Garder le fil attention et lecture d’étude à l’ère numérique
Robin de Mourat / démarche de projet / dsaa dpm / session 2011
Robin de Mourat Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués Département Design de Produits Mobilier Démarche de projet Ecole Boulle - Paris
Avant-propos Et si le design pouvait s’appliquer à l’acte même de penser ? Lire, écrire, converser : loin de l’image véhiculée par la fameuse statue de Rodin, les activités de l’ordre de la réflexion passent par des gestes et des pratiques. Autrefois, penser c’était feuilleter les pages d’un livre, coucher ses idées sur le papier, ou encore étaler feuillets et livres familiers devant soi pour y contempler autant de connexions invisibles les reliant par le pouvoir de notre esprit. Aujourd’hui, penser, c’est souvent se trouver devant un écran. C’est, par la médiation de cet écran, naviguer dans une riche profusion d’informations lointaines et insaisissables, où nous pêchons les ingrédients de notre propre cuisine spirituelle. C’est aussi interagir au sein de communautés qui s’expriment en temps réel depuis les quatre coins du monde, construisant des propos collectifs par le pouvoir du commentaire et de la conversation en ligne. Hier ou aujourd’hui, l’acte de penser passe par des pratiques concrètes, et donc par des usages et des outils. Et ce sont les enjeux que concentrent ces usages et les outils qu’elles mobilisent que je veux investir par le design. J’ai décidé de construire mon projet de diplôme autour de l’activité de lecture, car je pense que les objets qui accompagnent les activités de réflexion - telle que la lecture - méritent d’être réinterrogés à la lumière des pratiques effectives qu’ils génèrent aujourd’hui. Quelle est la place des pratiques traditionnelles et des pratiques permises par les technologies numériques dans les activités de réception, d’annotation, de production de la réflexion ? Quelles sont les conséquences de ces nouvelles pratiques numériques sur notre manière de penser ? Et, en retour, quelle 6
est la pertinence des outils existants vis-à-vis de ces nouvelles manières de penser ? Comment donner une forme réactualisée aux pratiques liées à la réflexion ? La profusion de l’information et la généralisation des structures en réseau soulève par ailleurs de nouveaux enjeux vis à vis des logiques de représentations et des imaginaires que nous utiliserons pour véhiculer les réflexions de demain. Quelles codes de représentation ? Quelles logiques d’interfaces ? Quels imaginaires et métaphores ? ... inventer pour donner accès à la connaissance à l’ère des réseaux numériques ? L’avènement des technologies numériques a créé un système informationnel incommensurable et labyrinthique à travers lequel nous naviguons tout autant dans les méandres des sites Internet que nous parcourons, que dans notre propre cheminement intellectuel personnel. L’enjeu profond qui me passionne et me motive, est de réinventer les moyens et les formes de notre rapport aux technologies numériques, afin que le fil de notre pensée non seulement épouse au mieux la pratique de ces réseaux numériques, mais aussi s’en enrichisse dans une dynamique d’appropriation mutuelle. Toutes ces questions m’ont conduit à travailler sur l’activité de lecture aujourd’hui, et sur le lien qu’elle avait avec ce qu’on appelle l’attention. A travers le projet « Garder le fil », j’entends cerner des questions et engager des hypothèses de réponses concrètes pour actualiser les pratiques «intellectuelles» à l’ère numérique.
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Introduction « Si la fracture de l’accès aux nouvelles technologies tend à se réduire, ne sommes-nous pas en train d’en construire une autre, celle des savoirs, des compétences et du temps disponible en ligne ? Celle de l’attention. » Hubert Guillaud, Pour une écologie informationnelle, Internet Actu
Comment la lecture d’étude est-elle mise en jeu par les technologies numériques ? Le but de la « lecture d’étude » est de solliciter la réflexion personnelle, de se créer une représentation d’un sujet donné à travers un ou plusieurs textes. C’est une activité qui mobilise successivement recherches, notes, lecture soutenue, et activités de synthèse. Dans les faits, elle génère aujourd’hui des pratiques hybrides, qui convoquent à la fois des outils numériques et des outils plus traditionnels. Pour cette activité, l’avènement d’Internet est à la fois une opportunité et un défi. Une opportunité car la quantité de textes disponibles et les outils pour les trouver n’ont jamais été aussi développés. Un défi aussi, car cette profusion de textes demande au lecteur une plus grande expertise dans sa méthodologie de travail, et plus particulièrement dans sa compétence mentale à diriger et contrôler son attention de manière appropriée suivant qu’il cherche, lit, ou rebondit sur ses lectures.
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Comment alterner de manière constructive la recherche de ces documents, leur lecture, et leur mise en relation avec des objectifs personnels ? Comment « garder le fil » dans un environnement qui favorise certains types d’attention plutôt que d’autres, et accentue les ruptures par une dichotomie entre pratiques papier et pratiques numériques ? Comment préserver la continuité du mouvement de sa pensée à travers la diversité des pratiques que la lecture d’étude mobilise? Pour aborder cette question, j’ai choisi d’observer en détail une population particulière, les lycéens. Sachant lire, et utiliser les nouvelles technologies, ils demeurent jeunes et désarmés face à la masse documentaire qui s’offre à eux hors de l’espace scolaire et des manuels. Je me suis donc entouré de témoins, de textes issus de la recherche sur la lecture et de professeurs documentalistes pour conduire ma recherche. A travers des propositions adressées à ce public spécifique, je vais développer une hypothèse simple pour actualiser les pratiques de lecture d’étude : concevoir des outils et objets médiateurs qui permettent de garder le fil de sa pensée personnelle à travers la diversité des activités et des types d’attention convoqués par la lecture d’étude. Pour ce faire, ce projet sera déroulé à travers trois questions : •
quels sont les éléments dans les pratiques des lycéens et dans les outils qu’ils utilisent qui leur font perdre le fil de leur activité?
•
comment se tisse ce fameux «fil» de lecture entre lecture et réflexion ?
•
comment garder le fil? 9
Table
des matières
Avant-propos 6 Introduction 8 Partie I: Perdre le fil Une petite expérience
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Détournements à l’ère du presque-tout numérique
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Malades du numérique
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Nouvelles formes de lecture et attention
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Partie II: Tisser le fil
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Construire sa pensée avec la lecture numérique
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Ruptures d’attention et outils numériques : axes de projet
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Partie III: Comment garder le fil ?
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Design et méthodologie
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Une question d’appropriation
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Nouveaux outils, nouveaux usages, nouveaux imaginaires 82 Penser comme un aborigène
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Que serait une liseuse d’étude?
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Une interface pour cuisiner son corpus
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Conclusion 98 Bibliographie 100 Remerciements 103
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Lecture d’étude définition J’emprunte ce terme à Alain Giffard, spécialiste de la lecture à l’ère numérique et membre du groupe de réflexion Ars Industrialis. Chez Giffard, plus qu’une activité constituée et linéaire telle que l’est par exemple la lecture d’un roman par loisir, la lecture d’étude peut davantage se définir par des objectifs, des enjeux qui dépassent le cadre d’un texte seul. Pratiquer la lecture d’étude consiste à pratiquer une technique très ancienne dont l’objectif est de lire pour encourager et nourrir sa propre réflexion. Giffard reprend la notion de «technique de soi» chère à Michel Foucault pour définir cet objectif. Dans le cadre du contexte que j’ai choisi (les demandes scolaires à faire à la maison), j’en donne ma définition (forcément réductrice vis-à-vis du propos de Alain Giffard) : « Lecture d’un ou de plusieurs textes en vue de se constituer une représentation personnelle d’un sujet donné » A mon sens, la « lecture d’étude » ne concerne donc pas uniquement la lecture d’un texte donné : c’est aussi leur recherche, leur sélection, puis les notations qu’est amené à faire le lecteur en rapport avec son objectif de lecture, et même le début de travail d’écriture qu’il peut être amené à faire en rebond d’un texte (analyse, critique, résumé, …). J’envisage donc la lecture non pas uniquement comme l’acte de déchiffrer un texte, mais comme une activité mobilisant des pratiques multiples, qui se définit par son objectif. 12
? annoter
classer
rechercher
lire
citer
mettre en relation
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Un mouvement entre lecture et réflexion Pour Michel Foucault, la lecture est une « technique de soi », un art de la méditation qui se fait avec le support des textes. Dans L’écriture de soi (1983), il montre comment, déjà depuis Sénèque, lecture et méditation furent profondément associées et perçues comme un exercice participant au « souci de soi ». L’objectif de la lecture d’étude est avant tout de porter à la réflexion et à la méditation, par l’accompagnement de la pensée des auteurs et la mise en relation de plusieurs textes. Cette activité a donc une double valeur vis-à-vis des textes lus d’une part, et des réflexions et rebonds suscités d’autre part. Dès lors, en découvrant ceci, on se rend compte que la lecture n’est pas une activité continue mais qu’elle est plutôt un aller-retour entre lecture et réflexion. L’enjeu en termes d’attention de la lecture d’étude peut se résumer par l’extrait suivant, issu des Lectures Industrielles, essai écrit par Alain Giffard :
« Figurons-nous un mouvement double, un tour et retour : à un point donné de la lecture, l’œil s’écarte du texte, de la phrase, du mot, de la lettre, et, aussi bien, du livre, de la page, de la ligne ; il fuit le blanc de la page et se fixe ailleurs ; en retour, muettement ou par des annotations, les « fruits de la méditation » sont réinjectés dans la lecture qui reprend. Ce tour et retour est-il facilité, soutenu ou, au contraire, compliqué, découragé par le dispositif de lecture ? Voilà la question par excellence de la lecture comme technique de soi. »
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Léa s’installe sur son bureau. Il est tant de commencer à préparer ce devoir maison en histoire géo. Elle allume l’ordinateur, vérifie son compte facebook tout en sortant ses manuels et un dictionnaire, crée un dossier sur l’ordinateur et lance une page google. Prendre le fil Léa cherche un texte. Elle réalise une recherche Google, lit les premières lignes des premières pages. Elle en choisit une, c’est un résumé. Elle le survole rapidement au moyen de l’«ascensceur», se rend compte que le texte est intéressant. Elle le copie et le stocke sur un fichier texte. Il sera temps de le lire plus tard. Garder le fil. Le deuxième lien est un lien wikipedia. Léa va directement à la partie de la description qui l’intéresse. Mais il lui manque des éléments sur l’auteur pour comprendre cette partie, elle revient au début du texte. Elle finit par aller en bas de la page pour voir les liens externes qui sont proposés.
Garder le fil
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Léa clique sur un lien externe vers un article sur l’auteur en question. C’est très bien écrit et passionnant, elle le lit du début à la fin. Mais il faut qu’elle prenne des notes! elle sort une feuille et un crayon. Il faudra penser à les recopier plus tard. Garder le fil Le texte a capturé l’attention de Léa. A un moment donné, une partie du texte renvoie à un article de journal qui a l’air intéressant. Elle clique dessus et survole le chapeau de l’article. Finalement ce n’est pas si intéressant, mais un lien dans le texte renvoie à un autre article scientifique qui lui l’intéressera. Elle clique dessus, et continue sa navigation. Tisser le fil Au terme de plusieurs navigations, Léa reprend les textes qu’elle a enregistré sur l’ordinateur. Elle passe rapidement sur deux ou trois textes, elle a un rendez-vous avec des amies dans pas longtemps. Certains passages lui rappellent le texte qu’elle a lu attentivement, elle en prend des bouts et les colle sur son fichier texte. Elle doit partir, elle reprendra ça plus tard. Perdre le fil
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Partie I: Perdre le fil
territoire de projet
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Une
petite expérience
Comment lit-on quand on a un objectif d’étude? Je suis allé rencontrer six lycéens et étudiants de première année d’université pour observer et comprendre leurs activités de lecture dans le cadre de leurs études.
Comment travaillez-vous à la maison? Je leur ai demandé de préparer un hypothétique exposé sur sur une période de deux heures environ, dont j’ai gardé une trace grâce à un logiciel de capture vidéo d’écran. Puis j’ai analysé avec eux les méthodes qu’ils employaient et leurs pratiques de recherche. J’ai ensuite conversé avec ces individus et dégagé des profils-types pour qualifier des «styles» de pratiques : le cyborg, l’inconditionnelle du papier, et l’hybride.
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La demande
préparez en deux heures le matériel nécessaire pour réaliser un exposé sur le thème :
«la vision de l’homme chez Denis Diderot»
Les critères de classement
Outils de recherche Quantité de textes à lire retenus
Méthode d’annotation Support de lecture approfondie
Méthode de classement Méthode de synthèse
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Des pratiques diversifiées
Le cyborg Il est complètement à l’aise avec l’outil informatique et Internet. Il sait où trouver les documents, quand arrêter la recherche et quand reprendre une lecture approfondie. Il prend des notes directement sur ordinateur en même temps qu’il lit. Les publicités et les sollicitations sur les pages ne le gênent pas, elles lui sont familières. Il classe directement ses sources via des services en ligne ou des utilitaires tels que Zotero. Par contre, il doit faire des allers-retours quand il s’agit de lire de documents papiers, qui ne sont pas unanimement représentés dans le numérique.
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L’inconditionnelle du papier Elle utilise Internet pour recueillir des documents et les imprimer. Ensuite, elle annote à la main et recueille sur un carnet toutes ses impressions. Elle classe ses documents dans un classeur, ou les colle dans un cahier. Elle réfléchit exclusivement par le biais de l’écriture manuscrite. Une fois que son texte est écrit à la main, elle le recopie à l’ordinateur. Elle préfère le papier car elle n’arrive pas à réfléchir en même temps qu’il utilise l’outil. Avec des cahiers, elle sait où trouver ce qu’elle a déjà fait, et trouve ce mode de travail plus valorisant vis-à-vis du travail réalisé.
L’hybride L’hybride maîtrise bien Internet mais ne peut se passer complètement du papier. Il utilise Internet pour la phase de collecte et de synthèse, mais pas pour la phase de traitement pour laquelle il préfère imprimer les textes et les annoter de manière manuscrite ou directement sur ordinateur. Il tente de maîtriser son système de classement des documents en les archivant sur son disque dur. Il est souvent confronté à des problèmes de redoublements de notes et trouve l’aller et retour entre papier et numérique fatigant, mais indispensable.
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le cyborg
l’inconditionnelle l’hybride du papier
Outils de recherche
Google Sites portails et réseaux de blogs Navigation par liens
Google sommaire Bibliothèque
Google, portails et réseaux de blogs Navigation par liens
Quantité de textes à lire retenus
Beaucoup
Peu
Modérée
Méthode d’annotation
Fichier texte écrit au fil de la lecture
Les notes sont écrites sur un cahier et recopiées sur ordinateur en dernier recours
Texte imprimé
Support de lecture approfondie
Navigateur internet
Toujours un texte imprimé
Annoté sur papier et sur un fichier texte dédié
Méthode de classement
Favoris et sites de bookmarking
Un cahier dans lequel il consigne tout
Arborescence sur le disque dur et favoris
Méthode de synthèse
Fichier texte écrit et travaillé directement
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Classeur et cahier
Fichier texte écrit et travaillé directement
le cyborg
l’hybride
l’inconditionnelle du papier
ci-dessous: une copie d’écran tirée du logiciel de capture
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Diversité choisie, diversité subie La maîtrise des outils «L’ordinateur me permet de faire les choses plus efficacement. Je vais beaucoup plus vite» le cyborg «J’ai du mal à me servir du traitement de texte. A part copier-coller, je ne suis pas une pro ...» l’inconditionnelle du papier
L’ordinateur, c’est pour les loisirs « Pour moi l’ordinateur c’est le loisir et le bureau c’est les devoirs. J’ai besoin de faire la séparation.» l’hybride « Le contact avec mes cahiers, le plaisir d’écrire à la main, de souligner, de faire de belles pages. Le plaisir aussi d’imprimer un texte et de lui rajouter tout ce que je pense, d’en faire un nouveau texte amélioré par ce que j’en ai pensé» l’inconditionnelle du papier «J’ai besoin d’enregistrer les textes sur mon disque, comme ça je ne crains pas qu’ils soient enlevés du net. Et puis comme ça je les sens plus «à moi», ils sont sur mon espace, dans ma maison, presque «physiquement» l’hybride 26
«Quand je renote dans mon cahier les choses, j’ai l’impression de mieux les intégrer. Ca ne me semble pas être une perte de temps, ça fait partie de mon processus personnel, il faut que ce soit moi qui fasse. » l’inconditionnelle
L’ordinateur comme tentation « Si je reste devant l’ordinateur pour travailler je fais n’importe quoi.» « Quand je bosse des fois je reçois un mail ou un message sur facebook et au bout de 2 heures je me rends compte que je n’ai rien fait dans mes devoirs» « J’adore aller sur le net, mais souvent je peux m’intéresser au thème du devoir, regarder des vidéos, lire quelques textes, mais je ne prends pas de notes et je fais rien de concret au final.» «Quand j’utilise uniquement l’ordinateur j’ai l’impression que ce que je fais est plus «superficiel».»
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Détournements à l’ère du presque-tout numérique J’ai choisi de me concentrer sur le profil de «l’hybride» qui utilise les deux supports, et correspond à la plus grande part des adolescents observés, et d’autres personnes que j’ai convoqué. J’ai cherché à comprendre comment se construisait une méthodologie de lecture d’étude chez des gens qui utilisent les deux supports.
Pourquoi Léa utilise-t’elle toujours du papier et des crayons pour travailler? J’ai donc observé l’une de ces adolescents plus en détail. Léa, en 1ère L cette année, a accepté que je vienne chez elle et que je l’observe en train de travailler. Nombre d’amis sur facebook : 250 Textos par semaine : 20 Nombre de forum fréquentés : 4 Léa écrit plus vite à l’ordinateur, maîtrise les outils de traitement de texte, tire la majeure partie de ses textes d’Internet. Pourtant, certaines pratiques restent pour elle dévoulues à l’univers du papier. Elle utilise l’ordinateur comme système principal (pour classer son travail, écrire ses notes) mais se livre à une série de détournements durant ses phases de travail. J’ai identifié les pratiques pour lesquelles elle quittait son ordinateur et basculait sur des usages papier, et les conséquences que cela engageait. 28
Impression(s) La première chose qui frappe chez Léa, c’est qu’elle imprime quasiment tous les textes qu’elle doit lire. Elle prend le temps de sélectionner le texte qui l’intéresse, le copier sur un fichier texte, l’imprimer et ensuite aller le lire à son bureau ou sur son lit. Quand je lui demande pourquoi elle imprime les textes, elle me répond que lire sur papier la rend moins sujette aux distractions, et qu’elle se concentre moins face au texte «en vrai». La deuxième raison est d’ordre pratique : elle aime bien souligner et marquer ce qu’elle lit au fur et à mesure, pour s’obliger « à lire tout le texte et à ne pas décrocher sans m’en rendre compte». « quand je m’oblige à souligner ce qui est important, je reste plus concentrée.». «je mémorise mieux le texte quand il est sur la feuille, il est moins «virtuel»» Par contre, Léa avance que ces notations sur papier ne sont pas évidentes quand elle revient à l’ordinateur. «ce n’est pas pratique de recopier les notes». «je perds un peu mes annotations hors de leur contexte, on ne voit plus trop leur pertinence quand je les recopie sur le fichier texte.»
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Notation(s) Léa pratiquait des activités de notation à la fois sur ordinateur et à la main. Par notation, j’entends à la fois les annotations réalisées sur le corps du texte et les notations personnelles que sont les rebonds, commentaires, notes. •
annotations à même les documents imprimés
•
annotations et commentaires sur un cahier séparé
•
annotations sur le texte et saisie sur un fichier texte
Ce dernier scénario (annotations manuscrites puis saisie sur clavier) m’a paru particulièrement redondant et peu pratique dans les usages qu’il convoquait. Elle m’explique qu’elle n’arrive pas à annoter sur son ordinateur en même temps qu’elle lit un texte, qu’elle préfère faire ça en deux étapes car c’est finalement plus pratique.
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Organisation(s) Par ailleurs, les activités (et non-activités) de lecture de Léa étaient particulièrement influencées par son organisation. Léa se plaint de la multiplicité de ses supports de stockages et avoue avoir du mal à se retrouver entre les pages internet, les documents stockés sur son ordinateur, les manuels, les feuilles imprimées, les cahiers personnels, les notes écrites sur des feuilles volantes... J’ai aussi observé une pratique intéressante que je ne retrouve pas dans les outils numériques. A un certain stade de son travail, Léa étala tous les textes qu’elle avait imprimé sur son lit et les regarda de manière méditative. Cette pratique de «dégrossissement» et de vue d’ensemble aidait Léa à se remémorer les textes qu’elle a lu, à établir des relations entre eux. Cette pratique était très intéressante, mais demeurait éphémère et provisoire, et cantonnée à un univers de documents papier.
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Cohabitation de deux systèmes L’impression des textes entraînait un redoublement des systèmes d’annotation et des problèmes d’organisation, tout en restreignant et en compliquant l’aller-retour de Léa entre ses lectures et l’exposé qu’elle préparait. Objectivement, et étant donné que l’ensemble de son corpus était fait de textes numériques et qu’elle rédigeait son exposé sur ordinateur, ce redoublement des outils et des pratiques me semblait absurde. Psychologiquement, pour Léa, il entraîne forcément un éparpillement, une complication, une charge supplémentaire qui venait alourdir son travail réflexif de représentation et de construction d’un raisonnement. Cette diversité d’outils et de systèmes est le premier facteur qui fait perdre le fil réflexif.
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impression(s)
notation(s)
sources de lecture
exploitation de la lecture organisation(s)
Des ruptures qui compliquent et dĂŠcouragent le travail de lecture
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Malades
du numérique
Outre ces pratiques de détournements, j’observais aussi chez les lycéens que la pratique de l’outil numérique dans un cadre d’étude s’accompagnait de nombreux travers. De l’aveu de certains d’entre eux, cela expliquait même en partie pourquoi ils sortent du cadre numérique. «L’ordinateur nous aide, mais il nous joue aussi des tours».
le multi-tâche dilué
le collectionneur fétichiste
le navigateur égaré
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Le navigateur égaré Le navigateur passe des heures sur Internet à lire des textes, passant de page en page sans jamais vraiment prendre de notes. Il lit avec attention, mais oublie une grande partie des pages qu’il a visitées et a du mal à exploiter sa navigation quand il s’agit de synthétiser ce qu’il a appris. Il procède, pour se rappeler des choses intéressantes, à des copier coller sur un fichier texte qu’il relira plus tard pour avoir une vision d’ensemble. Mais cette vision est morcellée et manque elle aussi de cohérence.
Le syndrome de l’égarement «je me suis perdu dans ma recherche» Le syndrome de l’égarement consiste à s’enfermer dans un enchaînement de textes survolés à toute vitesse pour éviter de passer à une lecture attentive des documents. On parle parfois d’attention-zapping pour décrire ce travers, mais dans le cadre de la lecture c’est en fait d’une confusion attentionnelle dont il s’agit : l’adolescent utilise pour lire en détail un texte le style d’attention qui convient normalement à la recherche des documents. En termes de lecture, l’égarement consiste à confondre la lecture avec ce que le spécialiste Alain Giffard nomme une «pré-lecture»1, qui est une lecture de repérage visant à déterminer si un texte est à mettre de côté pour une lecture approfondie. 1 Alain Giffard, «Des lectures industrielles», in Pour en finir avec la mécroissance, Bernard Stiegler, Alain Giffard, Christian Fauré, Flammarion, 2009. 35
Le collectionneur fétichiste Le collectionneur est obsédé par la possession de nombreux documents et succombe à l’ivresse de l’abondance d’informations qu’offre Internet. Il passe énormément de temps à chercher sur Internet et archive ses trouvailles sur son disque dur sans jamais les lire. En fin de compte, quand il en vient au moment de la synthèse, il se résoud à copier-coller différents passages des textes recueillis et tente ensuite de les réorganiser.
Le syndrome de la saturation « difficile de se concentrer face à un écran» Le syndrome de la saturation consiste à être incapable de lire un texte de manière linéaire, et donc de changer d’activité. Plus profondément, ce que j’appelle «saturation» c’est l’impossibilité à intégrer un nouveau texte dans sa réflexion personnelle, comme si elle était déjà trop «saturée» pour accepter de nouveaux éléments. C’est ce que j’observais chez mon «collectionneur fétichiste» qui, bien que plein de bonne volonté, refusait de lire les textes et se contentait de les archiver, comme si le texte n’était jamais assez «sien» pour qu’il soit capable de le lire «vraiment». Les conséquences de ce syndrome sont de sortir de l’activité de lecture («passer à autre chose»), ou de s’enfermer dans une pré-lecture, et donc développer le syndrome de l’égarement. Dernière option qui est en fait celle que j’ai observé chez Léa : l’adolescent doit imprimer le texte pour pouvoir porter une attention suffisante sur celui-ci. 36
Le multi-tâche dilué Le multi-tâche utilise avec excès le principe des « onglets » sur Internet et la multifonctionnalité des objets à sa disposition. Il abuse des portails, blogs de références, et pages de moteurs de recherche et ouvre une grande multitude de documents. Il a également via son ordinateur quantité d’onglets à vocation non professionnelle (deezer, facebook) qu’il va voir dès qu’il a besoin de faire de petites pauses. Ce mode de lecture parallèle lui permet de relier les documents et d’avoir une image mentale des différents aspects du sujet d’étude, mais il perd beaucoup de temps et a du mal à formuler clairement ses conclusions. Il est fier d’être multi-tâches, mais avoue les limites de ce mode de travail.
Le syndrome de la dilution « j’entrecoupe mes activités d’une série interminable de micro-pauses» Le dernier syndrome, celui de la dilution, correspond à ce qu’on appelle le «multitâche» dans son sens péjoratif : l’activité de lecture d’étude se fait trop «en pointillé» et la multiplication des ruptures d’attention casse tout le lien qui devrait se faire entre les activités de lecture et l’activité réflexive du lecteur. Cela s’explique par la multi-fonctionnalité de l’ordinateur, qui n’est pas maîtrisée. Là encore, la solution pour un adolescent non expérimenté, c’est de s’éloigner de son ordinateur!
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Ainsi, au regard de ces premières analyses, on est face à une série de paradoxes:
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•
les adolescents, pourtant familiers des médias numériques, semblent développer spontanément des pratiques improductives et pathologiques à leur contact. Ils ne maîtrisent pas leur attitude face à un outil aussi complexe.
•
pour autant, leurs pratiques «analogiques» ne les contentent pas non plus, car pour la plupart ils gardent un pied dans le numérique. Pour eux, l’ordinateur représente la tentation, alors que le papier représente la lourdeur.
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Nouvelles attention
formes de lecture et
Tout le paradoxe de ces adolescents résidait donc dans le fait qu’ils utilisaient massivement et naturellement les technologies numériques dans le cadre de leurs activités privées et de leurs relations sociales, mais beaucoup plus difficilement quand il s’agissait de travailler. Ils en venaient même à accuser l’ordinateur de les empêcher de lire correctement. En fait, c’est peut-être parce que leurs pratiques de lecture ont peu à voir avec celles demandées par la lecture d’étude.
Nouvelles formes de la lecture et technologies numériques On qualifie de manière fréquente les nouvelles générations d’enfants et d’adolescents de « natifs digitaux » : à la différence de leurs aînés, ils ont grandi avec les technologies de l’information et de la communication et ne les perçoivent en rien comme « nouvelles ». Ils feraient preuve d’une plus grande aisance avec toutes les technologies numériques, et en tout cas dans les faits, l’utilisation de l’ordinateur, des téléphones et autres dispositifs numériques se fait de plus en plus tôt et de plus en plus intensivement. Plus de 80% des 13-24 ans déclarent dans une enquête (ministère culture) s’être connecté à Internet au moins une fois au cours du mois passé, dont 65% d’assidus. Il est intéressant de noter que d’après une étude réalisée par la Kaiser Family Fondation1, les 8-18 ans américains passent 8,5 heures devant un média (magazines et livres compris). 1 «Generation M : media in the lives of 8-18 years old», Kaiser Family Fondation, 2005 40
Résultat de l’étude : «Generation M: Media in the Lives of 8-18 Year Olds»
12h
etude réalisée en 2005 sur 2000 jeunes de 8 à 18 ans par la Kaiser Family Fondation
temps éveillé
8h30
temps passé devant un média
TV
musique
web
jeux v.
livres
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Lire plus, de plus petits textes L’utilisation des technologies numériques conditionne directement le type de lecture pratiqué par les adolescents. On dit qu’il lisent moins. En réalité, un adolescent d’aujourd’hui lit plus qu’un adolescent d’hier. Mais cette lecture est différente. Par le biais de pratiques telles que le SMS, les services de messagerie instantanée ou les réseaux sociaux, c’est en fait une forme de lecture beaucoup plus fragmentée et courte. Pour eux, la lecture, ce n’est pas suivre le fil d’un texte, mais plutôt sélectionner et associer un ensemble d’informations contenues dans de petits textes …
une lecture de conversation D’autre part, la destination de cette lecture est très souvent une conversation : commentaires, réponses, dialogues, constituent pour majeure partie le corpus quotidien d’un adolescent. Si l’on met cela en regard avec la lecture d’un texte constitué et linéaire comme un article d’encyclopédie ou un texte de vulgarisation, on peut postuler que cette forme de lecture lui sera plus étrangère qu’auparavant.
Et lire un texte long? Face à ce qu’on s’imagine de la lecture d’étude, ces nouvelles formes de lecture peuvent être alarmantes. On peut supposer que si ces adolescents pratiquent majoritairement cette forme de lecture courte et discontinue, ils développent moins de compétence, de méthode et d’affinité intellectuelle à lire un texte long. 42
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Un analphabétisme attentionnel Ces nouvelles formes de lecture posent le problème de l’attention. Selon un célèbre article de Katherine Hayles1, les nouvelles générations développeraient un nouveau « style cognitif » associé aux nouvelles technologies. La prépondérance de l’instantanéité, et de l’interactivité, dans les jeux vidéos ou le fonctionnement d’Internet, modifierait la structure synaptique de ces jeunes et les feraient penser différement de leurs aînés. Elle définit ce nouveau style cognitif ainsi : «ce nouveau contexte rendrait plus incertaine la pratique future d’une deep attention (littéralement attention profonde) et favoriserait au contraire une hyper attention, caractérisée par « les oscillations rapides entre différentes tâches, entre des flux d’information multiples, recherchant un niveau élevé de stimulation, et ayant une faible tolérance pour l’ennui» Katherine Hayles sous-entend par ce terme d’hyper-attention un lien avec l’hyperactivité. Ainsi, selon elle, les nouvelles technologies favoriseraient une hyperactivité chronique qui plongeraient ces nouvelles générations dans l’impossibilité de construire une pensée et de se livrer à des activités longues mais constructives, qu’elle qualifie «d’attention profonde». Cela expliquerait les problèmes des nouveaux adolescents à lire en entier des livres car l’activité ne serait pas assez courte et pas assez interactive. 1 Katherie Hayles, «Hyper and Deep Attention: The Generational Divide in Cognitive Modes», 2007, http://www. mlajournals.org/ 44
Les natifs digitaux que sont les adolescents auraient, non seulement le pouvoir, mais aussi le besoin, voire la contrainte, de faire de nombreuses choses en même temps, par habitude et même, selon Hayles, parce que leur cerveau a changé.
Périls et opportunité des nouvelles formes d’attention Ainsi, chez ces adolescents, la pratique de cette activité de lecture d’étude n’irait pas de soi. Ils sont tiraillés entre le système numérique qu’ils utilisent pour rechercher les documents et écrire leurs textes, et le système analogique qu’ils utilisent pour lire et annoter. On a vu que ce détournement du système numérique qui consiste à transférer les textes numériques sur papier pour pouvoir les lire et les annoter entraîne une surcharge dans les opérations connexes au travail réflexif à effectuer, et des problèmes pratiques de méthodologie et d’organisation de leur travail. D’autre part, on a vu que, malgré leur aisance avec les outils numériques, l’utilisation des outils numériques n’est pas du tout évidente pour eux car elle favorise un mode de lecture dont ils sont esclaves, discontinu et de survol. C’est une forme de lecture qu’ils subissent et ont du mal à diversifier : leur expertise technologique bute en fait sur un analphabétisme attentionnel.
génération stupide? Il semble cependant que, là où effectivement il intervient une perte significative dans la durée qu’est capable de tenir un individu face à un contenu inerte demandant une forte attention volontaire, les nouvelles générations compensent par 45
de nouvelles compétences. Ces jeunes ont de formidables capacités de démultiplication des activités. Ils peuvent agréger et mettre en relation un grand nombre de textes en même temps, car ils sont capables de lancer plusieurs activités et de les suivre par intermittence, comme je l’ai observé chez Léa. Ces formidables capacités d’association ne sont-elles pas compatibles avec ce que requiert la lecture d’étude? Pourraient-elles être mieux valorisées par des outils plus appropriés?
Le vrai défi n’est pas d’être plus attentif, mais plutôt d’être capable de faire preuve de plusieurs formes d’attention. Je veux nuancer le propos de Katherine Hayles. D’une part, à la lueur de nos observations quotidiennes, cette théorie est pertinente, mais en fait, elle manque encore de réels fondements scientifiques. Y a-t’il vraiment un changement cognitif générationnel? On ne le sait pas vraiment et les termes même de cette thèse ne sont pas bien définis. D’autre part, dans l’activité qui nous intéresse, le problème n’est pas pas tant cette «hyperattention» en soi que le fait qu’elle soit la seule forme d’attention pratiquée et connue par les adolescents. Comme on va le voir dans la seconde partie du mémoire, cette forme d’attention discontinue et navigante a d’ailleurs sa place dans la lecture d’étude. Mais le problème est qu’elle soit la seule.
Le vrai défi est : comment garder le fil de sa réflexion via les différentes formes d’attention mobilisées pendant l’activité de lecture d’étude en milieu numérique? 46
Des logiques de lecture inhérentes aux outils Et si le réel problème attentionnel résidait dans la maîtrise des logiques d’utilisation des différents outils utilisés pour rechercher, trier, lire, annoter durant son activité de lecture? On peut dire sans trop s’avancer que le fonctionnement intéractif de la lecture sur Internet n’est pas utilisé dans la même logique que celui de la lecture «traditionnelle et linéaire» issue du livre. En pratique, utiliser chacun des outils séparément pose des problèmes de continuité et de méthodologie dans la poursuite de son objectif de lecture. Utiliser uniquement l’ordinateur demande, à l’inverse, un grand alphabétisme attentionnel, c’est-à-dire des techniques de contrôle et de méthodologie dans son attitude face à l’outil. Le problème de l’attention est donc déplacé :
l’analphabétisme de ces adolescents ne réside pas tant dans le fait qu’ils ne savent pas «se concentrer longuement», mais plutôt qu’il est difficile de basculer continuellement d’un outil à un autre, d’une pratique à une autre, et donc d’une forme d’attention à une autre, durant leurs séances de lecture d’étude. Comment accompagner ces basculements successifs entre plusieurs outils et plusieurs logiques de lecture?
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Etat des lieux des supports technologiques de lecture d’étude
L’ordinateur personnel est, à ce jour, l’outil principal de collecte des textes et de synthèse du travail effectué sur la base de ceux-ci.
Les moteurs de recherche sont de plus en plus développés, mais se concentrent sur la trouvaille d’un site plutôt que sur une activité globale. Le moteur doit être utilisé avec d’autres outils pour organiser son travail.
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Dans la synthèse des lectures et l’organisation, on est face à deux systèmes d’organisation on line et off line qui diffèrent : systèmes de fichiers et logiques de mots-clés
difficultés visuelles liées au scintillement absence de matérialité de l’objet de lecture difficultés à annoter et enrichir le texte
Cependant, comme on l’a vu dans la première partie, il n’est utilisé que par une infime minorité pour lire un texte en entier, de manière linéaire, en mode «traitement». 49
Le papier, quant à lui, est parfaitement indiqué pour la lecture continue et longue : confortable et facile à annoter. Cependant, il est beaucoup moins pratique que l’ordinateur quand il s’agit d’effectuer un travail de synthèse, puisque les annotations effectuées doivent être recopiées, tout comme les passages que l’on pourrait retrouver, copier et coller ailleurs en quelques secondes sur un ordinateur.
les opérations que l’on fait toujours majoritairement sur papier
Résumé
Résumé
Fiche de synthèse faisant le point sur la question des relations entre le roman, ses personnages et la vision du monde. La fiche explique l’articulation entre ces trois points, et démontre par un rapide survol chronologique (XVIème / XXème) la diversité des réponses apportées à la question de l’identité.
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Extrait:
Résumé
Ainsi chaque roman constitue-t-il de façon implicite ou explicite, et pour le romancier de façon consciente ou inconsciente, une « vision du monde », ce que l’on appelle en allemand une « Weltanschaaung » (c’est un terme de philosophie). Toute théorie, philosophique ou scientifique, possède une « vision du monde ». Or, sans avoir recours à l’abstraction ou aux concepts comme on le fait dans l’essai ou dans une oeuvre philosophique, le roman élabore une réflexion sur le monde (...)
Fiche de synthèse faisant le point sur la question des relations entre le roman, ses personnages et la vision du monde. La fiche explique l’articulation entre ces trois points, et démontre par un rapide survol chronologique (XVIème / XXème) la diversité des réponses apportées à la question de l’identité.
Sommaire:
Ainsi chaque roman constitue-t-il de façon implicite ou explicite, et pour le romancier de façon consciente ou inconsciente, une « vision du monde », ce que l’on appelle en allemand une « Weltanschaaung » (c’est un terme de philosophie). Toute théorie, philosophique ou scientifique, possède une « vision du monde ». Or, sans avoir recours à l’abstraction ou aux concepts comme on le fait dans l’essai ou dans une oeuvre philosophique, le roman élabore une réflexion sur le monde (...)
Introduction I) L’écriture romanesque en tant que telle (spécifique en tant que genre et différente de l’écriture théâtrale ou poétique) avec ses outils spécifiques, le récit au passé, ou au présent, les descriptions, les dialogues, avec toutes les modulations possibles et la plasticité propre à ce genre (roman épistolaire, roman à la première personne, roman polyphonique - à plusieurs voix narratives, etc.) II) Les personnages que le roman met en place, leurs actions, leur identité, qui sont données à lire à travers le récit et les descriptions III) La perception du monde qui résulte des deux points précédents. Perception qui est à la fois une vision (au sens subjectif), une représentation (un reflet) et une recréation (on ne représente jamais le monde tel qu’il est exactement) Conclusion
annoter
Extrait: Ainsi chaque roman constitue-t-il de façon implicite ou explicite, et pour le romancier de façon consciente ou inconsciente, une « vision du monde », ce que l’on appelle en allemand une « Weltanschaaung » (c’est un terme de philosophie). Toute théorie, philosophique ou scientifique, possède une « vision du monde ». Or, sans avoir recours à l’abstraction ou aux concepts comme on le fait dans l’essai ou dans une oeuvre philosophique, le roman élabore une réflexion sur le monde (...)
Extrait:
Sommaire:
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Introduction I) L’écriture romanesque en tant que telle (spécifique en tant que genre et différente de l’écriture théâtrale ou poétique) avec ses outils spécifiques, le récit au passé, ou au présent, les descriptions, les dialogues, avec toutes les modulations possibles et la plasticité propre à ce genre (roman épistolaire, roman à la première personne, roman polyphonique - à plusieurs voix narratives, etc.)
Sommaire: Introduction I) L’écriture romanesque en tant que telle (spécifique en tant que genre et différente de l’écriture théâtrale ou poétique) avec ses outils spécifiques, le récit au passé, ou au présent, les descriptions, les dialogues, avec toutes les modulations possibles et la plasticité propre à ce genre (roman épistolaire, roman à la première personne, roman polyphonique - à plusieurs voix narratives, etc.) II) Les personnages que le roman met en place, leurs actions, leur identité, qui sont données à lire à travers le récit et les descriptions III) La perception du monde qui résulte des deux points précédents. Perception qui est à la fois une vision (au sens subjectif), une représentation (un reflet) et une recréation (on ne représente jamais le monde tel qu’il est exactement) Conclusion
commenter . Il s’est illustré aussi bien dans le roman, le théâtre, la critique que l’essai. Mais cet homme curieux et avide de connaissance est surtout resté dans la postérité avec la formidable entreprise de l’Encyclopédie, sur laquelle il a travaillé sans relâche pendant plus de 20 ans
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Fiche de synthèse faisant le point sur la question des relations entre le roman, ses personnages et la vision du monde. La fiche explique l’articulation entre ces trois points, et démontre par un rapide survol chronologique (XVIème / XXème) la diversité des réponses apportées à la question de l’identité.
II) Les personnages que le roman met en place, leurs actions, leur identité, qui sont données à lire à travers le récit et les descriptions
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III) La perception du monde qui résulte des deux points précédents. Perception qui est à la fois une vision (au sens subjectif), une représentation (un reflet) et une recréation (on ne représente jamais le monde tel qu’il est exactement) Conclusion
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Enfin, depuis quelques années, sont apparues ce que l’on appelle des liseuses : ce sont des supports de lecture électronique utilisant de l’encre électronique. Très ergonomiques et agréables, les liseuses sont cependant faites principalement pour un usage de loisir: •
leurs fonctions d’annotation sont médiocres
•
elles permettent peu de fonctionnalités de travail
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Partie II: Tisser le fil axes de projet
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Construire
sa pensée avec la lecture numérique L’alphabétisme à développer par les étudiants réside donc dans leur compétence à concilier plusieurs logiques de lecture et donc, plusieurs formes d’attention pendant la lecture. Rappelons-le ici, l’enjeu de la lecture d’étude, c’est de connecter le «fil» de ses lectures avec le «fil» de sa pensée. Pour savoir comment garder le fil, il faut savoir comment il se tisse, savoir comment les «fils» de la lecture et de la réflexion se tissent-t’il. Je me suis donc aidé de plusieurs publications sur la lecture dans un contexte d’étude et de recherche, et j’ai rencontré des documentalistes pour mieux cerner cette pratique.
Continuité et discontinuité : lecture linéaire et lecture par association Dans l’aller-retour entre lecture et réflexion, je me suis rendu compte que c’était deux grands modèles de conception de la lecture « savante » qui s’affrontaient. Le premier, « classique » et linéaire, repose sur la suite scrupuleuse du raisonnement d’un seul auteur dans l’ordre de la lecture. Le second, que j’appellerai plutôt le « scientifique », considère les textes comme un ensemble d’unités signifiantes et perçoit la compréhension comme une association entre plusieurs informations textuelles.
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le modèle «linéaire» correspond à la lecture d’un texte en suivant le développement discursif du propos
le modèle «associatif» consiste à associer plusieurs bribes de textes ou informations dans la poursuite de son objectif
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La lecture par le parcours associatif, projet original de l’hypertexte Il est intéressant de voir que, dans ces deux modèles de lecture qui se juxtaposent, le modèle «associatif» est celui qui a motivé le premier projet de machine à lire, le Memex. Créé par Vanevar Bush en 1945, Memex était aussi un prototype de machine hypertexte. Le principe de l’hypertexte est de pouvoir relier directement un objet vers un autre objet. L’hypertexte véhicule une forme de lecture fragmentée issue de cette conception de la lecture
représentation du Memex de Vanevar Bush
savante comme lecture associative. Le projet initial de Bush était de faire gagner du temps aux chercheurs en leur donnant le moyen de rechercher des articles scientifiques à partir de certains mots-clés, et de constituer son propre parcours de lecture. Il décrit son projet comme «une sorte de fichier et de bibliothèque personnels et mécanisés». Il est intéressant de voir que ce projet, qui pose les fondements de l’hypertexte informatique, était motivé par un souci d’efficacité. Vanevar Bush écartait complètement de son propos la référence à une quelconque lecture «linéaire» et continue, jugée comme inutile dans le cadre de recherche d’informations scientifiques. 56
Le projet initial de l’hypertexte écartait structurellement l’idée de lecture linéaire et continue. Discontinuité par excellence, l’hypertexte se fonde sur l’idée suivante : un texte renvoie à toujours plus de textes, mais en même temps un texte contient les pistes pour continuer sa lecture selon son propres parcours de lecture, spécifique et personnel. « Il est plaisant de retrouver ici le vieux thème de la chaîne de représentation ou d’idées, la catena des Latins, qui joue un rôle si important dans les textes sur la mémoire et sur la lecture. »1 Lire avec un média numérique, n’a donc rien à voir avec le fait de lire un livre, au niveau du rapport entre lecture et réflexion. “A la différence de la forme statique du livre, un hypertexte peut être composé, et lu, de manière non séquentielle ; c’est une structure variable, composée d’unités de texte (ce que Roland Barthes appelait des lexia) et de liens électroniques qui les associent. Bien que les habitudes conventionnelles de lecture s’appliquent à l’intérieur de chaque unité, dès que le lecteur commence à suivre les liens d’une unité de texte à une autre, de nouvelles règles et une nouvelle expérience de lecture sont mises en œuvre. »2 L’unité de sens de la lecture est déplacée du texte vers le lecteur, puisque ce n’est plus l’auteur d’un seul texte mais le lecteur lui-même qui donne du sens au corpus qu’il lit par le parcours qu’il a choisi en enchaînant les textes. Ce projet était motivé par le désir de connecter plus facilement des textes aux notions voisines afin de permettre au lecteur de se créer son propre parcours, quasiment de «construire» un 1 Gifard Alain, op cit., p 135 2 Delany et landow, Hypermedia and litteracy study, 1991, citié par Gifard, op cit., p151 57
texte personnalisé en fonction de ses intérêts et découvertes progressives. Le parcours était le vecteur de la constitution d’un texte personnel. C’était un projet magnifique. Pourtant, on ne peut être que déçu quand on compare le projet de l’hypertexte avec ce qu’est vraiment la lecture sur Internet aujourd’hui. Il y a bien un parcours de lecture, mais pour ma part, il n’est que rarement aussi constructif qu’il devrait l’être en théorie. En fait, il est beaucoup plus difficile de construire sa réflexion par la lecture en lisant une suite de textes interconnectés, que de suivre la pensée d’un seul auteur de manière linéaire. La responsabilité et la compétence demandée au lecteur pour construire son parcours de lecture est considérable. De plus, c’est bien sûr une articulation de la lecture «par association» de plusieurs textes et de la lecture «linéaire» qui fait le corps de la lecture d’étude. On alterne phases de recherche, de survol, de picorage, de lecture plus linéaire, de relecture soutenue ...
Pluralité des formes de lecture. Il y a ainsi plusieurs formes de lecture qui correspondent à des techniques différentes et se rattachent à ces modèles.
Pré-lecture / lecture de «scannage» Léa cherche un texte. Elle réalise une recherche Google, lit les premières lignes des premières pages. Elle en choisit une, c’est un résumé. Elle le survole rapidement au moyen de l’»ascensceur», se rend compte que le texte est intéressant. Elle le copie et le stocke sur un fichier texte. 58
Lecture non séquentielle Le deuxième lien est un lien wikipedia. Léa va directement à la partie de la description qui l’intéresse. Mais il lui manque des éléments sur l’auteur pour comprendre cette partie, elle revient au début du texte. Elle finit par aller en bas de la page pour voir les liens externes qui sont proposés.
Lecture linéaire Léa clique sur un lien externe vers un article sur l’auteur en question. C’est très bien écrit et passionnant, elle le lit du début à la fin.
Lecture fragmentée Le texte a capturé l’attention de Léa. À un moment donné, une partie du texte renvoie à un article de journal qui a l’air intéressant. Elle clique dessus et survole le chapeau de l’article. Finalement ce n’est pas si intéressant, mais un lien dans le texte renvoie à un autre article scientifique qui lui l’intéressera. Elle clique dessus, et continue sa navigation. 59
Copier-coller, entre sculpture et palimpseste « Le langage est un ensemble de citations» Borgès, le livre de sable, Gallimard, 1983 Pour améliorer ma compréhension de ces pratiques d’étude, j’ai rencontré Christine Paillard, documentaliste. Je me suis rendu compte à son contact que des pratiques telles que le «copier-coller», semblant de prime abord à stigmatiser et prohiber, possédaient leur propre logique et qu’elles étaient inhérentes à l’usage du numérique. Ainsi, les étudiants et élèves observés par Christine Paillard utilisent souvent le copier-coller pour poser les bases de leur propre texte et ainsi évacuer l’ «angoisse de la page blanche» pour ensuite modifier les titres, élaguer les passages, réorganiser le texte à leur manière. Le texte est vu comme un matériau dans lequel on va couper, sélectionner, prélever, les éléments de sa propre production. Ces logiques d’enlèvement et de remplacement sont particulièrement en accord avec le fonctionnement des outils numériques. D’autre part, la diversité des sites internet pousse à multiplier et hybrider les sources documentaires pour tenter de les associer dans leur propre texte. Dans ce que j’ai pu observer grâce à mes vidéos, les élèves prennaient des passages qu’ils jugeaient intéressant dans plusieurs des sites qu’ils visitaient et les empilaient dans un document textuel. Ensuite, ils les réagençaient, les augmentaient de titres et de leurs propres ajouts. Comme on le verra dans le seconde partie de ce mémoire, ces pratiques d’agrégation et de mélange entre citations et productions personnelles ne sont pas sans risques de débordements, mais on ne peut leur nier leur logique propre, qui se rapproche de la pratique du palimpseste, aussi vieille 60
que l’écriture. Copier, coller, remplacer, réorganiser, agréger, élaguer... Sculpture par enlèvement et palimpseste sont des logiques de construction de sens pour construire leurs notes ou rebond sur les lecture, et donc, on peut le supposer, pour orienter leur lecture. Lire, c’est rapporter à du connu.
L’annotation moteur de la lecture linéaire A ces pratiques de citation et de prélèvement répond l’annotation linéaire que l’on fait en marge des texte, qui est elle aussi un moyen d’effectuer un aller-retour entre sa pensée et le raisonnement d’un texte particulier. A propos de l’annotation, Hubert Guillaud dans un article intitulé «lecture, attention, profondeur et matérialité» relate l’expérience de Terje Hilsund faite auprès de chercheurs en ces termes: “Les outils d’annotation et de marquage ont été utilisés principalement par les participants pour deux raisons étroitement liées : améliorer la compréhension du texte et rendre visibles les connexions pertinentes de leur propre écriture. La mise en évidence et la prise de notes permettent de ralentir le rythme de la lecture et conduisent souvent à une relecture de passages et à la mémorisation des points abordés. En plus d’utiliser des mots décrivant la compréhension, tels que la compréhension, la perspicacité et la cohésion, les participants ont toujours fini par dire qu’ils ont souvent lié les soulignements et les annotations à l’écriture. L’annotation est donc décrite comme une aide pour aider à relocaliser les points importants ou des citations afin de les utiliser dans leurs propres articles et livres.”1 1 Hubert Guillaud, «lecture, profondeur, attention et matérialité», 2010 - voir http://lafeuille.blog.lemonde.fr 61
Compréhension et objets intellectuels de la lecture d’étude A travers ces différents modèles de lecture, j’ai pu établir ma propre modélisation des éléments qui entraient en jeu dans la compréhension d’un sujet de lecture.
Objet intellectuel n°2: le texte Objet intellectuel n°1: le parcours de lecture comprendre en suivant et annotant le déroulement discursif d’un seul texte lecture linéaire comprendre par association de plusieurs informations lecture associative 62
Objet intellectuel n°3: le corpus de textes
comprendre en réagençant et en retravaillant les éléments déjà lus lecture par l’écriture
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A la lueur de toutes ces observations, on peut établir un scénario de ce qu’est la lecture d’étude: une alternance entre la recherche des documents et leur survol (lecture associative) qui se poursuit par des phases de lecture linéaire et d’annotation (lecture linéaire) qui dialoguent naturellement avec des activités de synthèse et d’écriture plus ou moins construites. Le modèle ci-après constitue donc notre scénario-cible, le cycle dans lequel on va pouvoir aider à surmonter l’analphabétisme attentionnel.
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trouver et sélectionner les textes à lire
suivre annoter marquer
collecte
relire et collecter les éléments importants prélever relier déduire
traitement
synthèse
travailler un texte en particulier chercher sélectionner mettre de côté
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Ruptures d’attention et outils numériques : axes de projet Reprenons maintenant la question de l’attention, abordée durant la première partie comme problématique. A l’issue de cette analyse, je suis face à une grande diversité d’usages de la lecture. Cette diversité intervient à chaque stade du scénario que j’ai établi. Le problème attentionnel est donc le suivant: la diversité de ces usages créée des ruptures, qui sont accentuées encore par la répartition entre papier et numérique des activités d’étude que j’ai détaillées dans la première partie du mémoire. collecte rupture rupture
synthèse
traitement
rupture
L’enjeu d’attention de la lecture, et donc le fameux alphabétisme attentionnel, est donc de construire sa pensée à travers les ruptures intellectuelles et pratiques que demande le passage d’une phase à l’autre. Dans ce contexte, mes observations de terrain ont pris un autre relief. J’ai pu émettre des hypothèses sur les causes numériques de l’analphabétisme attentionnel des adolescents face aux outils numérique, qu’il s’agira donc d’éduquer. Et ainsi construire les axes de mon programme de projet. 66
Parcours de lecture et égarement « je me suis perdu dans ma recherche » : éviter la rupture L’évanescence du parcours de lecture Par le syndrome de l’égarement, c’est toute la notion de parcours de lecture qu’il faut questionner. S’égarer, c’est ne pas maîtriser la dimension de parcours dans la lecture. Ce parcours de lecture, qui existait déjà avant l’avènement de la lecture sur Internet, est rendu plus aisé, plus rapide, et plus fluide qu’avant. Mais, en contre-partie, les traces de ce parcours ne se présentent nulle part ailleurs que dans le maigre historique de notre navigateur internet ou de notre explorateur. D’autre part, l’actuelle répartition des sources de connaissance entre «papier» et numérique, rend le parcours de lecture d’autant plus dur à saisir qu’il implique pêle mêle livres, textes imprimés, fichiers pdf, pages internet ...
Développer une mémoire intelligente de son parcours de lecture J’en conclus qu’il manque aux pratiques actuelles des lecteurs des moyens pour garder une trace plus signifiante de leur parcours de lecture, et plus particulièrement de ce qu’ils ont survolé durant leur phase de collecte de documents. Fondamentalement, c’est d’abord l’absence de moyens de visualisation ou du moins de référencement des différents éléments parcourus ou produits qui complique 67
le passage de la phase de collecte à la phase de traitement. Dans le même sens, l’absence d’outils de captation (photo, scanner) intuitifs lors de la phase de collecte empêche de centraliser les sources et de pouvoir exploiter au mieux (en sans peur) le résultat d’une recherche sur la base de documents papier.
Textes à lire et saturation « difficile de se concentrer face à un écran» : subir la rupture « la visibilité avec les écrans, (d’où la piste du papier numérique), la typographie et la mise en page, jusqu’à l’absence d’unité, d’intégration qui empêche le lecteur de projeter son modèle de compréhension du texte lu. Le lecteur a une certaine idée du texte ; il doit en quelque sorte la recadrer à chaque manipulation, mais le lancement et l’exécution de cette nouvelle opération risquent de faire oublier la première version, la première idée du texte. Le fil de lecture est coupé. La lourdeur, l’inefficacité de la manipulation créent un problème supplémentaire d’attention, de concentration. Une conséquence fondamentale de ces insuffisances est la surcharge opératoire du lecteur. »1
1 Giffard, op cit., p189 68
Beaucoup d’obstacles, peu de prises Les obstacles à la lecture sur écran sont nombreux et j’ai choisi de ne pas trop m’étendre sur ce point dans ce mémoire. On peut citer les obstacles typographiques (texte mal mis en page, entrecoupé de publicités ou d’éléments visuels mal placés, liens bleus). Il y a aussi le scintillement de l’écran qui, comme le montre Thierry Baccino dans la lecture électronique1, pose des problèmes de confort visuel. Enfin, il y a les sollicitations hypertextuelles multiples, qu’elles soient publicitaires ou liées au site lui-même, dans le corps du texte (liens) où à sa périphérie (menus, publicités). Elles perturbent la lecture continuent et exigent une série de micro-efforts cognitifs pour rester centré sur le texte. En conclusion, lire sur ordinateur «coûte cher». Pour preuve, selon une étude, on lit 25 % moins rapidement sur écran que sur papier. A cela s’ajoute l’absence de ce que j’appelle une «prise» sur le texte. Au-delà de la question de l’interaction qui mobilise toute l’attention à propos des médias numériques, dans la lecture des textes, il est très difficile d’ «adhérer» à un texte que l’on regarde passivement sur un écran à 50 cm de notre corps.
Avoir plus de prises sur le texte Avec le numérique, le texte perd de son unité et devient une succession de caractères intercalés à un point donné du flux Internet. Comment avoir une prise sur le texte? Tout d’abord, il s’agit d’une prise intellectuelle qui passe par 1 Thierry Baccino, La lecture électronique, Presses universitaires de Grenoble, 2004 69
les activités d’annotation et de travail sur les textes. Ensuite une prise sensible, liée à l’intelligibilité de l’objet de lecture et à des activités permettant de travailler physiquement le texte pour le travailler intellectuellement: pointer, souligner, gribouiller, feuilleter. En dernier lieu, une prise cognitive qui devrait passer par plusieurs points.
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•
Tout d’abord la propreté et l’intelligibilité du texte.
•
Ensuite vis-à-vis du positionnement dans le champs spatio-visuel de l’objet de lecture, possible avec un livre ou une liseuse, mais impossible avec un ordinateur.
•
Enfin, par l’unité spatio-visuelle qui, comme il a été prouvé par de nombreuses études, on mémorise mieux un texte sur une feuille que sur un écran.
Le corpus global face à la dilution « j’entrecoupe mes activités d’une série interminable de micro-pauses » : multiplier les ruptures Aucune vue d’ensemble des éléments de la recherche L’analyse que je fais de ce dernier syndrome numérique, n’est pas que les médias numériques seraient trop «distractifs». Selon moi, on ne peut pas aller contre ces micro-pauses. Mais on peut chercher à donner les moyens de mieux «raccorder» et «relier» les phases de travail. Dans ce sens, il y a un problème de visibilité de l’ensemble des opérations qui ont été faites sur l’objet. Tout d’abord vis-à-vis de la dichotomie entre les activités numériques et papier que j’ai observées. Chaque passage d’un média à un autre entraîne un décrochage qu’il faut donner les moyens de surmonter. D’autre part, au sein même de l’ordinateur, il est très peu ergonomique de commenter un texte en même temps qu’on le lit, et encore plus difficile de visualiser ces commentaires en même temps que le texte concerné. Dans les pratiques que j’avais observées, beaucoup d’adolescents écrivaient leurs commentaires et notes sur un fichier texte à côté du texte numérique. Quel lien avec le texte lu? ne pourrait-ce pas être un peu plus intuitif et lisible ? Enfin, comme le fait remarquer Alain Giffard, le classement en dossier sur les ordinateurs ne correspond pas du tout à 71
l’organisation intellectuelle qui se fait au sein d’un corpus. Il est trop hierarchique et ne permet pas assez de faire de rapprochements, de croisements. A l’inverse, le système de «tags» proposé par de nombreux services comme delicious, est lui trop ténu et trop anarchique pour permettre d’organiser vraiment sa pensée. Alors que l’intelligence de l’hyperlien devrait faire du numérique le champion de l’organisation intelligente des documents, on se rend compte que les pratiques «papiers» telles que le fait de mettre tous ses documents à plat ne se retrouve pas dans les pratiques numériques.
Mieux se repérer dans son corpus Il y a beaucoup à faire pour combattre le syndrome de la dilution. Tout d’abord, vis-à-vis de la visibilité des pratiques d’annotation personnelles, qu’elles soient manuscrites ou tapées. Ensuite, vis-à-vis des passerelles à trouver entre les médias numériques et les activités papier, pour surmonter des décrochages inutiles. Transférer les activités papier dans le système numérique? Concevoir des systèmes d’enregistrement de ces activités discrets et astucieux. Enfin, il s’agit d’inventer de nouvelles logiques de visualisation du corpus de documents mis en jeu pendant une recherche.
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un besoin de mĂŠmoire
Le parcours de lecture
Le corpus de textes
un besoin de visibilitĂŠ du corpus
Le texte
un besoin de prise(s) sur le texte
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74
Partie III: Comment garder le fil ?
positionnement
&
programme
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Design
et méthodologie
Un nouvel alphabétisme à accompagner Dans ses cours, Howard Reinghold, pédagogue américain, effectue des séances d’éducation à l’attention en divisant ses élèves en groupes effectuant diverses tâches et en variant au cours de la séance : prises de notes, commentaires du cours en direct via twitter, recherches Internet, ou au contraire écoute du cours avec ordinateurs fermés. Par ces méthodes, il tente de leur faire adopter une polyvalence et une intelligence des formes d’attention à adopter suivant leur stratégie d’apprentissage personnel. “Je veux que mes étudiants apprennent que l’attention est une compétence qui doit être apprise, pratiquée, et mise en forme : cette compétence doit évoluer si l’on évolue. L’extension technologique de notre esprit et de notre cerveau par les puces et le net a apporté une réelle puissance à des milliards de personnes, mais même dans les premières années de cette connexion permanente, il est clair que même pour les technologues enthousiastes de mon acabit, cette puissance peut induire en erreur, fasciner et détourner ceux qui n’ont pas appris – à qui l’on n’a jamais enseigné – comment exercer un contrôle mental sur les outils qu’on utilise.”1 Mon projet est de susciter une mobilité similaire dans l’activité de lecture, mais, à la différence de Reinghold qui se fonde sur la pédagogie de classe, en aménageant les outils eux-mêmes pour leur donner une valeur éducative. Cette valeur sera à la fois d’encourager de bonnes habitudes méthodologiques, mais 1 Howard Reinghold, traduit de l’anglais par Hubert Guillaud 76
aussi d’améliorer les outils pour viser une authentique lecture d’étude dans l’environnement numérique.
Influencer par les outils Mon projet est donc double vis-à-vis de l’activité de lecture d’étude: Je veux agir concrètement sur l’environnement technologique en mettant de nouveaux outils à disposition permettant de renforcer les liens logiques entre les différentes activités de la lecture d’étude et l’objectif du lecteur. Je souhaite d’autre part faciliter de bonnes pratiques méthodologiques à travers les outils eux-mêmes. Leur pratique entraînera, de manière douce, un petit «coup de pouce»* sollicitant de bonnes pratiques.
délimiter Concevoir des outils spécifiques à la lecture d’étude, qui identifient et symbolisent une activité à part. Par ce biais, décourager une multi-fonctionnalité abusive.
encourager Encourager de bonnes habitudes méthodologiques : en les automatisant pour une partie, en leur donnant une visibilité et une lisibilité pour l’autre partie. détail ci-après.
équiper Enfin, équiper ces habitudes méthodologiques de fonctionnalités nouvelles issues du diagnostic des «syndromes attentionnels» réalisée dans la seconde partie du mémoire. 77
Quels habitudes méthodologiques générales véhiculer?
garder un recul sur sa recherche Aider à garder un recul sur sa recherche passe d’abord par des moyens de représentation : rappeller au lycéen l’objectif de sa recherche, les opérations qu’il a effectuées, lui donner une visibilité maximum sur son travail grâce aux outils numériques.
relier les différentes phases de lecture Il s’agit d’outiller les transitions entre les phases de lecture pour les connecter à l’objectif fixé. Comment faire cela? Par un dispositif «pivot» qui connecte les différentes activités de collecte, traitement et synthèse, et permet plus d’intéraction entre celles-ci.
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savoir d’où viennent les textes mobilisés Il faudrait permettre au lycéen de retrouver facilement la trace d’un texte cité ou stocké en enregistrant automatiquement sa source et en permettant de la visualiser. Cette question, à l’origine de nombreuses «confusions documentaires» liée à la signification d’informations sorties de leur contexte d’énonciation, pourrait être abordée par une légère automatisation permettant à l’élève de revenir sur ses pas et de vérifier «où est-ce qu’il a pris» tel ou tel texte.
faciliter l’aller-retour entre lecture et écriture Enfin, il faudrait rendre plus lisible les annotations et le processus de copier-coller et de manipulation successive des textes, pour en permettre une pratique active et éclairée.
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Une
question d’appropriation
approprier, v. trans. : rendre propre à un usage, adapter Mon pari, est de travailler sur les «problèmes» d’attention des adolescents en donnant des outils pour garder le fil de sa réflexion et de son travail malgré la variété de formes d’attention et d’activités mis en jeu dans la lecture d’étude. Permettre de s’approprier une diversité de pratiques qui ensemble constituent l’unité et le sens du travail de réflexion qu’est activité de lecture d’étude, tel est l’objectif du projet. Ma recherche s’attachera aussi à favoriser l’auto-satisfaction et le plaisir du travail d’étude par des outils de représentation poétiques et des interfaces suggestives.
s’approprier son parcours de lecture s’approprier les textes s’approprier le corpus global des productions
garder un recul sur sa recherche relier les différentes phases de lecture faciliter l’allerretour entre lecture et écriture savoir d’où viennent les textes mobilisés
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Ajuster des pratiques existantes Avec ces objectifs méthodologiques en tête, la recherche se fera via des hypothèses fondées sur les scénarios existants et les pratiques observées, dans une logique de «moindre changement, maximum d’effet»
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Nouveaux outils, nouveaux usages, nouveaux imaginaires
Penser aborigène!
Le parcours de lecture
s’approprier
Le corpus de textes
Le texte
que serait une lecture d’étude? faire sa cuisine textuelle
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le parcours de lecture > penser aborigène!
les textes > que serait une liseuse d’étude?
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le corpus de textes > faire sa cuisine textuelle
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axe 1: s’approprier le parcours de lecture
Penser
comme un aborigène
Et si l’on pouvait revenir facilement sur ses pas pendant une recherche? Tirer des leçons des sites visités, ne pas perdre une miette de ce que l’on a écrit pendant la lecture, savoir à quel moment on a lu tel ou tel texte?
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Trouver les moyens numériques pour véhiculer une mémoire du parcours de travail visualiser > repérer > sélectionner Garder mémoire de ce qui a été fait pendant une recherche, passe par deux choses : enregistrer ce qui a été fait, puis le restituer de manière significative. L’enjeu méthodologique qui réside derrière le parcours de lecture : Comment j’en suis arrivé là? D’où vient ce texte que je suis en train de lire? Quel a été mon parcours de lecture Mon projet est donc de concevoir un outil réflexif, permettant de visualiser ses opérations, de se «regarder avoir fait». Les outils existants sont très rudimentaires : l’historique de navigation internet et autres systèmes de favoris n’offrent aucune lisibilité et ne sont pas vraiment exploitables. Cet outil sera à dominante numérique, intégré dans l’ordinateur (plug-in sur un navigateur) ou dans un des objets de la gamme que je vais concevoir. Le premier enjeu sera de définir par la définition plus précise de ces scénarios de recherche, quels éléments pourraient significativement aider ce travail de «prise de recul» : temps passé sur les pages, liens logiques, etc.
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Développer un imaginaire du parcours L’autre enjeu sera de travailler sur des métaphores intéractives permettant cette réflexivité du parcours de lecture. Dans le désert, au cœur de l’Australie, des centaines de pistes invisibles s’entremêlent. Chaque piste a ses histoires qui racontent la formation du paysage par des Êtres animaux, plantes, feu ou pluie. Les Aborigènes, Yapa, les appellent Ancêtres des Rêves, Jukurrpa, les pistes de leur loi spirituelle et de leur culture. Ces pistes permettent de déchiffrer le savoir yapa relatif à la terre.1 L’anthropologue Barbara Glocewski, lors de la réalisation d’un CD Rom sur la culture aborigène, découvre que la mythologie aborigène se rapproche énormément dans sa structure de la manière dont se construit le sens sur Internet. un mode de pensée réticulaire du mythe et de la mémoire qui rejoint la structure cognitive de l’internet
Comment véhiculer un imaginaire du parcours significatif? Retrouver une projet de l’hypertexte, à savoir construire son propre parcours de lecture et pouvoir s’en servir?
1 tiré d’une présentation des travaux de Barbara Glocewski - voir http://www.lepost.fr/ article/2010/04/17/2036509_web-2-0-et-la-pensee-en-reseaudes-arborigenes-d-australie-une-vue-geniale-par-barbaraglowczewski.html 87
dispositifs de mémorisation
Matthiew Marino, «cf» : interface permettant de manipuler des articles de presse sur Internet
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Hochschule fur Gestaltung und Kunst Zurich Interaction Design Patrick Vuarnoz, thésaurus visuel des informations relatives au tsunami de 2005
peintures aborigènes
de nouvelles métaphores de lecture
Tiré de Mille Plateaux, Gilles Deleuze & Félix Guattari
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axe 2: s’approprier les textes
Que
serait une liseuse d’étude?
Et si les lycéens avaient à leur disposition un outil simple et adapté pour lire et annoter les textes issus d’un ordinateur?
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Dessiner un objet qui conforte l’activité de lecture «linéaire» transférer > étudier > annoter Mon projet est de concevoir un objet séparé de l’ordinateur dédié à l’annotation et à la lecture approfondie des textes numériques. Il s’agira de reprendre et d’approprier à la lecture d’étude l’archétype de l’e book, ainsi que les outils d’annotation existants. Cette appropriation passe par deux points: •
des fonctions d’annotation avancées
•
une présence physique et tactile de l’objet facilitant une attention soutenue vers le texte karim zaoui, livre numérique
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Permettre une annotation ergonomique et simple via une liseuse numérique Outre le confort de lecture, comme on l’a, vu la notation est l’un des enjeux majeurs de l’attention linéaire à un texte. Quelle est la place des pratiques «de clavier» et des pratiques «de crayon» dans cette activité? comment dégager une convergence?
Favoriser l’alternance entre lecture et écriture dans un système numérique Au-delà des fonctions d’annotation, il s’agit de faciliter la relation entre notation et lecture. ENSCI et Minatec, projet «e note»
On a vu que les pratiques d’écriture se rapprochaient du palimpseste et de la sculpture. Il s’agira de s’adapter aux activités de copier-coller, et à la logique «constructive» de lecture en permettant de construire conjointement sa lecture et ses notes.
D’autre part, il faudra trouver les moyens techniques d’établir une relation très simple et très intuitive avec l’ordinateur, permettant de transférer sur la liseuse un texte constitué ou un extrait, et de pouvoir renvoyer les annotations de manière très simple.
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spam ghetto
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axe 3: s’approprier le corpus de textes
Une
interface pour cuisiner son corpus Et si un dispositif spécial permettait de mettre en relation les différents objets mis en jeu de la lecture pour pouvoir les travailler avec plus d’aisanceet mieux effectuer la synthèse de ces lectures?
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Une interface de manipulation globale regrouper > relier > classer > préparer La vocation de ce dispositif sera de visualiser et de manipuler les textes lus avec la liseuse d’étude, et même les annotations effectuées, pour reprendre son travail. Cet outil de synthèse tirera parti de sa connexion avec les autres activités pour rendre plus clair le travail de mise en relation, de citation et de rebond sur les textes. Il s’agit de rendre le corpus plus intelligible par des codes de représentation plus appropriés que les rudimentaires systèmes de fichiers/dossiers que l’on trouve sur un ordinateur ou les classeurs et trieurs que l’on utilise avec le papier. Il s’agit aussi de rendre intuitive cette manipulation, à travers une pratique plus gestuelle que ce qui est proposé sur un ordinateur. Il s’agira enfin de permettre d’effectuer des opérations sur les documents aidant à la compréhension.
extrait du film «minority report»
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Questions d’espace
projet «bend desk»
Pour contourner le manque de visibilité et d’intuitivité des pratiques numériques actuelles, l’outil de «cuisine de corpus» pourrait constituer un dispositif en soi, séparé des appareils numériques existants.
Pour manipuler convenablement le corpus, il faut un espace suffisant et une plus grande variété de gestes.
Vous avez dit classement? Que faire des documents papiers? Ma démarche sera intégrative : pourrait-on trouver des moyens de connecter les pratiques papier au système de classement et de traitement de texte que permet l’informatique? Pourrait-on augmenter ses notes personnelles d’une signature numérique permettant de les replacer? ou au contraire se contenter de projeter sur un document papier des éléments supplémentaires?
Louvre DNP Museum Lab
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Conclusion Alors que nous passons de plus en plus de temps devant un ordinateur ou un terminal mobile, les méthodologies de lecture et l’apprentissage d’un alphabétisme attentionnel sont des compétences de plus en plus indispensables. « Garder le fil » se présente comme la mise en œuvre d’hypothèses d’outils contribuant à de bonnes pratiques de lecture à l’ère numérique, dont le pari est de se centrer sur les scénarios d’usages concrets des lecteurs plutôt que sur un dispositif technologique en particulier. Je veux répondre aux problèmes d’attention rencontrés par les lycéens lors de leur travail par des outils spécialisés pour la lecture d’étude, et dédiés à l’appropriation des trois objets de la lecture d’étude : le parcours de lecture, le texte, et le corpus de documents. Cette appropriation s’effectuera par le biais de fonctionnalités nouvelles pour travailler sur les textes, mais aussi par le fonctionnement intrinsèque du dispositif qui encouragera de bonnes pratiques méthodologiques telles que la délimitation de l’activité et le recul sur les opérations effectuées pendant la séance. Elle s’incarnera aussi par une appropriation au sens plus sensible, appropriation physique et symbolique tout à la fois, à travers des objets séparés de l’ordinateur conçus pour contribuer de manière poétique à la dynamique du travail intellectuel qui se fait à travers ces pratiques. Le projet tentera d’être au plus rigoureux et complet dans les scénarios d’usages et la logique des interfaces véhiculées, et ira le plus loin possible en ce qui concerne l’aspect technique de l’intégration de ces outils dans l’environnement numérique.
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Les thèmes à aborder lors de la phase de conception sont vastes : que ce soit la logique et l’ergonomie des objets et interfaces, les fonctionnalités et usages à dégager de la connexion des objets, les imaginaires à véhiculer avec l’idée de parcours de lecture, ou les problèmes technologiques d’intégration de ce projet dans l’écosystème numérique. Lors de la présentation de mon projet à des personnes extérieures, j’ai été frappé de voir combien les personnes de tous âges un tant soit peu en contact avec les nouvelles technologies se reconnaissaient dans les changements de pratiques que j’identifiais et réalisaient soudain que le système numérique actuel n’était pas anodin dans leur «mode de fonctionnement» intellectuel. A travers ce projet, il s’agit de dessiner un réajustement des dispositifs technologiques existants vis-à-vis de l’essence de cette activité de lecture d’étude. Le défi de « garder le fil » sera de s’intégrer au maximum dans l’industrie de la lecture numérique telle qu’elle se présente en termes d’appareils, de formats de fichiers, de logiciels existants, tout en ayant un impact sur la pratique des textes dans le cadre de la lecture d’étude. Outre ce premier défi relevant de la synthèse créative, j’espère aussi donner envie de lire et de réfléchir au public que je vise. De rendre belle et désirable l’activité même de réflexion, non pas en l’agrémentant de décorations tapageuses ou de visuels accrocheurs, mais en la donnant à voir de la manière la plus limpide et suggestive possible. A travers le pouvoir de suggestion et de poésie des objets, qu’ils soient analogiques ou numériques, mon voeu le plus cher serait de donner à voir la beauté du mouvement d’une pensée en train de se construire au contact de la pensée des autres. Dans tout ce que cette activité si humaine qu’est la lecture, a de miraculeuse et de profondément personnelle.
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Bibliographie Livres ANDLER D. et GUERRY B. - Apprendre demain: éducation et sciences cognitives à l’ère du numérique, Hatier, Paris, 2008 BACCINO T. - la lecture électronique, Presses universitaires de Grenoble, Paris, 2004 BORGES J.L. - Le livre de sable, Gallimard, Paris, 1983 CHOKRON S. - Pourquoi et comment fait-on attention?, Le Pommier, Paris, 2009 FAURÉ C. , GIFFARD A., STIEGLER B. - Pour en finir avec la mécroissance, Flammarion, Paris, 2009 MANGEL A. - Une histoire de la lecture, Actes Sud, Paris, 2000 MEIRIEU P. - Pourquoi est-ce si difficile d’écrire?, Bayard, Paris, 2007 MOLES A. - Micropsychologie et vie quotidienne, Bibliothèque Méditations, Paris, 1976 MONTUS M. - apprendre l’autonomie au CDI, Hachette, Paris, 1997 STIEGLER B. et collectif - Le design de nos existences : à l’époque de l’innovation ascendante, Mille et Une Nuits, Paeis, 2008 SUSSAN R. - Optimiser son cerveau, Fyp Editions, Paris, 2009
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Articles scientifiques British Library / JISC - “Information behaviour of the researcher of the future”, 2010 http://www.jisc.ac.uk/media/documents/programmes/reppres/ ggworkpackageii.pdf HAYLES C. - « Hyper and deep attention : generational divide in cognitive modes», Post human destinies, 2010 http://www.sciy.org/2010/11/24/hyper-and-deep-attention-thegenerational-divide-in-cognitive-modes-by-n-katherine-hayles/ HILLESUND T. - «Digital reading spaces: how experts handle books, the Web and electronic paper», peer reviewed journal of the Internet, 2010 http://firstmonday.org/htbin/cgiwrap/bin/ojs/index.php/fm/ article/view/2762/2504 LIU Z. - «Reading behavior in the digital environment», Emerald Group Publishing Limited, 2005 http://www.emeraldinsight.com/journals. htm?articleid=1529390&show=html
Etudes culturelles Département des études et de la prospective - «Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique», 2009 Département des études et de la prospective - «Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission - un choc de cultures», 2009 Fondation Mc Arthur - Digital Youth Project - “Learning with new media”, 2008 Kaiser Family fondation - “Generation M, Media in the Lives of 8-18 Year olds”, 2010 101
Sites internet (revues et blogs) Internet actu, revue en ligne de l’association FING. Adresse : www.internetactu.net Articles principaux : Sommes-nous mutlitâches ? - Pour une écologie informationnelle - Le nouvel alphabétisme - Le papier contre l’électronique - Internet modifie-t’il la façon dont on pense ? - Net attacks! nos cerveaux attaqués par le net - Google nous rend-il idiots ? La feuille, blog de Hubert Guillaud, journaliste, article «lecture, attention, profondeur et matérialité» Adresse: http://lafeuille.blog.lemonde.fr/ Site educnet.fr, dossier «la lecture sur écran» Adresse: http://www.educnet.education.fr/actualites/archives/ septembre/la-lecture-sur-ecran Visual complexity Adresse: http://www.visualcomplexity.com/vc/ Site des documentalistes de l’académie de Rouen Article «lecture(s)?» Adresse: http://documentation.spip.ac-rouen.fr/spip. php?article322 Science et Vie - la lecture change, nos cerveaux aussi Adresse : http://pvevent1.immanens.com/fr/pvPage2. asp?puc=2232&pa=1&nu=1
Colloques et conférences «Nouvelles formes d’adresse au public» - colloque organisé par l’IRI sur le thème de l’attention «Ecole 2.0», colloque organisé par le collectif Compas 102
Remerciements
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Vincent Rossin et Vaïana Le Coustumer, professeurs modèles : perspicaces, engagés et contemporains. Léa, et les autres adolescents, point central de tout cela. Catherine Loisy et l’INRP qui m’a reçu et aiguillé au début de mon projet avec beaucoup de gentillesse. L’Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou, qui m’a reçu au début de ce projet, et avec qui j’espère reprendre contact à l’issue de ce mémoire, pour la suite du projet. Hubert Guillaud, qui m’a écouté et conseillé dans la constitution de ce projet et à qui je dois une grande part des fondements et des sources citées dans ce mémoire. Christine Paillard, documentaliste, qui m’a reçu et ouvert de très intéressantes perspectives à propos des activités de documentation des nouvelles générations. Les documentalistes qui m’ont répondu positivement et avec qui je reste en contact dans la continuation de ce projet. Les institutrices avec qui j’ai travaillé au début du projet, avant de me rendre compte qu’elles faisaient trop bien leur travail pour que je puisse imaginer des outils vraiment utiles. Mes camarades de classe, avec qui j’ai partagé voyages et projets pendant deux ans, et bien plus que cela. Ma future binôme de charrette, qui ne perd rien pour attendre. Et enfin, mes parents qui m’ont soutenu et écouté comme à leur habitude, tout au long de l’écriture de ce mémoire.