A PROPOS DE LA DECHEANCE DE NATIONALITE Ne pas se tromper de débat – Ne pas franchir la ligne rouge
Madame la Députée, Monsieur le Député, Après les attentats terroristes tragiques de novembre dernier à Paris. Après les élections régionales avec des résultats tout aussi tragiques à leur manière, je souhaite vous interpeller vivement vis-à-vis de la réforme constitutionnelle qui s’annonce à la veille des fêtes, le 23 décembre prochain, particulièrement sur l’article 3.11 touchant à la déchéance de nationalité. A la suite des attentats meurtriers du 13 novembre dernier, le chef de l’état a voulu marquer sa fermeté face à une violence exceptionnelle par son ampleur. Pourtant, on peut également s’autoriser à penser qu’au-delà de la posture, il y a eu tout simplement une stratégie visant à limiter les dégâts à la veille d’élections régionales déjà mal engagées pour les partis républicains. Le barrage républicain qui encore une fois a fonctionné, peut-être pour la dernière fois d’ailleurs, ne doit en aucun cas masquer la colère et l’inquiétude de nombreux citoyens, moi le premier, face aux mesures annoncés, pour partie liberticides ou contraires aux valeurs françaises. En tant que député républicain, je vous invite à étudier avec attention les éléments de la réforme constitutionnelle annoncée et à refuser tout article démagogique et inutile au regard de l’objectif visé, en premier lieu l’article 3.1 touchant à la déchéance de nationalité. Vous ne pouvez pas annoncer lutter contre l’extrême droite et dans le même temps soutenir une mesure d’extrême droite. Vous ne pouvez pas renier les valeurs qui découlent de votre mandat électif. Que cache réellement la réforme constitutionnelle relative à la déchéance de nationalité ? Annoncé comme un outil supplémentaire de lutte contre le terrorisme, le texte propose, entre autres, de déchoir un français (même s’il est né en France) de sa nationalité française en cas de crime ou délit constituant un acte de terrorisme ou une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (concept plutôt flou qui fera le bonheur d’un FN au pouvoir) dans le cas où ce même français possèderait une seconde nationalité. Les problèmes que posent ce texte sont les suivants : 1) Une mesure inefficace. L’efficacité d’une pareille mesure pour lutter contre le terrorisme n’est absolument pas prouvée. C’est une mesure démagogique et placébo pour tenter de rassurer un peuple inquiet. Il ne protègera en aucun cas de nouvelles attaques. La nationalité n’a rien avoir avec le terrorisme et il n’existe pas de passeport « franco-terroriste » à ce jour.
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Après l’article 3 de la Constitution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé : Art. 3-1. - Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les
conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
2) Une mesure discriminatoire. Cette mesure remet en cause le principe de droit du sol et grave dans la constitution l’existence de plusieurs catégories de citoyens dans notre pays. Elle ne concerne donc pas uniquement les binationaux car elle porte atteinte à notre vision historique de la nation française, unie et indivisible. Binational ou pas, tout citoyen français attaché à nos valeurs fondamentales se doit de s’insurger contre une telle réforme, avec en première ligne nos élus. Nous souffrons bien assez de discriminations dans la réalité quotidienne pour qu’on s’autorise à les inscrire dans la constitution. 3) Une mesure stigmatisante. Ce texte est une insulte à l’ensemble des binationaux vivant en France ou à l’étranger soit 4 à 5 millions de personnes. Car la bi nationalité concerne aussi les français installés à l’étranger et qui ont acquis en plus de la nationalité française, la nationalité du pays d’installation. Cette mesure stigmatise la communauté des binationaux en faisant de leur double culture un facteur de risque plutôt que de richesse. C’est aussi une mesure hypocrite parce qu’en réalité elle vise plus particulièrement les binationaux de confession musulmane qui a déjà bien assez de soucis avec les amalgames qui résultent d’une infime minorité d’extrémiste radicaux. 4) Une mesure digne de l’extrême droite. Il est inadmissible, inconcevable qu’un gouvernement républicain puisse faire voter un texte porté de longue date par le Front National. Il y a des limites au n’importe quoi. Un gouvernement républicain ne peut pas, ne doit pas voter une mesure FN.
Au lendemain des élections régionales, qui ne sont une victoire que pour le Front National en pleine progression, la majorité des responsables politiques ont appelé à un changement dans nos manières de penser et faire de la politique. En tant que citoyen, je suis le premier garant de ce changement en remobilisant ma capacité de vigilance et d’interpellation des élus de la république. Je vous prie d’agréer, madame la députée, monsieur le député, l’expression de mes sentiments respectueux.
Samir KHEBIZI 29, rue Toussaint 13003 Marseille / sam.khebizi@gmail.com