08 n°1
juin 2013 - 3,40 €
La tanière du «LEOpart…»
Reportage dessiné dans le village autogéré de « résistants » à la construction d’une rocade à Avignon... p. 25 à 27
Maréchal
nous voilà !
Marion Maréchal–Le Pen, petite fille et nièce de, est depuis un an la benjamine de l’Assemblée nationale. Enquête à Carpentras sur l’implantation de l’extrême droite. p.10 à 14 la grosse enquête
CORSICA FERRIES en eaux troubles
Méditerranée. Enquête sur une « compagnie » adepte du « low cost » et du dumping social. p. 3
LE LABEL FANTOME Marseille (13). La « dream team » de Gaudin candidate pour devenir en 2017 capitale européenne du sport. Une distinction qui a tout de la coquille vide… p. 5
LES COMPTES NE SONT PAS BONS Paca. Faute de moyens, les chambres régionales des comptes (CRC) ont de plus en plus de mal à vérifier l’utilisation des deniers publics… p. 6
« Y A DE L’INDISCIPLINE CE SOIR ! » Istres (83). Contrôle technique de la démocratie au conseil municipal présidé par François Bernardini, indéboulonnable maire divers gauche. p. 23
LA BELLE DE MAI EN FRICHE Marseille (13). Dans un quartier qui aimerait être autre chose que le plus pauvre de la ville, les artistes s’investissent. Sans y vivre… p. 24
POURFENDEUR DE PD Var. Portrait satirique de Dominique Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon, qui a mis ses ouailles en 1ère ligne des manifs contre le mariage pour tous. p. 28
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Maréchal nous voilà !
la grosse en
Maréchal nous voilà !
Marion Maréchal-Le Pen, petite fille et nièce de, est depuis un an la benjamine de l’Assemblée nationale. Enquête à Carpentras sur l’implantation de l’extrême droite. Terrain de jeu L’élection de Marion Maréchal-Le Pen, l’unique députée dûment estampillée Front national, est-elle la conséquence d’un pacte entre les socialistes locaux et le parti d’extrême droite ? C’est ce qu’affirme un article récent de L’Express, fort du témoignage de l’ancien premier fédéral PS du Vaucluse, mais ce que nient les dirigeants nationaux et vauclusiens socialistes. Si notre enquête à Carpentras confirme les divisions profondes à gauche, conjuguées à de féroces conflits d’ambitions, elle ne corrobore pas l’existence d’un véritable pacte rose-brun. Une certitude toutefois : avec ses deux députés, ses deux maires et son conseiller général d’extrême droite, avec des scores électoraux au sommet pour Le Pen, sa fille et sa petite fille, le Vaucluse bat tous les records de l’Hexagone. Il est pourtant d’autres territoires où le chômage, l’insécurité, et le nombre d’immigrés - facteurs censés expliquer les succès du Front national - sont plus élevés. A Carpentras, comme à Orange ou Bollène, c’est l’accumulation de différents facteurs qui finit par être déterminante. L’extrême droite est historiquement implantée en ces terres autrefois poujadistes. La gauche y est encore plus divisée et désorientée qu’ailleurs. L’UMP s’y radicalise à grande vitesse. Nous sommes ici dans un des berceaux de la « droite populaire ». En reprenant un à un les thèmes du FN, croyant lui couper l’herbe sous le pied, elle légitime au final ses idées. Entre droite extrême et extrême droite, les passerelles se multiplient, brouillant les frontières et rendant difficile dans les urnes un front républicain. Le terrain de jeu rêvé pour que la dernière née du clan Le Pen fasse ses dents… Michel Gairaud
Carpentras, l’effet couscoussière La ville est le réceptacle miniature de nombreux maux nationaux, le soleil en plus... Jean-Marie Le Pen avait fait de Carpentras sa base de lancement dans la région. Sa petite-fille est aujourd'hui la laborantine en chef de l'émergence d'une nouvelle droite, extrêmement radicalisée.
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0, 35 %, des pointes à plus de 40 % dans certains bureaux de vote à Carpentras pour le Front national lors des dernières élections législatives. Des scores qui le placent systématiquement, ou presque, devant l’UMP au 1er tour. Une Marion Maréchal-Le Pen élue à plus de 45 % dans certaines petites villes de la périphérie. Le Vaucluse et sa 3ème circonscription, qui englobe le sud de Carpentras, ont donné ses meilleurs résultats électoraux au parti de Marine Le Pen ces dernières années. Outre la nièce, le canton de Carpentras nord est représenté par l’unique conseiller général FN de France, Patrick Bassot. Rajoutez à cela la baronnie locale du députémaire d’Orange, ancien frontiste, Jacques Bompard et de sa femme, maire de Bollène, et vous obtenez le territoire français le plus « extrême-droite-compatible » de l’Hexagone. Comment Carpentras est-elle devenue la nouvelle succursale de la florissante PME Le Pen ? L'affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990 est fondatrice (1). L’épisode exacerbe les clivages et marque le début de l’implantation du patriarche Le Pen dans la région. Bien avant son arrivée et celle de sa descendance, le Comtat Vénaissin, rattaché à Rome jusqu’à
la Révolution, est un territoire singulier. Une importante communauté juive s'est constituée sous l'autorité papale, dont il reste aujourd'hui des vestiges : Carpentras abrite la plus vieille synagogue française, construite en 1361. Après la révolution industrielle, le développement des canaux et de l'irrigation fait du Comtat Vénaissin un important bassin agricole. Une bourgeoisie paysanne émerge et prospère. Au lendemain de la guerre d'Algérie, de nombreux rapatriés s'installent à Carpentras, dont Guy Macary, ancien « para », qui devient la figure locale du Front. Puis démarre dans les années 70 l’immigration maghrébine, uniquement masculine et logée à la ferme. Elle sert de main-d’œuvre peu coûteuse pour exploiter les terres. Avant que le regroupement familial de la fin de la décennie vienne amplifier le phénomène et poser un problème de logement.
Sociologie du pavillon
C’est la mode du pavillon. La bourgeoisie commerçante délaisse le centre ville pour louer aux immigrés. L’immobilier se dégrade vite. « La ville est alors dans sa période "droite pépère" (deux maires de droite se sont succédé entre 1965 et 2008, Ndlr), qui cherche à faire de Carpentras une cité où rien ne bouge, pour attirer les retraités, analyse Daniel Gendre, secrétaire général de l'union locale CGT. Cette sociologie du pavillon a complètement dénaturé l’esprit village. C’est le début des cités-dortoirs, des maisons bien gardées avec des grilles et des haies. Ce côté "on est chez nous" propre à une classe moyenne qui paie ses impôts mais qui n’a pas droit à grand-chose. » Des communautés aux contours bien définis se mettent en place : une dynamique peu favorable à la mixité. Sans parler des dérapages de certains élus. L’ancien maire UMP, Jean-Claude Andrieu, déclare par exemple au début des années 2000 que la ville a dépassé le seuil tolérable de Maghrébins… La capitale du Comtat Vénaissin concentre aujourd’hui des écarts de richesse très importants : 63 % de la population ne paie pas d’impôts alors que 300 foyers sur les 18 000 que compte la ville sont assujettis à l’ISF. Le
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enquête
Maréchal met au pas le FN « 84 » « J’ai un mandat national, je n’ai pas été élue pour venir faire le tour des fêtes à Neu-Neu. Et puis je suis ici toutes les semaines du jeudi au samedi. » Marion Maréchal-Le Pen balaye avec vigueur les nombreux reproches des élus locaux sur sa présence dans la circonscription. « Elle ne fait rien, elle n’était même pas là pour le 8 mai », rumine Jean-Michel Ferrand, dinosaure de la droite locale, député sans discontinuer durant 27 ans avant sa défaite, l’an passé, face à elle. « C’est un courant d’air comme le mistral », persifle Joël Serafini, jeune maire divers gauche de Bédarrides, petite ville à une quinzaine de kilomètres de Carpentras. Elle ne porte pas d’intérêt à la politique locale, elle rentre dans une stratégie nationale. Et quand on la voit ici, on a l’impression de voir une princesse en province… » La ferveur médiatique retombée au lendemain de son élection, la députée se fait donc discrète sur ses terres d’élection. Mais son rôle dans la structuration et la professionnalisation du parti, dont elle est secrétaire départementale, est crucial. Elle revendique 25 % d’adhésions en plus depuis son élection, surtout des jeunes, qui ont pu s'identifier à elle. « Certains ont compris qu’il ne fallait pas forcément avoir plus de 35 ans pour faire de la politique », commente Victoria Dufour, la présidente du Front national de la jeunesse dans le « 84 ». Ils seraient selon elle une centaine sur tout le département. Pour Julien Langard, responsable FN du canton de Carpentras sud pour le parti, elle a réussi « à attirer des gens qui avaient une image caricaturale du parti ». Mais elle amène aussi de Paris des moyens : « une grande permanence d’où les militants peuvent travailler, du personnel avec ses collaborateurs, sa réserve parlementaire… » La fédération compte prochainement ouvrir un deuxième local à Apt. Voilà à quoi sert aussi un parlementaire à l'échelle locale, mettre un parti en ordre de marche. Facile pour une Maréchal... C.C.
chômage, galopant (12,7 % en 2012 en Vaucluse) y est plus important qu'au niveau national. Le centre-ville souffre d’une importante paupérisation, ce qui en fait la priorité majeure de toute la classe politique locale. Les marchands de sommeil sont légion, notamment dans les rues Porte de Mazan et Porte de Monteux, qui ont des airs de souks nord-africains. Ces rues étroites que stigmatisent bien volontiers le FN. « Après 19 heures, la langue qu’on y entend n’est plus le français », glisse Julien Langard, représentant du parti dans le canton de Carpentras sud. Des logements insalubres qu’on cherche à fuir le plus possible, ce qui rend la population maghrébine bel et bien visible dans l’espace public. De quoi nourrir la thèse extrémiste de « l’envahisseur islamique ».
Porosité droite / extrême droite
La ville a l’allure d’un désert passé les 19 heures. « Elle donne parfois une impression de névrose collective dont on ne sait pas vraiment comment se débarrasser », soupire Farid Faryssy, avocat et ex-premier adjoint au maire socialiste en place. « C’est vrai qu’il y a un peu un effet couscoussière ici. On ne sent pas à l’abri d’un drame, d’un côté comme de l’autre, témoigne Suliman, jeune avocat qui a grandi dans la cité des Amandiers et « enfant de la République » avant tout. Le communautarisme existe bel et bien mais ne correspond pas aux clichés renvoyés par la presse nationale. La population n’est pas coupée en deux, c’est beaucoup pus fin que ça. » Malika Del Amo, qui édite Berlingotville, un bimensuel de sorties
locales, se veut aussi moins pessimiste : Patrick Bassot, l’unique conseiller « Les choses s’améliorent un peu, la rue « Une impression général FN français, fait partie de ceux Raspail, qui était un peu craignos, est très qui ne voyaient pas d’un bon œil l’arrivée vivante maintenant. Les événements de névrose de la nièce providentielle en Vaucluse : festifs et gratuits organisés par la mairie collective » « Je n’aime pas les partis dynastiques, j’ai ont rencontré beaucoup de succès, il y a de Farid Faryssy pris mes distances avec le FN. Mais il faut la demande… » Les attaches à cette ville reconnaître qu’elle a su mettre tout le monde provençale, aux portes du Ventoux, d’accord. Auparavant, le parti s’embourbait restent fortes. On aime Carpentras même si on adore dans des problèmes d’ego. » Entretenant de bonnes relations parfois la détester. avec Jacques Bompard, elle est en plein dans la stratégie du maillage local et des alliances au cas par cas. « Notre C’est sur ce champ de braises que Marion Maréchal-Le objectif est de faire élire un maximum de conseillers municipaux Pen a réussi son fracassant parachutage. Pour Joël Gombin, partout en Vaucluse et de former des cadres pour demain », doctorant en sciences politiques et spécialiste du vote explique-t-elle avec le sourire. Celui du diable ? FN en Vaucluse, le territoire cumule tous les paramètres favorables à l'extrême droite : sociologiques (beaucoup de 1. En mai 1990, un cimetière juif est sauvagement profané : un corps est travailleurs indépendants, à la base du FN des années 80 déterré, un parasol planté dans l'arrière-train. Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur et du poujadisme ; une classe ouvrière très peu encadrée de Mitterrand, désigne immédiatement le FN comme responsable. Après politiquement), historiques (la Vendée provençale) et sept ans de procédures troubles, de pistes infructueuses et d'emballements politiques : « L'importante porosité de la droite et de l'extrême médiatiques, quatre skinheads sont jugés coupables. Aucun lien n'est établi droite en fait un laboratoire pour le FN. Il est tellement en avec le FN. position de force que Marion Maréchal-Le Pen est dans une configuration dont rêverait disposer Marine Le Pen en 2017. 2. Catherine Arkilovitch est la candidate socialiste qui s'est maintenue au D'autre part, à gauche, il y a une incapacité chronique à rester deuxième tour de l'élection législative. Le PS est accusé - il s’en défend - d'avoir négocié son maintien avec le FN, faisant élire Marion Maréchal-Le Pen. unis. L'affaire Arkilovitch en témoigne (2). » En prenant le poste de cheftaine départementale, Maréchal a remis de l’ordre dans le parti (voir ci-dessus).
Clément Chassot
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Maréchal nous voilà !
la grosse en
Quand Maréchal
La mosquée
loge à Paris
n’a pas la santé « Celui qui peut nous aider, on vote pour lui », avoue l’un des responsables de l’association en charge d’une des mosquées de Carpentras, Notre-Dame de Santé (sic), à la sortie de la prière. Selon Khalid Belkhadir, le président du Conseil régional du culte musulman, se basant sur les chiffres des consulats, il y aurait environ 10 000 fidèles sur Carpentras et ses alentours. La ville compte deux lieux de culte musulman. La grande mosquée Kennedy, ancienne boîte de nuit, un peu à l’écart de la ville, et Notre-Dame de Santé, lieu de prière non officiel. A deux pas du centre-ville, elle peut accueillir jusqu’à 300 personnes, bien pratique pour ceux qui n’ont pas de voiture. Non officielle car elle souffre de problèmes de sécurité, un arrêté municipal de fermeture datant de 2004 ayant été pris dans ce sens. Jamais appliqué…
La benjamine de l’Assemblée, élue depuis un an, est décrite comme besogneuse, d’un abord plaisant, mais extrêmement fidèle aux fondamentaux du FN. Bref, fréquentable pour l’aile radicalisée de l’UMP.
«S
ouriante », « cordiale », « bosseuse » et « discrète »… Sur la forme, l’image que renvoie Marion Maréchal-Le Pen au sein de l’hémicycle est souvent positif : le nouveau visage du Front national, jeune et féminisé. Mais les fondamentaux restent les mêmes. Ses interventions tournent toujours autour de la sécurité, l’immigration, la famille, l’Europe ou l’agriculture. « Il faut lui reconnaître une certaine force de conviction lorsqu’elle prend la parole, elle n’a pas froid aux yeux et relaie le discours classique du FN. Mais elle est très largement absente du débat législatif », note Yann Galut, député PS du Cher, fondateur du club La gauche forte.
Problèmes de places de parking, ostentation vestimentaire car on vient prier ici à pied… Le sujet entretient la division à Carpentras entre « bons » et « mauvais » musulmans. Du pain béni pour le FN et Hervé de Lepineau, futur candidat à l’Hôtel de ville : « Si une association philatéliste ne paie pas son loyer, elle s’en va. Ici c’est pareil, la préfecture n’a pas pris ses responsabilités, cette situation est inadmissible. » Tout en en rajoutant une couche sur le côté « salafiste » de Notre-Dame de Santé. Une thèse défendue par Mohamed Elad, l’un des responsables de la grande mosquée. Les dirigeants bataillent surtout entre eux pour imposer leur hégémonie sur l’ensemble de la communauté. Mais les fidèles n’ont pas l’air de radicaux enragés. Ce que confirme Khalid Belkhadir, lui aussi Carpentrassien : « Je vais prier dans les deux mosquées, le message est sensiblement le même. Non, la ville a besoin d’un deuxième lieu de culte. Le Grand Avignon en compte sept. »
« Ce n’est pas une députée technique », commente Julien Aubert, le député UMP de la 5ème circonscription de Vaucluse, qui en a marre qu’on vienne lui poser des questions plus pour parler de Maréchal-Le Pen que de lui. « Collard et Le Pen signent des amendements qu’ils ne viennent pas soutenir en séance, leur action parlementaire est très médiatique », estime Thierry Mariani, ancien poids lourd UMP de Vaucluse. Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône et qui siège en commission avec elle, la décrit comme « une députée qui tient sa place, assidue et qui prend beaucoup de notes, comme une étudiante. Mais qui se tient à distance, plutôt isolée ».
Des divisions fatalement utilisées politiquement. La droite veut tirer le rideau de la deuxième mosquée sans ouvrir un autre lieu de culte. Julien Aubert a même fait circuler une pétition demandant la fermeture de Notre-Dame de Santé. Farid Faryssy, l’ancien 1er adjoint socialiste maintenant brouillé avec le maire, accuse ce dernier de faire de ce dossier un levier politique : « Il aurait pu trouver une solution depuis longtemps mais il préfère attendre pour s’en servir électoralement, en leur promettant quelque chose… » Le maire jure au contraire avoir consulté toutes les parties et demeure confiant dans sa capacité à trouver une solution avant les élections, en fermant la mosquée Notre-Dame de Santé et en trouvant un autre endroit plus adéquat. En attendant, les musulmans peuvent toujours prier…
mais la critique durement par ailleurs. » Et Julien Aubert de développer : « Elle a compris que plusieurs lignes s’affrontaient au sein de l’UMP. Le FN est clairement entré dans une conquête du pouvoir en développant de nouveaux thèmes. Je n’ai pas voulu de la droite populaire car elle serait mauvaise ou trop à Orthodoxie et modernité Marion Maréchal-Le Pen fait partie, avec son acolyte droite, mais parce qu’elle n’a pas de socle idéologique clairement Gilbert Collard, des 7 députés non inscrits de l’Assemblée. défini. » De fait, les divergences au sein du grand parti « Cela comporte des avantages et inconvénients, analyse- de la droite sont extrêmes et les signes de rapprochement avec le FN de plus en plus prégnants. t-elle. D’un côté nous avons un temps de Plusieurs députés, notamment de la parole très restreint. De l’autre, nos profils droite populaire, ont applaudi aux ne passent pas inaperçus, on arrive à se faire « Je veux donner propos très durs de la entendre. » Elle sait qu’elle est la vitrine benjamine sur les Roms une image de 6 millions et demi d’électeurs. Son ou sur l’assistanat. Des rôle dans la dédiabolisation, même si elle raisonnable du amendements relatifs « n’aime pas beaucoup le terme », est de faire FN » à la loi sur le mariage Insécurité, fantasmée du FN, glisse-t-elle au Ravi, « un parti pour tous ont aussi été ou réelle, rejet des qui veut s’inscrire dans la vie républicaine et Marion Maréchal-Le Pen co-signés avec l’extrême « arabes » et des lui donner une image raisonnable. J’apporte droite. « politiques », les ma pierre à l’édifice… »
C.C..
Chronique
« Elle a beaucoup progressé en un an, elle est arrivée à se façonner une identité politique propre, analyse Abel Mestre, journaliste qui suit le FN pour Le Monde. Elle se définit clairement comme une femme de droite, pas comme sa tante. En ce sens, elle est plus le clone politique de son grand-père, qui se comparait volontiers à un Reagan français. Elle est un mélange d’orthodoxie frontiste, car très réac sur le fond, et de modernité. » Elle est opposée, par exemple, à la peine de mort « par conviction religieuse », défile lors de la « manif pour tous » et tacle parfois son mentor quand elle assure au Monde que Marine Le Pen « a une façon virile de faire de la politique ». « Elle a un rapport spécial avec la presse, elle ne donne pas son numéro de portable par exemple, continue Abel Mestre. Elle reste assez discrète par rapport à Gilbert Collard sur ce terrain-là. » Ce qui ne l’empêche pas de cultiver sa notoriété au sein du parti en enchaînant les visites en fédérations et en faisant le tour des soirées galettes des rois.
UMP, je t’aime moi non plus
Sur ses relations avec la droite de l’Assemblée, « c’est assez paradoxal, observe Yann Galut. Elle joue avec elle en recherchant la convergence d’idées sur certaines interventions
« Il faut que le parti garde ses positions, affirme Christian Kert, représentant d’une aile plus humaniste à l’UMP. Chaque fois qu’on a essayé de concurrencer le FN sur le plan idéologique sur des terres qui lui étaient favorables, nous avons échoué. Ce n’est pas parce qu’il y a quelques excités d’une droite plus dure que je vais quitter le parti. Mais il nous faut renouveler nos idées, trouver un idéal et évoluer avec la société. » Pour Abel Mestre, le FN est tellement en position de force aujourd’hui que c’est plutôt à elle d’attendre des signes de l’UMP. « De toute manière, les élus de la droite populaire ne servent que de caution droitière à leur parti. Je me demande bien ce qu’ils ne font pas encore avec nous », lâche la Le Pen 3ème génération. Bonne question. C.C.
raisons du vote Front national dans la circonscription sont classiques. Reportage à Carpentras et, 15 km plus loin, à Bédarrides, une petite ville bien tranquille...
a envie que ça le reste, assure Michel, derrière son bar, qui ne se cache pas de voter FN depuis quelques élections. Et puis on parle de construire des logements sociaux, ça ne nous rassure pas. Les gens avaient de l’espoir et on ne voit rien venir à l’horizon. Quand on regarde dans les journaux tout ce qui se passe ailleurs… ce sont souvent les mêmes ! »
La fin de la matinée est grise dans cette petite ville de 5000 habitants, perdue au milieu des vignes. A Bédarrides, on a voté à plus de 50 % pour Marion Maréchal-Le Pen et 40 % pour Marine Le Pen au 1er tour des présidentielles. Pourtant, pas de prières de rue ni de cités délabrées à l’horizon. Pour comprendre, rien de mieux que le PMU à l’heure de l’apéro. « Oui on est tranquille ici, et on
Mais on se défend d’être raciste. « J’ai des amis italiens, espagnols et même arabes… », jure Jean-Paul, qui dégaine immédiatement une photo de lui avec Maréchal-Le Pen prise « à la foire aux chevaux ». « Il faut les mettre au travail c’est tout, reprend Michel. Mais ils préfèrent trafiquer la drogue, ils paient moins de taxes… » Tout le monde acquiesce. Ils verraient d’un bon œil l’élection d’un maire FN, en prenant comme
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enquête
d’un racisme ordinaire exemple Orange, « une ville fabuleuse ». En 2008, c’est pourtant un maire divers gauche qui a été élu. « C’est vrai qu’il y a une tendance lourde ici mais c’est en même temps une des villes les moins politisées du territoire, analyse Joël Sérafini, le 1er édile. Il n’y a pas de lignes partisanes, les gens se sentent plus libres et puis, on est dans le midi, on aime bien renverser la table… » Joël Gombin, doctorant en sciences politiques et spécialiste du vote FN en Vaucluse, retient le concept de « rurbanité ». Ces territoires touchés par l’étalement urbain, pas tout à fait ruraux, et soumis à une forte pression foncière : « Il y a une concurrence extrêmement forte entre les natifs et les autres qu’ils perçoivent comme immigrants. Qui sont parfois des « Français », souvent mieux
qualifiés, avec un meilleur pouvoir d’achat. » A Carpentras, le vendredi, c’est jour de marché dans toute la cité fortifiée. Antonia, une animatrice socioculturelle, est assise en terrasse avec sa mère, qui porte le même prénom, et deux autres dames. Une mère, immigrée espagnole et carpentrassienne depuis plus de 40 ans, et une fille aux idées politiques totalement opposées. - « Oui, je suis d’extrême droite, je n’ai pas peur de le dire. Vous savez ici, la droite, la gauche, ils ont fait leurs petites affaires, il faut un bon coup de balai. » - « Et tu crois que ça changera quelque chose maman ? Tous ces gens dans les quartiers, il faut voir où ils vivent, même les chiens sont mieux lotis. Le FN ne fera rien pour eux. » - « Oui, mais qui a mis ces logements dans cet état-là ? Ils
sont bien mieux lotis que quand nous sommes arrivés, ils ne travaillent pas et on leur donne tout. » Elle reproche finalement aux autres ce qu’on a pu lui reprocher par le passé. Sa fille lève les yeux au ciel. Mais elles sont d’accord sur un point, elles aiment leur ville, où il fait bon vivre. - « L’insécurité c’est un fantasme, mon mari est policier, il n’y en a pas plus qu’ailleurs et qu’avant », affirme Antonia Junior. L’insécurité, un des angles d’attaque du FN carpentrassien. Pour Julien Langard, le responsable du canton sud, « personne ne se balade dans le centre ville le soir car c’est dangereux ». Peut-être parce qu’il n’y a pas grand-chose à faire ? Fantasme ou non, le
« Je n’ai pas peur de dire que je suis d’extrême droite » Antonia, immigrée espagnole sujet est aussi l’une des priorités de Francis Adolphe, le maire PS : « Il ne s’agit pas de durcir à tous crins mais de redonner un sentiment de sécurité. On a travaillé là-dessus et ça a payé. Pour 1000 habitants, on compte 68 actes délictueux. A Avignon, c’est le double. » Mais les cambriolages n’ont pas disparu, comme au Pous du Plan, une des cités HLM de la ville. Une petite zone pavillonnaire au vote FN très important où les panneaux « chiens méchants » côtoient les barres d’immeubles. « Voyez cette maison, ils se
sont fait cambrioler deux fois en un mois. Ici les baraques ne valent plus rien, raconte Jackie qui n’habite pas loin. Les gens ne sortent plus. Et puis, ils votent FN car ils en ont marre de la politique, des Ferrand qui règnent pendant 30 ans sans passer la main. » Plus loin, une dame attend le bus, elle a l’air ailleurs : « Le vote FN ? On m’a volé 10 000 euros de bijoux ! Je vote pour eux et je le referai ! » Pour Farid Faryssy, l’ex 1er adjoint socialiste, le FN cible les « white poor », la classe moyenne « blanche » paupérisée, et « ça a l’air de marcher ». Mais il assure aussi que certains Maghrébins ne se cachent plus de voter FN car « finalement, ce sont eux qui vivent le plus l’insécurité. Et c’est aussi eux qui peuvent faire la balance électorale ». Un FN qui gangrène, qui gangrène…
Clément Chassot
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la grosse enquête
tribune
Un
Maréchal nous voilà ! te, du Point de
lumière
s t i r p s e s e l r e n i jard r u o p e r a h p café
Par Adèle Cô
le philosopnht e Parrainé par hi, Le Poi s la Robert Misra scrit dan in s’ de lumière« cafés citoyens lignée des ateurs de ce ». Les anim unique enas nouveau lieeu arpentr e d centre villent uCn « projet revendiqu au premier politique » e : ouvert sur sens du term la cité… ature a horreur On le sait, la npr écisément du vide et c’est lation (au dans cette désoude intérieure sens de la solit ndt) que dont parle A rements tous les mouve foncent leur extrémistes ennd une ville radicelle. Qua ée, elle n’est plus irrigu rvivre et se replie pour suisant fuir ce s’emmure en fa t pourrait qui précisémenpanouir : les l’abreuver et l’éces. Or ces petits commer i constituent organismes, qu e d’une ville, le tissu cellulair
us fragiles sont aussi les plin sécurité et la moindre ospérité. En pr menace leur circulation, ils tant que lieu dela pollinisation participent delle : sans fleurs, d’un centre vi viennent plus. les abeilles ne séculaire de Ce mécanisme durcit les êtres protection qui ne des prisons vivants, maçondes défenses intérieures et d’autant plus d’une violence semble légitime. radicale qu’elle urité et face aux Dans cette obsc , nous avons obscurantismes cidé d’allumer donc un jour dé mière ». Le un « point de lu serait un re iè point de lum aleureux qui ch et rt ve lieu ou rayonner après continuerait dequelle le centre 19h, heure à lantras se ferme et ville de Carpe . se recroqueville si l’axe de Nous avons choi réflexion la la parole et deAu point » « : citoyenne
un verre et l’on vient boirsele dialogue est ai grignoter m tre intention. au centre de no s des débats Nous organisones avec et des conférenctrès larges une amplitude (écrivains, d’intervenants onomistes, philosophes, éc c.). scientifiques, et e éducation Notre but : unse fait en sortant i populaire qu r la rencontre de chez soi, pa é. Nous avons et la convivialitde nos devises emprunté une ère : « Tout ce à Jacques Ranci rutit. » Notre qui n’ émancipe pas abilosophie de la ph éthique est la ert Misrahi qui joie selon Robe lieu. parraine notr acte et ramasse La tristesse rétrlui-même ou son l’individu sur un tissu vivant clan, mais sur trémismes, et joyeux, les exngrènes, à l’instar des ga s organisons régressent. Nousistance une sorte de ré
idées biologique aux le s. ca di ra et raides mière Au « point de lu unautarisme » aucun commr son terrier, se ne peut creu yen n’est pas un notre café citoau contraire une repaire, il est A gora. s’attaquent en Les extrémistes i leur ressemble qu premier à ce communautés. c’est-à-dire les s deux cotés est Le principe dei identitaire le même : repl n des forces et concentratio violentes par qui deviennent». Nous avons « macération installer au choisi de nous ntras parce que cœur de Carpe le cœur qui c’est justement at ion d’une ville ls produit la pu flux. Notre café et organise les un autre regard alternatif pose et la société, il sur l’économieestionnement car propose un qutions remettent seules les ques rage et pétrissent les idées à l’ouvremodelage les esprits. Le
ormer en les permet de tranlesfs calcifications assouplissant, lculs) qui (les mauvais ca favorisent figent l’esprit ets mouvements l’émergence de extrémistes. s nous faisons Or à Carpentraune formidable l’expérience d’: les extrémistes contradiction t ceux qui sont sont justemenouvement. le moins en m isations A insi les organsont-elles pas des extrémistes ne s des tumeurs « vagues » maiotre café « le de désespoir. Nre » annonce point de lumiè e la parole qu’il parle et qu e » là où les . est « altéritairnt identitaires extrémistes so
ière, 45 Le Point de luàm Carpentras. rue Galonneardi au Ouvert du mh à 22h. samedi de 10 elumière. www.lepointdin à 18h30, com. Le 19 jue un débat le Ravi organis , sur le devant le caféeffets d’une gestion thème : « Les Front National. ». municipale par le Lire p.18
A Carpentras, des municipales incertaines Carpentras est une ville de droite gérée par la gauche. Mais alors qu’UMP et PS s’étripent en interne, le FN attend son heure. A neuf mois des municipales, il n’y a guère que l’extrême droite qui affiche l’unité à Carpentras. Hervé de Lepineau, future tête de liste FN, prépare son équipe. Membre de la Ligue du Sud, le parti de Jacques Bompard (députémaire d’Orange), il est aussi suppléant de Marion Maréchal-Le Pen à l’Assemblée. « Ma liste comptera des personnalités de droite, déçues de l’UMP », explique-t-il. Son programme ? « La méthode Bompard : un centre ville réhabilité, une maîtrise des dépenses sans hausse d’impôts et couper les subventions aux associations politisées. »
rangerai derrière lui. » Tout en notant que la personnalité qui a le moins d’opinions négatives, lui-même, est celle qui a la plus grosse marge de progression… En face, le maire sortant PS Francis Adolphe, pas encore déclaré, veut croire aux chances de la gauche. « Notre équipe a réveillé Carpentras, nous avons redynamisé le centre ville, recréé une mixité dans certaines zones », avance-t-il. Mais sa majorité s’est fissurée. Une élue communiste a récemment été évincée pour avoir voté contre le budget. L’année dernière, il a retiré les délégations de son 1er adjoint, l’avocat Farid Faryssy. « On a eu des désaccords politiques, commente ce dernier qui considère avoir fait élire le maire grâce au vote de la communauté maghrébine. Francis Adolphe n’est pas assez à gauche, il n’a pas fait assez pour les quartiers. » Pour l’heure, l’ex-1er adjoint n’envisage pas de liste dissidente « pour ne pas faire perdre la gauche ». Et le Front de gauche n’est pas assez solide ici pour partir en autonomie...
Le poids traditionnel de la droite à Carpentras oscille autour de 70 %. Mais divisée au second tour il y a 6 ans Mais si la gauche s’étripe, c’est surtout au sujet de l’élection dans une quadrangulaire, la liste socialiste de Francis de Marion Maréchal-Le Pen. Toute la classe politique locale en parlait en « off », avant que Adolphe l’avait emporté de 350 voix. L’Express ne sorte l’info du bois : la « Il faut absolument qu’on arrive unis fédération du PS aurait passé un deal pour l’emporter », concède Jean-Michel « Certains au PS avec le FN pour maintenir Catherine Ferrand, le responsable départemental ont fait élire une Arkilovitch (PS) face à Maréchal, de l’UMP installé à Carpentras. Un pour qu’elle soit élue, en échange du sondage récemment réalisé par l’Ifop Le Pen » maintien d’une autre candidate FN pour l’UMP, qu’il s’est empressé de Francis Adolphe dans la circonscription du premier faire fuiter, le plébisciterait. « Je n’y fédéral PS - qui n’a finalement pas été suis pas insensible. Mais j’irai seulement élu (sic). Faryssy, soutien d’Arkilovitch, et Adolphe se si les autres candidats ne se mettent pas d’accord », glose sont expliqués violemment sur ce sujet dans le bureau le dinosaure de 71 ans qui vise plutôt la présidence du du maire (une procédure judiciaire est en cours). « Conseil général en 2015. Certains au PS ont fait élire une Le Pen », accuse Francis Les autres, ce sont Jean-Luc Becker, ancien élu municipal Adolphe. « Arkilovitch n’a jamais reçu de pression, elle s’est de 60 ans et pharmacien à succès, et Julien Aubert, jeune maintenue toute seule, il n’y pas eu de deal, je ne l’aurais pas loup gaulliste convaincu, élu député il y a un an, qui se accepté, réplique Farid Faryssy. Le front républicain ça ne compare volontiers, avec son profil d’énarque, à Jacques marche pas, certains électeurs en ont marre d’aller voter en se Chirac. « J’irai quoi qu’il arrive, annonce d’emblée Becker. bouchant le nez. » C’est-à-dire pour Jean-Michel Ferrand, Avant de tacler son jeune collègue. Je travaille déjà au le candidat UMP défait, tendance droite populaire. Un programme et contrairement à d’autres, je me consacrerai climat qui ne peut que favoriser le « tous pourris » cher à plein temps à la mairie. » Aubert, qui n’est pas encore au Front National, grand gagnant de ce deal. S’il a existé. candidat, reste plus réservé : « Si Becker est désigné, je me
Clément Chassot
Maréchal à la tête d’une « interco » ? Elle est pressentie à Sorgues ou Bédarrides. Marion Maréchal-Le Pen répète qu’elle sera candidate, vraisemblablement en seconde position sur la liste, « là où elle sera le plus utile pour apporter une plus-value médiatique ». Son élection ou même un gros résultat pourrait lui permettre de gérer une communauté de communes (Pays demod Rhôneule et Ouvèze, la CCPRO), si elle s’entend avec Jacques Bompard, le maire d’Orange qui devrait facilement être réélu. « Rien ne sera laissé au hasard », commente-t-elle comme pour confirmer cette ambition. Car Orange, qui n’est pour l’instant rattachée à aucune intercommunalité, pourrait rejoindre celle de Sorgues et Bédarrides. « C'est effectivement l'orientation qu'a choisi le préfet », confirmet-on en préfecture. Maire, conseiller général, député d’extrême droite et bientôt à la tête d’une « interco » ? Aucun record n’est inatteignable pour le Vaucluse. C.C.