Mémoire TFE 2018 - Vallée de l'Ondaine - Léna Faury

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REPENSER LE TERRITOIRE DE L’INDUSTRIE EN VALLÉE DE L’ONDAINE Firminy, Unieux et Fraisses (42) : la ville habitée et ses friches industrielles, entre patrimoine et environnement.

Léna Faury Mémoire de fin d’études // 2017-2018


Photographies en première de couverture l’Unité d’Habitation Le Corbusier, surplombant la vallée // sous la mer de nuages, la friche Äkers NB : Sauf mention contraire, indiquée par une source, les photographies, cartographies et autres pièces graphiques présentes dans ce mémoire sont personnelles.


COMPOSITION DU JURY PRÉSIDENT DE JURY

Christophe Degruelle Président de la communauté d’agglomération de Blois, enseignant en politiques territoriales et géopolitique du paysage à l’ENP.

DIRECTRICE D’ÉTUDE

Raphaëlle Chéré Ingénieure paysagiste, enseignante à l’ENP en construction & maîtrise d’œuvre.

PROFESSEUR ENCADRANT

Olivier Gaudin Docteur en philosophie des sciences sociales, enseignant à l’ENP en histoire de la formation du paysage.

Trois personnalités extérieures composent également ce jury : - une personne représentant la maîtrise d’ouvrage - une personne reconnue pour ses compétences professionnelles - un ancien élève, diplômé de l’école


La

loir e

Roche-la-molière

Unieux

Site de projet

Fraisses Firminy

Haute-loire


Saint-étienne

La ricamarie Le chambonfeugerolles

Vallée de l’Ondaine

Monts du pilat

0

1km

N

SITE - SITUATION Source : géoportail


Site-situation

Introduction

I

2

7

Localisation - choix du sujet et du site

8

Entrée dans la vallée

10

Premiers échanges - la vallée perçue par ses habitants

16

Premières intuitions - une vallée entre héritage et devenir

18

Démarche & outils de questionnement - glossaire

20

La vallée de l’Ondaine, recherche d’un équilibre pour ce territoire de l’industrie en mutation

1 - Rétrospective historique - Le paysage palimpseste de l’Ondaine, une érosion progressive du lien entre la société et le territoire naturel

25 26

1.1 - Le temps de la ruralité et de la proto-industrie

28

1.2 - Révolutions

32

1.3 - Modernisme

42

1.4 - Le temps des fermetures

48

2 - La vallée aujourd’hui - Les villes face aux enjeux de décroissance, le dialoque effacé au territoire vécu collectivement

54

2.1 - La décroissance urbaine en vallée de l’Ondaine au regard de la métropole stéphanoise

54

2.2 - Lourds héritages d’un paysage industriel

58

2.3 - Partition spatiale et rythmes urbains

62

3 - De nouveaux rapports attendus dans le contexte métropolitain - La vallée périphérique de l’Ondaine, une pièce du puzzle des grandes orientations

64

3.1 - Nouveaux dialogues territoriaux

64

3.2 - Des patrimoines à (re)découvrir ou à (re)inventer ?

66

3.3 - Les enjeux environnementaux, levier territorial

72

Synthèse partielle 1 : Les enjeux à l’échelle de la vallée

76


Sommaire II

INTERLUDE - Promenade dans la friche Äkers

78

Firminy, Unieux, Fraisses - Rencontre industrielle de trois

communes de la vallée

1 - Portraits des communes - Un cœur de vallée, des confluences

81 82

1.1 - Trois villes

82

1.2 - Croisements de flux contraires

86

1.3 - Coexistence d’époques

88

2 - Une constellation d’enjeux - Depuis le fond de la vallée jusqu’au quartier de Firminy-Vert

92

2.1 - La rivière Ondaine, fil d’eau urbain oublié

92

2.2 - Le tissu industriel en reconversion

96

2.3 - Firminy-Vert : un patrimoine lourd à porter ?

102

3 - Des rapports singuliers à l’espace urbain - Une mémoire locale fragile

106

3.1 - Paysages quotidiens

106

3.2 - Symboles d’un patrimoine industriel

108

3.3 - Recherche d’une nouvelle urbanité

112

Synthèse partielle 2 : Les enjeux locaux

116


Site-situation

Introduction

I

2

7

Localisation - choix du sujet et du site

8

Entrée dans la vallée

10

Premiers échanges - la vallée perçue par ses habitants

16

Premières intuitions - une vallée entre héritage et devenir

18

Démarche & outils de questionnement - glossaire

20

La vallée de l’Ondaine, recherche d’un équilibre pour ce territoire de l’industrie en mutation

1 - Rétrospective historique - Le paysage palimpseste de l’Ondaine, une érosion progressive du lien entre la société et le territoire naturel

25 26

1.1 - Le temps de la ruralité et de la proto-industrie

28

1.2 - Révolutions

32

1.3 - Modernisme

42

1.4 - Le temps des fermetures

48

2 - La vallée aujourd’hui - Les villes face aux enjeux de décroissance, le dialoque effacé au territoire vécu collectivement

54

2.1 - La décroissance urbaine en vallée de l’Ondaine au regard de la métropole stéphanoise

54

2.2 - Lourds héritages d’un paysage industriel

58

2.3 - Partition spatiale et rythmes urbains

62

3 - De nouveaux rapports attendus dans le contexte métropolitain - La vallée périphérique de l’Ondaine, une pièce du puzzle des grandes orientations

64

3.1 - Nouveaux dialogues territoriaux

64

3.2 - Des patrimoines à (re)découvrir ou à (re)inventer ?

66

3.3 - Les enjeux environnementaux, levier territorial

72

Synthèse partielle 1 : Les enjeux à l’échelle de la vallée

76


INTERLUDE - Promenade dans la friche Äkers

II

78

Firminy, Unieux, Fraisses - Rencontre industrielle de trois communes de la vallée

1 - Portraits des communes - Un cœur de vallée, des confluences

81

III

Vers un projet local archipélagique, de la rivière industrielle aux hauteurs de Firminy-Vert

1 - Orchestrer la rencontre entre ville industrielle et ville habitée

119 120

82

1.1 - Constat : rappel des problématiques

120

1.1 - Trois villes

82

1.2 - Attentes des communes

122

1.2 - Croisements de flux contraires

86

1.3 - Rôle du paysagiste

124

1.3 - Coexistence d’époques

88

126

du territoire

2 - Une constellation d’enjeux - Depuis le fond de la vallée jusqu’au quartier de Firminy-Vert

2 - Pour des rythmes urbains lents - Le dessin des réseaux doux comme outil fédérateur

92

2.1 - Ralentir

126

2.1 - La rivière Ondaine, fil d’eau urbain oublié

92

2.2 - Une trame, des réseaux à travailler dans la transversalité

127

2.2 - Le tissu industriel en reconversion

96

3 - De nouvelles îles aux usages hybrides - Vers un paysage ordinaire hybride, pour la

2.3 - Firminy-Vert : un patrimoine lourd à porter ?

102

qualité du quotidien

3 - Des rapports singuliers à l’espace urbain - Une mémoire locale fragile

130

106

3.1 - Durabilité : des soutenabilités

130

3.1 - Paysages quotidiens

106

3.2 - La mémoire dans la ville

131

3.2 - Symboles d’un patrimoine industriel

108

3.3 - Lieux de projet

132

3.3 - Recherche d’une nouvelle urbanité

112

Synthèse partielle 2 : Les enjeux locaux

116

4 - Orientations générales pour Firminy et ses environs - Inscription du projet dans le temps et sur le territoire

138

4.1 - Temps du projet : priorités et usages temporaires

138

4.2 - Accroches territoriales

140

Conclusion, héritage et devenir Bibliographie Glossaire Annexes Remerciements

143 144 148 151 154



INTRODUCTION

Avis au lecteur Originaire de la région stéphanoise, j’ai souvent traversé la vallée de l’Ondaine. Elle fut longtemps le lien entre deux lieux de vie, entre Saint-Etienne et un village de Haute-Loire. Cette vallée fut aussi une étape : à Firminy, chez ma grand-mère, dans sa petite maison penchée. C’est pour moi un lieu de passage, le chemin que j’emprunte lorsque je retourne en Haute-Loire. Prendre le temps de m’y arrêter cette année est une opportunité, au-delà des questionnements liés à ce travail, de connaître une histoire que j’étais loin d’imaginer juste à côté de chez moi.

Ce travail de fin d’étude constitue la redécouverte de cette vallée à travers le regard de paysagiste que je pose aujourd’hui sur ce territoire, avec un curieux mélange d’attachement personnel lointain et de culture forgée pendant mes années d’étude. De ce croisement d’approches est née une volonté d’agir, d’esquisser, de concevoir, de semer des idées pour imaginer le devenir cette vallée.

Depuis l’Unité d’Habitation vers Fraisses et Unieux 7


LOCALISATION - choix du sujet et du site En avril 2017, j’ai découvert la Moselle et ses anciennes vallées sidérurgiques au détour d’un stage1. Devant ces géants d’acier, les hauts fourneaux éteints de Florange, est né un profond intérêt pour ces territoires presque à l’arrêt, ces lieux de production hors d’échelle. L’esthétique des machines industrielles a tendance à disparaître, elles se cachent bien souvent aujourd’hui derrière des murs de tôles, des hangars identiques, systématiques, fonctionnalistes.

8

1 - Stage en laboratoire de recherche au LOTERR (Laboratoire d’Observation des Territoires) à Nancy sous la tutelle du doctorant Michaël Picon (Simon Edelblutte, directeur de thèse). Je profite de cette première note pour préciser les codes de ce mémoire : pour une meilleure lecture, les notes de bas de page ne précisent que l’auteur et le titre de l’ouvrage mentionné, les références complètes de l’ouvrage se situent en bibliographie.

Lo ir

e

Saint-Victor-sur-Loire (enclave de Saint-Etienne)

La

Je me suis questionnée sur une réalité que connaissent de nombreux territoires français : la désindustrialisation, c’est-à-dire le déclin progressif des activités, la réduction de la ville et de ses dynamiques mais aussi les changements qu’elle induit sur la société et sur le paysage. Je suis partie de l’endroit où cette problématique est criante d’actualité, de Florange dans la vallée de la Fensch, et j’ai décidé de remonter le temps. Je me suis rendue dans un autre berceau industriel français, la région stéphanoise où le processus de désindustrialisation est déjà engagé depuis plusieurs décennies. Et je suis arrivée dans la vallée de l’Ondaine avec des questions : comment les villes continuent-elles de vivre après le temps des grandes fermetures ? Reste-t-il des problématiques, héritées de l’Âge d’Or industriel, qui freineraient leur évolution ? Quels seraient alors les leviers locaux pour intervenir sur cette vallée ligérienne ?

Unieux

Fraisses Firminy

HAUTE-LOIRE


*

Vallée de la Fensch Moselle (57)

Saint-Etienne Métropole EPCI de 53 communes Département Loire (42)

Région Auvergne-Rhône-Alpes Vallée de l’Ondaine 5 communes

Roche-la-Molière Saint-Etienne

La Ricamarie L’Ondaine

Au Sud du département de la Loire, la vallée de l’Ondaine porte le nom de sa rivière, un affluent du fleuve éponyme du département, la Loire. Cinq communes suivent ce fil d’eau d’Est en Ouest : la Ricamarie, le Chambon-Feugerolles, Firminy, Fraisses et Unieux. Firminy, ville centre de la vallée, est la quatrième ville du département avec 16 839 habitants en ce début 2018 (Insee).

Le ChambonFeugerolles Parc Naturel Régional du PIlat

0

1

2 km

La vallée : 1/75 000e

N

50 050 habitants

48, 12 km²

LA VALLÉE

EN QUELQUES CHIFFRES Source : INSEE 2014

Altitude + : 1020 m Altitude - : 430 m

9


Entrée dans la vallée

53 m 35 m

J’ai arpenté la vallée de l’Ondaine une semaine par mois depuis juillet. J’ai pu apprécier le changement des saisons jusqu’à l’installation de l’hiver qui peut se faire rude. J’ai découvert une vallée qui oscille entre héritage et devenir, entre des vestiges industriels et la volonté de se tourner vers un futur aux ambitions nouvelles et durables.

2

3 1

DES VILLES RESSERRÉES DANS LE FOND DE VALLÉE

HORIZONS

Le relief usé et lissé du Massif Central confère à ces villes un paysage vallonné aux allures de gorges lorsque l’on se rapproche de la Loire, contrairement à la topographie plus plane de Saint Etienne, grande ville limitrophe sur laquelle s’ouvre la vallée. On peut embrasser d’un regard le territoire depuis les hauteurs rurales qui ceinturent les villes de l’Ondaine. Celles-ci possèdent un trait commun : elles sont particulièrement denses dans les fonds de vallée et de vallons. Ces localisations similaires ont pour effet un effacement des limites communales au profit d’un étalement, d’une colonisation d’un espace par une tache urbaine.

En tous points de la ville, la nature apparaît comme horizon : les rues se muent en perspectives fortes et dévoilent les pentes aux boisements vallonnés en arrière-plan. Des amers paysagers s’invitent dans les villes : l’Unité d’Habitation Le Corbusier à Firminy (1), la sombre tour de trempe à Unieux (2), la cheminée Holtzer à Fraisses (3), les chevalements miniers au Chambon et à la Ricamarie. Ces vestiges architecturaux intriguent le visiteur de passage ; pour l’habitant de longue date, ce sont les emblèmes de la vallée.

Monts du Pilat 1 2 3

10

51 m


Vers la Haute-Loire, boulevard Fayol à Firminy

Fenêtre dans la friche

Gorges de la Loire

Depuis le Dorier à Unieux

11


PAUSES URBAINES Dans les villes de la vallée, il n’est pas rare de croiser des endroits à l’abandon, des vitrines vides ou des chemins enfrichés. L’arrêt d’une activité ou d’un usage touche aussi bien des commerces que des quartiers d’habitations, parfois un site : une grande friche industrielle. Cette dévitalisation visible en de nombreux endroits des villes de l’Ondaine participe à la création d’une image négative de la vallée bien que la situation ne soit pas aussi alarmante que dans d’autres villes devenues presque fantômes après la chute d’une activité structurante où des changements sociaux (comme Detroit aux Etats-Unis). Les fermetures dans la vallée de l’Ondaine témoignent certes d’un mal économique mais sont éloquentes sur d’autres données : les changements de pratiques de la ville (le fait de privilégier les zones commerciales aux commerces de proximité par exemple), l’histoire urbaine structurante (les industries obsolescentes et leurs vestiges), mais aussi les difficultés financières ou politiques pour intervenir sur ces délaissés (des pauses qui s’allongent aux regards des budgets communaux). Une poésie du vide s’écrit dans la vallée. Les friches, les réseaux délaissés sont autant de lieux aux ambiances très singulières. On s’y aventure pour se promener, on les occupe, on les regarde avec nostagie ou incompréhension. Ces ‘‘pauses urbaines’’ sont autant d’espaces maintenus dans une parenthèse entre deux temps, entre deux usages. Elles sont imprégnées d’histoires singulières à (re)connaître, autant de lieux à imaginer pour de nouvelles fonctions en s’inspirant des usages informels d’aujourd’hui.

La friche Äkers à Fraisses-Unieux, lieu privé mais ouvert, se fait le réceptacle des loisirs interdits dans un cadre historique rare : l’ambiance post-industrielle côtoie des graffitis, devient un terrain de jeu illégal de paintball, on s’y promène, l’adopte le temps d’un squat. Le lieu dégradé est malgré tout dangereux (chutes accidentelles). 12


Inventaire photographique des fermetures dans la ville de Firminy Septembre 2017 Rue du marché Rue Jean Jaurès Boulevard Fayol Firminy-Vert (128 logements de La Corniche à l’abondon depuis plus de 12 ans. Des travaux de réhabilitation sont en cours)

13


UNE FRAGMENTATION FONCTIONNELLE DE L’ESPACE Sur une carte, la fragmentation fonctionnelle de la vallée est marquante : le couloir industriel reconnaissable par ses bâtiments hors normes sinue dans les fonds de vallée et des vallons, les espaces habités enserrent immédiatement la rue industrielle, densément dans un premier temps puis avec relâchement alors que les lotissements gagnent de la hauteur. Le haut des versants et les plateaux sont réservés à l’agriculture et la sylviculture dans un patchwork détendu. Dans une urbanisation continue, l’organisation de la vallée est régie par la fonction des espaces qui la composent : production industrielle et grande consommation dans le fond de vallée ; habitations, loisirs culturels et petits commerces de part et d’autre ; et enfin production agricole, exploitation forestière et loisirs de nature sur les reliefs vallonnés. La fragmentation fonctionnelle de l’Ondaine est renforcée par les infrastructures : à pied, on perçoit nettement le basculement d’un espace à un autre lorsque l’on traverse la voie ferrée ou que l’on franchit la N88 par une passerelle.

14 L’Ondenon sauvage dans le Pilat.

CHEMINS D’EAUX DISCRETS « Vallée de l’Ondaine », le nom évoque l’eau comme fil sculpteur du relief. On devine les eaux de cette vallée à travers les formes de la topographie : des torrents ont modelé les versants Sud en nombreux vallons étroits, un relief aux formes changeantes considéré même comme un paysage de montagne. En revanche, ce réseau hydraulique fin qui vascularise toute la vallée est difficilement observable. Pour trouver les rivières, il faut remonter les versants Sud et Nord pour découvrir les affluents de l’Ondaine et leur caractère sauvage. Cependant, dans la ville, les chemins d’eau s’effacent. Ils sont canalisés, cachés, voire oubliés jusqu’à qu’ils redeviennent sauvages : là où l’Ondaine conflue avec la Loire, fleuve tortueux dans des gorges étroites. Voir l’eau dans les villes de l’Ondaine implique de se rendre dans la ville industrielle, là où les établissements se sont installés pour profiter de l’espace aplani du fond de vallée. Les rivières ne sont pas associées à un cadre de vie agréable, sauf lors des promenades dans les vallons, vers leur source.

L’Ondaine, dans la ville (friche Äkers)


VITESSES Je suis frappée en arrivant par la présence de la voie rapide dans les villes. Pas de contournement, la N88 serpente dans l’espace urbain depuis Saint-Etienne vers la Haute-Loire à partir de Firminy. Un rapport rapide à la ville existe dans cette vallée : le tout-voiture s’invite aussi dans les centresvilles au point que les piétons et cyclistes en sont parfois dérangés. L’omniprésence de la voiture atteint son paroxysme sur un lieu central de Firminy : la place du Breuil est un vaste parking qui ne retrouve sa fonction et son allure de place publique conviviale que le jour hebdomadaire de marché.

Gorges de la Loire

Vers le Puy-en-Vel

ay

Vers S

aint-E

ENVAHISSEMENT Place du Breuil - Firminy

OCCULTATION Trémie routière - Firminy

tienn

e

CÉSURE Entre la ville habitée et la ville industrielle - Firminy


PREMIERS ÉCHANGES - la vallée perçue par ses habitants Quels mots vous viennent à l’esprit concernant ces thèmes ? Réponse des habitants ou usagers de la vallée de l’Ondaine entre septembre et décembre 2017.

LE MOT « ONDAINE »

« L’eau et l’industrie, la vogue des noix* ! »

« l’Ondaine, c’est Firminy » « Une petite riviè re, polluée » « Un territoire industriel avec beaucoup d’usines »

CULTURE ET PATRIMOINE « Une culture active avec les monuments de Firminy à l’UNESCO »

« À Firminy, il y a Le Corbusier ! » «

la mine »

« Je pense qu’on entre dans l’ère du tourisme pour Firminy »

« J’aime me promener à Firminy-Vert »

*vogue des noix : fête foraine de la commune de Firminy. C’est le 16

troisième plus grand rassemblement de forains en France (manèges et attractions dans toute la ville durant 8 jours, début Octobre).


DYNAMISME « Il n’y a pas beaucoup de commerces et la plupart sont fermés »

« La vogue, ça c’est important » « De moins en moins de commerces de proximité, remplacés par les grandes surfaces »

« Tout se passe à Saint-étienne ou à Lyon » « Enfin la réhabilitation de la Corniche ! »

« Manque d’activité pour les jeunes »

CIRCULER / SE DÉPLACER « Il est très difficile de circuler en vélo, c’est un retard considérable par rapport à d’autres vil es »

« Si on veut marcher, il y a la nature à côté ! » « Beaucoup de gens ne prennent pas leur vél o parce qu’ils appréhendent de se déplacer en vil e... » « il faudrait plus de bus et de commerces de proximité »

« Une région morte . . . »

« La vallée est dense, il y a des difficultés pour circuler en voiture et en vélo »

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premières intuitions : une vallée entre héritage et devenir

18

De mes visites et des rencontres avec les habitants et usagers, j’ai pu retirer des traits particuliers, des valeurs fortes et des enjeux liés au territoire. La vallée oscille entre le passé et son devenir. Le paysage actuel donne à voir « un empilement de temporalités et d’obsolescences »1 qui nous permet de le lire comme un palimpeste, un paysage qui imprime les époques sans véritablement qu’elles s’effacent les unes les autres. Des formes anciennes sortent de l’ordinaire contemporain : interroger le paysage actuel permet de dresser l’histoire de la vallée et de son industrialisation, par l’observation de détails et de symptômes (certains objets-vestiges permettent de remonter jusqu’à la période proto-industrielle). La cohabitation entre les temps de la ville me questionne : comment prendre en considération les héritages, porteurs ou handicapants, pour envisager la construction du devenir d’un territoire ? L’image et la représentation de la vallée sont plutôt négatives pour les personnes extérieures au territoire (ancienne vallée noire, ville de béton-corbusier, une périphérie de SaintEtienne) mais les habitants de l’Ondaine paraissent très attachés à leur vallée industrielle dont l’histoire urbaine reste marquée par un militantisme solidaire ouvrier fort2.

D’un point de vue urbain, il existe une séparation nette entre la ville habitée (habitat/loisirs) et la ville industrielle (production/consommation) : cette partition urbaine est un élément qui nourrit ma réflexion de projet : comment envisager une rencontre plus harmonieuse entre les deux villes ? Doit-on gommer ces étiquettes habitée et industrielle en diversifiant les fonctions et les usages des villes ? Enfin, la commune de Firminy et ses alentours dominent la vallée : l’Ondaine, c’est Firminy pour de nombreux habitants. Mon intérêt se portera sur cette commune particulière qui fait à la fois consensus (la capitale de la vallée) et ouvre le débat par rapport à ses volontés de transition (mutations vers un tourisme corbuséen, changements au vu des enjeux environnementaux, place accordée et gestion des patrimoines,...).

1 - N. Giraud dans un entretien avec B. Stofleth sur La vallée, une archéologie photographique. 2 - Selon les enquêtes que j’ai menées sur le terrain

Un paysage de moyenne montagne aux portes d’une vallée industrielle.


LES COMPOSANTES DE LA VILLE HABITÉE Carence d’urbanité ?

Habiter le grand ensemble aujourd’hui ?

u re o

lien

rée r e f e voi RN88

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Une rivière malmenée Fuite du petit commerce Propriétés privées Secret industriel

Un secteur industriel toujours actif dans des formes passées

elle

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ville

ind

L’absence d’usages, l’absence humaine : un indice d’un risque de dévitalisation du territoire ?

LES COMPOSANTES DE LA VILLE INDUSTRIELLE 19


DÉMARCHE & OUTILS DE QUESTIONNEMENT Je suis arrivée sur ce territoire avec des intuitions : je trouverai dans la vallée de l’Ondaine des éléments en relation avec le processus de désindustrialisation. J’ai vite rencontré ces problématiques sur le territoire, notamment des friches industrielles, principal symptôme visible d’un déclin des activités. Cependant, d’autres maux urbains se sont révélés suite à ma découverte du terrain : les rythmes des villes dictés par la vitesse de la voiture, la dévitalisation de certains quartiers, le manque de relations fines entre des espaces dédiés souvent à une seule fonction, et une nette césure entre une ville habitée de part et d’autre d’un fond de vallée industriel. Comment redonner un deuxième souffle à cette vallée ? En quoi la démarche de projet de paysage peut-elle interroger le territoire de l’industrie contemporain et accompagner la vallée de l’Ondaine vers des orientations soutenables et durables ? Il m’est apparu le besoin de travailler l’héritage de la période industrielle dans un projet de paysage pour proposer une mutation de ce territoire issu de l’industrie. Il me fallait dès lors un outil de réflexion qui agirait à la fois sur des lieux précis

(qui cristallisent des problématiques fortes) mais aussi sur des lignes, des linéaires, des liens pour rattacher ces lieux, ces îlots entre eux et au reste du territoire. Penser le projet de façon archipélagique m’a aidé à imaginer le redéveloppement territorial possible de la vallée à partir de la ville de Firminy et ses alentours. Le projet de paysage devient un outil de dialogue entre des industriels privés toujours présents dans le fond de vallée et des acteurs publics. Tous semblent favorables au changement, à la transition et à la recherche d’une pratique urbaine plus diversifiée, mais rares sont les propositions qui voient le jour. Ce travail vise donc à déceler les leviers potentiels pouvant réunir les intérêts de tous et proposer un quotidien de qualité pour les habitants mais aussi pour les rares touristes aujourd’hui uniquement tournés vers l’œuvre corbuséenne. Les aménagements que je propose sont à envisager sur un temps long : la planification sur le long terme permet d’opérer une mutation douce des usages et des paysages urbains mais aussi de mettre en place des techniques d’aménagement nécessairement chronophages (phytoremédiation).

Repenser le territoire de l’industrie contemporain de la vallée de l’Ondaine en s’appuyant sur son socle patrimonial et ses ambitions environnementales. Orchestrer par le projet de paysage local la rencontre entre ville industrielle et ville habitée pour un confort de vie quotidienne autour de Firminy, Unieux et Fraisses, dans une inscription complète dans la vallée et dans la métropole stéphanoise.

20


VILLE INDUSTRIELLE

VILLE HABITÉE

UNE RENCONTRE AUJOURD’HUI BRUTALE

L’expression ‘‘ville industrielle’’ pourrait désigner à proprement parler l’ensemble de l’espace urbain puisqu’il est, dans le cas de la vallée de l’Ondaine, né de l’industrie. Cependant, dans le cadre de ce mémoire, la ville industrielle représente, dans un sens plus strict, l’espace dédié à la production (active ou inactive) mais aussi à la grande consommation (les zones commerciales ont remplacé les complexes usiniers de jadis).

La ville habitée désigne l’espace urbain qui est aujourd’hui majoritairement voire essentiellement destiné à la fonction «habiter». Elle comprend le centre-ville et par conséquent le commerce de proximité ou les lieux culturels et de loisirs.

La première partie de ce mémoire s’attachera au contexte général : étudier l’échelle de la vallée permet de saisir comment celle-ci s’est édifiée, grâce à quel jeu d’acteurs, et ce vers quoi elle tend en termes de dynamiques sociales, économiques, écologiques, culturelles et paysagères. S’intéresser au grand territoire permet par la suite de pointer un secteur particulier, à la rencontre des communes de Firminy, Unieux et Fraisses, où une confluence d’enjeux a attiré mon regard de paysagiste. La seconde section de ce mémoire s’attachera au portrait de cette rencontre communale dans un fond de vallée industriel. Les problématiques

inféodées à ce site sont nombreuses et s’y associe un jeu d’acteurs au panel large : de l’associatif à l’UNESCO. L’attention sera portée notamment sur les rapports à l’espace urbain qui oscillent entre mémoire industrielle et recherche d’une nouvelle urbanité dans la ville, sur le territoire. Enfin, je formulerai mes intentions pour participer au redéveloppement territorial autour d’un projet local archipélagique au motif écologique. Ce travail propose une réflexion sur le renouvellement de la pratique urbaine appliquée à un espace urbain encore contraint par son héritage industriel. 21


GLOSSAIRE vocables associés à ce travail de fin d’étude NB : un glossaire spécifique au vocabulaire de l’industrie se trouve en fin de mémoire

décroissance urbaine

Notes : - stéphanois-e : de Saint-Etienne - appelous-e : de Firminy

« La décroissance urbaine désigne un processus conjoint de déclin démographique et d’affaiblissement économique qui affecte de manière structurelle deux éléments constitutifs de la ville – la densité de population et les fonctions économiques -» générant des effets sociaux et spatiaux. Cette notion n’est pas à rapprocher directement de celle, plus pessimiste, de dévitalisation : la décroissance urbaine peut représenter le contexte nouveau pour repenser la ville à une échelle plus réduite et anticiper ce rétrécissement. Décroître n’est pas une dynamique figée. Contrairement aux villes qualifiées de mortes, la ville en décroissance sous-tend l’idée d’un mouvement encore présent à accompagner et/ou à modifer. Source : d’après encyclopédie électronique Hypergéo.eu

désindustrialisation

Réduction progressive ou cessation nette des activités industrielles sur un territoire (pays, région, ville). Si la désindustrialisation d’un territoire peut être la résultante de délocalisations des entreprises phares, ce processus peut aussi être causé par l’évolution des modes de production et de consommation : les territoires mono-spécifiés économiquement sont plus vulnérables face aux changements d’activités (reconversions, tertiarisation). Source : d’après le glossaire de Géoconfluences, ENS de Lyon.

industrieux-se 22

Activité industrielle intense, efficace. J’emprunte ce mot pour parler de la période où l’industrie est particulièrement forte et structurante sur le territoire et dans la société.


naturel

Le terme naturel est employé ici dans le sens de non-bâti. Il comprend donc les espaces gérés par l’homme comme les forêts, les champs ou les pâtures mais également les espaces que l’on peut qualifier de plus sauvages, de plus libres comme les cours d’eau.

pratique urbaine

Elle désigne plus généralement les usages présents dans la ville. Cette expression invite à penser l’espace urbain comme un endroit ‘‘à pratiquer’’, à fréquenter, un endroit où l’on peut agir en tant qu’usagerhabitant.

redéveloppement territorial

À la différence de la reconversion (remplacement de l’activité désuète par une autre, industrielle ou non), le redéveloppement territorial opère une transition à l’échelle du territoire. Il génère une réflexion quant au devenir du territoire (transformations spatiales, construction de nouvelles représentations positives) : il comprend donc les transformations économiques et paysagères mais aussi le devenir des populations, le maintien d’une culture locale, d’une identité ou de leur renouvellement.

Territoire de l’industrie

À territoire industriel, j’ai préféré l’expression territoire de l’industrie qui permet d’apporter une nuance temporelle : le territoire est issu de l’industrie, il est l’héritier du savoir-faire des industries des XIXème et XXème siècles. Le terme industriel renvoie aujourd’hui à des territoires plus actifs, plus compétitifs (Fos-sur-Mer et son complexe industrialoportuaire, Lyon et son couloir de la chimie), qui ne ressemblent en rien à la vallée de l’Ondaine à laquelle on associe plus facilement le processus de désindustrialisation.

Ville

J’emprunterai le mot ville au sens large, non pas pour désigner une commune en particulier mais pour parler de l’ensemble urbain (les villes), de ce qui le compose : le paysage, les dynamiques sociales, économiques et culturelles ; mais aussi, par métonymie, la ville représente les habitants, ceux qui la font vivre, évoluer, changer. 23



I. LA VALLÉE DE L’ONDAINE RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE POUR CE TERRITOIRE DE L’INDUSTRIE EN MUTATION

Quel équilibre et quelles mutations ? La vallée de l’Ondaine et ses communes sont en proie à deux processus de transformations : - la transition avec l’époque industrieuse du siècle précédent. - l’intégration complète dans la métropole stéphanoise en construction. Les mutations sont d’ordre politiques et sociétales mais saisissent aussi des entrées culturelles et paysagères. Les mentalités changent et le territoire avec elles. La vallée de l’Ondaine subit-elle la proximité de Saint Etienne, ville mère de la métropole ? Quelle est sa place dans le puzzle des grandes orientations ? Les communes de l’Ondaine peuvent s’appuyer sur leurs potentiels afin de trouver un juste équilibre entre leur position métropolitaine (leur futur doit être pensé dans un souci de cohérence globale au regard des initiatives départementales et régionales) et leur redéveloppement local (des solutions adaptées et durables).

Photomontage La vallée hier, aujourd’hui

25


1

RÉTROSPECTIVE HISTORIQUE Le paysage palimpseste de l’Ondaine, une érosion progressive du lien entre la société et le territoire naturel

Ce retour historique est essentiel pour comprendre l’organisation actuelle de la vallée de l’Ondaine. Comme un palimpseste1, le paysage a imprimé les différents éléments des grandes périodes de l’histoire. En vallée de l’Ondaine, on peut distinguer quatre grandes phases paysagères2 qui correspondent à quatre tournants paysagers majeurs de l’histoire locale. Les histoires récente et contemporaine seront analysées dans une seconde partie (cf : La vallée aujourd’hui - p. 54). L’attention sera particulièrement portée sur les environs de Firminy, Unieux et Fraisses où les changements ont été particulièrement importants.

Unieux

PHASES PAYSAGÈRES RÉVÉLÉES : 1 - Le temps de la ruralité et de la proto-industrie : < XIXème siècle 2 - Révolution industrielle : XIXème siècle 3 - Modernisme : XXème siècle 4 - Le temps des fermetures : fin XXème siècle 1 - Étymologiquement, le mot palimpseste vient du grec ancien et peut se traduire par « gratté de nouveau ». Il s’agit d’un manuscrit dont le parchemin a déjà été utilisé. Les inscriptions s’étiolent ou ont été effacées et permettent la venue d’écritures nouvelles. Aussi, l’état présent du manuscrit laisse apparaître des traces des versions anciennes. « Le paysage peut être considéré comme un palimpseste, où ce qui a été successivement modelé, marqué à telle ou telle période du passé a été plus ou moins raboté, effacé ou transformé par ce qui s’est passé plus tard » (Y. Lacoste (dir.), Géographie historique, dans la revue Hérodote, Ed. la découverte, 1995). Le paysage est palimpseste dans le sens où il se dessine, se transforme et change sur lui-même. Aussi, la lecture que l’on fait d’un paysage en y décelant les différentes traces de ses paysages antérieurs révèle sa qualité de palimpseste. 2 - Le paysage actuel raconte toujours une histoire lointaine en plus de son présent. Une phase paysagère correspond au paysage d’une époque donnée. On peut la lire à travers les héritages paysagers, correspondant à une production spécifique de l’espace, des indices pour révéler une époque qu’un territoire traverse. Une phase paysagère révèle les cultures, les activités, les politiques d’un temps défini. Ces différentes phases paysagères coexistent, s’estompent et s’entrecroisent dans la dynamique d’évolution de la vallée.

26

Fraisses

Carte des héritages-objets de la vallée de l’Ondaine. Monuments, fragments de paysage, fragments de machines,... issus des quatre grandes phases paysagères de la vallée (des amers visibles de loin ou des architectures discrètes).

Firminy


1 - Ruralité et proto-industrie

2 - Révoultion industrielle

Écomusée du Cotatay, ancienne usine métallurgique Brunon.

Cheminée de l’ancienne usine Holtzer. Volant conservé des anciens laminoirs Holtzer (démantèlement de l’usine en 1991).

Moulin de la Fenderie, Unieux (XVIIème siècle)

Chevalements des puits d’extraction minière.

Crassier (terril) Château : domaine des industriels (paternalisme) Ancienne forge de l’usine Claudinon réhabilitée en salle de spectacle ‘‘La Forge’’

Cités ouvrières construites par les patrons d’usines ou les Compagnies des Mines.

cité de Beaulieu 1901-1915

Anciennes voies ferrées destinées à évacuer le charbon des bassins d’extraction.

cité des combes

3 - Modernisme La Ricamarie

Tour de trempe (1935) : monument-symbole de la spécialisation dans la fabrication de produits forgés de grande longueur.

Quartier de Firminy-Vert : un plan d’urbanisme novateur pour la ville de Firminy.

Le Chambon-Feugerolles

4 - Fermetures Friches industrielles.

0

1

2 km

Parc et place aménagés en lieu et place d’anciennes carrière d’extraction (terrains inconstructibles). N

La vallée, paysage palimpseste : 1/50 000e

Réseaux ferrés délaissés 27


1.1 // Le temps de la ruralité et de la proto-industrie La vallée de l’Ondaine est ignorée des grandes routes jusqu’au début du XIXème siècle. Aussi, ce territoire enclavé, favorisé par des avantages naturels, assure son développement sur ses propres ressources. L’origine du travail du fer remonte à cette époque proto-industrielle où un savoir-faire se forge auprès d’une population rurale. PREMIÈRE OCCUPATION On mentionne l’existence d’occupations humaines dans la vallée de l’Ondaine seulement à partir du Moyen-Âge (quelques voies romaines sillonnent le territoire mais aucune fouille ne confirme l’établissement d’une ville). La porte Saint-Pierre à Firminy, le monument le plus ancien de la ville, est un vestige du XIIème siècle qui atteste la présence d’un prieuré à cette époque. En plus de cet héritage matériel, une tradition mercantile s’étoffe avec le temps : située sur l’axe reliant Lyon au Puy-enVelay, Firminy est une ville de foires et de marchés où les forains s’arrêtent. L’activité proto-industrielle et l’exploitation des mines devient significative à partir du XVIIIème siècle grâce à un relief et un socle géologique propices aux développements.

Carte de Cassini - XVIIIème siècle (source : Géoportail) Pré-existence industrielle dans la vallée de l’Ondaine : des établissements métallurgiques dans les vallons, les premières traces d’extractions minières. Début XVIIIème, la commune de la Ricamarie compte déjà trois mines (La Mine, Le Montcel, La Béraudière) et Firminy exploite déjà depuis plusieurs siècles la houille dans un mode d’extraction à ciel ouvert.

Profils de la vallée dans la transversalité (Nord au Sud) Les pentes du Pilat sur le versant Sud de la vallée ont une plus forte pente que le plateau de Roche-la-Molière en face. NB : Les échelles sont exagérées pour simplifier la lecture

Massif du Pilat

700 m A

600 m

B

La Ricamarie Le Chambon-Feugerolles

500 m

Unieux - Fraisses

C

28 1 km

2 km


UN RELIEF DE VALLÉE FAVORABLE La vallée de l’Ondaine se structure sur son versant Sud par de nombreux vallons, creusés par les affluents de la rivière principale. C’est une terre d’alluvions fertiles comme témoigne la toponymie locale1 (Le Cham-bon, mais aussi des nom de famille : Heurtier > hortus, le jardin en latin). Cependant, la faible surface du fond de vallée restreint les possibles économiques. La nécessité de trouver d’autres sources d’existence devient rapidement une evidence. La vallée est resserrée entre plusieurs massifs particulièrement vascularisés en ruisseaux et rivières : le Pilat au Sud-Est de la vallée, le Velay au Sud-Ouest et les plateaux en direction de Rochela-Molière qui ferment le Nord avec une altitude moyenne de 650 mètres. La vallée se clôt avec la confluence de l’Ondaine avec la Loire, dans des gorges étroites.

Les pentes raides (12% en moyenne2) des vallons du Pilat transforment souvent les rivières en torrents, une énergie naturelle utlisée par les premiers artisans pour remplacer la force manuelle notamment dans le ravin du Cotatay. Naissent le long des cours d’eau des forges, des martinets et des établissements pour la passementerie. L’artisanat local se compose alors du travail textile (passementerie et tissage) et du travail du fer (clous, couteaux, serrures et limes). À la fin du XVIIIème siècle, on ne compte pas moins de 22 martinets hydrauliques3 le long de l’Ondaine et de ses affluents pour battre, étirer et platiner le fer qui n’est pas extrait du sous-sol mais acheminé depuis Lyon par chariots. 1 - D’après Jacquemond Joseph, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine (1815-1914). 2 - id. 3 - D’après Commère René, Mémoire d’acier en Ondaine.

L’Ondenon, l’Ondaine : 17km de parcours jusqu’à la Loire depuis le Pilat Les principaux affluents de l’Ondaine : 5 6

C

0

4 km

N

4

1

Le Cotatay : 10,5 km avant de se jeter dans l’Ondaine

2

Le Valchérie : 10,7 km

3

L’Échapre : 9,8 km

4

La Gampille : 12,5 km

5

L’Égotay : 5,9 km

6

Le Borde-Matin : 5km

A B

3

Massif du Pilat 2

La richesse hydrologique de la vallée de l’Ondaine, une succession de vallons aux torrents puissants Source : Société d’Histoire de Firminy

1

29


Martinet Meulière Fenderie Moulin à blé Bief

L’eau et la petite industrie aux alentours de Firminy début XIXème siècle. ARTISANAT DU FER La fabrication de clous et de couteaux remontrerait au XIIIème siècle1. Dès le XVIIème siècle, une fenderie à Unieux élabore la matière première pour permettre aux paysans de mener, à domicile, leur activité de cloutier, un travail qui nécessite uniquement l’énergie humaine et qui peut donc s’installer n’importe où. La vallée s’organise autour de l’artisanat du fer : le travail est parcellisé et les étapes de la production se fragmentent à l’échelle locale : pour la coutellerie par exemple, les ateliers de fonte, de façonnage et de polissage des lames s’établissent le long des cours d’eau (pour profiter de la force hydraulique) tandis que les manches en bois sont confectionnés dans les hameaux alentours. Cet éclatement de la production posera au siècle suivant des problèmes pour améliorer la qualité et la quantité des produits. La coutellerie et la clouterie sont d’ailleurs deux activités qui périclitent, absorbées 30

Source : Bravard J.-P., L’Ondaine, vallée du fer, Ed. Le Hénaff, 1981.

par le développement de l’industrie minière et métallurgique : en 1814, on comptait 1700 ouvriers cloutiers autour de Firminy mais l’apparition des usines au XIXème siècle draine les jeunes de la région qui y voient un avenir meilleur. Cet artisanat n’est plus adapté au nouveau monde qui voit le jour. LA PRÉSENCE HEUREUSE DE HOUILLE La présence de grès houiller favorise l’artisanat d’aiguiserie du XVIIIème siècle (armurerie, coutellerie et quicaillerie) par l’extraction et la fabrication de pierres meulières. Néanmoins, c’est le charbon et son utilisation qui sous-tendent les activités de la vallée. Ce combustible est privilégié au bois (une autre ressource abondante en Ondaine) pour travailler le métal. La houille est exploitée de manière anarchique et maladroite : la « cueillette


Seul reliquat du patrimoine métallurgique de la vallée du Cotatay. Le bâtiment a été réhabilité en écomusée. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, les technologies proto-industrielles sont dépendantes des aléas naturels liés à l’utilisation de la force hydraulique : faiblesse du débit, longueur des étiages estivaux,... Ces aléas provoquent des ‘‘chômages techniques’’ et représentent des pertes économiques conséquentes. Les ateliers ont progressivement détourné les rivières pour leurs usages métallurgiques : cette ancienne forge du Cotatay possède un bief et une retenue à proximité du bâtiment.

du charbon »2 n’est ni organisée, ni soucieuse du lendemain. La population, artisan comme particulier, procède par fendue (galerie oblique depuis la surface lorsque la couche affleure) ou en creusant simplement jusqu’à atteindre la couche de charbon (micro-carrière). Les inondations sont fréquentes et l’abandon systématique des petites exploitations alors taries laisse imaginer un paysage rural, mité par des excavations aléatoires. Ainsi, l’ancienneté de la métallurgie dans la vallée de l’Ondaine s’explique par l’addition de plusieurs ressources naturelles dont la présence de combustibles (bois et charbon de terre dont le transport est onéreux à l’époque) et les nombreuses rivières qui assurent une énergie pour actionner les forges. 1 - D’après Jacquemond Joseph, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine (1815-1914). 2 - D’après Commère René, Mémoire d’acier en Ondaine.

Source : C. Pezy

L’ACQUISITION D’UN SAVOIR-FAIRE Il n’existe pas à proprement parler à cette époque une frontière entre le travail du fer et le travail de la terre. Nombreux sont les travailleurs qui gardent un statut d’agriculteur-artisan (propriétaire d’une forge à domicile leur permettant de produire selon la saison et la demande) ou d’agriculteur-mineur au siècle suivant. Cette possible double activité façonne une population initiée aux travaux autres qu’agricoles qui assurera une transition douce lorsque le travail de la terre s’estompera au siècle suivant au profit de celui de l’acier et de la houille. Si la vallée proto-industrielle est encore associée à la figure de Vulcain, dieu-forgeron archaïque, au XVIIIème siècle, elle peut néanmoins s’enorgueillir d’une vocation prometteuse qui lui assure une entrée dans l’ère industrielle. 31


1.2 // Révolutions Le XIXème siècle, marqué par la Révolution industrielle, établit un véritable tournant pour l’Ondaine : ce sont des révolutions multiples qui changent à jamais le visage de la vallée : - un bouleversement brutal et radical du paysage jadis rural par la naissance d’un urbanisme industriel. - des mutations sociétales par l’arrivée d’un paternalisme éclairé : la société paysanne du XVIIIème siècle évolue vers une société industrielle. - un changement des modes d’utilisation des ressources et de leur transformation dans une optique productiviste. L’aventure de l’extraction minière côtoie de près celle de l’avènement de la métallurgie et de la sidérurgie. Ces activités industrielles (minières ou métallurgique et sidérurgie) ont pourtant des destins différents. Quels ont été les moteurs et les impacts de la Révolution industrielle sur le territoire réduit de l’Ondaine ?

« Révolution industrielle » : Plus qu’une époque, on désigne par « révolution industrielle » un ensemble de phénomènes qui ont accompagné, à partir du XVIIIe siècle, la transformation du monde moderne par le développement du capitalisme, de la technique, de la production et des communications. On distingue chronologiquement une première phase, qui repose essentiellement sur la mécanisation, née de progrès techniques déterminants dans les industries textile, minière, métallurgique et sidérurugique (machine à vapeur, mécanisation de la filature et du tissage, extraction du charbon et utilisation du coke). (d’après Encyclopédia Universalis) L’ARRIVÉE DE GRANDS INDUSTRIELS : POURQUOI L’ONDAINE ? Même si la vallée de l’Ondaine compense très vite son isolement géographique par l’exploitation de ses richesses naturelles, c’est véritablement l’arrivée de grands industriels étrangers à ce territoire qui opère l’entrée dans une nouvelle ère. Cet apport ingénieux de l’extérieur est un des facteurs faisant sortir l’Ondaine de l’ombre : attirés par les richesses naturelles et humaines, les figures de Jackson, Holtzer ou Verdié pour n’en citer que trois, permettent à la vallée d’élargir ses horizons et de s’ouvrir vers l’extérieur en termes d’économie mais aussi d’image. Les promesses de développement qu’ils sèment en ce début de XIXème siècle, s’épanouissent définitivement après 1850. Ces pionniers de l’acier recherchent des sites proches de marchés prometteurs et des lieux où expérimenter de nouvelles techniques de production et de transformation de l’acier. La vallée de l’Ondaine 32

possède l’avantage de sa situation, proche de la quincaillerie et de l’armurerie stéphanoise. C’est une vallée moins encombrée que celle du Furan, où les industries de Saint-Etienne se sont déjà bien installées, et elle est à distance raisonnable des tisseurs, dont les relations conflictuelles sont peu enviables (les passementiers redoutent les fumées noires de l’industrie). C’est d’ailleurs cette situation qui guide James Jackson en Ondaine dont la notoriété éclipse celle de Jourjon (premier initiateur du progrès industriel dans la vallée) : le conseil municipal stéphanois interdit à l’anglais la fabrication d’une aciérie sur son territoire pour maintenir la valeur de sa passementerie. Jackson choisit donc l’Ondaine, un deuxième choix de qualité où une multitude de facteurs sont réunis : - la présence de houille pour la forge et le coke - une population adonnée au travail du fer - des facilités d’importation (minerais) et d’exportation sur un marché peu concurrentiel et des débouchés prometteurs.


Portraits des pionniers de l’acier en Ondaine

1815

1773

Sieur Jourjon

Sa ‘‘tirerie de fer et d’acier’’ est installée en contrebas du ravin du Cotatay. Il obtient le titre de « manufacture royale » en 1773 pour ses aiguilles réputées comme les plus fines de proto-industrie France.

Jacob Holtzer

Il introduit le secret en France de la fabrication de l’acier fondu au creuset chauffé au coke, du charbon de terre (ce combustible permet d’obtenir des températures nécessaires à la fusion). Son établissement à Tramblaine le long de l’Ondaine au Chambon-Feugerolles produit un acier de qualité constante et homogène, technique rapportée d’Angleterre.

1815

Jacob Holtzer rejoint son cousin Jean Holtzer dans la vallée de l’Ondaine en 1820. Après avoir été inspecteur à la manufacture d’armes de Mutzig et de Strasbourg, Jean est nommé à celle de Saint Etienne. Les deux frères alsaciens installent leur première fabrique d’aciers corroyés dans la vallée du Cotatay en 1825. Leur grande notoriété et l’afflux des commandes poussent les Holtzer à s’agrandir dans le vallon du Cotatay et à créer un deuxième établissement cette fois dans le fond de vallée, à Unieux au lieu-dit ‘‘le vigneron’’. Entre

1852

James Jackson

1840 et 1850, les Holtzer exploitent toutes les berges du Cotatay, mais l’usine du Vigneron sera celle qui marquera le plus le destin de la vallée. Jacob Holtzer, par son caractère humaniste et innovant, est sans doute celui qui participa le plus remarquablement à l’essor industriel de la vallée. Technicien de formation, ce patron novateur crée autour de lui une véritable communauté de travail, des ouvriers alsaciens venus le rejoindre avec leurs techniques mais aussi la population locale et son savoir-faire indéniable.

Claudinon

Il installe son usine des Platanes sur les rives de l’Ondaine en 1852 au Chambon-Feugerolles. Contrairement à Holtzer, Claudinon encourage un développement horizontal de son usine : il augmente la quantité et la diversification des ses fabrications. Holtzer lui, est favorable à un développement vertical, dans la poursuite des améliorations techniques (acquisition d’un savoir-faire) et de la maîtrise de l’approvisionnement en fonte et minerai.

Félix Verdié 1850

Originaire des Pyrénées, Verdié, étireur de formation, conçoit son usine à Firminy en réhabilitant un moulin en forge. On lui doit la création du premier lingot d’acier Martin du monde : une innovation qui augmente considérabelement les possibilités de fusion de l’acier (traitement de plus grande quantité et recyclage des fontes et ferrailles de récupération) et donc de fabrication de pièces longues (arbres de marine, rails longs) ou plus résistantes (blindage).

33


L’époque de la Révolution industrielle concerne tout d’abord l’essor de l’industrie minière, qui sera exposée dans un premier temps. Le développement industriel conduit à un morcellement et une instrumentalisation de l’espace. Je m’intéresserai à ce pragmatisme des grandes usines, sous couvert d’un paternalisme éclairé, dans un second temps.

LES DÉBUTS CHAOTIQUES DE L’EXTRACTION MINIÈRE La géologie explique une grande partie de l’histoire de l’Ondaine. Elle est responsable du passé récent de la vallée et de ses héritages paysagers urbains, des itinéraires qui se sont pérennisés dans les villes, de son économie aussi pendant longtemps... Cette présence de charbon devient vite une grande aubaine au vu du déboisement qui devient préoccupant. La rationalisation de l’exploitation va se substituer à l’usage privé et domestique. La révision du statut juridique des mines permet la constitution de Sociétés, les Compagnies des Mines, capables de drainer des capitaux extérieurs et d’ouvrir la vallée sur d’autres territoires. Cette ouverture se concrétise avec l’arrivée du chemin de fer entre Saint-Etienne et Lyon en 1831, puis Andrézieux et Roanne, un progrès révolutionnaire qui règle les problèmes de communication et d’exportationimportation : les expéditions par voies fluviales, périlleuses dans les gorges de la Loire cessent définitivement en 1837. Les progrès techniques concernent aussi la mine : dès les années 1830-35, les premiers chevaux sont descendus pour tracter les berlines, les wagons remplis de charbon, la machine à vapeur remplace rapidement la traction animale. L’essor des différentes Compagnies minières de l’Ondaine marque la fin du cadre commercial purement local : naît le temps des échanges mais aussi des concurrences. 34

ENTRE UNITÉ ET MORCELLEMENT Le bassin houiller de la Loire forme une unité géographique définie en liant le bassin de SaintEtienne et le bassin de Rive-de-Gier. Cette unité se lit également dans les modes d’extraction et le système spatial qu’elle crée avec elle : « L’unité géologique du gisement de houille est un fait qui se construit socialement par la définition et la diffusion d’un savoir technique et de savoir-faire proprement miniers, par l’intégration spatiale que réalise le chemin de fer au niveau des Compagnies et du bassin tout entier »1. Plusieurs compagnies se partagent le territoire du bassin minier. La Compagnie des Mines de Roche-la-Molière et Firminy, par exemple, s’étend sur 5 850 hectares du plateau de Roche jusqu’à la basse vallée de Firminy. Dans la branche de la métallurgie, le bois est abandonné au profit du charbon ; les villes s’éclairent au gaz obtenu par la distillation de la houille. C’est deux phénomènes participent à l’extension importante du marché de la houille. Certaines concessions sont regroupées afin d’assurer un meilleur rendement. En 1845, la fusion des Compagnies des Mines de la Loire et de celles de Saint-Etienne crée le ‘‘Monopole’’ qui s’étend jusque sur la partie orientale de la vallée et qui s’impose en géant face aux Compagnies minières de l’Ondaine. Il s’oppose aux petits artisansindustriels qui craignent une augmentation des prix du charbon et aux ouvriers-mineurs qui redoutent une baisse des salaires et des conditions de travail plus dures. Un fossé se creuse entre les


possédants (souvent extérieurs à la région : 25% parisiens et 50% lyonnais2) et les ouvriers qui revendiquent leurs inquiétudes dans des grèves pionnières. La partition du ‘‘Monopole’’ en quatre petites Compagnies minières se fait sous intervention de l’Etat en 18543 : la Compagnie des Mines de Montrambert et Béraudière se crée en Ondaine.

Lois relatives à l’extraction minière (d’après J. Jacquemond, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine) - Depuis le milieu du XVIIIème siècle : un système sous forme de concessions octroyées par le roi (les concessionnaires doivent indémniser les propriétaires de surface).

1 - Extrait (page 9) de l’ouvrage Bassin houiller de la Loire, penser un territoire, conçu par le Musée de la Mine et le Musée de la ville de SaintEtienne. 2 - Selon J. Jacquemond, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine. 3 - Id. - cette situation est une première en France : l’intervention du gouvernement contre un trust capitaliste, une entreprise qui crée une situation de monopole économique.

- Arrêt du Conseil du Roi le 25 avril 1789 : ordonne la libre exploitation des mines par les propriétaires du sol. - Loi du 28 juillet 1791 : droit absolu du propriétaire du sol à l’exploitation du sous-sol (c’est renoncer à une exploitation planifiée, efficace, de grande ampleur).

Le bassin houiller de la Loire, défini par le gisement de charbon. D’après carte géologique de Saint-Etienne au 1/50000e et Becq Giraudon, 1995.

ier

La Loi re

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Le Furan

Saint-Chamond

- Loi du 21 avril 1810 : sous l’Empire, distinction entre propriété de surface et de tréfonds (propriété de droit commun, perpétuelle, ne pouvant être cédée ou divisée sans l’accord du gouvernement). Le gouvernement accorde les concessions et fixe les limites et les conditions des exploitations. Le propriétaire du sol est alloué en fonction de l’extraction. Néanmoins, des obligations sont imposées au concessionnaire : il doit alimenter le marché local, respecter les limites approuvées par le gouvernement et les mesures pour l’épuisement, assurer la sureté de ses ouvriers (l’airage, par des galeries d’aération), payer une redevance au propriétaire du sol ; enfin, le concessionnaire n’est pas maître de ses prix, ils oscillent selon le marché stéphanois.

Saint-Etienne

Décrochement dextre*

L’Ondaine

Firminy

l Fai

u le d

t Pila

0

5

10 km

N

Le marquis d’Osmond est considéré comme le premier concessionnaire minier de l’Ondaine (périmètre d’exploitation entre Firminy et Roche-la-Molière). Faille Les exploitations illicites continuent malgré tout : les Faille inverséecoutumes locales s’opposent à la prospérité des Concessions jusqu’à la création des Compagnies minières (Osmond lègue ses droits en 1820 à la Compagnie des Mines de Roche-la-Molière et Firminy) qui mettront fin à cette anarchie minérale. 35


L’époque de la Révolution industrielle concerne tout d’abord l’essor de l’industrie minière, qui sera exposée dans un premier temps. Le développement industriel conduit à un morcellement et une instrumentalisation de l’espace. Je m’intéresserai à ce pragmatisme des grandes usines, sous couvert d’un paternalisme éclairé, dans un second temps.

LES DÉBUTS CHAOTIQUES DE L’EXTRACTION MINIÈRE La géologie explique une grande partie de l’histoire de l’Ondaine. Elle est responsable du passé récent de la vallée et de ses héritages paysagers urbains, des itinéraires qui se sont pérennisés dans les villes, de son économie aussi pendant longtemps... Cette présence de charbon devient vite une grande aubaine au vu du déboisement qui devient préoccupant. La rationalisation de l’exploitation va se substituer à l’usage privé et domestique. La révision du statut juridique des mines permet la constitution de Sociétés, les Compagnies des Mines, capables de drainer des capitaux extérieurs et d’ouvrir la vallée sur d’autres territoires. Cette ouverture se concrétise avec l’arrivée du chemin de fer entre Saint-Etienne et Lyon en 1831, puis Andrézieux et Roanne, un progrès révolutionnaire qui règle les problèmes de communication et d’exportationimportation : les expéditions par voies fluviales, périlleuses dans les gorges de la Loire cessent définitivement en 1837. Les progrès techniques concernent aussi la mine : dès les années 1830-35, les premiers chevaux sont descendus pour tracter les berlines, les wagons remplis de charbon, la machine à vapeur remplace rapidement la traction animale. L’essor des différentes Compagnies minières de l’Ondaine marque la fin du cadre commercial purement local : naît le temps des échanges mais aussi des concurrences. 34

ENTRE UNITÉ ET MORCELLEMENT Le bassin houiller de la Loire forme une unité géographique définie en liant le bassin de SaintEtienne et le bassin de Rive-de-Gier. Cette unité se lit également dans les modes d’extraction et le système spatial qu’elle crée avec elle : « L’unité géologique du gisement de houille est un fait qui se construit socialement par la définition et la diffusion d’un savoir technique et de savoir-faire proprement miniers, par l’intégration spatiale que réalise le chemin de fer au niveau des Compagnies et du bassin tout entier »1. Plusieurs compagnies se partagent le territoire du bassin minier. La Compagnie des Mines de Roche-la-Molière et Firminy, par exemple, s’étend sur 5 850 hectares du plateau de Roche jusqu’à la basse vallée de Firminy. Dans la branche de la métallurgie, le bois est abandonné au profit du charbon ; les villes s’éclairent au gaz obtenu par la distillation de la houille. C’est deux phénomènes participent à l’extension importante du marché de la houille. Certaines concessions sont regroupées afin d’assurer un meilleur rendement. En 1845, la fusion des Compagnies des Mines de la Loire et de celles de Saint-Etienne crée le ‘‘Monopole’’ qui s’étend jusque sur la partie orientale de la vallée et qui s’impose en géant face aux Compagnies minières de l’Ondaine. Il s’oppose aux petits artisansindustriels qui craignent une augmentation des prix du charbon et aux ouvriers-mineurs qui redoutent une baisse des salaires et des conditions de travail plus dures. Un fossé se creuse entre les


possédants (souvent extérieurs à la région : 25% parisiens et 50% lyonnais2) et les ouvriers qui revendiquent leurs inquiétudes dans des grèves pionnières. La partition du ‘‘Monopole’’ en quatre petites Compagnies minières se fait sous intervention de l’Etat en 18543 : la Compagnie des Mines de Montrambert et Béraudière se crée en Ondaine.

Pourquoi du charbon en Ondaine ? Le bassin houiller de la Loire occupe une superficie d’environ 200 km² de la vallée de l’Ondaine jusqu’à Givors. La structure géologique est un vaste synclinal, très fracturé, entre les Monts du lyonnais au Nord et les Monts du Pilat au Sud. Ce synclinal (pli à la morphologie concave) a accueilli une succession de terrains carbonifères (- 355 à - 295 MA) dans sa grande plaine marécageuse. La houille du bassin de la Loire est issue des dépôts successifs d’âge majoritairement Stéphanien4 (- 305 à 299 MA). Une quarantaine de couches de dimensions variables (des épaisseurs comprises entre 50 cm et 15m) sont présentes. Les nombreuses failles complexifient la lecture de ce bassin houiller. Certaines couches ‘‘remontent à la surface’’ avec ces fractures : elles affleurent en de nombreux endroits ce qui permit le grattage manuel et archaïque de cette terre noire, le charbon de terre, dès le XIIème siècle.

1 - Extrait (page 9) de l’ouvrage Bassin houiller de la Loire, penser un territoire, conçu par le Musée de la Mine et le Musée de la ville de SaintEtienne. 2 - Selon J. Jacquemond, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine. 3 - Id. - cette situation est une première en France : l’intervention du gouvernement contre un trust capitaliste, une entreprise qui crée une situation de monopole économique.

Milieu générateur de dépôts houillers. D’après L. Courel.

Le bassin houiller de la Loire, défini par le gisement de charbon.

Givors

D’après carte géologique de Saint-Etienne au 1/50000e et Becq Giraudon, 1995.

Les variations successives du niveau d’eau créent un marécage où vont s’accumuler les débris végétaux, sédiments organiques, qui seront recouverts par des sédiments fins. Nouveau sol Future couche de charbon après la décomposition des végétaux

Rive-de-Gier ier

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Firminy

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0

5

10 km

N

2

1

1 - Socle métamorphique 2 - Brèches bordières (conglomérats) 3 - Conglomérats et grès de cône alluvial 4 - Grès, pélites et charbons de plaine fluvio-palustre 5 - Conglomérats et grès de plaine alluviale

L’industrie minière a engendré un nouveau rapport au socle et au sol : on le creuse, le déplace, l’entasse, jusqu’à créer de nouveaux paysages, fabriqués avec les ‘‘débris de la mine’’ dont les terrils se font les principales illustrations. Jusqu’en 1983, 15 sites ont été exploités sur les seules concessions de Roche-la-Molière et Firminy et de Montrambert. Un total de 6 000 000 m3 environ de terres y ont été déplacées5. 4 - Le Stéphanien est considéré comme un étage de référence du Carbonifère en 1893. L’attribution de ce nom géologique donné en référence à la ville de Saint-Etienne met en exergue l’existence et la reconnaissance de ce bassin le plus anciennement exploité de France et récompense les scientifiques qui y ont porté d’inombrables recherches géologiques bénéfiques à la science mais aussi aux industries minières : « la science géologique transforme l’exploitation à l’aveugle en une exploitation cartographiée » (p. 89, Bassin houiller de la Loire, penser un territoire). 5 - Selon rapport d’étude INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques) en 2009. * Faille le long de laquelle les compartiments rocheux coulissent horizontalement.


VIES DE MINEURS Même si l’organisation du travail souterrain se perfectionne, le métier de mineur comporte de nombreux risques : l’air, chargé de grisou menace d’exploser au contact du feu des lampes, les éboulements sont fréquents dans les galeries mal étayées, des inondations s’ensuivent, et les chutes sont souvent mortelles dans les puits de plus de 500 mètres de profondeur. Les Compagnies parviennent néanmoins à fidéliser leurs ouvriers en proposant des services en dehors de l’usine. En s’immisçant dans la vie de l’ouvrier, la Compagnie ébauche une forme de ‘‘protection sociale’’ : secours aux blessés, pensions aux veuves, actions de prévention, création d’hôpitaux (Lachaux à Firminy en 1845)... caractéristique d’un système paternaliste aussi utilisé par les industriels de la sidérurgie. Les Houillières proposent un habitat décent à leurs mineurs mais une ségrégation de classe peut se lire dans le paysage entre les cités ouvrières et les maisons de maîtres.

Dans la rue Verdié à Fimriny qui menait aux usines, le parc Vincent Brunon actuel se situe sur l’ancien site du Puits du Creux, un emplacement inconstructible. De même, l’actuelle place du Breuil fut une exploitation à ciel ouvert dès 1844. La Maison de la Culture est également située sur une ancienne carrière. (Source : Société d’Histoire de Firminy).

Les puits : des galeries sont creusées pour atteindre les

Le crassier / terril : accumulation des résidus

couches de charbon souterraines. Le puits principal est surmonté d’un chevalement dont le mécanisme permet la remontée des berlines de charbon. Des galeries relient les puits pour l’aération du labyrinthe souterrain. On comptait plus de 40 puits dans l’Ondaine.

de la mine (et des crasses/scories des industries).

La fendue : historiquement, premier chemin emprunté par le mineur pour aller à la rencontre du charbon. Depuis une couche affleurante, visible, une galerie étayée suit le filon de terre noire.

La carrière à ciel ouvert : les minerais sont grattés à même le sol depuis la surface.

36

Les galeries : différenciation des tâches du mineur : piqueur (abat), boiseur (étaye), rouleur et traineur (charient les bennes) et toucheur (responsable des chevaux). Après épuisement du gisement d’une galerie, on pratique la méthode de foudroyage (effondrement volontaire des galeries après l’exploitation) puis un remblayage.


ÉCLOSION DES GRANDS USINES DE L’ONDAINE : LE CAS HOLTZER À UNIEUX L’établissement Holtzer créé en 1827 à Unieux, dans la basse vallée de l’Ondaine, marque le début de l’ère sidérurgique productive. Son souci pour la qualité de ses produits est sa marque de fabrique (la société obtient plusieurs récompenses dont la médaille d’argent en 1849 à l’Exposition Universelle de Paris). Les progrès techniques découverts à cette époque préparent le succès de Jacob Holtzer, ce patron novateur. Dès 1940, la fabrication de l’acier se fait par fusion dans des fours à coke. Son usine du Vigneron possède en 1843 sa première machine à vapeur, une technologie qui multiplie les possibilités de carroyage et d’étirage. Enfin, la route ouverte entre Firminy et Saint-Bonnet-le-Château (dans les Monts du Forez) en 1847 passe le long de l’usine, la reliant aux mines de houille de la région pour obtenir la matière première de combustible. CROISSANCE INDUSTRIELLE : LE CAS HOLTZER Le développement industriel de la vallée de l’Ondaine est stimulé par l’arrivée du chemin de fer : la ligne Saint-Etienne - Firminy ouvre en 1859 et l’usine Holtzer en bénéficie en 1866. La croissance démographique accompagne ce mouvement ascendant de l’essor industriel : de nombreux ruraux viennent travailler dans les mines et les usines. Prenons pour exemple la ville de Firminy qui voit sa population considérablement augmenter (5 000 habitants estimés en 1851, 10 000 habitants en 1870 et plus de 20 000 à la veille de la Première Guerre mondiale). Pour ne pas dépendre des importations, Jacob Holtzer fait l’acquisition de mines et de hauts fourneaux dans les Pyrénées Orientales (Ria). Cet industriel, qui avait déjà emmené une commaunauté alsacienne dans l’Ondaine, poursuit ces échanges de personnels et donc de cultures (le protestantisme d’abord puis une culture catalane).

Unieux

Fraisses

0 Usine du Vigneron, Holtzer Actuelle friche Äkers

2 km

N

En 1861, son fils Jules Holtzer et son gendre Frédéric Dorian lui succèdent. En 1867, l’usine obtient la médaille d’or de l’Exposition Universelle parisienne avec plus de 10 tonnes d’acier fin produit par jour. La même année, une innovation voit le jour dans l’usine : un laboratoire de recherche s’y installe (dirigé par J-B Boussingault). Cette unité de recherche prouve à la fois l’avancée de cet établissement et son désir insatiable d’innovation (invention de nouveaux aciers spéciaux et du procédé Martin-Siemens). L’entreprise Holtzer-Dorian comprend que la diversification des fabrications atténue les risques de crise économique mais elle continue sa politique orientée vers la qualité plutôt que la production en série. À partir des années 1870, l’usine fabrique notamment des produits de guerre (blindage, projectiles, canons) et des pièces automobile à la vieille de la Première Guerre mondiale. En parallèle, le laboratoire continue ses recherches sur les aciers spéciaux, alliés, rapides. pour élargir les propriétés techniques de ses produits.

37


UN PATERNALISME ÉCLAIRÉ : LE CAS HOLTZER Le paternalisme est une pratique développée par les industriels pour organiser la vie de l’usine et de ses ouvriers. à l’instar d’un père autoritaire, le patron contrôle l’espace et sa population. Il se substitue à la puissance publique et dirige lui-seul le territoire de son usine, faisant fi des limites communales. Le système paternaliste fonctionne en cercle fermé : l’établissement usinier (l’usine et ses annexes directes formées par l’habitat et les infrastructures) peut être totalement autonome. L’aliénation sociale est totale mais déguisée : sous-couvert d’une bienveillance, le patron vise un rendement productif. Les avantages sociaux (habitat, jardins ouvriers, services,...) permettent aux patrons de fidéliser leurs ouvriers. Le patron s’immisce dans leur vie de la naissance au tombeau, de la crèche au cimetière. Le contrôle moral des ouvriers est primordial pour assurer l’ordre et donc la rentabilité. Un territoire paternaliste comprend donc une structure productive (usine) autour de laquelle tout est orchestré spatialement et moralement (logements, loisirs). 38

Le fief Holtzer à la seconde moitiée du XIXème siècle. Source : J-P Bravard, L’Ondaine, vallée du fer. Cependant, le paternalisme mis en place par les Holtzer peut être qualifié ‘‘d’éclairé’’. En effet, le patron comprend que les bonnes relations avec sa main-d’œuvre assurent un gage de qualité des produits, mais il va plus loin dans la création honnête d’une véritable communauté de travail. Il fait construire des logements décents près de l’usine (notamment « la caserne » en 1861) qui offre une vie convenable à ceux qui ont quitté leur région d’origine (alsaciens). Des occupations hors du temps de travail sont proposées par l’entreprise : des fêtes, une fanfare mais aussi une bilbiothèque. Des initiatives sociales voient le jour et assurent la santé des ouvriers (création de pouponnières, ouvroirs, locaux pour des visites médicales ; un système d’épargne et une société de secours mutuel). Le paternalisme Holtzer semble être un modèle idéal et utopique d’une communauté industrielle harmonieuse au point qu’émile Zola s’en inspire pour dépeindre cette société dans Travail1.


ÉCLOSION DES GRANDS USINES DE L’ONDAINE : LE CAS VERDIÉ À FIRMINY Félix Verdié s’installe à Firminy sur les bords de l’Ondaine en 1850 à l’implacement d’anciens moulins à farine qu’il convertit en établissement sidérurgique (comme le fera deux ans après Claudinon au Chambon-Feugerolles). Avec Verdié, Holtzer et les établissements Claudinon, la sidérurgie occupe un rôle de plus en plus important et commence à assurer la prospérité de la région. En 1854, il obtient le brevet d’invention ‘‘métal mixte’’ (un alliage qui évite l’utilisation brute du fer, qui s’use, ou de l’acier, qui casse) et crée la Société des Aciéries et Forges de Firminy. En 1854, l’ouverture d’un marché prometteur (le matériel ferroviaire) le pousse à diversifier de manière ingénieuse ses productions : l’établissement Verdié propose des produits lourds mais aussi des fabrications légères (du lingot au fil d’acier pour crinoline - vêtement). En 1869, la Société Verdié est la 13ème entreprise sidérurgique française (importance de capitaux).

Habitat ouvrier temporaire de l’usine Verdié pour accueillir la main-d’oeuvre étrangère pendant la Première Guerre mondiale. (source : Société d’Histoire de Firminy)

LA CONCURRENCE NATIONALE ENCOURAGE LE PROGRÈS EN ONDAINE En 1876, la découverte par Thomas et Gilchrist d’un procédé permettant de fabriquer de l’acier à partir de fontes obtenues avec des minerais phosphoreux change les rapports territoriaux. C’est un grand avantage pour la Lorraine qui possède de nombreux gisements exploitables. Une menace de concurrence territoriale s’instaure (la Lorraine est aussi avantagée par sa géographie et ses capacités d’import-export). Les usines de l’Ondaine doivent se diversifier ou se spécialiser (des pièces pour la marine, la métallurgie lourde, des cordes de piano,...). 1 - En 1900, Zola est accueilli au château Dorian, séjour durant lequel il visite les aciéries Holtzer et se documente pour l’écriture de son ouvrage. Il y oppose les conditions inhumaines imposées par le capitalisme industriel et productiviste et l’utopique réussite sociale d’un système industriel coopératif, une utopie inspirée des ateliers et de la rencontre avec les ouvriers de l’Ondaine.

Unieux

Firminy

0 Usine Verdié Actuel Site Industriel de l’Ondaine

2 km

N

39


RÉVOLUTION : LE MOUVEMENT SOCIAL Avec l’essor industriel, une société nouvelle se crée dans la vallée de l’Ondaine. La classe ouvrière réagit aux nouvelles contraintes apportées par la Révolution industrielle, elle se mobilise pour faire accepter ses revendications (amélioration des conditions de travail, du salaire). La légalisation des syndicats en 1884 encourage le mouvement social au sein des houillères (La Fraternelle, organisation de mineurs avec plus de 5000 adhérents) puis des usines. Il faudra cependant attendre la fin du siècle pour observer une union entre les syndicats (1900 : grève de l’ensemble du bassin houiller de la Loire et 1906 pour la branche métallurgique).

Parmi les nombreuses grèves qui donnèrent à l’Ondaine le surnom de « vallée rouge » (la montée du socialisme explique aussi ce surnom), une est particulièrement connue. L’affaire du Brûlé1 le 18 juin 1869 connaît un retentissement national et est considérée a posteriori comme un événement marquant voire influenceur du mouvement ouvrier en France. Le mouvement social en Ondaine dépasse l’action revendicatrice : il traduit la forte solidarité de métier et nourrit une tradition ouvrière consciente de son poids politique par son nombre. 1 - À la Ricamarie, l’armée tire sur des mineurs grévistes et tue quatorze civils dont des femmes et des enfants.

Représentation (gravure) du paysage en 1870. L’usine Holtzer au Vigneron (Unieux).

La campagne environnante laisse entrevoir des collines aux versants nus, sans boisements. La rivière Ondaine a été déviée par un canal, un système de bief alimente l’usine. La vallée, enfumée, vit pour l’usine et le travail. 40 Source : J. Jacquemond, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine.


Le XIXème siècle est une période de développement : la population de la vallée augmente considérablement (immigration et plein emploi) ainsi que la production. 20 000

Firminy

PRODUCTION DE HOUILLE DE L’ONDAINE (en tonnes) 1850 - 1900

4500

16 000

10 000 6 000

2500 1500

Unieux Fraisses

2 000 1861 1872

3500

Le Chambon La Ricamarie

1881

1891

1901

500 1850 1860

1911

ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE 1861 À 1911

1870

1880

1890

1900

Source : Commère R., Mémoire d’acier en Ondaine, 2000.

RÉVOLUTIONS : INDUSTRIELLE / SOCIALE / PAYSAGÈRE Les révolutions en Ondaine sont multiples. Jusqu’à la première moitiée du XIXème siècle, l’Ondaine n’est pas encore véritablement entrée dans l’ère industrielle (les formes de travail son encore imprégnées du passé) mais les progrès sont fulgurants dans la seconde moitié de ce siècle. Les villes s’étoffent mais on est loin de l’archétype de la ville-champignon des villes-usines : l’habitat est encore très dispersé dans les campagnes (en 1851, sur 5345 habitants de Firminy, seulement 3356 vivent dans l’agglomération)2. Firminy, cité en expansion rapide, prend progressivement figure de petite métropole dans la vallée. La présence de houille et la possibilité d’acheminement d’acier permettent l’installation d’industries de transformation durables d’objets métallurgiques divers de petites à grandes dimensions, du boulon aux canons. Les découvertes techniques du travail du fer et de ses alliages semblent assurer une pérennité à l’Ondaine, vallée polyvalente stabilisée par deux piliers solides : l’exploitation des houillières et

la sidérurugie-métallurgie. Le développement ferroviaire est le facteur déterminant de l’essor industriel, mais ce nouveau moyen de locomotion ouvre aussi des perspectives sociales : une ligne de tramway ouvre entre Bellevue (Saint-Etienne) et Firminy en 1882 et sera prolongée en 1907 jusqu’au Pertuiset (le pont sur la Loire à Unieux achevé en 1842). Le dimanche, la population stéphanoise et celle de la vallée se rejoignent aux bords du fleuve. La Révolution industrielle en Ondaine ouvre des perspectives de travail pour les femmes qui travaillent aussi bien dans les usines (boulonnerie) que dans la chaîne de l’exploitation du charbon (les clapeuses, trieuses du charbon à sa sortie de terre). La révolution est également paysagère. L’utilisation du bois pour la mine (étayage et remblais) ou les usines provoque un déboisement des forêts alentour. La surface du sol se scarifie (carrières à ciel ouvert) et se couvre d’un urbanisme nouveau où les cheminées et leurs fumées noires créent une véritable forêt de brique dans le fond de la vallée. 2 - Selon J. Jacquemond, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine.

41


1.3 // Modernisme Le XIXème siècle est encore imprégné des modes de travail du passé, de la période proto-industrielle, même si dans la deuxième moitié de ce siècle la société est déjà en pleine mutation (nouveaux rythmes de travail, nouvelles relations humaines, expansion rapide et généralisée de l’urbanisme industriel,...). C’est sous la figure du modernisme que s’ouvre le XXème siècle, un modernisme qui touche toutes les facettes du fait urbain de la vallée, de l’organisation sociale à l’organisation urbaine et industrielle.

LE PERFECTIONNEMENT DU SYSTÈME INDUSTRIEL La modernisation des équipements et le souci de valeur ajoutée permettent à l’Ondaine de suivre deux orientations : la fabrication d’aciers spéciaux et la production de matériels de guerre (sa localisation loin des frontières et la personnalité de Frédéric Dorian, alors ministre au gouvernement de la Défense Nationale, favorise cette voie). L’usine Holtzer-Dorian produit la moitié du tonnage de l’acier fondu en France pendant la Première Guerre mondiale et livre jusqu’à 100 tonnes de produits par jour. La surface de l’usine est doublée sur la rive Sud de l’Ondaine, à Fraisses. La main-d’œuvre vient également de l’étranger (Afrique du Nord, Espagne, Portugal, Albanie, Grèce et même de Chine) : environ 6000 ouvriers et ouvrières travaillent dans l’usine vers 1918 (pour 1750 en 1914). Chez Verdié, à l’usine de Firminy, après l’arrêt du haut-fourneau en 1930, le projet de construction d’une tour de 53 mètres surmontant un puits de trempe verticale se dessine : en 1935, la sombre et haute silhouette de la tour de trempe prend place dans le complexe industriel dense de l’usine. Les usines Holtzer concentrent toute l’activité à Unieux et à Fraisses. Source : collection privée, V. Chatelin 42

La tour de trempe (canonnière après sa construction dans l’usine Verdié. Elle permet le traitement thermique de pièces longues par chauffement puis trempage). Source : J-P Bravard, L’Ondaine, vallée du fer.


FUSION DES USINES, UNIFORMISATION DU FOND DE VALLÉE En 1953, les aciéries Holtzer et Verdié sont ressemblées dans la Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire (CAFL). Cette fusion est bénéfique aux deux usines qui peuvent poursuivre leurs innovations, rationaliser leur production et se préparer à l’ouverture vers le marché européen. Cependant, elles perdent leur autonomie industrielle, soumises aux stratégies d’une nouveau groupe ; mais elles parviennent à garder leurs singularités respectives (production qualitative pour Holtzer et quantitative pour Verdié). Connu sous le nom de l’Usine de l’Ondaine, cet établissement sidérurgique et métallurgique est le deuxième de la moitié Sud de la France après le Creusot. Leurs productions d’aciers spéciaux s’adaptent à un panel large d’équipement pour l’aéronautique, le nucléaire (cuves), l’industrie lourde (laminoirs), la marine,... Mais la CAFL s’oriente aussi vers la sidérurgie fine grâce à l’évolution du laboratoire de recherche Holtzer en DRU (Département de Recherche de Unieux) : fabrication d’extrudeuses, de cordes de piano, de prothèses chiurgicales. L’usine de Firminy (Verdié) au début de la CAFL. Le fond de vallée n’est plus qu’indutrie. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.

La gamme d’acier ‘‘Uranus’’ possède une forte résistance à la corrosion chimique et marine. Les clichés montrent la fabrication d’une sphère d’exploration sous-marine (dans les usines puis en immersion). Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine. 43


UN MODERNISME URBAIN ET ARCHITECTURAL RÉVOLUTION URBAINE : LE CAS APPELOUS La modernisation des usines de l’Ondaine dessine un urbanisme industriel continu et dense dans le fond de vallée. Mais au regard de ce développement massif, les villes semblent avoir pris un certain retard. La ville et l’usine ont grandi l’une contre l’autre. Aussi, « la rationalisation de l’urbain était le pendant de la rationalisation des usines »1. Le projet de modernisation par la rénovation globale de la ville entrepris à Firminy avait pour objectif premier de faire disparaître les improvisations de la première période industrielle où les annexes de l’usine (le logement, les services) passaient après celle-ci. L’arrivée en 1953 de Eugène Claudius Petit est un tournant décisif pour la ville appelouse. Le quartier Firminy-Vert, hors du commun, doit son origine à deux acteurs principaux. Il est effectivement le fruit du labeur, peu reconnu aujourd’hui, de celui qui fut maire de Firminy entre 1953 et 1971, Eugène Claudius Petit, et de sa rencontre avec l’architecte Le Corbusier qui l’a inspiré dans un premier temps puis qui est venu apposer sa marque, comme une clef de voûte à l’édifice urbanistique.

ATTEINDRE LE BONHEUR SOCIAL PAR L’ARCHITECTURE ET L’URBANISME Une délégation appelouse vient trouver Claudius au Ministère. De cet appel s’ensuit une visite dans la ville noire de Firminy et une promesse d’action de la part du Ministre. Élu en 1953, il a l’ambition de créer une ville nouvelle : dans cette vallée charbonneuse, dans cette ville noire, sur-urbanisée, taudifiée et vieillie, tout à coup, on envisage de fabriquer de l’espace. Le quartier s’érige autour des principes de la Charte d’Athènes ‘‘espace, soleil, verdure’’ : une échelle humaine agréable, des espaces verts, des logements avec leurs prolongements sociaux et des services (écoles, commerces, lavoirs,...). Le confort et la modernité arrivent enfin dans la vie ouvrière. 44

Dessin préparatoire pour l’église Saint-Pierre par Le Corbusier (1962) Source : catalogue de la Biennale Internationale du Design, 2000.

1 - G. Gay, La ville industrielle, de l’exception à la banalisation. 2 - C. Lauras, Firminy-Vert, de l’utopie municipale à l’icône patrimoniale.


UN QUARTIER À L’ESPRIT DE LA CHARTE D’ATHÈNES La Charte d’Athènes naît suite au quatrième CIAM organisé en 1934. Ces Congrès Internationaux d’Architecture Moderne ont eu pour finalité de 1928 jusqu’en 1959, date à laquelle l’organisation se dissout, de réunier les principaux acteurs du mouvement moderne en architecture. Le Corbusier, par ses réalisations et ses théories, est l’un de ses plus actifs représentants. Principal inspirateur et rédacteur de la Charte d’Athènes, Le Corbusier signe là une synthèse de ses théories urbanistiques. Après 1945, la Charte d’Athènes devient l’ouvrage

QUELQUES PRINCIPES CORBUSÉENS

de référence pour de nombreux architectes dans une période de Reconstruction nationale, comme un outil, un instrument pour planifier la rénovation urbaine. 95 articles y sont énoncés selon les quatre fonctions de la ville : habiter, travailler, circuler, se cultiver/se récréer (le corps et l’esprit). Firminy-Vert respecte les grands principes de cette Charte, comme par exemple le zonage des fonctions, la présence de plus de 88% d’espaces verts, la hiérarchisation des voies, la verticalité (libérer l’espace et favoriser la lumière).

Le Modulor : système de proportions (unité de mesure) fondé sur la mesure du corps humain. Silhouette standardisée qui sert de référence à la conception dans la recherche des dimensions idéales au confort de l’homme dans son espace de vie. Une architecture normée capable de répondre aux besoins notamment ceux induits par le logement : la maison est une machine à habiter. Elle allie le confort, l’utilité et l’esthétique nécessaire à l’esprit et au corps. Un espace libéré au sol et dans les airs (pilotis et toit-terrasse) pour accueillir de nombreux usages. La souplesse de la structure avec le plan libre et la façade libre (suppression des murs porteurs au profit d’un système de dalles et poteaux à l’intérieur de la structure. Prouesse architecturale possible grâce à l’utilisation de matériaux nouveaux comme le béton armé). Grâce à l’allègement de l’ossature, des fenêtres en bandeau peuvent courir sur toute la longueur du bâtiment offrant un cadrage panoramique sur la nature et laissant entrer la lumière dans le logis.


Grand prix national de l’urbanisme

EUGÈNE CLAUDIUS PETIT

Le Corbusier (à gauche) et Eugène Claudius Petit

Eugène Petit naît à Angers en 1907. Cet autodidacte (ouvrier ébéniste de formation) doit sa carrière politique et sa passion de l’urbanisme à son engagement dans la Résistance (où il se choisit le surnom de Claudius auquel il restera attaché). Représentant du mouvement Franc-tireur, il rencontre à Alger André Sive (architecte issu du Mouvement Moderne et membre des CIAM) et de Marcel Roux, qui indirectement lui font connaître Le Corbusier et ses théories, ce qui représentera un choc architectural pour ce passionné d’urbanisme. Arrivé au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme en 1948, Claudius cherche à instaurer ce moderniste urbain. Il est très attaché à l’aménagement du territoire et à la décentralisation : il n’aura de cesse durant sa nomination du Ministère de rééquilibrer le territoire français (suite au diagnostic de Jean-François Gravier, 1947, ‘‘Paris et le désert français’’). Il s’efforce de favoriser le développement industriel et culturel des territoires oubliés. Il s’inspire de la Charte d’Athènes pour poser « les bases d’une politique du logement efficace, se fondant sur une approche globale des déficiences architecturales et urbaines en France »1. Concrêtement, durant son mandat, il élève considérablement le rythme de la construction de logements par an (120000/an après 1953 alors que 40000 en 19482) et mène une chasse acharnée à l’habitat insalubre. Dans le contexte national fragile de l’après-guerre, Eugène Petit tente de faire-valoir les idées de standardisation, de normalisation et de préfabrication (une innovation peu approuvée par le gouvernement d’alors, réticent à l’utilisation du béton armé). Mais c’est à Firminy, qu’Eugène Claudius Petit pourra mener à bien son dessein d’urbaniste : Firminy-Vert deviendra le terrain d’expérimentation et d’application de ses politiques et de ses aspirations.

Genèse du quartier de Firminy-Vert

Eugène Claudius Petit est élu maire à Firminy, une ville restée dans le XIXème siècle. Il imagine une thérapie par l’urbanisme avec la création d’un quartier qui suit les préceptes de la Charte d’Athènes. Les architectes Charles Delfante, Marcel Roux, André Sive et Jean Kling l’accompagneront dans ce projet.

Le choix du vocable Vert traduit l’intention des dessinateurs du projet d’opposer ce nouveau quartier à la ville noire mais de le concevoir comme une extension directe de la ville. Firminy-Vert « est pensé comme un paysage », un décors pour ses nouveaux acteurs : les habitants. Le nombre d’or (tracé régulateur) est utilisé pour la recherche d’un équilibre dans la composition.

1953

1961

Source : archives de la ville

LE CORBUSIER Charles Édouard Jeanneret naît en 1887 en Suisse. Graveur-ciseleur sur montres de formation, il se tourne vers l’architecture et entreprend une période de voyages en Europe centrale et autour de la méditerranée pour acquérir une culture visuelle. En 1920, il se choisit le surnom Le Corbusier et commence une carrière prolifique, nourri des modèles d’architectures antiques et conscient du contexte moderniste qu’il convient de créer après les bouleversements induits par la Révolution industrielle. Il sera à la fois architecte, écrivainthéoricien, peintre, urbaniste et sculpteur. Il est l’un des représentants du mouvement moderne avec l’application dans ses projets de ses concepts de fonctionnalisme et d’architecture ‘‘standard’’ en phase avec la nouvelle société urbaine. Il meurt en 1965 sans avoir vu certaines de ses œuvres achevées.

Plus de 1000 logements Taudis de Firminy (source : Épures)

Le grand ensemble de Firminy-Vert construit entre 1959 et 1961. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.


Claudius confie à son ami de longue date, Le Corbusier la construction de plusieurs monuments destinés à l’achèvement du quartier : un centre civique, lieu de récréation du corps et de l’esprit, et une unité d’habitation. L’architecte esquisse les projets mais décède avant de les voir réalisés. À sa mort, André Wogenscky et José Oubrerie poursuivent son Œuvre architecturale et suivant scrupuleusement ses plans originaux.

1965

1966

1967

Le stade et ses gradins La maison de la culture

Publicités pour l’Unité d’Habitation : le changement de la condition humaine, de la ville noire au confort moderne (campagne de sensibilisation lancées par l’OPHLM de Firminy).

Perte de Eugène Claudius Petit aux élections municipales

1971

(source : http://lewebpedagogique.com)

1973 - 1978

La piscine L’Unité d’Habitation

L’église Saint Pierre (première phase de construction)

1983 Sous-occupée (260 logements vides), l’aile Nord de l’Unité d’Habitation est murée. RÉCEPTION DU QUARTIER

Éduquer et responsabiliser les habitants. Une collaboration avec Iannis Xenakis : les façades se lisent comme une partition. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.

Alliance de l’individuel et du collectif dans la cité verticale (414 logements, une école dans le ciel sur le toit-terrasse) Le projet de deux autres unités avait été envisagé mais ce chantier ne verra jamais le jour. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.

Le Firminy-Vert imaginé ne correspond pas réellement aux habitants (incompréhension d’un urbanisme trop moderniste, qui ne ressemble pas aux codes de l’époque, pour des populations immigrées ou venues des campagnes alentour). Une forte communication se met en place pour éduquer une population à ces nouvelles formes et fonctions urbaines. L’histoire de cette église illustre bien la volonté de Eugène Claudius Petit de faire reconnaître Le Corbusier et son travail. Le chantier est arrêté plusieurs fois (désengagement politique et financier). Surnommée le blockhaus alors que seule sa base est sortie de terre, l’église ne sera achevée qu’en 2006 grâce aux interventions répétées de Claudius et sa fondation des Amis de Le Corbusier. L’église Saint-Pierre est l’un des rares monuments a avoir été classé Monument Historique avant sa finition : en 1996, sa nomination permet au chantier de reprendre. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.

1 - B. Pouvreau, Les faiseurs de villes, p.148 2 - id.


Le site aujourd’hui. Une ville industrieuse enclavée qui s’ouvre et se modernise par l’architecture : à partir de ce moment, Firminy possède un visage, une image : le legs encombrant (C. Lauras, 2014) de Claudius Petit sera moteur d’une grande politique de patrimonialisation jusqu’à la reconnaissance ultime de l’UNESCO en 2016 du Site Le Corbusier. (Source : mairie de Firminy)

La Corniche

La Maison de la Culture Le Stade

UN QUARTIER VERT POUR UNE VILLE NOIRE : MAIS QUELLE VERDURE ? Firminy-Vert est né d’un mouvement hygiéniste et fonctionnaliste : la ville doit devenir blanche dans un écrin de verdure. Eugène Claudius Petit a mené cette bataille urbaine, c’est un « maire disposant de ses anciens réseaux de ministre, réalisant à l’échelle locale ce qu’il n’a pu achever à l’échelle nationale » (C. Lauras, 2014). Il y développe alors sa vision, partagée avec les partisans de la Charte d’Athènes, de l’urbanisme mais aussi du paysage. Effectivement, les espaces verts et le paysage sont « si bien intégrés au projet initial que les concepteurs ont du mal à accepter l’intervention de spécialistes », sous-entendu d’un paysagiste (C. Lauras, 2014) alors que le métier existe depuis les années 1940. D’ailleurs cela peut se voir dans la conception et le vocable employé : les espaces sont libres, ouverts mais jamais désigné comme verts. 46

Rejeté par le mouvement moderne qui donne une grande place à l’architecture et à l’urbanisme, il n’y aura pas de paysagiste pour ce quartier Vert. Dans le quartier, c’est la quantité d’espaces libres qui importe sur la qualité de ces espaces. La verdure préconisée dans la Charte d’Athènes est un remède aux maux des villles (filtre à airs et sons des usines, lieu de récréation) : « soleil, espace, verdure », à l’extérieur et le logement par l’orientation réfléchie des immeubles et leurs ouvertures panoramiques. Le Vert du quartier de Firminy a été une source de conflit entre les acteurs du projet (cette matière vivante doit être entretenue mais ni la ville ni l’OPHLM ne souhaitait pas s’atteler à cette tâche) et ceux qui devaient le faire vivre, les habitants. Les espaces libres devaient être mis à disposition des habitants mais aucune appropriation n’a transformé ces lieux figés dans leur esthétique de départ.


DÉCLIN PROGRESSIF DE L’ACTIVITÉ MINIÈRE

L’Unité d’Habitation

Le Grand H

L’église Saint-Pierre La piscine

Au début du XXème siècle, les deux sociétés minières de l’Ondaine (la Compagnie des mines de Roche-le-Molière Firminy et les Houillères de Montrambert-la-Béraudière) affiche 45% de la production totale du bassin houiller de la Loire. La nationalisation des houillères en 1946 réorganise le bassin mais les puits s’amenuisent et ferment progressivement malgré les grèves, jusqu’à la fin complète de l’activité en 1983. On reconstruit alors le paysage : les puits sont bouchés et de nombreux chevalements et annexes minières sont démantelés. La mine est enterrée et oubliée. La seconde moitié du XXème siècle n’est plus associée à l’ère du charbon. C’est le début d’une nouvelle façon de produire, de travailler et de consommer.

VERS PAYSAGE MODERNE Le XXème siècle se vêt d’un paysage résolument moderne. L’urbanisme traduit une idée de nouveauté et de confort : accessibles à tous, les grands ensembles de Firminy-Vert soulignent la topographie des versants pendant que, dans le fond de vallée, les techniques de production évoluent en faisant sortir de terre de nouvelles architectures industrielles. Sur un tout autre registre architectural et urbanistique, ce qui a été réalisé à Firminy-Vert me rappelle l’œuvre de Friedensreich Hundertwasser à Vienne. Un immeuble, HLM, conçu artistiquement avec une attention à l’écologie. Dans ces deux cas, l’aménagement urbain est pensé en fonction des futurs habitants (en prenant en compte leurs revenus souvent modestes) et selon l’idée d’un environnement végétal et paysager nécessaire à l’architecture. Ces deux exemples illustrent également un modernisme sociétal où le logement collectif devient une belle utopie.

1983, Hundertwasserhaus à Vienne (Autriche). Des arbres locataires. Un logement social à l’allure de la cité radieuse, les unités d’habitations de Le Corbusier. Source : www.wien.info

47


1.4 // le temps des fermetures Il n’est pas simple de poser une date précise au commencement du processus de désindustrialisation en Ondaine. Il n’y a pas eu un élément déclencheur mais une combinaison de facteurs qui ont participé à la réduction des activités dans la vallée, à commencer par la fermeture des houillères énoncée plus tôt. Plusieurs dates illustrent les différents coups durs qui ont marqué la branche métallurgique mais aussi les problématiques nationales qui se sont répercutées à l’échelle locale. ANNÉES 1970, UN CONTEXTE NATIONAL ET EUROPÉEN INQUIÉTANT La sidérurgie française connait une période difficie à la fin des années 1960 : les demandes diminuent, elle manque de compétitivité et la concurrence des produits importés devient une réalité. En 1968, la CAFL fusionne avec la SFAC (Société des Forges et Aciéries du Creusot), une filiale de Schneider. Une partie du personnel est transférée et l’Usine de l’Ondaine se voit retirer des ateliers (laminage à chaud). La rationalisation insufflée par l’échelle nationale atteint son paroxisme en 1970 quand la CAFL est intégrée dans le groupe CreusotLoire. Les spécialités et le savoir-faire reconnu de l’Usine de l’Ondaine sont sauvegardés mais n’empêchent pas les licenciements. L’Usine de l’Ondaine est effectivement avantagée par ses locaux (la présence de la tour de trempe permet la conservation de la fabrication de produits longs) et ses techniques (dans la branche mécanique, le procédé d’extrusion s’ouvre au marché agroalimentaire et obtient en 1975 le Grand Prix du Génie Alimentaire). Le potentiel technique de Firminy est aussi sollicité pour la fabrication des cœurs de voies en collaboration avec la SNCF (systèmes d’aiguillage pour la France mais aussi à Chicago, Mexico, Le Caire,...). Dans les années 1970, l’industrie en Ondaine est très compétente et performante mais elle est aussi restructurée et appartient à un complexe multinational, en quête de rentabilité financière. Les pouvoirs de décision s’éloignent de l’Ondaine alors 48 que localement, d’autres problématiques pointent.

L’USINE DE L’ONDAINE MISE À MAL PAR DES DIFFICULTÉS LOCALES Les atouts de cette grande usine de l’Ondaine sont reconnus : une qualité exemplaire obtenue grâce à des contrôles réguliers tout au long de la chaîne de production. Les ouvriers sont qualifiés (le lycée Holtzer est une pépinière d’ouvriers et de techniciens). L’édification du quartier de FirminyVert doit fixer une main-d’œuvre qui se raréfie, mais les campagnes alentour ont depuis longtemps vidé leur réservoir démographique et les délocalisations d’ateliers ont entraîné le départ des travailleurs. À cette décroissance démographique s’ajoutent des retards liés aux transports. Le train ne suffit plus à désenclaver la vallée et il faut attendre la construction de l’autoroute entre Givors et Firminy après les années 1970 pour permettre l’export de convois exceptionnels. Enfin, l’Usine de l’Ondaine semble s’accrocher à un fonctionnement passéiste en opposition avec la logique libérale et le contexte de mondialisation. Par exemple, il existe un manque de services associés à la production (aides aux clients). L’Usine ne possède qu’un simple catalogue. 1983, LA FAILLITE DE CREUSOT-LOIRE Les années 1970 représentent pour l’Ondaine le début des années noires. La mythologie de la puissante industrie entretenue par les maîtres de forges rend le traumatisme de la crise encore plus grand. Le scénario de désindustrialisation sélective touche une à une les différentes branches de la


Tour de trempe

La Ga mpill e

Usines de Creusot-Loire Ondaine en 1975 : dites anciennes usines Holtzer et Verdié. Source : R. Commère, Mémoire d’acier en Ondaine.

métallurgie. La vallée industrielle entre dans un lent processus de désagrégation de son complexe usinier sous le climat tendu des revendications syndicales et de l’inquiétude ouvrière. CreusotLoire tente de se sortir de la crise en créant des micro-filiales, mais ces petites usines, vulnérables, seront dans la majorité sans lendemains. En 1983, Creusot-Loire cède l’Usine de l’Ondaine à USINOR et l’année suivante le démantèlement du complexe sidérurgique, fatal pour de nombreux ateliers (on passe de 5270 emplois en 1973 à 2900 dix ans plus tard1). La fermeture du puits Pigeot à la Ricamarie, cette même année 1983, marque la fin de l’extraction du bassin houiller de la Loire. 1994, EXIL DU LABORATOIRE DE RECHERCHE DE L’ANCIENNE USINE HOLTZER Le Ministre de l’Industrie de l’époque décide la revalorisation du laboratoire hérité de l’usine Holtzer (> DRU > UNIREC > IRSID : Institut National de Recherche Sidérurgique) en Lorraine. Cet exil represente pour l’Ondaine la perte d’un élément traditionnel doté d’une réputation d’excellence : l’expression du savoir-faire local et de l’innovation ne se lit plus que dans les quelques entreprises résistantes.

APRÈS LES ANNÉES NOIRES, LES RESCAPÉS Côtoyant de près les nombreuses friches industrielles, quelques entreprises performantes se maintiennent comme héritières de l’aventure sidérurgique et métallurgique de la vallée : l’établissement C3F ( Compagnie Française des Forges et Fonderies), Usinor-Inox, ou encore Clextral (Creusot-Loire Extrusion Alimentaire) et Forcast. La société Tecphy intègre C3F en 1993 (une filiale du groupe Aubert & Duval). Les restructurations répétées et les départs de nombreuses entreprises dévoilent à la fin du XXème siècle un archipel d’unités autonomes, spécialisées dans un niveau de haute technologie dont les plus importantes demeurent : - Clextral à Firminy : leader mondial dans son domaine d’extrusion. - Aubert & Duval à Firminy : aéronautique, défense,... - Forcast à Fraisses : qualifié dans la fabrication de petits cylindres de laminoirs. En 1998, le groupe suédois Äkers reprend la société (l’usine sera fermée en 2010, avec 120 employés, mettant fin à l’héritage vivant des Holtzer). 1 - G. Gay, La ville industrielle, de l’exception à la banalisation

49


Dynamitage du Puits Charles, le 1er juillet 1986 à Roche-laMolière. Source : www.forez-info.com

LA CRISE DE L’EMPLOI INDUSTRIEL, LES INCIDENCES SUR L’URBAIN, L’URBANITÉ Les villes et particulièrement le quartier neuf de Firminy-Vert connaissent aussi les répercussions de la désindustrialisation. La crise de l’emploi des années 1970-80 dans la région provoque une chute de la demande de logements. L’image du quartier se dégrade, les classes moyennes s’en vont. La municipalité décide de murer la moitié Nord de l’Unité d’Habitation et de fermer ‘‘l’école dans le ciel’’. À cette époque, à peine vingt ans après avoir été dessiné, Le Corbusier est déjà un patrimoine menacé et vivement critiqué (rejet du mouvement moderne dans l’art).

FAIRE LE DEUIL L’évanouissement de la culture et de l’identité ouvrière commence avec la dislocation du complexe industriel de l’Ondaine, la disparition des ateliers et de certaines spécificités. Le démantèlement des architectures de l’industrie concerne tout d’abord la mine : les chevalements sont les premiers concernés, puis les usines. À Unieux, l’oubli de l’industrie se solde par une tabula rasa : en une année le parc industriel disparait pour accueillir la future déviation routière du centreville. Pour mémoire, ce lieu garde la nomination de ‘‘Parc Holtzer’’ mais dorénavant, seule l’usine au Nord de Fraisses (l’actuelle friche Äkers) conserve l’architecture des industriels d’hier. Malgé tout, la présence d’entreprises encore performantes dans la vallée fait mentir ceux qui pensent que la métallurgie n’aurait pas plus d’avenir que la mine. Le changement des techniques de production ne semble pas avoir estompé une tradition industrielle de longue date. La Révolution suppose un renouvellement : après les lourdes crises, un nouveau départ pour l’Ondaine pourrait se dessiner avec ces entreprises innovantes héritières d’un savoir-faire local authentique. 50

Le Sud de la commune d’Unieux, l’héritage des usines Holtzer, en 1989.

Le même endroit en 1991 : effacement d’un pan de l’histoire. Source : Remonter le temps / Géoportail


1

2

Un paysage industriel dans un écrin rural, la vie quotidienne se tourne vers le fond de vallée, obstruée par les établissement sidérurgiques.

2013

1942

3

Un paysage industriel mité par des friches et entouré par une ville nouvelle à l’assaut des versants. L’empreinte du complexe industriel s’amoindrit.

DES PROPRIÉTAIRES DE PLUS EN PLUS LOINTAINS

VERS UNE NOUVELLE MANIÈRE DE VIVRE LA VALLÉE

En 1998, le suédois Äkers (filiale d’Altor) acquiert l’établissement de Forcast, l’usine héritière des locaux d’origine et du savoir-faire Holtzer. Elle se spécialise dans la fabrication de cylindres pour les laminoirs. Malheureusement, l’usine ferme en 2010 et la société est toujours en situation de liquidation judiciaire de nos jours. Le site est donc toujours la propriété de cette société lointaine à qui le devenir de cette friche appartient. L’éloignement des centres de décision provoque dans ce cas précis une inaction nuisible au territoire : la friche Äkers (1) pose de nombreux maux urbains (une césure privatisée entre Unieux et Fraisses), sociaux (la vision des bâtiments délabrés rappelle constamment les souvenirs des fermetures d’usines), environnementaux (les sols sont pollués et la rivière pourrait retrouver une plus grande liberté). Ajoutons que cette friche possède des vestiges industriels archéologiques de grande valeur comme la dernière cheminée encore debout qui fait écho à « la forêt de celles qui hérissèrent le paysage jadis » (R. Commère).

La transformation du système urbain habité avait commencé à Firminy dans la vallée de l’Ondaine avec l’arrivée de Claudius Petit et de son ambitieux quartier de Firminy-Vert (2) comme illustré plus haut. Cependant, à partir des années 1970, les modes d’habiter changent à l’initiative des habitants. Les envies d’individualité font éclore une forme nouvelle : le pavillon. Un habitat dispersé, sous forme de lotissements, colonise les versants de la vallée. Cette urbanisation hors de la ville est particulièrement visible à Fraisses (3) et à Unieux. On ne vit plus la vallée comme avant. La construction de l’autoroute en 1968 (actuelle N88) change définitivement le rapport à la vitesse en ville et dans la vallée : cette dernière est traversée mais ne fait plus véritablement escale, reliant les territoires de Haute-Loire à Saint-Etienne, grande ville influente. Cette voie rapide (/) coupe littéralement la vallée, tantôt enterrée sous la ville (Firminy), tantôt suspendue dans les airs (la Ricamarie). 51


Ce qu’il faut retenir de l’histoire de la vallée de l’Ondaine TERRITOIRE DE L’INDUSTRIE

ÉVOLUTION DES PAYSAGES

Les villes de l’Ondaine sont issues de l’activité industrielle. Elles lui doivent leur essor, leur développement, leur reconnaissance mais aussi leur décroissance. L’industrialisation de cette vallée rurale a érodé le lien entre la société et le milieu naturel : le progrès a détaché les hommes des torrents, force naturelle, vers un fond de vallée qui fut transformé, équipé, artificialisé. En trois siècles, le rapport au sol et au socle change radicalement : on creuse, on déplace la terre, on crée de nouveaux reliefs. Le paysage devient majoritairement dessiné par l’homme et ses activités. Avec l’exploitation du sous-sol et l’utilisation massive du sol, « le sol sur lequel nous vivons n’est plus un sol naturel mais un sol culturel sur lequel nous continuons à intervenir » (B. Ceysson, Bassin houiller de la Loire, penser un territoire).

Les phases paysagères de l’Ondaine révèlent des époques qui se sont distinguées par le rapport d’une société à son environnement. Ces paysages ont été influencés par la cohabitation entre acteurs privés et acteurs publics, tous sculpteurs de formes et d’espaces. Les acteurs privés ont longtemps organisé le territoire et la société (paternalisme industriel) et dans le cas de Firminy, l’acteur plublic, Claudius Petit à changer radicalement le visage de la ville (une influence qui se ressent aujourd’hui à l’échelle de la vallée entière).

PHASE 1 / le temps de la ruralité et de la proto-industrie

Maintien d’un paysage naturel, rural, doté de petits villages traditionnels. La région est menacée par le déboisement. L’animation proto-industrielle se trouve dans les vallons. 52

PHASE 2 / Révolutions


PHASE 3 / Modernisme Un modernisme paysager avec l’appartition de nouvelles formes urbaines (Firminy-Vert) et de nouveaux repères dans la vallée : des phares d’acier témoignent du savoir-faire local unique (tour de trempe).

Une révolution paysagère avec l’établissement d’une société profondément urbaine où l’industrie régit l’espace et la société : les villes se transforment à grande vitesse sous les yeux de leurs habitants. Le paysage de l’industrie vient « s’imposer à la lisière d’un monde rural » (J-C Bailly, Changement à vue, 2015).

Source : collection privée, V. Chatelin

Dans la ville, les taudis

Contraste entre la ville ancienne et le nouveau quartier blanc, vert, moderniste de Firminy. Source : fonds photographique Eugène Claudius Petit - dans l’ouvrage de C. Lauras, Firminy-Vert, de l’utopie municipale à l’icône patrimoniale.

Des fractures urbaines et industrielles dans le fond de vallée apparaissent. L’urbain s’étend loin des centres, le long des versants. Ce sont les prémisses du paysage contemporain avec ses composantes ni urbaines ni rurales : le périurbain grandit dans une logique individualiste alors que dans le fond de vallée et dans la ‘‘vieille ville’’, des lieux se vident, s’enfrichent et perdent leur caractère collectif, commun.

le temps des fermetures / PHASE 4

Source : Société d’Histoire de Firminy, cliché des années 1960.


2

LA VALLÉE AUJOURD’HUI Les villes face aux enjeux de décroissance, le dialogue effacé au territoire vécu collectivement

Les mutations actuelles concernent les évolutions récentes depuis le temps des fermetures des grands complexes industriels et de la partition de ce système (cf : 1/1.4). Ce focus sur l’histoire contemporaine permet de saisir le contexte social, politique et urbain qui s’associe à cette période de ‘‘décroissance’’. L’affaiblissement économique de la vallée de l’Ondaine se couple des difficultés d’intégrer un héritage industriel lourd à porter.

2.1 // La décroissance urbaine en vallée de l’Ondaine au regard de la métropole stéphanoise DÉCROISSANCE URBAINE ? Ce phénomène de décroissance urbaine est tardivement conceptualisé et il apparait d’abord aux Etats-Unis dans les années 1970 (shrinking cities) puis en Allemagne vers 1980 (stradtschrumpfung) et ensuite en Europe au début du XXIème siècle1. La décroissance urbaine se caractérise par un double déclin, démographique et économique, qui affecte la structure de la ville et peut entraîner des maux urbains et sociaux. Ce phénomène de rétrecissement urbain se produit dans les territoires comme la vallée de l’Ondaine, en rupture avec un modèle passé industriel florissant. Dans ce cas présent, le processus de décroissance advient sur un grand territoire, pris dans son ensemble, une conurbation de cinq villes. La décroissance est tout d’abord démographique (1) : les trois plus grandes communes de l’Ondaine (Firminy, le Chambon-Feugerolles et la Ricamarie) ont toutes connu une forte baisse de population à la fin du XXème siècle, après les nombreuses fermetures d’usines. Fraisses mais surtout Unieux font exception : les deux villes voient leur population augmenter avec le développement d’un habitat pavillonaire dispersé dans leur cadre naturel et rural. Malgré tout, la vallée de l’Ondaine perd des habitants (déficit migratoire). 54

Deuxième symptôme, un déclin économique qui se traduit par une augmentation de la précarité, la fuite des emplois et un fort taux de chômage (en moyenne de 17,32 % en 2014, chiffres INSEE). Enfin, la décroissance démographique combinée au déclin économique provoquent ou sont provoqués par une déprise spatiale : la perte d’attractivité crée des représentations négatives du territoire qui font fuir l’arrivée potentielle de nouvelles populations ou activités. L’érosion de la fonction économique de l’Ondaine est la cause du déclin démographique dans la vallée : lorsque les grandes usines se partitionnent et disparaissent, les bassins d’emplois se dirigent vers d’autres territoires, redonnant à l’Ondaine une place périphérique. Face à ces constats plutôt pessimistes, il convient d’adopter un regard innovant pour penser la décroissance urbaine non pas comme une contrainte mais comme une opportunité dans la recherche d’une nouvelle fabrique de la ville : trouver des solutions adaptées au ‘‘rétrécissement urbain’’ pour répondre aux maux sociaux, économiques et paysagers). 1 - Cunningham-Sabot E., Roth H., Fol S., définition de la décroissance urbaine sur Hypergéo (2014).


1

Évolution de la population des cinq communes de la vallée : depuis 1962 (date à laquelle les communes enregistrent en moyenne leur plus grand nombre d’habitants) jusqu’en 2015 (dernières données INSEE).

24 000 20 000

Firminy

16 000

Le Chambon-Feugerolles 10 000

La ville en décroissance n’est pas à l’arrêt : l’expression apporte l’idée d’un mouvement, d’un processus, d’une dynamique et donc d’une action possible pour inverser les tendances ou accompagner les villes vers une gestion de leur rétrecissement.

Unieux La Ricamarie

6 000

Fraisses

2 000 1962

1990

2006

2011 2015

PRINCIPAUX SYMPTÔMES DE LA DÉCROISSANCE URBAINE : LE CAS DE FIRMINY

affaiblissement économique

déclin démographique

Fort taux de chômage 20 %

Diminution de la population

image négative

de la population active des 15-64 ans

34 % part de la population de 60 et plus

Population vieillissante

déprise spatiale

Retraités : Ouvriers/employés : Cadres : Artisans commerçants : Étudiants :

perte d’attractivités économique et résidentielle

ZA 8

RN8

Centre-bourg Disparition des commerces des centres-bourgs Friches urbaines et industrielles

Diminution de la diversité socio-culturelle Vacance des logements des centres et banlieues Précarité et paupérisation

Déficit migratoire

Vallée de l’Ondaine

Sajnt-Étienne Métropole

Taux de pauvreté 19,9 %

indicateurs de précarité les plus élevés au sein de Saint-Etienne Métropole

Étalement pavillonnaire périphérique (restreint)

d’après données INSEE et Pôle Emploi.


Des taux de précarité élevés

LA VALLÉE AU SEIN DE SA MÉTROPOLE : LES ÉCARTS SE CREUSENT La métropole stéphanoise est la troisième plus grande métropole de la région Rhône-AlpesAuvergne après le Grand Lyon et la métropole de Grenoble. Saint-Etienne Métropole est déjà en difficulté si on la compare aux deux autres EPCI avec par exemple près de un quart de ménages vivant sous le seuil de pauvreté (soit environ 40 000 foyers)1 et une population vieillissante. Si on replace la vallée de l’Ondaine dans son territoire métropolitain, il apparait qu’elle concentre et cumule les difficultés socio-économiques. Alors que les difficultés sont constantes ou croissantes en Ondaine, elles ont tendance à s’atténuer dans la vallée voisine, celle du Gier qui s’étend à l’Est de Saint-Etienne jusqu’à Rive-de-Gier. Les taux de chômage, le sous-emploi et la part des jeunes sans qualification sont très élevés à la Ricamarie ou à Firminy2. La vallée de l’Ondaine est le territoire de Saint-Etienne Métropole où la précarité de l’emploi est la plus grande. Les centres anciens et les quartiers HLM (les logements sociaux hébergent près d’un tiers de la population dans les communes de Firminy, la Ricamarie et le Chambon-Feugerolles) sont les plus touchés par la précarité (monétaire et concernant l’emploi). Les difficultés socioéconomiques s’attachent donc au fond de vallée le long duquel les quartiers paupérisés s’accumulent ; alors que les périphéries accueillent une population plus aisée dans un habitat souvent individuel. Le quartier de Firminy-Vert fait partie de la liste de ces espaces très touchés par la paupérisation. 56

Score de précarité* par commune : 12 et plus de 6 à moins de 12 de 2,5 à moins de 6 de 1 à moins de 2,5 de -1 à moins de 1 de -5 à moins de -1 de -11 à moins de -5 moins de -11 non communiqué

Firminy Source : INSEE 2015, EPURES / EPORA 2016 * Le score de précarité élevé correspond à une concentration de ménages précaires (en termes de revenus et de difficulté en matière d’emploi).

À ces maux socio-économiques, on peut ajouter une dimension urbaine : la vacance commerciale et locative qui est assez conséquente dans la vallée de l’Ondaine (en 2010, Firminy-Vert possède une part de 17,42 % de logements vacants, soit 10 points supérieurs à la moyenne nationale de 7,7%). 1 - Selon INSEE : Saint-Etienne Métropole : la précarité concentrée dans les centres-villes, 2015. 2 - id. 3 - Données Iris, DataFrance.info


Une population vieillissante Part des personnes de plus de 75 ans :

pLus de 11% entre 8% et 11% entre 6% et 8% moins de 6%

Firminy Source : INSEE 2015, EPURES / EPORA 2016 VILLES VIVANTES / VILLES MORTES

Une vacance structurelle dans les villes Source : INSEE 2015, EPURES / EPORA 2016

13,5%

Taux de vacance locative dans les communes de l’Ondaine 8,7 % 7%

Firminy

La Ricamarie Fraisses

9,4 % 7,7 %

Unieux

Le Chambon-Feugerolles

La ville peut aussi plus généralement désigner ses habitants. Les expressions de décroissance ou de dévitalisation invitent à considérer la ville comme un organisme vivant ou un écosystème fragilisé ou vieillissant. Les villes de l’Ondaine sont nées de l’industrie, ont grandi mais peuvent-elles mourir ? La vacance, lorsqu’elle se fait structurelle et systématique invite à croire que la ville est morte par endroits, ou du moins ralentie dans ses dynamiques. L’enjeu principal semble donc être de redonner un mouvement à ces espaces en attente (vitrines vides et logements vacants), blessés (friches industrielles polluées) ou délaissés (vieux réseaux ferrés). Le déclin, la décroissance doit être perçue comme un élément déclencheur du changement (se relever et s’adapter) pour faire dialoguer les lieux vivants et les lieux qui périclitent et trouver à ces derniers une nouvelle dynamique. 57


2.2 // Lourds héritages d’un paysage industriel L’intégration de l’héritage industriel de la vallée de l’Ondaine n’est pas aisée. Le paysage industriel actuel ne reflète pas forcément une image valorisante comme cela a pu arriver par le passé : la fierté d’un système performant, novateur, laisse la place à une amère nostalgie lisible dans les espaces abandonnés. Les vestiges industriels que l’on peut lire dans le paysage actuel de l’Ondaine témoignent d’une identité locale forte, imprimée dans la mémoire des lieux. Quels sont les héritages de cette période industrieuse de l’Ondaine, les traces laissées, les souvenirs encore présents ? ORGANISATION FONCTIONNELLE DE LA VALLÉE

DE NOUVEAUX PAYSAGES

L’héritage industriel le plus fort des XIXème et XXème siècles est sans aucun doute le carcan urbain. La ville développée dans le fond de vallée présente l’organisation fonctionnelle décidée aux siècles derniers. De ce fait les espaces de la ville sont sectorisés selon leurs usages, leurs fonctions. Dense, le fond de vallée est soumis à de grands risques d’inondation : les industriels se sont jadis installés le long des cours d’eau pour tirer profit de cette ressource (biefs, utilisation pour le trempage des métaux) et de la surface au relief plat ; mais la rivière a ensuite été canalisée, enfouie sous les villes et les risques oubliés.

L’ère industrieuse transforme le paysage de la vallée autrefois profondément rural en un paysage industriel avec son esthétique propre et reconnaissable, ses architectures singulières qui emploient parfois un vocabulaire unique (la tour de trempe, rare édifice dans le monde). Les cheminées de briques des usines ainsi que les sheds sont les attributs du paysage industriel, une architecture vernaculaire des bassins industriels des XIXème et XXème siècles. Cette époque est également celle de l’anthropocène : les activités humaines ont significativement modifié les milieux et les paysages de la vallée de l’Ondaine. De nouveaux reliefs sont créés avec les crasses de l’industrie et les résidus de la mine (les terrils - localement nommés crassiers). L’industrie devient matrice du paysage (E. De Roux, 2000).

La tour de trempe, sombre amer paysager. Depuis Fraisses vers Unieux, le Site Industriel de l’Ondaine.

58


Le terril Saint Pierre à la Ricamarie a longtemps continué à fumer du fait de la combustion lente des déchets de charbon. Aujourd’hui, le site possède une activité double : le recyclage de matériaux et la production de schiste rouge (issu de la combustion de la matière organique présente dans les résidus provenant de l’exploitation minière).

POLLUTIONS DES EAUX, DES SOLS Les industries de jadis laissent de lourds handicaps environnementaux. De nature très polluante, les établissements rejettent des déchets qui s’immiscent dans le sol ou dans les nappes d’eau. Selon le site Basol (base de données qui référence les sites pollués en France), des activités actuelles sont toujours polluantes. La friche Äkers est classée très polluée pour ses sols et pour l’état de ses masses d’eau : des substances hautement dangereuses y sont présentes (hydrocarbures, TCE, Mo, sulfates, solvants,...). Le Site Industriel de l’Ondaine (Aubert&Duval, Clextral, Aperam,...) est également très touché par cette problématique avec une pollution de ses sols (fer, aluminium, hydrocarbure -HAP-, solvants). Les rivières de la vallée ont particulièrement été meurtries par les rejets de l’industrie (volontaires à une époque), ponctuels mais aux impacts de longue durée. Les écosystèmes ont été bouleversés

(disparitions d’espèces aquatiques). La mine a longtemps été contraignante. Les galeries sont inondées après la fermeture des puits. Lorsque ces dernières débordent, elles sont chargées en éléments ferrugineux et en manganèse. Les affluents se chargeaient de dilluer cette pollution mais les eaux rouges ont longtemps posé problème au Chambon-Feugerolles1. Le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) considère la qualité de l’Ondaine encore médiocre en 2010 et l’indice de peuplement piscicole mauvais. La rivière se jetant dans le fleuve Loire, cours d’eau sauvage et protégé, son état fut particulièrement problématique avant les mesures prises il y a moins de dix ans : une eutrophisation du milieu a menacé la retenue du barrage de Grangent et les impacts furent aussi touristiques (baignades à Saint-Victor-sur-Loire mises en péril). 1 - Il faut attendre 2008 pour voir la création de la station de déferrisation des eaux où elles sont traitées par décantations et filtres naturels plantés de roseaux.

59


HÉRITAGES ARCHITECTURAUX : QUELLES SOLUTIONS ? Après l’arrêt d’une activité se pose la question du devenir du complexe industriel (sidérurgique ou minier). Faut-il démolir ? Réconvertir et réhabiter ? Protéger ? En vallée de l’Ondaine, la mine spécifiquement a souffert de la politique de la table rase. La presque totalité des chevalements - attribut le plus fort de l’image de la mine -, a été démantelée. La démolition systématique des puits de l’Ondaine constitue le symbole de la volonté d’effacer la mine et la trace qu’elle a laissé sur le territoire après le choc de la fin de cette activité si structurante de la vie de la vallée. Il en est de même pour les cheminées de briques des établissements sidérurgiques. La reconversion des architectures héritées a souvent été privilégiée pour les complexes sidérurgiques qui s’accomodent des dimensions des entrepôts de jadis, ajoutent quelques hangars annexes selon les besoins de l’entreprise nouvelle. Nous évoquerons véritablement la question patrimoniale dans la suite du mémoire pour aborder la question du redéveloppement territorial.

Le Puits des Combes à la Ricamarie est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 2003. Il est l’un des rares survivants de la période des démolitions systématiques, sa situation géographique en retrait de la vallée, difficilement accessible, explique sûrement sa préservation involontaire. Mise sous cloche, cette architecture est désormais protégée mais aucun nouvel usage n’a encore permis sa renaissance.

Impacts multiples de l’arrêt d’une activité : les relations entre le site industriel, la population (ouvriers mais aussi habitants pour lesquels l’industrie est un paysage quotidien) et le territoire. Illustrations des étapes qui conduisent à l’acceptation du deuil de la fermeture et la compréhension d’une nécessaire reconversion par un redéveloppement territorial.

60


HÉRITAGE MÉMORIEL Le déclin de l’activité industrielle engage un changement de la société (tertiarisation modérée des activités en Ondaine). Plusieurs générations sont passées depuis les grandes fermetures mais l’histoire ne s’efface pas encore totalement dans les mémoires, on ne refoule pas l’image de la « vallée rouge », celle des luttes ouvrières. Dans le cadre d’un projet, cette richesse culturelle ne devra pas être oubliée : la mémoire industrielle doit tenir compte de l’habitus ouvrier.

«

La mine a laissé des traces physiques et immatérielles. L’effet nostalgique ou la revendication identitaire territoriale s’appuie volontiers sur les témoins matériels de la mine et sur les plus signifiants : bâtiments, chevalements,... Mais cette orientation de doit pas masquer ou occulter les témoins immatériels de la mine qui sont de nature culturelle comme l’action syndicale, la solidarité, les façons de dire et de faire, non seulement dans les lieux de travail mais aussi autour du travail, dans la vie de famille et les loisirs.

«

B. Ceysson, Bassin houiller de la Loire, penser un territoire.

Série photographique. La démolition orchestrée comme une mise en scène : la mine tombe dans l’oubli.

Le monument du Brûlé à la Ricamarie commémore le décès des victimes de la fusillade du 16 juin 1869, des mineurs grévistes. Un événement fondateur du mouvement ouvrier en France qui inspira de nombreux écrivains (Zola dans Germinal, Hugo, Aragon). MALGRÉ TOUT, L’ONDAINE INDUSTRIELLE Une spécificité en Ondaine demeure : l’industrie s’est considérablement amoindrie (production, emprise spatiale, importance culturelle locale) mais elle n’a pas disparu comme on peut tristement le constater dans de nombreuses villes où l’arrêt de l’activité a entraîné l’arrêt du territoire qui en dépendait entièrement (le cas des villes-usines où le système urbain existe par et pour l’usinemère : Crespi d’Adda à Bergame en Italie, Bataville en Moselle,... Pour ces cas, la reconversion est d’autant plus difficile que la ville ne peut se reposer sur d’autres secteurs d’activités). La vallée de l’Ondaine a connu des difficultés répétées en termes d’activités et d’emplois au cours son histoire récente, ce qui l’a amenée à transformer ses modes de production et son organisation afin que l’industrie ne s’éteigne pas. Elle est donc post-industrieuse mais toujours industrielle. 61


2.3 // partition spatiale et rythmes urbains Le Dorier Un peu comme l’étagement de la végétation en montagne, les occupations et les usages de la vallée de l’Ondaine se répartissent selon le relief. L’organisation fonctionnelle de la vallée se dessine en trois temps, en trois trames longittudinales : 1 - le fond de vallée industriel // consommer, travailler (ZI, ZA et équipements, habitat ponctuel). 2 - les versants urbanisés // habiter (centre-bourg et ses commerces de proximité, la nouvelle ville et ses lotissements pavillonnaires). 3 - les pentes et les plateaux ruraux, naturels // produire, se récréer (agriculture, sylviculture, loisirs verts). Cette partition de l’espace en espaces ruraux et en deux villes, l’une industrielle et l’autre habitée, influe les rythmes urbains de deux façons : - sur la vitesse inféodée à chaque espace : le fond de vallée est régi par le déplacement motorisé (dans une certaine mesure les lotissements des versants aussi avec l’utilisation massive de la voiture individuelle). Les plateaux sont associés à un temps beaucoup plus lent. - sur les temps de fréquentation des lieux de la ville : certains espaces sont quotidiennement utilisés (lieu de vie et de travail) alors que d’autres le sont exceptionnellement (loisirs : promenades le weekend dans la campagne environnante). Cependant, à partir d’une certaine heure, des lieux s’arrêtent. Le fond de vallée s’éteint au moment où les versants s’allument, à la fin d’une journée de travail.

A

Unieux

Fraisses

Aussi, selon les pratiques déployées dans chaque espace de cette vallée fragmentée, les temps urbains changent. Que se passerait-il si cette linéarité était perturbée ? Regarder la vallée de façon transversale invite à imaginer des usages diversifiés dans des espaces aujourd’hui monofonctionnels, à insuffler de nouveaux rythmes par de nouvelles pratiques (de nouveaux modes de déplacement), à créer un nouveau paysage hybride nourri de ces changements (une nature descendue des versants, un habitat dans le fond de vallée). 62


LE DIALOGUE EFFACÉ AU TERRITOIRE VÉCU COLLECTIVEMENT

Firminy-Vert

A’

Profil simplifié de la vallée. La densité du motif urbain diminue le long des pentes. (les échelles x et y sont différentes pour une meilleure lisibilité du relief).

Sauvage

Firminy

Jadis le rapport au territoire était essentiel pour les habitants et usagers de l’Ondaine. Le socle était exploité mais l’attachement au territoire pouvait se lire dans les formes habitées à proximité La Ricamarie immédiate des lieux de production : les châteaux édifiés par les patrons d’entreprise sont un parfait exemple du lien fort qui unit un industriel à son territoire mais aussi, Le Chambon-Feugerolles maquillé d’un paternalisme certain, à ses employés qui habitent à proximité avec lesquels il tisse une communauté de travail et une hégémonie industrielle territoriale. Un nouveau pan de l’histoire change 1ce 0 dialogue : le territoire se fractionne, des L’organisation fonctionnelle de espaces de ville nettement différenciés le composent. Des coupures brutes construisent une séparation entre ville habitée et ville industrielle. Le rapport s’efface entre la société et le Trajets quotidiens Le Dorier territoire vécu collectivement. L’attachement se fait désormais à la parcelle. Sans faire une critique des lotissements pavillonaires, qui restent le mode d’habiter préféré des français1, le périurbain est un symptôme de ce dialogue usé au territoire vécu collectivement. À l’environnement industriel L’Ondaine trop lourd du fond de vallée et ses fortes contraintes, les habitants préfèrent l’horizon RN88 industriel qu’ils en ont depuis les hauteurs. voie fer

Diffus / Systématique

1 - Davodeauétalement Hervé, Pauline Frileux, le bocage pavillonaire. Une pavillonnaire Compact ethnologie de la haie.

A 1 km

/D


2.3 // partition spatiale et rythmes urbains Le Dorier Un peu comme l’étagement de la végétation en montagne, les occupations et les usages de la vallée de l’Ondaine se répartissent selon le relief. L’organisation fonctionnelle de la vallée se dessine en trois temps, en trois trames longittudinales : 1 - le fond de vallée industriel // consommer, travailler (ZI, ZA et équipements, habitat ponctuel). 2 - les versants urbanisés // habiter (centre-bourg et ses commerces de proximité, la nouvelle ville et ses lotissements pavillonnaires). 3 - les pentes et les plateaux ruraux, naturels // produire, se récréer (agriculture, sylviculture, loisirs verts). Cette partition de l’espace en espaces ruraux et en deux villes, l’une industrielle et l’autre habitée, influe les rythmes urbains de deux façons : - sur la vitesse inféodée à chaque espace : le fond de vallée est régi par le déplacement motorisé (dans une certaine mesure les lotissements des versants aussi avec l’utilisation massive de la voiture individuelle). Les plateaux sont associés à un temps beaucoup plus lent. - sur les temps de fréquentation des lieux de la ville : certains espaces sont quotidiennement utilisés (lieu de vie et de travail) alors que d’autres le sont exceptionnellement (loisirs : promenades le weekend dans la campagne environnante). Cependant, à partir d’une certaine heure, des lieux s’arrêtent. Le fond de vallée s’éteint au moment où les versants s’allument, à la fin d’une journée de travail.

A

Unieux

Fraisses

Aussi, selon les pratiques déployées dans chaque espace de cette vallée fragmentée, les temps urbains changent. Que se passerait-il si cette linéarité était perturbée ? Regarder la vallée de façon transversale invite à imaginer des usages diversifiés dans des espaces aujourd’hui monofonctionnels, à insuffler de nouveaux rythmes par de nouvelles pratiques (de nouveaux modes de déplacement), à créer un nouveau paysage hybride nourri de ces changements (une nature descendue des versants, un habitat dans le fond de vallée). 62


Ville industrielle Ville habitée Hauteurs rurales N88 et ligne ferroviaire

La Ricamarie

L’Ondaine jusqu’à la Loire

Le Chambon-Feugerolles

Firminy

0

1

2 km

N

L’organisation fonctionnelle de la vallée

Firminy-Vert

Trajets quotidiens

Le Dorier

A’

Trajets exceptionnels

600 m

Firminy-Vert

Profil simplifié de la vallée. La densité du motif urbain diminue le long des pentes. (les échelles x et y sont différentes pour une meilleure lisibilité du relief).

Sauvage

550 L’Ondaine RN88 voie ferrée Diffus / Systématique étalement pavillonnaire

A

Rural Verticalité

500 450

Compact / Dense

A’ 1 km


3

DE NOUVEAUX RAPPORTS ATTENDUS DANS LE CONTEXTE MÉTROPOLITAIN La vallée périphérique de l’Ondaine, une pièce du puzzle des grandes orientations

Après avoir illustré la genèse de la vallée de l’Ondaine et son contexte social, urbain et économique actuel, il est temps de nous intéresser aux directions qu’elle entend prendre. Le devenir de cette vallée s’inscrit dans un schéma plus grand, celui de la métropole stéphanoise.

3.1 // Nouveaux dialogues territoriaux UNE MÉTROPOLE EN CONSTRUCTION Les cinq communes de l’Ondaine s’associent dès le début à la Communauté de Communes créée autour de Saint-Etienne. Cette dernière a longtemps rêvé du statut de métropole au point de s’en attribuer le nom bien avant d’accéder au statut, officiellement reconnu début 2018. Plus de compétences sont aujourd’hui accordées à ce grand EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale). La métropole stéphanoise jouit dorénavant de son statut et d’une certaine image redorée dans un rayonnement régional et même national ; mais elle doit répondre aux nombreux freins que nous avons vus précédemment (baisse de population, vieillissement de la population, précarité de certaines villes-centres,...).

1995

2000

2016

2018

Création de la Communauté de Communes autour de Saint-Etienne avec 22 villes membres.

La Communauté de Communes devient Communauté d’Agglomération.

Déjà dénommée ‘‘Métropole’’, elle devient Communauté Urbaine.

Au premier janvier 2018, elle obtient officiellement le statut de métropole avec 53 communes rattachées et plus de 400 000 habitants.

DATES CLEFS Construction de Saint Etienne Métropole (SEM) 64

Le projet d’agglomération pensé sur plusieurs années (2014-2020) vise principalement la relance économique et l’amélioration du cadre de vie. Cependant, la conquête d’une nouvelle représentation du territoire apparaît toujours en filigranne dans les grands axes de développement. Saint-Etienne Métropole souhaite renouveler son image de région minière et industrielle, la ville-mère a d’ailleurs déjà opéré ce retournement en devenant ville de Design. Quelles solutions sont envisagées pour l’Ondaine de la part de la métropole?


Migrations domincile-travail : migration par rapport au lieu de résidence jusqu’au lieu de travail des habitants de la vallée de l’Ondaine. Source : Épures.

EXTRAITS* DES GRANDES ORIENTATIONS ÉTABLIES PAR LE SCoT SUD LOIRE1 DEPUIS 2014 : LA GÉOGRAPHIE PRIVILÉGIÉE DE LA VALLÉE Depuis la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République), promulguée en 2015, les régions Auvergne et Rhône-Alpes n’en forment plus qu’une. Une limite administrative forte s’efface laissant entrevoir une frontière plus floue : la limite départementale. Cette dernière n’est pas un frein quant aux relations entre les territoires départementaux : nombreuses sont les personnes qui résident dans la campagne en Haute-Loire mais travaillent dans les villes de l’Ondaine, à Firminy et au Chambon-Feugerolles notamment [fig. 1]. La vallée de l’Ondaine offre donc une porte privilégiée de la métropole sur la Haute-Loire qui pourrait renforcer la cohésion entre les anciennes régions Auvergne et Rhône-Alpes. QUELLE PLACE RÉSERVÉE À L’ONDAINE ? La métropole stéphanoise vise des objectifs de cohésion territoriale en renforçant les projets intercommunaux. Une révision des PLU des communes de l’Ondaine s’oriente vers la création de PLUi (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal). Epures, agence d’urbanisme de la région stéphanoise, et Saint-Etienne Métropole accompagnent les communes vers l’élaboration de ces PLUi et dans les modes d’application des autres grands projets de développement (SCoT, SRCE,...).

Concernant le développement et l’environnement : - mettre en valeur des espaces de contact entre ville et nature en préservant les paysages ruraux et naturels. - valoriser le patrimoine et la qualité urbaine (sons, air, vie quotidienne). - intégrer les risques aux politiques de développement (inondation, risque minier et industriel). - garantir l’équilibre du cycle de l’eau (qualité, abondance, assainissement et restauration des milieux aquatiques). - une attention portée sur le changement climatique (réduction énergétique, adaptation) - économiser et protéger les ressources naturelles : un facteur d’attractivité économique et résidentielle (promotion d’une « nature ordinaire »). - trouver une interface avec le Massif Central. Pour l’Ondaine : « une logique de vallée à conserver » (tradition de coopération intercommunale encore bien présente, accompagner cette dynamique).

* Extrait du DOO (Documents d’Orientations et d’Objectifs) et du PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durables) 1 - Le Schéma de Cohérence Terriotrial est un document de planification visant l’élaboration d’un projet de territoire global et cohérent. Le SCoT Sud Loire regroupe 116 communes de la Loire.

65


3.2 // des patrimoines à (re)découvrir ou (ré)inventer ?

La notion de patrimoine possède une définition très large. Selon le Code du Patrimoine, le patrimoine est « l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique » (article 1). Cette définition sousentend qu’il s’agit bien d’un héritage et de son devenir : la conservation d’un patrimoine est une transmission aux générations futures d’un héritage considéré comme commun. Si on pose un regard juridique sur cette notion de patrimoine, on peut la diviser en deux : il existe un patrimoine reconnu (monuments, sites ou biens immatériels inscrits ou classés) et des valeurs patrimoniales (monuments, sites ou biens immatériels culturellement considérés comme patrimoine sur un territoire local par ses habitants). La patrimonialisation (processus par lequel un site, un objet ou une pratique devient patrimoine) peutêtre ainsi politique et juridique (patrimoine reconnu) et/ou sociale et culturelle (valeurs patrimoniales). Elle peut-être souhaitée par les habitants qui revendiquent un patrimoine jusqu’à le faire reconnaître (démarche bottom up) ou inversement, être voulue et décidée par des instances politiques (top down). La patrimonialisation des sites industriels est une action récente. L’architecture industrielle fut longtemps ignorée, voire méprisée, et elle n’est considérée comme potentiel patrimonial qu’à la fin du XXème siècle où les premiers sauvetages du patrimoine industriels adviennent (la politique de la table rase était appliquée presque systématiquement pour tenter d’effacer le deuil d’une époque révolue). 66

»

PATRIMOINE : VALEURS PATRIMONIALES / PATRIMONIALISATION

Dans le cas des friches industrielles :

Les friches sont de bons observatoires de la construction de la valeur patrimoniale, construction relevant désormais autant de procédures institutionnelles descendantes que de revendications portées par des acteurs porteurs d’une culture à valoriser (la leur ou celle de l’autre), la mise en patrimoine (en valeur plus qu’en statut) devient alors ce qui fait lien, entre les cultures [...], celles de ceux qui fréquentaient le lieu hier et ceux qui l’habitent aujourd’hui.

»

P. Roland et M. Sizorn, Mise en culture des friches industrielles

Dans la suite de ce mémoire, j’utiliserai donc la notion de patrimoine tant dans sa dimension légale et juridique (patrimoine reconnu institutionnellement) que dans son aspect culturel (valeurs patrimoniales). Je préciserai la distinction dans la dernière partie, dans ma proposition de projet. En effet, certains objets architecturaux pourraient faire l’objet d’une protection pour sauvegarder l’ensemble d’un lieu.


LIMITES DE LA PATRIMONIALISATION Muséifier un site, c’est inculquer une reconversion culturelle à une forme architecturale, autrefois destinée à d’autres usages, pour raconter l’histoire locale du lieu dans le contexte inchangé. Cette pratique permet indirectement de convertir un système productif vers un système touristique. La muséification se rapproche de la patrimonialisation dans le sens où le lieu ou l’objet considéré est jugé par la communauté comme digne d’être sauvegardé et légué aux générations futures. Il faut néanmoins être attentif à ce que la patrimonialisation ne soit pas qu’une apparence, vidée de son sens, de son histoire ou de son caractère mémoriel. La patrimonialisation doit faire résonner un site comme un lieu porteur d’une dimension symbolique et identitaire aux yeux des populations locales qui en ont hérité. Patrimonialiser ou muséifier doit se faire justement : le choix des sites et des espaces est important et une « mise sous cloche » généralisée serait peu intéressante. En ce sens, faire ressortir des valeurs patrimoniales est parfois préférable à la patrimonialisation institutionnelle : plutôt que de protéger un monument ou un site, on peut envisager de susciter son intérêt auprès de la population ou des élus : la sauvegarde devient évidente et respectée. On protège l’atmosphère d’un lieu, son inscription dans le paysage, sans nécessairement conduire une démarche de patrimonialisation. On connait l’engouement contemporain à transformer les friches et autres héritages industriels en espaces culturels. Mais la question essentielle à se poser avant d’envisager une telle reconversion est : que font l’art et la culture pour la ville contemporaine et quel serait le sens de les insuffler dans de tels lieux ‘‘patrimonialisables’’ par ce procédé de réhabilitation ?1 De telles réhabilitation prendraient-elles sens en Ondaine ?

DES EXEMPLES DE PATRIMONIALISATION D’HÉRITAGES INDUSTRIELS EN LIEU CULTUREL C. Lévêque

Le U4, le dernier haut-fourneau de l’usine d’Uckange en Moselle depuis le jardin des traces. Une architecture sidérurgique devient un lieu culturel et mémoriel.

Le Puits Couriot - Parc Musée de la Mine de Saint-Etienne. L’héritage minier devient un parc urbain aux portes de la ville, aux pieds des deux crassiers emblématiques du lieu. La Sucrière à Lyon, pôle principal de la Biennal d’art contemporain de la ville, le long des anciens docks.

1 - Lucchini Françoise (dir.), Mise en culture des friches industrielles.

J-P Dalbéra


UNE SPÉCIFICITÉ DANS LA VALLÉE : LE PATRIMOINE VIVANT Bien que l’ensemble de l’ancien bassin houiller de la Loire soit entré dans un processus de désindustrialisation, l’activité industrielle ne s’est pas enfuie pour autant. C’est une des grandes spécificités de la vallée de l’Ondaine : certains patrimoines y sont vivants. Un patrimoine est également vivant par les usages qu’il contient ou qu’il propose. // LE PATRIMOINE VIVANT PRODUCTIF : La vallée de l’Ondaine est un mélange complexe entre un paysage industriel hérité (friche Äkers, l’ancienne usine Holtzer, les anciens puits de mine et leur chevalements) et un paysage industriel actif (le Site Industriel de l’Ondaine, la zone artisanale des Prairies, la ZI le Pont d’Unieux...). Parmi ces industries présentes et actives, certaines comprennent des patrimoines architecturaux remarquables comme sur le Site Industriel de l’Ondaine sur les communes de Firminy et Unieux. Hérité de l’usine Holtzer et Verdié, ce complexe d’entreprises côtoie ou utilise toujours des bâtiments construits au siècle précédent d’une grande valeur historique et culturelle. La tour de trempe (inutilisée mais au cœur du site) est un ouvrage technique rare, et même unique en Europe, emblématique de la vallée et des savoir-faire industriels de la région. Son échelle monumentale et son statut de repère dans le paysage lui confèrent une valeur patrimoniale indéniable. De grandes halles d’usinage du début du XXème siècle aux architectures métalliques remarquables ou des aciéries servent quotidiennement aux entreprises actuelles. Ces dernières seraient d’ailleurs prêtes à intégrer le patrimoine dans leur objectif de développement. Elles constituent des acteurs potentiels forts pour envisager un projet de territoire. Une entreprise comme Clextral (héritière d’un savoir-faire local innovant : l’extrusion) envisage son agrandissement mais compte rester 68

dans la vallée mais en redorant son image au vu de son ouverture sur l’international. Le patrimoine ne doit pas être ‘‘utilisé’’ comme un moyen de propagande par l’entreprise privée mais il doit être travaillé dans une volonté de mettre en lumière l’identité locale héritée et sa possible mutation (qui n’est pas contraire à sa conservation). // LE PATRIMOINE VIVANT RÉHABILITÉ : La patrimonialisation convoque le passé mais concerne bien l’avenir. Le patrimoine ne doit pas être perçu comme un bien (un site, une architecture) à statufier. La protection règlementaire n’empêche pas la production ou l’évolution des techniques. Le renouvellement urbain peut dialoguer avec la conservation en mobilisant le patrimoine en lui insufflant de nouveaux usages. Dans la vallée de l’Ondaine de nombreux bâtiments industriels ont été réhabilités pour accueillir de nouveaux usages comme la Forge au Chambon transformée en salle de spectacle, mais aussi le moulin de la Fenderie à Unieux converti en espace pluriel qui accueille un musée, un magasin de vente directe de producteurs locaux et où il est envisagé l’installation du SMAGL, le Syndicat Mixte d’Aménagement des Gorges de la Loire. // LE PATRIMOINE VIVANT HABITÉ : Firminy-Vert (cas développé plus tard dans ce mémoire) et les anciennes cités ouvrières et minières constituent les exemples les plus parlants du patrimoine vivant habité. Pour les secondes, il s’agit d’un héritage de l’ère paternaliste de l’Ondaine rare (l’habitat ouvrier provisoire construit pour accueillir la main-d’oeuvre temporaire et étrangère a complètement disparu). Les cités sont aujourd’hui des petits quartiers intégrés dans la ville ou toujours enserrées dans le tissu industriel, la caserne du Vigneron à Unieux réhabilitée en logements plus spatieux à été construite en 1861 par les Holtzer.


Au premier plan, la tour de trempe au sein du Site Industrie de l’Ondaine, patrimoine vivant productif. Sur son promontoire naturel, l’Unité d’Habitation Le Corbusier, patrimoine vivant habité. Source : B. Stofleth et N. Giraud Une ancienne aciérie (construite en 1867 dans l’usine Claudinon) réhabilitée en salle de spectacles. La Forge, au Chambon-Feugerolles, le nom du lieu et son aspect garants de la mémoire locale. Source : Thinard 69


LE DESIGN, UN OUTIL DE REDEVELOPPEMENT POUR SAINT-ETIENNE MÉTROPOLE La ville de Saint-Etienne a longtemps souffert de son image de ville noire et charbonneuse. En 2014, un article1 du journal Le Monde fait polémique : Saint-Etienne, capitale des taudis ? Les réactions de la ville ne se font pas attendre : un soulèvement indigné des élus et des habitants gagne les réseaux sociaux puis les rues (grande compagne d’affichage pour montrer la fierté d’être stéphanois). Même si les problèmes existent, Saint-Etienne a su en partie se réinventer en se tournant vers la culture et le design en réhabilitant un patrimoine industriel emblématique et en accueillant un événementiel riche. Elle souhaite renvoyer l’image d’une ville innovante : précurseuse au XIXème siècle avec des inventions qui changent le visage de la France (première ligne de chemin de fer en 1827), moderniste avec l’un des premiers trams du pays toujours en fonctionnement. Inventive, innovante, le design apparait comme le nouveau défi du XXIème siècle pour la ville2 et

ce mouvement gagnerait sa Métropole. Penser la politique de développement et l’attractivité des territoires par le design devient un objectif pour la Métropole stéphanoise, directement influencée par sa ville-mère. Le design est un outil pour penser l’avenir, il incarne l’image du pionnier mais aussi du renouveau. Le design est perçu comme un moyen de concilier les mutations sociétales et la culture autour d’une représentation positive et attractive. La Métropole accompagne donc les projets de ses communes où l’éco-conception dialogue avec un renouvellement patrimonial. 1 - Article paru en décembre 2014, « à Saint-Etienne, le centre-ville miné par la pauvreté », signé Sylvia Zappi, Le Monde. L’article évoque le problème de la pauvreté et de l’habitat insalubre. La photographie choisie pour illustrer le propos est un immeuble délabré qui était destiné à la démolition. 2 - Saint-Etienne fait partie du réseaux UNESCO des Villes créatives. La célèbre manufacture d’armes a été réhabilitée pour accueillir la Cité du Design et la Biennale Internationale du Design. Le design s’invite même dans la pédagogie avec l’École Supérieure d’Art et de Design.

Le parc Nelson Mendela à Unieux, financé à 80% par Saint-Etienne Métropole qui apporte sa touche de design par un vocabulaire original du mobilier. Situé sur une zone inondable en lieu et place d’anciennes usines démantelées, cet espace public est intergénérationnel en proposant un lieu unique aux usages récréatifs et sportifs diversifiés.


Le patrimoine, industriel notamment, me semble être un levier potentiel pour envisager le redéveloppement territorial de l’Ondaine. De nombreuses initiatives ont déjà vu le jour et des acteurs sont disposés à en accompagner de nouvelles. Le caractère insolite, extraordinaire des bâtiments industriels de jadis est réellement inspirant pour repenser le gigantisme de ces lieux à l’échelle du territoire et celle du paysage, à l’échelle humaine. Je pense que les patrimoines de la vallée sont à la fois à (re)découvrir et à (ré)inventer. À (re)découvrir tout d’abord, parce que les lieux ou les objets dotés de grandes valeurs patrimoniales se trouvent souvent dans des situations urbaines particulières et souvent complexes (imbrications dans des quartiers denses, ou très éloignés des centres). À (ré)inventer ensuite, car l’esprit des lieux, ses volumes, son esthétique, son histoire sont autant d’éléments matériels et immatériels à penser et intégrer dans le projet de paysage pour ne pas figer ces lieux mais accompagner leurs dynamiques en les rattachant à la ville contemporaine et ses aspirations.

«

Le patrimoine ne semble pas envisagé comme un objet figé, mais plutôt comme un moyen de médiation entre groupes sociaux et comme un support actif de transformation du territoire. L’ensemble contribue à construire un autre récit des lieux investis.

«

Penser la place du patrimoine dans le territoire, c’est envisager d’un côté les rapports entre la société, les arts et la culture ; et de l’autre, c’est poser une réflexion politique et territoriale sur les usages raisonnés et collectifs, voire durables d’une ressource.

«

Le patrimoine possède une place à privilégier dans la réflexion d’un redéveloppement territorial, il est à intégrer au moment de la réflexion sur l’avenir du site (cf les étapes qui mènent à l’action - p.60). Il est un levier potentiel mais il n’est pas le seul : nous verrons juste après que les enjeux environnementaux sont également très stimulants pour imaginer le futur de la vallée de l’Ondaine. Le patrimoine peut être la source du projet (volonté de conserver un lieu historique) mais il peut aussi intervenir en second plan, comme objet de médiation (sauvegarder l’esprit du lieu, sa mémoire, un fragment qui incarne la valeur patrimoniale et qui pourrait même prendre des dimensions pédagogiques).

«

LE PATRIMOINE, UN LEVIER POTENTIEL

Françoise Lucchini, Mise en culture des friches industrielles

Le patrimoine, un levier potentiel 71


3.3 // Les enjeux environnementaux, levier territorial Tant à l’échelle communale que métropolitaine ou même régionale, la question environnementale est hissée au rang d’objectifs dans la plupart des documents d’urbanisme. En vallée de l’Ondaine les ambitions écologiques sont multiples et pensées sur un temps long : - réparer le passé : réhabiliter les milieux qui ont souffert de la forte présence industrielle (cours d’eau et sols) - répondre aux problématiques actuelles à travers le contrat de rivière - préparer l’avenir dans l’optique d’un mouvement de transition Massif du 1100 m

Pilat

Gorges de la Loire

ls ctue pon tion s t e a proj enatur de r

420 m canalisée

L’Ondaine sauvage Pentes du profil en long

2 % sur 4 km

L’Ondaine sauvage 7 % sur 5 km

la sur 8 km jusqu ’à 0,8 % de pente ire Lo la confluence avec L’ONDAINE, UNE RIVIÈRE MALMENÉE

Profil schématique de l’Ondaine Parcours sur un relief important. Type d’écoulement : torrentiel.

IMAGE ET RÉALITÉ Malgré ses atouts environnementaux (proximité du fleuve sauvage de la Loire, écrin naturel de la campagne de la Haute-Loire,...), la vallée de l’Ondaine n’est pas dénuée de problèmes écologiques. La vallée, dotée de forts potentiels écologiques, est menacée par les pressions urbaines. Les nuisances de la ville ont endommagé la richesse de nombreux milieux dont un en particulier : la rivière Ondaine. 72

L’Ondaine urbaine

L’Ondenon prend sa source dans les Monts du Pilats, dans le bois de la Neyranche près de Planfoy. La rivière dévale les pentes du vallon boisé jusqu’à la Ricamarie où elle s’efface sous la ville, lorsqu’elle ressort au Nord de la commune, on l’a renomme Ondaine. Son parcours complet s’étend sur 17 kilomètres jusqu’à sa confluence avec la Loire. Son bassin versant se déploie sur une superficie de 125 km² et sur quatorze communes dont trois de Haute-Loire. L’Ondaine est un cours d’eau majoritairement urbain, domestiqué et effacé par les différentes villes de la vallée. Dès le XIXème siècle, la rivière est canalisée, déviée, parfois enfouie pour opérer un gain d’espace dans le fond de vallée et utiliser la ressource dans les usines ou pour les rejets. Jusqu’en 1995, l’Ondaine est un égoût à ciel ouvert.


Le bassin versant de l’Ondaine, la rivière prinicpale et ses sept affluents principaux : une forme hydromorphologique compacte.

Caractéristiques socio-économiques associées à l’Ondaine :

Bassin versant du Lizeron L’Égotay

Bassin versant de l’Ondaine

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EAUX ET USAGES HÉRITÉS La vallée de l’Ondaine est un territoire d’eaux. Rivières, fleuve et ruisseaux et leurs dérivés (canaux, biefs) ont accompagné une multitude d’usages au cours du temps. Tout d’abord, l’Ondaine et ses affluents possèdent une histoire commune avec l’essor de l’industrie, comme vu précédemment, avec l’équipement d’une soixantaine de chutes d’eau, au caractère torrentiel, en martinets, fenderies, aiguiseries, meulières et moulins (à blé et de fils pour la passementerie). Au moment de la Révolution industrielle, les techniques nouvelles libèrent de l’utilisation de la force hydraulique (remplacée par le charbon) mais pas de l’eau : elle reste indispensable pour les machines à vapeur et pour le trempage des aciers. Le glissement géographique des activités humaines dans le fond de vallée, sur des terrains plats et à proximité immédiate de la houille et des voies de communication, a une double conséquence pour les eaux : les rivières du fond de vallée sont canalisées (gain d’espace, praticité et utilisation par les usines) et les torrents des vallons au Nord du Pilat sont délaissés, et resteront par conséquent naturels et boisés, sauvages aux abords des rivières.

0

200 m

- 3 barrages alimentent les villes de la vallée (Ondenon / La Ricamarie ; Cotatay / Le Chambon-Feugerolles ; Échapre / Firminy, Fraisses et Unieux). - la tête de bassin versant est rurale : forêts et élevage extensif, développement de l’habitat pavillonaire, potentiel d’activité halieutique (présence de salmonidés comme la truite fario). - le fond de vallée est fortement urbanisé et industriel.

N

Il subsiste aujourd’hui encore quelques traces des buanderies d’autrefois sur les affluents de l’Ondaine, dont les eaux étaient peu noircies par l’industrie : à Fraisses, les lavandières occupaient les berges de la Gampille, à Unieux, l’aval de l’Égotay se constellait de linges au XIXème siècle. Ces buanderies sont mises en péril par les fortes crues répétées et le progrès (machines à laver). Enfin, le contact avec la Loire est un atout non négligeable de la vallée. Elle a été périodiquement utilisée pour le transport fluvial du charbon (à bord des rambertes, radeaux utilisés entre le XVIIIème siècle et le XIXème). Mais la Loire est avant tout une destination de loisir : c’est le lieu privilégié pour la promenade du dimanche, les joutes et la baignade. La plupart des usages anciens ont aujourd’hui disparu. Seule la Loire garde son image récréative et sauvage. L’Ondaine, particulièrement, semble avoir perdu toute utilité dans la ville, effacée, oubliée, canalisée et polluée. Des projets de renaturation voient timidement le jour, par secteur, pour redonner de l’espace à cette rivière urbaine, pour permettre aux riverains de s’en rapprocher, tout en agissant en faveur d’une restauration de milieux aquatiques et pour gérer les inondations. 73


CHANTIERS DE RENATURATION À GRANDE ÉCHELLE : CONTRAT DE RIVIÈRE La gestion de l’eau est un objectif porté par la région pour une cohérence globale du territoire, mais les organismes qui mettent en œuvre les projets sont locaux. Il a été décidé la création d’un contrat de rivière1 pour gérer de façon concertée et durable la rivière et ses affluents. Saint-Etienne Métropole est animatrice des différents contrats de rivière de son territoire, dont le contrat de rivière concernant le bassin versant Ondaine-Lizeron depuis 2005. À travers ce document de planification renouvelé en 2014 pour cinq an, l’Ondaine et ses affluents sont au coeur d’une politique de renaturation des cours d’eau et d’amélioration de la qualité des milieux aquatiques et humides. La requalification des berges par la restauration écologie est menée activement dans le fond de vallée sur-urbanisé par Saint-Etienne Métropole qui assure en tant que maîtrise d’ouvrage les travaux de renaturation.

PRINCIPAUX OBJECTIFS DU CONTRAT DE RIVIÈRE :

- restaurer, préserver et valoriser les berges et le patrimoine naturel : redonner de l’espace à l’eau. - rendre compatible usages et fonctions du cours d’eau. - veiller à la qualité de l’eau (objectif de bon état pour 2027) : sensibiliser les riverains et les entreprises (les accompagner dans des démarches plus respectueuses de l’environnement). - agir pour la gestion des crues (prévention et aménagements pour réduire les inondations et leurs impacts).

1 - Un contrat de rivière est un instrument d’intervention à l’échelle d’un bassin versant. Il s’agit d’un accord financier et technique entre les colletivités territorial, l’Etat et les acteurs locaux en vue de la gestion durable et concertée des eaux d’un territoire défini. Le contrat de rivière fixe les objectifs d’amélioration des milieux et établit les conditions opérationnelles nécessaires. Le contrat de rivière est un engagement contractuel (à durée limitée et qui nécessite donc un renouvellement), il n’a pas de portée juridique contrairement au SAGE. Un SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) peut être un autre instrument de planification pour la protection quantitative et qualitative de la ressource en eau.

Découverte et renaturation de l’Ondaine au Chambon-Feugerolles, une dynamique aussi initiée à la Ricamarie. Tout un milieu a été restauré, le site propose aujourd’hui un espace de nature pédagogique (panonceaux explicatifs). Vallée de l’Ondaine 74


DES ORIENTATIONS MULTISCALAIRES Nous avons développé plus haut les grandes orientations prévues par le SCoT. Un des grands objectifs est de mettre en oeuvre une Trame Verte et Bleue2 à l’échelle du Sud Loire. Cette TVB est également pensée dans le SRCE (Schéma Régional de Cohérence Écologique) et au sein de la Métropole stéphanoise. Il existe donc une volonté d’inscrire cet objectif de TVB aux échelles régionale (SRCE), départementale (SCoT) et locale (PLUi). La finalité est de restaurer la fonctionnalité des espaces naturels grâce à une planification projective. La principale pression relevée, l’obstacle majeur, est la forte fragmentation des habitats due à l’anthropisation (urbanisation périurbaine, villes denses, infrastructures,...).

Il est envisagé pour la vallée de l’Ondaine d’accueillir un corridor écologique au sein des villes d’Unieux et de Fraisses pour relier la grande réserve que constituent les Gorges de la Loire (site naturel remarquable) et le territoire rural du département de la Haute-Loire. Le cœur de la vallée de l’Ondaine serait également à travailler pour permettre un meilleur dialogue écologique entre les Monts du Lyonnais au Nord et le Massif du Pilat au Sud. La rivière Ondaine fait lien entre deux grandes entités protégées et remarquables (le PNR du Pilat et les Gorges de la Loire). L’attention portée sur ce cours d’eau apparait donc bien comme un intérêt majeur local pour penser le territoire global. 2 - Réseau formé de continuités écologiques terrestres et aquatiques. La TVB est notamment identifiée par les SRCE (schémas régionaux de cohérence écologique). Il s’agit à la fois d’un outil de préservation des écosystèmes et de la biodiversité et d’un dispositif d’aménagement du territoire. Les objectifs de la TVB sont multiples et visent l’amélioration de l’état de conservation des habitats naturels et des espèces. Les continuités écologiques de la TVB sont formées par la liaison entre des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques.

TRANSITION Les enjeux environnementaux, un levier certain.

< Corridors d’intérêt régional dans un fond de vallée fragmenté par la présence forte d’infrastructures Source : DREAL Auvergne-Rhône-Alpes.

La ville de Firminy mérite une attention particulière. C’est effectivement la première commune de la Loire à entrer ‘‘en transition’’. Le réseau Ville en Transition est né en 2006 en Grande-Bretagne (Rob Hopkins). Il regroupe les villes en faveur d’initiatives locales favorables à l’adaptabilité, la soutenabilité et la résilience de leur territoire en faveur de nouvelles conceptions sociétales. C’est un mouvement social qui implique la population dans les choix d’orientations. Firminy met un point d’honneur à faire participer ses habitants dans les décisions de projet (les habitants sont souvent sollicités pour des concertations publiques ou des conseils de quartiers). Les projets sont déjà nombreux à avoir vu le jour (chauffage urbain grâce à des énergies renouvelables - biogaz et bois déchiqueté en Haute-Loire-, repas bio dans les cantines, création d’une monnaie locale) et cette dynamique doit être encouragée.

75


SYNTHÈSE PARTIELLE - Les enjeux à l’échelle de la vallée

1 - Rétrospective historique Le paysage palimpseste de l’Ondaine, une érosion progressive du lien entre la société et le territoire naturel - Un paysage industriel : une identité et une esthétique particulières à sauvegarder - Des savoir-faire locaux à mettre en valeur - Des difficultés urbaines : penser le redéveloppement du territoire à partir de ses ‘‘faiblesses’’

2 - Les mutations actuelles de la vallée Les villes face aux enjeux de décroissance, le dialoque effacé au territoire vécu - Décroissance : concevoir la ville en réduction et les nouveux modes d’habiter, de pratiquer la ville - Paysage industriel : des composantes contraignantes à soigner ou à imaginer en atout - Des rythmes urbains conditonnés par la morphologie des villes : briser un carcan établi en travaillant la transversalité de la vallée

3 - De nouveaux rapports attendus dans le contexte métropolitain La vallée périphérique de l’Ondaine, une pièce du puzzle des grandes orientations - Une inscription à davantage définir dans la métropole - Le possible levier patrimonial comme socle de projet 76

- Des enjeux environnementaux au rang d’objectifs

La vallée de l’Ondaine a longtemps été portée par l’industrie. De nos jours cet héritage est à la fois une chance pour les cinq communes (acquisition d’un savoir-faire, valeurs patrimoniales) et une forte contrainte (reconversions, pollutions multiples, fragilités urbaines). Comment accompagner la vallée vers une inscription complète et durable sur son territoire métropolitain en s’appuyant sur son socle patrimonial et sur ses ambitions environnementales ? La première partie de ce mémoire pose le contexte général du site de projet où je me propose d’intervenir par la suite. Effectivement, l’étude historique, les mutations actuelles et les dynamiques envisagées pour le futur m’ont amenée à considérer un site en particulier : le cœur de la vallée de l’Ondaine où des solutions sont encore à trouver au vu des problématiques liées à la désindustrialisation et aux maux spécifiques des communes de Firminy, Unieux et Fraisses. Ce site de projet entrera en résonance avec les orientations de la vallée en prenant en compte les éléments principaux qui ressortent de mon diagnostic mené dans une échelle élargie.

LES FREINS AU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL Une vallée urbanisée aux espaces monospécifiés (ville industrielle en fond de vallée / ville habitée alentour). Des espaces particulièrement touchés par le risque de dévitalisation (friches ou quartiers fragilisés). Un rythme rapide dans les villes imposé par la présence d’infrastructures fortes.


Les richesses locales, un dessein à plus grande échelle : la valorisation du patrimoine industriel.

Enjeux environnementaux, une nouvelle manière de percevoir et d’inventer la vallée entre l’urbain et le naturel.

Unieux

Friche Äkers

Fraisses Site Le Corbusier Firminy-Vert

Le Chambon-Feugerolles 0

750

1500 m

N

Firminy PNR du Pilat

Les enjeux à l’échelle de la vallée

LES POTENTIELS NOMBREUX Des espaces naturels périphériques protégés : - le PNR du Pilat - les Gorges de la Loire Site classé

Site inscrit

Un patrimoine industriel et architectural reconnu (monuments classés ou inscrits aux Monuments Historiques).

Des continuités écologiques à trouver le long de la vallée et entre les versants. Retrouver les cours d’eau notamment de l’Ondaine (Voie Verte des Confluences)

750

0Corridors 750 1500 2250 3000 écologiques / trame verte urbaine

Un site de projet à la confluence de plusieurs enjeux. 77


INterlude Promenade dans la friche Ă„kers

78



Je me souviens que lors des mes premières visites, j’ai d’abord observé la vallée de loin, depuis les hauteurs du Pilat, puis depuis le versant d’en face, au Dorier. J’ai longtemps apprécié de voir la ville depuis la campagne. J’ai souvent cherché à m’extraire de l’urbain pour mieux comprendre sa structure, si visible et presque caricaturale lorsque l’on regarde du dessus.

Quand je suis entrée dans le long fil industriel, l’espace s’est complexifié. Difficile de faire la différence entre les grandes surfaces et les usines, difficile de marcher dans cet endroit réservé aux camions et aux voitures.

Une invitation à la promenade

Et puis tout à coup, entre deux hangars, une ouverture. Une friche industrielle. Sur le fronton, on peut encore lire le nom du propriétaire : Äkers.


Le site a été fermé en 2010. Au sol, on marche sur des copeaux de fer. Comme si les ouvriers étaient partis la veille et qu’ils allaient revenir demain.

On entend une rumeur industrielle lointaine : il reste encore des entreprises de métallurgie. Avec ce fond sonore de tintements métalliques, de chariots, de roulements d’acier, je m’imagine l’ambiance de l’usine d’autrefois, du temps où Zola est paraît-il venu séjouner dans la maison Holtzer.

Ce lieu a incontestablement une histoire à raconter. Il participe à la poésie urbaine si particulière de l’Ondaine. Un lieu au temps suspendu. Et tout autour, le mouvement de la ville qui s’agite. Un lieu calme où la rouille s’invite pour témoigner de l’usure du temps sur des architectures comme on en trouve de plus en plus rarement.. Le site s’est abîmé, vidé de ses dynamiques initiales mais d’autres viennent y prendre racine : on vient dans la friche pour se promener, prendre des photographies artistiques, dessiner à la bombe sur les murs de briques. La fermeture de l’usine a fait de cet endroit un lieu d’expression, un exutoire dans la ville, un terrain de jeu - malheureusement illégal et dangereux-.

La fermeture de l’usine a fait de cet espace vide un terrain de conquête des herbes folles. Une réserve de nature sauvage au beau milieu d’une zone industrielle. Seule l’Ondaine, la rivière, n’est toujours pas arrivée à se libérer de ce carcan.

La fermeture de l’usine provoque des renouveaux, des réappropriations, des changements d’image du lieu et de son « utilité » dans la ville.

Préparation des charges pour les creusets (cliché Holtzer, 1918)

Mais quel devenir pour cette friche ?



II. FIRMINY, UNIEUX, FRAISSES RENCONTRE INDUSTRIELLE DE TROIS COMMUNES DE LA VALLÉE

Le site L’étude à l’échelle de la vallée m’a menée à ce site particulier à la rencontre des trois communes en aval de l’Ondaine : Firminy, Unieux et Fraisses. Ce cœur de vallée présente de très nombreux enjeux et potentiels pour imaginer le redéveloppement territorial de l’Ondaine. En effet, le processus de désindustrialisation touche autant la ville industrielle que la ville habitée. Au-delà des problématiques liées à la restructuration du fond de vallée, ce site pose de réelles questions urbaines avec la présence, que l’on ne peut ignorer, du quartier de Firminy-Vert et de ses architectures corbuséennes dont l’acceptation culturelle n’est pas encore bien dessinée. Ce site se fait laboratoire de l’époque postindustrieuse.

Firminy-Vert La maison de la culture, le stade, l’église St Pierre, le grand H

81


PORTRAITS DES COMMUNES Un cœur de vallée, des confluences

1

Les trois villes se rencontrent dans un fond de vallée industriel qui oscille entre dynamisme et abandon. Comme évoqué précédemment, l’organisation globale des communes de Firminy, Unieux et Fraisses se structure en trois temps : le fond de vallée industriel auquel s’accole la ville habitée (le centre-ville et les versants habités) puis les plateaux naturels et leurs pentes boisées ou cultivées. Malgré leurs traits communs généraux, des spécificités apparaissent entre ces trois villes aux profils hétérogènes.

1.1 // trois villes

Unieux

Rivières RN88

Fraisses

Voie ferrée

Firminy

Bâtiments industriels

0

Bâti résidentiel / culturel, services

Site Industriel de l’Ondaine Unieux

Friche Äkers

Fraisses

Firminy

Firminy-Vert

0

82

500m

1 km

N

Localisation site de projet : 1/25 000e

2 km

N


Éléments Le Corbusier à Firminy-Vert.

FIRMINY, « LE CORBUSIER-VILLE »1 La ville de Firminy fait figure de capitale de la vallée. C’est la commune la plus peuplée de l’Ondaine avec 16 839 habitants (INSEE 2015). Firminy est la quatrième ville du département et elle se situe à égale distance entre Lyon et le Puy-en-Velay. En tant que ville-centre dans la vallée, Firminy regroupe les services urbains de l’éducation (deux lycées et trois collèges), de la santé (un hôpital), et de la culture (un cinéma, le Firmament - une grande salle de spectacle, la Maison de la Culture, un écomusée,...). Firminy est une ville de tradition populaire et commerçante : elle accueille de nombreux marchés et un événement annuel particulièrement apprécié et attendu sur le territoire : la vogue des noix, grand rassemblement de forains qui animent l’espace public une semaine durant en Octobre. Elle est connue et reconnue pour son riche patrimoine UNESCO devenu emblématique : le Site Le Corbusier à Firminy-Vert.

Les manèges colonisent le parking de la gare entre la N88 couverte et les lignes de chemin de fer. La tour de trempe à droite rivalise avec la hauteur des attractions.

Crassier St Pierre de la Ricamarie

1 - Expression tirée d’un article paru dans Le Monde en 2006 lors de l’inauguration de l’église Saint Pierre (référence complète en bibliographie).

Depuis l’Unité d’Habitation Le Corbusier.

Église St Pierre

Maison de la Culture 83


FRAISSES, LE VILLAGE URBAIN Fraisses est une commune « entre ville et campagne », une expression devenue emblème de la ville. Effectivement, Fraisses est la plus petite commune de la vallée de l’Ondaine avec une superficie de 4,6 km² et 3 748 habitants relevés en 2015 par l’INSEE. Les rivières traces les limites communales : au Nord, l’Ondaine marque le début de la commune d’Unieux et à l’Est, la Gampille se couple à la voie rapide N88 pour arrêter l’aire de Firminy. Le vieux Fraisses se situe à proximité du fond de vallée industriel, séparé de celui-ci par la ligne de chemin de fer (1). Le centre-bourg apparaît comme une extension résidentielle de l’ancienne usine Holtzer. Très vite, une urbanisation éparse mais structurée se déploie sur les versants : différents lotissements pavillonnaires s’échelonnent sur les hauteurs parfois très vallonnées et s’ouvrent sur la campagne (2).

Au Nord de Fraisses, la friche industrielle Äkers : une chance foncière dans ce fond de vallée privatisé très dense.

84

1

2


UNIEUX, VILLE ÉTENDUE Diffuse, étendue, sont des adjectifs que l’on peut facilement donner à la ville d’Unieux. 8 975 habitants enregistrés en 2015 par l’INSEE se répartissent sur 8,6 km². Il n’existe pas véritablement de centre à Unieux : différents quartiers pavillonnaires composent un territoire au versants mités par l’urbanisation. Cet étalement s’arrête néanmoins à l’Est avec la présence du site classé et inscrit des Gorges de la Loire, et il s’estompe au Nord de la commune au profit de terres agricoles. Le fond industriel situé sur la commune d’Unieux se déploie de long de la rivière Ondaine et offre un véritable description de ce que j’ai nommé la « ville industrielle » : d’amont en aval, on retrouve un complexe industriel actif (le Site industriel de l’Ondaine), des friches (des espaces délaissés comme la friche Äkers située sur le territoire communal de Fraisses également), mais aussi de nombreux exemples de reconversions (zones commerciales et industrielles) ou de renouvellements (parcs urbains - 3).

Site Natura 2000

Unieux depuis le Dorier (630 m d’altitude) en dirrection de Fraisses, à l’arrière-plan à gauche, l’Unité d’Habitation.

3

Réserve Naturelle Régionale

Les dispositifs de protection des espaces naturels à l’Ouest d’Unieux. Source : SMAGL, le Syndicat Mixte d’Aménagement des Gorges de la Loire. 85


1.2 // croisements de flux contraires CONFLUENCES DE RIVIÈRES : UNE DYNAMIQUE DE L’EST À OUEST Sur ce site d’étude, les confluences sont multiples. Dans son sens géographique, la confluence est le point de concours de deux cours d’eau, un affluent se jetant dans la rivière ou le fleuve principal. La Gampille se jette dans l’Ondaine au croisement exact des trois communes de Firminy, Unieux et Fraisses. Sous-affluent de la Loire, la Gampille prend sa source dans le département de la Haute-Loire à plus de 800 mètres d’altitude. C’est une petite rivière qui a récemment fait l’objet de renaturation à proximité de la grande route N88 sous laquelle elle passe ainsi que sous la voie ferrée. Un reméandrage du lit mineur et la plantation d’espèces endémiques permettent la restauration du milieu et de gérer les crues à proximité des habitations. La confluence de ces deux rivières a lieu en une circonstance particulière : au milieu d’un rondpoint routier très fréquenté.

Anciens lavoirs le long du cours d’eau

Renaturation de la Gampille à Fraisses

Unieux ine

a L’Ond

0

50 m

Firminy

N

Point de rencontre des communes et des rivières

Fraisses 86

La G

am

pill

e


Vers Saint-Etienne

Unieux RN88

Fraisses INFRASTRUCTURE, CÉSURE ET LIEN Dans une dynamique contraire à l’écoulement des eaux de l’Ondaine vers la Loire au Nord-Ouest, la voie rapide N88 semble instaurer un flux du Sud à l’Est. Elle forme une courbe pour traverser Firminy, écartant de fait les centres des communes de Fraisses et Unieux. Cette route est un lien fort avec la Haute-Loire et l’ex-région Auvergne. La N88 ne constitue pas véritablement de gène sonore bien qu’elle traverse la ville de Firminy. À demie enterrée, couverte ou enserrée entre des murs anti-bruits, elle représente en revanche une grande fracture dans le paysage qui est malgré tout relativisée par les habitants qui apprécient la commodité de cette liaison directe avec Saint-Etienne par exemple. Ce sentiment de praticité est partagé par les entreprises (facilité d’import-export). S’ajoute à la N88 un réseau ferré peu fréquenté (la gare de Fraisses-Unieux est peu usitée) mais très visible dans les villes. À Fraisses et à Firminy, la voie ferrée sépare en deux l’espace urbain avec d’un côté la ville habitée et de l’autre, la ville industrielle. Le cumul des réseaux provoque parfois des nœuds complexes où le piéton et le cycliste peinent à trouver leur place.

Le site sur lequel je me propose d’intervenir se situe donc sur une riche confluence de dynamiques naturelle et humaine. Dans une échelle élargie, il s’agit aussi d’un moment de basculement entre deux départements, la Loire et la HauteLoire. C’est une interface qui présente déjà des liens et des chemins potentiels pour renforcer le dialogue territorial (chemins d’eaux et voies de communication active ou à revitaliser).

Firminy 0

Vers Le Puy-en-Velay

2 km

Le cumul des réseaux : N88, lignes de chemin de fer (en service et désaffectée), route. Passage entre la ville habitée et la ville industrielle à Firminy difficile pour un piéton ou un cycliste. Source : GoogleEarth

Voie d

ésaffe

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ne

Vers la Loire

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Vers Saint-Etienne

Vers Le-Puy-en-Velay

87

N


1.3 // coexistence d’époques DES FORMES URBAINES HÉRITÉES Firminy, Unieux et Fraisses se rencontrent au centre du fond de vallée industrielle. Le paysage porte la marque de plusieurs époques si bien que les formes d’hier dialoguent avec celles d’ajourd’hui. Le patrimoine industriel, en tant que représentation du passé, ponctue d’objets architecturaux et de lieux la trame urbaine actuelle : les toits de sheds (une forme qui aurait dû disparaître avec l’utilisation moderne de l’électricité pour éclairer les ateliers) côtoient des hangars fonctionnalistes qui cachent derrière leurs murs de tôles les machines industrielles. Cette coexistence d’époques se traduit par un mélange des architectures et un statut binaire entre activité et temps mort, entre lieu usité et lieu fui. Les limites communales s’effacent dans une esthétique industrielle commune que nous allons visiter en image

Unieux 2

La friche Äkers 1

4

5

6

Le Site Industriel de l’Ondaine

3

Firminy

Fraisses 0

500 m

1 km

N

Carte localisation projet : 1/30 000e Châteaux de l’ère paternaliste dissimulés, dispersés à Unieux et Fraisses.

250 0 250 500 7501000 m 1

88

2

3


L’Ondaine toujours industrielle 4 La vieille cheminée de l’ancienne usine Holtzer (friche Äkers) regarde passer les camions remplis de cylindres d’aciers sortis de l’usine voisine, toujours active elle, le Comptoir Métallurgique de Firminy.


Architectures réhabilitées ou inutiles 5 Les entrepôts aux toits à sheds sont toujours utilisés par les entreprises du Site Industriel de l’Ondaine à FirminyUnieux. L’insolite tour sombre s’impose dans le paysage quotidien des habitants. Seuls les salariés de Aubert&Duval peuvent approcher de près cette architecture hors norme qui n’est plus usitée.


De la vie, des usages dans les friches 6 Les formes urbaines héritées se font réceptacles d’usages contemporains : la friche Äkers, site privé mais accessible (illégalement), devient un lieu de promenade. C’est un espace privilégié pour l’expression artistique (l’intérieur est couvert de graffitis, certains nostalgiques y pratiquent la photographie). La friche industrielle est aussi un endroit où la nature revient, où elle instaure de nouvelles dynamiques.


2

UNE CONSTELLATION D’ENJEUX Depuis le fond de la vallée jusqu’au quartier de Firminy-Vert

Le cœur de vallée constitué par les communes de Firminy, Unieux et Fraisses concentrent de nombreux enjeux éclatés sur différents espaces urbains, à commencer par la rivière Ondaine, colonne vertébrale de la vallée dont la présence constitue des contraintes qui pourraient devenir malgré tout des atouts potentiels.

2.1 // La rivière ondaine, fil d’eau urbain oublié

1 ÉTENDUE CALME 92 Barrage de l’Ondenon

2

3

4

TORRENT SINUEUX

EAU ENFOUIE

EAU CHARGÉE

Vallée de l’Ondenon

Disparition sous le Site Indsutriel de l’Ondaine

Rejets aux abords des industries


11 10

L’Ondaine couverte HISTOIRE D’UNE RIVIÈRE

9

L’Ondaine découverte

8

site de projet 7

6

3

5

4

L’Ondaine est une rivière dotée de plusieurs caractères : elle sait être 2 énergique, fine et torrentielle dans la vallée de l’Ondenon, mais aussi 1 très calme et étendue alors qu’elle rejoint la Loire. Selon les milieux qu’elle traverse, différents paysages se créent : les ambiances autour du cours d’eau sont radicalement différentes entre sa source et son exutoire sauvages, très boisés, et pendant sa traversée dans la vallée urbaine où elle est finalement peu visible et dotée d’une maigre végétation. Ces ambiances s’accompagnent de couleurs caractéristiques : noire et profonde dans le barrage de l’Ondenon, écume blanche dans le torrent vallonné, puis tantôt transparente tantôt verte aux endroits stagnants (eutrophisation) bleue intense lorsqu’elle se confond avec la Loire.

ARTIFICIALISATION, TRANSFORMATION, OCCULTATION

5 RIVIÈRE DOMESTIQUÉE Ponts entre deux berges rigides

Au sein du site particulier à la rencontre de Firminy, Unieux et Fraisses, l’Ondaine est particulièrement malmenée. Effectivement, des projets ont vu le jour en amont et en aval (ouverture et renaturation du cours d’eau) mais ce site comprend de grandes contraintes notamment foncières. Les abords directs de la rivière sont souvent privatisés : dans le Site Industriel de l’Ondaine, la rivière est canalisée et partiellement enterrée ; dans la friche Äkers (usine en cours de liquidation), les murs des entrepôts façonnent ses berges. L’absence d’opportunité foncière dans le fond de vallée et à proximité immédiate de la rivière est héritée des siècles précedents où les industriels utilisaient la ressource hydraulique pour leur usine. Le sol est artificialisé, le cours d’eau naturel est transformé pour servir les besoins de l’industrie. Avec le temps, la rivière est totalement occultée puisque les machines s’affranchissent de la ressource naturelle. L’Ondaine est oubliée. On se souvient de sa présence lors de grandes inondations. Finalement, elle semble être une contrainte dans la ville industrielle contemporaine. Avant d’envisager un projet de renaturation pour l’Ondaine, il s’agira de trouver une emprise foncière favorable à l’élargissement de son lit mineur (un moyen pour redessiner les berges et le méandrage de la rivière pour ainsi gérer le risque de crue). Un dialogue s’ouvre avec les entreprises locales prêtes à léguer des terrains à la rivière pour 6 7 un projet de protection mais aussi de valorisation environnementale et paysagère. CONTACT DIRECT ENTRE UNE LIBERTÉ RETROUVÉE... Dans la friche, la rivière vivante

Renaturation et maintien des rives

8

... 93Vers le po


2

UNE CONSTELLATION D’ENJEUX Depuis le fond de la vallée jusqu’au quartier de Firminy-Vert

Le cœur de vallée constitué par les communes de Firminy, Unieux et Fraisses concentrent de nombreux enjeux éclatés sur différents espaces urbains, à commencer par la rivière Ondaine, colonne vertébrale de la vallée dont la présence constitue des contraintes qui pourraient devenir malgré tout des atouts potentiels.

2.1 // La rivière ondaine, fil d’eau urbain oublié

1 ÉTENDUE CALME 92 Barrage de l’Ondenon

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TORRENT SINUEUX

EAU ENFOUIE

EAU CHARGÉE

Vallée de l’Ondenon

Disparition sous le Site Indsutriel de l’Ondaine

Rejets aux abords des industries


11 10

L’Ondaine couverte

9

L’Ondaine découverte

8

2

site de projet 7

6

3

5

4

1

6

5

9

8

7

11

10

RIVIÈRE DOMESTIQUÉE

CONTACT DIRECT

ENTRE UNE LIBERTÉ RETROUVÉE...

... ET UN NOUVEAU CARCAN

POLLUTIONS

ÉLARGISSEMENT

CONFLUENCE

Ponts entre deux berges rigides

Dans la friche, la rivière vivante

Renaturation et maintien des rives

Vers le pont du Pertuiset, le béton ceinture la rivière

En amont de la station d’épuration

Allures sauvages après traitement des eaux

Rencontre avec la Loire sauvage


Site Industriel de l’Ondaine

Unieux Firminy Friche Äkers

Carte des aléas inondation en crue centennale Secteur renaturé de la Gampille : reméandrage pour une gestion naturelle des crues

Fraisses

0

Aléas hydrauliques modélisés selon les hauteurs de submersion en crue centennale et la vitesse du courant. (Source : d’après DDT Loire, 2012)

250

500 m

Aléas inondation : 1/15 000

Aléa fort (hauteur de submersion > à 1 m et/ou vitesse du courant > 0,5 m/s) Aléa moyen (0,5 m < h < 1 m et/ou 0,2 m/s < v < 0,5 m/s)

N

e

Aléa faible

(h < à 0,5 m et/ou v < 0,2 m/s)

Le PPRI (plan de prévention des risques inondation) concernant le site Firminy, Unieux et Fraisses révèle un territoire particulièrement touché par cette problématique dans la ville industrielle.

Pont submergé ou proche d’être mis en charge en crue centennale Limites communales

Lizeron Carte de l’état écologique des masses d’eau superficielles (2013)

e

Ondain

re Loi

Déclinaison des mesures du SDAGE, Shéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux. L’objectif de Bon État est fixé à 2027. (Source : SAGE, 2013, sur Gest’eau) État écologique de l’Ondaine et ses affluents : Mauvais Médiocre Bon

94


Source : l’Ondaine à Fraisses 2016 - C. Essertel Novembre 2016, crue cévenole trentennale (comme en 2008 et 2003, les inondations sont provoquées par un épisode cévenol), l’efficacité des aménagements de renaturation est prouvée.

Même endroit en Septembre 2017, niveau habituel de l’Ondaine La topographie compacte du bassin versant de l’Ondaine et ses fortes pentes combinée à l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols accentue la rapidité des inondations. En juin 2007, les forts orages localisés sur le plateau du Bessy (Roche-la-Molière) ont été à l’origine des inondations qui ont dépassé le niveau de crue trentennale.

UNE RIVIÈRE EN VILLE : CONTRAINTE OU ATOUT ? La situation de l’Ondaine dans la ville ne lui confère pas un statut de rivière comme décor du quotidien ou lieu de détente et de loisir. Elle est éloignée des centres urbains habités et elle est associée à l’image de la ville industrielle, polluée où l’habitant n’est pas nécessairement invité à entrer. L’Ondaine souffre effectivement de deux maux principaux : la pollution de ses milieux tout d’abord (un héritage lourd de la période industrielle qui se couple aux pratiques toujours actuelles de rejets usiniers ou agricoles qui parviennent directement ou par ruissellement dans l’Ondaine) ; le carcan artificiel de ses berges ensuite. L’aléa d’inondation devient un risque élevé en zones sururbanisées comme dans le fond de vallée. Les crues torentielles provoquent le débordement des cours d’eau et des réseaux de collecte d’eaux pluviales. Les inondations sont accentuées par l’artificialisation du lit mineur et de ses berges, la rivière Ondaine manque d’espace. Saint-Etienne Métropole, animatrice du contrat de rivière du bassin versant Ondaine-Lizeron, a étudié

les profils idéaux que doit prendre la rivière pour pallier le risque d’inondation. Si on envisage une nouvelle fabrique urbaine du fond de vallée, la rivière pourrait devenir le fil conducteur du projet : penser le dessin d’un nouvel espace public-privé à partir des contraintes de l’eau permettrait une gestion des risques d’une part et une diversification des usages liés à l’eau d’autre part, l’Ondaine deviendrait accessible (un cadre de vie pour les habitants ou les salariés des entreprises, un lieu récréatif). De plus, les aménagements liés à la rivière pourraient être une grande opportunité pour ramener de la nature dans un fond de vallée où elle a été chassée et ainsi s’inscrire dans les grands projets écologiques régionaux et départementaux (Trame Verte et Bleue mais aussi la Voie Verte des Confluences, un vaste projet régional que je développerai en dernière partie). Un nouveau paysage plus équilibré entre bâti et nature pourrait s’étoffer dans ce fond de vallée qui deviendrait plus attractif. 95


2.2 // Le tissu industriel en reconversion Le tissu industriel en reconversion s’étend le long de l’Ondaine majoritairement et dans une moindre mesure, au Sud du site, en suivant la Gampille. Avec l’arrêt d’activité de certaines usines sidérurgique et métallurgique, des terrains se sont libérés pour accueillir des zones artisanales ou commerciale. Le fond de vallée n’est donc plus essentiellement industriel en termes d’usages (production mais aussi consommation) mais son esthétique le demeure (les locaux d’usines ou de grands centres commerciaux peuvent être confondus). Le fond de vallée est en reconversion, en attente de décisions pour envisager son devenir, ses nouveaux usages. Aussi deux tendances se dessinent entre perfectionnement et changement : la reconversion industrielle d’une part avec le remaniement du foncier actuel et la valorisation des entreprises phares ; et d’autre part, la reconversion ouverte possible des sites où l’activité périclite ou est déjà désuète pour y accompagner de nouveaux usages. PERFECTIONNEMENT : DES SPÉCIFICITÉS COMME SAVOIR-FAIRE

Tour de trempe Pont roulant 150 tonnes

96

1 - E. De Roux, Patrimoine industriel, 2000.

53 m

Pont roulant 20 tonnes Pont roulant 70 tonnes

37 m

Enrichie de son long passé métallurgique et sidérurgique, l’Ondaine dévoile un savoir-faire local performant et reconnu et certaines entreprises phares ont gardé leur caractère innovant. Le savoir-faire local se voit dans le paysage à travers le patrimoine industriel. Ce dernier est « porteur de techniques spécifiques, il raconte l’histoire d’une culture, d’un produit ou d’un savoir-faire »1. La tour de trempe visible de loin par sa hauteur et sa couleur sombre est l’exemple le plus marquant. Celle-ci est une prouesse architecturale pour son époque de construction (achevée en 1935) : son ossature métallique permet de supporter des charges de 150 tonnes. Cette installation de trempe verticale servait lors de l’opération de traitement thermique des pièces forgées. Spécialisée pour la trempe de pièce de grandes longueurs, la tour adopte des proportions hors norme : 53 mètres visibles et 37 mètres en souterrain qui accueillent le puits de trempe et le four électrique. La tour de trempe a constitué une forte originalité pour l’usine de l’Ondaine, tant par sa forme que par les pièces fabriquées (canons de marine, arbres de marine pièce la plus longue du bâteau allant des machines à l’hélice). Elle est aujourd’hui une vitrine des entreprises actuelles

Puits de trempe Source : Épures

Four électrique

entreprises héritières Les entreprises métallurgiques sont encore nombreuses en Ondaine. Les trois plus importantes sont incarnées par le CMF (Comptoir Métallurgique de Firminy) situé à Fraisses, près de la friche Äkers, Aperam et Aubert & Duval situés tous deux sur le Site Industriel de l’Ondaine. Aubert & Duval a décidé l’an passé de fermer son aciérie (fabrication de lingots d’acier) mais de conserver son activité sur le reste de son site.


Le cas particulier Clextral Clextral a la volonté de s’agrandir et de fusionner ses deux pôles situés à deux endroits dans la ville (zone d’activité du Pinay à Firminy, le long de la Gampille) au sein du Site Industriel de l’Ondaine (souhait de faire venir des entreprises soustraitantes). Malgré sa renommée internationale, l’entreprise désire sauvegarder sa présence dans la vallée qui l’a vu naître. Elle souhaite néanmoins retravailler l’image de son site pour accroître son développement. 2 - L’extrusion est un procédé de fabrication mécanique par lequel un matériau compressé est contraint de traverser une filière (pièce mécanique dont la forme définit la section de la pièce à obtenir). L’extrudeuse bivis permet à l’entreprise de traiter des matières premières très variées de l’état solide à liquide (poudres, granulés, farines, polymères fondus, pâtes). Les produits extrudés sont donc tout aussi hétérogènes : produits alimentaires texturés, pâtes à papier, matériaux plastiques,... Clextral conçoit, fabrique et installe ces extrudeuses en France et à l’étranger. N

Cette entreprise est née en 1956, c’est alors une filiale de Creusot-Loire qui conçoit et fabrique des machines à extruder (licence d’exploitation pour l’extrusion bivis2), utilisées initialement dans la transformation du plastique. Innovante, Clextral adapte son procédé d’extrusion à l’agroalimentaire dans les années 1970 : l’invention de la craquotte est un succès mondial. Le chiffre d’affaire de l’entreprise grimpe et la branche agroalimentaire occupe désormais 70% de l’entreprise (biscuits soufflés sucrés ou salés, nourriture pour les animaux). Clextral, leader mondial en extrusion agroalimentaire, possède également un secteur dans la papeterie (fabrication de billets de banque). Environ 230 personnes dans la Loire travaillent à Clextral et elle dispose d’un grand marché à l’international.

Surface : 48 ha Propriétaires : divers Année de construction : Ancienne usine Verdié (XIXème siècle) Enjeux principaux : pollution des sols, inondation, réorganisation du foncier

Unieux

Tour de trempe

Firminy

ine

a nd

L’O

Etat actuel / usages : actif, friches ponctuelles

Marqueurs paysagers : tour de trempe, halles d’usinage, station électrique, aciéries

d’après GoogleEarth

97


Site Industriel de l’Ondaine

Carte des aléas miniers Plan de Prévention des Risques Miniers (PPRM). Secteurs d’aléas miniers selon l’étude GEODERIS 2015.

(Source : d’après DDT Loire)

Unieux

Effondrements localisés : faibles travaux supposés Tassements Effondrements localisés : faibles travaux avérés Effondrements localisés : faibles et moyens travaux avérés sur puits

Firminy

Fraisses

0

100

200

300 m

Aléas miniers : 1/10 000

N

e

PERFECTIONNEMENT : DES CONTRAINTES FORTES Au Plan de Prévention des Risques d’Inondation, évoqué plus haut, s’ajoute un Plan de Prévention des Risques Miniers. Les trois communes ont un passé minier fort qui a fragilisé le sous-sol en de nombreux endroits. Les aléas d’éboulement des anciennes galeries souterraines sont les plus fréquents et peuvent poser des risques d’affaisements, de glissements voire d’effondrements des terrains construits. Les nouvelles constructions doivent donc prendre conscience de ce risque dans leur plan d’aménagement. Enfin, la contrainte de la pollution demeure sur ce site. Avec le principe de pollueur-payeur, les entreprises doivent intégrer les 98

coûts de dépollution à leurs projets de départ ou de reconfiguration (dans le cas de la friche Äkers, cette règle pose un grand problème puisque l’entreprise, ne pouvant -voulant- pas payer ces frais, gèle le site). Le tissu industriel est donc soumi à trois contraintes majeures qui peuvent freiner son développement : le risque d’inondation, les risques miniers et le degré de pollutions des eaux et des sols. L’évaluation de ces risques et contraintes permet de proposer un scénario d’aménagement soutenable pour les entreprises et pour les communes en s’efforçant de faire avec, en s’adaptant, et non pas contre.


Carte des aléas dans le Site Industriel de l’Ondaine Carte des contraintes du site industriel. (Source : d’après Épures) Tour de trempe

Unieux

Clextral

Firminy Aubert & Duval

0

75

150 m

Aléas divers : 1/5 000 Confinement probable de terres : sols a priori pollués

Affleurement de faille

Contrainte de confinement : sols pollués

Fendue

Secteurs soumis au risque d’inondation : aléa fort

Ancien puits de mine

N

e

Dans la rue des prairies à Firminy, une maison ceinturée par des étaux métalliques et un mur de soutènement à l’arrière pour éviter sa chute. 0

2 km

99 N


FRICHES INDUSTRIELS SYMPTÔMES ET POINT DE DÉPART DU CHANGEMENT Les friches industrielles, par leur caractère abondonné, témoignent d’un changement d’époque. Leur emprise et leur nombre sur un territoire réduit s’affichent en symptôme du déclin ou du moins de la décroissance de l’activité industrielle. La désindustrialisation à Firminy, Unieux et Fraisses se traduit par la présence la plus notable de la friche Äkers qui s’étende sur une surface de 5,5 hectares entre les communes de Fraisses et Unieux. D’autres délaissés ponctuent le tissu industriel : à l’entrée Ouest du Site Industriel de l’Ondaine, l’entreprise Aubert & Duval a récemment démantelé une de ses annexes. Ce terrain situé à proximité immédiate de l’Ondaine constitue une chance foncière pour envisager l’élargissement des berges de l’Ondaine : un scénario proposé par l’agence

d’urbanisme de la région stéphanoise Épures dans le cadre d’une étude menée sur ce site en 2016 (le projet Ondaine 2020 qui envisage la reconfiguration complète du Site Industriel de l’Ondaine). Une dernière friche mérite un point d’attention puisqu’elle se situe à proximité immédiate de la friche Äkers. L’ancien terrain de SOGELAM (1) accueillera une cité artisanale en 2018. Le tènement a été dépollué (l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes, ÉPORA, s’est chargé de la démolition et de la dépollution). SaintEtienne Métropole via le contrat de rivière a remis à ciel ouvert et détourné le ruisseau du Pin pour libérer la parcelle propice à l’installation de locaux modulaires (pour différents ateliers agencés en espaces de co-working pour limiter les frais d’entretien de l’espace partagé par les TPE et PME).

Fraisses Unieux

1

Surface : 5,5 ha Propriétaire : Akers (depuis 1998) Année de construction : Ancienne usine Holtzer (XIXème siècle) Etat actuel / usages : friche, usages informels Enjeux principaux : pollution des sols, inondation, bâti vétuste

100

N

Marqueurs paysagers : cheminée brique, halles, toits à sheds

d’après GoogleEarth


JEU D’ACTEURS COMPLEXES Comme développé précédemment, le fond de vallée est particulièrement soumis à la contrainte foncière. Les limites communales ne sont d’ailleurs aucunement un obstacle au fonctionnement des différentes entreprises dont les usines s’étendent à la fois sur Firminy et Unieux sur le Site Industriel de l’Ondaine et sur Fraisses-Unieux pour l’ancien site Äkers. La métropole stéphanoise joue un rôle très important dans le développement de cette rivière industrielle. Elle accompagne les entreprises et pourrait également s’investir pour traiter le cas de la friche Äkers : le but serait de faire reconnaître le site comme digne d’intérêt communautaire

pour envisager sa réhabilitation, démolition ou reconversion (aucun scénario n’est annoncé pour le moment excepté les études hydrauliques menées par les responsables du contrat de rivière qui envisagent, à la suite du rachat, de restaurer la rivière Ondaine). Les trois villes pourraient également profiter du remodèlement de ce fond de vallée pour développer leurs projets communaux (voies vertes le long de l’eau, nouveaux espaces à habiter, lieux culturels,...). L’enjeu du projet sera donc de concilier des acteurs privés et publics, locaux et d’échelle métropolitaine.

Fonctionnement actuel du site Industriel de l’Ondaine. Source : d’après Épures

Äkers

Arnaud démolition

CLEXTRAL

Aubert & Duval

APERAM

Rondy

Unieux

Firminy Fraisses

101


2.3 // Firminy-vert : un patrimoine lourd à porter ? En quittant la rivière et son fond de vallée industriel, en passant sous la voie ferrée et sur la N88, on parvient dans la ville habitée à Firminy. Le centre-ville est resserré, dense et particulièrement marqué par la présence de la voiture (la place du Breuil, espace public central, est un parking au stationnement gratuit mais limité en zone bleue). L’urbanisation se relâche et le paysage s’ouvre lorsque l’on arrive dans Firminy-Vert, on y croise moins de monde aussi, tout parait plus calme et plus grand. Comment ce quartier-appendice singulier de Firminy se porte-il aujourd’hui ? DES SECTEURS EN VOIE DE DÉVITALISATION

FIRMINY-VERT, DE L’UTOPIE À LA DYSTOPIE ?

Dans le centre-ville de Firminy, le petit commerce subit un risque de dévitalisation. Les commerces de proximité sont nombreux à fermer, concurrencés par les grandes surfaces qui se sont installées à la place d’anciennces usines dans le fond de la vallée, dans la ville industrielle. La mort du petit commerce est l’élément le plus visible d’un phénomène plus grand (O. Razemon, 2016 : la population stagne voire décroît, la vacance touche aussi les logements, et la population vieillie et se précarise). « La dévitalisation résulte de la dispersion des activités sur un territoire plus large que la localité d’origine »1. Elle s’accentue par l’utilisation désormais quotidienne et systématique de la voiture individuelle qui bouscule les rapports de proximité (l’usager profite de la vitesse pour aller plus loin et non pas forcément pour gagner du temps, il délaisse la quincaillerie pour le Mr Bricolage2).

Conçu pour accueillir une population nombreuse avec plus de 1000 logements, le quartier de FirminyVert enregistre aujourd’hui le deuxième taux de vacance locative après le centre-ville (données Iris 2010). C’est un secteur sauvegardé, patrimonialisé, mais paradoxalement particulièrement touché par une menace de dévitalisation. Le processus de désindustrialisation amorcé en Ondaine provoque une baisse d’attactivité du territoire au regard de la baisse d’offre d’emplois. Le déficit migratoire des communes génère donc une vacance locative forte. Firminy-Vert fut sans conteste l’utopie de ses concepteurs et notamment de Eugène Claudius Petit qui vit en ce quartier l’opportunité de réaliser à l’échelle locale ce qu’il a insufflé à l’échelle nationale pendant son mandat de Ministre. En revanche, du point de vue de la population, ce quartier a longtemps suscité une incompréhension (architecture trop moderniste pour une population attachée à un caractère rural). Le quartier qui se voulait intégré à la vieille ville est en réalité en périphérie de celle-ci, et a été associé aux mots de ghettoïsation voire de quartier sensible lors des émeutes en 2009. Une part de logements vacants de 17,42 % pour FirminyVert et de 18,32 % pour le centre-ville (pour une moyenne française de 7,17 % en 2010). Source : map.DataFrance.info, données IRIS

102

1 - O. Razemon, Comment la France a tué ses villes, 2016. 2 - id.


Piscine Wogenscky Stade

église Saint-Pierre

Maison de la Culture

Délimitation du Site Le Corbusier UNESCO. Firminy-Vert et les monuments Le Corbusier sont tous labellisés patrimoine du XXème siècle.

Unité d’Habitation

L’Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine de Firminy - Juin 2016. (Source : ville de Firminy) OUTILS DE PROTECTION Un véritable carcan institutionnel couvre le quartier de Firminy-Vert. Les mutations de cet ensemble urbain sont très règlementées et il faut faire preuve d’inventivité pour mener des projets d’aménagement. Le site est effectivement très contraint par un millefeuille de protections destiné à sauvegarder et valoriser le patrimoine de Le Corbusier et son quartier (AVAP, bâti classé ou inscrit aux Monuments Historiques, Site Le Corbusier UNESCO). Le plan masse du quartier peut évoluer selon des conditions très précises qui doivent préserver l’esprit de la Chartes d’Athènes à

l’origine théorique de l’urbanisme et de l’architecture du quartier. La commune doit également travailler en collaboration étroite avec les bailleurs sociaux puisque le quartier contient un très grand nombre de logements sociaux. Les Offices Publics de l’Habitat, importants dans la vallée de l’Ondaine, sont créés à l’initiative des collectivités territoriales (l’OPHLM de Firminy remonte à 1947). Ces bailleurs ont une vocation sociale en proposant une offre de logements aux loyers accessibles et en conseillant les locataires. 103


LE VÉGÉTAL Tout chantier doit respecter les tracés et les proportions d’origine. Les protections énoncées dans l’AVAP concernent aussi les cônes de covisibilité vers le paysage naturel hors de la ville et dans la ville et vers le patrimoine industriel (la tour de trempe depuis l’église St Firmin) ou le patrimoine architectural (l’Unité d’Habitation). Concernant le végétal, le plan masse doit être respecté (proportion d’espaces libres). Les plantations sont très strictes pour suivre l’esprit de la Charte d’Athènes : des lieux précis sont délimités pour planter certaines essences dont la liste est dressée dans le règlement de l’AVAP.

Il est spécifié que : « Tout projet d’aménagement de jardins ouvriers devra faire l’objet d’un projet global prenant en compte les problématiques de stationnement, de raccordement aux réseaux de la ville, d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, de clôture et d’insertion paysagère» Néanmoins, les usages liés aux espaces verts sont aujourd’hui assez limités dans ce quartier (promenades, passages). Une évolution du regard sur ces espaces ‘‘libres’’ vers des espaces ‘‘verts’’ pourrait permettre l’établissement de nouvelles pratiques urbaines dans ce quartier d’habitat.

L’Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP qui remplace la ZPPAUP - Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) de Firminy - extrait - Juin 2016 (Source : ville de Firminy).

La ligne de chemin de fer délaissée en contrebas de l’Unité d’Habitation jusqu’au centre-ville est classée ‘‘Voie Verte’’ et en zone naturelle à conserver. 104


L’innovation du projet de réhabilitation de La Corniche De l’habitat collectif vertical (128 logements) aux 34 maisons individuelles

- Environnement exceptionnel (nature à proximité immédiate et inscription dans un site patrimonial) - Réhabilitation : conserver la hauteur et les volumes du bâtiment (référence architecturale du quartier de Firminy-Vert) Jardins, terrasses et parking souterrain

Source : Ville de Firminy VIVRE À FIRMINY-VERT Le quartier est à l’origine édifié pour insuffler une nouvelle manière d’habiter la ville. Or, les pratiques urbaines ont largement évolué depuis. L’observation du fonctionnement actuel de l’Unité d’Habitation permet de bien saisir ce changement d’époque. Très vite le progrès peine à s’installer dans les appartements standardisés du monument corbuséen : par exemple, où placer le lave-linge ou le lave-vaisselle ? Le modernisme des années 1950 est vite devenu obsolescent. De même le toit-terrasse ne possède plus sa vocation de jadis (école maternelle) et les habitants n’y ont accès que les jours de visite, au même titre que les touristes.

Malgré les fortes contraintes liées à la protection du quartier et de ses bâtiments, de nouvelles initiatives voient le jour et s’adaptent aux règlementations : La Corniche (128 logements surplombant le quartier abandonnés depuis plus de douze ans) fait l’objet d’une réhabilitation particulièrement inventive ; l’école dans le ciel de l’Unité d’Habitation (fermée en 1998) accueille depuis 2012 dans une partie de ses locaux le pôle international de formation en patrimoines et paysages culturels (Master Patrimoine de l’Université de Saint-Etienne). 105


DES RAPPORTS SINGULIERS À L’ESPACE URBAIN Une mémoire locale fragile

3

Les habitants et les usagers (personnes travaillant ici ou touristes) des villes de Firminy, Unieux et Fraisses possèdent des rapports singuliers à l’espace urbain, un territoire hérité qui, comme nous l’avons vu, présente de grandes contraintes (les invariants qui touchent les régions en cours de désindustrialisation : pollutions, raréfaction du foncier, friches, inondabilité, processus de dévitalisation,...) mais aussi de forts potentiels spécifiques au territoire (héritage de savoir-faire, patrimoines multiples, acteurs dynamiques,...). L’étude des représentations du territoire de la population permettra de déterminer des pistes concernant les besoins. Comment perçoivent-il leur territoire et leur paysage quotidien et que représente l’industrie pour eux aujourd’hui ? Quelles sont les envies pour le territoire de demain ?

3.1 // paysages quotidiens Afin de décrire et analyser le paysage quotidien des habitants et usagers des trois villes, je suis allée à leur rencontre pour saisir leurs perceptions, leur attachement et aussi en filigranne, leurs envies. Notons bien entendu que les résultats des enquêtes1 réalisées dépendent de l’âge, des lieux d’interview et des lieux de résidence des personnes interrogées, je vais tout de même tâcher de retranscrire et dépeindre le paysage quotidien des personnes de Firminy, Unieux et Fraisses. RÉSULTAT D’ENQUÊTE : VILLE ET NATURE

DE L’ORDINAIRE À L’EXCEPTIONNEL

J’ai interrogé les habitants et les usagers sur leur paysage quotidien. Il apparait que la ville et son caractère bétonné (une influence corbuséenne ?) est paradoxalement très souvent associée à la nature. On peut le rappeler, les pentes et le relief jouent un rôle particulier dans cette conurbation dense de fond de vallée : le regard se pose toujours à l’horizon sur un versant boisé, cultivé ou mité de pavillons aux parcelles jardinées. Les points de fuite depuis la ville dirigent vers la nature, une nature ordinaire mais en dehors de la ville.

Firminy-Vert est le quotidien des habitants, aussi il rentre dans le cadre du paysage ordinaire, celui qui est connu et reconnu (ce quartier a longtemps été incompris). Cet ensemble architectural et urbain unique en Europe est qualifié d’extraordinaire par les usagers ponctuels, les touristes et les personnalités extérieures à la vallée. FirminyVert, et plus particulièrement le Site Le Corbusier, semble s’être imposé comme identité territoriale remarquable bien que les Appelous le considèrent seulement comme un cadre de vie, avec une certaine fierté néanmoins depuis le classement UNESCO. Firminy-Vert contient des référents paysagers qui forgent une identité collective : Firminy, c’est Le Corbusier mais la vallée également, depuis Fraisses et Unieux, on voit l’Unité d’Habitation, trônant sur son promontoire naturel, elle fait partie du paysage ordinaire, quotidien malgré son caractère exceptionnel.

« montagne »

« naturel mais urbain »

« le centre de la ville (Firminy) est gris »

« du béton et des arbres »

« Vert mais habité »

« la campagne, une vue sur les plaines »

« depuis Firminy-Vert, je vois une bonne partie de la ville, calme , paisible » 106

« l’Unité d’Habitation, on s’est habitué à sa présence. Ce n’est plus un bloc de béton. »


« J’habite en face d’une zone industrielle » « Il y a des usines de partout et de grandes chaines de magasins » « Il y a des zones où il n’y a que des industries et d’autres où il n’y a que des habitants »

MÉMOIRE OUVRIÈRE

TERRITOIRE INDUSTRIEL ? En questionnant les habitants sur l’aspect industriel de leur territoire, il apparait une image assez négative. Le territoire de Firiminy, Unieux et Fraisses est plutôt considéré comme industriel avec « beaucoup d’usines », mais les « villes sont mortes », « la région est morte », c’est un « territoire industriel, ouvrier et pauvre »2. Le paysage, comme cadre de vie pour des jeunes personnes, est donc saturé (beaucoup évoque la pollution et le manque de nature en ville) mais il représente peu de dynamiques et ne constitue pas véritablement un paysage industriel, contrairement à d’autres territoires actifs (« par rapport à Lyon »). La fracture entre ville industrielle et ville habitée est nettement ressentie : nombreuses sont les personnes qui parlent de Firminy, Unieux ou Fraisses en « zones », « lotissements », en nommant les espaces selon leur usages, leur fonction dans la ville. En revanche, les personnes plus âgées que j’ai pu rencontrer considéraient volontiers qu’il s’agit d’un territoire industriel à la fois contemporain avec de petites entreprises performantes et un paysage industriel hérité : « regardez, on a la tour de trempe ». 1- Micro-trottoirs, entretiens informels et enquêtes papiers. 2 - Enquête menée auprès de 60 élèves de 2nde et de Terminales L au Lycée Albert Camus.

Dans le paysage du site à la rencontre de Firminy, Unieux et Fraisses, la mémoire ouvrière est peu lisible. Peu de lieux commémorent ce patrimoine immatériel. À la Ricamarie, il existe le monument du Brûlé qui visuellement symbolise le souvenir des luttes ouvrières. Ici, il reste quelques noms dont celui de Holtzer, patron qui fut parait-il apprécié de ses ouvriers. Cependant, sans explication, ces noms de lieux (Parc Holtzer, Lycée Jacob Holtzer) n’évoquent plus rien aux nouvelles générations. Récemment, la ville de Firminy a disposé dans la ville des pannonceaux pour illustrer la vie d’avant : devant le parc Vincent Brunon, on peut lire une pancarte sur le Puits Lachaux et comprendre ainsi d’où vient l’origine de ce parc (zone inconstructible après l’exploitation minière à cause des risques d’éboulements). Avec le temps, le récit de l’histoire de l’industrie en Ondaine s’étiole et risque de rendre incompréhensible la présence d’objets hérités pourtant considérés comme patrimoniaux : de nombreux jeunes ignorent l’utilité et l’origine de la tour de trempe. De même ce qui fait patrimoine en Ondaine, c’est Le Corbusier mais peu connaissent l’histoire de Firminy-Vert qui a déterminé la présence de l’architecte. La mémoire ouvrière, si on décide de la sauvegarder, doit être reliée à la mémoire industrielle, la mémoire des lieux, que je développerai peu après. Mais cette mémoire ouvrière est-elle pérennisable ? Peut-elle se traduire plus significativement dans l’espace public et auprès de quels usagers ? 107


3.2 // Symboles d’un patrimoine industriel Un patrimoine est ce que l’on décide de garder pour les générations futures. Il s’agit d’un choix de ce que l’on retient de l’histoire et de ce que l’on transmet. La période minière semble particulièrement bien intégrée au passé, elle est facilement mise en scène ou muséifiée. Mais que faire d’un patrimoine vivant comme les usines ou l’architecture créée pour les ouvriers du siècle précédent ? Comment est perçu ce patrimoine aujourd’hui par les habitants des villes de Firminy, Unieux et Fraisses et quelles sont les mesures pour le sauvegarder ?

«

Parallèlement aux transformations qui l’affecte à la fois sur un plan matériel et sur un plan abstrait, la ville se souvient et oublie tout en même temps. Car qui dit mémoire dit aussi oubli, l’un n’allant pas sans l’autre dans la mesure où le travail de mémoire lui-même s’accompagne d’une sélection et donc nécessairement d’omissions plus ou moins conscientes.

«

Éric Adamkiewicz cité par Clarisse Lauras dans Firminy-Vert, de l’utopie municipale à l’icône patrimoniale. CE DONT ON SE SOUVIENT Contre toute attente, la mine semble prendre une place plus importante dans la mémoire et dans les valeurs patrimoniales que la sidérurgie ou la métallurgie. L’arrêt définitif du métier de mineur dans la région aide à considérer cette héritage industriel comme un passé facilement patrimonialisable ou muséifiable (puits des Combes inscrit aux Monuments Historiques en 2003, la mine-témoin à Firminy) contrairement à l’industrie métallurgique dont l’activité a diminué mais ne s’est pas pour autant éteinte.

108

CE QUE L’ON GARDE : MISES EN VALEUR RÉALISÉES Certains choix de protection et de sauvegarde du patrimoine ont déjà été mis en place dans les trois communes de Firminy, Unieux et Fraisses. Malgré l’image négative renvoyée par la mine (dures conditions de travail, misères sociales, pollutions,...) sa réouverture dans le cadre d’un musée participe à la valorisation du territoire : l’histoire de la mine et les nombreuses luttes sociales qui y sont associées sont des éléments culturels revendiqués par les habitants. La mine-témoin au Château des Bruneaux a été réalisée à l’initiative des membres de la Société d’Histoire et d’anciens mineurs bénévoles soucieux de faire connaître le travail qui fut le leur. Cette reconstitution réalisée entre 1983 et 1989 montre cette volonté de résistance à l’oubli dans un contexte plutôt favorable à la tabula rasa à cette époque. Entre protection, labellisation et muséification, dressons la liste des mises en valeur actuelles qui existent sur ce site restreint en faveur du patrimoine industriel.


DIFFÉRENTS OUTILS POUR SAUVEGARDER LE PATRIMOINE À FIRMINY-UNIEUX-FRAISSES Label Patrimoine du XXème siècle

Protection : classement / inscription

Ce label, décerné par le Ministère de la Culture n’a pas de portée juridique : « il a pour objet d’identifier et de signaler à l’attention du public les constructions et ensembles urbains protégés ou non au titre des Monuments Historiques ou des espaces protégés (ZPPAUP, Secteurs sauvegardés) dont l’intérêt architectural et urbain justifie des les transmettre aux générations futures comme des éléments à part entière du patrimoine du XXème siècle. » (d’après définition du Ministère de la Culture). De nombreux monuments possèdent ce label ici dont les monuments déjà estampillés Le Corbusier (l’église Saint Pierre, l’Unité d’Habitation, le stade, la Maison de la Culture, la piscine) et la singulière tour de trempe. Le quartier de Firminy-Vert, sous le nom de cité de Firminy-Vert, est également sur la liste du patrimoine du XXème siècle.

Les châteaux des industriels de l’ère paternaliste peuvent être classés ou partiellement classés et inscrits au titre des Monuments Historique, un haut titre de protection. Le château Dorian par son architecture exemplaire et rare sur le territoire a bénéficié de ce dispositif législatif. À ne pas confondre avec les nombreux autres châteaux présents dans les environs, datant d’une époque bien antérieure et ne faisant donc pas partie du patrimoine industriel (comme le château des Bruneaux, qui abrite néanmoins dans son enceinte la minetémoin). Les quelques cités ouvrières présentes encore dans le tissu industriel du fond de vallée ne font pas l’objet de protection ou de valorisation.

Muséification La mine-témoin à Firminy retrace fidèlement l’histoire de la mine dans le bassin houiller de la Loire. Au cours d’une promenade souterraine, on découvre chronologiquement les conditions du travail dans les entrailles de la terre. Ce musée prend la forme de son contenu avec un grand souci du détail et de l’authenticité (le matériel et les machines utilisées pour reconstituer les galeries et les salles des puits ont été récupérés dans la vallée et la région stéphanoise). Dans la même veine, on pourrait citer l’écomusée du moulin de la Fenderie à Unieux qui relate l’histoire de cet établissement proto-industriel du XVIIème siècle. 109


FIRMINY-VERT : UN FAIT INDUSTRIEL DEVENU RÉCEPTACLE DE L’ ŒUVRE CORBUSÉENNE Firminy-Vert possède la place ambiguë selon laquelle on peut l’associer au patrimoine issu de l’industrie puisque le quartier a été construit pour moderniser la ville ouvrière et loger les salariés des usines. Étant donné ces motivations de construction (moderniser et aérer la ville industrieuse de Firminy du XXème siècle), il pourrait obtenir le même titre que les cités ouvrières et minières qui sont aujourd’hui reconnues comme un patrimoine industriel, à ceci près qu’il s’agit d’un quartier de grand ensemble. Néanmoins, ce grand ensemble échappe à cette catégorie : le quartier de Firminy-Vert (protégé en tant que patrimoine urbain) est en effet effacé derrière le Site Le Corbusier composé des quatre œuvres majeures de l’architecte et de son disciple (André Wogenscky) à savoir l’église Saint Pierre, la Maison de la Culture, l’Unité d’Habitation, le stade et la piscine. Firminy-Vert apparait dans l’ombre du patrimoine Le Corbusier. Une étude historique sur l’évolution de la perception de Firminy-Vert1 montre comment le quartier de grand ensemble s’est peu à peu effacé des communications de la ville et comment il est devenu le support des constructions ponctuelles de Le Corbusier : « la réhabilitation n’a pas permis d’inscrire dans la durée le paysage du grand ensemble comme l’une des références de la ville » (p. 147). Le quartier est éclipsé, on ne retient que les signaux Le Corbusier, les repères visuels majeurs, dans le paysage. Aujourd’hui encore, l’association entre les éléments ponctuels Le Corbusier, dont la valeur est désormais reconnue par tous les élus, et son écrin Firminy-Vert ne semble pas évidente pour les habitants ou les usagers au vu des communications touristiques. Le destin singulier du quartier est un « exemple qui illustre clairement quels sont les enjeux de pouvoir, de contrôle territorial, qui accompagnent l’introduction d’une nouvelle esthétique urbaine. [...] La reconnaissance du grand ensemble est promue à travers l’utilisation du mot site et correspond à 110

une véritable création artistique : sans que le terme soit employé, nous sommes bien dans une logique de production paysagère. [...] Mais à partir des années 1990, c’est la référence au patrimoine qui s’impose, comme si le regard avait besoin de se raccrocher aux éléments architecturaux les plus identifiables » (Veschambre, 2000). La reconnaissance patrimoniale dans le cas du quartier de Firminy-Vert dépasse les préoccupations culturelles et artistiques locales. La valorisation des référents paysagers à valeur identitaire (les monuments Le Corbusier) fait éclore un paysage vitrine2. Depuis la candidature pour faire reconnaître le site Le Corbusier à l’UNESCO, il y a plus de dix ans jusqu’à sa nomination officielle en 2016, un véritable marketing territorial se met en place. L’identité locale, représentée par ce quartier, joue un rôle très important dans l’attractivité du territoire. Le site accueille 25 000 visiteurs en 2015 et la fréquentation ne cesse d’augmenter avec le temps3, alors que comme nous l’avons vu précédemment, Firminy-Vert fait partie du décor ordinaire, du paysage quotidien et n’est pas forcément perçu comme un lieu exceptionnel : c’est un paysage urbain qui contient des monuments remarquables, sacralisés.

Sac distribué par la ville

Patisserie locale

L’église Saint Pierre de Le Corbusier : un faire-valoir pour Saint-Etienne qui s’approprie l’image (une architecture singulière et nouvelle qui s’associe aisément à la culture Design) et un instrument de communication pour Firminy.


MÉMOIRE INDUSTRIELLE

L’INDUSTRIE, PAYSAGE CULTUREL

Les besoins de l’industrie ont conduit les concepteurs des bâtiments à créer de nouvelles techniques de constructions pour accueillir des machines hors normes. L’expression architecturale industrielle des XIXème et du XXème siècles est unique et aisément identifiable. De nos jours, la propension à cacher les entrailles de l’usine derrière des tôles ondullées domine... La friche Akers mais aussi le Site Industriel de l’Ondaine ont un système spatial, des géométries qui donnent des informations sur l’esthétique et l’idéologie de leur époque. Ils sont « symboles de l’évolution scientifique et technologique, de puissance, de force, du travail des ouvriers pour perfectionner la production et de l’effort des ingénieurs et des architectes pour améliorer les conditions d’abri de l’homme et de la machine »4. Ce que je qualifie de mémoire industrielle est cette représentation et cette atmosphère des lieux qui témoignent par leur architectures, leur organisation des savoir-faire et des techniques industrielles mais aussi des modes de vie d’autrefois. Cette mémoire industrielle est menacée par l’amnésie provoquée par le démantèlement abusif, l’effacement du contenant. Elle est fragile car la réécriture de la ville sur la ville ne prend pas forcément en compte ses composantes mémorielles. De nombreuses destructions dans la vallée ont condamné à l’oubli des pans de l’histoire : il ne reste aucun puits de mine à Firminy, Unieux ou Fraisses. Ceux préservés à la Ricamarie ou au Chambon sont maladroitement mis en valeur : le puits des Combes est peu visible depuis la ville, le chevalement de puits du Marais trône sur un rond-point (la construction d’une nouvelle route a engendré la démolition de nombreux bâtiments, les annexes du chevalement qui servaient à l’extraction. La destruction a brisé la cohérence du lieu. L’objet et sa signification sont fortes mais on les croit faux. Ils sont une évocation d’une mémoire sans réellement l’incarner.

Le paysage industriel de la vallée de l’Ondaine est culturel. Il porte un ensemble de connaissances et de valeurs locales fortes. Même si industrie et paysage ont longtemps été perçus comme deux notions contraires, oxymoriques, elles semblent se réconcilier à travers les concepts de paysage culturel et de patrimoine industriel. L’industrie fait paysage culturel en Ondaine dans le sens où elle est représentative de la région de l’ancien bassin houiller stéphanois5. « Les paysages culturels expriment la longue et intime relation des peuples avec leur environnement » (selon l’UNESCO) : Firminy, Unieux et Fraisses possèdent un paysage commun qui porte cette histoire et la véhicule. Travailler dans le cadre d’un projet de territoire sur ce paysage culturel implique de penser les lieux d’intervention selon deux dimensions : matérielle et idéelle. La représentation des lieux, le paysage post-projet, doit intégrer les valeurs culturelles, patrimoniales, du territoire afin de produire un espace qui fait sens. Ainsi, un projet de valorisation du territoire doit intégrer la sauvegarde de la mémoire ouvrière (musée ou espace public évocateur, pédagogue) et de la mémoire industrielle (protection des derniers héritages architecturaux).

1 - V. Veschambre, Firminy-Vert et le « Site Le Corbusier », vers une esthétisation du grand ensemble ? 2 - E. Bigando, Le paysage ordinaire, porteur d’une identité habitante Pour penser autrement la relation des habitants au paysage 3 - D’après Le Petit Bulletin, journal culturel de Saint-Etienne 4 - Françoise Lucchini, Mise en culture des friches industrielles 5 - Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est reconnu paysage culturel depuis 2012. Il a été classé ainsi pour différents critères à la fois visuels et matériels (reliquats et traces des houillères : des machines d’extraction à l’habitat ouvrier ou aux terrils) mais aussi immatériels et conceptuel (témoignage de l’évolution des conditions sociales et techniques de l’exploitation du charbon, lieu symbolique de la condition des mineurs et des idéaux du syndicalisme ouvrier).

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3.3 // Recherche d’une nouvelle urbanité

Les codes urbanistiques d’une époque donnée ne sont pas éternels : les usages des lieux changent ainsi que les modes de déplacement, d’habiter. Dans un contexte de décroissance, de réduction des activités et de la démographie, les villes doivent adapter leur morphologie et envisager une nouvelle fabrique urbaine. La recherche d’une nouvelle urbanité1 en phase avec son temps et ses héritages doit accompagner la recomposition urbaine afin de lier avec cohérence usages et espaces créés.

HABITER / RÉSIDER De plus en plus, les habitants deviennent résidents. Habiter la ville suppose de la faire vivre, de l’occuper. Pour habiter un espace, pour se l’approprier, il faut d’abord le comprendre2. La mécanique de l’espace public dans la ville de Firminy n’est plus aussi fluide qu’avant. Des lieux pourtant centraux présentent des usages déficitaires et par là même une certaine carence d’urbanité. La place du Breuil par exemple sert de façon hebdomadaire à un marché mais elle constitue un parking le reste du temps. Ces stationnements ne sont malheureusement pas forcément bénéfiques aux petits commerces : les piétons consomment souvent plus que le conducteur s’arrêtant pour un magasin en particulier3. Une concertation publique a concerné le devenir de cette place en Novembre (les commerçants ont d’ailleurs vivement exprimé leurs craintes de la disparition de la fonction de parking). À la suite de cette discussion, une expérience a été decidée : à partir du mois d’avril, la rue adjacente à la place sera piétonnisée tous les samedis après-midi. Ce test urbain et social permettra de voir les effets sur le commerce et dans la vie quotidienne des usagers. 112

De nombreuses personnes seraient favorables à la réduction de la voiture en ville et notamment sur cette place située en face de la gare, la porte d’entrée de la ville. De nouveaux usages pourraient voir le jour sur cette place publique ramenée à l’échelle humaine, piétonne. D’autre part, le fond de vallée a toujours été destiné à l’industrie, mais maintenant que celle-ci diminue, pourquoi ne pas envisager d’habiter ce fond de vallée pour les communes comme Fraisses dont l’étalement urbain se limite par la protection des terres agricoles ? Réaménagés, les bords de l’Ondaine pourraient proposer un cadre de qualité pour une façon nouvelle d’habiter la vallée. (Re)devenir habitant à Firminy, Unieux et Fraisses pourrait prendre différentes formes à commencer par la requalification et la diversification de lieux particulièrement déficitaires en termes d’usages (une seule fonction qui souvent exclut l’habitant en tant que piéton). Retrouver des lieux sociaux, agréables, où l’on aurait envie de se retrouver.


« Le jour où il y a le plus de monde à Firminy, c’est le jour du marché et ce jour-là, il n’y a pas de voitures sur la place du Breuil. »

SE DÉPLACER Il existe un problème de mobilité étendu à l’ensemble de la vallée au point qu’une association locale a décidé de prendre cette thématique comme cheval de bataille. L’association O2 Ondaine s’est chargée de communiquer autour du développement des réseaux doux qui sont encore trop peu nombreux à l’intérieur des villes pour relier les lieux de vie, de travail, de divertissement. Le déplacement quotidien se fait actuellement principalement en voiture individuelle mais les mentalités évoluent en même temps que les volontés politiques (Firminy inscrite dans le réseau villes en transition, la métropole stéphanoise promeut l’environnement comme grande orientation). Une nouvelle façon de se déplacer dans la ville peut être inventée entre Firminy, Unieux et Fraisses pour améliorer la place des piétons et cyclistes en ville et réduire celle de la voiture.

« Aujourd’hui, c’est la voiture qui fait l’espace public, c’est dommage. » « Les couleurs de la ville... Ce serait bien un nuancier plus vert ! »

« Le parking de la gare n’est pas loin, il pourrait accueillir plus de voitures pour libérer le centre-ville. » 1 - L’urbanité est la faculté de vivre ensemble dans un espace. Elle suppose la présence d’interactions, de partages, déchanges. Les espaces publics dans la ville, de la rue à la place augmente le degré d’urbanité s’ils sont utilisés, appropriés par une population mixte et dense (définition d’après Géoconfluence). 2 - émission radiophonique sur France Culture : à qui appartient l’espace public ? 3 - O. Razemon, Comment la France a tué ses villes.

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Un mercredi après-midi, je me suis rendue à Firminy-Vert. Et je n’ai croisé personne. Au loin peut-être, une silhouette qui suivait scrupuleusement le chemin qui a été tracé, rectiligne, dans une perspective d’arbres plantés.

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Je suis montée vers l’Unité d’Habitation pour regarder les allées et venues des habitants de cette architecture qui attire tous les regards sur elle dans la vallée. On sort de la ville verticale pour promener son chien, sans véritablement chercher à aller plus loin que le parking.

On remarque un intérêt certain pour l’architecture et pour le paysage qui accueille son implantation, mais les espaces verts m’apparaissent simplistes : deux strates habillent ‘‘l’espace libre’’, une herbe bien tondue et des arbres rangés le long de chemins pavés.

Le quartier semble statufié.


Les discussions avec les habitants me confortent dans mes impressions, FirminyVert regorge d’espaces libres mais pas véritablement d’espaces publics où l’on a l’habitude de se retrouver, où l’on pourrait inventer de nouveaux usages.

À Firminy-Vert, des morceaux de paysages sont connus et reconnus comme patrimoine : les monuments Le Corbusier se visite mais on passe d’un objet architectural à un autre sans réellement se soucier de l’environnement urbanistique sur lequel ils sont positionnés.

Il n’y a pas eu de paysagiste* à la conception du quartier de FirminyVert mais des architectes et des urbanistes conscients de l’importance de l’environnement et du paysage - dans le sens d’un écrin - dans leur projet. Aujourd’hui, ces espaces sont-ils toujours pertinents dans un contexte de développement durable où la nature n’est plus uniquement qu’un décor ?

Pourrait-on actualiser cette esthétique ? * L’intervention de Jean Marc, paysagiste stéphanois et jardinier de la ville, fut si discrète et si éphémère qu’elle n’es pas significative. Elle engendra des conflits avec les concepteurs.


Un mercredi après-midi, je me suis rendue à Firminy-Vert. Et je n’ai croisé personne. Au loin peut-être, une silhouette qui suivait scrupuleusement le chemin qui a été tracé, rectiligne, dans une perspective d’arbres plantés.

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Je suis montée vers l’Unité d’Habitation pour regarder les allées et venues des habitants de cette architecture qui attire tous les regards sur elle dans la vallée. On sort de la ville verticale pour promener son chien, sans véritablement chercher à aller plus loin que le parking.

On remarque un intérêt certain pour l’architecture et pour le paysage qui accueille son implantation, mais les espaces verts m’apparaissent simplistes : deux strates habillent ‘‘l’espace libre’’, une herbe bien tondue et des arbres rangés le long de chemins pavés.

Le quartier semble statufié.


On trouve à Firminy-Vert des architectures remarquables et remarquées. Mais les difficultés rencontrées pour terminer la construction de l’église Le Corbusier montrent à quel point ce patrimoine est ambigu. Il s’agit d’un renversement de perceptions : ce qui a été étrange, trop moderne, trop béton, est aujourd’hui patrimoine parce que celui-ci a été reconnu mondialement comme tel (inversion patrimoniale : globale puis locale).

Cette église est remarquable à plus d’un titre, pour son architecture audacieuse d’une part et pour la diversité des usages qu’elle offre d’autre part. L’église imbrique le laïc et le religieux : une extension du musée d’Art Moderne de Saint-Etienne occupe l’étage inférieur. L’église Saint-Pierre, son audacieuse forme et ses jeux de lumière à l’intérieur.

L’église Saint-Pierre

Les gradins, le stade

Lors des journées du patrimoine, on peut à nouveau voir des enfants dans l’école de l’Unité d’Habitation, une manière pour le lieu de revivre.

Avec le temps, le quartier semble avoir perdu des aspects pourtant essentiels au projet initial : l’école dans le ciel de l’Unité d’Habitation n’est intégralement ouverte que sur demande (une classe de Master en patrimoine a néanmoins récemment pris possession d’un fragment du toit-terrasse). .

La Maison de la Culture

Esquisse Le Corbusier / le centre-civique


SYNTHÈSE PARTIELLE - Les enjeux locaux

1 - Portraits des communes Un cœur de vallée, des confluences - 3 villes aux morphologies urbaines distinctes qui se mêlent dans une intercommunalité industrielle - une confluence de dynamiques naturelle et humaine - un site à la charnière entre passé et devenir

2 - Une constellation d’enjeux Depuis le fond de la vallée jusqu’au quartier de Firminy-Vert - la rivière : voir la contrainte comme une opportunité pour repenser la composition du fond de vallée. - un tissu industriel entre dynamisme et abandon : rééquilibrer le fond de vallée en travaillant la composition spatiale et en insufflant de nouveaux usages - Firminy-Vert : espace libre/espace vert, repenser la place du végétal dans la verdure corbuséenne

Le territoire de Firminy, Unieux et Fraisses présente un espace urbain fracturé où la ville habitée se distingue très nettement de la rivière industrielle. Il apparait dans ce diagnostic resserré que les enjeux sont multiples mais qu’ils concernent particulièrement différents espaces dans les villes (le fond de vallée autour de la rivière notamment et le quartier de Firminy-Vert). Les problématiques environnementales, la menace de dévitalisation ou la carence d’espaces publics s’opèrent sur fond de désindustrialisation. Comment orchestrer un nouveau dialogue entre la ville industrielle et la ville habitée ? Quelle forme de planification choisir pour agir sur des lieux espacés dans la ville mais dont la conception doit être pensée de manière globale ? La forme éclatée de ce site de projet en lieux de projets m’a invité à me questionner sur les formes de liaisons : la cohérence de ce projet peut effectivement être portée par une matrice spécifique, celle d’un réseau doux qui entre en résonance avec les problématiques que je souhaite traiter dans les lieux (dessin d’espaces avec le végétal, usages liés à ces espaces et traitement des problématiques écologiques par des techniques de phytoremédiation). Ce motif vert, écologique, est donc celui qui guide la cohérence de ce projet local, à inscrire dans les dynamiques de la vallée et de son échelle plus vaste.

3 - Des rapports singuliers à l’espace urbain Une mémoire locale fragile

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LA VILLE INDUSTRIELLE

- paysage quotidien : maintenir un dialogue villenature

Vestiges d’un passé florissant : friche Äkers

- rendre lisible le patrimoine industriel

Enteprises héritières du savoir-faire local : reconversions et restructurations nécessaires

- accompagner les envies locales par le projet pour une qualité du quotidien

Amers paysagers : patrimoine industriel


La tour de trempe La cheminée Holtzer

voie fe

rrée

250

500 m

N

L’église Saint-Pierre

Infrastructures : césure entre les deux villes L’Ondaine, ligne structurante difficilement visible LA VILLE HABITÉE Firminy-vert : quartier décroissant ?

RN8 8

0

L’Unité d’Habitation

Risque de dévitalisation du centre-ville de Firminy Amers paysagers : œuvres Le Corbusier

250

0

117 250


Le parc Holtzer

le quartier de

firminy-vert

Le Site industriel de L’ondaine


III

VERS UN PROJET LOCAL . ARCHIPÉLAGIQUE DE LA RIVIÈRE INDUSTRIELLE AUX HAUTEURS DE FIRMINY-VERT

Archipel ? Ce terme, emprunté à la géographie physique, renvoie à un ensemble fragmenté mais unifié. Plusieurs fois au fil de mon étude, j’ai observé des séparations, un éclatement, une constellation, termes qui m’ont invité à penser le projet dans une forme qui devrait s’adapter à ces pièces de puzzle. La notion d’archipel appliquée à l’espace urbain invite à un raisonnement sur les liens possibles entre différents lieux. Leur recomposition doit être pensée avec leurs (re)connexions afin d’éviter la création d’îles autonomes, autarcique, en rupture avec le reste de la ville. Après avoir rappelé les problématiques et les attentes des communes, nous verrons comment les îles actuelles (la friche Äkers, le Site Industriel de l’Ondaine et le quartier de Firminy-Vert) peuvent évoluer et se lier.

Maquette au 1/10 000 e du site de projet

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1

ORCHESTRER LA RENCONTRE ENTRE VILLE INDUSTRIELLE ET VILLE HABITÉE

La fragmentation fonctionnelle urbaine fait que certains espaces sont dédiés à des usages uniques. Une certaine diversité d’usages mais aussi de paysages peut être apportée pour entretenir un dialogue plus intime entre la ville industrielle et la ville habitée qui se rencontrent aujourd’hui brutalement. Aléas miniers Risque d’inondation

1.1 // Constat : rappel des problématiques

LE FOND DE VALLÉE : UN TISSU URBAIN CONTRAINT La ville industrielle, le fond de vallée présente de nombreuses contraintes à commencer par le foncier : les friches industrielles sont les seules emprises encore disponibles. Les problématiques directement liées à l’activité industrielle présente ou passée sont également récurrentes (pollution des sols et des eaux). Enfin, les risques sont multiples, liés à la présence de l’Ondaine (risques d’inondation) ou aux activités disparues (risques miniers). Les deux lieux de projet (la friche Äkers et le Site Industriel de l’Ondaine) sont particulièrement concernés par ces contraintes.

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Unieux

Mo

Hydrocarbures

Pollutions des sols

Pollutions des eaux, des nappes

Friche Äkers

Fraisses


Secteur multi-privatisé

Pollutions des sols

Friche privée très endommagée

Une fragmentation fonctionnelle des espaces

Fe Al

Hydrocarbures

Un rapport rapide à la ville Risque de dévitalisation du quartier

Site Industriel de l’Ondaine

HAUTEURS DE FIRMINY

Firminy

La ville habitée, incarnée dans ce site de projet par le quartier de Firminy-Vert, est sujette à un risque de dévitalisation. La vacance locative est forte et s’étend à l’ensemble de la ville (centre) et on peut noter des usages déficitaires dans les espaces publics (les espaces libres du quartier appelou notamment).

Firminy-Vert

0

500m

1 km

N

Localisation site de projet : 1/25 000e

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Bien que la métropole stéphanoise soit aujourd’hui la structure la plus imposante pour la vallée de l’Ondaine, je suis allée aussi questionner les élus des communes afin de saisir les envies locales. J’ai extrait de ces entretiens des ingrédients qui pourront me servir dans le dessin de mon projet.

PISTES À EXPLORER POUR LE PROJET

1.2 // attentes des communes participation citoyenne

FIRMINY, LA CONCERTATION AVANT L’ACTION La municipalité de Firminy donne une grande importance à la démocratie citoyenne. La concertation se fait à l’échelle des quartiers pour les projets de proximité ou à l’échelle de la ville pour des débats plus grands (l’avenir de la place du Breuil par exemple). Les budgets sont co-décidés et l’avis des habitants possède un certain poids dans la balance. Firminy s’est engagée récemment dans des grands projets de rénovation/réhabilitation dans le quartier contraint de Firminy-Vert : La Corniche va s’adapter aux envies actuelles des habitants, mais l’individualisation du logement collectif ne changera pas l’esthétique urbaine du quartier patrimonial. La ville est particulièrement sensible à la préservation de son patrimoine architectural Le Corbusier et elle envisage de le promouvoir, d’en faire une destination touristique plus forte. Firminy s’engage depuis longtemps dans la question écologique et sociale. Lors de la construction du quartier de Firminy-Vert, le chauffage urbain avait été l’un des grands enjeux. Ce système a évolué vers l’utilisation d’énergies renouvelables (bois déchiqueté de Haute-Loire et biogaz revalorisé depuis la décharge publiques). Première ville du département à entrer en transition, Firminy souhaite se renouveler à partir de ses héritages mais sait envisager de nouvelles pratiques pour se réinventer (projet potentiel d’un fermier urbain). 122

Association Polyculture : pédagogie d’une nouvelle pratique. Source : D. Desaleux à Roanne (42).

UNE FERME URBAINE ? L’agence Fabriques (fondée par Pierre et Rémi Janin) a développé cette notion de berger urbain en réaction à plusieurs constats : - la réduction des espaces agricoles - la multiplication des espaces vides dans les villes dont la gestion pose problème (espaces extérieurs des ZA et ZI, bords de route,...). La valorisation* des surfaces de nature en ville peut se faire par le biais de l’agriculture urbaine ou ce système de pastoralisme urbain.


réinvestir le fond de vallée et diversifier ses usages

valoriser le foncier gérer les risques

FRAISSES, SAUVEGARDE DU CARACTÈRE LOCAL

UNIEUX, PROMOTION DE LA NATURE

Entre ville et nature, le ‘‘village urbain’’ de Fraisses connaît, dans une mesure beaucoup plus réduite, les mêmes problématiques d’extentions pavillonaires que la commune de Unieux. Fraisses a récemment entrepris des travaux de restauration de la place centrale Jean Rist avec le financement de la métropole. D’autre part, les bords de l’Ondaine pourraient constituer une opportunité de constructions nouvelles pour la ville (la proportion d’habitants augmente peu mais les modes d’habiter et les ménages changent et se tournent vers le logement individualisé). La friche Äkers constitue un site particulièrement lourd à porter pour cette petite commune mais sa revalorisation pourrait constituer un véritable atout (la commune imagine la possibilité d’y installer quelques logements ou des activités).

La ville d’Unieux souhaite limiter l’étalement urbain tout en sauvegardant son nombre d’habitants. La densification et le renouvellement des quartiers existants pourraient également permettre de retrouver une centralité à la commune et d’amoindrir une tradition du lotissement libre. Concernant le fond de vallée, Unieux a déjà entrepris des projets en lien avec le développement durable de la vallée : des sections de l’Ondaine ont été renaturées, le parc Nelson Mandela, lieu intergénérationnel permet de revitaliser ce site autrefois seulement industriel. La réserve naturelle des Gorges de la Loire est une grande chance pour la commune soucieuse de son environnement mais aussi des pratiques qui peuvent s’y développer (tourisme de nature, promenade à la journée, projet de cultures maraîchères). Unieux et Firminy se rejoignent sur le Site Industriel de l’Ondaine qui est amené à évoluer au cours des prochaines années (projet Ondaine 2020). La reconquête des friches et l’aide aux entreprises pour la valorisation de leur environnement se fait avec l’appui de Saint-Etienne Métropole. La friche Äkers localisée également sur la commune de Fraisses s’étend sur un foncier inondable que les deux communes souhaiteraient sécuriser et revaloriser.

* Dans La ville agricole, R. Janin évoque la vocation agricole des espaces urbains. En hybridant le projet urbain et le projet agricole, les porosités, les délaissés, les interstices, deviennent des potentiels pour la densification nourricière.

123


1.3 // Rôle du paysagiste Le paysagiste, outre sa mission d’invention et de mise en œuvre du projet, possède plusieurs outils pour travailler avec les acteurs en amont et endosse plusieurs rôles. Le projet local, pensé dans une dimension plus large dans un projet de territoire, doit être le fruit de la concertation avec les acteurs (établir une stratégie de planification - dessin d’un schéma directeur) pour s’accorder sur les futurs usages. Fédérer les acteurs autour d u pro jet lo Paysagiste-conseil SEM EPURES Municipalités

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FÉDÉRER LES ACTEURS Les acteurs concernés sont à la fois les habitants, les associations locales mais aussi les décideurs, les entreprises privées et ceux qui financeront les projets. J’ai rencontré chacun de ces acteurs et tenté d’imaginer la place qu’ils pourront prendre dans le projet. Nous verrons donc qui solliciter dans chaque lieu d’intervention.

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MOA : Maîtrise d’ouvrage (commande du projet, études des besoins, pratiques et envies des usagers) MOE : Maîtrise d’œuvre (réalisation du projet) MUE : Maîtrise d’usage (démarche participative, concertation cadrée)

REDÉVELOPPEMENT TERRITORIAL Le redéveloppement territorial est un outil géographique qui peut s’appliquer au domaine du paysage. L’avenir du site aux alentours de Firminy est pensé par et pour les habitants en s’appuyant sur deux leviers principaux : le socle patrimonial et les enjeux environnementaux. Le respect du souvenir, de la mémoire mais aussi des envies locales doit permettre de recréer un attachement fort au territoire. La revitalisation de lieux particuliers comme la linéarité de la rivière Ondaine ou le quartier de Firminy-Vert, s’opère dans la conciliation de l’existant et du devenir. Le patrimoine industriel en tant que témoin visible et reconnu peut être porteur d’un redéveloppement territorial où la cohérence spatiale retrouve la cohésion sociale. Le patrimoine comme l’écologie peuvent être des outils de médiation pour construire des ponts, des relations entre les temps de la ville, entre les groupes sociaux et les générations aussi dans des lieux qui rassemblent, des espaces publics. Le redéveloppement territorial que j’imagine pour le site de Firminy, Unieux et Fraisses engage une transition qui sera initiée par le projet archipélagique.


Site Industriel de l’Ondaine la friche Äkers // le Parc Holtzer Projet local archipélagique Liaisons : unité et cohérence du projet. S’inscrire dans une démarche de trame verte urbaine dans le dessin des réseaux doux.

Firminy-Vert

Interventions localisées (vers un territoire multipolaire). Choix des lieux cristallisant des enjeux forts dont le renouveau apporte une réponse au risque de dévitalisation du territoire (diversification des usages).

AGIR SUR LES LIEUX ET LES LIENS Pour instaurer une nouvelle pratique urbaine, un nouveau rapport à la ville, la structure de la ville doit évoluer. L’aménagement de lieux particuliers et la diversification de leurs usages se fait dans une logique de connexions. Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas ont imaginé une telle planification pour la ville de Berlin en 1977 et la théorisent dans un manifeste : La ville dans la ville, Berlin un archipel vert1. Cette ville connaissait aussi le phénomène de réduction urbaine, de décroissance. La réduction de la densité urbaine est pensée par les deux théoriciens et architectes comme un élément qui conserve l’urbanité d’une part et permet de développer un motif écologique de grande ampleur d’autre part. Ungers et Koolhaas imaginent en effet des fragments de ville préservés dans un océan de nature (l’inverse de la situation des villes actuelles). Cette nature est à la fois lien et structure : elle est support d’une mobilité entre des pleins urbains et elle engage des usages nouveaux dans la ville (loisirs, production agricole). Bertrand Folléa développe également cette théorie de la ville-archipel en soutenant l’idée que cette

conception de la ville serait la figure du paysage urbain durable2 : le paysage, qui interroge la relation entre les espaces, permet de penser le dialogue entre les vides et les pleins de la ville, entre la nature et le bâti.

La ville-archipel présente des « îles bâties bien denses, d’habitat et d’activités, reliées entreelles par un réseau d’espaces agricoles et de nature bien préservée, assurant les fonctions économiques, agricoles, hydrauliques, écologiques, sociales et paysagères indispensables, à la constitution d’un cadre de vie agréable et durable. » B. Folléa3 Dans le cadre de l’Ondaine, le motif écologique doit se frayer un chemin dans cette ville où il n’a jamais été planifié : la reconquête des délaissés (lieux et linarités) permettra de proposer un cadre de vie à la hauteur des ambitions environnementales du territoire. 1 - D’après l’ouvrage de Hertweck & Marot, 2013. 2 - 3 - Dans Périurbains : Territoires, réseaux et temporalités, 2013.

125


2

POUR DES RYTHMES URBAINS LENTS Le dessin des réseaux doux comme outil fédérateur du territoire

Le dessin des réseaux doux (les liaisons qui permettent la pratique piétonne ou cycliste) est né d’une envie de parcourir le territoire urbain et de vivre la ville autrement. Le rythme actuel rapide de la vallée - induit par l’utilisation de la voiture et de la présence de la N88 dans la ville - invite à reconsidérer le rôle de la lenteur et des améliorations qu’elle peut apporter dans l’espace public et dans la vie quotidienne.

2.1 // Ralentir RÉSEAUX DOUX ET MOTIF ÉCOLOGIQUE

VERS LA SLOW CITY ? Né en 1999, le concept de Slow City interroge le rapport rapide à la ville qui s’est développé et propose des orientations que l’on pourrait développer pour réhabiliter la lenteur dans le quotidien urbain. Dans la vallée de l’Ondaine, les rythmes de la ville se sont accélérés alors que l’activité industrielle prenait son envol. Dès lors qu’aujourd’hui l’effervescence du travail des usines s’est calmée, pourquoi ne pas envisager la diminution de la cadence qu’elle a imposée au fond de vallée des années durant ? Le ralentissement des rythmes urbains par le dessin d’un réseau favorable aux modes doux pourrait être l’objet d’une valorisation territoriale dans la logique du développement durable. Ralentir la pratique urbaine se fera par deux biais : - par le réseau : en limitant la place de la voiture dans l’espace public et en favorisant d’autres moyens de déplacements vers des lieux de proximité. - par la qualité des lieux aménagés : en suscitant l’envie de prendre son temps, en incitant à la flânerie dans des environnements de qualité. 126

L’enjeu principal est de concilier l’articulation des vitesses (rapides et lentes) au sein d’un même espace dans la ville. Le dessin de ce nouveau réseau de déplacement doux dans la ville peut-être associé au motif écologique sous forme de voies vertes, de chemins réservés aux piétons/cyclistes. Les voies et pistes doivent être hiérarchiser pour la sécurité des usagers mais opérer leur mélange peut inciter une réduction de la voiture ou du moins de sa vitesse.

Source : K. Wierzba Vélorail du Velay : réhabilitation des réseaux délaissés dans les villes ou à leurs abords (usages ludiques et déplacements). L’ancienne voie ferrée de Firminy possède en plus l’avantage d’être dans la ville et conduit en contrebas de l’Unité d’Habitation. Plus loin, elle rejoint la Haute-Loire dont plusieurs communes ont déjà entrepris des conversions d’usages (vélo rail à Dunières). Un fil à tisser...


2.2 // Une trame, des réseaux à travailler dans la transversalité La Voie Verte des Confluences envisage la liaison du territoire du Pôle métropolitain entre le Grand Lyon, Saint-Etienne Métropole, Viennaglo et Capi Porte de l’Isère. Elle s’inspire d’un projet réalisé dans la Ruhr, célèbre région allemande et premier bassin industriel de l’Europe de l’Ouest qui a beaucoup souffert de la désindustrialisation. La piste cyclable de la Ruhr suit un parcours le long de l’eau de 230 kilomètres à travers les paysages de l’époque de l’industrie lourde et de l’exploitation minière. Pour l’Ondaine, la promotion du patrimoine industriel est envisagée et le lien avec le patrimoine urbain de Firminy-Vert serait intéressant à développer pour ne pas passer à côté d’un chef d’œuvre local. Source : Épures TRANSVERSALITÉ Le dessin des réseaux doux entre dans la logique des grandes orientations régionales comme celle de la Voie Verte des Confluences. Pour le moment, les solutions pour mettre en place un réseau favorisant les modes de déplacements doux concernent uniquement les abords de la rivière dans une logique Est-Ouest. Des relations fines sont à trouver entre les versants dans la transversalité de la vallée. Je souhaite dessiner avec précision des voies possibles adaptées aux piétons et cyclistes en m’appuyant sur le travail de l’association locale O2 Ondaine qui a pris en charge la question de la mobilité en ville dans la vallée. Les membres de

cette association ont déjà réalisé des repérages pour relier les lieux de vie et de travail (lycée, hôpitaux, zones artisanales). Je m’appuierai sur leurs perceptions, en tant qu’usagers du territoire, pour faire des propositions de cheminements. Regarder la vallée dans la transversalité invite également à imaginer le lien possible avec la Haute-Loire et l’optique de raccrocher la Via Fluvia (véloroute, voie verte, de la Loire au Rhône passant par le Pilat) par la réhabilitation de l’ancienne voie ferrée qui arrive jusqu’à Dunières. Depuis Firminy, la vallée de l’Ondaine peut s’ouvrir sur ces territoires voisins et promouvoir un tourisme de nature. 127


DIFFÉRENTS ACTEURS À MOBILISER

Schéma directeur RALENTIR LA PRATIQUE URBAINE

ASSOCIATION 02 ONDAINE implication citoyenne - propositions d’itinéraires -

Affirmer la dynamique Est-Ouest S’inscrire dans une logique de trame verte urbaine en révélant la rivière. Investir les berges de l’Ondaine pour une continuité du projet régional Voie Verte des Confluences. Ralentir la vitesse dans la rue principale (partage de la voirie en lien avec le réaménagement de la place).

LES COMMUNES compétence voie verte voiries secondaires

SAINT-ETIENNE MÉTROPOLE contrat de rivière soutien des projets

LA RÉGION

128

soutien financier des projets (contractuel ou programme européen FEDER)

Travailler la transversalité Nord-Sud Densifier le réseau secondaire existant en l’adaptant aux modes de déplacement doux (ralentir la trame rapide établie dans la ville). Tisser du lien entre les quartier et les territoires. Réinvestir les réseaux délaissés pour des usages multiples (déplacements et loisirs) : traverser la ville par l’ancienne voie ferrée.

S’affranchir des frontières urbaines Des nœuds complexes à démêler à la croisée des modes de déplacement (envisager la création d’une passerelle). Ouvrir des lieux aujourd’hui refermés sur eux-mêmes. Offrir des espaces de qualité propices à la flânerie, la promenade. Révéler des proximités. Ménager des espaces de stationnements à proximité du centre-ville et de la gare.


place du Breuil

La place du Breuil devient un lieu clef pour repenser les modes de déplacement dans le centre-ville de Firminy. En réduisant sa fonction de stationnement (sauvegarder des places pour les personnes à mobilité réduite et pour les livraisons), elle retrouve son statut de place publique : un espace de rencontre et de convivialité (marchés, événementiel, parc urbain). Des stationnements à proximité immédiate du centre-ville (deux minutes à pieds) peuvent être aménagés vers la gare. Cette place pourrait être un lieu de repère pour les touristes (lieu d’information et départs d’itinéraires).

RN8

8

250 0

250

500 m

0 N


3

DE NOUVELLES ÎLES AUX USAGES HYBRIDES Vers un paysage ordinaire hybride, pour la qualité du quotidien

Le caractère monofonctionnel d’un site le rend particulièrement vulnérable aux changements. La diversification des usages des lieux permettra de les rendre plus habités et plus durables. La finalité du projet s’attache à la qualité du quotidien. Un quotidien qui sera composé de nouvelles habitudes de trajets, de loisirs et de lieux de rencontre. Le paysage, dans ce nouveau mouvement de la ville, hybride ses formes pour faire surgir sa qualité de palimpseste : un paysage à la fois culturel et support de nouveaux enjeux environnementaux.

3.1 // Durabilité : des soutenabilités SOUTENABILITÉS PLURIELLES La durabilité du projet, son caractère pérenne, est garantie par des soutenabilités. Alberto Magnaghi dans Le projet local (Ed. Mardaga, 2003) définit la soutenabilité comme un système de relations entre le milieu naturel, le milieu humain et le milieu construit qui assure un développement durable du territoire dans le respect de l’identité locale. La lecture de cet ouvrage m’a inspiré quatre soutenabilités qui pourraient s’élever au rang d’objectifs dans le projet.

Soutenabilité territoriale Accepter la décroissance et la réduction de la ville et envisager sa mutation vers une logique archipélagique sur une matrice écologique. Cette dernière entre dans les schémas des grandes orientations (communales, métropolitaines et régionales) : préservation et valorisation des milieux, établissement d’une trame verte urbaine,...

Soutenabilité économique Soutenabilité environnementale Réduire l’empreinte de la ville en améliorant la mobilité et la qualité écologique des milieux 130

- Valoriser les entreprises qui participent à la préservation de l’identité locale et à la valorisation du patrimoine - Diversifier les usages des lieux

Soutenabilité sociale Intégration des habitants dans le projet (concertation, participation, communication)


3.2 // la mémoire dans la ville

»

Le territoire possède une profondeur historique qui lui est propre : la relation indissoluble qu’il entretient avec la durée confère ainsi au lieu une identité latente de longue durée, parfois cachée, qui exerce son influence sur notre existence individuelle et collective, sur nos facultés perceptives, sur nos pratiques linguistiques et nos mentalités. Alberto Magnaghi, Le projet local.

»

La mémoire ouvrière, industrielle est intrinsèquement présente sur le territoire mais sa mise en valeur peut permettre une compréhension du paysage quotidien au sein duquel le patrimoine industriel de l’Ondaine se délite. La permanence, la sauvegarde d’objets structurant dans le paysage forge l’identité locale et collective. Dans une logique de reconstruction de la ville sur elle-même, des choix de préservation devront être pris : les lieux doivent garder leur complexité temporelle (conservation des marques du passé et accueil des formes du futur).

par le recyclage, la réhabilitation des héritages

Penser la présence mémorielle dans la ville

par la sauvegarde de traces

par le parcours : itinéraires valorisant le patrimoine local

par le cadrage : perspectives sur des objets protégés

par des aménagements communicatifs / pédagogique

131


vers la Loire

3.3 // lieux de projet LA RIVIÈRE INDUSTRIELLE : LE SITE INDUSTRIEL DE L’ONDAINE La reconfiguration de ce site industriel entre Firminy et Unieux est déjà esquissée mais les propositions s’arrêtent au schéma directeur et aux scénarii (documents non communicables du projet Ondaine 2020). Des échanges de parcelles vont permettre aux entreprises de rassembler leurs locaux. Cependant, ce projet économique est aussi l’opportunité de répondre aux problématiques écologiques des milieux, à commencer par la revalorisation de la rivière Ondaine présente sous le complexe industriel et qui provoque un risque d’inondation élevé. Pour ces entreprises, l’aménagement de ce nouveau fond de vallée est une opportunité pour valoriser leur caractère et leur image. La mise en scène du savoir-faire local pourrait se faire autour du site - privé - (vues sur les machines, les architectures industrielles) mais aussi à l’intérieur de celuici (envisager un accès vers la tour de trempe ?). Je souhaite, dans le cadre du projet de paysage, poursuivre le travail engagé sur ce site et proposer des aménagements, élargis à l’échelle du parcours de la rivière, qui s’appuient sur le socle patrimonial industriel vivant et qui répondent aux problématiques environnementales et humaines (pollutions, inondations). Ce site ainsi redessiné crée un nouveau cadre de vie aux entreprises de l’Ondaine. La renaturation de l’Ondaine engagera aussi une dynamique jusqu’alors inconnue dans le fond de vallée : la perspective de s’y promener, d’y circuler autrement qu’en voiture, de venir apprécier son linéaire jusqu’au fleuve, entouré des collines comme décor.

SAINT-ETIENNE MÉTROPOLE développement et aménagement économique 132 + contrat de rivière

Parc Holtzer

Schéma directeur LA RIVIÈRE INDUSTRIELLE Zone inondable aléa fort : référence pour le dessin du projet

Utiliser les contraintes des eaux pour redessiner le fond de vallée Redonner une linéarité structurante aux rivières (renaturation et reméandrage) S’inscrire dans le projet régional Voie Verte des Confluences en travaillant le sentier de berge et ses abords. Créer des interfaces privilégiées avec la rivière : parcs inondables, espaces naturels.

LES ENTREPRISES

EPORA

LES COMMUNES

participation aux financements et force de propositions

acquisition des terrains et gestion des échanges entre les entreprises

développement local, concertation avec les habitants


Tour de trempe

Clextral et son usine du futur

Site industriel de l’Ondaine

0

250

500 m

place du Breuil

N

Valoriser le patrimoine industriel et les savoir-faire locaux

Panser les plaies de l’industrie

Ménager des vues sur le site depuis la ville habitée et depuis la rivière. Délocalisation / relocalisation et valorisation des entreprises et commerces : anticiper la venue des nouvelles entreprises sous-traitantes, offrir un foncier fonctionnel et qualitatif, proposer des architectures durables (réhabiliter les formes anciennes pour renouveler l’image des activités phares).

Réaménager les sites au regard des risques d’inondation, de pollution et de risques miniers. Dépollution des sols et des eaux pour permettre : - une réutilisation des espaces dans une vocation principalement industrielle pour le Site Industriel de l’Ondaine - la réhabilitation de la friche Äkers dans une logique de parc aux usages mixtes

MAINTENIR DES PERSPECTIVES STRUCTURANTES L’histoire locale visible depuis la place du Breuil : derrière la gare, la tour de trempe.

IMAGE CONTEMPORAINE ET ARCHITECTURE HÉRITÉE Réhabilitation de la halle Pajol (Paris) - Jourda architectes

250

0

250

133


DE LA FRICHE ÄKERS AU PARC HOLTZER Dans la continuité de la rivière, la friche Äkers serait reconvertie en un lieu pluriel qui pourrait accueillir plusieurs usages et ainsi satisfaire plusieurs fonctions (sociale, économique, culturelle, pédagogique,...). Actuellement, le lieu est fréquenté - illégalement puisqu’il s’agit toujours d’un site privé - par quelques promeneurs, sensibles à l’esprit de cette friche. Cet usage informel m’inspire pour envisager la conversion du site vers un espace public, le Parc Holtzer, en revisitant cette notion de parc industriel. Je souhaite dessiner un espace public où l’habitat et l’activité se mêleront. Les friches industrielles sont par essence des lieux qui se sont déconnectés des villes, des espaces clôts, renfermés sur eux-mêmes. Ouvrir cette friche Äkers, la rendre publique dans le cadre du projet implique donc de penser ses liaisons physiques (intégrées dans le schéma des réseaux des modes de déplacement doux) et humaines (qui viendra dans ce lieu ? Pourquoi ?). Sa réinscription territoriale par de nouveaux usages participe à la création d’une nouvelle image : l’environnement paysager et économique différent a un impact majeur sur les alentours. La friche ainsi réhabilitée participe à la transformation du territoire et au renouvellement des imaginaires véhiculés (vers la fin de l’Ondaine noire et de l’espace industriel impur ?).

« S’intéresser aux processus de transformations de lieux industriels délaissés [...] consiste à s’intéresser à des changements d’usages, de regards et de valeurs, à une requalification des espaces et de ce qui s’y ‘‘produit’’» P. Roland et M. Sizorn (Mise en culture des friches industrielles)

Protéger et mettre en valeur l’esprit du lieu en revisitant l’ambiance industrielle : - sauvegarder les traces, les architectures d’un lieu de travail - conserver la présence végétale remarquable (alignement de peupliers, arbres isolés)

DÉPOLLUER LE SITE - Stockage et traitement des sols pollués dans un jardin de la dépollution (un lieu pédagogique)

Espace de co-working Locaux associatifs

Nouvelle emprise de l’Ondaine : sécuriser, renaturer, et rendre accessible (loisirs)

pistes de projet LA FRICHE ÄKERS 134

Habiter le parc Un lieu public pour des publics : favoriser le caractère intergénérationnel du Parc Holtzer.


MISE EN SCÈNE > Le Puits Couriot à Saint-Etienne illuminé, un signal dans la ville. Converti en musée et en parc urbain, il est devenu un haut lieu du patrimoine industriel de la région et de l’identité locale.

P. Grasset D. Couchaux

« Le processus de recomposition territorial à l’oeuvre dans ces friches s’appuie sur une hybridation voulue entre le passé industriel et le présent [artistique dans le cadre d’une reconversion culturelle] des lieux » F. Lucchini (Mise en culture des friches industrielles)

RÉHABILITATION > La filature Le Blan à Lille reconvertie dans un programme mixte associant logements sociaux, bureaux, commerces, théâtre, médiathèque et même une église.

DÉPOLLUTION > Parc urbain sur l’ancienne presqu’île industrielle de Rouen. Les sols pollués ont été conservés sur le site (stockage en une butte boisée inaccessible au public).

RENATURATION >> S’inspirer des aménagements réalisés en amont sur l’Ondaine. La découverte de la rivière au Chambon-Feugerolles a initié la restauration d’une zone humide. Le milieu est aujourd’hui un lieu naturel et pédagogique (panneaux explicatifs du projet).

135 Source : http://rouen.blogs.com


DIFFÉRENTS ACTEURS À MOBILISER

FIRMINY-VERT Dans le cadre du projet de paysage, je souhaiterais intervenir au sein du quartier de Firminy-Vert sur les espaces et les usages plus que sur les objets architecturaux déjà très bien valorisés. Le Site Le Corbusier reconnu par l’UNESCO en 2016 a tendance à masquer Firminy-Vert en tant qu’espace urbain remarquable dans son ensemble et non uniquement dans ses particularités architecturales signées Le Corbusier. Les conceptions de nature imaginées dans les années 1950 doivent évoluer aujourd’hui au vu des ambitions environnementales véhiculées par l’idée du développement durable. Les espaces libres de Firminy-Vert pourraient être enrichis en termes d’usages mais aussi de qualité de nature proposée. L’AVAP et les protections au patrimoine mondial de l’humanité dressent des règles strictes concernant la préservation de l’authenticité du site. L’objectif de ma démarche de projet sera de concilier cette volonté patrimoniale avec une possible nouvelle fabrique urbaine du quartier. Ce quartier singulier s’adaptera aux envies des habitants avec une attention portée sur le quotidien, sur les pratiques ordinaires et habituelles.

*

Le patrimoine Le Corbusier a été reconnu localement parce qu’il l’était mondialement. Firminy-Vert, reconnu localement, parviendra-t-il a être découvert plus largement ? C. Lauras* (Firminy-Vert, de l’utopie municipale à l’icône patrimoniale, 2014)

L’auteur exprime les dérives de la reconnaissance patrimoniale à la fin de ce même ouvrage : le processus de patrimonialisation tend à supplanter l’histoire d’une utopie municipale et de ses concepteurs.

136

LA COMMUNE DE FIRMINY en association avec l’OPHLM de Firminy

SAINT-ETIENNE MÉTROPOLE

«

«

UNESCO financements internationaux pour des réhabilitations

promotion du patrimoine, et du design

HABITANTS

LA RÉGION

participation citoyenne au projet / chantier

promotion du patrimoine culturel et architectural


pistes de projet LE QUARTIER HABITÉ DE FIRMINY-VERT Grand ensemble et jardin partagé (Nantes) (source : ville-de-nantes)

Renforcer la vie de quartier Redonner une qualité végétale aux espaces communs en diversifiant la verdure corbuséenne.

Accompagner le tourisme modéré du quartier

Proposer des nouveaux usages aux espaces verts (jardins partagés, parc thématique). Entretenir des liens plus forts avec le fond de vallée : - liaison physique avec la ligne de chemin de fer réhabilitée en voie verte - liaison visuelle avec les co-visibilités des éléments architecturaux forts (tour de trempe / cheminée Holtzer)

Rendre lisible le quartier de Firminy-Vert (itinéraires) Réouvrir des lieux : valoriser le patrimoine à l’année pour les touristes et les habitants

Jardin thématique Le Corbusier

Liens avec le fond de vallée La Corniche renouvelée Habiter et visiter le grand ensemble BELVÉDÈRE DE L’UNITÉ D’HABITATION

Marqueurs paysagers : l’Unité d’Habitation, l’église Saint-Pierre, le grand H, la tour de trempe au loin 137


4

ORIENTATIONS GÉNÉRALES POUR FIRMINY ET SES ENVIRONS Inscription du projet dans le temps et sur le territoire

4.1 // les temps du projet : priorités et usages temporaires LE QUARTIER DE FIRMINY-VERT - Concilier les ‘‘acteurs Le Corbusier’’ et les habitants autour d’un projet de diversification des espaces verts et de valorisation du quartier - Acquérir le réseau ferré délaissé

Temps 1 : évaluation, traitement - Choix des démolitions/restructuration/réhabilitation selon l’intérêt patrimonial et mémoriel - Dépollution et début du processus de renaturation des cours d’eau (reméandrage) - Permettre des usages temporaires - Évaluation des ‘‘acteurs industriels’’ et des ‘‘acteurs mémoriels’’ pour leur participation au projet LA RIVIÈRE INDUSTRIELLE

138

- Dessin du projet végétal pour le quartier et intégrant le réseau des modes de déplacement doux en lien avec le fond de vallée - Initier les nouveaux usages

Temps 2 : aménagements - Reconstruction / aménagements en accord avec les entreprises - Poursuite du processus de dépollution par le traitement végétal - Initier les usages permanents du site - Sauvegarder des formes d’appropriation nées des usages temporaires

Soutenabilité sociale

Soutenabilité économique

Intégration des habitants dans le projet (concertation, participation, communication)

- Valoriser les entreprises qui participent à la préservation de l’identité locale et à la valorisation du patrimoine - Diversifier les usages des lieux


Communiquer le chantier comme une phase essentielle du projet (participation et compréhension du projet). Les usagers futurs s’approprient le projet sur ces lieux particulièrement ‘‘désappropriés’’.

ACCOMPAGNEMENT DES PROJETS VERS UN BON FONCTIONNEMENT LOCAL ET UNE PLUS GRANDE ACCROCHE TERRITORIALE

- Proposer de nouveaux sentiers d’interprétation du quartier de Firminy-Vert et le tourner vers le fond de vallée - Adapter le projet selon l’investissement des habitants

Temps 3 : accompagnement RESPECTER LA MÉMOIRE DES LIEUX ÉTABLIR LA TRAME VERTE URBAINE : ADAPTER LE RÉSEAU AUX MODES DE DÉPLACEMENT DOUX

- Évaluation de l’état écologique des aménagements liés à la rivière et ses abords - Aides aux entreprises dans leur gestion des rejets polluants - Évaluer / adapter le projet du Parc Holtzer selon les usages qui se seront pérennisés

Soutenabilité territoriale Soutenabilité environnementale Réduire l’empreinte de la ville en améliorant la mobilité et la qualité écologique des milieux

Accepter la décroissance et la réduction de la ville et envisager sa mutation vers une logique archipélagique sur une matrice écologique. Cette dernière entre dans les schémas des grandes orientations (communales, métropolitaines et régionales) : préservation et valorisation des milieux, établissement d’une trame verte urbaine,...

DURABILITÉ

139


4.2 // Accroches territoriales Inscription dans les orientations à grande échelle

Schéma directeur général LE PROJET LOCAL ARCHÉPÉLAGIQUE La ville industrielle et la ville habitée entretiennent un nouveau dialogue : les usages habituels des versants et la nature investissent le fond de vallée.

Révéler le patrimoine local RÉGION : inscription dans les schémas directeurs en faveur de l’environnement. Dessin de la Voie Verte des Confluences et d’une trame verte urbaine (SRCE).

Réveiller un patrimoine dormance : réinvestir délaissés.

en les

Accompagner les mutations d’un patrimoine vivant : le Site Industriel de l’Ondaine en proposant un environnement vitrine du savoir-faire local.

MÉTROPOLE : inscription dans la logique patrimoniale de Saint-Etienne Métrople engagée par la ville-mère. Affirmation du caractère industriel de l’Ondaine dans une image renouvelée. Proposer des aménagements qui révèlent le patrimoine local en lien avec les autres projets limitrophes.

140

Engager des dialogues territoriaux. Ménager des liens entre les territoires (intercommunalité renforcée à Fimriny, Unieux et Fraisses et départements Loire / Haute-Loire).

Proposer des itinéraires patrimoniaux dans la ville, la place du Breuil comme point de départ. Ménager des perspectives sur le patrimoine remarquable de l’Ondaine. Réflechir à une plus grande valorisation de certaines architectures industrielles Redonner de l’importance au quartier de Firminy-Vert en revisitant la ‘‘verdure corbuséenne’’ / Poursuivre le tourisme lié à l’architecture moderniste.


SITE INDUSTRIEL DE L’ONDAINE

PARC HOLTZER

RN

88

FIRMINY-VERT Château des Bruneaux 0

250

250500 m

Diversifier les usages dans une logique durable et écologique Firminy-Vert : un quartier entre habitat et tourisme modéré.

Le parc Holtzer : un lieu pluriel, laboratoire urbain (habiter le fond de vallée / activités économiques et récréatives).

Le Site Industriel de l’Ondaine : du public immiscé dans le privé.

Animer le centre-ville par la requalification de la place du Breuil.

Une nature descendue des versants le long de l’Ondaine dans la ville industrielle. Développer un réseau de modes doux dans la transversalité (réinvestir les délaissés).

0 N



CONCLUSION HÉRITAGE ET DEVENIR Les villes de l’Ondaine connaissent plusieurs difficultés structurantes héritées d’une époque où l’industrie a écrit le territoire, dicté les modes de vie et modifié les paysages. On a vu à quel point la transformation d’une société peut bouleverser un territoire : le phénomène de mondialisation a particulièrement affecté les petits territoires productifs comme l’Ondaine qui n’ont pas pu faire face à la rationalisation, aux concurrences et aux délocalisations. Pourtant, l’activité industrielle n’a pas complètement quitté les villes de Firminy, Unieux et Fraisses. Il s’agit aujourd’hui de penser le territoire de l’industrie différemment. Plus résilientes, plus durables, des stratégies doivent se développer sur les héritages précieux de l’Ondaine. Les acteurs sont nombreux à vouloir s’engager dans ces perspectives à commencer par les entreprises locales, aux savoir-faire forgés dans cette vallée. Les évolutions du territoire se feront en coopération avec les industries soucieuses de la prise en compte de l’environnement spatial et social, du paysage et de l’image renvoyée, dans leur renouvellement. L’étude de cette vallée m’a invitée à me questionner sur les rôles des leviers environnemental et patrimonial au sein d’un redéveloppement territorial, dans la recherche d’une nouvelle fabrique urbaine. Si le premier, l’enjeu environnemental, est de plus en plus pris en compte dans les politiques publiques et dans les mentalités ; le second, le potentiel patrimonial est légèrement plus ambigu - surtout ici où Le

Corbusier fait à lui seul patrimoine. Le motif écologique, l’ossature du projet que je propose, me permet de panser les plaies de l’industrie (pollutions et renaturation de la rivière) mais aussi de tourner la vallée vers une nouvelle dynamique de développement durable. Cette approche, couplée à l’attention portée au patrimoine industriel local, engage la mutation du système spatial, aujourd’hui trop binaire entre la ville habitée et la ville industrielle. La forme archipélagique du projet permet d’agir sur des lieux phares et sur des liaisons, des connexions entre les villes, les lieux, les usages. Aussi, la rivière Ondaine me semble être le point de départ d’une réflexion sur la diversification du fond de vallée et sur l’invention d’un nouvel espace urbain ; en miroir, le quartier de FirminyVert interroge la notion de patrimoine vivant et de sa mise en tourisme. L’attractivité du Corbu pourrait être moteur d’un renouvellement du quartier et de ses environs, pour le touriste (que faire après avoir visité l’Unité d’Habitation ?) mais surtout pour l’habitant (que faire à Firminy-Vert ? ; comment rejoindre le fond de vallée pour aller travailler ou se divertir ?). Les intentions de projet que je développe en dernière partie sont des esquisses, des idées qui se préciseront lors de ma soutenance en juin prochain. Aussi, le niveau de détail et les lieux d’interventions sont suceptibles d’évoluer.

143


Bibliographie OUVRAGES : HISTOIRE LOCALE ET THÉORIES Aujame Roger & Timoner Séverine (Dir.), Le site Le Corbusier de Firminy, dossier préalable de candidature du site Corbusier à l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité, impression agence EPURES, 2003. Commère René, Mémoires d’acier en Ondaine. Histoire d’un site métallurgique en région stéphanoise – du martinet à la haute technologie, Publications de l’Université de Saint Etienne, 2000. Bravard Jean-Paul, L’Ondaine, vallée du fer. Promenade d’archéologie industrielle, Ed. Le Hénaff, 1981. Cartier Claudine, L’héritage industriel, un patrimoine, CRDP de Franche-Comté, 2002. De Roux Emmanuel, Patrimoine industriel, Ed. du patrimoine / Ed. Scala, 2000. Edelblutte Simon, Paysages et territoires de l’industrie en Europe, héritages et renouveaux, Ellipses, 2009. Héritier P., Bonnevialle R., Ion J. & Saint-Sernin C., 150 ans de luttes ouvrières dans le bassin stéphanois, Ed. Le champ du possible, 1979. Hertweck Florian & Sébastien Marot, La ville dans la ville, Berlin : un archipel vert. Un manifeste (1977) d’Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas avec Peter Riemann, Hans Kollhoff et Arthur Ovaska, Ed. Lars Müller, 2013. Janin Rémi, La ville agricole, Editions Openfield, 2017. Lauras Clarisse, Firminy-Vert, de l’utopie municipale à l’icône patrimoniale, Collection « Art & Société », Presses universitaires de Rennes, 2014. Lucchini Françoise (Dir.), La mise en culture des friches industrielles, PURH, 2016. Luxembourg Corinne, Métamorphoses des villes industrielles. Vivre la ville désindustrialisée, dans Itinéraire Géographique, L’Harmattan, 2015. Magnaghi Alberto, Le projet local, Ed. Mardaga, 2003. Minnaert Jean-Baptiste (Dir.), Périurbains : Territoires, réseaux et temporalités, [article La ville archipel, figure du paysage urbain durable ?, B. Folléa], Collection Cahiers du Patrimoine, Ed. Lieux Dits, 2013. Musée de la mine Puits Couriot & Musée de la Ville de Saint Etienne (Commissaire Général : Bernard Ceysson), Bassin houiller de la Loire, penser un territoire, Impr. Chirat, 1997.

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Paquot Thierry (dir.), Les faiseurs de villes, Infolio éditions, 2011. Publications de l’Université de Saint Etienne, Utopiques vallées, Recueil des travaux du Workshop de 2006, Impr. Reboul, Saint Etienne, 2007. Publications de l’Université de Saint Etienne, Vallée de l’Ondaine/Vallée du Gier, Frontières communes. Vers une métropole entre Loire et Rhône, Exposition à la Biennale Internationale du Design 2010 à Saint Etienne, Impr. Reboul, Saint Etienne, 2010. Razemon Olivier, Comment la France a tué ses villes, Ed. Rue de l’échiquier, 2016 (réed. 2017). Société d’Histoire de Firminy, A la découverte de la vallée de l’Ondaine et de Roche-la-Molière, un siècle de vie minière (1860-1960), Tome II, Impr. Guyot, 1982. Troton Pierre & Sagnard Jérôme, Firminy et la vallée de l’Ondaine, Ed. Alan Sutton, 2003.

ARTICLES SCIENTIFIQUES Auclair Elizabeth et Hertzog Anne, « Grands ensembles, cités ouvrières, logement social : patrimoines habités, patrimoines contestés », EchoGéo [En ligne], 33 | 2015, en ligne depuis Septembre 2015. URL : http://echogeo.revues.org/14360 ; DOI : 10.4000/echogeo.14360

Bigando Eva, « Le paysage ordinaire, porteur d’une identité habitante. Pour penser autrement la relation des habitants au paysage », Projets de paysage, 27 décembre 2008. URL : http://www.projetsdepaysage.fr/fr/le_paysage_ordinaire_porteur_d_une_identite_habitante

Davodeau Hervé, « Les pavillonnaires au jardin », Métropolitiques, 23 janvier 2015. URL : http://www.metropolitiques.eu/Les-pavillonnaires-au-jardin.html

Edelblutte Simon, « Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L’exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine », Géoconfluences, 2014, mis en ligne le 2 décembre 2014. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-france-des-territoires-en-mutation/articlesscientifiques/reconversion-industrielle-ou-redeveloppement-territorial-lexemple-de-thaon-les-vosges-ancienne-ville-usine-textile-lorraine

Gay Georges, « La ville industrielle, de l’exception à la banalisation : la fin des grandes usines métallurgiques de l’Ondaine et de Saint-Chamond », Revue de géographie de Lyon, vol. 71, n°3, 1996, Recomposition du système d’acteurs en région stéphanoise. pp. 197-207. Jurado Barroso Pauline, « Entretien avec Nicolas Giraud et Bertrand Stofleth. La vallée, une archéologie photographique », Focales n° 1, Le photographe face au flux, mis à jour le 13/06/2017. URL : https://focales.univ-st-etienne.fr/index.php?id=452

Lefèvre Mathias, « La décroissance soutenable – Bioéconomie, écologie et simplicité volontaire », Compte rendu de colloque (Lyon, 26-27 septembre 2003), Natures Sciences Sociétés 2004/1 (Vol. 12), p. 102-105. Luxembourg Corinne, « Patrimonialiser, revitaliser, habiter l’industrie en ville : une question politique et sociale vivante plus qu’une simple question de renouveau urbain », Revue Géographique de l’Est [En ligne], vol. 53 / 3-4 | 2013, en ligne depuis Juillet 2014. URL : http://rge.revues.org/5105

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Sowa Charline, « La pratique du projet urbain dans la ville rétrécissante » : vers de nouveaux rôles pour l’architecte ?, HAL archives ouvertes, 17 mars 2015. Veschambre Vincent, « Firminy-Vert et le ‘‘site Le Corbusier’’, vers une esthétisation du grand ensemble ? », Persée, 2000.

THÈSES ET MÉMOIRES Del Biondo Lucas, Thèse de doctorat en géographie : « Les stratégies de recomposition urbaine soutenable des anciens territoires industrialo-urbains. Étude du territoire franco-luxembourgeois de la haute vallée de l’Alzette et apports d’exemples européens», (directeur de thèse M. Deshaie), soutenue le 4 décembre 2014. Gardette Maxime, Analyse de l’évolution du milieu des sites écologiques prioritaires du Parc Naturel Régional du Pilat, mémoire de M1 en Géographie (directeur de mémoire B. Etlicher), Université de Saint Etienne, 2009. Jacquemond Joseph, La Révolution industrielle dans la vallée de l’Ondaine (1815-1914), thèse de doctorat d’Histoire soutenue en 1993 (directeur de thèse J. Merley), Publication de l’Université de Saint Etienne, 1995. Terrin Hadrien, Quelles interactions entre l’aménagement des ‘quartiers de gare’ et le développement du ferroviaire ? La vallée de l’Ondaine dans une perspective franco-allemande, TFE en urbanisme et transport à l’ENTPE de Lyon (directrice de mémoire Géraldine Villedieu-Biau), 2006.

DOCUMMENTAIRES : VIDÉOS & ÉMISSIONS RADIOPHONIQUES Firminy, le maire et l’architecte, documentaire d’Olivier Cousin et de Xavier Pouvreau, Pirouette films, 2007. Mémoires de la guerre d’Algérie en vallée de l’Ondaine, documentaire réalisé par les élèves du Lycée Jacob Holtzer de Firminy sous la direction de L. Brun et R. Jacquin, septembre 2012. À qui appartient l’espace public ?, R. Bourgeois et E. Chaudet, France culture, août 2016.

PARTICIPATION À DES ÉVÉNEMENTS : COLLOQUES, CONCERTATIONS Béal V., Bencharif L., et al., « (Dé)construire la ville : saisir la décroissance urbaine comme opportunité. Comment ? Pourquoi ? Pour qui ? », Colloque organisé par le programme de recherche Altergrowth (V. Béal, dir.), l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne, les laboratoires EVS (UMR 5600), Triangle (UMR CNRS 5206) et l’Université Jean Monnet Saint-Etienne ; à ENSASE de Saint-Etienne, 5 et 6 oct 2017. Concertation publique en mairie le jeudi 16 novembre, le devenir de la place du Breuil à Firminy. Participation en auditrice libre à l’assemblée générale de l’association O2 Ondaine, le mardi 14 novembre.

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SITES INTERNET CONSULTÉS ENTRE AOÛT 2017 ET FEVRIER 2018 (études, informations complémentaires et ressources cartographiques) BASOL / Base de données, pollutions des sols : http://basol.developpement-durable.gouv.fr/ DataFrance / données socio-économiques : https://datafrance.info/ DREAL Auvergne-Rhône-Alpes / Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement : http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr Géoconfluence / ressources de géographie : http://geoconfluences.ens-lyon.fr Géoportail / ressources cartographique : https://www.geoportail.gouv.fr/ Gest’Eau / documents de planification (SDAGE, SAGE, contrats de milieux : http://www.gesteau.fr Google Earth / données 3D : https://www.google.com/intl/fr/earth/ INSEE / Institut National de la Statique et des Études Économiques : http.//www.insee.fr Le Monde : article signé Grégoire Allix, «Firminy se rêve en Le Corbusier-Ville », 1 décembre 2006. http://www.lemonde.fr/culture/article/2006/12/01/firminy-se-reve-en-le-corbusier-ville_840896_3246.html

O2 Ondaine / site de l’association : http://o2ondaine.unblog.fr/ SCoT Sud Loire / Schéma de Cohérence Territoriale : http://www.scot-sudloire.fr/ SEM / site officiel de SEM : http://www.saint-etienne-metropole.fr/ Sites officiels des communes de l’Ondaine : http://www.ville-firminy.fr/ ; www.ville-unieux.fr ; http://www. fraisses.fr/ ; http://lechambon.fr/ ; http://www.ville-laricamarie.fr/ ; http://www.saint-etienne.fr/ Trame Verte et Bleue / centre de ressources pour l’élaboration d’une TVB : http://www.trameverteetbleue.fr

ESSAIS, LIVRES Bailly Jean-Christophe & Chemetoff Alexandre, Changements à vue, Arléa, 2015. Koolhaas Rem, Junkspace & La ville générique, Ed. Payot et Rivages 2011 (réed. de 1995).

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Glossaire du vocabulaire industriel Les définitions suivantes sont réalisées à partir des lectures mentionnées dans la bibliographie.

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Aciérie Aciers spéciaux

Usine servant à produire de l’acier. L’alliage de fonte produit dans le haut fourneau y est affiné.

Corroyage

étape dans le travail du métal pour améliorer ses propriétés mécaniques : martèlement de la matière à chaud au marteau, au pilon ou à la presse. Les aciers corroyés sont plus résistants.

Coke

Combustible obtenu par pyrolyse d’un mélange de charbon : la houille est décomposée à très haute température. Procédé réalisé dans une cokerie. Contrairement au bois et à la houille, le coke permet d’atteindre de fortes températures, il est donc largement utilisé dans la sidérurgie.

Crassier / terril

Lieu où sont déposées les crasses de l’industrie, de la mine : tout ce qui ne contenait pas de matière ferreuse est jeté. Déblais (séparation du minerai de fer, conservé, et rejet des terres stériles appelés «crasses» ou «scories»). L’amoncellement des déchets de l’industrie s’élève jusqu’à former une colline artificielle plus ou moins conique. Dans d’autres régions de la France, les crassiers sont appelés terrils. à terme, on pourrait parler de la création d’un écosystème : un nouveau relief doté d’une composition pédologique spécifique accueillant une faune et une flore inféodée à ce milieu.

Creuset Extrusion

Récipient en terre cuite (puis en métal) utilisé pour fondre des alliages (combinaison de plusieurs métaux).

Haut fourneau

Four élevé au-dessus du sol dans lequel le minerai est transformé en fonte liquide. Usine tubulaire (machinerie visible) qui désoxyde et fond les métaux contenus dans le minerai de fer. La fonte produite est ensuite généralement acheminée vers une aciérie.

Ce sont des aciers de haute qualité dotés d’un niveau de pureté élevée. Ils possèdent différentes propriétés selon leur traitement. L’acier inoxydable développé en Ondaine est un exemple.

Procédé de fabrication mécanique par lequel un matériau compressé est contraint de traverser une filière (pièce mécanique dont la forme définit la section de la pièce à obtenir).


Houille / charbon

Roche carbonnée sédimentaire (gisement formé géologiquement à partir de la dégradation / fossilisation de matière organique de végétaux) utilisée comme combustible.

Industrie

Ensemble des activités socio-économiques dont l’objectif est la production planifiée et rentable. Elle regroupe les activités d’exploitation de matières premières (la mine, les houillères) et les activités de transformations de ces matières premières (métallurgie, sidérurgie,...). Elle se distingue de l’artisanat, d’échelle plus réduite et où l’ensemble du processus de production est assuré par une seule personne ou un petit nombre.

Laminoir

Usine traitant le dernier affinage du fer. Le produit métallurgique est limé par des passages répétés entre deux cylindres. Les plaques obtenues sont lisses, sans aspérités, et plus fines.

Métallurgie

(> grec : metallon : fer) : désigne à la fois l’industrie de la fabrication des métaux (fer, aluminium, mercure, plomb) et la science de ces matériaux (étude sur leurs propriétés, leur traitements, l’élaboration des alliages,...).

Paternalisme

Doctrine selon laquelle le patron d’une entreprise se conduit comme un père de famille à l’égard de ses ouvriers en vue de maintenir une fidélisation de sa main-d’oeuvre, une autorité forte sur le système de production et une hégémonie industrielle territoriale.

Proto-industrie

Désigne de très petits ateliers essentiellement situés en milieu rural, aux XVIIIe et XIXe siècles alors que l’ère industrielle, soutenue par les progrès techniques et la modernité, n’est pas encore advenue. La protoindustrie et ses pratiques sont les prémisses de l’industrialisation : les biens produits sont destinés à être exportés hors du village engendrant un réseau mercantile.

Sheds

Toiture en dents de scie (à redans partiels) formée par une succession de toits à pans inclinés permettant un éclairage Nord indirect et donc non éblouissant, par une surface vitrée. Avec le déploiement de l’électricité comme source privilégiée d’éclairage, la forme des ateliers changent et se mue en hangars fonctionnalistes, à l’implantation normée dans un paysage de plus en plus banalisé, confondant les usines avec les zones commerciales. Le shed, bien que son utilisation ait disparu, reste la représentation symbolique de l’atelier industriel.

Sidérurgie

(> grec : sideros : fer) : métallurgie du fer et de ses alliages (fonte et acier).

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Dans la friche Äkers

à firminy-vert ( unité d’habitation )

2 personnes

Au lycée albert camus 60 personnes

Localisation des principaux lieux d’enquêtes et d’entretiens.

Sur la place du breuil

(pendant le marché)


ANNEXES FRAGMENTS D’ENQUÊTES

Afin de nourrir mon diagnostic d’une approche plus humaine, je me suis souvent prêtée au jeu du micro-trottoir. Ces entretiens informels m’ont permis de saisir la vie quotidienne dans la vallée mais aussi de cerner les envies de ceux qui habitent et vivent le territoire. Le résultat de l’enquête ‘‘papier’’ réalisée dans le lycée Albert Camus m’a éclairée sur les perceptions et les envies des plus jeunes, un public que j’ai moins eu la chance de rencontrer lors de mes entretiens. Ci-après, voici un extrait de l’enquête réalisée auprès de 60 élèves en novembre en classes de Terminales L et de Seconde générale.

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Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui participent à ce travail de fin d’étude et qui m’ont déjà accompagnée dans le début de cette aventure : Mes deux professeurs encadrants, Olivier Gaudin et Raphaëlle Chéré, pour leurs regards et leurs avis sur mon travail. Merci également à Christophe Degruelle pour ses conseils avisés de lectures. Toutes les personnes de la vallée pour m’avoir accordé de leur temps lors des entretiens : Jean-Paul Chartron, Christophe Faverjon, Guillaume Crégniot, Thierry Nadal. Chantal Constantin et émilie Fratta de l’agence épures pour leurs aides précieuses et les prêts de documents qui ont enrichi mes recherches. Jean-Marc Pardo et Nathalie Thomas de Saint-Etienne Métropole pour les différentes entrevues qu’ils m’ont accordée. Les membres de l’association O2 Ondaine pour le partage de leurs expériences et pour leur enthousiasme. Les passionné-es d’histoire locale, Jean Vigouroux de la Société d’Histoire de Firminy et Valérie Chatelin pour avoir partagé leurs savoirs et parfois leurs archives personnelles. Un immense merci à mes parents pour leur éternel soutien, pour leurs relectures et surtout pour leurs regards et leurs retours sur mes travaux depuis toutes ces années.

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REPENSER LE TERRITOIRE DE L’INDUSTRIE EN VALLÉE DE L’ONDAINE Firminy, Unieux et Fraisses (42) : la ville habitée et ses friches industrielles, entre patrimoine et environnement. Jadis vallée de l’acier et du charbon, les villes de l’Ondaine peuvent s’enorgueillir d’un passé industriel qui les a menées sur le devant de la scène nationale. Tout près de la ville de SaintEtienne, les cinq communes de cette vallée ont participé activement à l’aventure de la Révolution industrielle. Oscillant entre développements et ruptures, la vallée appartient aujourd’hui aux territoires en difficulté, en décroissance, engagée dans un processus de désindustrialisation depuis plusieurs décennies. L’organisation fonctionnaliste du territoire héritée de l’ère industrielle présente un fond de vallée dévolu aux activités indutrielles et commerciales, et de part et d’autre une ville habitée. à Firminy, Unieux et Fraisses, cette réalité est frappante : deux villes se font face, brutalement séparées par la présence couplée de la ligne de chemin de fer et de la N88. Au cœur de cette vallée, une rivière discrète trace péniblement sa route, entre les friches industrielles et les zones artisanales. L’Ondaine, oubliée dans le fond de vallée, n’est pas l’attraction principale de ce territoire : pour les habitants comme pour les touristes, les regards se tournent vers la ville habitée, vers Firminy qui possède une singularité reconnue. Son quartier particulier nommé Firminy-Vert abrite plusieurs œuvres signées Le Corbusier (le deuxième site mondial pour le nombre de bâtiments de l’architecte, après Chandigarh en Inde). Récemment valorisé par l’UNESCO, ce site est cependant suceptible de faire de l’ombre à d’autres richesses du territoire. Le patrimoine industriel de l’Ondaine, qui constitue un paysage culturel fort, s’efface devant l’extraordinaire église Saint Pierre, l’Unité

d’Habitation attire tous les regards depuis son promontoire et concurrence la sombre tour de trempe imbriquée dans un complexe industriel en réduction, ponctué de friches. L’étude des héritages multiples du territoire permet de mesurer les potentialités de leur réemploi dans la reconstruction du territoire. Paysages, savoirfaire, objets, risques et lieux délaissés sont autant de fragments à considérer dans le processus de projet de territoire. Comment accompagner les communes de l’Ondaine vers des orientations plus durables ? Le patrimoine local est-il un socle pertinent pour penser le devenir de cette vallée ? Constitue-t-il le seul levier ? Le travail de fin d’étude présenté ici constitue une version locale de solutions qui peuvent être apportées aux territoires bouleversés par le phénomène de désindustrialisation. Ce processus de déclin ne doit cependant pas être perçu négativement : c’est une opportunité pour les villes de se reconstruire autrement, en s’éloignant du paradigme de croissance. Ce mémoire retrace la pensée et l’analyse qui m’ont amené à m’interroger sur la place des leviers patrimonial et environnemental au sein d’un site contraint par ses héritages pour envisager sa réécriture durable et mesurée.

Léna Faury // Mémoire de fin d’études // 2017-2018 École de la Nature et du Paysage - INSA Centre-Val-de-Loire 9 rue de la Chocolaterie - 41 000 - Blois


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