE PAIN
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15 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com et www.bikinibcn.com 14/11/08 – 01h00 // Electro CHANNEL 1 + RADIOACTIVE MAN Razzmatazz Clubs 12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 15/11/08 – 00h00 // Minimal Matias Aguayo + Pan/Tone (live) + Dj Fra + Juan B Sala Apolo (Nitsa) 13 € avec conso 16/11/08 – 20h.00 // Hip-Hop THE STREETS Sala Razzmatazz 22 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 16/10/08 – 18.00 // Electronica et net labels DOMINGOS NIU - Piu RADIO session Sala Niu (Poble Nou / Metro: Llacuna) Gratuit / http://www.niubcn.com 16/11/08 – 22h00 // Indie THE WEDDING PRESENT Sala Apolo [2] 15 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 20/11/08 – 21h30 // Folk MICAH P. HINSON Sala Sidecar 20 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 21/11/08 – 22h00 // Electro-rock THE PINKER TONES Espacio Movistar 15 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
22/11/08 – 22h00 // EBM FRONT 242 Sala Apolo 23 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 23/11/08 – 22h00 // Pop THE LADYBUG TRANSISTOR (NYC) + PLEASANT DREAMS Sala BeCool 12 € / Cd-Drome 27/11/08 – 20h00 // Rock / folk WINTERCASE FESTIVAL : SCOTT MATTHEW + CUCHILLO Sala Razzmatazz 14 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 27/11/08 – 22h00 // Indie rock MERCURY REV Espacio Movistar 18 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 28/11/08 – 01h00 // Techno / Electro KEVIN SAUNDERSON + SURKIN Razzmatazz Clubs 12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 01/12/08 – 20h30 // Rock THE FAINT Sala Bikini 23 € / Centres Fnac, www.ticktackticket.com, et www.bikinibcn.com 04/12/08 – 21h00 // Rock AGAINST ME ! Sala Razzmatazz 3 14 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
Camino Laissons la polémique sur l’Opus Dei de côté, oublions le débat agité sur les croyances pour un moment, négligeons les circonstances dans lesquelles se déroule le drame. Si nous arrivons à cela, nous voilà simplement face à un « défi sans pareil », comme le décrit justement Ricoeur (dans Le mal, parfait contrepoint théorique au problème qui nous occupe) : la souffrance imméritée, injuste et arbitraire d’une jeune fille qui finira par mourir. Car dans le fond, c’est de ça qu’il s’agit. Javier Fesser nous le fait savoir dès la première scène qui nous montre d’emblée la mort de Camino, la jeune fille en question. Puis flash-back, cinq mois en arrière. On se dit alors que l’on va logiquement assister au chemin qui mène à cette fin douloureuse. Et, en spectateur averti et blasé, on se dit que l’on ne va pas tomber dans les « pièges » narratifs que le réalisateur ne va pas manquer de nous poser. Seulement voilà, Fesser fait partie de ces cinéastes doués, premier dans une classe imaginaire sur « Comment bien tourner un film ? ». Un peu comme Shyamalan pour le fantastique ou Allen pour l’humour. C’est pourquoi nous finissons par céder, un nœud à la gorge, à l’horreur que représentent la souffrance sans raisons, la douleur sans cause. Une œuvre bien menée qui compte quelques plans remarquables de justesse et de réflexion. On pense notamment à ce symbolique travelling Acteurs: Nerea Camacho, Carmen inachevé (ou pas) qui suit le regard de Camino vers le canapé placé au pied de son lit. On ne Elías, Mariano Venancio saura jamais vraiment ce que chacun voit… Réalisateur: Javier Fesser Mais, bien sûr, il y aussi l’Opus Dei. Car cette petite fille vit dans une famille très religieuse, Durée: 1h 43 min élevée dans une dévotion extrême et entourée de personnes dédiées entièrement aux Genre: Drame préoccupations chrétiennes. Mais cela reste marginal. Non qu’il n’y ait pas de remarques ou d’attitudes qui semblent incompréhensibles et choquantes, ou que l’univers onirique Texte : Aurélien Le Genissel et surréaliste de Fesser n’investisse pas entièrement le récit jusqu’à une scène finale provocatrice où se mêlent religion et rêves d’adolescent, mais cela ne cache pas la question principale. Cela provoque des troubles et des doutes (nécessaires et salutaires) mais qui n’auraient aucun intérêt si le réalisateur n’arrivait pas à nous intéresser à la question, à celle qui compte, celle que Ricoeur reprend des Psaumes et du livre de Job, celle de l’irréductibilité de la souffrance.
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Vivre la fiction… Critiques disc
Cinéma Fieldeork
Boo! Human
Sebastien Tellier
Polyvinyl
Sexuality
Pi Recordings
Joan of Arc
Door
La Antena
Record Makers / Sinnamon Recordings
La sortie presque simultanée des nouveaux albums de Joan of Arc et Make Believe marque le retour des frères Kinsella. En collaboration avec 14 musiciens, ils signent l’album le plus accessible de Joan of Arc, un fait interpellant lorsque l’on sait que Tim ne daigne entrer en studio qu’après une certaine dose de traumatisme, armé de paroles gribouillées durant son sommeil. Avec son songwriting sombre et engagé (émotionnellement, politiquement, etc., voir le poétique 9/11 2 ou le chenapan A tell tale penis), Tim se refuse toujours à revoir la justesse de son chant décalé, posé de manière bancale sur des instrumentations tendues, méticuleusement composées (le syncopé Laughter reflected back) mais toujours particulièrement névrosées.
En complète inéquation avec son époque, Sébastien Tellier sort son concept album moite et charnel comme si la Melody Nelson de Gainsbourg flirtait avec Jean Michel Jarre. Entièrement composé à la boite à rythme et au synthétiseur ; avec l’aide de Guy-Manuel de Homen Christo de Daft Punk, Sexuality est un vrai disque de variété comme on n’en fait plus. Malgré ses textes lubriques à souhait donnant envie de se replonger dans un vieux SAS, ses mélodies retro-pop, et son ambiance rappelant les génériques des séries érotiques de notre enfance, le nouveau Tellier est un disque touchant qui redéfinit la notion de sensualité au sens noble et nous emmène dans son monde soyeux et inspiré.
Composé de Vijay Iyer (piano), Steve Lehman (saxophones alto et sopranino) et Tyshawn Sorey (batterie), ce trio new-yorkais réunit trois des activistes les plus créatifs de la jeune génération jazz, nourris des grandes pointures de l’avantgarde, comme Anthony Braxton, Steve Coleman ou Roscoe Mitchell. Le résultat de cette troisième collaboration est plus que concluant : polyrythmies et instrumentations complexes, parfois atonales, et des improvisations télépathiques difficilement discernables de la composition. Précis et compact, complexe mais accessible, Door constitue une excellente introduction au jazz contemporain, à mille lieues du jazz de superette, et des affligeants ersatz que le hip hop ou le rock nous servent trop souvent.
Texte : Cedric Ferrin
Texte : Noe Moulin
Texte : Cedric Ferrin
Réalisateur : Esteban Sapir Interprètes: Rafael Ferro, Julieta Cardinali, Alejandro Urdapilleta, Sol Moreno, Valeria Bertuccelli, Ricardo Merkin, Raúl Hochman, Florencia Raggi. Durée : 88 min. Genre : Drame, Fantastique
AGENDA CONCERTS ET CLUBS (JUIN) AGENDA CONCERTS ET CLUBS (JUIN) 09/06/08 – 22h00 // Rock alternatif YO LA TENGO - Freewhweeling Show Sala Apolo 25 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 12/06/08 – 18h00 // Rock / Electro DAYDREAM FESTIVAL: RADIOHEAD, MODESELEKTOR, LOW, THE LIARS, CLINIC, LOW, … Parc del Forum 68 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 12/06/08 – 20h00 // Musique, Poésie, Théâtre, Performance, Art MICROS OBERTS Sala Niu (Poble Nou / Metro: Llacuna) Gratuit / http://www.niubcn.com 14/06/08 – 22h00 // Rock SUGAR MOUNTAIN + COMETA HALLEY Sala Sidecar 9 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 15/06/08 – 20h30 // Rock indie AKRON-FAMILY La [2] de Apolo 18 € / Fnac, Carrefour & http://www.ticktackticket. com 18/06/08 – 22h30 // Folk VETIVER Sala Sidecar 15 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 18/06/08 – 01h00 // Electro / Techno VITALIC + THE HACKER + AUDION (live) + TEENAGE BAD GIRL + MONOSURROUND + ARNAUD REBOTINI + JOHN LORD FONDA + FIXMER & MCCARTHY (live) + FLUOKIDS vs. TRAX CREW + [T]EKEL + MISSILL Salas Razzmatazz 34 34
12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 19/06/08 – 01h00 // Electro / Techno FELIX DA HOUSECAT + DOES IT OFFEND YOU YEAH! (live) + PONEY PONEY (live) + D.A.R.Y.L. + JAMES HOLDEN + NATHAN FAKE (live) + PETTER + RICARDO TOBAR (live) + ETIENNE DE CRECY + YUKSEK + UNDO Salas Razzmatazz 12 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 19/06/08 – 00h00 // Electro / House / Disco FAMILIES presents BANCAL BANCAL : DANTON EEPROM (live) + IVAN SMAGGHE & TIM PARIS (b2b set) + PETE HERBERT + JEF K + COSMO VITELLI + JL MAGOYA + BABY G + WILL DELUXE Sala BeCool 12 € avec conso 20/06/08 – 00h00 // House Innervisions Night : DIXON + ÂME + HENRIK SCHWARZ (live) + MARCUS WORGULL Sala BeCool 12 € avec conso 20/06/08 – 20h00 // Musique electro-acoustique KHALE + SVARTE GREINER Sala Niu (Poble Nou / Metro: Llacuna) 4 € / http://www.niubcn.com 20/06/08 – 23h00 // Techno / Electro / House Fiesta INTERGROOVE : FEDERICO MOLINARI (Oslo Records), MATTHIAS TANZMANN (Moon Harbour), MONIKA KRUSE (Terminal M), DOPPELKORN (4 Line). DAVID AMO & JULIO NAVAS (Fresco Records), NICK CURLY (Plastic City), MARKUS FIX (Cecile), JOSE GONZALO(Intergroove), JAIME FIORITO (Indigo Raw), MIRUS (Indigo Raw), SIAN (Octopus),
Texte : Audrey Damas
SANTIAGO NAR (Intergroove) Club Fellini (Las Ramblas) http://www.intergroove.es/ 22/06/08 – 00h00 // Electro pop / Electro Spun Out! Party : ANDREW WEATHERALL + SHIT ROBOT + HOT CHIP (DJ) Club Moog 10 € 22/06/08 – 22h00 // Pop indie THE MAGNETIC FIELDS Auditorio CCIB 25 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 28/06/08 – 22h00 // Folk / Rock JACK JOHNSON Pavelló Olímpic Badalona 30 € & 35 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 27-28/06/08 – 17h00 // Groupes émergents barcelonais Festival Festín Caníbal : LOS DELINQÜENTES + EL BICHO + LA EXCEPCIÓN + NOTEVAGUSTAR + ZULU 9.30 + EL PUCHERO DEL HORTELANO + LA PEGATINA + BARRIO NEGRO + AI AI AI + PANTANITO Poble Espanyol 22 € (1 jour) & 35 € (pass 2 jours) / Fnac & http://www.ticktackticket.com 29/06/08 – 22h00 // Pop ALANIS MORISSETTE Espacio Movistar 35 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com 02/07/08 – 22h00 // Pop THE STEREOPHONICS Espacio Movistar 25 € / Fnac & http://www.ticktackticket.com
Il était une fois un monde où les habitants avaient été privés de leurs voix, où seuls les mots subsistaient pour communiquer. Un monde contrôlé par Mr Télé, métaphore du régime totalitaire et de l’absence de liberté. Un monde où la population se nourrissait de programmes aseptisés et abrutissants, diffusés en permanence. Un espoir, La Voix, la seule à pouvoir faire changer le cours des choses. Car après l’annihilation de la voix, Mr Télé conçoit le dessein d’éradiquer les mots. Film muet en noir et blanc réalisé par Esteban Sapir, La Antena est une parabole sur la pénétration des médias dans la vie et la manipulation politique. Rendant hommage à Georges Méliès et à Fritz Lang, le réalisateur, qui est aussi photographe, nous offre une fable fantastique qui mêle les différentes techniques du cinéma d’animation. L’utilisation du muet et des techniques graphiques actuelles, la maîtrise des contrastes, les jeux avec les mots qui apparaissent à l’écran, font de ce film un chef d’œuvre visuel. Mais au-delà de l’aspect esthétique, il constitue une violente diatribe contre la manipulation politique à travers la communication dans les médias. Ce qui nous renvoie à notre propre réalité : le règne de l’image et l’hégémonie de la télévision qui émet de façon continue des programmes pour contrôler l’opinion publique. Le monde dans lequel nous vivons est essentiellement un monde visuel où les images envahissent nos pensées et deviennent un instrument d’aliénation. Tout comme dans 1984, de Georges Orwell, le but de Mr Télé, corollaire de Big brother, est de rendre impossible l’expression de pensées subversives. Sapir nous incite à réfléchir sur la relation qui existe de nos jours entre contrôle et communication. La Antena présente quelques petites faiblesses comme le ton fortement moralisateur. Toutefois, saluons ce film qui remet au goût du jour le cinéma de l’imaginaire en transfigurant le réel par l’expression artistique.
12 Peut-on vouloir sauver quelqu’un en le condamnant à mort ? Existe-t-il quelque chose au dessus de la justice ? Telles sont les questions principales que se pose Nikita Mikhalkov dans son dernier film, 12, une reprise agencée au goût du jour de Douze hommes en colère, le premier opus de Sydney Lumet. L’œuvre, adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Reginald Rose, montre les délibérations d’un juré composé de 12 hommes qui doivent décider à l’unanimité sur la culpabilité d’un jeune homme accusé du meurtre de son père. L’affaire semble jouée d’avance mais lors du premier vote, qui avait beaucoup de chances d’être le seul, un des jurés vote non coupable et propose une réflexion plus poussée sur l’affaire. Si l’œuvre de Lumet représentait une ode intelligente et raisonnée contre la peine de mort, le récit de Mikhalkov pousse un peu plus en avant la réflexion morale et se demande ce qu’il reste quand la justice n’est plus le dernier refuge d’une société. Dans l’ancienne version, c’est la désintégration des valeurs familiales et de l’ordre d’antan que ces hommes examinent ; dans celle-ci, le conflit tchétchène, et tous les paradoxes qu’il engendre, apparaît comme toile de fond symbolique d’une communauté qui cherche ses repères dans le monde contemporain. En effet, le jeune homme tchétchène qui est jugé est accusé d’avoir tué son père, un militaire russe qui l’avait adopté quand il était devenu orphelin de guerre dans la région. Ce nouveau film est l’excuse parfaite pour se replonger dans l’œuvre passée de Sydney Lumet, avec une attention spéciale pour Douze hommes en colère et Network, dont les sujets restent d’une grande actualité et pour faire l’impasse sur son dernier film, Antes que el Diablo sepa que has muerto, dont la beauté du titre ne cache pas la simplicité de l’histoire. Même si les acteurs sont justes, Lumet semble dépassé par un montage, fait de flashbacks et de répétitions superflues, qui apparaît plus comme un reddition à la mode actuelle que comme un vrai choix esthétique. L’occasion aussi pour découvrir (ou revoir), Soleil Trompeur, l’extraordinaire conte que Mikhalkov avait dédié aux ravages d’un idéal révolutionnaire captieux. Réalisateur : Nikita Mikhalkov. Pays : Russie Genre : Drame, Thriller. Acteurs : Nikita Mikhalkov, Sergey Makovezkij, Mikhail Yefremov, Sergei Garmash. Durée : 2h33 Texte : Aurélien Le Genissel
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Vicky Cristina Barcelona: un guiri de luxe dans la capitale catalane Vicky Cristina Barcelona: un guiri de luxe dans la capitale catalane
Fiche Film
Article de Aurélien Le Genissel
Après sa «trilogie» anglaise (Match Point, Scoop et Le rêve de Cassandre), Woody Allen revient avec une distrayante comédie où il échange le froid et les brumes de ses anciennes réalisations contre le soleil et l’insouciance espagnols. Un sujet qui lui est étranger et qu’il ne réussit à investir que de l’extérieur…
Je n’ai jamais vécu à New York. Ni à Londres. Mais le sentiment qui émane des films de Woody Allen tournés dans ces grandes villes est celui de la découverte juste d’un véritable esprit des lieux. Pas seulement de l’image que les mégalopoles transmettent à l’extérieur, mais d’une ambiance omniprésente qui déteint insensiblement sur le caractère de tous les personnages. Cela fait presque 20 ans que j’habite à Barcelone et il semble évident que cette finesse psychologique est absente de Vicky Cristina Barcelona, le dernier film du réalisateur américain, tourné dans la capitale catalane. Il est vrai que le film annonce la couleur dès la première scène où le spectateur comprend que Vicky (Rebecca Hall) et Cristina (Scarlett Johansson), sont deux touristes venues d’outre-atlantique pour passer l’été en Catalogne. Et, fidèle à son hypothèse de départ, Woody Allen filme la ville comme un vrai guiri (surnom que l’on donne en Espagne aux touristes), de luxe. Ce n’est pas Barcelone de l’intérieur que l’on voit à l’écran, mais une suite très bien agencée de cartes postales commerciales de la ville. Si le gouvernement local avait voulu faire une vidéo promotionnelle, il n’aurait pas fait mieux. Toute l’œuvre de Gaudi (Sagrada Familia, Parc Güell, Casa Batlló…) y passe, suivie du Parc du Tibidabo, de la Fondation Miro ou de la Rambla de Catalunya. Notons au passage que ce ne sont même pas les nouveaux espaces touristiques qui apparaissent (on pense à la nouvelle Torre Agbar ou au Musée d’Art Contemporain, le Macba), mais les références les plus classiques et stéréotypées. On pouvait espérer une belle scène au milieu des chaotiques Ramblas, on n’aura qu’une conversation piquante dans un bar du coin. Il est évident que Allen porte un regard émerveillé sur la ville, lui donnant presque le statut de catalyseur des relations que les personnages tissent entre eux. Il trouve quelques plans magnifiques et érige une ambiance de douceur romantique qui sied parfaitement à son sujet. Reste que cette image, pour un habitant de Barcelone, peut sembler une pâle caricature en carton-pâte. Suinte l’étrange impression que le spectateur se trouve dans le Bus Turistic de la ville, écoutant la voix off du film comme qui écouterait les explications du guide. Parions que la mairie fera bientôt un parcours «Woody Allen»… C’est normal, le film raconte le voyage de deux étrangères pendant l’été, me direz-vous. Et c’est vrai. Sauf que la légèreté dans l’approche de l’espace signifie souvent une superficialité des personnages tant les lieux s’imbriquent dans les psychologies chez Allen (comme le montre bien l’article de Clémence Imbert). Ici, comme ailleurs et comme toujours, pourrait-on dire, on assiste encore aux déboires amoureux de deux couples avec, comme toile de fond, l’éternelle question du mariage, de la loyauté et de l’infidélité. Une thématique très chère au réalisateur de Annie Hall qui devrait, pour surprendre et intéresser, se renouveler. Mais si les intrigues raffinées et machiavéliques de l’aristocratie londonienne pouvaient apporter une vision désaxée et plus ludique de ce thème ressassé à souhait dans ses films antérieurs, Woody Allen peine énormément à trouver la clef en ce qui concerne le fougueux couple Bardem-Cruz. Car, si on pardonne la banalité des «doutes existentiels» des deux touristes américaines sous prétexte de parenthèse estivale, c’est beaucoup plus dur pour les personnages espagnols, censés fournir un réel intérêt aux questionnements amoureux et érotiques déployés par le réalisateur.
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Malgré l’excellente interprétation des deux acteurs espagnols (qui jouissent des rares répliques amusantes du film), le scénario décousu et la légèreté de la mise en scène font que l’on ressort du cinéma aussi ignorant qu’avant sur les ressorts de l’amour (faute grave chez Allen…). Car, en fait, Juan Antonio (Javier Bardem) et Maria Elena (Penelope Cruz) sont dépeints de la même manière que l’est la ville. Comme des clichés surchargés, définissables par deux ou trois traits grossiers. On ne saura par exemple jamais rien des subtilités du couple ibérique, si ce n’est le trivial «on ne peut être ensemble et on ne peut être séparés». Pas plus qu’on ne comprend le vrai rôle de Cristina dans la stabilité du couple, son départ soudain ou les raisons qui poussent Vicky dans les bras de Juan Antonio (si ce n’est une nuit saturée de banalités éroticos-romantiques que Vicky abhorrait quelques heures avant). Une dichotomie simpliste entre la prétendue sensualité irréfléchie et irresponsable du sud, face à la supposée maturité et monotonie du nord. Sans oublier la femme «sensible» (qui pleure en écoutant la guitare), mariée à l’américain matérialiste de base (qui ne parle évidemment que d’ordinateurs et de maisons), la thèse en culture catalane (résumée à Gaudi et sans un mot de catalan tout au long du film), la musique flamenca si peu catalane…autant de caricatures qui transforment une virtuelle palette de sentiments en ratures approximatives esquissées à la va-vite. Les clichés défilent aussi vite que le film s’embourbe. Après les hordes de jeunes fêtards à la recherche de leur chimérique Auberge Espagnole, il ne serait pas étonnant de voir les bars barcelonais se remplir de dragueurs tentant leur chance avec des couples de jeunes femmes à la façon de Bardem avec Vicky et Cristina. Même les prostitués du quartier populaire du Raval deviennent un sujet d’étude lors d’une promenade des deux jeunes touristes. Si le cinéaste new-yorkais excelle à rendre les subtilités de la psychologie d’un intellectuel névrosé et cérébral de Manhattan, il semble perdu face à des personnages plus impulsifs et irréfléchis. Un peu comme si Bergman dirigeait une comédie musicale, Antonioni un vaudeville ou Lynch un film à l’eau de rose. C’est que Woody Allen ne semble malheureusement pas investir l’âme du couple Juan Antonio-Maria Elena, qui seul pourrait donner du relief aux problématiques banales des américaines (me marie ? me marie pas ?). Tout comme il n’investit pas le cœur de Barcelone, présentée comme un cadre irréel où venir se perdre parmi des aliens qui servent assez bien de cobayes. Ce n’est peut-être pas une coïncidence. Rappelons que le film a été largement subventionné par le gouvernement autonomique catalan et asturien, ainsi que par les mairies de Barcelone et Oviedo (fait largement critiqué de l’autre côté des Pyrénées). L’escapade du trio semble par ailleurs un clin d’œil au prix Principe de Asturias décerné par l’Espagne au réalisateur en 2002. Sans oublier que le film est produit en grande partie par Mediapro, une maison de production catalane. Autant de facteurs qui facilitent un douteux mélange entre art et politique avec ce résultat bancal. A l’avantpremière du film, on a pu voir les grandes personnalités culturelles, politiques et sociales du microcosme barcelonais. Parmi elles, il y avait de nombreux artistes et admirateurs du cinéaste new-yorkais mais, plus surprenant, une belle palette d’hommes politiques présents au rendez-vous. Pour ne citer que les plus grosses pointures: l’actuel président de la Generalitat, José Montilla et… l’ancien, Pasqual Maragall; la ministre espagnole de la Défense, Carme Chacón; et les principaux leaders des grands partis en Catalogne, Miquel Iceta (PSC), Daniel Sirera (PP) et Artur Mas (CiU). C’est peut-être pour cela que l’impression qui reste est que le réalisateur a survolé le film, faisant de Barcelone un lieu de passage et glissant sur la profondeur possible des personnages. De Vicky et Cristina car elles ont vécu, au final, un interlude futile et contingent. Mais surtout de Juan Antonio et Maria Elena qui se sont bornés à être une caricature d’euxmêmes. Une image en deux dimensions, résumée et simplifiée, de la complexité du réel. Une carte postale, en somme.
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Burn after Reading Burn after Reading
Un film de Joel Coen, Ethan Coen
Fiche Film
Avec George Clooney, Brad Pitt, Frances McDormand, John Malkovich Article de Aurélien Le Genissel Une comédie légère et amusante, caractérisée par le sceau très personnel des deux réalisateurs américains, et qui marque le retour des frères Coen après l’écrasant succès de "No country for old men".
Comme ils l’avaient déjà fait après The Barber, les cinéastes offrent ici au public un changement de genre radical avec Burn after reading, une parodique histoire d’espionnage dont ils ont écrit le scénario au même moment qu’ils adaptaient à l’écran le livre de Cormac McCarthy. Le résultat peut se résumer, sans trop de pertes, à la rencontre malheureuse entre un agent de la CIA, un mystérieux CD contenant des informations confidentielles et deux employés de gymnase. Le tout dans une ambiance de fond qui mélange des références volontairement évidentes aux films d’espionnages et aux comédies classiques de l’âge d’or de Hollywood. Le rôle principal est tenu dans ce cas par John Malkovich qui joue Osborne Cox, un analyste qui travaille pour la CIA, et qui se retrouve subitement au chômage. Comme un malheur n’arrive jamais seul, dès son retour chez lui, il tombe en dépression et décide de rédiger ses mémoires pour mieux s’en sortir. Mais les relations avec sa femme (Tilda Swinton) sont houleuses, et celle -ci décide de divorcer pour pouvoir vivre librement avec son amant (Georges Clooney). Pour cela, elle enregistre secrètement un CD contenant les comptes de son mari qui va, par hasard, se retrouver entre les mains de deux pauvres employés d’un gymnase de banlieue, Chad (Brad Pitt) et Linda (Frances McDormand). Les choses s’enveniment alors quand ceux-ci décident de faire chanter Cox pour financer la chirurgie esthétique de Linda… Dès lors, le film va devenir une suite de quiproquos et de situations hilarantes où les frères Coen jouent avec toutes les dimensions de l’humour: de la satyre sociale à la farce sexuelle, en passant par l’humour noir le plus fin. Une bonne synthèse de la noirceur de Fargo et de l’insouciance de Intolérable Cruauté. Comme dans tous leurs films, l’ironie et le second degré sont les armes principales qui servent à désorienter le spectateur et à maintenir le suspense tout au long de cette histoire sans queue ni tête. Une visite osée et incompréhensible à l’ambassade de Russie pour vendre les informations du CD, comme aux temps de la guerre froide, ou les explications vaseuses et surréalistes de la chaotique situation au chef de la CIA sont des purs moments de plaisir. Sans oublier cette scène où Clooney présente à son amante sa «chaise balançoire», version originale et sophistiquée d’un banal godemiché, et que les frères Coen s’amusent à filmer comme le prélude d’un drame (une cave sombre, musique angoissante, attente de l’objet…). Le spectateur jouit donc des extravagantes situations dans lesquelles se retrouvent cette belle panoplie de simplets qui traversent tous une crise personnelle, professionnelle, sentimentale ou sexuelle. Joel Coen a trouvé la meilleure manière de définir son OVNI cinématographique en soulignant que l’histoire se résume à la «CIA et au monde des gymnases; et à ce qui se passe quand ces deux mondes se croisent et collisionnent».
Si la bonne fusion entre le personnage et l’acteur était déjà essentielle dans les plus grands films des frères Coen (on pense notamment à The Big Lebowski et à Barton Fink), l’interprétation devient ici le cœur de toute l’œuvre. Ce n’est pas un hasard si les cinéastes assurent «qu’ils ont tout de suite pensé à écrire des rôles pour des acteurs que l’on connaissait et qui pouvaient aller bien ensemble». Le pari est réussi et l’alchimie est palpable, surtout dans les nombreuses scènes humoristiques.
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Les dons comiques de Clooney, que l’on connaissait notamment à travers les deux précédents films qu’il avait faits avec les Coen, ainsi que la froideur et le machiavélisme de Tilda Swinton (toujours excellente dans ce genre de rôles…), servent parfaitement à caractériser les personnages et l’ambiance. Il en va de même avec John Malkovich et Frances McDormand, qui poussent à l’extrême les possibilités dramatiques et satiriques de deux personnages perdus, mais dont les actions vont alimenter l’imbroglio. Toutefois, c’est surtout l’excellente performance de Brad Pitt qui déclenche les plus grands fous rires et les sourires les plus moqueurs. Qui a dit que Pitt n’était pas un grand acteur? Il est vrai que ses meilleures performances se limitaient essentiellement à des rôles sombres et torturés où il est plus difficile d’exceller vraiment. Mais sa prestation talentueuse était en grande partie responsable du surplus qualitatif de films remarquables comme L’armée des 12 singes, Fight Club, Sleepers ou L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Il ne faut pas oublier non plus que Pitt a toujours montré un intéressant recul sur lui -même avec des performances plus risquées, comme dans Snatch, la Trilogie Ocean’s ou l’épisode de Friends où il s’autoparodie. Il suffit de voir les réalisateurs avec lesquels il a tourné (Fincher, Spike Jonze, Soderbergh, Pakula, Gilliam, Redfort, Scoot et bientôt Terrence Malick et Darren Aronofsky), pour comprendre que l’on est devant un acteur qui apporte plus qu’un physique enviable. Risque, donc, que Pitt s’amuse à dénigrer en affirmant que «ce rôle peut détruire une carrière». C’est le contraire qui peut arriver et, comme l’affirme Georges Clooney, «Brad dans le rôle d’un crétin va enchanter le public». Et il est vrai que son interprétation «d’un écervelé qui marche du chewing-gum, boit du Gatorate et reste collé à son i-Pod» (Pitt dixit) est jouissive et pourrait bien être l’amorce de rôles plus osés. Rajoutons à cela Georges Clooney effectuant son jogging (offrant finalement une image où il est dénué de tout charme…), Malkovich son fitness et Pitt dansant de manière ridicule dans une voiture, et l’on obtient un tableau représentatif de l’univers disparate et anarchique du film. A la question de savoir ce que l’on tire de toute cette affaire, que lui pose à la fin du film un agent de la CIA, le chef du service (seul personnage dont le cerveau semble fonctionner correctement), répond désabusé «Peut-être rien». Il a sûrement raison, mais pendant ce temps on s’est bien amusé… Haut de page
http://www.iletaitunefoislecinema.com/critique/2413/burn-after-reading[17/11/2008 00:20:08]
Grève des scénaristes américains, panne des séries en Europe.
généralistes en France et en Espagne : « Les Experts » sur TF1 et Tele 5, « FBI, portés disparus » sur France 2 et Antena 3, « Ugly Betty » sur TF1 et Tele 5, « Lost » sur TF1 et TVE1, « Prison Break » sur M6 et La Sexta… Mais malgré l’importance du mouvement, les grandes chaînes européennes (à l’exception de quelques chaînes anglaises comme BBC) ne devraient pas trop souffrir de cet arrêt. La raison ? Les épisodes qui sont diffusés actuellement en Europe correspondent à des saisons déjà enregistrées et sorties aux Etats-Unis. Ce décalage, qui a permis une réduction des conséquences dans le vieux continent, renvoie le problème au début de l’année 2009 pour des chaînes comme TF1, M6, Canal + (France et Espagne) ou Tele 5. Mais d’ici là, la fin des saisons, avec de nouveaux épisodes, devrait être enregistrée et donc le problème pourrait disparaître.
Le prix à payer pour les producteurs européens ?
La dépendance des chaînes télévisées européennes vis-à-vis des productions de séries américaines a été dévoilée au grand jour et risque de remodeler la relation entre les systèmes audiovisuels américains et européens. Après plus de trois mois de grève, les scénaristes américains et les chaînes de télévision ont trouvé un accord qui doit permettre de reprendre l’enregistrement de plusieurs épisodes des séries phares provenant d’outre-atlantique. L’ampleur de la protestation commençait même à inquiéter les fans les plus compréhensifs et menaçait de devenir un véritable casse-tête pour les spectateurs qui n’arrivaient plus à suivre les aventures de leurs héros. Il n’est déjà pas habituel qu’une grève dure si longtemps et qu’elle soit suivie avec un tel engouement aux Etats-Unis (la dernière remontait à 1988 et posa le problème des droits d’un nouveau
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Texte : Aurélien Le Genissel
support, la VHS) mais, de plus, les dégâts commençaient à être considérables : on estime à près de 2 milliards de dollars les pertes que le mouvement a provoqué, sans compter « l’annulation » (en fait, une fausse cérémonie sans la présence des acteurs) des Golden Globes et le danger que couraient les Oscars cette année. Tout semble arrangé avec l’accord auquel sont parvenus le 12 février les producteurs et les scénaristes. Celui-ci prévoit une hausse des revenus de ces derniers de 3% par an mais surtout une augmentation des droits d’auteur dérivés des contenus Internet et des nouveaux médias numériques, point central dans le
Il faudrait abandonner le délai actuel, c'est-à-dire que les émissions s’émettraient avec moins de retard part rapport aux Etats-Unis que maintenant. Mais c’est justement cette temporisation qui est au cœur de bons nombres de questions qui préoccupent les spectateurs aussi bien que les producteurs. En effet, une des raisons du malaise des scénaristes étaient qu’ils avaient noté l’importance des nouvelles
technologies dans la diffusion des séries actuelles. Que ce soit à travers Internet (en piratant ou en téléchargeant légalement), en DVD ou grâce aux chaînes du câble, une grande partie des nouveaux accros à ces feuilletons n’attendent pas le passage classique sur les chaînes de télévision pour se lancer à voir les nouvelles créations américaines. Une des raisons majeures est sans doute le temps que mettent les séries à arriver dans nos pays et la possibilité qu’ils ont de se procurer ces épisodes de manière quasi instantanée grâce aux nouveaux medias. Cela pourrait expliquer la surprenante importance médiatique qu’a eu la grève en Europe car concrètement, pour un spectateur « classique », rien n’a été bouleversé ces derniers mois et la grève n’a eu aucune retombée visible. C’est qu’en fait les nouveaux fans, les courants d’opinion, les résultats d’une série se mesurent maintenant en grande partie par les réactions qui inondent la toile. Ainsi, une série comme Gossip Girl, qui n’a pas encore été diffusée sur des chaînes généralistes européennes et qui a eu des taux d’audiences discrets aux Etats-Unis, a été renouvelée pour la saison prochaine grâce à l’appui qu’elle a reçu sur Internet.
Influence des nouvelles technologies de diffusion. Les télévisions européennes ont aussi compris ce bouleversement des spectateurs et elles sentent peut-être que
le mode de diffusion suivi ces dernières années, semble intenable à moyen terme. C’est le sens d’une initiative comme TF1 vision, une page web de TF1, qui propose un service de diffusion en VOD (Video sur Demande) et qui a décidé d’émettre la saison 4 de Lost et la saison 2 de Heroes de manière quasi simultanée avec les Etats-Unis. Les épisodes sont ainsi disponibles 24 heures après leur première outre-atlantique en téléchargement ou en streaming (visionnage seulement) et en version originale sous-titrée. Une autre solution envisagée est une sortie en parallèle mais dans des chaînes spécialisées du câble ou de la TNT. Ainsi, des séries comme Californication, How I meet your mother ou Men in Trees, qui rencontrent un vif succès aux Etats-Unis, sont déjà sur des chaînes de Digital Plus, comme Fox ou AXN. Même idée chez M6, en France, qui programme ses nouvelles séries (Kyle XY ou Damage) sur les chaînes TNT du groupe. Cela permet de passer les nouvelles créations américaines plus rapidement tout en analysant la réaction du public et la possibilité de l’ « exporter » à un public plus large. Quoi qu’il en soit, il se peut que la grève ait mis à jour la vraie relation entre les systèmes audiovisuels américains et européens et, si des conclusions intelligentes sont tirées, il se peut qu’un problème se transforme en une chance de mieux s’adapter aux technologies de l’avenir. Espérons-le en tous cas.
déclenchement (et la solution) du conflit. Mais en plus des retards, des pertes économiques et de l’image chaotique donnée aux millions de spectateurs, la grève a mis à jour un phénomène nouveau et unique en ce qui concerne le monde audiovisuel : la dépendance de plus en plus importante des pays européens vis-à-vis des productions américaines. On connaissait l’hégémonie économique quasi absolue du cinéma US sur le marché, mais il semble évident que cette domination s’étend maintenant aux espaces de fictions télévisuelles. Il suffit pour cela de jeter un coup d’œil à la programmation standard des chaînes
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Un millier d'années de bonnes prières (A Thousand Years of Good Prayers) Un millier d'années de bonnes prières (A Thousand Years of Good Prayers)
Fiche Film
Un film de Wayne Wang Avec Henry O, Pavel Lychnikoff, Wes Deitrick Article de Aurélien Le Genissel Le voyage du foulard rouge...
Le communisme n’est pas mort. Il lui reste encore au moins une génération à vivre. Non pas celle des militants des temps passés mais celle des rêves que cette idéologie a installés chez beaucoup de gens. Lire la fiche Chez ces personnes qui ont sacrifié leur vie pour une idée, une illusion, une utopie ou, plus simplement, chez ceux qui croient encore à l’espoir et au progrès : ceux que nous appelons en somme les modernes. Tous ceux qui ne vivent pas encore dans le présent éternel de la postmodernité, dans le scepticisme du désenchantement actuel, dans la fin de l’histoire, dans le crépuscule infini des grands récits. Mais il semble qu’il y ait chaque jour moins de candidats à cette aventure de l’illusion, et nombreux sont ceux qui penchent pour une éthique et une politique minimales, pour une «pensée faible », comme la définit le philosophe Gianni Vattimo. Lâcheté intellectuelle ou sage retenue ? Il n’est pas simple de répondre à cette alternative, dès lors qu'on se souvient des monstres nés du rêve de la modernité, et pour peu qu'on prenne le soin d'observer les instables chemins qui se dessinent, au début de ce nouveau millénaire. C’est de cette aporie que traite Un millier d’années de bonnes prières, le dernier opus de Wayne Wang, réalisateur de Smoke, primé Concha de Oro au dernier festival de San Sebastian. Le directeur hongkongais, fruit atypique et occidentalisé de la prolifique nouvelle vague de réalisateurs venus de ce pays, offre un parfait exemple d’«œuvre ouverte », pour reprendre l’expression d'Umberto Eco, en mettant à jour l’ambiguïté dans laquelle se développe le monde contemporain, entre un passé néfaste mais apprécié, et un avenir sombre et désabusé. L’histoire est aussi simple et transparente que sont complexes et inaccessibles les personnages. Le film raconte la rencontre entre un père (Mr. Shi) et sa fille (Yilan), lorsqu'après avoir vécu 12 ans aux Etats-Unis, la jeune fille reçoit la visite du vieil homme, qui a décidé de visiter le pays pendant sa retraite. Loin d’être une œuvre idéologique ou politique, l’art de Wang tient dans l’incertitude qu’il alimente quant aux croyances et aux pensées des deux personnages. Le nœud du film reste évidement l’égarement que vit Yilan entre le poids de la tradition, symbolisé par son père, et les insatisfactions provoquées par le mode de vie occidental. La figure ironique de cette gêne existentielle est un petit foulard rouge, symbole des années glorieuses du communisme chinois, que le père a noué à sa valise pour la reconnaître. Le bout de tissu est porteur du même dilemme que l’ancien camarade : comment s’adapter au nouveau monde sans renoncer aux valeurs erronées qui définissent une personne ou un objet ? Le destin de l’emblématique foulard sera d’être noué autour des rideaux du salon, afin de les maintenir ouverts. En ce qui concerne le père, la réponse est loin d’être aussi naturelle, et Wang ne semble pas défendre inconditionnellement une conversion au capitalisme occidental. Grâce à l’impérissable (et quelque peu érodée, il faut bien le dire) figure de l’étranger qui découvre les incongruités et les paradoxes de cette insolite société, le cinéaste né à Hong Kong trace une légère critique de son pays d’accueil et, plus généralement, du mode de vie actuel. Comme la mère du personnage de Good Bye Lenin !, mais avec moins de dramatisme, M.Shi découvre un univers où les personnes laissent des messages à des boîtes électroniques, où les jeunes filles s’exhibent presque nues au bord des piscines, où les gens ne prennent pas le temps de petit-déjeuner et où les femmes peuvent tromper leurs maris. Loin de se croire arrivé en terre promise donc, M. Shi comprend que la réalité des pays occidentaux a rendu sa fille malheureuse. Mais, loin de faiblir face à des situations pour le moins incongrues, il les affronte plutôt de manière ouverte et curieuse. Une confrontation de générations, de cultures et, surtout, d’idéologies, qui éloigne le père et la fille sans que la caméra ne penche jamais d’un côté ni de l’autre, cette dernière faisant le portrait de personnages distants et presque désincarnés. Il apparaît alors que cette incompréhension mutuelle est moins provoquée par le prosélytisme ou le dogmatisme de l’un des deux représentants, plutôt inexistant, mais par le passage ordinaire et inexorable du temps, une nécessité vitale qui
fait avancer le monde, une confrontation créatrice entre les fantômes du passé et l’insouciance de l’avenir. La nouveauté et l’intérêt de la rencontre réside en outre dans la relation distancée et critique que les deux personnages entretiennent avec leur mode de vie respectif. A l'image de ses paroles criées lors d'une dispute avec sa fille, la vie de Mr. Shi « a été un mensonge ». Mais, ici, le vieil homme l'a déjà réalisé, et il préfère vivre dans l’imposture, qui représente à ses yeux le sens même de sa vie. Ce n’est pas si facile de sortir de l’illusion, surtout lorsqu'elle est notre substance. Mensonge également au sein de la société actuelle, comme en témoignent le portrait d'une jeune femme qui ne veut pas accepter sa douleur, malgré toutes les libertés que lui offre la démocratie, ainsi que celui d'une vieille grand-mère, la seule amie de Mr. Shi, qu’elle a connu sur le banc d’un parc, et qui conclut sa vie dans une maison de retraite, malgré les promesses faites par son fils. Une œuvre pleine de tendresse, de mélancolie et d'humour, construite avec sobriété et dépouillement, où les dialogues sont rares et les mouvements de caméra lents (une synthèse habile du style asiatique, en particulier des techniques de Ozu et Mizoguchi), et qui aborde avec justesse la difficulté de trouver le bonheur, quels que soient le temps et l’endroit où l’on peut vivre.
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La princesse du Nebraska (The Princess of Nebraska) La princesse du Nebraska (The Princess of Nebraska)
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Un film de Wayne Wang Avec Li Ling, Pamelyn Chee, Patrice Binaisa Article de Aurélien Le Genissel Deuxième volet ou offre complémentaire de "Un millier d’années de bonnes prières", "La princesse du Nebraska" est une nouvelle exploration cinématographique des mêmes thématiques (ou presque) développées par son prédécesseur.
Les sujets classiques du cinéma de Wayne Wang, comme le statut de l’immigré ou la place de la filiation dans la construction personnelle, sont réinvestis, dans ce cas, d’un nouveau point de vue, sans pour autant réussir à aller « au fond de l'inconnu pour y trouver du nouveau », comme disait si justement Baudelaire. Lire la fiche Le film narre les déambulations, les doutes et les peurs d’une jeune sino-américaine (on ne saura jamais vraiment sa nationalité), qui se retrouve accidentellement enceinte d’un homme qu’elle a connu à Pékin et qu’elle ne revoit plus. Ayant décidé d’avorter, elle voyage à San Francisco depuis le Nebraska, où elle habite, pour se rendre dans une clinique spécialisée. Le cinéaste nous montre alors la vie quotidienne de Sasha (Ling Li), au cours des 24 heures antérieures à cette visite, où elle rencontre une jeune prostituée d’origine mongole et quelques amis qu’elle a en ville. L’intérêt essentiel du film, au-delà des hésitations et scrupules propres à cette délicate situation, réside dans la confrontation narrative et formelle à son autre « moitié » ; une sorte de va-et-vient dialectique propre à tout « couple », comme Wang aime à présenter ses deux oeuvres. Car tout oppose les deux long-métrages qui composent ce diptyque : l’un se présente comme une réflexion reposée, sereine et retenue sur les racines et la mémoire, tandis que l’autre met en scène l’impossibilité de l’avenir et des rêves. Ce n’est pas un hasard si le projet de La princesse du Nebraska naît à la fin du tournage de Un millier d’années de bonnes prières, et de la volonté de faire un nouveau film avec un budget nettement inférieur, comme un contrepoint plus libre et anarchique à la composition disciplinée du premier. Pour ce face-à-face, un procédé déjà utilisé par le cinéaste dans des films antérieurs (comme Eat a bowl of tea vs Life is Cheap, ou Smoke vs Brooklyn Boogie), le scénario est tiré d’une histoire courte de Yiyun Li, qui explique la responsabilité qui naît face à un avortement. Mais Wang a quelque peu modifié l’intrigue et a insisté sur le rôle de Sasha, une jeune fille désinhibée, autonome et spontanée, comme exemple paradigmatique d’une nouvelle génération de chinois qui découvrent le monde occidental. L’âge est aussi une différence fondamentale entre les deux femmes qui occupent le rôle principal dans les deux films. Yilan, pour le premier, vit de manière problématique la répression familiale et l’histoire culturelle, représentées par la présence du père tandis que Sasha n’a aucune charge. On pourrait même dire qu’elle n’a pas d’histoire, pas d’attaches, pas vraiment d’idéaux. Si Un millier d’années de bonnes prières posait clairement l’aporie postmoderne du choix entre un dangereux rêve de progrès et un préventif repli vers une « pensée faible », La princesse du Nebraska porte cette réflexion à un autre niveau, réorientant la question de la transmission vers l’avant, et non plus vers l’arrière. On pourrait accepter sans difficultés que Sasha puisse être la fille de Yilan, le produit d’une pensée qui a complètement assimilé « le scepticisme du désenchantement actuel, la fin de l’histoire et le crépuscule infini des grands récits » (voir la critique de Un millier d’années de bonnes prières). Mais si, dans un cas, le poids de la croyance et du mythe engorge l’avenir, dans l’autre, c’est paradoxalement l’absence de toute assise et de tout souvenir qui nie le devenir. Le personnage sympathique, mais qui semble légèrement décalé, de Mr. Shi (le père de Yilan dans Un millier d’années de bonnes prières) prend alors une nouvelle dimension avec cette maternité incertaine de Sasha, qui sonne comme un dernier avertissement d’un monde ancien qui refuse de s’éteindre. Ce n’est pas un hasard si les deux films commencent dans un aéroport, avec l’arrivée d’un personnage. Mais si Un millier d’années de bonnes prières abordait le trop-plein, l’excès, la gêne presque physique de la présence d’autrui (dans ce cas le père), La princesse du Nebraska parle du vide, de l’absence, ou plutôt de la matérialité fantomatique et imaginaire de ce qui n’est pas encore là (mais se fait sentir quand même). Arrivée du père avec tout ce que le silence peut transmettre d’incompréhension, de lourdeur et de pesanteur d’un passé qui plombe les personnages, et arrivée d’une jeune femme enceinte qui se retrouve toute seule avec l’ombre de son fils/fille auquel elle ne peut donner d’ascendance, ne sachant pas d’où elle vient, ni où elle se trouve. Le collationnement s’accentue avec une mise en scène et un pari formel que tout oppose. Quelques plans bien cadrés, sages, statiques et réflexifs pour le premier tome, et des plans serrés, anguleux, frénétiques et expérimentaux (avec l’usage du téléphone portable, par exemple) pour le second. Nous ne sommes pas dans la maîtrise d’un Wong Kar Wai
ou d’un Tsiai Ming Liang (loin s’en faut), car les variations évoluent dans le champ du raisonnable et du prévisible, mais cela reste une esthétique légèrement subversive qui colle bien aux préoccupations contemporaines de la jeune fille. Le sujet reste malheureusement traité avec un certain classicisme, et le spectateur a du mal à s’identifier vraiment avec un personnage qui semble davantage voguer aux grés de ses fantasmes que préoccupé par l’expérience qu’elle endure. L’épisode « décisif » (et ouvert, comme tout bon film actuel qui se respecte), de la radiographie du fœtus, avec tout ce que cela entraîne de sentimentalité et de prise de conscience, rappelle à regret cet épisode de Friends où Rachel (Jennifer Aniston) souffre de ne pas reconnaître son bébé dans la « photo » médicale. Œuvre plus risquée mais inégale, justement à cause de ce risque, La princesse du Nebraska risque de provoquer des réactions plus épidermiques et tranchées que sa plus accessible compagne. L’ordre contre le désordre, la mesure minimaliste contre l’anarchie expressive, la rigidité psychologique contre l’instabilité émotionnelle : autant d’oppositions narratives et cinématographiques qui rendent intéressant ce diptyque, sans en faire une œuvre indispensable.
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CHACUN SON CINEMA
« Cinéphiles-cinéfils » Chacun son cinéma, 118 min, de Théo Angelopuolos, Wim Wenders, David Cronenberg… Il semble difficile d’imaginer un meilleur hommage au Festival de Cannes et à ce que cela représente pour le septième art. Exercice nombriliste, inutile, autosuffisant, élégiaque, nostalgique, hautain et excessif, Chacun son cinéma résume parfaitement à lui seul l’esprit du festival le plus médiatique d’Europe. Un collage hétérodoxe et souvent désunis de petits (très) courts-métrages (de trois minutes) réalisés par 35 cinéastes parmi les plus importants du moment pour célébrer le soixantième anniversaire de l’événement. Et comme dans le vrai festival on trouve de tout et, surtout, quelques perles qu’il ne faut pas rater. Le thème abordé devait se référer, d’une manière ou d’une autre, à la salle de cinéma comme espace cinéphilique. Dans un contexte réunissant les gens du cinéma pour célébrer leur propre art, on ne sera pas étonné de voir apparaître les dérives dont on accable souvent la profession et qui prennent de l’ampleur dans un festival comme celui de la Côte d’Azur. Nostalgie d’un temps meilleur, mort de ce si jeune art, autoglorification, paillettes et exercices de style…Tout semble réuni pour se retrouver face à un objet affecté et creux, où les créateurs ne feraient que se soumettre à la dictature mondaine des anniversaires et à la commission de Gilles Jacob (Président du Festival de Cannes depuis 2001), promoteur de l’initiative. Et pourtant…le génie permet de changer la donne. C’est sûrement l’amour que ces gens là ont pour cet art qui rend leur travail attachant et, dans de nombreux cas, très intéressant. Comme pour le festival de Cannes lui-même, on hésite à tourner les yeux, on est absorbé par les stars sur la Croisette, par l’élégance et le symbolisme qu’il y a dans cette sorte de névrose collective. Il en va de même dans Chacun son cinéma : on jubile en retrouvant des vieilles séquences, on rie et on pleure en revoyant des gloires absentes du grand écran (on pense au clin d’oeil de Théo Angelopoulos dédié à Marcello Mastroianni), on sourit en imaginant ce qu’on a fait dans l’obscurité des salles, on admire la vénération, le respect et l’abnégation presque religieuse que peut provoquer le cinéma. Si, en plus de tout cela, on ajoute une touche d’humour (le si beau fantasme de Lars Von Trier ou l’ironie de Takeshi Kitano) et une dimension ludique, le pari semble gagné. Il faut néanmoins se rappeler que nous ne sommes pas devant un film : l’agencement des épisodes, l’hétérogénéité des thématiques, une certaine idée du rythme, sont autant de défauts consubstantiels et nécessaires à cet exercice de style (c'est-à-dire le film à épisodes, un « genre » qui revient en force ces dernières années) qui ne « prend » que si le spectateur est captivé par le sujet principal. En ce sens, et pour reprendre l’expression de Antoine Baecque dans son fameux article « Retour de cinéphilie » (Cahiers du cinéma, num. 460, elle-même reprise de Serge Daney), voilà un film pour cinéphile mais aussi de (et pour) cinéfils, ces descendants qui n’ont pas connus les premiers temps de « la cinéphilie, qui est aussi une génération, » mais qui la vénère et ont décidé de préserver sa mémoire et de reprendre son flambeau. Une chance que le Micec ait inclus ce film polyphonique dans sa programmation, même avec un an de retard sur sa sortie cannoise (de l’année dernière), car cela peut permettre d’élargir les adeptes de cette confrérie cinématographique. texte : Aurélien Le Genissel
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