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bulletin des musées de la Ville de Liège hors série n° 34 septembre 2015
Résidences Ateliers Vivegnis International Catalogue 2014 - 2015 RAVI 2014-2015
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Cette publication constitue le catalogue
Sommaire
de la saison 2014/2015 des Résidences-Ateliers Vivegnis International.
De l’infusion à la diffusion.................................................. 5 Introduction...................................................................... 7
Coordination : Chantal Olivier et Fanny Laixhay Rédaction : Pierre Henrion Adaptation anglaise : CompanyWriters.be sprl
Entretien avec Laurent Jacob......................................... 11 Le Canal / Het Kanaal..................................................... 16 RAVI............................................................................... 19
Résidents 2014/2015
Jeanne Berger..................................................................... 20. Ludovic Demarche............................................................... 22. Daniel Djamo....................................................................... 24 Emmanuel Dundic................................................................ 26. Dritan Hyska........................................................................ 28. Jérôme Giller........................................................................ 30. Eleni Kamma........................................................................ 32 Samuel Labadie................................................................... 34. Sophie Langohr................................................................... 36 Jonas Locht . ...................................................................... 38. Romain Metivier................................................................... 40. Francis Morandini................................................................ 42 Hélène Moreau.................................................................... 44. Le Prisme // Aurélie William Levaux / Moolinex..................... 46. Magali Roussel.................................................................... 48 Adrien Siberchicot................................................................ 50. Zoé van Der Haegen............................................................ 52.
I nformations pratiques.................................................... 54 Remerciements............................................................... 55
Liège•museum Hors série du bulletin des musées de la Ville de Liège. Éditeur responsable : Jean Pierre Hupkens. 92, Féronstrée, be-4000 Liège. museum@liege.be Imprimé à 1500 exemplaires sur papier recyclé, sans chlore, par l’Imprimerie de la Ville de Liège. Les images illustrant les notices réservées aux résidents sont reproduites sous la seule responsabilité de ces derniers. Photo de couverture : © Nathalie Noël Liège, septembre 2015. RAVI 2014-2015
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De l’infusion à la diffusion
From infusion to diffusion
Les résidences-ateliers, laboratoire et lieu d’expérimentation, affichent l’ambition de s’inscrire dans un réseau international d’échanges. Cette publication témoigne du deuxième cycle d’accueil d’artistes aux RAVI.
Studio residencies, laboratories and experimental sites, are clear about their ambition to contribute to an international network of exchanges. This publication celebrates the second cycle of Artists in Residence hosted by RAVI.
La sélection de ces artistes est le résultat d’un appel international qui débouche sur le dépôt de près de 150 candidatures avant l’examen du comité artistique. Cette instance, qui disposait d’un mandat de 4 ans pour accompagner la mise en œuvre d’un projet requérant la contribution de professionnels du secteur, est appelée à se renouveler prochainement. Je saisis cette opportunité pour saluer la qualité de son travail sous la houlette de son directeur, Laurent Jacob. Les membres de ce comité ont balisé de leurs réflexions, de leurs suggestions et de leurs critiques constructives le cheminement d’une infrastructure qui gagne en crédibilité et en notoriété sur la scène internationale. À cet égard, la lecture, dans cette brochure, du parcours des « anciens » résidents après leur passage en nos murs apporte une précieuse indication sur la qualité des postulants. En effet, au-delà de l’accueil, il s’agissait d’offrir à chaque résident les conditions qui permettent effectivement de satisfaire aux exigences du projet artistique. L’exploitation des ressources rassemblées par la Ville de Liège au sein du comité artistique contribuait à cet objectif. Sans doute ouvrons-nous aujourd’hui un nouveau chapitre en définissant avec le service communal des relations internationales la manière d’intéresser d’autres structures du même type à organiser un échange d’artistes. C’est aussi l’occasion de puiser dans le vivier des résidents passés aux RAVI dont le talent mérite une large diffusion. Cet axe stratégique sera au cœur de nos préoccupations pour l’avenir. De même, la mise en dialogue du travail de l’artiste avec les multiples réalités locales (écoles et galeries d’art, associations de quartier, musées) doit encore s’intensifier pour parfaire l’ancrage de l’infrastructure dans le tissu social et culturel de la Ville de Liège. Se déployer sans oublier ses racines.
Jean Pierre Hupkens Échevin de la Culture, de l’Urbanisme et des Relations interculturelles
The selection of these artists is the result of an international call for submissions that resulted in almost 150 candidatures submitted for examination by the artistic committee. This body, which holds a fouryear mandate to support and monitor the implementation of a project that also requires the contribution of professionals from the field, is due to be renewed shortly. I would like to take this opportunity to congratulate them on the quality of their work under the guidance of their president, Laurent Jacob. With their reflections, their suggestions and their constructive criticism, the members of this committee have set the course for the development of an infrastructure which has gained in international credibility and acknowledgement during their custodianship. In this respect, reading about the trajectory of former residents since their stay within our walls provides a precious indication of the standard of each year’s postulants. Indeed, beyond welcoming and hosting the artists, the programme involves offering the resident artists the kind of conditions that enable them to best meet the demands of their particular project. Making best use of the resources gathered together within the artistic committee by the City of Liege contributes to this goal. We are doubtless opening a new chapter in the development of our municipal service for international relations by defining ways to capture the interest of other structures of a similar type, with a view to organising an exchange of artists. This is the occasion to reach into the pool of past RAVI residents, whose talents merit much wider diffusion. This strategic axis will be at the heart of our future preoccupations. Similarly, the dialogue between the work of the artist and the many local realities (art schools and galleries, local associations, museums) must be further intensified in order to perfect the way that our infrastructure nests into the social and cultural fabric of the City of Liege. Spread your wings, but do not forget your roots. Jean Pierre Hupkens Alderman for Culture and Urban Planning
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Introduction
Les Résidences-Ateliers Vivegnis International (RAVI) s’intègrent au programme de pôle artistique que la Ville de Liège soutient depuis plusieurs années dans le quartier Saint-Léonard. Il s’agit de valoriser tout un territoire en exploitant son potentiel en termes de « métiers des arts », dont attestent l’importance des associations culturelles qui s’y trouvent implantées et le nombre croissant de créateurs qui y vivent ou y travaillent. Le choix du site « Vivegnis » en tant que centre de cette dynamique s’est imposé naturellement : aujourd’hui devenu emblématique du redéploiement de la Cité ardente, ce périmètre autrefois dévolu à l’activité minière combine en effet du logement, des espaces publics de qualité et la présence d’opérateurs actifs dans les secteurs tant économiques qu’artistiques. Les RAVI associent des habitations en appartements neufs et des ateliers aménagés dans un bâtiment industriel qui s’intégrait aux installations du charbonnage Bonne Espérance / Batterie dont une partie est occupée depuis 1983 par Espace 251 Nord. Menée à bien d’après les plans de l’agence AIUD, la réaffectation s’inscrit dans une volonté de respecter le sens du bâtiment historique. C’est sensible dans RAVI 2014-2015
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The Vivegnis International Studio Residencies (RAVI) forms an integral part of the artistic hub that the City of Liege has supported for several years in the SaintLeonard district. The intention is to valorise an entire zone by developing its potential as a centre for arts and crafts, to which the importance of the various associations already implanted in the area, as well as the growing number of creative talents who have made it their home or place of work all readily attest. The choice of the “Vivegnis” site as the dynamic heart of this renaissance came naturally. Recognised today as emblematic for the redeployment of the Ardent City, this perimeter, formerly dedicated to mining activity, effectively unites housing, public spaces of quality and the presence of active catalysts in the economic as well as artistic realms. RAVI combines recently finished apartment housing with a series of pre-equipped studios installed within an industrial building that was formerly part of the
la distribution intérieure qui respecte la logique de l’architecture en place : ainsi, le volume à toiture plate en façade avant et jadis destiné à de l’administration accueille des bureaux et une cafétéria ; alors que les anciennes salles de travail qui s’élèvent sur deux niveaux abritent les ateliers d’artistes, un local polyvalent et des cellules de stockage. La transformation en plateforme de leur toiture à l’origine à redents partiels permet non seulement d’agrandir le volume intérieur mais également d’affirmer la nouvelle identité du lieu, ce à quoi participe encore l’ajout d’une coursive extérieure qui règle la circulation horizontale et permet de ne pas amputer le premier étage d’un couloir de distribution. L’asbl « Les Manifestations liégeoises » a été désignée en tant qu’opérateur principal. En accord avec la Fédération Wallonie-Bruxelles qui délivre une subvention de fonctionnement et la Ville de Liège qui met à disposition les infrastructures, du personnel et l’appui de ses services techniques, les objectifs se concentrent sur la définition
d’une plateforme d’expérimentation, d’approfondissement et de professionnalisation pour le travail des artistes plasticiens. La mise en œuvre du programme se passe avec un comité artistique composé d’opérateurs culturels, de représentants des autorités communales et communautaires désignés pour des mandats de 4 ans renouvelables. Son rôle tient tant de spécifier les axes de la politique que de désigner les résidents ; elle intervient également dans l’accompagnement de ces derniers, notamment destiné à les orienter vers les professionnels du secteur. Pour remplir la capacité d’accueil annuelle de 12 artistes en résidence pendant 3 mois, la sélection s’effectue sur invitation, sur proposition d’institutions actives dans le domaine de l’art contemporain et, majoritairement, sur base d’un dossier de candidature suivant le lancement d’appels à projet. Elle accorde une place prépondérante à l’international mais réserve également un tiers des disponibilités à des ressortissants de la Fédération WallonieBruxelles. Cette mixité structurelle induit la notion
Bonne Espérance / Batterie mining complex, of which part has been occupied since 1983 by Espace 251 Nord. Implemented according to plans from the AIUD agency, this reallocation has been carried out with the intention of respecting the original purpose of this historic building. This is noticeable in the interior design, which respects the logic of the existing architecture: thus the flat-roofed segment with the front facing facade, which once housed administrative facilities, is now given over to offices and a cafeteria, while the former factory floors, on two levels, contain the artist studios, a multi-purpose space and storage rooms. The transformation of the original semi-sawtooth roof into a platform has enabled not only the provision of additional interior volume, but also confirms the new identity of the site, an identity that is further enhanced by the recent addition of an external gallery to solve issues of horizontal traffic and thus avoid the need to amputate the first floor with a distribution corridor.
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d’échange qui constitue une valeur centrale du projet : échange entre créateurs locaux et étrangers, entre artistes chevronnés et talents prometteurs… mais également échange au sein du tissu social, économique et associatif du quartier Saint-Léonard. D’emblée, les autorités communales ont en effet souhaité qu’il y ait un ancrage dans la ville, jugeant l’intérêt de cette démarche tant pour les artistes qui évitent de s’isoler dans leurs recherches et peuvent profiter des ressources humaines, techniques, industrielles et artisanales disponibles en dehors des résidences au sens strict, que pour les habitants auxquels ils apportent une offre culturelle complémentaire à ce que le quartier propose. Dans le même ordre d’idées, une dynamique de partenariats est engagée avec une série d’opérateurs locaux (Les Ateliers d’Art Contemporain, Revers asbl, Space, Le Comptoir des Ressources Créatives, Espace 251 Nord…) et de manifestations comme le Prix de la Création ou la Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège. Au cœur du
maillage culturel tissé autour des RAVI, une attention particulière est portée à la valeur pédagogique du projet, notamment par des relations privilégiées nouées avec les établissements d’enseignement artistique, l’objectif étant de familiariser les étudiants au contexte professionnel de la création plastique. En plus d’un logement et d’un atelier, les artistes bénéficient d’une bourse et de l’appui d’une structure de gestion opérationnelle comprenant du personnel administratif et technique. Outre que gérer le déroulement des appels à projet, cette structure travaille à la mise en place pratique des résidences (installation dans les appartements et ateliers, soutien technique, rencontre avec les habitants, interface avec les services communaux…) et à la recherche de partenariats. C’est aussi elle qui prend en charge la médiatisation du projet, la publication des résultats et l’organisation des ateliers portes ouvertes qui clôturent les séjours.
The non-profit association “Les Manifestations liégeoises” (Liege Events) has been designated principal site operator. Working in accord with the Fédération Wallonie-Bruxelles (Wallonia-Brussels Federation), which provides an operating subsidy, and the City of Liege, which provides the infrastructure, personnel and technical support services, the aims are concentrated around the definition of an experimental platform enabling artists and sculptors to deepen and professionalize their work. Enacting this programme is in the hands of an artistic committee composed of cultural, municipal and communitary representatives appointed under a renewable four-year mandate. Its role is as much to specify the axes of policy as to designate the residents. It is also involved in accompanying the latter during their residency, especially with regard to setting up contacts with professionals from their discipline. In order to complete the annual hosting capacity of 12 artists in residence for 3 months, selection is carried out either by invitation based on suggestions received from institutions active in the contemporary art scene or, as is more frequently the case, based on submissions received following a tender for project candidatures. While the committee accords a preponderant importance to international candidates, it nevertheless reserves a third of available places to artists from the Wallonia-Brussels Federation. This structural diversity induces exchange, which in turn represents a central value of the project: exchange between local artists and visitors, between established artists and upcoming talents … but also within the economic, associative and social fabric of the Saint-Leonard district. From the outset, the municipal authorities were keen to see the project firmly anchored within the city, evaluating the interest in such an undertaking as much for the artists – who are not isolated in their research, but can profit from the considerable human, technical, industrial and artisanal resources beyond the immediate confines of their residence – as for the inhabitants themselves who benefit from an complementary expansion of the cultural presence and opportunities available in their neighbourhood. In a similar vein, a dynamic of partnership is engaged with a series of local actors (Les Ateliers d’Art Contemporain, Revers asbl, Space, Le Comptoir de Ressources Créatives, Espace 251 Nord…) and events, such as the Prix of the creation (Young Artists Award) or the International Biennale of Photography and Visual Arts of Liège. At the heart of this cultural web woven around RAVI, particular attention is paid to the pedagogical value of the project, especially in the privileged relations formed with art colleges, the aim here being to familiarise students with the professional context of the visual arts. In addition to being allocated lodging and a studio, the artists benefit from a grant and the support of an operational infrastructure both administrative and technical. Apart from managing the submissions process, this structure also works on the practical aspects of the residencies (the furnishing of the apartments, technical support, contact with the locals, interface with municipal services …) as well as the search for possible project partners. It also takes care of the media relations aspects of the project as well as the organisation of the exhibitions that close each residency.
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Avec l’expérience acquise, il s’agit aujourd’hui d’ouvrir de nouvelles séquences d’activités. Ainsi, à la dynamisation des ouvertures publiques s’ajouteront l’accueil de curateurs étrangers, le suivi des anciens résidents, l’organisation de workshop, de master class, de cycles de conférences et de projections. Parmi les objectifs prioritaires, il faut compter les renforcements des liens avec des structures sœurs dans un réseau européen, non seulement pour mieux y inscrire les RAVI, pour organiser la circulation de savoirs mais aussi pour favoriser le séjour en résidence des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Avec la collaboration du Service des Relations Internationales de la Ville de Liège, les RAVI mènent un travail pour étudier les opportunités offertes par les villes jumelées mais surtout pour identifier les opérateurs les plus compatibles avec ses objectifs, pour nouer des contacts avec eux et développer des procédures pérennes d’échanges.
With the light of experience, the challenge is now to open up new sequences of activities. Thus, to the dynamism of public openings, will can be added the hosting of visiting curators, the follow-up of former artists in residence, the organisation of workshops, master classes, cycles of conferences and film projections. Among the primary aims must be included that of reinforcing links and networking with sister organisations at the European level. This will serve not only to promote RAVI and advance the diffusion of valuable know-how, but also to favour the residencies of artists from the Wallonia-Brussels Federation within Europe. With the collaboration of the City of Liege Service for International Relations, RAVI is not only studying the opportunities offered by our twin towns, but also seeking to identify those agencies and organisations most compatibles with its own objectives, with a view to contacting them for the development of sustainable long-term exchange projects.
Chantal Olivier Fanny Laixhay Coordination RAVi Coordinator RAVI
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Entretien avec Laurent Jacob
Directeur du Comité artistique des Résidences-Ateliers Vivegnis International (RAVI) Pierre Henrion – Quel bilan tirez-vous après 2 ans de fonctionnement des RAVI ?
INTERVIEW WITH LAURENT JACOB Director of the Artistic Committee for Residence-Ateliers Vivegnis International (RAVI)
What conclusions can you draw after 2 years of RAVI?
Laurent Jacob – Les RAVI constituent un outil performant et singulier en Wallonie, qui participe au positionnement de Liège dans le paysage de la création d’aujourd’hui. Le programme d’accueil est pleinement accompli et de nouvelles perspectives se dégagent. Les apports conjugués de la Ville de Liège et de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettent de proposer des conditions de résidence de grande qualité tant au point de vue des logements, des bourses que des ateliers. Les objectifs en termes de participation à la dynamisation du quartier Nord sont atteints, en ce compris sur le plan urbanistique ; cela devrait d’ailleurs se poursuivre avec des opérations comme la rénovation des deux entrées du site qui pourrait prendre place au moment du lancement de la passerelle vers les coteaux de la Citadelle. Il y a beaucoup de points à relever sur la variété des pratiques créatives, sur la diversité de nationalité des artistes accueillis, mais surtout sur le maillage structurel qui se tisse dans les milieux de la culture contemporaine. On peut observer que de nombreux professionnels du secteur sont régulièrement présents. Je pense à des collectionneurs et des galeristes : Nadja Vilenne et Jean-Michel Botquin qui travaillent avec des anciens résidents comme Eleni Kamma, Sophie Langohr ou Charlotte Lagro ; Albert Baronian qui a visité la structure pour voir la participation de Xavier Mary à l’opération Le Canal / Het Kanaal ; la Galerie Flux qui a proposé une exposition à Lola Meotti qui est, en outre, suivant un partenariat mis sur pied par l’Echevinat de la Culture, reprise pour une résidence au Kuba, à Sarrebruck. Nous réalisons de façon informelle un suivi des créateurs accueillis, qui me semble révélateur de la pertinence du travail mené avec le Comité artistique et les représentants de la Ville de Liège. Jérôme Giller a obtenu un subside pour une publication sur les recherches menées à Liège. Capucine Vandebrouck participera à l’exposition d’automne du Centre Pompidou Metz. Tatiana Bohm a été invitée par le centre d’art « Les Drapiers » pour une performance à l’occasion du vernissage du Bal des Galeries au Musée des Beaux-Arts de Liège en juin 2015. Béatrice Balcou a été invitée par le Centre Pompidou au festival Plateforme de Jeux ; elle a aussi été sélectionnée pour UNscene III au Wiels où on retrouve aussi Kasper Bosmans qui était présent à Art Brussel 2015 avec la pièce réalisée aux RAVI… RAVI constitutes a powerful and unique tool in Wallonia while helping to position Liege in the contemporary creative landscape. The hosting programme has been a complete success and has opened up new perspectives. The combined efforts of the City of Liege and the Wallonia-Brussels Federation empower us to offer high quality conditions of residence, whether with regard to lodging, grants or the studios themselves. The aim of revitalizing the Quartier Nord has been achieved, and this is also true of the urban planning goals; these should now be pursued further with projects such as the renovation of the two site entrances, which could go hand in hand with the launching of the footbridge to the Citadel escarpment. There are so many things worth mentioning: the variety of creative methods, the international diversity of the artists we have hosted … but above all, there are the structural networks we’re weaving within the contemporary cultural scene. It is significant that numerous professionals in the sector make a point of visiting RAVI 2014-2015
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regularly. I’m thinking of collectors and gallery owners Nadja Vilenne and Jean-Michel Botquin who work with former residents such as Eleni Kamma, Sophie Langohr or Charlotte Lagro; or Albert Baronian who visited RAVI to witness the participation of Xavier Mary in the operation Le Canal / Het Kanaal; or Galerie Flux who offered Lola Meotti an exhibition. In addition, thanks to a partnership set up by the Deputy Mayor for Culture, Jean-Pierre Hupkens, Ms Meotti will be a resident artist at Kuba, in Saarbrucken. We also informally keep track of the careers of artists we have hosted. This is quite revealing with regard to the pertinence of the work carried out by the Artistic Committee and the City of Liege representatives. Jérôme Giller has received a subsidy to publish the research he carried out in Liege. Capucine Vandebrouck will participate in the autumn exhibition at the Centre Pompidou in Metz. Tatiana Bohm was invited by the arts centre “Les Drapiers” for a performance at the opening of Bal des Galeries in June 2015. Béatrice Balcou was invited by the Centre Pompidou to take part in the festival Plateforme de Jeux; in addition, she has also been selected by UNscene III in Wiels where we may also find Kasper Bosmans who was in turn present at Art Brussel 2015 with the work he created while in residence at RAVI…
PH – Pouvez-vous en dire davantage sur les nouvelles perspectives ? Can you tell us more about the new perspectives?
LJ – Elles portent entre autres choses sur la réciprocité des échanges. Nous avons d’abord « accueilli », ce qui me semble constituer un prérequis à la meilleure façon « d’exporter ». Cela va de pair avec la constitution d’un réseau de structures sœurs. Mais, il faut travailler avec des objectifs définis et préserver des niches qualitatives. J’y accorde une importance particulière : mon rôle en tant que directeur du Comité artistique tient aussi à la dynamisation des maillages, notamment par l’accueil à Liège d’artistes et d’opérateurs culturels. Among other things, they will involve a greater reciprocity of exchange. Initially we “hosted”, which seems to me a natural prerequisite for “exporting”. This goes hand in hand with the creation of a network of sister organisations. But we should also work with clearly defined objectives to preserve the quality of our ‘niche habitats.’ I place considerable importance on maintaining these. My role as director of the artistic committee also depends on the dynamism of these networks, especially on the welcome that artists and other cultural figures enjoy in Liege.
PH – Y a-t-il déjà des résultats concrets ? Are there already concrete results?
LJ – Effectivement. En particulier avec Le Canal / Het Kanaal organisé à l’initiative d’Espace 251 Nord et du NICC. Les RAVI ont reçu quatre artistes flamands pour des séjours de un à deux mois. Quatre artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont été accueillis au sein de la structure de résidences AIR Antwerpen. En tant que productrice de liens entre le nord et le sud du pays, l’opération a reçu le soutien de la Fondation Roi Baudouin qui, dans le cadre d’un appel à projets intitulé Construire des ponts durables, a octroyé un subside de 10 000 euros. La Ville de Liège a également porté cet événement ; les organisateurs flamands ont été reçus pour présenter le projet. Les RAVI se retrouvent ainsi au cœur de synergies transversales avec des nouvelles possibilités de partenariats, notamment avec le BAM qui a envoyé une délégation. Outre la présentation des œuvres à l’issue des résidences, il y a eu deux expositions : une à Espace 251 Nord, l’autre à Anvers dans les murs d’Extra City où un prévernissage a été organisé pour une quinzaine d’opérateurs français ; étaient notamment présents des directeurs de FRAC, la directrice de la Biennale de Rennes et un représentant de l’association des curateurs français. L’exposition a en outre pris place en même temps que celle de Laure Provost, lauréate du prestigieux Turner Prize en 2013. A Liège, c’est une vingtaine de représentants des milieux
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culturels flamands qui ont fait le déplacement. Il y a eu des suites intéressantes tant pour les artistes que sur le plan institutionnel puisque les RAVI ambitionnent de conclure un accord d’échanges et de coopérations avec AIR, partenaire d’Espace 251 Nord. L’ensemble de ces mises en pratique et en relations favorise la professionnalisation des artistes et leur accès aux réseaux européens de l’art contemporain. Yes, in particular with Le Canal / Het Kanaal organised at the initiative of Espace 251 Nord and the NICC. For this, RAVI received four Flemish artists for residencies of one or two months. Meanwhile, the AIR (Antwerp) residencies hosted four artists from the Wallonia-Brussels Federation in Antwerp. In its catalytic role in stimulating exchanges between the north and south of Belgium, the operation was supported by the Fondation Roi Baudouin (King Baudouin Foundation) which, in the context of a tender for submissions entitled Constructing Durable Bridges, granted the project a subsidy of €10,000. The City of Liege also supported the event; the Flemish organisers were invited to present the project. RAVI thus found itself at the heart of transversal synergies offering new possibilities for partnership, notably with the BAM of the City of Mons who sent a delegation. Apart from the presentation of works at the close of residence, there were two exhibitions: one at Espace 251 Nord, the other in Antwerp at Extra City, where a pre-opening event was organised for about fifteen French cultural representatives, in particular the Directors of the FRAC, the Director of the Rennes Biennale and a representative of the Association of French Curators. In addition, the exhibition was held at the same time as that of Laure Provost, laureate of the prestigious Turner Prize in 2013. For the exhibition in Liege, about twenty representatives of the Flemish art scene made the journey. These events were followed by interesting developments, both for the artists and on the institutional level, as RAVI is on the point of concluding a cooperation and exchange agreement with AIR, which is already a partner of Espace 251 Nord. The application of these developments and the enhanced relations they involve serve to advance the professionalism of the artists and their access to European contemporary arts networks.
PH – Et par rapport au contexte liégeois… And in the context of Liege…
LJ – Il y a une véritable synergie. D’une part, l’expérience montre que les RAVI disposent à Liège d’un réseau naissant mais efficace pour aider les résidents qu’il s’agisse de soutiens techniques ou de rencontres sur le fond du travail. Les ressources offertes par le nombre important de personnes et d’associations relais permettent de donner des réponses pertinentes aux questions des artistes. Et, d’autre part, les résidences favorisent la récurrence de regards extérieurs portés sur des parts de notre identité que nous avons tendance à ne plus percevoir. On voit se redéfinir la notion d’école liégeoise dans toute sa créativité et sa diversité. Je pense que, par sa qualité de localisme universel, elle autorise une remise à niveau sur le plan international mais aussi des multiples possibilités d’ouverture aux publics par rapport à la création contemporaine. Enfin, il me semble que les RAVI sont à l’origine d’un plus grand dialogue entre opérateurs liégeois. There is a genuine synergy. On the one hand, experience shows that RAVI has at its service in Liege a fledgling but effective network to assist resident artists, whether in technical issues or in their search for contacts to advance their work. Resources offered by an important number of people and intermediary associations give us ways to consistently find a pertinent response to our artists’ needs. On the other hand, the residencies favour a recurring and penetrating regard from our visitors on aspects of our identity that have fallen into neglect and which we thus tend to overlook. We are witnessing a resurgence of the notion of a ‘Liege School’ in all its creativity and diversity. I believe that this conjunction of the local and the universal demonstrates a return to international standing as well as presenting multiple possibilities for acquiring new audiences ready to appreciate contemporary creations. Finally, I believe RAVI lies at the origin of a larger dialogue between the various actors in the Liege region.
PH - Si vous deviez mettre en avant des pistes de travail… And if you could point to certain courses of action to be taken…
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LJ – Les RAVI sont un outil en évolution. Une réflexion de fond devrait porter sur ce qui pourrait mieux les singulariser. Que peut-on faire à Liège qu’on ne peut pas faire ailleurs ? Cela devrait passer par la mise en valeur du tissu industriel et des entreprises de haute technologie. Cette piste de travail permettrait entre autres choses d’organiser des résidences de production. Elle donnera accès à des niveaux d’élaboration complexes, subtiles mais dont les effets seraient à n’en pas douter conséquents. RAVI represents a tool in evolution. A reflection in depth would have to bear upon enhancing that which makes us unique. What can we do in Liege that cannot be done elsewhere? This would involve emphasizing the industrial fabric of the city, including its high-tech businesses. Such a direction would permit, among other things, the idea of organising production-related residencies. These would give access to sophisticated even subtle levels of development, whose effects would doubtless be of consequence.
PH – Cela n’entrainerait-il pas des modifications dans l’organisation même des RAVI ? Wouldn’t this lead to modifications in the way RAVI is organised?
LJ – Pour être pleinement exploitée, cette idée implique une exigence accrue dans la sélection des résidents et dans le suivi de leurs projets. Il me semble en outre intéressant de réfléchir à comment offrir une meilleure flexibilité des durées de séjour et des ouvertures des ateliers. Si on veut inviter des artistes chevronnés, on doit pouvoir leur proposer des séquences de travail adaptées à leur emploi du temps. Ce n’est pas facile à organiser mais cela autoriserait le développement de projets plus ambitieux. Les RAVI deviendraient rapidement un centre de production labellisé. Cela permettrait par exemple de passer des accords avec des centres d’art et des musées partout en Europe pour la mise en œuvre de pièces spécifiques. To be fully exploitable, this idea would involve an even more demanding process of selection among residency candidates, as well as in the way their projects are monitored and followed up. It also seems appropriate that we should offer greater flexibility in the lengths of stay. If we want to attract established artists, we also need to be able to offer them a work cycle that matches their availability. This is not easy, but it permits the development of more ambitious projects. Thus RAVI will rapidly grow into a centre of production, even a brand. This will permit us to draw up agreements with arts centres and museums throughout Europe for the installation of specific works.
PH – Et en ce qui concerne la visibilité de la structure. And with regard to the structure’s visibility.
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LJ – Les RAVI sont un lieu de recherche, pas d’exposition. Il me semble dès lors important que la Ville de Liège puisse mettre sur pied des rétrospectives sur les réalisations significatives menées à bien en résidence. Cela permettrait à chacun de mieux comprendre le bien-fondé des choix du Comité artistique et les investissements consentis par les pouvoirs publics. Il me semble également nécessaire d’encore dynamiser la communication, surtout pour être présent dans des manifestations importantes comme le Brussels Creative Forum ou Art Brussel. RAVI represents a place of research, not an exhibition. It seems important to me that the City of Liege is able to set up retrospectives to present significant projects that were developed or completed during a residency. This will permit everyone to more clearly understand the rationale behind the decisions of the artistic committee and the use of investments authorized from the public purse. It would appear equally necessary to me that we enhance our communications strategy, in particular if we wish to be represented at important events such as the Brussels Creative Forum or Art Brussels.
PH – D’autres choses… Anything else…
LJ – Il y a encore beaucoup de pistes de travail à exploiter. Nous pourrions solliciter des personnalités actives en Belgique ou dans l’Euregio pour accompagner les résidents ainsi que des commissaires qui suivraient leur travail jusqu’à l’exposition. Il me paraît par ailleurs nécessaire de dégager des ressources complémentaires. Des relations étroites pourraient être nouées avec l’Université de Liège. Mais les choses se mettent en place. À court terme, les RAVI apparaîtront tant comme un lieu privilégié de médiation pour tous les publics que comme un centre d’excellence non seulement en tant que ressource pour le travail en résidence au sens large mais aussi en tant qu’outil de production. There are still so many avenues worth following. We could seek the support of personalities active in Belgium or in the Euregio to accompany our residents, as well as supervisors to monitor their work up to their closing exhibition. I think we shall also require supplementary resources. We might envisage working closely with the University of Liege. Things are beginning to fall into place. In the short term, RAVI appears as much a privileged space of mediation for different publics, as a centre of excellence, not only in terms of the resources that it can, in the widest sense, offer its resident artists, but also as a tool for production.
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LE CANAL / HET KANAAL Le Canal / Het Kanaal a été initié en 2012 par l’association flamande New International Cultural Center (NICC) représentée par Guillaume Bijl et le centre d’art Espace 251 Nord représenté par Laurent Jacob. Son objectif premier est de (re)définir la coopération culturelle entre scènes artistiques des deux communautés en produisant et en présentant des projets communs. Son positionnement en tant que plateforme active dans la dynamique de remaillage durable entre le nord et le sud du pays lui a permis de bénéficier d’un subside de 10 000 euros délivré par la Fondation Roi Baudouin suivant un appel à projets intitulé Construire des ponts durables. Ainsi, le NICC et Espace 251 Nord rendent concrets l’accord culturel entre Flandre et Wallonie récemment conclu et la volonté des Ministres de la Culture Joëlle Milquet et Sven Gatz d’intensifier les collaborations entre communautés. Le Canal Albert inauguré en 1939 pour relier Anvers et Liège a été le point de départ du projet. Le Canal / Het Kanaal a fonctionné comme un catalyseur pour le développement sur deux ans d’un premier processus créatif depuis la mise aux points des concepts d’ensemble jusqu’à l’exploitation de deux résidences et de deux expositions, en passant par l’écriture de conventions entre institutions, les recherches de subsides et de partenariats, la prise de contacts avec des professionnels du secteur et les rencontres avec les autorités locales. Le premier projet concrétisé réunit 4 artistes flamands (Kasper Bosmans, Elise Eeraerts, Thomas Grødal, Philippe Van Wolputte) et quatre artistes wallons (Jonathan De Winter, Xavier Mary, Fabian Rouwette, Antoine Van Impe) qui ont chacun bénéficié d’une résidence à Anvers (AIR) ou à Liège (RAVI) avant d’exposer à Extra City (juin/août 2014) et à Espace 251 Nord (octobre/novembre 2014).
Le Canal / Het Kanaal was initiated in 2012 by the Flemish association New International Cultural Center (NICC) represented by Guillaume Bijl and the art centre Espace 251 Nord represented by Laurent Jacob. Its primary objective is to (re)define cultural cooperation between art scenes in the two language communities by producing and presenting joint projects. Following a project tender entitled Constructing sustainable bridges, its position as a platform in the dynamic of building durable networks between the north and south of the country enabled it to benefit from a €10,000 subsidy from the King Baudouin Foundation. Thus the NICC and Espace 251 Nord are rendering concrete the recently concluded cultural accord between Flanders and Wallonia and the desire for a more intense collaboration between communities expressed by their respective Culture Ministers Joëlle Milquet and Sven Gatz. The Albert Canal, inaugurated in 1939 to link Antwerp and Liege, was the point of departure for the project Le Canal / Het Kanaal, which functioned for two years as a catalyst for the development of an initial creative process; from setting up a joint concept to the involvement of the two residencies and the two exhibitions, including the drawing up of conventions between the two institutions, the search for subsidies and partners, initiating contacts with professionals from the sector and meetings with municipal authorities. The first concrete project reunites 4 Flemish artists (Kasper Bosmans, Elise Eeraerts, Thomas Grødal, Philippe Van Wolputte) and 4 Walloon artists (Jonathan De Winter, Xavier Mary, Fabian Rouwette, Antoine Van Impe) each of whom has benefited from a residence in Antwerp (AIR) or in Liege (RAVI) before exhibiting at Extra City (June /August 2014) and at Espace 251 Nord (October/November 2014).
Illustrations : Vue de l’exposition Het Kanaal/Le Canal, Extra City, Anvers, juin/août 2014. Commissariat : Laurent Jacob et Lode Geens. © Nicc. RAVI 2014-2015
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Project calendar 2012/13: Meetings between Espace 251 Nord NICC and AIR, preparation of project.
Calendrier du projet 2012/13. Rencontres entre Espace 251 Nord NICC et AIR, préparation du projet. À LIÈGE 16/12/13. Première rencontre entre les artistes wallons et flamands avec une visite d’Espace 251 Nord et des RAVI. 15/02 > 15/03/14. Résidence aux RAVI de Kasper Bosmans qui a visité de nombreuses institutions culturelles et expositions liégeoises. L’artiste a développé une installation intitulée 2 x Cannary, fruit de ses échanges avec Laurent Jacob. 01/03 > 31/03/14. Résidence aux RAVI de Philippe Van Wolputte qui a décliné son projet Temporary Penetrable Exhibition Spaces autour d’interventions in situ dans des espaces abandonnés. 01/03 > 31/03/14. Résidence aux RAVI de Thomas Grødal qui a entamé un travail autour de l’unité des communautés linguistiques flamandes et francophones. A travers des promenades dans la ville et des visites d’entreprises, il a collecté de nombreux objets lui permettant de réaliser ses installations. 10/03/14. Rencontre à Espace 251 Nord entre les artistes du projet Le Canal/Het Kanaal, les artistes en résidence aux RAVI et des créateurs liégeois. 21/03/14. Visite du réseau 50°Nord. 28/03/14. Visite de 50 étudiants de l’Académie des BeauxArts de Liège. Présentation du projet par Kasper Bosmans. RAVI 2014-2015
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28/03 > 30/03/14. Ouverture des ateliers aux RAVI. 01/04 > 30/04/14. Résidence aux RAVI d’Elise Eeraerts qui a construit une sculpture destinée à flotter sur le Canal Albert. La grande technicité de son projet lui a demandé de rencontrer de nombreux interlocuteurs dont les services techniques des musées de la Ville de Liège qui lui ont été d’une grande aide. Un premier test a été réalisé à la piscine d’Eupen le 1er juin 2014. 25/10 > 29/11/14. Exposition Het Kanaal / Le Canal à Espace 251 Nord. 6/11/14. Journée organisée pour des curateurs et professionnels des arts visuels flamands à Liège. Clôture à Espace 251 Nord avec visite de l'exposition et apéritif dinatoire permettant une rencontre entre professionnels wallons et flamands. À Anvers 26/02/14. Air Tailor Made. Jonathan De Winter et Xavier Mary, Mea Culpa. 02/14. Résidence à Air Antwerpen de Jonathan De Winter 26/03/14. Air Tailor Made. Fabian Rouwette et Antoine Van Impe. 03/14. Résidence à Air Antwerpen de Fabian Rouwette et d’Antoine Van Impe. 13/06/14. Preview de l’exposition Het Kanaal / Le Canal avec l’accueil de curateurs français en visite en Belgique. 15/06/14 > 10/08/14. Exposition Het Kanaal / Le Canal à Extra City.
IN LIEGE 16/12/13: Initial meeting between the Walloon and Flemish artists with a visit to Espace 251 Nord and RAVI. 15/02 > 15/03/14: Residence at RAVI for Kasper Bosmans, who visited numerous cultural installations and exhibitions in Liege. The artist developed an installation entitled 2 x Cannary, the fruit of his exchanges with Laurent Jacob. 01/03 > 31/03/14: Residence at RAVI for Philippe Van Wolputte who developed his project Temporary Penetrable Exhibition Spaces around installations in situ in abandoned spaces. 01/03 > 31/03/14: Residence at RAVI for Thomas Grødal who took on a work based around the unity of the Flemish and Francophone linguistic communities. On his wanderings around the city and his visits to companies, he collected numerous objects that permitted him to realise his installations. 10/03/14: Meeting at Espace 251 Nord between the Le Canal/Het Kanaal project artists, the artists in residence at RAVI and artists from the Liege area. 21/03/14: Visit of the network 50°Nord. 28/03/14: Visit of 50 students from the Liege Academy of Fine Arts (Académie des Beaux-Arts de Liège). Presentation of the project by Kasper Bosmans. 28/03 > 30/03/14: Opening of the RAVI studios. 01/04 > 30/04/14: Residence at RAVI for Elise Eeraerts who constructed a sculpture intended to float on the Albert Canal. The technical challenges of this work required consultations with a variety of experts, including the technical service of the City of Liege Museums whose help was invaluable. An initial test was carried out in the swimming baths in Eupen on the 1st June 2014. 25/10 > 29/11/14: Exhibition Het Kanaal / Le Canal at Espace 251 Nord. 6/11/14: Day organised by Flemish visual arts curators and professionals in Liege. Exhibition closing celebration at Espace 251 Nord, including visit to the exhibition and an aperitif buffet giving opportunities for further exchange between the Walloon and Flemish art professionals.
IN Antwerp 26/02/14: Air Tailor Made. Jonathan De Winter and Xavier Mary, Mea Culpa. 02/14. Residence at Air Antwerp for Jonathan De Winter 26/03/14: Air Tailor Made. Fabian Rouwette and Antoine Van Impe. 03/14. Residence at Air Antwerp for Fabian Rouwette and Antoine Van Impe. 13/06/14: Preview of the exhibition Het Kanaal / Le Canal including a welcome for French curators visiting Belgium. 15/06/14 > 10/08/14: Exhibition Het Kanaal / Le Canal at Extra City.
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Résidents 2014/2015
De gauche à droite, de haut en bas :
Kasper Bosmans Perroquet 2 X, sable, pigment, bois, 2014. Hirondelle 2 X, sable, pigment, bois, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten. Jonathan De Winter, Drum Box Drummer Saul #04, OSB, saule, caisse claire, moteur, ventilateur, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten. Elise Eeraerts, Plan 4(5) submersion, polyester transparent, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten. Thomas Grødal, Untitled Monuments X, pierre et cuivre, 2014. Thomas Grødal, Land series X, aquarelle sur papier, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten. Xavier Mary Petrolatum # 1, paraffine, 148x148x12 cm, 2012. Courtesy : Galerie Albert Baronian. Petrolatum # 2, paraffine, 148x148x12 cm, 2012. Courtesy : Galerie Albert Baronian. Iron Mx, acier, 148x148x12 cm,2012. Courtesy : Gallery Nagel. Photo et © : Marc Verpoorten. Fabian Rouwette, Basic Space n°33, chromogenic print d’après négatif couleur, 105x136 cm, 2012. Antoine Van Impe, Captive Breeding, caméra, vidéo, bois, tissu, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten. Philippe Van Wolputte, T.P.E.S 8, impression numérique, bâche plastic, peinture, 2014. Photo et © : Marc Verpoorten.
Jeanne Berger Née en 1985, à Saint Louis (F) Vit et travaille à Strasbourg (F) www.jeanne-berger.com En résidence aux RAVI d’août à octobre 2014
C’est l’humain qui est au centre des recherches pluridisciplinaires de Jeanne Berger. Elle l’observe dans le quotidien, dans l’intimité mais aussi dans l’espace public. Elle s’y attache par les codes de communication, par la gestuelle, par le langage parlé ou écrit, hors des limites d’une technique qui la contraindrait. Vidéo, installation, sculpture, texte, performance, danse matérialisent des pièces qui se répondent en une suite rapide et instinctive avec une remarquable capacité de remise en question. Jeanne Berger peut ainsi refuser l’emploi d’outils acquis comme elle le fait en 2014 avec la vidéo pour privilégier un retour à des techniques en relation avec des matières réelles, en ce compris le dessin pratiqué sous forme de schémas colorés évoquant des organigrammes qui analysent ses processus de création. L’artiste met le travail développé aux RAVI en relation avec Domestique une performance effectuée à Strasbourg en 2014. Placer en interaction une famille, deux tantes et un musicien, chacun dépendant à sa manière de l’autre, lui permet d’observer si la situation conduit à l’arrêt total des mouvements ou au chaos. Ce territoire va être remis en jeu à Liège. « Je n’ai plus cherché à fixer des instants ou des réflexions, mais je me suis appliquée à guetter les rythmes des objets qui prenaient forme jour après jour à l’atelier, remettant en question chaque présence, pour aller toujours plus en finesse dans ces manipulations plastiques, comme le fait le jongleur qui quotidiennement met au point de nouvelles figures sur les bases solides des précédentes. Il me tenait à cœur de toucher les matières, de les transformer et de
créer des objets. » Jeanne Berger a exploité l’espace de son atelier avec des propositions liées à une performance intitulée Les dormeurs : le développement graphique de la partition qui l’accompagne ; l’édition de Forêt, un scénario devenu outil de lecture publique ; trois pièces tridimensionnelles. Constitué d’un manteau mis en forme de hamac, d’une balançoire textile et d’une installation de branches et de pierres sur un socle, ce volet évoque l’humain, l’animal, le végétal et le minéral. Il renvoie aussi à l’idée de bercement et de rythmique : « Mise en scène dans mon atelier, face à la fenêtre, la balançoire permet de monter vers le ciel et de redescendre sur les arbres puis enfin de voir l’environnement urbain et l’atelier. Ces sculptures-installations sont pour moi in progress tant l’espace d’exposition joue avec les objets. Il s’en dégage des articulations. Ainsi l’élément végétal vivant est fixé dans une forme - feuille d’arbre, tige qui devient corde… - ; ces formes deviennent matières/outils transformés en un objet sculptural. Le regardeur pourra, s’il en a le désir, habiller ce travail par l’implication de son regard et par l’imagination. »
Jeanne Berger, Les dormeurs, Hamac°1, installation/ performance, mixed media, dimensions variables, 2014. Photo : M. Verpoorten, Ville de Liège. RAVI 2014-2015
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Jeanne Berger Born 1985, Saint Louis (F) Lives and works in Strasbourg (F) www.jeanne-berger.com In residence at RAVI from August to October 2014
Humanity lies at the centre of Jeanne Berger’s multidisciplinary research. She observes us in our daily lives, our intimacy, but also in public spaces. She locks onto us through our codes of communication, our gestures, what we say or what we write, transcending any technical constraints. Video, installation, sculpture, text, performance and dance materialise as pieces that “call and answer each other in a rapid and instinctive series” with a remarkable capacity for self-enquiry. Jeanne Berger is quite capable, as she showed with video in 2014, of refusing the tools she has already acquired in order to favour
a return to techniques based on real materials, including the drawing of coloured patterns that reference organigrams to analyse the creative process. The artist puts the work she developed while at RAVI into perspective with Domestique, a performance presented in Strasbourg in 2014. Placing a family, their two aunts and a musician in inter-action, each dependant in their own way on the other, lets her observe whether the situation leads to gridlock or to chaos. This territory will be brought into play again in Liege. “I have no longer attempted to fix on moments or specific reflections, but rather applied myself to observing the rhythms of the objects taking shape in my studio day after day, calling each presence into question in order to further refine these forms and motions, as would a juggler who daily constructs new figures on the solid acquired basis of yesterday’s work. My earnest intention was to touch these materials, transform them and create objects.” Jeanne Berger made good use of her spacious studio to initiate drafts linked to a performance work entitled Les dormeurs (the sleepers): the graphic development of the accompanying music; the publishing of Forêt (Forest), a scenario that has become a tool for public readings; all are three-dimensional pieces. Comprising a coat draped like a hammock, a clothslung swing and an installation of branches and stones mounted on a pedestal, this latter segment evokes the human, the animal, the vegetable and mineral kingdoms. It returns us to the rhythms of the cradle: “l staged this in my studio, facing the window, the swing enables one to rise up towards the sky and then descend into the trees, to take in the urban environment as well as that of the studio itself. Insofar as the exhibition space influences the objects themselves, these sculptures are a work in progress for me. Different articulations emerge. Thus the vegetable element is fixed in a form – a leaf or twig that becomes a liana or rope – these forms become materials/tools transformed into a sculptural object. The viewer is free, by implication, to clothe the work with their own imagination.”
Caption Jeanne Berger, Les dormeurs, Hamac°1, installation/performance, mixed media, variable dimensions, 2014, photo & ©: M. Verpoorten RAVI 2014-2015
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Ludovic Demarche Né en 1977, à Bruxelles (B) Vit et travaille à Bruxelles (B) www.ludovicdemarche.be En résidence aux RAVI de janvier à février 2014
Ludovic Demarche Born 1977, Brussels (B) Lives and works in Brussels (B) www.ludovicdemarche.be In residence at RAVI from January to February 2014
Faire des lieux les véritables héros de ce récit de résidence. Ludovic Demarche
Let the locations themselves be the real heroes of this residence story. Ludovic D emarche
Au sujet de sa résidence aux RAVI, Ludovic Demarche relève une valeur de moment charnière entre son travail de plasticien et ses recherches anthropologiques prioritairement liées aux questions d’espace, de territoire et d’habitat. Son objectif était d’associer les deux démarches dans la production de dessins et d’installations mais surtout autour de la pratique de l’écriture qu’il a considérée à ce moment-là comme le médium idéal pour lancer des ponts entre les savoir-faire. « Les textes auxquels j’ai travaillé se situent entre la description ethnographique et une écriture peut-être plus littéraire. Dans cette approche sensible du réel, je m’interroge entre autre sur le temps, une des matières premières de la résidence artistique, et sur la présence de la nature en plein hiver. Cela parlait autant de ce qui se passait autour de moi, des personnes que j’ai fréquentées que de l’architecture et du paysage environnant. Il me fallait expérimenter le fait qu’une résidence artistique puisse ouvrir des perspectives diverses, notamment par la jonction entre les sciences humaines et une pratique artistique. Ensuite, il y a aussi eu le besoin de m’approprier l’espace de l’atelier au travers du dessin et plus simplement encore en installant un jeune citronnier qui, en plein hiver, diffusait ses senteurs et de la sorte envahissait l’espace entier de manière invisible mais marquante. Le passage des trains juste derrière les logements de résidents m’ont donné un rythme qui est venu scander une ligne du temps à l’intérieur de laquelle j’ai cherché à créer un lien entre l’outil, la matière, l’environnement humain, construit et naturel. »
For the subject of his residence at RAVI, Ludovic Demarche was inspired by the hinge relationship between his work as a sculptor and his anthropological research on questions of space, territory and habitat. His intention was to associate these two processes in the production of drawings and installations, for the most part based on the art of writing, which he considered at that time as the ideal medium for building bridges between areas of competence. “The texts I chose to work on lay somewhere between ethnographic description and a more literary style. Within this nuanced approach to the real, I examined the role of weather, one of the raw materials of an artistic residency; in particular the way nature expresses itself in winter. This was as much a question of what went on around me, as it was of the people I spent time with, the architecture or surrounding environment. I needed to be aware of the ways that an artistic residence opens you up to a wide variety of perspectives, especially in the junction it builds between the humanities and artistic skills. Thereafter, I felt the need to capture and inhabit the physical space of my studio through drawing and, even more simply, by planting a young lemon tree. In the depth of winter, this diffused its aromatic fragrance, occupying the entire space like a benign, invisible but insistent invader. The passing of trains just behind the resident lodgings provided me with a rhythm I could use to scan a timeline, within which I sought to create a link between the tool, the material and the human environment, whether natural or constructed.” RAVI 2014-2015
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R monte les escaliers pour entrer dans son appartement. La plus grande pièce est entièrement ouverte sur le paysage extérieur : une grande surface vitrée sépare le sofa de la terrasse. R se fait une tasse de café et enjambe les rails de la porte-fenêtre coulissante. Décidément, presque tout est fait pour que les choses glissent ici. Là, sur la terrasse, j’en profite pour envahir le corps entier de R et m’installe en lui. Ce qui lui donne l’impression d’être à la fois dans un moment d’éternité et du plus banal qui soit. Comme le premier café du matin, comme les pantoufles en rentrant d’une dure journée de travail, comme une carte postale qu’on aime bien, ... R souffle. Il se sent chez lui. Le corps se lâche. La chaleur du café et son parfum arrivent jusqu’à ses narines. Premier contact extra et ordinaire avec l’environnement pour R. Il regarde sa montre et à ce moment-là, je suis 17h45, tout à l’air d’être fixé et pourtant ... Le soleil se couche et R sort de ce temps fixé par l’horloge. Il pense à une réalité où les gens pourraient se retrouver dans un temps beaucoup plus long que celui d’une vie humaine. Comme être un arbre, ou autre chose. Il regarde à nouveau le coucher du soleil, pense à Rimbaud, à son éternité retrouvée qui pourrait très bien ressembler à une carte postale de Tenerife reçue les vacances passées. Cela ne dure pas très longtemps un coucher de soleil, mais suffisamment que pour R et moi-même, nous nous sentions dans un même espace dont les limites sont indéfinissables. Mais suffisamment que pour R aie l’impression de connaître toutes les marées qui ont emportés les premiers êtres unicellulaires sur terre jusqu’à bercer les touristes des nouvelles plages. R est sur sa terrasse et boit son café. Dans ce moment qui lui paraît immuable, il regarde le ciel fondre dans l’immeuble situé à une centaine de mètres de là. L’un et l’autre ont cette même couleur mauve un peu délavée. Derrière lui, la lumière crée au travers de la vitre de la cuisine comme un petit théâtre d’ombres où les pots d’épices, spatules, verres, coin de frigo, bouteille de vin entamée, sachet vide, boîte à pain, … Entrent en scène avec les branches d’arbres rendues charnues par l’hiver. Le cadre d’un quotidien immobile et banal sublimé par ces quelques minutes qui annoncent la fin d’une journée. Ce dispositif de réfraction n’est inscrit dans aucun plan urbanistique, mais il crée ce petit moment qui n’appartient qu’a la ville elle-même et à ceux qui la regardent. Le café de R a refroidi. Il entre dans le salon pour plonger dans le mou du sofa et continue à regarder les ombres projetées sur les murs, maintenant animées par un petit vent.
Ludovic Demarche, texte non publié, 2014. © L. Demarche. Ludovic Demarche, unpublished text, 2014, © L. Demarche
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Daniel Djamo
Né en 1987, à Bucarest (Ro) Vit et travaille en Union Européenne http://djamo.weebly.com En résidence aux RAVI d’octobre à décembre 2014
Le proposition de Daniel Djamo durant sa résidence aux RAVI était de poursuivre Nomadaptation qu’il développe depuis 2011. L’objectif de ce vaste projet est de produire des images, des vidéos, des interviews, des installations, des performances ou du matériel posté sur Internet qui documentent l’aventure des émigrants, en particulier ceux des pays de l’Est de l’Europe. Est-il possible de s’adapter à un espace radicalement différent du sien ou y reste-t-on aussi étranger qu’un tigre du Bengale dans une cage du zoo de Londres ? Comment peut-on absorber une culture avec laquelle on n’a rien en commun ? Ne finit-on pas par reconstruire mentalement la terre même que l’on a quittée ? Peut-on un jour devenir Anglais, Français ou Allemand quand on est né à Timisoara ou est-on à jamais voué à demeurer nomade ? « Toutes ces questions me ramènent à ma propre histoire, explique Daniel Djamo. En 2007, pour offrir à sa famille une vie meilleure, ma mère, médecin et professeur à l’université, a quitté Bucarest pour travailler dans le Loiret,
Daniel Djamo, Saint Vincent has Lovely Winters, pierre, farine, 100x100x100 cm, 2014. Photo et © : D. Djamo. Daniel Djamo, Saint Vincent has Lovely Winters, stone, flour, 100x100x100 cm, 2014. Photo & © : D. Djamo
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Daniel Djamo Born 1987, Bucarest (Ro) Lives and works in the European Union http://djamo.weebly.com In residence at RAVI from October to December 2014
en France où son savoir-faire venait à manquer. Elle n’a pas pu s’adapter, s’y faire des amis. Elle a toujours eu l’impression que les autochtones la considéraient comme un parasite. J’ai, peu de temps après, commencé à documenter les phénomènes d’émigration. Mon travail parle aussi du vide laissé par les personnes qui quittent les leurs, de ces villages qui ne sont plus habités que par des vieillards et des enfants élevés par leurs grands-parents. » Comme il l’a fait à Paris, à Londres ou à Berlin, Daniel Djamo a, à Liège, été à la rencontre des communautés. Sans doute, Changing the Flag (vidéo, 2014) est la pièce la plus directement liée à ses recherches : « J’ai transformé un drapeau belge hissé sur une raclette – qui est pour moi un symbole de la classe ouvrière - en un drapeau roumain avec l’aide d’une simple bombe de couleur. Cela montrait combien Liège et, en particulier le quartier Nord, est une terre d’accueil pour les Roms. Leur présence est très sensible. Aux RAVI, j’ai pu mener des expériences très diversifiées, incluant la performance, avec Bread Launching où j’incarne Victor Pronta se faisant élire président de la Roumanie rebaptisée en son honneur Pronanie. Je suis revenu sur des pièces entamées. J’y ai achevé Unicorn Tales commencée en Autriche ; cette vidéo montre les Roumains les plus visibles de Vienne : les accordéonistes du Volksgarten. Je suis aussi revenu sur une histoire qui a débuté en automne en 2012, à l’occasion d’une exposition à Saint-Vincent dans les Alpes italiennes. Je m’y sentais très libre, avec un certain sentiment d’appartenance. Pendant ce séjour, j’ai rencontré une jeune roumaine qui m’a expliqué que Saint-Vincent a de jolis hivers. Elle a exprimé de la tristesse en apprenant que je ne pourrai pas rester et voir ce spectacle. Alors, elle a continué à raconter des histoires ; comme beaucoup d’émigrants, elle a parlé de sa famille. Je n’ai pas voulu faire de photographies sur place, mais ai conservé à l’esprit une image qui subsiste sans support matériel, une image immaculée, une image intérieure. Avec Saint Vincent has Lovely Winters, j’ai construit cette représentation de la montagne enneigée, que je n’ai jamais vue. »
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For his residence at RAVI, Daniel Djamo chose to continue working on Nomadaptation, the project he has been developing since 2011. The aim of this major undertaking is to produce images, videos, interviews, installations, performances and internet posts that document the émigré experience, in particular that of immigrants from eastern Europe. Is it possible to adapt to a radically different space from one’s own or will one remain forever as out of place as a Bengal tiger at London Zoo? How does one absorb a culture with which one has nothing in common? Does one not finish by mentally reconstructing the very environment one left behind? Can one genuinely become English, French or German when one was born in Timisoara or must one remain forever a nomad? “All these questions bring me back to my own personal story”, explains Djamo. “In 2007, in an attempt to offer her family a better life, my mother, who was a doctor and university professor, left Bucarest to settle in the Loiret department in France, where it seemed her skills were needed. She was unable to adapt or make friends. She constantly had the impression that the locals thought of her as a parasite. A short while later I began to document the phenomena of emigration. My work also addresses the gap left by those who emigrate, the villages populated only by old people raising their grandchildren.” As he has done in Paris, London or Berlin, Daniel Djamo set out to meet the émigré communities in Liege. Without doubt, Changing the Flag (video, 2014) is the work most directly connected to his research: “On Place Vivegnis, with the sole aid of a spray can of colour, I transformed a Belgian flag – flying from a squeegee mop: a symbol of the working class for me – into a Rumanian one. This was to show how much Liege, in particular the Quartier Nord, is a welcome mat for Roms. One is very aware of their presence there. At RAVI, I was able to carry out a wide range of experiments, including the performance of Bread Launching, in which I represent Victor Pronta being elected president of Rumania, renamed Pronania in his honour. I also returned to some unfinished works. I finished Unicorn Tales here, which I began in Austria. This video shows Vienna’s most visible Rumanians: the accordionists who play in the Volksgarten. I also returned to a story that I began in Autumn 2012 for an exhibition at Saint-Vincent in the Italian Alps. I felt very free there, with a certain sense of belonging. During my stay I met a young Rumanian woman who told me that Saint-Vincent has stunning winters. She was sad to hear that I would not be around to witness this spectacle of nature. And then, like most émigrés, she told me her stories. She spoke of her family. I did not want to take photos at the time, but I have conserved an inner image, which exists without physical support medium, an immaculate image preserved within me. With Saint Vincent has Lovely Winters, I constructed this representation of a snow covered mountain that I have never seen.”
Emmanuel Dundic Né en 1969, à Ougrée (B) Vit et travaille à Liège (B) www.mmandun.org En résidence aux RAVI de avril à juin 2014
Emmanuel Dundic a essentiellement consacré sa résidence à la production du Veau d’Or : choisir un taxidermiste (Jean-Pierre Gérard) suffisamment habile pour donner à l’animal mort une présence sensible ; trouver une dépouille qui corresponde au charisme que l’idole se doit de dégager ; construire un brancard de procession ; assembler le tout dans un schéma plastique fort. Il fallait encore produire une bande son pour compléter l’installation : en collaboration avec Gaëtan Lino, l’artiste a travaillé sur le mixage d’une boucle de 20 minutes qui repose sur une ligne de percutions évoquant le battement des tambours des galères, comme un rythme auquel se mêlent de la musique classique, des coups de tonnerre, des mugissements et des extraits de péplums. On comprend d’emblée la référence au récit biblique de l’Exode. En l’absence de Moïse parti en quête des Tables de la Loi, les Israélites, tout juste libérés du joug de Pharaon, pressent Aaron de leur fondre une sculpture à l’image d’un veau d’or, comme un nouveau dieu qui puisse les guider. Emmanuel Dundic insiste d’ailleurs sur cette référence précise par le titre. « Pour moi, ce projet plonge ses racines dans mon enfance. Je me souviens de ma fascination pour Les dix commandements de Cecil B. DeMille avec Charlton Heston et Yul Brynner. La scène du Veau d’Or me paraissait particulièrement prenante avec les valeurs très saturées du Technicolor et une atmosphère orgiaque. » Et d’ajouter : « J’ai créé cette pièce pour qu’elle s’intègre à une forme de rituel. Les visiteurs peuvent lui faire offrande. Petit à petit, elle se couvre de bijoux… bracelets, chaines de cou, gourmettes… parfois porteuses d’effigies religieuses mais il y a aussi celle d’Elvis, les médailles d’un bouc ou un œil maçonnique. On est à la marge d’éléments de psychanalyse. Cela s’approche aussi des croyances populaires comme les arbres à clous ou à loques. J’y reconnais encore une forme de fétichisme mais aussi de syncrétisme. Cela traduit mon impression que les gens se fabriquent leur propre religion avec des pièces éparses, ce qui me semble concorder avec la charge hérétique du récit de l’Ancien Testament. J’ai également le projet d’organiser une cérémonie processionnelle truffée de paradoxes. J’aimerais que cela se passe dans une ambiance sacrée, hystérique, luxuriante et glamour, suivant un parcours qui ait du sens et selon tout un protocole : il faudra notamment prévoir d’habiller la sculpture et qu’elle soit portée par des prêtresses élégantes et sexy. » Comme souvent dans son travail, Dundic exploite l’histoire comme un socle pour développer un regard sur le présent. Son Veau d’Or renvoie ainsi à toutes les idolâtries, aux plus nobles comme aux plus vulgaires, à celles des temps bibliques comme à celles qui tourmentent nos sociétés.
Emmanuel Dundic, Veau d’Or, taxidermie, brancard, gravure, objets divers, son, 240x300x70 cm, 2014. Photo et © : M. Verpoorten, Ville de Liège Emmanuel Dundic, Veau d’Or, taxidermy, bier, engraving, various objects, sound, 240x300x70 cm, 2014. Photo & ©: M. Verpoorten RAVI 2014-2015
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Emmanuel Dundic Born 1969, Ougrée (B) Lives and works in Liège (B) www.mmandun.org In residence at RAVI from April to June 2014
Emmanuel Dundic essentially dedicated his residence to the production of Veau d’Or (Golden Calf). This involved finding a taxidermist sufficiently skilled to give the dead animal a live presence; find a cadaver which held the potential for charisma that such an idol should radiate; construct a bier to carry it; assemble it all together in a schematically strong piece of sculpture. To complete the installation, it was also necessary to produce a soundtrack. In collaboration with Gaëtan Lino, the artist worked on a 20 minute long sound loop based on a percussion chart that evokes the rhythmic striking of tambourines in a slave galley, to which has been added a mix of classical music, thunderclaps, the sound of lowing cattle and extracts from sword-and-sandal epics. One gets the reference to the bible’s book of Exodus at once. While Moses is absent receiving the tablets of the law on Mt Sinai, the Israelites, barely out from under the yoke of Pharaoh and in need of a new god to guide them, coerce Aaron into casting a sculpture in the image of a golden calf. Emmanuel Dundic insists on this reference most precisely with his choice of title. “For me, this take goes back to my childhood. I can remember my fascination with Cecil B DeMille’s film The Ten Commandments with Charlton Heston and Yul Brynner. The scene with the golden calf impressed me particularly, with its saturated Technicolor values and its orgiastic atmosphere. I created this work so that it might be integrated into a sort of ritual. Visitors can make offerings. Gradually the calf is covered in jewels, bracelets, necklaces etc, … sometimes with religious references, such as icons or Madonna charms, but also images of Elvis, astrological signs, a ram or a all-seeing Masonic eye. We’re on the margins of psychoanalysis here. It’s also close to folk faiths, popular beliefs in trees studded with nails or hung with handkerchiefs. I recognize therein a form of fetishism, yes, but also a kind of syncretism. It relates to my impression that everyone creates his own religion out of spare parts and bric-a-brac gathered here and there, which seems to concord with the charge of heresy associated with the Old Testament story. It’s also part of my plan to organise a ceremonial procession stuffed with paradoxes. I’d like it to take place in a sacred atmosphere, hysterical, sybaritic and glamorous, tracing a narrative path with a particular sense and protocol to it. In particular, the sculpture would need to be bedecked and carried on the shoulders of elegant, sexy priestesses.” As is so often the case in his work, Dundic exploits this ancient story as a pedestal from which to better view the present. His Veau d’Or refers us to all idolatries, from the most noble to the most vulgar, whether they plagued biblical times or torment and tempt us today. RAVI 2014-2015
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Dritan Hyska
Né en 1980, à Korce (Al) Vit et travaille à Venise (I) et à Tirana (Al) www.dritan-hyska.blogspot.be En résidence aux RAVI de mai à juin 2014
L’intérêt de Dritan Hyska pour l’architecture prend sa source dès la fin de ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Venise. Plusieurs auteurs relèvent le lien à établir avec son origine albanaise. Ainsi, Riccardo Caldura associe ses séries de photographies à un « répertoire de squelettes de constructions suspendues entre l’abandon et une phase incertaine d’achèvement » et poursuit en les associant aux changements qui ont pris place dans son pays suite à la chute du régime communiste en 1991. C’est particulièrement sensible dans Building où Hyska documente les modifications du paysage et des complexes urbains, l’apparition soudaine de logements en commun le long de la route reliant Durres et Tirana. C’est pour Caldura une vision des dégâts causés par la liberté de construction dans laquelle s’expriment un sentiment individuel et un besoin de représentation qui ne cherchent aucune harmonie avec l’environnement naturel, bâti ou humain. Par ailleurs faut-il relever la qualité purement plastique du travail très sensible dans la grande pièce présentée aux RAVI. Prévue pour être simplement affichée à même le mur, Wall Paper montre l’ossature poteau/poutre et plancher d’une construction en béton à module répétitif dont la froideur est accentuée par de subtiles retouches digitales. Excluant toute nostalgie, Edki Muka associe ce type d’image à la vision minimaliste, là où elle est faite de répétitions de structures primaires produites industriellement. Les images de Dritan Hyska ne se limitent pas à la chronique d’un urbanisme sauvage. Sans aucun doute doit-on aussi y lire une signification plus profonde. C’est en tant que productions anthropiques qu’on peut comprendre les thématiques qu’il aborde. L’artiste l’affirme lui-même : « Les lieux repris deviennent des synthèses métaphysiques, une absence dérangeante dans des coquilles de béton qui racontent avec une urgence glaçante, l’essence tragique de l’homme moderne ». Ainsi son intérêt pour l’architecture reflète-t-il un questionnement sur la nature et la complexité de l’Homme dont ces carcasses de béton seraient bien les nouveaux monuments. Lors de son exposition aux RAVI, Dritan Hyska a disposé en face de Wall Paper une peinture monochrome (Nel blu dipinto di blu, 2014) qui « se présente comme une invitation à la réflexion et soulève la question de la stérilité de notre époque, ici perçue comme un produit de consommation ».
Dritan Hyska Born 1980, Korce (Al) Lives and works in Venice (I) and Tirana (Al) www.dritan-hyska.blogspot.be In residence at RAVI from May to June 2014
Dritan Hyska’s interest in architecture began as he was finishing his studies at the Academy of Fine Arts in Venice. Various authors make the connection with his Albanian origins. Thus Riccardo Caldura associates his series of photographs with a “range of construction skeletons suspended between being abandoned to rust and possible completion in some uncertain future” taking them further as an analogy to the changes that have taken place in his homeland since the fall of communism in 1991. This is particularly present in Building, where Hyska documents the modifications to the look of the countryside and urban complexes, the sudden appearance of apartment housing along the road between Durres and Tirana. For Caldura this is a vision of the damage caused by rampant freedom to construct, in which individual sentiment and a desire for representation triumph over any concern for harmony with the environment, whether natural, architectural or human. Then there is the pure sculptural quality of the large piece presented at RAVI. Envisaged as a wallmounted work, Wall Paper shows the framework, beams and floor of a construction conceived as a repetitive series of concrete modules whose frigidity is further accentuated by subtle digital retouching. Excluding any possibility of nostalgia, Edki Muka associates this type of image with a minimalist vision, for the way it is built upon repetitions of industrially produced primary structures. Dritan Hyska’s images are not limited to chronicling savage urbanism. There is without doubt a significant and deeper purpose at work. One can also understand the themes they present as anthropogenic productions. As the artist himself affirms: “the locations chosen become metaphysically synthesized, the disturbing sense of absence endemic to these concrete shells speaks to us with chilling urgency of the void that is becoming the tragic essence of modern man.” Thus his interest for architecture reflects an enquiry on the nature and complexity of humanity, for whom these concrete carcasses must serve as monuments. For his exhibition at RAVI, Dritan Hyska hung a monochrome painting (Nel blu dipinto di blu, 2014) opposite Wall Paper to serve “as an invitation to reflection on the sterility of our era, seen here as an object of consumption.” RAVI 2014-2015
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Dritan Hyska, Wall Paper, impression sur papier, 297x583 cm, 2014. Photo et © : M. Verpoorten, Ville de Liège. Dritan Hyska, Wall Paper, print on paper, 297x583 cm, 2014. Photo & ©: M. Verpoorten RAVI 2014-2015
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Jérôme Giller
Né en 1973, à Dijon (F) Vit et travaille à Bruxelles (B) www.jeromegiller.net En résidence aux RAVI de juin à septembre 2014
Dans un article paru dans la revue 50° Nord, Bertrand Charles écrit que, dans ma pratique artistique, préexiste une logique de la rencontre. Une évidence de l’Autre qui me pousse, lorsque je suis en résidence artistique, à « résider », à agir comme un résident, en résidant. Il ajoute que, dans ma logique, la résidence n’est pas un simple contexte de travail, mais qu’elle est une partie intrinsèque de l’œuvre que je développe. La résidence est une œuvre en soi qui prend forme dans les territoires physiques, géographiques et sociaux que je rencontre.
L’œuvre que j’ai présentée en fin de résidence est un carnet du paysage. Un carnet en trois dimensions composé de dessins-textes, d’objets, de photographies et de vidéos, qui se déplie tel une carte dans l’espace d’exposition. Un carnet qui parcourt le passé et le présent industriel de la ville, qui regroupe des observations et des anecdotes, des images et des récits glanés pendant mes explorations.
Un carnet du paysage qui propose aux À Liège, j’ai naturellement formulé mon regardeurs de suivre l’itinéraire d’un résiacte de résidence autour de l’industrie. dent dans la géographie industrielle de L’industrie qui dessine la géographie et Liège. l’urbanisme de la ville, l’industrie qui lui Jérôme Giller donne son identité. L’industrie qui créée un paysage. - L’industrie (comme la guerre) transforme la géographie - J’ai parcouru les territoires industriels en y marchant. J’ai pratiqué l’errance et l’itinérance dans les zones périphériques du nord et du sud de Liège et le long de la Meuse. Je me suis laissé guider par les rencontres humaines qui m’ont emmené jusqu’au terril de la Petite Bacnure, au sommet duquel, paraît-il, on peut cuire un œuf !
Jérôme Giller, La route du feu, marche urbaine, 6 juillet 2014. Jérôme Giller, La route du feu, marche urbaine, 6 July 2014
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Jérôme Giller Born 1973, Dijon (F) Lives and works in Brussels (B) www.jeromegiller.net In residence at RAVI from June to September 2014
In an article that appeared in the magazine 50° Nord, Bertrand Charles writes “that a logic of encounters drives” my work. An awareness of the ‘other’ that pushes me, as an artist in residence, to genuinely ‘reside’, to act as a resident, to live there. He adds that, to extend that logic, the residency is more than just a work context, but rather an intrinsic part of the work that I develop therein. The residence thus becomes a work in and of itself, taking shape within the physical, geographical and social territory I encounter. In Liege, I have built my ‘act of residence’ consciously around industry. The same industry that creates the geography and urban context of the city, the industry that gives it identity, that creates a landscape. - Industry, like war, transforms geography1 – On foot I criss-crossed the industrial periphery to the north and south of the city as well as the banks of the Meuse, like a wanderer, a vagrant. I let chance encounters with local people guide me until they led me to the slag heap of Petite Bacnure, at the summit of which, so they say, you can boil an egg! The work I presented at the end of my residency is the log of my journey through this landscape: a journal in three dimensions composed of sketches/ notes, found objects, photographs and videos, which folds out into the exhibition space like a map. This diary travels through the industrial past and present of the city, gathering observations and anecdotes, images and stories gleaned from my explorations. It is the record of a landscape that I open to anyone who wants to follow this itinerary of a resident through the industrial heartland of Liege. Jérôme Giller
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Eleni Kamma
Née en 1973, à Athènes (G) Vit et travaille à Bruxelles (B) et Maastricht (NL) www.elenikamma.com En résidence aux RAVI de septembre à novembre 2014
Eleni Kamma a consacré sa résidence aux RAVI à la poursuite des recherches qu’elle effectue sur les cultures populaires et, en particulier, sur le théâtre de marionnettes. Il est très important dans le folklore liégeois. Une littérature pléthorique lui est consacrée, notamment les publications de Joan Gross dont l’ouvrage Speaking with other Voices. An Ethnography of Walloon Puppet Theater a ici servi de référence explicite. En outre, cette pratique a dans la Cité ardente toujours aujourd’hui beaucoup de vitalité au travers de l’œuvre de montreurs comme Jacques Ancion ou, dans un tout autre registre, Patrick Corillon qu’Eleni Kamma a tous deux rencontrés. C’est pour sa pertinence à poser des questions sociales et politiques que l’artiste d’origine grecque s’attache à cette forme de spectacle. Elle fait reposer ses réflexions sur la portée synecdochique du théâtre de marionnettes. Ses codes nous font voyager du singulier au pluriel : un seul homme manipule tous les personnages ; une seule voix parle dans toutes les bouches… comme si un seul homme pouvait refléter la société en incarnant tous ses individus dans leurs particularités les plus personnelles. Plus qu’un vecteur schizophrénique, c’est un medium pour délivrer une parole commune. L’idée est d’autant plus juste que le théâtre de marionnettes est un spectacle collectif par excellence. Sans doute sa dimension populaire se trouve-t-elle sur ce terrain très agissante. Davantage qu’au cinéma ou à l’opéra, on rit ensemble ; on se crispe ensemble ; on prend parti ensemble… « Nous avons aujourd’hui, explique Eleni Kamma, besoin d’expériences plus participatives parce qu’elles permettent d’agir sur le monde. Le théâtre de marionnettes est un espace partagé basé sur l’expérience commune. Il y a une force collective que les puissances politiques doivent prendre en compte. Elle peut provoquer des changements. En outre, le théâtre wallon a toujours une importante part de satyre et d’humour. L’idée que ce dernier puisse faire évoluer nos sociétés m’intéresse. Il est universel, atemporel. J’ai pu le constater lors d’une résidence à Istanbul, en 2013 durant laquelle j’ai observé la façon très amusante de communiquer qu’avaient les contestataires du parc Gezi. »
Eleni Kamma, Emin Senyer performing in Küçükçekmece Cultural Center, Istanbul, mai 2013. Photo : B. Van Hoof. © : E. Kamma.
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Eleni Kamma Born 1973, Athens (G) Lives and works in Brussels (B) and Maastricht (NL) www.elenikamma.com In residence at RAVI from September to November 2014
Eleni Kamma devoted her residence at RAVI to pursuing her research into forms of popular cultures, in particular puppet theatre. This is very important in the folklore of Liege. Extensive literature addresses the subject, notably the works of Joan Gross, whose book Speaking with other Voices, An Ethnography of Walloon Puppet Theatre, served here as an explicit reference. In addition, this art form is still very much alive in Liege, thanks to the work of puppeteers such as Jacques Ancion or, in an entirely different vein, Patrick Corillon, both of whom Eleni Kamma met with for this project. The Greek artist is especially drawn to this type of spectacle on account of its relevance to socio-political questions of the day. She bases her reflections on the synechdochic nature of puppet theatre. Its codes take us on a journey from the singular to the plural: a single person manipulates all the characters; a single voice from all their mouths … as if a single person could reflect all of society by incarnating all individuals even in their most personal RAVI 2014-2015
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particularity. More than a schizophrenic vector, this is a medium that delivers a common tongue. The idea is all the more just inasmuch as puppet theatre is a collective experience par excellence. Without doubt its popularity is due greatly to its capacity to agitate. Other than cinema or opera, we laugh together, are scared together, take sides together… “We need such participative events today”, insists Eleni Kamma, “because they create an interaction that enables us to engage with our world together. Puppet theatre is a shared space based on common experience. There exists a collective force within it, one which political powers ignore at their peril. Puppet theatre can provoke change. And Walloon theatre has always held an important element of satire and humour. The idea that such an art form can seed the development of society interests me. It is universal, timeless. I was able to affirm that during a residency in Istanbul in 2013, where I was impressed by the highly infectious antics of the puppeteers in Gezi park.”
Eleni Kamma, Emin Senyer performing in Küçükçekmece Cultural Center, Istanbul, May 2013. Photo: B. Van Hoof. © : E. Kamma
Samuel Labadie Né en 1978, à Bayonne (F) Vit et travaille à Barcelone (E) www.lelieuducrime.blogspot.com.es www.hangar.org/gallery/v/album27/album650 En résidence aux RAVI de juin à juillet 2014
Assemblés dans un projet intitulé L’Exposition – La Nuit, les travaux présentés par Samuel Labadie à l’issue de sa résidence sont tous ancrés dans l’histoire industrielle du bassin mosan. Ses recherches reposent entre autres sur le « récit idéologique d’une cité idéale où le progrès serait la condition nécessaire à la prospérité », une vision théorisée par l’Exposition Universelle de Liège en 1905. « En mêlant histoire, art et industrie, cet événement posait les fondations d’une vision moderniste de notre société, sans en prévoir la faillite », explique l’artiste. « J’ai été porté par cette histoire tout au long de mon séjour aux RAVI, sans toutefois privilégier une version documentaire. Le titre de mon projet L’Exposition – La Nuit est d’ailleurs tiré d’une illustration du Livre d’Or de l’Exposition de 1905 : elle montre une vue nocturne, sous un ciel étoilé, de l’ancienne cité médiévale reconstituée pour l’occasion. J’ai encore utilisé cet ouvrage que j’ai reproduit mais en n’en retenant que les pages blanches et les titres des grands chapitres ; je faisais ainsi disparaître la dimension spectaculaire de l’événement. » Samuel Labadie déclare avoir adapté son travail à la ville de Liège et à sa périphérie pour en tirer une vision personnelle et intuitive, fruit de son expérience du territoire par la marche. Le mot HASARD dessiné sur un carton gris marouflé sur bois suggère ainsi une des qualités de ses recherches en reprenant un élément du patrimoine industriel régional : le portique en métal de la Compagnie du Hasard, toujours visible à Cheratte.
L’Exposition – La Nuit se matérialise par une installation où prend place un travail de dessin et de sculpture, organisé autour de matériaux pauvres - l’OSB et le béton essentiellement -, industriels et économiques. Elément essentiel de l’histoire et de la morphologie de la ville, son fleuve, la Meuse, s’y trouve ironiquement représentée par les couleurs CMJN qui reprennent le calibrage de la quadrichromie visible en bas de page du quotidien qui porte son nom. C’est d’ailleurs de ce journal que sont tirées les coupures de presse qui servent de feuilles au paravent dressé dans un coin de l’installation ; ce dernier reproduit une pièce du créateur de mobilier Gustave Serrurier-Bovy (18581910) présent dans l’Exposition de 1905, un paravent ici expurgé de toute richesse : les faits divers d’un quotidien populaire et l’OSB remplacent les luxueux matériaux d’origine.
Samuel Labadie Born 1978, Bayonne (F) Lives and works in Barcelona (E) www.lelieuducrime.blogspot.com.es www.hangar.org/gallery/v/album27/album650 In residence at RAVI from June to July 2014
Brought together in a project entitled L’Exposition – La Nuit (The Exhibition – The Night), the works presented by Samuel Labadie at the end of his residence are all anchored in the history of the Mosan basin. His research is based on, among other things, the “ideological discourse of the ideal city, where progress is the necessary prerequisite for prosperity”, a vision expounded by the Universal Exhibition of Liege in 1905. “By incorporating history, art and industry, this event laid the foundations of a modernistic vision of our society, but failed to foresee its bankruptcy”, explains the artist. “I have been carried by this vision throughout my residency at RAVI, without altogether privileging a documentary approach. Moreover, the title of my project L’Exposition – La Nuit is taken from an illustration included in the Universal Exhibition of 1905’s complementary guestbook: it shows a nocturnal view, under a starlit sky, of the ancient mediaeval city reconstructed for the occasion. I made further use of this work by reproducing it while only retaining the blank pages and the chapter headings; thus causing the spectacular dimension of the event to disappear.” Samuel Labadie claims to have adapted his work to the city of Liege and its periphery in the service of a personal and intuitive vision, the fruit of his experience in walking the terrain. The word HASARD that is drawn on a piece of grey card marouflaged to wood thus suggests one of the characteristics of his research while also adopting an element from the regional industrial: the metal gateway of the Compagnie du Hasard, still visible in Cheratte. L’Exposition – La Nuit is presented as an installation of drawing and sculpture organised around base materials – essentially OSB and concrete – that are industrial and economic. An essential element of the history and morphology of the city is its river. The Meuse finds itself ironically represented by the CMYK colours of the calibration scale that appears at the bottom of every page of the newspaper (La Meuse) that bears its name. From the same source come the press cuttings that clad the panels of the folding screen, thus purged of all luxury, which stands in one corner of the installation. This is a reproduction of an original paravent from Gustave Serrurier-Bovy (1858-1910), a furniture designer whose work was featured at the 1905 exhibition. The trivialities of a local daily mounted on OSB panels now replace the splendid tapestry of the original.
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Samuel Labadie, L’Exposition – La Nuit, installation. Détail : sans titre, béton, bois, bouteilles de bière, 88x37x22cm, 2014. Photo et © : S. Labadie. Samuel Labadie, L’Exposition – La Nuit, installation. Detail: Untitled, concrete, wood, beer bottles, 88x37x22cm, 2014. Photo & ©: S. Labadie
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Sophie Langohr Née en 1974, à Liège (B) Vit et travaille à Liège (B) www.sophielangohr.be En résidence aux RAVI de janvier à avril 2014
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Sophie Langohr Born 1974, Liege (B) Lives and works in Liege (B) www.sophielangohr.be In residence at RAVI from January to April 2014
Sophie Langohr a essentiellement consacré sa résidence au développement d’une série intitulée Drapery déjà entamée en 2013. Yves Randaxhe y reconnaît très justement un approfondissement des thèmes privilégiés par l’artiste : la représentation du corps ; son usage dans la publicité ; la manipulation des images ; la dialectique de la surface et de la profondeur ; les méandres enroulés de l’histoire de l’art et la façon dont l’esprit conquérant s’y manifeste au profit de puissances religieuses ou mercantiles… Si on relève l’importance de la retouche informatique dans le travail de Sophie Langohr pour des recherches comme New Faces (2011-12), Glorious Bodies (201314) ou Touching Up (2015), la production de Drapery suit un protocole singulier : découper dans des magazines de mode des pages reprenant des images de mains soigneusement sélectionnées; chiffonner littéralement le papier pour donner l’impression que ces dernières donnent une inflexion à leur propre support; rerephotographier l’image froissée. Il faut reconnaître des préoccupations purement plastiques. Ces pièces ne manquent pas d’élégance. Leur cadrage est calculé. Et puis, le plissement du papier glacé laisse naître des reflets veloutés et mystérieux qui surgissent de la matière. Pour Yves Randaxhe, elles présentent aussi « une beauté classique et semblent rivaliser avec des morceaux choisis de la peinture ancienne ». Mais surtout, il y a ce labyrinthe de sens où le réel, sa représentation et le virtuel s’entrechoquent, s’interrogent et se répondent : la main « image » semble froisser la page qui la porte et, dans le même geste, le tissu ou la peau. Les premières photographies de Drapery ont été présentées dans le cadre de l’exposition Icônes (Liège, BAL, du 15 mars au 25 mai 2014) organisée à l’occasion de la 9e Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège sur les thèmes de l’image et de la croyance.
Sophie Langohr, Image Vogue, de la série Drapery, photographie couleur marouflée sur aluminium, 31x43 cm, 2014. © S. Langohr RAVI 2014-2015
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Sophie Langohr has essentially devoted her residency to developing the Drapery series she began in 2013. Yves Randaxhe quite rightly recognizes within these works a deepening of some of the artist’s preferred themes: the representation of the body; its use in advertising; the manipulation of images; the dialectic of the superficial and the profound; the serpentine meanders of the history of art and way in which the spirit of conquest is manifested therein to the profit of religious or mercantile interests … If we highlight the importance of computerized retouching in Sophie Langohr’s work on researches such as New Faces (2011-12), Glorious Bodies (2013-14) or Touching Up (2015), the production of Drapery follows a singular protocol: cut out pages from fashion magazines to carefully select images of hands; crumple them to give the impression that they are drawing attention to their own support medium; then re-photograph the crumpled image. One is constrained to recognize the purely sculptural preoccupations. These pieces do not lack elegance. Their framing is calculated. And in addition, the crumpling of the gloss paper gives rise to velvety and mysterious reflections. For Yves Randaxhe, they also present “a classical beauty to rival the pieces chosen from old masters”. But above all, there is that labyrinth of the senses in which reality, its representation and the virtual collide in a game of question and response: the hand as “image” seems to crumple the page that supports it and, in the same gesture, the skin or textile it caresses. The first photographs from Drapery were presented in the context of the Icônes exhibition (Liege, BAL, 15 March to 25 May 2014) organised to celebrate the 9th International Biennale of Photography and Visual Arts, on the theme of Image and Faith.
Sophie Langohr, Image Vogue from the series Drapery, color photograph on aluminium, 31x43 cm, 2014. © : S. Langohr
Jonas Locht
Né en 1980, à Verviers (B) Vit et travaille à Bruxelles (B) www.jonaslocht.be En résidence aux RAVI de janvier à mars 2014
Durant sa résidence aux RAVI, Jonas Locht a mené de front la réalisation de plusieurs pièces : peintures à la bombe, sculptures en mousse polyuréthane, en brique ou en PVC. C’est sans aucun doute Free Fall qui a retenu le plus l’attention. Elle s’intègre à la série Pipe que l’artiste décline depuis quelques années avec des travaux comme Fitness Pipe (2010) ou Peace Pipe (2011). Free Fall se présente sous la forme d’un assemblage en étoile de tuyaux PVC couverts d’une peinture industrielle au fini de carrosserie automobile. Jonas Locht a positionné à l’intérieur des tubes qui constituent la pièce trois turbines électriques chromées qui gonflent un parachute militaire. Simplement posée sur le sol, Free Fall semble tombée du dernier convoi intergalactique comme un colis dont la chute libre a été freinée à la manière de celle des armes, des vivres ou des médicaments livrés du ciel par temps de guerre. À l’image de sa Smoke Machine (2012) qu’il présente photographiée dans l’atmosphère irréelle d’un dancing bruxellois, Free Fall a cet aspect à la fois artificiel, impeccable, infaillible et inhumain des objets technologiques. Sans doute l’indétermination fonctionnelle de la sculpture introduit-elle une forme d’ironie en tension avec sa géométrie, son caractère abstrait et sa qualité d’ « objet bien fait ». Il faut relever ce dernier point qui permet d’associer le travail de Jonas Locht à celui d’autres figures de la jeune scène belge comme Frédéric Platéus chez qui Devrim Bayar reconnaît une parenté avec la tradition du Fetish Finish, courant de la seconde moitié des années 1960, en Californie où « les artistes puisent leur inspiration en toute liberté dans leur environnement quotidien : la culture populaire, les sports en vogue (notamment le surf), les techniques artisanales (la peinture sur tôle métallique, par exemple) et les technologies de pointe (l’industrie aéronautique étant alors en plein essor). »
Jonas Locht, Free Fall, pvc, peinture industrielle, tissu, turbines électriques, 110x110x120 cm, 2014. Photo et © : M. Verpoorten, Ville de Liège. RAVI 2014-2015
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Jonas locht Born 1980, Verviers (B) Lives and works in Brussels (B) www.jonaslocht.be In residence at RAVI from January to March 2014
During his residence at RAVI, Jonas Locht pursued with energy the realisation of several works: spray paintings, sculptures in polyurethane foam, brick or PVC. Without doubt Free Fall garnered the most attention. It forms part of the Pipe series that the artist has been working variations on for some years now, with works like Fitness Pipe (2010) or Peace Pipe (2011). Free Fall takes the form of a star shaped assembly of PVC pipes covered with industrial paint with the perfect finish of a car body. In the interior of the tubes, Locht has positioned three chromed electric turbines that serve to inflate a military parachute. Simply resting on the floor, Free Fall seems to have fallen from the latest intergalactic convoy, like a parcel whose free fall has been braked in the manner of an arms delivery, a food airlift or an emergency medical supply in wartime. Similar to his Smoke Machine (2012), which he presented in the unreal atmosphere of a Brussels discotheque, Free Fall shares that aspect, at once artificial, impeccable, infallible and inhuman, of technological objects. Doubtless the functional indeterminism of the sculpture introduces a sort of irony in tension with its geometry, its abstract character and the fact that it is obviously a “well made thing”. It is worth noting this last point, as it enables us to associate the work of Jonas Locht with other figures of the young Belgian scene, such as Frédéric Platéus, in whose work Devrim Bayar recognizes an affinity with the Fetish Finish tradition current in late-60s California, where artists “freely drew inspiration from their daily environment: popular culture, whatever sports were in fashion (especially surfing), artisan technologies (such as painting on sheet metal) and cutting edge technologies (the aeronautical industry being in full expansion at the time).”
Jonas Locht, Free Fall, PVC, industrial paint, textile, electric turbines, 110x110x120 cm, 2014. Photo & © : M. Verpoorten RAVI 2014-2015
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Romain Metivier Né en 1983, à Champigny-sur-Marne (F) Vit et travaille à Paris (F) http://www.romain-metivier.net En résidence aux RAVI de juillet à septembre 2014
L’ensemble des sculptures de Romain Métivier dégage une sensation d’étrangeté mais aussi une certaine familiarité. Elles semblent en effet être des objets fonctionnels dont on ne connaîtrait pas ou plus l’usage, des objets sortis d’un musée d’histoire naturelle ou d’ethnographie qui auraient appartenu à une civilisation ancienne ou lointaine ; dans tous les cas des objets exotiques associés à des modes de vie éloignés de la société moderne. Pourtant leur aspect factice apparaît presque dans le même temps au regard : les matériaux de construction sont tout aussi artificiels que la résine, produit industriel par excellence, que l’artiste utilise pour les réaliser. Elles apparaissent ainsi comme autant d’éléments d’un décor. L’univers de Romain Métivier s’impose donc là, à la croisée du musée d’histoire naturelle et du film d’aventure. Si ses pièces s’inspirent d’objets réels et même si l’artiste a des préférences géographiques et culturelles dans lesquelles il puise ses formes, elles ne font pas référence à une culture précise. Ses oeuvres sont bien plutôt l’expression en volume de la soif de mystère, d’exotisme et de fantastique propre à ces univers. L’artiste envisage ainsi ses pièces comme le pendant sculptural de séries de science-fiction (X-Files, Lost), d’un certain cinéma (Steven Spielberg, Werner Herzog, La nuit du chasseur de Charles Laughton), du dessin et de la littérature fantastique du xix e siècle (les illustrations de Gustave Doré, Dracula de Bram Stoker), et de toutes les formes de culture où s’est niché le désir d’irrationnel depuis les prémices du Modernisme. Bien loin d’une posture critique ou analytique de l’antagonisme entre rationalité et fantasme qui aurait traversé l’histoire moderne et qui caractérise d’autres positions artistiques, Romain Métivier fait bien plutôt la proposition de se laisser aller à ce besoin d’imaginaire, de fantastique et de récit. Il utilise pour cela les codes de représentation des décors de séries ou de films pour plonger le spectateur dans un univers dont on aurait perdu la trame. Selon les mots de l’artiste, il conçoit une exposition « comme un paysage dont chaque sculpture serait un fragment, un acteur. Laissant les espaces vides au regard et au background de chacun pour en dessiner le reste. Un paysage habité, sans repère géographique, ni historique. Un paysage souhaité et non vécu. » L’exposition est donc aussi le lieu d’une promenade, d’une errance, d’un récit à construire. Ses sculptures sont des propositions faites au spectateur d’inventer la part manquante pour tenter d’en expliquer une provenance et une histoire. Le travail de Romain Métivier joue ainsi avec le fantasme de mondes engloutis, de zones vierges et de continents inexplorés qui semblent avoir toujours trouvé des lieux où s’exprimer malgré la fin des grandes explorations. Mathilde Johan
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Romain Metivier Born 1983, Champigny-sur-Marne (F) Lives and works in Paris (F) http://www.romain-metivier.net In residence at RAVI from July to September 2014
All of Romain Métivier’s sculptures provoke a sensation of strangeness, but also a certain familiarity. They appear to be functional objects but of exactly which function we are no longer aware. Like tools from a distant or ancient civilisation straight out of a museum of ethnography, they all seem to represent exotic customs or carry associations with distant societies far from our modern world. Yet the eye is almost immediately aware of their artificial aspect: construction materials as artificial as the resin, industrial product par excellence, which the artist uses to create them. They thus appear like elements of theatrical scenery. Romain Métivier’s universe takes shape at a junction somewhere between a natural history museum and an adventure film. If real things inspire these objects and even if the artist has geographical preferences and cultures from which he draws his forms, they do not refer to any precise culture. His works are rather the expressions in volume of a thirst for mystery, exoticism and the fantastic that is typical of such universes. The artist thus sees his works as the sculptural pendant of science fiction series such as X-Files or Lost, representing a certain style of cinema (Steven Spielberg, Werner Herzog, Night of the Hunter by Charles Laughton), or of fantastic drawings and literature of the 19th century (the illustrations of Gustave Doré, Bram Stoker’s Dracula), as well as all those cultural forms in which the desire for the irrational
Romain Métivier, sans titre (marron/blanc), tissu, filasse, résine acrylique, peinture acrylique, 95x390x255 cm, 2014 // sans titre (beige) II, tissu, résine acrylique, colorant, peinture acrylique, 20x49x41 cm, 2014 // sans titre (blanc/marron), tissu, filasse, résine acrylique, peinture acrylique, 215x360x265 cm, 2014. Photo et © : R. Métivier.
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lurks in waiting since the dawn of Modernism. Far from being a critical or analytical posture of the antagonism between reason and fantasy that has been a theme throughout modern history and which characterises other artistic positions, Romain Métivier makes a case for letting oneself drift downstream with the wandering currents of that imagination, that fantastical story. To achieve this effect he applies the codes of representation found in the scenery of television and film, using them to plunge the spectator into a world for which we have lost the plot. According to the artist, he conceives an exhibition as “a landscape in which each sculpture is a fragment, an actor, leaving the spaces empty, so that the passing gaze and background of each visitor can complete them; an inhabited landscape but without geographical reference nor history; a landscape desired but not experienced.” Thus the exhibition takes the form of a vague ambulation, the wanderings of chance in search of a narrative. His sculptures are propositions pitched at the spectators, so that they might provide the missing elements that might establish the whys and wherefores of a story. The work of Romain Métivier plays with the legends of lost worlds, sunken cities, virgin territories and unexplored continents that still seem to find a way of expressing themselves, despite the era of the great explorers being long past.
Romain Métivier, untitled (maroon/white), textile, oakum, acrylic resin, acrylic paint, 95x390x255 cm, 2014 // untitled (beige) II, textile, acrylic resin, colouring, acrylic paint, 20x49x41 cm, 2014 // untitled (white/maroon), textile, oakum, acrylic resin, acrylic paint, 215x360x265 cm, 2014. Photo & © : R. Métivier
Mathilde Johan
Francis Morandini Né en 1982, à Gleizé (F) Vit et travaille à Paris (F) francis.morandini@gmail.com En résidence aux RAVI d’avril à juin 2014
Un travail de lente maturation m’est fondamental avant l’acte photographique. Je commence par arpenter la ville et sa périphérie où je m’imprègne lentement de l’atmosphère, de la manière dont tombe la lumière sur les architectures et les lieux. Je porte une attention particulière aux différentes formes de vie dans un territoire précis. J’observe de façon active la manière dont les habitants se réapproprient l’espace public, la manière qu’ils ont de détourner les usages et les fonctions de ces territoires, l'entrelacement de différentes strates de temps encore présentes qui témoignent de l'histoire de la ville. Ce travail où je m’imprègne des lieux me permet de sortir des clichés de l’instantanéité pour tenter d’accueillir le réel dans toute sa complexité et sa densité. Il s’agit de réfléchir à comment créer des poèmes avec les moyens de l’image fixe ou autrement dit, de la poésie documentaire offrant une réelle alternative au nivellement des images et à l'uniformisation des modes de représentation. Francis Morandini
Sur le plan formel, les photographies de Francis Morandini se caractérisent par un souci de maîtrise : cadrages, agencements des plans, couleurs, textures… Elles s’élaborent empiriquement ; il parle lui même des « multiples échecs et comparaisons entre les différentes images pour atteindre le résultat souhaité : une image pensive ». Il revient souvent sur des lieux déjà explorés pour recommencer des prises de vue en quête d’une lumière particulière, d’un meilleur point de vue, jusqu’à ce que l’image lui apparaisse assez puissante et soit à même d’offrir une complexité d’interprétation. Pour lui, il « s’agit de réfléchir à la possibilité qu’à le spectateur de se réapproprier les images par l’imaginaire. »
sites urbains non finis, en possible devenir, en déshérence… où les traces des changements opérées par la main de l’homme sur son territoire sont encore sensibles. Durant sa résidence aux RAVI, Morandini a, dans cet esprit, développé un grand ensemble d’images comparable à « une longue phrase poétique », issue de parcours effectués dans Liège. « Mon attention, explique-t-il, a été particulièrement attirée par les paysages post-industriels et sociaux dans une acception très large avec l’objectif de couvrir ce que j’appellerais des espaces poétiques et politiques. » En outre y apparaît un intérêt pour la puissance des matériaux de construction, la présence du minéral et les relations qu’y entretiennent différentes formes de vie, huSes thématiques tournent autour du maine, animale, végétale et aux diffépaysage. Ce sont le plus souvent des rents objets de notre civilisation.
L’exposition de son travail à l’issue de la résidence témoignait par ailleurs de son questionnement sur les modes de présentation de la photographie. Il proposait trois types de vision, trois manières distinctes d’appréhender ses images : « un rapport physique à l’image au mur, un rapport dialectique avec les images agencées sur une table et, enfin, un rapport où le montage des images rapproche la photographie du cinéma. » À partir de ce nouveau corpus réalisé à Liège, ces pièces pourront aussi dialoguer avec d’autres ensembles déjà existants dans le but de continuer à penser notre rapport au monde.
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Francis Morandini Born 1982, Gleizé (F) Lives and works in Paris (F) francis.morandini@gmail.com In residence at RAVI from April to June 2014
“A gradual maturing process is of fundamental importance to me before taking a photograph. I begin by criss-crossing the city and its periphery, to imbue myself with the atmosphere, the way the light falls on buildings and locations. I pay particular attention to the various forms of life in each precise territory. I observe the way the local people occupy public spaces, the way they re-appropriate these areas and subvert their function, the interlacing of different time strata that are still present today as witnesses to the history of the city. This phase, in which I steep myself in the locations I will shoot, enables me to avoid the clichés of the instantaneous in order to welcome reality in all its dense complexity. My aim is to reflect on how to create poems within the fixed medium of the image or, to put it differently, to create a poetic documentary that offers a real alternative to the dumbing-down of images and the conformity to uniform norms in modes of representation.” Francis Morandini
De haut en bas, de gauche à droite : Francis Morandini, Noeuds, tirage argentique couleur monté sur aluminium et encadré, 150X200 cm,2015. © : F. Morandini. Francis Morandini, Végétation, tirage argentique couleur monté sur aluminium et encadré, 150X200 cm, 2015. © : F. Morandini. Francis Morandini, Mur, tirage argentique couleur monté sur aluminium et encadré, 150X200 cm, 2015. © : F. Morandini. Francis Morandini, Piscine, tirage argentique couleur monté sur aluminium et encadré, 150X200 cm, 2015. © : F. Morandini. RAVI 2014-2015
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In a formal sense, the photographs of Francis Morandini are characterised by a care for mastery: framing, arrangement of planes and depth, colours, textures. They develop empirically. He speaks of “multiple set-backs and comparisons between different images before achieving the desired result: a thoughtful image”. He frequently returns to locations already visited to shoot under particular light conditions, a better point of view, until the image seems powerful enough to him and capable even of supporting complex interpretation. For the artist, it is a matter of “opening up possibilities, so that the viewer can lay claim to the image in his imagination.” His themes all centre on landscapes. These are usually unfinished urban sites, either about to become something new, or as yet unclaimed … where the traces of human change are still clear. During his residence at RAVI, Morandini developed a considerable number of images in this spirit, comparable to “a long poetic phase” of creativity, influenced by his walks around the city. “My attention”, he says, “was particularly drawn to those post industrial landscapes that are also social in the largest sense, with the aim of exposing them to poetic or political interpretation.” Furthermore, he showed an interest for the mineral aspects of these sites and the relations between the different forms of life there, whether human, animal or vegetable, as well as the various objects left there by our civilisation. The exhibition of his work at the end of his residence also bore witness to his questioning of the ways that photography is presented. He offered three types of vision, three distinct ways to approach his work: “a physical relationship with the image mounted on the wall, a dialectic relationship with images arranged on a table and, finally, a more cinematographic approach, in which several images are prepared as a montage. This new body of work produced in Liege may now enter into dialogue with other sets that already exist, with the aim of continuing to rethink our relationship with the world around us.
Hélène Moreau Née en 1985, à Argenteuil (F) Vit et travaille à Bruxelles (B) www.helene-moreau.com En résidence aux RAVI de juillet à octobre 2014
Le travail d’Hélène Moreau repose sur la notion de conception. Elle réfléchit à la représentation des logiques internes des formes. Pour elle, la démarche a toute sa pertinence « à notre époque où nous avons de moins en moins accès au fonctionnement des objets qui nous entourent. » Elle s’appuie sur l’observation des constructions, la façon dont elles sont pensées. Elle cherche à décortiquer le raisonnement qui les sous-tend. Ses questionnements relèvent encore la mise en tension des outils et ce qu’ils permettent de produire : les pièces qu’elle conçoit doivent mettre en valeur le mécanisme des instruments utilisés pour les fabriquer. Ces recherches l’ont conduite à la réalisation de différents travaux qui interrogent le medium du dessin, qu’il soit manuel, mécanique (Pantographe) ou informatique (Performance d’affichage). Elle l’utilise comme moyen de compréhension, de conception et d’appropriation. Ses dessins sont le plus souvent noir et blanc. Le trait fin et droit est récurrent, parfois imprimé, parfois insistant et marquant le grain du papier au porte-mine. Dans chacun des cas, le tracé est important : la nature du trait même perdu dans une masse noire fait partie du processus et « charge » la pièce achevée. Le passage à l’image imprimée ou la reprise en dessin à la main d’une image imprimée, fonctionne comme un jeu d’aller et retour permettant d’utiliser l’esthétique de l’un ou de l’autre. Autre élément récurrent : la grille tant comme un outil que comme un motif. Elle peut devenir la trame rigoureuse guidant le dessin ou le motif abstrait dans lequel le geste manuel est trahi par une régularité approximative. La grille peut structurer, délimiter les surfaces et, même, intervenir dans l’accrochage d’une série.
Hélène Moreau Born 1985, Argenteuil (F) Lives and works in Brussels (B) www.helene-moreau.com In residence at RAVI from July to October 2014
Hélène Moreau’s work is based on the idea of conception. She reflects on the internal logic of forms. For her, the process is of the greatest pertinence “in an age in which we have less and less access to the functioning principles of the objects that surround us.” She relies on observing constructions, the way in which they are thought out, endeavouring to extract their substrate reasoning. Such enquiries bring to light the tension between a tool and what it is intended to produce: the pieces she conceives aim to demonstrate the mechanism of the instruments used to manufacture them. These researches have led to the creation of different works interrogating the medium of drawing, whether manual, mechanical (Pantograph) or computerized (Display performance). She uses each medium as a means of comprehension, conception and appropriation. Her drawings are most often in black and white. Fine, straight lines are recurrent, sometimes printed, sometimes insistent, marking the grain of the paper. In each case the trace itself is important. The specific type of line, even if hidden in a dark mass, is part of the process and gives the finished work its distinct “charge”. The transition to a print or the reworking as drawing of a printed image, functions as a game of to-and-fro enabling an appropriation of the aesthetic of the one or the other. Another recurrent element is the grid, both as tool and as motif. This may become the rigorous template guiding the drawing or the abstract motif through which a manual gesture is betrayed by its merely approximate regularity. The grid may structure or delimit surfaces or even intervene in the hanging of a series.
Hélène Moreau, OSB, panneaux osb, bois, dessins, impressions jet d’encre, carrelage, visserie, 360x240x180 cm, 2014. Photo et © : H. Moreau. Hélène Moreau, OSB, OSB panel, wood, drawings, ink-jet printing, tiles, screw work, 360x240x180 cm, 2014. Photo & © : H. Moreau RAVI 2014-2015
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LE PRISME Aurélie William Levaux / Moolinex Née en 1981, à Oupeye (B) // Né en 1966, à Paris (F) Vivent et travaillent à Liège (B) le-prisme.over-blog.com // aureliewilliamlevaux.be // artpute.over-blog.com En résidence aux RAVI de janvier à mars 2014
Notre projet est né de notre rencontre. Plasticiens, auteurs, brodeurs, l’un et l’autre, nous ne pouvions pas imaginer ne pas créer ensemble, même si nos univers graphiques sont très différents. D’une certaine façon, nous nous complétons. Nous nous rejoignons. Le fond est le même. Notre recherche de justice et de transmission d’un message est notre point commun ; nos questionnements et nos révoltes, notre moteur. Nous avons décidé de fonder le mouvement artistique fictif LE PRISME, dont nous sommes les seuls membres avec Johnnychrist, personnage créé de toute pièce, qui symbolise notre fusion. LE PRISME est notre rêve de réaliser ce que nous n’avons jamais pu réaliser seuls : un art total fait d’amour, d’audace, d’humour et de surréalisme. Il est ce que nous ressentons l’un et l’autre en parlant d’une seule voix. LE PRISME est multiforme. Johnnychrist touche à tout, et nous par lui. L’objectif de notre résidence a été d’exploiter les potentialités de l’atelier – Johnnychrist n’a pas de domicile ; ce n’est pas facile pour travailler – pour dégager des éléments de cohérence au départ d’un concept : l’idée décide du matériau, du support sans aucune limite. La peinture à l’huile, le canevas, l’installation, le dessin, la vidéo, la performance ont oeuvré pour LE PRISME… pour qu’il soit le plus riche possible. Les textes se sont mêlés aux constructions ; les plans d’ingénieur sont devenus poétiques. Les thèmes ont été les thèmes de toujours : l’amour, la passion, la quête d’absolu, l’absurdité de la vie, notre société face au désespoir et au vide.
Le Prisme, Le nid, crayon sur papier, 39,5 x 29,5 cm, 2014. © : AWL et Moolinex. RAVI 2014-2015
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Aurélie William Levaux / Moolinex Born 1981, Oupeye (B) // Born 1966, Paris (F) Live and work in Liege (B) le-prisme.over-blog.com aureliewilliamlevaux.be artpute.over-blog.com In residence at RAVI from January to March 2014
Our project is born of our meeting one another. Sculptors, authors, embroiderers both, we cannot imagine not working together, even though our graphic universes are so very different. In a certain way we complete one another, we rejoin each other. The foundation is the same. Our search for justice and transmission of our message is our common denominator; our questions and our revolts, our motor. We decided to found the fictitious artistic movement LE PRISME, of which we, together with Johnnychrist (a created amalgam, symbol of our own fusion), are the only members. LE PRISME is our dream of realizing together that which we could not achieve alone: a total art, built of love, courage, humour and surrealism. It is that which we both feel when speaking with a single voice. LE PRISME is multiform. Johnnychrist gets involved in everything and, through him, so do we. The aim of our residency was to exploit the potentialities of the studio – Johnnychrist is homeless. It is not easy to work – to release coherent elements on the basis of a concept. An idea, support medium without limits, decides the materials. Oil painting, framework, installation, drawing, video or performance art: everything is grist to the mill of LE PRISME… the aim is to be as rich as possible. Texts are mingled with the constructions; engineering plans become poetic. The themes are the same eternal subjects: love and passion, the search for the absolute, the absurdity of life, our society face to face with despair and the edge of the void.
Le Prisme, Le nid, pencil on paper, 39,5 x 29,5 cm, 2014. © : AWL & Moolinex. RAVI 2014-2015
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Magali Roussel
Née en 1985, à Rodez (F) Vit et travaille à Trèves (A) www.magaliroussel.com En résidence aux RAVI de septembre à novembre 2014
Engagé dans la rencontre avec les autres, mon travail s’oriente vers une expérimentation du portrait. Inhérent à nos relations au monde et à la société, le portrait est à la fois réel et figuré. L’exploration de ses formes et de ses potentiels entraîne ma recherche dans des univers variés où la quête d’histoires et de cultures est productrice de sens. Saisir le caractère de mes sujets, suggérer leurs histoires, partager leurs pratiques, c’est ainsi que commence mon travail de composition. Guidée en premier lieu par l’analyse et l’observation du terrain, c’est une recherche plastique qui s’élabore, celle des formes, des symboles et des couleurs... Animé par leur mise en perspective, mon travail s’ancre dans des propositions à la fois humaines et picturales. Présentées sous forme d’installation, elles se déploient de la photographie aux travaux sonores, de la sculpture à la vidéo. Le passé industriel de Liège m’a conduite à développer une recherche historique autour de l’art du feu ainsi que le travail du métal et de ses transformations. J’ai cherché à mieux comprendre son origine et son évolution. Le métal, personnage essentiel de ce territoire, est encore au cœur du développement d’aujourd’hui, notamment autour des nouvelles technologies. Désireuse d’appréhender cet univers, de reconnaître cette matière de la transformation, je suis partie à la recherche de ces entreprises humaines, liant à la fois le passé et le présent. Cette série de portraits a été réalisée au sein d’un centre de formation évolutif appelé Technifutur. Il s’agit ici de la représentation du travail de l’assemblage et de la soudure, aussi séduisant que dangereux. Il a été question pour moi de capter la singularité de ces instants et de cette activité. Autour des matières aux étincelles hypnotiques, j’ai pu composer avec des couleurs jaillissant du feu, des formes insolites et des silhouettes aux allures des plus surprenantes. Magali Roussel
Magali Roussel, Technifutur, impression couleur, 45x70 cm, 2014. © : M. Roussel.
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Actively seeking encounters with others, my work is oriented towards experimentation with portraiture. The portrait, inherent to our relations with society and the world at large, is at once both real and figurative. Exploration of its forms and potential takes my research into a variety of settings where the search for history and cultures engenders meaning.
Magali Roussel Born 1985, Rodez (F) Lives and works in Trier (D) www.magaliroussel.com In residence at RAVI from September to November 2014
Grasping the character of my subjects, suggesting their story, sharing their behaviour, this is how I start my composition work. Guided initially by an analysis and observation of the terrain, I develop a sculptural research, one of forms, symbols and colours ... inspired by the perspective thus achieved, my work is then rooted in human and pictorial ideas. Presented as installations, they open out from photography through sonic elements, into sculpture and video. Liege’s industrial past led me to develop a line of historical research around the art of fire, as well as the art of metal-working and its transformation. I endeavoured to better understand its origins and evolution. Metal, an essential character in this region, is still very much in development today, especially in new technologies. With a desire to
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understand this universe, to recognise this material in transformation, I set off in pursuit of those businesses on a human scale, capable of linking the past to the present. This series of portraits was realised at an evolutionary training centre called Technifutur. This involves the representation of assembly and welding, as seductive and exciting as it is dangerous, where it was for me a question of capturing the singularity of particular instants within this activity. All around these materials, with their hypnotic halo of sparks, I was able to compose using colours that brim with light, strange forms and outlandish silhouettes in bizarre shapes. Magali Roussel
Magali Roussel, Technifutur, colour print, 45x70 cm, 2014. © : M. Roussel.
Adrien Siberchicot Né en 1985, à Colombes (F) Vit et travaille à Paris www.adriensiberchicot.com En résidence aux RAVI de mars à mai 2014
LES MONUMENTS Un monument est un objet, un lieu ou un espace contemporain qui fait vibrer le passé. Le monumental est tout effet ou condition qui caractérise cette émotion. Ecrivez deux phrases. La première décrira un lieu dans la ville de Liège ou ses environs, la seconde les effets produits par ce premier sur vous. Le monument peut être insignifiant, intime ou collectif. Il devra répondre à ces conditions très personnelles. Ne soyez pas trop précis sur la localisation exacte. Je me chargerai de retrouver cet endroit et de le documenter. Les formes de cette documentation pourront être multiples. Ne connaissant pas la ville de Liège, la marge d’erreur sera grande. C’est dans cette dernière que se dessineront les contours d’une expérience esthétique et qu’une définition du monumental pourra se mettre en place.
Adrien Siberchicot
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Adrien Siberchicot a placé sa résidence à la croisée du récit, de la sculpture et de la performance. Il a posté sur le site Internet des RAVI l’appel à contributions ci-contre. Les différents textes envoyés lui ont permis de découvrir un territoire pour lui inconnu sur le mode de l’errance et de dessiner une cartographie poétique de la ville au départ d’un jeu de pistes qu’il suivait à l’aveugle. Petit à petit, un récit a pris forme, mélangeant les textes reçus à ses propres histoires. Les monuments liégeois y prennent une définition alternative tenant aussi bien de la mémoire des habitants que de la vision d’un étranger. Dans la foulée de ce travail d’écriture, Adrien Siberchicot a développé des sculptures en bois pourvues d’un système d’éclairage, qu’il a temporairement placées à côté de certains monuments pour les illuminer, les documenter, les mettre en scène. Le travail effectué aux RAVI s’intègre aux recherches sur le concept de l’artiste comme touriste déjà initiées dans plusieurs séries comme Discontinuous Lines (2013) où des objets, images ou vidéos mettent en lumière des paysages ainsi que les rituels et les artefacts du voyage. Il s’agit, déclare Adrien Siberchicot, d’assumer « la part construite, superficielle et esthétiquement chargée de la pratique contemporaine de déplacement. Dans le projet liégeois, j’ai clairement associé la production de savoirs, de souvenirs, d’expériences de loisirs à une volonté de rencontre. »
Adrien Siberchicot, Eclairage#2 pour Joseph Zomers, bois, leds, batterie, 160x130x40 cm, 2014. Photo et © A. Siberchicot. RAVI 2014-2015
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MONUMENTS A monument is an object, a place or contemporary space that resonates with the past. Every condition that characterises this as an effect or emotion is monumental.
Adrien Siberchicot Born 1985, Colombes (F) Lives and works in Paris www.adriensiberchicot.com In residence at RAVI from March to May 2014
Write two sentences. The first should describe a place in the city of Liege or its surroundings, the second the effects produced on you by the first. Your monument may be insignificant, intimate or collective. It must simply meet these very personal conditions. Do not be too precise about exact location, I will make it my business to find your place and document it. The nature of this documentation may be diverse. Not knowing the city myself, the margin of error is very wide. Within this phase the contours of an aesthetic experience will gradually appear and a definition of that which is monumental will be the probable result. Adrien Siberchicot
Adrien Siberchicot has located his residency at the crossroads of narrative, sculpture and performance. He posted the above call for contributions on the RAVI website. The different submissions he received enabled hima to discover an unknown territory simply by wandering through it, drawing up a poetic cartography of the city, beginning with a treasure hunt whose clues he blindly followed. Little by little, a narrative took shape, blending the texts submitted with his own tales of discovery. Thus the monuments of Liege take on an alternative definition, constructed equally of citizen’s memories and a stranger’s vision. In the sequel to this journalistic task, Adrien Siberchicot developed wooden sculptures equipped with a system of lighting, to be mounted temporarily next to certain monuments to illuminate, document and dramatise them. The work he has done at RAVI forms part of his research on the concept of the artist as a tourist already initiated in several series such as Discontinuous Lines (2013) in which the objects, images or videos present both landscapes as well as the rituals and artefacts of travel. Adrien Siberchicot insists on fully assuming “the constructed, superficial and aesthetically charged aspects of modern travel. In the Liege project, I have clearly associated the production of knowledge, memories, leisure experience with the will to encounter and engage.”
Adrien Siberchicot, Eclairage#2 pour Joseph Zomers, wood, LEDs, battery, 160x130x40 cm, 2014. Photo & © : A. Siberchicot.
Zoé van der Haegen
Née en 1977, à Cambridge (GB) Vit et travaille à Bruxelles (B) www.zoevdh.com En résidence aux RAVI de février à avril 2014
Depuis quelques années, Zoé van der Haegen construit un style photographique, mélange de liberté et de rigueur. La liberté des points de vue et des sujets lui laisse une disponibilité à l'imprévu, à l'étonnement et à l'écart entre certaines images, qui perce la cohérence de la série pour faire naître du sens et de la singularité. Sa rigueur s’exprime sur le plan formel : frontalité, dépouillement, cadrage, gestion stricte des couleurs qui concentrent le regard sur l’essentiel. Cela participe à créer une dimension documentaire que l’artiste parvient à conjuguer avec les marques de ses choix subjectifs tranchés. Ce paradoxe est rendu plus sensible encore par la présentation en triptyque, qui invite à relier les pièces et produit une dimension narrative. Pendant sa résidence aux RAVI, Zoé van der Haegen est restée attachée à une volonté de faire reposer son travail sur un substrat culturel ancré territorialement et historiquement en se concentrant sur le patrimoine cultuel. Avec le soutien du Département d’Art religieux et d’Art mosan de la Ville de Liège, elle a pu accéder librement aux biens patrimoniaux et aux musées où sont conservés les traces de l’histoire du catholicisme dont la Cité Ardente toute entière porte la marque. Elle a eu la possibilité d’accéder aux pièces les plus exceptionnelles mais aussi à celles parfois curieuses qui semblent oubliées pour en proposer une nouvelle lecture, une interprétation, une réactualisation sensibles et spirituelles. Zoé van der Haegen a présenté une sélection d’images lors son exposition REVOIR dans le cadre de la Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels (Liège, Brasserie Haecht, du 10 au 25 mai 2014).
Zoé van der Haegen Born 1977, Cambridge (GB) Lives and works in Brussels (B) www.zoevdh.com In residence at RAVI from February to April 2014
For several years now, Zoé van der Haegen has constructed a style of photography blending freedom and rigour. The freedom she takes with points of view and choice of subjects opens her up to the unexpected, the astonishing and the gulf created between certain images that pierce the coherence of a series to inspire a sense of singularity. Her rigour, on the other hand, is expressed on a formal level: frontal, stripped and tightly framed, a strict approach to tone and colour that concentrates the gaze on that which is essential. All this combines to create a documentary dimension that the artist manages to conjugate together with the marks of the subjective choices taken. This paradox is rendered even more sensitive by a presentation in triptych, which invites the viewer to rejoin the elements and produce a narrative dimension. During her residence at RAVI, Zoé van der Haegen was faithful to her desire to anchor her work in a territorial and historical substrate by concentrating on religious heritage. With the support of the Département d’Art religieux et d’Art mosan de la Ville de Liège (City of Liege Department of Religious and Mosan Art), she was able to have free access to heritage assets and museums that conserve traces of the history of Catholicism that has so marked the history of the Ardent City. She was granted access to the most exceptional works, but also to those sometimes curious and forgotten for which she could offer an alternative reading, and interpretation, a contemporary reassessment both in spirit and meaning. Zoé van der Haegen presented a selection of her images at her REVOIR exhibition, in the context of the International Biennale of Photography and Visual Arts (Liege, Brasserie Haecht, 10th to 25th May 2014).
Zoé van der Haegen, Eglise Saint-Gérard, Liège, impression jet d’encre, 90x60 cm, 2014. © Z. van der Haegen. Zoé van der Haegen, Eglise Saint-Gérard, Liège, ink-jet print, 90x60 cm, 2014. © Z. van der Haegen. RAVI 2014-2015
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Informations pratiques RAVI Place Vivegnis, 36 B-4000 Liège Contact Chantal Olivier 00 32 (0)4 221 91 53 chantal.olivier@liege.be Fanny Laixhay 00 32 (0)4 221 91 88 fanny.laixhay@liege.be residences.ateliers@liege.be www.ravi-liege.eu Comité artistique Directeur Laurent Jacob, directeur, Espace 251 Nord Membres Sophie Biesmans, coordinatrice, Les Ateliers d'Art contemporain Sophie Bodarwé, Chargée de Développement Territorial, Smart.be Pauline Bovy, conservatrice adjointe à la Direction, Grand Curtius, Ville de Liège Jean-Marc Gay, Directeur des Musées de la Ville de Liège Pierre Henrion, historien de l’art Jean-Pierre Husquinet, artiste Pierre Muyle, directeur, Mad Musée Jean-Marie Rikkers, président, Art & Promotion Eric Van Essche, directeur, ISELP
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Remerciements Les Musées de la Ville de Liège / Le Centre d’Impression de la Ville de Liège / Le Service de la Lecture publique de la Ville de Liège / La Régie Foncière de la Ville de Liège / La Coordination générale Saint-Léonard / Régie de quartier Saint-Léonard / L’Académie royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège (ESAVL) / ESA Saint-Luc Liège / Les Ateliers d’Art contemporain / La Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels / Le Comptoir des Ressources créatives / Les Drapiers / Espace 251 nord / Galerie Nadja Vilenne / Revers asbl / SMartbe / SPACE / Jean-Louis et Nathalie Longle, conciergerie RAVI. RAVI 2014-2015
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Liège•museum hors série n° 34, septembre 2015