La légende des mouvantes

Page 1

Les mouvantes Photo d’une mouvante

Photo prise de nuit Photo retouchée Cet animal a été photographié au bord du lac Whissel! La photo a été travaillée par ordinateur pour permettre de voir des détails que la lumière avait atténué car la photo a été prise sous la pluie pendant la nuit. S’agirait-t-il d’une de ces fameuses mouvantes?

Caractéristiques Couleur de l’animal dans les tons de gris. Grandeur environ trois pieds de diamètre. Il possède deux cornes qui bougent. Se recroqueville dans une carapace et alors ressemble à une roche. Se déplace lentement sur terre et nage très rapidement. Ne sort que par temps de pluie la nuit.


Le lac Whissel la légende des mouvantes Avant la modernité, ces lieux compris aujourd’hui entre la décharge du lac Whissel et les abords de la rivière Petite-Nation situé au sud du lac, n’étaient qu’un ruisseau bordé de marécages. Il ne s’agissait en fait pas de n’importe quel ruisseau marécageux, mais de terres mouvantes, qui après chaque ondée changeaient d’aspect. Les roches plutôt imposantes du lieu jouaient d’après la gente avellinoise au nomadisme aquatique. En réalité elles bougeaient fort peu, mais avec la succession des saisons et des années, certaines disparaissaient et réapparaissaient mystérieusement pour donner naissance à la légende des roches qui bougent, plus précisément à la légende des mouvantes comme on les appelaient dorénavant. Ce sont des vieux en mal de racontars qui se sont mis semble-t-il à exagérer les faits. Parmi ceux-ci un certain Adelin un conteur ma foi assez populaire, qui s’y prenait tellement bien qu’en l’écoutant on ne savait ce qui était vérité et ce qui était mensonge. L’histoire s’améliorait et s’étoffait d’une parlure à l’autre. J’utilise le mot parlure, car en ces temps dans la Petite-Nation on ne racontait pas des contes mais on faisait de la parlure. La parlure à de nombreux avantages sur les contes et récits qui eux restent relativement fixes, qu’on les raconte une ou cent fois ceux-ci restent à peu près pareil, presque immuables. La parlure grâce à un phénomène d’élasticité verbale change avec le temps. Elle s’allonge par la voix des uns, rapetisse par celle des autres, prend une nouvelle direction grâce à un autre parlureu. Ceux-ci étaient souvent désignés sous le terme parlureux. Ce phénomène de la parlure semble sans fin tout comme l’histoire des mouvantes qu’il raconte. Cette fois là le vieil Adelin commença sa parlure ainsi : -Ben1 j’vous esplique2 ce que j’ai vu de mes yeux vu au ruisseau qui vient du rang Sainte-Julie. Je croyais avoir rmaqué3 qu’après un bon orage certaines roches assez grosses avaient bougées dans le ruisseau! Ben4 vous me direz que c’est normal qu’a5 bougent parce qu’a6 sont dans l’eau entourées de sable pis7 de terre glaise pis qu’à8 glissent vers le bas. Ouais9 certaines font ça. Mais j’en ai vu qui rmontaient10 par en11 haut. 1-Bien 2- je vous explique 3- remarqué 4-Bien 5-qu’elles 6-qu’elles 7- puis 8-puis qu’elles 9-oui 10remontaient 11-vers le


12 Vous me direz comment cé que cé que t’a pu voir ça mon Ad .

Ben c’est ben simpe13: Tu trouves un petit tronc d’arbre, si y en a pas au tour, tu plantes une branche ben dret14 dans le sol. Pis tu charches15 un autre tronc d’arbe16 su l’aute17 bord du ruisseau. Mais là y faut que t’enlignes18 un des bout de la pierre avec ta baguette pis19 le tronc de l’arbe20 ou benon21 un aute22 bout de branche l’autre côté du ruisseau. Pis là tu viens vérifier si tout reste pareil à chaque jour. Ben moé23 pareil comme vous me voyer j’ai vu des roches qui descendaient, pis d’autre qui rmontaient24. Le grand Lapierre, un homme vieux au cou noueux eut un sourire en coin et ajouta : -Pis25 je te gage d’autes26 qui bougeaient pas pantoute27. -Tu peux ben28 rire mon escogriffe, mais c’est ce que j’ai vu pis29 constaté. Pis si vous me creyez pas ben vous avez30 qu’a le vérifier vous-mêmes. Bien entendu le lendemain les rives du ruisseau avait vu naître une multitude de bâtons. Comme la pluie se fit attendre quelques jours on oublia les piquets que les enfants utilisaient désormais dans leurs joueries31, comme disait les villageois. On ne put recommencer l’expérience car les enfants prenaient un malin plaisir à donner une autre vocation aux pieux. Il y avait même de vieux ratoureux qui déplaçaient ces pieux pour jouer un tour aux pseudo- observateurs. Adelin prenait un malin plaisir à grossir les faits et à faire peur aux villageois. On soupçonnait même le groupe de joyeux petits vieux du village de faire des canulars en déplaçant certaines des roches. Comme aucun secret ne reste secret longtemps dans la plupart des villages du Québec, soyez assuré que Saint-André-Avellin pas plus que les autres villages du Québec ne fait exception et ne garde ses secrets vrais ou faux, secrets pendant longtemps. Ils évoluent et surtout s’ils sont faux deviennent des ouï-dire qui graduent après fort peu de temps au rang des demies-vérités pour passer dans la catégorie des vérités dans les semaines qui suivent la divulgation du supposé secret. En fait si vous voulez que quelque chose circule comme une traînée de poudre commencez votre phrases en penchant le haut du corps vers votre interlocuteur et en le regardant dans le blanc des yeux : ‘’Il ne faut le dire à personne, mais…’’ et plus vous insisterez sur le fait qu’il ne faut pas révéler la chose plus elle circulera rapidement. Dans la bassecour du 12-comment as tu pu vérifier ce phénomène mon Adelin 13-Bien c’est facile 14-bien droite 15-Puis tu cherche 16-arbre 17-sur l’autre 18-tu enlignes 19-puis 20-arbre 21-ou bien 22-autre 23-Bien moi 24-remontait 25-Puis 26-autres qui ne 27-du tout 28-bien 29-puis 30-puis si vous ne me croyez pas bien vous n’avez 31-jeux


Village de Saint-André Avellin les secrets se baladaient de bec à oreille, on en arrivait à béqueter des racontars plus absurdes les uns que les autres, ceux-ci prenaient des airs de vérités parce qu’ils émanaient d’une confidence. -Ne le dite à parsonne32 mais je pense ben33 qu’y a une certaine vérité dans toute cette histoire! Ne dites a rien34, j’en pardrais35 ma réputation de parlureu! De dire Adelin à ses émules. Lorsqu’on accusait le groupe de petit vieux de changer les faits et de conter des bobards ceux-ci trouvaient réponse à tout : -Vous pensez-ti pas36 que nous aute des ptit vieux oué capabe37de bouger des grosses roches comme ça! Ben38 voyons donc faut pas rêver en couleur, si les roches a39 bougent, c’est40 pas pantoute de not41 faute. Et c’était reparti Adelin et ses acolytes ne se gênaient pas, lors de leurs parlures, d’en mettre et d’en remettre. Les mouvantes, c’est ainsi qu’on en était venu à appeler les grosses roches du ruisseau, les mouvantes comme par hasard ne se déplaçaient que la nuit et quand il pleuvait averse. - Elles vont dans la rivière pour boére42 de l’eau pour pouvoir digérer le sabe43 qu’a44 mangent. A rviennent45 avant la fin de la nuit. Si y46 pleut pas ou qu’y47 fait pas nuit noire a ne bougent pas. Sur les bords du ruisseau de multiples baissières balafrent les lieux, ces meurtrissures béantes sont semble-t-il le résultat du labour du sol causé par le déplacement des mouvantes. -Quand a48 se déplacent a laissent des crevasses dans terre ou dans le sabe50 derrière elles. Les mouvantes, c’est comme les verres de terre, ça mange la terre pis le sabe51 pi52 ça laisse des trous en arrière d’elles. Le ruisseau itou49 est pour quelque chose dans l’histoire, lui aussi à sa manière y dévore le terrain. En effet l’épiderme aqueux du ruisseau glisse sur l’argile, le sable et le gravier et en digère une partie. Les mouvantes telles des parasites dévorent le sol et absorbent sur leur passage ce que 32-personne 33-bien 34-rien 35-perdrais 36-Ne pensez-vous pas 37-que nous des petits vieux on soit capable 38- Bien 39-elles 40-ce n’est 41-du tout de notre 42-boire 43-sable 44-qu’elles 45-Elles reviennent 46-S’il ne 47-qu’il ne 48-elles 49- aussi 50-sable 51-sable 52-puis


le ruisseau vient de dérober au sol. À la longue le lit du ruisseau change de place et absorbe une autre partie du terrain dans lequel il serpente. C’est comme si lui aussi il était vivant lorsqu’il pleut. -Les errantes et le ruisseau, de reprendre Adelin, vont finir par dévorer les alentours et faire disparaîte53 le village. Vous direz que ce sont des niaiseries que les roches sont toujours au même endroit. Détrompez-vous, a reviennent au même endroit soir après soir, pluie après pluie. Mais si vous mesurez l’endroit où a54 se situent, vous verrez ben55 qu’a56 changent légearment57 de place. Mais c’est très difficile à mesurer car le sable qui és58 entoure lui aussi bouge de place à chaque orage. - C’est pas parce qu’on peut pas checker queuq59 chose, que ça existe pas! Reprit –t-il d’un air solennel. J’m en va60 vous dire, ben y a61 des roches qui se trompent de place. C’est62 ces roches là qu’y faut surveiller, parce que si y aiment63 pas la nouvelle place a64 pourraient ben65 bouger pendant le jour, pis66 manger une nouvelle partie du village. Souvenez-vous de la grosse pierre à John qui avait bloqué le ruisseau pis67 qui avait fait déborder le ruisseau sul68 chemin. Y69 a fallu le team de chevaux du grand John pour la sortir de là. Pendant que shu70 là, je peu ben 71 vous dire queuq72 chose que j’73 comprends pas! Ben74, une roche mouillée est ben75 plus lourde qu’une roche sèche. Tout l’monde est ben76 d’accord là-dessus. Le reste du groupe acquiesça de la tête. -Ben77 imaginez-vous qu’une roche mouillée, une fois qu’est dans l’eau, est plus légearte78 . La preuve c’est quand y ont79 sorti la roche de l’eau, plus a80 sortait de l’eau la maudite roche, plus elle était lourde, j’vous l’dit81 le team de John en a sué une bonne shot pis82 le grand John aussi!

53- disparaître 54-elles 55- bien 56- elles 57- légèrement 58- les 59- vérifier quelque 60- Je vais 61 bien il y a 62- Ce sont 63- elles n’aiment 64-elles 65- bien 66- puis 67- puis 68- sur le 69- Il 70- je suis 71- bien 72- quelque 73- je ne 74- Bien 75-bien 76- bien 77- bien 78- légère 79- ils ont 80- elle 81- je vous le dit 82- un bon coup et


Y83 ont laissé la roche sul84 bord de la route, y ont dételé les jouaux85 pour les reposer y pensaient qu’y86 était trop fatigués. Ben87 les jouaux abreuvés pis ben rposés88 un quart d’heure après, ben89 maudit, y était pu capabe90 de la bouger. Le grand John avait beau claquer de la langue pour les faire avancer ça bougeait pas pantoute, y91 a tout essayé, y92 donnait ses ordres : ji, ah, wo, bac93. C’est là qu’les94 hommes forts du village sont venus aider les jouaux95 en tirant avec eux ou en poussant sur la pierre. C’est à bout d’souffe qu’y96 on laissé la roche un peu plus loin sul’bord97 du chemin. Pis98 est encore là, la maudite. Le tout commença à dégénérer en hystérie le jour ou les enfants perméables aux histoires du vieil Adelin et de ses compères commencèrent à avoir peur de fréquenter les lieux. Certains prétendaient avoir de leurs yeux vu bouger les roches les soirs pluvieux de lune morte. Ma foi l’imagination permet, semble-t-il parfois, de réaliser de grands prodiges, puisqu’on peut, comme on vient de le dire, en arriver à voir bouger des roches sous la pluie lors d’une nuit noir sans lune! Les esprits s’échauffaient sur ces faits incertains mais, un bon conteur, devrais-je dire un bon parlureu sait attiser le feu dans les esprits de ses auditeurs. Adelin et son équipe ne se gênaient pas pour en rajouter. Certains adultes moins influençables que les enfants prétendaient qu’il y avait là un subterfuge monté par le petit groupe de retraités qui assistaient aux confidences et révélations d’Adelin et celles des autres parlureux. Il y avait parmi la populace certains citoyens un peu plus éveillés que les autres qui avaient remarqué, certaines expressions sur plusieurs figures du groupes des séniors, des yeux qui louchaient, voir des clins d’œil et des mimiques s’échanger entre les têtes blanches et dégarnies. Ces indices laissaient ces perspicaces observateurs soupçonner la supercherie. Une chose était certaine les événements ne pouvaient en rester là car, de plus en plus de villageois commençaient à craindre les lieux au point de faire un grand détour pour éviter l’endroit. C’est à une réunion municipale que le chat sortit du sac, l’humble citoyen apeuré demandait une action de la part du conseil. 83-Ils 84- sur le 85- ils 86- chevaux 87- Bien 88- puis bien reposés 89- bien 90- ils n’étaient plus capable 91- du tout, il 92-il 93-‘’ji’’ veut dire à droite, ‘’ah’’ à gauche, ‘’wo’’ arrêter, ‘’bac’’ reculer 94- que les 95- chevaux 96-C’est essoufflés qu’ils 97- sur le bord 98- Puis


-Vous allez-tu laisser not1 village être mangé par les mouvantes? Y2 faut faire queuqu’chose3! De dire l’un. -Les enfants pis certains adultes asteure4 ont peur d’aller dans le coin du ruisseau. De dire l’autre. -Vous allez-tu attende5 que le ruisseau soit encore bloqué par la grosse roche à John. En effet la roche qui avait déjà bloqué le ruisseau et que John Langlais avait de peine et de misère retiré du torrent était devenue la roche à John. L’assemblée se déroula dans le brouhaha et les lamentations, il y fleurit mêmes des insultes et quelques mots de dieu! Dans un coin, les petits vieux regardaient l’œil goguenard les villageois vilipender le conseil. Adelin fit signe à ses acolytes de l’écouter le petit groupe de vieux se pencha vers lui. -J’crée ben6 qu’on devrait arrêter la farce, y6 sont entrain de devnir8 fou! On se regarda, l’air interdit pendant quelques secondes, puis ti Pit, Pierre de son vrai nom, lança une de ses sacrées farces. -Ben9 non, on les laisse faire pis10 on va avoir le ruisseau à nous autres tu seuls11 pour aller pogner12 des garnouille13 comme quand ouéta flos14. -Ta farce est pas drôle pantoute15, de dire gros Jean. Y faut stopper16 ça ou ça va mal virer, j’pense17 comme Adelin y sont rendus fou! Adelin regarda ses compères dans les yeux et comme tout le monde semblait d’accord, il dit : -Ben j’va leu parler dret là18 . Il se leva, personne ne fit attention à lui, le maire avait fait lever l’assemblée et se dépêtrait parmi la populace. Adelin fit signe au grand John d’intervenir. Celui-ci ne fit ni une ni deux, il empoigna le maire et un échevin qui se trouvait tout près de celui-ci par le dos de leurs chemises et les souleva dans les airs. La foule qui conspuait les édiles municipaux se tu et laissa passer le grand John et ses otages et du même coup laissèrent filer le reste des conseillers. La porte fermée la clameur des insultes recommença de plus bel. 1- Allez-vous laisser notre 2- Il 3- quelque chose 4- maintenant 5- Allez-vous attendre 6- Je crois bien 7- ils 8- devenir 9- Bien 10- puis 11- seulement pour nous 12- attraper 13- grenouilles 14- nous étions gamins 15- du tout 16- arrêter 17- je pense 18- Bien, je vais leur parler immédiatement


Adelin qui avait ouvert la porte au grand John les suivit. Le géant de sa solide poigne maintenait le maire et l’autre qui pouvaient maintenant reprendre pied au sol. Il désigna l’église du doigt au colosse. Une singulière procession se forma! Celle-ci avait l’aspect d’un adulte qui tient deux enfants turbulents par le col de leurs chemises, ce géant était suivi d’une trainée de nains composée de conseillers craintifs et d’un groupe de petits vieux. La cohorte déboucha dans l’église en passant par la porte de la sacristie. John lâcha sa prise. Le maire insulté replaça ses vêtements et se préparait à invectiver le monument humain qui l’avait kidnappé. Adelin leva la main devant le visage du maire. -S’y y a19 un coupabe20 c’est moé21! Il s’interrompit et regarda le grand homme. -Tu peux partir si tu veux ou benon22 rester c’est comme tu veux, marci ben gros, t’a fait une bonne job23. Le géant alla s’assoir sur les marches du transept. Un des vieux dit : -J’ai barré a24 porte de même on va rester en famille. Adelin fit signe à tout ce beau monde d’aller s’asseoir. -Bon, d’abord je va m’escuser25, je pense ben26 qu’on a exagéré un peu nos parlures. Que cé qu’on pourrait ti ben faire asteure27 pour régler le problème. -Ben28 , mon Adelin, de dire le maire, vu que c’est vous autes29 qui avez mné l’troube, ben30 vous allez leu31 dire que tout ça c’est pas vrai pantoute32, vous avez tu compris33 ma gagne34 de vieux malcommodes. -Je peux ben leu dire mais y me créront pas pantoute, pis si y me créent ce sra yenque à moqué35. Pis y36 auront toujours peur d’aller proche du ruisseau. Mais faites vous en pas je va leus dire pareil37, même si je sai qu’y me créront pas38. le silence tomba dans la salle. Après un moment le maire dit : -Ben charchez39 une solution! Le groupe se mit à méditer. 19- Si il y a 20- coupable 21- moi 22-ou bien 23-merci beaucoup, tu as fait du bon travail 24- la 25- je vais m’excuser 26- bien 27-Qu’est-ce qu’on pourrait faire 28- Bien 29- autres 30- créé cette mauvaise situation 31- leurs 32- du tout 33- avez-vous compris 34-bande 35- Je peux bien leur dire, mais ils ne me croiront pas, puis si ils me croient ce ne sera qu’à demi 36- Puis ils 37- je vais leurs dire quand même 38- je sais qu’ils ne me croiront pas 39- Bien cherchez


L’un deux dit : -Ptête ben40 que…Ah laissez faire, c’est pas une bonne idée! Un autre dit : -Cé que cé que l’ 41 problème? -Ben le monde a42 peur des mouvantes! De répondre un autre. -Bon ben43 débarrassons nous des mouvantes, queue de vache! -Tu peux ben44 dire ça mon Eugène, mais ça se fait pas d’même45, tu sais ti c’est46 lesquelles qui sont des mouvantes? -Ben pas plus que toé47, mais n’empêche que si y avait moyen de s’en débarrasser on règlerait not problème! -Ben moé48, de dire le grand John qui s’était levé, je m’en va49 vous en débarrasser de c’té50 maudites roches. Je vas mette51 mes deux percheron su a job52 demain matin à première heure. -Tu crées tu53 vraiment que c’est fesabe54, mon John, de dire le maire qui avait finalement repris toutes ses couleurs, ses esprits ainsi que son rôle de maire? -Ben55 on va se faire des équipe pis56on va les sortir de là les tabarnaches de mouvantes pis les aute57 roches aussi. Je vous dis que c’est fesabe58, créyez-moé59 , c’est moé60 qui s’occupe de la voirie a près toute61! De renchérir Marcelin -Bon, les conseillés qui sont pour qu’on fasse ça lèvent la main. Demanda le maire. D’un seul et même élan les mains de l’hydre administrative du village se levèrent. -Accepté! Dit le maire. -Bon y é rienque62 huit heure et dix, ti Paul va me sonner63 les cloches on fait une réunion dret là64! Le sacristain qui traînait le curé dans son sillage apparut l’air ahuri. -Que cé que cé qui se passe icite a soir?65 Demanda-t-il au maire de toute son autorité de bedeau. Le maire, ne lui répondit pas et étira le coup vers l’ecclésiaste qui le suivait. 40- Peut-être bien 41- C’est quoi le 42- Bien les villageois ont 43- bien 44- bien 45- ça ne se fait pas comme ça 46- sais-tu lesquelles 47- Bien pas plus que toi 48- Bien moi 49- je vais 50- ces 51- Je vais mettre 52- au travail 53-Penses-tu 54- réalisable 55- Bien 56- puis 57- puis les autres 58-réalisable 59- croyez-moi 60- moi 61-tout 62- il n’est que 63- va faire sonner 64- immédiatement 56-Que se passe-t-il ici ce soir?


-Escusez-nous Monsieur le curé mais on a décidé de faire une assemblée spéciale au sujet des mouvantes. J’espère ben57que vous nous pardonnerez, mais c’t58 affaire de mouvante ça dérange tout le monde au village. Y sont quasiment devenus fous y z’ont59 faillis nous tuer pas plus tard que tantôt. Il se signa en regardant la voute de l’église et continua. -Pis60 comme l’église c’est la plus grande place du village on a décidé de les faire venir icite61 pour régler c’te62 ‘’cal…’’ se rappelant qu’il était devant le curé, il changea son sacre pour un mot acceptable aux chastes oreilles de l’ecclésiastique ‘’caline’’ de problème. J’espère ben63 que vous-êtes d’accord. -Bien je suis d’accord, je crois que le Seigneur sera heureux que son saint-lieu serve à rétablir le calme au village. -Marci ben64 Monsieur le curé, pis j’espère ben65 que vous allez rester. Je cré ben66 que ça va rassurer tout le monde si vous êtes là. -Soit, dit l’homme d’église qui alla s’assoir sur le siège du prélat situé dans le chœur. Adelin, le pro-maire et quelques échevins occupaient le transit devant les bancs de l’église. Le maire pour sa part s’était retiré dans la sacristie avec le grand John que le maire avait paradoxalement choisi comme garde du corps. La gente avelinoise se retrouva dans l’église qui bourdonnait sous la litanie des messes basses qui se faisait entendre d’une oreille à l’autre. Le bruit circulait que le grand John avec ses grosses pates d’ours avait étranglé le maire puis sans doute quelques échevins. -T’imagine tu rcevoir une claque67 du grand John, t’es sur qu’y te68 casserait le cou ben raide69. -Y70 mesure combien déjà c’t’71 escogriffe? - J’ai entendu dire sept pieds! -Ben non72, y73 doit mesurer huit bons pieds ceartains74. Si cette période de basses messes avait été assez longue notre géant aurait certainement pris dans l’imagination des villageois une envergure dépassant les dix pieds. 57- bien 58- cette 59- ils ont 60- puis 61- ici 62- ce 63-bien 64- Merci beaucoup 65- J’ose espérer 66- Je crois bien 67- Peux-tu t’imaginer recevoir une tape 68- c’est certain qu’il te 69- bien sec 70- Il 71- cet 72- Bien non 73-il 74- certain


Le curé sur son trône regardait avec envie cette foule que jamais il n’avait vue aussi nombreuse dans son église. Son esprit vibrait d’un sermon à l’emporte pièce qui permettrait à l’avenir de voir son église aussi remplie. Une hésitation dans la tonalité de la foule le fit revenir à la réalité. C’était comme si la foule dans un seul et même spasme s’était arrêtée de respirer. La convulsion commune se transforma de nouveau en un léger bourdonnement. Comme un officiant le maire précédé de son servant de messe, le grand John lui-même avait fait son apparition dans la nef, de l’église. Le géant leva la main en signe de silence, puis laissa la place au maire. -Cher concitoyens nous avons trouvé la solution à not problème. Les centaines d’yeux de la masse villageoise à la manière d’un peloton d’exécution mitraillèrent le corps du chef du village. Puis après un bref instant, le calme fut rompu par une voix dans l’assistance. -Pis c’est donc ben quoi75 ta maudite solution lulu76? -On va dire une neuvaine! Dit en riant une autre voix! Le curé insulté taillada du regard l’insolent individu qui osait ainsi parler dans la maison du seigneur. Il se préparait à se lever mais le géant plus rapide que lui fit un bond et se retrouva comme par miracle dans le transept. La foule eut un mouvement de recul devant l’Hercule, mais tous se trouvaient engoncés, paralysés par le mobilier sur lequel leurs séants prenaient place. Sous le regard du géant les yeux se baissèrent et un silence digne de l’élévation de l’offertoire s’établi dans le saint lieu. La populace sous le regard menaçant du géant avait baissé les yeux en signe de soumission. Le maire pouvait maintenant parler en sachant qu’il aurait le respect grâce à son ex-ravisseur. -Comme je le disais t’a l’heure77, on a78 trouvé une solution. On va79 sortir toutes les grosses roches du ruisseau pis80 on va s’en débarrasser. Si y81 a des mouvantes ben on en entendra pus82 parler. Y a ti83 des questions? Demanda celui-ci. Adelin qui avait pris place dans l’assistance leva la main et pris la peine de se lever d’aller dans la nef puis scruta la foule. Il s’éclairci la gorge d’un son guttural. Ce qui n’était pas coutumier chez lui. Cette manière d’agir laissait entrevoir que notre homme avait quelque chose de grave à dire. Puis il se mit à parler. -J’shu icit84 pour vous dire que moé pis ma gagne85 on a peut-ête ben86 exagérer les choses! Ya p’tête87 même pas de mouvantes. Je pense ben88 que tout ça c’est rien que89 des histoires de vieux parlureux. -Pourquoi qu’on te crérais asteur90, ça aussi c’est p’tête ben un mensonge. Dit une voix. 75- Puis quel est 76- diminutif de Lucien 77- tout à l’heure 78- nous avons 79- Nous allons 80- puis 81- il 82- plus 83- Y a t’il 84- Je suis ici 85- moi et mes amis 86- nous avons peut-être 87- Il n’y a peut-être 88- bien 89- ce ne sont que 90- te croirions nous maintenant 91- c’est peut-être bien


Une autre voix renchérit : -Vous autes les parlureux92 vous êtes tellement menteux qu’on sait pu quand cé que cé qu’on93 peut vous croire. -C’est tu vré, c’est tu pas vré, on sait pu94 quoi penser! Ben moé95 je dis qu’y a pas96 de chance à prendre pis97qu’on se débarrasse des mouvantes pis98 des grosses roches. De dire un autre. L’assistance se mit à approuver ce dernier. -Ouais99 , t’a raison! - Ouais pus1 de roches! - Pus2 de mouvantes. Adelin se tourna vers le maire en levant légèrement les bras et les épaules pour exprimer sa déception et sa résignation. Le géant qui s’était tourné vers Adelin se retourna de nouveau vers la foule en levant les mains en signe d’arrêt et sous la surveillance du respectable géant les sangs échauffés se calmèrent, une suite d’interventions polies s’en suivit. Le lendemain au petit jour un groupe d’homme accompagnés de chevaux harnachés comme si on se préparait à sortir des billots du bois, discutaient de la manière de procéder. Toutefois le grand John avait déjà entouré une grosse roche avec des chaines et se préparait à faire travailler ses chevaux. -Allez Godbert, allez la Grise et il claquait de la langue pour leurs donner l’ordre d’avancer. Il y allait du ‘’Ji’’ et du ‘’Ah’’ pour tourner soit à droite ou à gauche. Quand les choses n’allaient plus c’est le ‘’Wo’’ qui arrêtait son équipage. Un ‘’bac’’ faisait reculer les deux chevaux et on recommençait le travail. Les deux mastodontes sous les ordres de leur maître ravissaient au ruisseau sa première roche. Les autres hommes se mirent en frais d’imiter le géant. Un concert de langues qui claque, de ‘’ji’’ de ‘’ah’’ de ‘’wo’’ de ‘’back’’ se faisaient entendre comme les harmonies d’un spectacle bien rodé. Une équipe, celle-là accompagnée de toutes sortes de chariots se chargeaient de leurs cargaisons rocailleuses. 92- Vous autres les conteurs 93- menteurs qu’on ne sait plus quand on 94- on ne sait plus si c’est vrai ou pas, on ne sait plus 95- Bien moi 96- qu’il n’y pas 97- puis 98- puis 99- Oui 1- Oui plus 2- Plus


Les chargements étaient tirés le long de la côte qui heureusement n’était pas très abrupte. On se délestait de ces grosses roches au début de l’escarpement qui encaissait le ruisseau un peu plus haut. L’idée était de construire une digue pour neutraliser le ruisseau le temps de faire les travaux. Ce barrages resterait sur place par la suite et servirait à régulariser le cours d’eau. On profiterait des travaux pour creuser un chenal et acheminer l’eau stagnante qui bordait le ruisseau jusqu'à la rivière. Il restait le problème des plus grosses roches. On pouvait les sortir de l’eau mais rendu sur les rives on ne parvenait que difficilement à les bouger. C’est alors que Marcelin, qu’on avait vu partir en plein milieu de la besogne arriva avec son épandeur à fumier. Certains avaient laissé supposés qu’il jouait les tires aux flancs. Ce maréchal ferrant d’avant-garde avait fabriqué un épandeur à fumier. Ce chariot surbaissé était agrémenté d’un mécanisme pour projeter le fumier au loin. Avec l’aide que quelques autres fermiers le mécanisme fût démonté en quelques minutes et mis de côté. On installa quelques madriers pour couvrir le trou laissé par l’absence du mécanisme. -Bon ben asteur ceus là3 qui on des pelles vous me faites une baisseur de queuque4 pieds devant les grosses roches pis5 on va les embarquer su6 mon chariot. C’est ainsi que les plus grosses roches furent délestées sur le bord de la vallée creusée par le ruisseau. -Pour cé que cé faire7qu’on les8 fait pas débouler dans le ruisseau? Demanda l’un des hommes. -Oué met en stock9 pour bloquer l’eau du ruisseau quand on va ajuer10 de construire le barrage. -Cré11 bonne idée, ça mon Marcelin, cé12 pas fou pantoute13. -Pis14 on va toutes les faire débouler quand ce sera le temps. -Ben non rien15 qu’une, la plus ptite16, la plus proche du barrage. -Ben là17, mon Marcelin j’te18 comprends pas! 3- ceux qui 4- un abaissement de quelques 5- puis 6- sur 7- Pourquoi est-ce 8- qu’on ne les 9- On les garde de côté 10- finir 11- Quelle 12- ce n’est 13- du tout 14- Puis 15- Bien non seulement 16- petite 17- Bien là 18- je ne te


-C’est ben simpe19, si on a besoin de bloquer le ruisseau pour des réparations au barrage, ben20 on vide le lac pis21 on fait débouler la roche suivante qui bloquera le ruisseau pendant les réparations. -Ben22 là, t’es vachement intelligent! -Ben23 voyons, shu24 pas le foreman25 de la voierie pour rien. J’en ai vu d’autre mon Jos. Marcelin avait vu juste, à la première ondée le travail fut partiellement emporté par l’eau qui s’était accumulée dans le nouveau lac. On fit donc culbuter la seconde roche pour être en mesure de réparer les dégâts. -Bon yeu26 de bout de marde27 la digue à encore sauté pendant la nuit. Dit le maire. -J’cré ben qu’y28 va falloir cimenter, dit Marcelin. -Je va29 convoquer une assemblée spéciale pour qu’on en parle, prépare toé30 mon Marcelin, c’est toé qui va leu31 parler. Dit le maire Le jour suivant on fit baisser le niveau du lac quelques pieds sous la brèche on installa de nouveaux coffrages et on cimenta celle-ci. Les travaux se terminèrent tard en soirée. Malheur, il y eut orage cette nuit là. Marcelin était venu à la pénombre de l’aube pour vérifier si le barrage n’avait pas cédé à nouveau. Que ne fut pas son étonnement de constater que dans le ciment de la nouvelle coulée il y avait trois roches qui ressemblaient à des têtes d’animaux. La légende des mouvantes repris sa place dans le cœur des villageois. Avec les ans on découvrit quatre endroits où des gaz s’échappaient du lac, certains parlureux prétendent que de sont des nids de mouvantes qui soupirent en espérant que le barrage cède à nouveau. -Ne le dites à parsonne32, mais je pense ben…33 De dire Adelin. 19- C’est bien facile 20- bien 21- puis 22- Bien 23- Bien 24- je ne suis 25- contremaître 26- dieu 27- merde 28- J’e crois bien qu’il 29- vais 30- toi 31- c’est toi qui va leurs 32- personne 33- bien


Des décennies plus tard, un expert fut consulté sur ce phénomène étrange pour savoir s’il y avait des possibilités que cette fabulation soit vraie. Écoutons ce qu’il a à dire. -Certaines roches bougent parce qu’elles sont transportées par les éléments comme, l’eau, le sable saturé d’eau et la terre également saturée d’eau qui parfois dans certaines circonstances glissent et se déplacent sur une certaine distance en entrainant des roches. Les plus grands transporteurs naturels de matières minérales sont les glaciers qui sur leurs passages laissent des tonnes de débris qui forment de qu’on appelle les moraines. Ces moraines se composent principalement de roches, de sable et de terre. Mais les roches que contiennent les moraines ont été arrachées au sol par les glaciers qui les ont trainés sur des kilomètres, parfois sur des centaines de kilomètres. Mais il reste un fait, elles ne bougent pas par elles-mêmes. Des roches dévalent parfois les pentes. Est-ce que ce sont les éléments qui ont érodé le terrain qui les entoure pour ainsi les faire chuter ou est-ce que ce sont les roches qui ont décidées de tomber? Les évidences nous prouvent que les roches ne bougent pas par elles-mêmes. L’histoire des mouvantes n’est probablement qu’une légende. Mais en tant que scientifique, je dois garder la porte ouverte. Nous découvrons régulièrement de nouvelles espèces de plantes et d’animaux. Il existe peut-être des espèces d’animaux inconnus jusqu’à ce jour qui possèdent une surface rocheuse, un peu comme certains animaux marins ont développé des carapaces. Saint-André Avelin aurait peut-être sur son territoire un animal possédant une carapace de roche. Ces animaux ne bougeraient certainement pas rapidement. Un corps fait de minéral est lourd et oblige des déplacements lents, à l’image des limaces qui se déplacent lentement, les animaux possédant une coquille bougent très peu et très lentement. Peut-être seraient-ils semblable à la tortue qui se déplace lentement et protège sa tête et ses membres en les cachant dans sa carapace. Ces animaux pourraient à la rigueur se nourrir de minéraux contenus dans le sol. Ce pourrait être des animaux qui ressemblent tout simplement à des roches. Ces animaux existent-ils vraiment ou sont-ils des légendes inventées par des conteurs? Il s’agira de voir si ces animaux existent en sondant le lac Whissel et en prenant des photos, notre technologie moderne pourrait être mise à contribution pour nous permettre de résoudre ce mystère!


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.