NOVEMBRE-DECEMBRE 2016
N3
ON AIME
AUTOPORTRAIT Alain Quercia - artiste plasticien et sculpteur grenoblois
“Ce tableau fait partie d’une série d’autoportraits qui débute en 1999 et se termine en 2006. Durant sept années ce sont des peintures, des sculptures et des installations qui voient le jour, répétitions voulues d’un même motif comme autant de tentatives pour dessiner un chemin possible du passage du soi à l’autre, de l’alter-ego à l’altérité.” http://www.alainquercia.com/
EDITO Dans le générique de Chouf de Karim Dridi, on peut voir que le film a reçu des subventions afin de promouvoir la diversité. Il est vrai que les représentations des minorités dans l’industrie cinématographique française, ne sont pas reluisantes et les acteurs issus de l’immigration africaine sont souvent cantonnés à des rôles et des univers très marqués socialement. Ces castings et ces scénarios bien stéréotypés renforcent l’assignation sociale et culturelle. Bien sûr il y a parfois une exception qui viendra confirmer la règle. Dans le cas de Chouf et de son univers impitoyable, il y a peu de chance de déroger à la règle. Cependant, nous avons voulu en savoir plus sur ce film et sur d’autres tels que le projet “Villeneuve la série” dans ce troisième numéro de Quartier Chic qui explore largement du côté du cinéma. Nous parlerons aussi street-art et livres. Bonne lecture à tous et n’oubliez pas qu’être curieux, c’est être vivant ! Brahim Rajab
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Magazine culturel des quartiers populaires, imaginé par l’équipe du Prunier Sauvage. Ce numéro est tiré à 2000 exemplaires, il est distribué avec l’aide d’ACTIS. Rédacteur en chef : Brahim Rajab Coordination et graphisme : Lise Blein-Renaudot Comité de rédaction : Jacopo Rasmi, Antonin Delabouglise, Léa Deshusses, Elsa Chardon Couverture : Acteurs du dernier court-métrage de Villeneuve la Série, août 2016. photo : Dorian Degoutte.
LE CHIC SOMMAIRE 4 6 7
quartierchic.journal@gmail.com 3
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ECHOS QUARTIER
BOUQUINERIE
• Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? • L’Arabe du Futur
PLEIN FEU STREET ART Théorie de l’évolution
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LE DOSSIER :CINÉMA, TOUR D’HORIZON • Maghreb “Par delà la Méditerranée” • Grenoble “Villeneuve en série” • Harlem - “Le berceau du mic” • Marseille - “D’la frappe”
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A TOI DE JOUER P’TIT
ECHOS QUARTIER
Fabrique de points de vue À l’invitation du Prunier Sauvage, le collectif d’artistes Ici-Même [Gr.] a arpenté les rues des quartiers Mistral et Lys Rouge à la rencontre des habitants et des usagers de l’espace public. Les artistes ont accompagné des gens d’ici ou d’ailleurs, dehors ou dedans. Ils ont traversé, marché les yeux fermés, ralenti et surtout joué au jeu de la conversation, s’invitant ici dans une salle d’attente, un bar, là un réfectoire, au pied d’un immeuble ou même autour d’un café chez l’habitant ! Une fabrique de points de vue en mots, voix et sons pour se poser des questions telles que : Comment ne pas s’enfermer dans des représentations un peu figées / re-trouver des points de vues complexes ? Faire fi des clivages structurels, historiques… Les paroles et les petites histoires récoltées ont été la matière première d’une œuvre artistique radiophonique en deux parties. Cette œuvre poétique a été diffusée sur les ondes de Radio Campus (90.8 FM), elle est aussi disponible sur le site web du Prunier Sauvage : Pour découvrir et écouter “Mistral International” rendez-vous sur : http://lepruniersauvage.com/index. php/menu-vie/menu-icimeme
A bientôt j’espère Un salon, quelques chaises, et des hôtes, c’est tout ce qu’il suffit à l’association “A Bientôt j’espère” pour faire passer un bon moment à vous et vos amis. Cyril et Loïc sont deux passionnés de cinéma documentaire et partagent cet intérêt gratuitement en installant chez vous de quoi projeter, comme au cinéma, un film choisi avec vous ! Intrigué ? Contactez-les ! 07 71 02 06 27 info@a-bientot-j-espere.org
L’association A bientôt j’espère organise “L’AMOUR AU RISQUE DU RÉEL - AU DELÀ DES APPARENCES” projections programmées par des habitants de l’agglomération grenobloise. Du 07 novembre au 09 décembre à Grenoble et ailleurs. Pour connaître toute la programmation, envoyez un mail à info@a-bientot-j-espere.org
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ECHOS QUARTIER
Faîtes votre cinéma Vendredi 09 décembre à 20h, Le Prunier Sauvage, en partenariat avec la Cinémathèque de Grenoble, CINEX et le Festival des Maudits Films, organise la 7ème édition de la soirée Grand Clap dédiée aux courts métrages et accompagnée d’animations ludiques, de rencontres avec les réalisateurs et de projections de films “fait-maison”. C’est l’occasion rêvée pour tous les apprentis vidéastes de voir diffusé leur film dans un cadre convivial et ludique. Vous ne connaissez pas le Grand Clap ? Le procédé est simple, vous avez un thème, une durée imposée et à vous de jouer et faire parler votre créativité. Les règles du jeu pour participer : Durée du film : 3 minutes Thème : Driiing ! Date limite d’envoi des films : 05 décembre infos : facebook.com/grandclap
Festival AlimenTERRE Nourrir 10 milliards d’humains en 2050 tout en préservant l’environnement : un défi pour des millions d’agriculteurs. Le Festival de films AlimenTerre organisé par l’association Artisans du monde Grenoble, part à la rencontre de ces acteurs du changement, héros du quotidien : paysans, populations autochtones, élus, entrepreneurs, consommateurs... Les projections auront lieu du 15 octobre au 30 novembre dans différents lieux de l’agglomération grenobloise dont le café associatif le Barathym et la Maison de quartier de Villeneuve. Toute la programmation sur www.festival-alimenterre.org
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BOUQUINERIE
Les jeunes de banlieue
mangent-ils les enfants ?
« Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? », une question burlesque, mais pourtant pas dénuée de sens, posée par Thomas Guénolé, politologue et enseignant, en titre de son livre. La quasi-totalité de sa thèse consiste à démonter scientifiquement, point par point, à travers plusieurs thèmes de société, le mythe obscur du « jeunede-banlieue » ; arabe, mal rasé, portant une capuche, souvent armé, orientant inexorablement son projet de vie vers l’islam radical et le djihad. Guénolé fustige ce qu’il appelle la « balianophobie », ce discours haineux et craintif que l’on retrouve parmi les classes moyennes, dans nos médias et nos films. Pour autant, il ne nie pas la véracité des phénomènes qui nourrissent ces clichés, (les rapports de force, les bandes, le trafic), il en parle même longuement, mais toujours dans l’objectif de briser les généralités. Ses longues enquêtes dans de nombreuses cités lui ont permis d’alimenter ses arguments, livrant ainsi un travail concret, crédible, dans un style parfois universitaire mais essentiel lorsque l’on veut déconstruire les représentations. Vous y apprendrez beaucoup, même si vous pensez tout savoir sur ce croque-mitaine des temps modernes qu’est le « jeune-de-banlieue ». Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ?, Thomas Guénolé, Éditions Le bord de l’eau, 2016.
L'Arabe du Futur
Bande-dessinée autobiographique, L’Arabe du Futur est le récit d’une enfance ; celle de Riad Sattouf, son auteur. Le jeune Riad vécut en Lybie puis en Syrie, après avoir passé les premières années de sa vie en France. A travers un regard innocent, enfantin et décalé, Sattouf nous décrit son vécu avec spontanéité et étonnement, telle la découverte d’un monde nouveau sans jamais tomber dans le cliché. La froide réalité et la violence des paysages, des scènes ou encore des personnages, comme la figure du père, nous apparaissent encore plus saisissantes grâce à l’humour persistant, presque insolent, que nous offre Sattouf à travers son personnage principal. Ce gamin blondinet tombé au beau milieu d’enfants bruns, c’est presque irréel, c’est parfois hilarant, et c’est symbolique d’un décalage et d’un dépaysement que vous suivrez tout au long de votre lecture, renforçant étrangement l’aspect ordinaire de chaque scène. Le 3ème tome est sorti le 06 octobre en librairie. Riad a désormais 7 ans. Le plaisir de voir le petit blondinet grandir entre culture occidentale et orientale ne s’arrête pas là car un 4ème et même un 5ème tome sont en cours ! L’Arabe du futur 3, Riad Sattouf, Allary Éditions, 2016.
AD
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Théorie de
VOUS VIVREZ DANS
100 ANS
« Je pense à vous mes fils, cloitrés par l’univers dans un faubourg désert de toute humanité ». Ces quelques mots d’un poème anonyme sur une fresque, je les ai lus mille fois sur le chemin de l’école. Un dessin et des mots d’une puissance incroyable et d’une tristesse infinie sur le mur du quartier Mistral. Le dessin représentait un homme pointant un flingue sur sa tempe. Sa figure était d’un rouge éclatant sur un fond bleu, son regard déterminé me fascinait. Je ne comprenais pas vraiment le texte mais je trouvais les mots très beaux, « Je vois vos yeux scellés dans un béton grouillant, les larmes en mouvement recherchant les couleurs ». Cet œuvre d’un jeune street-artiste du quartier Mistral, parti trop tôt, était sans doute ma première rencontre avec l’art, pas joyeuse mais puissante ! Témoignage d’un ancien habitant de Mistral
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Le street art est une pratique artistique mouvante. Son statut évolue et change avec le temps. Il gagne du terrain sur le front urbain, un festival en son honneur a eu lieu en juin dernier à Grenoble dont l’une des places fortes fut la Villeneuve. Le street art fut longtemps une pratique artistique réalisée sans consentement ni autorisation, sans tabous ni limites dans l’espace urbain. Ces créations « sauvages », souvent réalisées de nuit, parfois de manière anonyme (la grande majorité des artistes de street art utilisent des pseudonymes), contiennent des messages à caractère politique, social ou culturel et possèdent ainsi une dimension contestataire voire subversive.
COMMANDE
Dès la fin des années 70, certaines œuvres murales ont fait l’objet de commande. C’est le cas, notamment de la fresque d’Ernest Pignon-Ernest, considéré comme un pionnier de l’art urbain en France, réalisée à la Villeneuve sur le bâtiment de la Bourse du Travail, en 1979. Il considère cette commande comme « sociale » car il s’agit d’« une œuvre qui exprime ce qui est implicite dans une société et que seuls l’art ou la poésie peuvent mettre à jour »1. Pour cela, il a travaillé avec des employés d’entreprises et des ouvriers pour tenter de dégager un thème central qu’il donnera à cette fresque : celle de la dégradation de l’organisme dans certains postes au travail.
OEUVRE ÉPHÉMÈRE
En choisissant la rue comme champ d’expression et les murs comme toiles, les artistes acceptent la dégradation de leurs œuvres dans le temps, notamment liées aux intempéries (le vent, la pluie et le soleil), et leur côté éphémère. Certains d’entre eux utilisent d’ailleurs des procédés et des techniques sensibles qui conduisent inexorablement à
L’ÉVOLUT ION
PLEIN FEU - LE STREET ART
la détérioration de l’œuvre avec le temps, PERFORMANCE comme le collage, la sérigraphie sur papier, Cet été, dans le cadre du Festival de le scotch ou la mousse naturelle. Dans le Street Art à Grenoble, six fresques cadre du Festival de Street Art à Grenoble, monumentales ont été réalisées dont celle l’œuvre de Pignon-Ernest a fait l’objet de l’artiste américain Augustine Kofie au d’une restauration. Elle a consisté en une 50 galerie de l’Arlequin d’une dimension reconstruction numérique et impression de 15x27mètres, la plus grande jamais sur une toile anti-UV, collée sur le mur réalisée par cet artiste californien. La restauré. Il ne reste donc rien de la fresque commande ajoute une dimension nouvelle originale, entièrement recouverte par au street art, celle de la performance. Il a été cette toile. Il s’agit possible de voir donc davantage d’une Peut-on encore présenter comme du street les artistes réaliser reproduction que art des toiles présentées dans des galeries, les fresques et d’une restauration. éclairées par de la lumière artificielle ? de suivre ainsi Cela pose la question l’évolution de de la durée de vie d’une œuvre de street l’œuvre. Quatre travaux ont été présentés à art. La dégradation de l’œuvre ne fait-elle la Villeneuve dans le cadre de ce festival. Ils pas partie intégrante de l’œuvre côtoient d’autres œuvres dont des graffitis, elle-même ? et d’anciennes commandes publiques. Il n’existe donc pas une définition ART DE RUE D’INTERIEUR universelle du street art mais différentes La valeur et la perception du street art interprétations. Il convient à chacun de évoluent dans le temps. Autrefois perçu choisir celle qui lui plaît. LD comme illégal, il a aujourd’hui une place privilégiée sur la scène artistique contemporaine. De la rue à la galerie, au 1 www.pignon-ernest.com musée, en passant par les maisons de Augustine Kofie au 50 galerie de l’Arlequin d’une vente, le street art s’est fait une place sur le dimension de 15x27mètres, marché de l’art. Autrefois, il s’affranchissait de toute norme, s’opposait à toute contrainte. Aujourd’hui, des expositions lui sont consacrées. Mais peut-on encore présenter comme du street art des toiles présentées dans des galeries, éclairées par de la lumière artificielle? L’environnement et l’emplacement de l’œuvre dans la rue ne sont-ils pas inhérents au street art ? Des agents municipaux, responsables de la propreté urbaine à Grenoble ont été sensibilisés au street art afin de pouvoir mieux appréhender les œuvres dans la rue et ainsi dissocier le tag du street art. Mais comment distinguer un tag d’un graffiti d’une fresque ? Y-a-t-il une pratique plus légitime qu’une autre ? Existe-t-il une pratique amateur de l’art urbain ?
R: SIE , S N DO MA IZO LE CINÉ HOR D’ UR TO
MAGHREB
CEUX QUI
Quelques films par-delà la Méditerranée. Il y a quelques mois, nous avons suivi l’aventure documentaire de Gianfranco Rosi à Lampedusa. Cette œuvre est finalement sortie en France (28 septembre), dernier exemple de ce qui est devenu de plus en plus un véritable genre du cinéma contemporain, le cinéma des migrations. Les grands déplacements aux frontières européennes – ceux qui bougent malgré tout et contre tout – ont gagné une place centrale dans l’engagement cinématographique. Mais, ceux qui restent ? Ceux qui demeurent, hésitent, attendent : ceux-là, quelle visibilité, quel récit leur est assuré?
ROME PLUTÔT QUE VOUS
À vrai dire, ces existences de l’autre côté de la Méditerranée ont été récemment l’objet d’importantes expériences cinématographiques dont l’Algérie a été une des patries. Un nom, en particulier, a capté l’attention des cinéphiles français lors d’une rétrospective au Centre Pompidou en 2015 : celui du cinéaste algérien Tariq Teguia. Son premier film, Rome plutôt que vous, raconte sous la forme d’une fiction très documentaire l’histoire d’un jeune couple hanté par l’envie de partir. Une histoire au bord de la mer, où la traversée reste une tension, un 9
fantasme tombant finalement à l’eau. Teguia nous illustre ainsi la condition des jeunes générations maghrébines rongées par un refus du status quo qui ne trouve pas de solution : pas de véritable changement de leur pays, ni de départ vers un autre. Jeunes paralysés, remplis d’un désir qui se fige en égarement.
LA NUIT ET L’ENFANT
La rentrée nous propose, dans cette lignée, une œuvre francoalgérienne où le récit d’une attente outre-méditerranéenne est tissé par une création documentaire. C’est la fable nocturne de l’Enfant et la nuit (sortie le 6 septembre) que certains jeunes d’Algérie ont composé avec le jeune réalisateur David Yon. Dans une ambiance lyrique, Yon entreprend une traversée nocturne qui débouche sur l’amorce d’un nouveau jour. On a l’impression d’y entrevoir une espèce de métaphore de cette époque rivée à une suspension à la fois immobile et frénétique. C’est l’époque d’une révolution (le Printemps arabe) inachevée – comme toute révolution peutêtre. C’est l’époque crispée d’un rêve juste effleuré, demeurant inabouti. Ses protagonistes ont renoncé à la fois à la connivence avec la tradition récente du Maghreb post-colonial et à la fuite (trop facile?) vers l’Europe (l’alternative habituelle). Dans ce
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1 double refus, ils sont restés piégés. L’espoir, oui, mais pas ailleurs: l’espoir-ici a été leur pari.
DANS MA TÊTE UN ROND POINT
Cet été, enfin, on a vu rapidement passer au Mon ciné de SaintMartin-d’Hères un autre film algérien sur l’attente. Il s’agit du beau documentaire Dans ma tête un rond-point, tourné à l’intérieur d’un abattoir d’Alger. Ici, il n’est pas question du traitement des animaux. Il est question plutôt des sentiments, des projets et des questionnements de certains jeunes travailleurs. Le protagoniste du film, au cours d’une des fréquentes conversations avec un copain de travail, inscrit sa condition (la condition d’un peuple?) dans cette expression: “dans ma tête, il y a un rondpoint”. Un tourbillon d’envies, de questions, d’émotions, qui le cloue à un présent qui ne le satisfait
3 pas. Bien que tourné loin, ce film ne pourra pas laisser insensible le ( jeune) spectateur français, ou européen. La plupart d’entre nous, probablement, ne pourra pas s’empêcher d’être touchée par ces destins, ces aveux qui se déploient au fil du documentaire. Dans les têtes de nos générations aussi - au milieu de la tempête immobile d’une crise permanente tournent en rond les pensées, les espoirs. La recherche politique d’une issue, ici-même, est à l’ordre du jour.
JR
1 - La nuit et l’enfant de David Yon (2015,1h) 2 - Dans ma tête un rond point de Hassen Ferhani (2016, 1h40) - © Les films de l’Atalante 3 - Rome plutôt que vous de Tariq Teguia (2008, 1h51) 10
: IER SS A, ON O M IZ D LE CINÉ HOR ’ D UR O T
EN SÉRIE
GRENOBLE La Villeneuve, un quartier de 13000 habitants qui brasse des populations venues du monde entier, possède une architecture inédite avec son parc, son imposant volume et ses coursives, ainsi qu’une identité forte. C’est pour toutes ces raisons, qu’en 2010, Naïm Aït-Sidhoum, avec Julien Perrin, a créé l’association Villeneuve la Série. « C’est un quartier qui m’a toujours intrigué (…) un endroit où la culture est en train de se faire». Villeneuve la Série propose de tourner des fictions audiovisuelles avec des habitants du quartier, dont le projet initial était la production d’une série télévisée. A cet effet, deux pilotes ont été tournés. Finalement, le projet prendra une autre tournure et se dirigera vers le cinéma. Fin 2012, l’association fait appel à Demis Herenger, qui possède déjà une expérience de tournage avec des amateurs. L’idée est de travailler avec les jeunes de la Villeneuve, population nombreuse au sein du quartier, et de leur proposer des situations de jeu. Encadrée par des professionnels, la série accorde une place importante à l’improvisation dans son tournage et sa réalisation, et se hissera ainsi jusqu’à Cannes en 2015. En filmant les jeunes dans leur quartier, Naïm Aït-Sidhoum ne souhaite pas mener d’enquête sociologique, il cherche à partager la vie de ces jeunes qui sans cesse se réinventent. Il s’appuie sur leurs références, leur langage, et s’imprègne de cette culture extrêmement vivante car sans cesse en évolution et en mouvement.
UN NOUVEAU COURT EN COURS
L’équipe intègre depuis peu des jeunes extérieurs à la Villeneuve dans les tournages. Le dernier court-métrage a d’ailleurs été tourné cet été sur le plateau du Vercors. L’histoire s’attache à un jeune qui dirige une équipe d’acteurs reconstituant la vie de Kunta Kinté, un esclave qui se bat pour ses droits, une référence afro-américaine que le rap français s’est appropriée. En donnant des ordres pour diriger ses acteurs, qui jouent alors les esclaves, inconsciemment, le protagoniste semble reproduire ce qu’il dénonce. Une mise en abîme prometteuse. Actuellement en post-production, le court-métrage devrait bientôt faire son apparition sur nos écrans.
LD
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Plus d’info sur : wwwcargocollective.com/vill9laserie Facebook : Villeneuve la Série
HARLEM
LE BERCEAU Le Hip-hop est l’art urbain par excellence, enraciné dans tous les quartiers populaires à travers le monde. La série The Get down raconte la naissance de ce mouvement né à la fin des années 70 à Harlem, quartier mythique de NewYork. Quartier Chic a visionné les premiers épisodes. Bronx, 1977 : Ezekiel est adolescent, orphelin, afroportoricain mais surtout poète. Mylène, sa muse et amie, est une jeune fille ambitieuse qui projette de devenir la prochaine reine du disco, contre tous les principes de son pasteur de père. Une situation initiale au parfum d’eau de rose et aux accents un peu mièvres avec de faux airs de West Side Story. L’arrivée de Shaolin Fantastic, apprenti Dj à la recherche d’un « tailleur de mots » pour rapper sur ses beats, marque un tournant dans la vie d’Ezekiel comme dans la narration et l’esthétique de la série. La comédie musicale prend des allures de film de kung-fu avec un soupçon de western, les rêves de gloire se heurtent à la drogue et aux couteaux des gangs du Bronx et Ezekiel
commence à perdre son ingénuité en même temps que sa plume se fait plus instinctive et affirmée.
L’ARRIVEE DU HIP-HOP DANS UN CONTEXTE DISCO
Entre l’émergence de l’art du graffiti, la cohabitation conflictuelle de l’omnipotente disco et des premières secousses du marginal hip-hop (sans oublier un rapide clin d’œil au punk), les magouilles politiques et immobilières saupoudrées de cocaïne et de guerres de gangs, The Get Down fait un portrait exhaustif du Bronx des années 70. Tâche ardue qui, quand elle vient se coupler avec les rebondissements et développement requis par le scénario, rend la trame et le propos général assez alambiqués. Au fil des épisodes, la série commence à trouver son rythme, suivant toujours une partition effrénée et explosive mais dont le spectateur trouve plus facilement le tempo.
EC
“The Get Down dépeint un Bronx violent mais pas misérabiliste, où le bruit des armes résonne moins que le son des scratchs” Créée par : Baz Luhrmann (2016) Production et diffusion : Netflix Avec : Justice Smith, Shameik Moore, Herizen F. Guardiola plus 12
R: SIE , S N DO MA IZO LE CINÉ HOR ’ D UR TO
MARSEILLE
FRAPPE
Quand Karim Dridi filme Marseille, on est loin de l’image de carte postale. Ni l’accent chantant, ni le soleil méditerranéen ne font oublier la misère. On l’avait déjà constaté lors de son précédent film sorti en 2008, Khamsa, qui scrutait, au travers du regard d’un enfant, les déshérités issus de la communauté gitane.
Son dernier film, Chouf, nous plonge dans l’univers des petits trafiquants de cannabis des quartiers nord où l’horizon est bouché et l’atmosphère étouffante. Pourtant, le film s’ouvre sur un moment de joie intense, avec l’arrivée du fils prodigue, celui qui fait la fierté de la famille et de tout un quartier. C’est Sofiane de retour pour les vacances, l’étudiant qui a su s’extirper au point de devenir un quasi étranger pour les siens. Mais pour Karim Dridi, il semble qu’il ne soit pas si facile de se libérer du carcan social et son héros a tôt fait de s’enliser à son tour. On pourra regretter que le cinéma français ne sorte pas des 13
représentations négatives habituelles dans lesquelles il assigne toute une partie de la population. On aurait aimé s’attarder plus longuement sur ces gens qui ne sont pas issus des «cités», qui viennent s’approvisionner en shit et font tout autant partie du problème. Il n’empêche que Chouf est un film brut, sans concession, qui dénonce une réalité que l’on ne peut pas nier, celle d’un véritable naufrage social. Les scènes sont réalistes et les jeunes acteurs sont très crédibles pour la plupart. On en ressort sonnés, dépités mais aussi touchés. Surtout par la figure du père de famille, cet homme usé qui en perdant ses capacités à subvenir aux besoins de la famille perd son statut et son autorité. Il cesse d’être le phare, le protecteur, il est détrôné par le fils dont les poches sont pleines de billets sales mais nécessaires à la survie du clan. On aime le film, mais sur la question de la diversité, on aimerait que le Cinéma nous offre aussi des angles de vue différents. BR Chouf de Karim Dridi (2016, 1h48)
Avec : Sofian Khammes, Foued Nabba, Zine Darar...
À TOI DE JOUER P’TIT
QUI EST QUI ? JEUX CONCOURS
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