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CORINNE MASIERO
Vive les prolos !
Révélée auprès du grand public en 2011 dans le film Louise Wimmer, Corinne Masiero n'en finit plus de casser la baraque... et de ruer dans les brancards. Comédienne pour le grand et le petit écran (Capitaine Marleau, évidemment), sur les planches, chanteuse à ses heures au sein du combo electro-punk les Vaginites, la Douaisienne n'a jamais eu peur de défendre ses convictions. Ou, dit autrement, de « foutre le brin » pour la citer. À Lille, le Théâtre du Nord lui donne carte blanche pour célébrer la culture prolo – et ça promet. Propos recueillis par Julien Damien
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À quoi va ressembler Prolo not Dède ?
J'en ai absolument aucune idée et ne veux même pas le savoir ! Ce n'est pas un spectacle mais une carte blanche. J'ai invité des artistes et ils feront ce qu'ils veulent. Il y aura des lectures, de la musique, des projections... tout ça monté à l'arrache ! Un peu comme du théâtre de rue. Il y a seulement un fil rouge : les "prolos", la classe sociale majoritaire dans le monde mais minoritaire dans les arts, la culture étant surtout faite par et pour des personnes d'origine bourgeoise. C'est de la "prolophobie" et il est temps d'y remédier. Tout le monde doit avoir sa place sur scène.
Comment
avez-vous
choisi vos invités ?
Peu d'artistes sont issus du milieu prolétaire, j'ai donc cherché autour de moi. Il y aura mon groupe, les Vaginites, mais aussi le photographe Flavio Tarquinio qui a travaillé sur la représentation des prolos, notamment à Wazemmes, et puis
Édouard Louis. Je l'ai contacté via les réseaux sociaux et il m'a répondu tout de suite ! Il va lire un texte sur scène, peut-être qu'on le fera ensemble. Je ne sais pas encore ce qu'il a écrit mais on connaît ses opinions à travers ses bouquins...
On note également la présence de Guy Alloucherie, que vous connaissez bien n'est-ce pas ? Oui, j'ai découvert le théâtre grâce à ses ateliers, j'avais alors une trentaine d'années. Ils étaient ouverts à des gens de tous milieux et se déroulaient une fois par semaine, à Liévin. J'ai appris beaucoup auprès de lui : comment se placer sur un plateau, délivrer une parole en bravant les injonctions...
« La forme on s'en fout, c'est l'émotion qui compte »
Même si on ne possède pas les codes classiques de la représentation, on peut dégommer à fond les ballons ! La forme on s'en fout, c'est l'émotion qui compte.
Quelle serait votre définition du prolo ? Souvent, on imagine un mec en bleu de travail... Pas du tout ! Pour moi, il s'agit de toutes celles et ceux qui ne font pas partie des dominants. Et souvent, ces gens ressentent du mépris pour eux-mêmes. C'est aussi ça la prolophobie : quand on fait partie de cette classe, on s'empêche de parler, on a peur de son attitude, de son accent, de commettre des fautes de français alors que les néologismes font la richesse de la langue.
Vous considérez-vous encore comme une prolo ?
C'est la question des transfuges de classe : certains ont complètement adopté le mode de vie de la classe bourgeoise et d'autres assument leur origine, comme moi. Je me considère donc toujours prolo même si aujourd'hui, économiquement, j'ai de quoi vivre, me chauffer, me soigner... Mais tout peut s'écrouler à tout moment. Certaines choses vécues dans la chair restent...
Que souhaitez-vous montrer lors de cette carte blanche ?
Que c'est une richesse de venir de cette classe, car elle a des valeurs, notamment la culture de la lutte.
On se souvient bien sûr des gilets jaunes, mais aussi de 1936 ou de Mai-68. Moi, j'ai envie de parler de choses qui me révoltent comme le sexisme, l'inceste ou les violences conjugales. C'est ma manière de lutter et d'interroger plus largement notre société. Bref, j'adore foutre le brin et j'encourage tout le monde à s'y mettre !
Prolo not Dède Lille, 27.02 > 01.03, Théâtre du Nord 20h, 18 > 9€, theatredunord.fr
À voir / Nous les femmes, documentaire de Christian François : Lille, 23.02, Théâtre du Nord, 19h, gratuit
À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com