Léonie Steneck DNAP option art, 2010 École supérieur d’art et céramique de Tarbes
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«Il y a des choses sur lesquelles on ne peut même pas se questionner soi-même et qu’il faut laisser dans le clair obscur pour ne pas les violer, les flétrir, les tuer. Comme le papillon dans le cocon, certains aspects secrets de l’âme ne peuvent se développer que dans le sein de l’obscurité». Marie Louise Von Franz, Interprétation des contes de fées, Albin, 2005.
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Première année :
Takashi Murikami Panda, 2003 Acylique sur fibre de verre 255,3 x 165,1 x 109,2 cm
Alain Sechas chat rouge, 1997 sérigraphie 105×75cm.
Peinture murale, 2007 acrylique 80 x 150 cm
J’ai expérimenté plusieurs médiums au cours de l’année, principalement la peinture, la sculpture et la photographie. Mes peintures et mes sculptures sont vives en couleurs, j’évolue dans un univers proche du Pop art, inspiré par des artistes comme Andy Warhol, Takashi Murakami, mais suis aussi fascinée et intriguée par les sculptures de Jeff Koons et les dessins de Alain Séchas. En studio peinture, j’ai très vite commencé à peindre des silhouettes, des corps et des visages féminins, pour lesquels j’ai toujours éprouvé de la fascination en regardant des toiles de Pablo Picasso, d’Edouard Manet ou encore de Toulouse Lautrec.
Andy Warhol Jacky Kennedy, 1966 Sérigraphie 110 x 100 cm
Jeff Koons Balloon Dog, 1998 259.1 x 363.2 cm
Mon dernier travail de l’année était une peinture de 200 x 150 cm, j’ai étalé de la peinture en grande quantité sur toute la toile puis j’ai peint trois bustes de femmes; quelque chose s’est passé, pendant et à la fin de la réalisation. Il me semble que c’est là que j’ai compris que la peinture serait mon médium majeur.
Trio et gâteaux, 2007 acrylique sur toile 90 x 50 cm
Fleurs, femme et enfant, 2007 acrylique sur toile 50 x 80 cm
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L’amoureux, 2008 Acrylique et spray sur toile 60 x 90 cm
Chien implose, 2007 Peluche et perles 18,5 x 6 x 5 cm
Femmes, 2008, acrylique sur toile, 150 x 200
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Trio, 2007 Argile et acrylique environ 5 cm de haut
Deuxième année : Pendant l’été qui a précédé cette année j’ai beaucoup dessiné, à l’encre, au crayon et au pastel, toujours des corps, des visages ou des femmes seules. Au fil du temps mes dessins sont devenus des caricatures et des illustrations. Je dessine seulement parce que j’en ai envie; je m’aperçois que les femmes sont minces, seules mais affirmées, parfois dans des endroits où j’aime me retrouver, répondant plastiquement aux icônes que nous présentent les médias. Je prends alors conscience que mon travail est nourri par certains de mes fantasmes.
«Soyez ce que vous voudriez avoir l’air d’être.» Lewis Carroll
Dans mon enfance j’ai été sensible aux contes, à leurs ambiances, à la complexité de leurs personnages. Dans l’espace onirique des contes, les personnages féminins souvent désespèrent sans remède, ils sont perdus dans une attente glacée. Je commence une série d’autoportraits ; situés face au vide ou dans un décor pour femmes troublées mes avatars attendent un dénouement. Ma peinture tend vers la figuration narrative. Je m’étonne d’apprécier de peindre une poitrine qui semble à vif et des visages déformés.
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Jenny Saville Rosetta 2, 2005-2006 Huile sur toile, 252 x 187.5 cm
Jusqu’à devenir blanc clair, 2008 Acrylique sur Canson 50 x 65 cm
Tu te laisse aller, 2008 Acrylique sur Canson 50 x 65 cm
«C’est bien affreux d’être une femme, rien d’autre n’est permis que l’attente.» Madeleine Chapsal
La fumeuse au sein précieux, 2008 Acrylique sur Canson 50 x 65 cm
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Avec mes blessures dans les ronces glacées, 2008 Acrylique sur Canson 50 x 65 cm
Puis je me suis essayée à de plus grands formats, changeant mon gestes et me faisant poser des questions comme : Qu’est ce qui change quand je peins plus grand que nature? D’où provient l’aspect massif : du format lui-même ou du fait que la figure remplit pleinement le cadre ? Mais encore : Faut-il ou non laisser apparaître le blanc sur la toile ? Et un problème récurrent encore aujourd’hui : Á quel moment peut-on dire d’une peinture en cours qu’elle est terminée ? Mes peintures constituent un journal intime d’anxiété, j’aime mes névroses, elles sont mon carnet de croquis de vie. « Ne vient de nous-même que ce que nous tirons de l’obscurité qui est en nous et que ne connaissent pas les autres. » Marcel Proust
De l’autre côté, 2009 Acrylique sur Canson 90 x 100 cm
Tu l’as mérité, 2009 Acrylique sur Canson 80 x 150 cm
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Je me bats souvent avec moi-même afin d’éviter de retracer les contours des mes personnages comme je le fais en dessin ; cela ne fonctionne pas pour mes peintures. « Je me sers de la peinture mais elle est très mystérieuse parce qu’à la fin c’est elle qui se sert de vous. » Jacques Monory
Arrête-moi si tu peux, 2009 Acrylique sur Canson 90 x 100 cm
Aux autoportraits que je réalise se mêlent des portraits des membres de ma famille, de ma famille imaginaire (par exemple les écrivains que j’aime) ainsi que des personnages proprement fictifs. Avec la peinture, j’essaie de faire exister ma propre histoire dans l’Histoire. Souvenirs et réalité du temps présent se mélangent, la peinture me mène dans une vie parallèle et me laisse parfois là-bas (pour un temps).
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En parallèle je m’adonne à la photographie, mes amies et moi sommes les modèles. Les photos de groupe ne semblent pas fonctionner et ne me conviennent pas. Puis quelque chose se passe quand nous posons chacune notre tour. Contrairement à mes peintures, mes photos sont en noir et blanc et parfois retouchées en bichromie. Certaines constituent des séries, d’autres fonctionnent seules.
Cindy Sherman Film sans titre 1977
Mes photos sont une réflexion sur la place de la femme et de sa représentation dans la société qui se caractérise, selon moi, par la mise en scène et une éternelle recherche d’émancipation. Sophie Calle Letter B 1998
Comme je suis belle I, 2009 Photo-montage
Comme je suis belle II, 2009 Photo-montage
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Gratte un peu, 2009 Photo-montage
Toi tu sais, 2009 Photo-montage
Femmes qui courent avec les loups, 2009 Photo-montage
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Troisième année : Je prends une multitude de photos de moi, quelques unes ou une centaine par jour, à la limite de l’obsession. Elles me servent ensuite d’outils pour composer des montages où mes personnages se situent face au vide, dans un décor onirique ou dans des pièces de vie comme la cuisine, la salle de bain ou la chambre à coucher (des lieux communs où l’on peut facilement être ou se sentir seul).
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À partir de mes photos je fais aussi des séries de dessins qui sont aujourd’hui moins caricaturaux et qui composent mes premières recherches de mise en place du personnage dans la toile, du décor et du récit. J’ai déjà pensé travailler sur un mur, faire un « horscadre » mais j’ai besoin de ce « cadre-miroir », de cette confrontation. Je pense que c’est un arrêt sur image du même miroir que je regarde tout les matins.
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1- Prendre une toile de coton, un tissu récupéré de n’importe où, ou un ancien tableau déjà peint. 2- Se photographier, chercher une photo dans un album ou tomber par hasard sur une photo. 3- Se questionner sur comment retranscrire l’envie ou le sentiment du moment lié aux souvenirs, peut être en faire une série de dessins. 4- Poser une première couche de peinture sur toute la surface du tableau, ou pas. 5- Reproduire le personnage sur la photo, lui inventer une histoire qui donnera un nouveau sens à la narration photographique qui deviendra par la suite peinture. 6- Peindre le contour du tout si la première couche n’a pas été faite comme indiqué en 4. 7- Essayer de s’arrêter de peindre. 8- Essayer de se dire que le tableau est terminé.
C’est pas la peine, 2009 50 x 150 cm
tic tac, 2009 50 x 150 cm
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Virginia «wolf», 2010 50 x 150 cm
Femme au chapeau, 2009 50 x 80 cm
Dance with me, 2010 50 x 150 cm
Dans l’anémone, 2009 50 x 80 cm
Cicatrisation, 2010 50 x 150 cm
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Reste, 2009 50 x 150 cm
Peindre avec les doigts, un geste qui part de la main, de l’épaule et fait bouger le corps en entier, je commence alors une danse, un dévouement entier, des mouvements frénétiques saccadés d’arrêts, quelques prises de recul. Dans ce cas je ne vois plus le sujet, je ne vois que le modèle à reproduire, le geste souvent violent, je claque la toile, la tartine, la caresse.
Je caresse cette joue si douce qui coule entre mes doigts... Je m’aperçois que c’est très différent de peindre sur des grands formats que sur des petits.
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« Œuvrer à sa propre singularité est un minimum pour participer à la transformation de l’attitude collective.» D’après Marie L. Von Franz, Interprétation des contes de fées, Albin Michel, 2005.
« Où que nous soyions, indéniablement, l’ombre qui trotte derrière nous marche à quatre pattes.» Clarissa Pinkola Estes, Femmes qui courent avec les loups, Grasset, 1996.
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Parallèlement je continue le photo-montage qui composera par la suite une installation.
Triptyque red girl I , 2010, Photo montage Red girl II, 2010 Photo-montage
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Red girl III, 2010, Photo montage
Red girl IV, 2010, Photo montage
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Projets à venir : Plusieurs projets sont en cours de réalisations et l’évolution de mon travail tend vers diverses possibilités. Je souhaiterais faire un stage dans un abattoir afin d’y prendre des photos. Un projet Erasmus est en cours pour étudier quelques mois dans l’école d’art de Barcelone. Ma peinture évolue vers d’encore plus grands formats. Aller en Nouvelle-Calédonie et apprendre la technique de peinture sur les écorces de Niaoulis. Peut-être faire un cut-up de mes toiles. Faire des animations avec mes dessins.
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5 1. Jenny Saville, Branded, 1992, huile sur toile, 84 x 72. 2. Lucian Freud, Girl with Dog, 1952. 3.Sandro Botticelli, la naissance de Venus. 4. Gianni Bertini, une bachannale à Micène, 1954. 5. Lisa Yuskavadge Northview, 2000, huile sur toile, 77 x 62. 6. Cybèle Varela, Pommes de transfert, 2009, acrylique sur toile, 120 x 80.
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7.Willem De Kooning, Women and Bicycle, 1953, huile sur toile, 152 x 121. 8. Cindy Sherman Untitled, 1992. 9. John Currin The Bra Shop, 1997, huile sur toile, 48 x 38. 10. Jacques Thomann, Untitled, huile sur toile, 2008, 130 x 162. 11. Jacques Monory, PĂŠriode bleue II. 12. John Currin, Skinny Woman, 1992, huile sur toile, 50 x 38.
Bibliographie :
Filmographie :
Georges Bataille, Les larmes d’ Éros, Pauvert, 1981.
Le mépris de Jean-Luc Godard, 1963.
Marie Louise Von Franz, Interprétation des contes de fées, Albin, 2005.
Jeff Koons : un homme de confiance de Judit Kele et Patrick Javault, 2002.
Madeleine Chapsal, Un amour à trois, Fayard, 2007.
Sophie Calle, reportage télé, 2009.
Clarissa Pinkola Estes, Femmes qui courent avec les loups, Grasset, 1996.
Jacques Monory, reportage télé, 2009. In the name of the father de Jim Sheridan, 1993.
Lewis Carroll, Alice aux pays des merveilles, Guallimard, 2005; De l’autre côté du miroir, Guallimard, 2005.
Fenêtre secrète de David Koepp, 2004.
Emile Zola, Chroniques, La tribune, 1868.
The village de M. Night Shyamalan , 2003.
Anne Frank, Le journal d’Anne Frank, Calmann-Lévy, 1950.
Peur primale de Gregory Hoblit, 1995. Pride and glory de Gain O’connor, 2008.
Jean-Luc Nancy, La beauté, Bayard, 2009
Inglorious Basterds de Quentin Tarantinon, 2008.
Paul-Jean Stahl, Peintres de Nouvelle-Calédonie, du Santal, 2000.
Coraline de Henry Selick, 2009. Alice aux pays des merveilles de Tim Burton, 2010.
Amnesty International, Les violences faites aux femmes en France, Autrement, 2006.
From Paris with love de Pierre Morel, 2008.
Helena Reckitt et Peggy Phelan, Art et Féminisme, Phaidon, 2005.
Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar 2010. L’immortel de Richard Berry, 2009.
Peintres / photographes : Eilat Adar, Françoise Adnet, MammaAnderson, Balthus, Shopie Calle, Judy Chicago, Stacey Davidson, Anh Duong, Erro, Anne Harris, Ena Joyce, Durga Kainthola, Irina Kupy rova, Margot Lazar, Liu Manwen, Cyn McCurry, Yoko Ono, Olga Oreshnikov, Anna Platten, Gail Potocki, Pricilla Roberts, Victoria Rusell, Judith Schaechter, Miriam Shopiro, Eilat Shuxia,Lâm Son, Davidson Stacey, Hélène Terlien, Yuan Yaomin, Marin Zobova...
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