Baromètre numéro 1 - Mai 2020

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Numéro 01 Mai 2020

EDITO

par Maître Lionel Kalina Menga

Avocat au Barreau de Pointe-Noire / lionelkalina@cabinetkalina.com

ETAT D’URGENCE : LE SENS DE L’EXCEPTION Après la seconde adresse du chef de l’État à la nation, relative à la prorogation de l’état d’urgence, la question est sur toutes les lèvres : comment le confinement peut-il survivre à l’état d’urgence sanitaire qui lui sert de justification ?

Après la seconde adresse du chef de l’État à la nation, relative à la prorogation de l’état d’urgence, la question est sur toutes les lèvres : comment le confinement peut-il survivre à l’état d’urgence sanitaire qui lui sert de justification ? La réponse est une lecture de la loi qui se veut rigoriste sans être nécessairement conforme à la constitution. En effet, le Président de la République a décrété, le 30 mars dernier, l’état d’urgence sanitaire avec confinement à domicile de la population sur l’ensemble du territoire pour une durée initiale de 20 jours, et ce sur le fondement de l’article 157 de la constitution. Après autorisation du Parlement, le texte prévoit que l’état d’urgence peut être prorogé par le Président de la République «au-delà de 20 jours ». Dans la lecture qui a été faite de ce texte, et qui a servi de base au discours du Président de la République, l’état d’urgence ne peut être prorogé qu’une seule fois, pour une période identique de 20 jours. C’est la raison pour laquelle, à l’expiration de cette « ultime prorogation », intervenue avant l’épuisement de la crise sanitaire, le Président de la République a dû se résoudre à la poursuite du confinement au-delà de l’état d’urgence sanitaire. La question qui taraude le juriste est alors la suivante : où diable, les exégètes du gou-

vernement sont-ils allés chercher l’idée que l’état d’urgence ne pouvait être prorogé qu’une seule fois et pour une période identique de 20 jours ?

L’article 157 de la constitution qui sert de base à cette interprétation évoque l’accord du Parlement pour autoriser la prorogation de l’état d’urgence «au-delà de 20 jours », sans enfermer cette prorogation dans un délai précis. Ce texte ne limite pas davantage le nombre de fois dont dispose le Président pour demander au Parlement l’autorisation de proroger l’état d’urgence.

Par ailleurs, la loi déterminant les conditions de l’état d’urgence et de l’état de siège, qui a été récemment adoptée au parlement et au Sénat, prévoit en son article 4 que « le décret déclarant l’état d’urgence précise la nature de l’événement qui le justifie, la zone concernée et la durée de son application qui ne saurait, à chaque fois, être supérieur à 20 jours ». L’usage du terme chaque fois suggère que la prorogation peut intervenir plusieurs fois. On notera enfin que l’article 2 de la même loi dispose que « l’état d’urgence peut-être décrété sur toute ou partie du territoire national en cas de présomption de menace pour l’ordre public ou de péril réel ou imminent résultant d’événements graves qui exige, pour protéger les personnes, les biens, l’environnement ou

BAROMÈTRE

N°01 - MAI 2020

ÉDITORIAL p.1 Etat d’urgence : Le sens de l’exception DOSSIER COVID-19 p.2 • Quelle stratégie pour le déconfinement ? • Interview du Professeur Francine NTOUMI • Le serment d’Hippocrate a l’épreuve du Covid 19 • La protection des données personnelles à l’épreuve du Covid 19 • Cybercriminalité et Covid 19 : un virus peut en cacher un autre • Le Code du travail congolais à l’épreuve du Covid-19 • La responsabilité des employeurs personnels soignants dans le contexte de la pandémie du covid 19 • La réglementation des essais cliniques au regard de la pandémie du covid 19 NOUVELLES p.16 • Création de la section congolaise de l’association Henri Capitant VEILLE JURISPRUDENTIELLE p.16 • L’arrêt Guillaume SORO VEILLE LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE p.19 • Loi portant prorogation de l’état d’urgence • Loi sur l’état d’urgence et lestât de siège • Loi habilitant le gouvernement a édicter des ordonnances dans le cadre des mesures relatives à l’état d’urgence


les infrastructures, une action Immédiate et que les autorités compétentes estiment ne pas être en mesure de réaliser avec promptitude et efficacité dans le cadre des règles habituelles de fonctionnement de l’État.». Alors, comment peut-on présumer à l’avance de la durée d’une crise, que l’état d’urgence est destiné à circonscrire, aura une durée d’au maximum à 40 jours ? Ce n’est ni réaliste, ni conforme à l’esprit de la constitution du 25 octobre 2015 qui laisse la durée et le nombre de demande de prorogations à l’appréciation du Président de la Ré-

publique sous le contrôle du parlement; cette flexibilité ayant pour but de coller à la réalité de la crise que le régime d’exception a pour objet de régler. Certes, les citoyens, spécialement les juristes sont frileux à tout régime exceptionnel qui porte atteinte aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux. Certes, l’exception doit être enfermée dans une temporalité qui l’empêche de se substituer à la normalité. Mais cette temporalité doit être compatible avec l’objectif poursuivi par le recours à l’exception, à savoir circonscrire et mettre un terme au péril redouté, de sorte qu’elle ne devrait s’arrêter qu’avec la crise qui l’a appelé. C’est même cela qui donne du

sens à l’exception. Et, il apparait clairement avec le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence soumis au parlement après le conseil des ministres du 8 mai que le gouvernement soit revenu à une lecture plus orthodoxe des termes de la constitution ce qui lui permet de couvrir la légalité du confinement. Cela dit, si le confinement ne peut se concevoir que dans le cadre de l’état d’urgence, a l’inverse l’état d’urgence est concevable, sans confinement ni couvre-feu. Le deconfinement progressif pourra donc parfaitement commencer à partir du 18 mai 2020.

Dossier COVID-19

QUELLE STRATEGIE POUR LE DECONFINEMENT ? Le gouvernement doit communiquer sans attendre sur le plan de déconfinement pour entretenir l’espoir et casser l’impatience des citoyens. Se taire sur cette attente serait contre-productif et pourrait pousser certains à rompre le confinement de façon désordonnée. Les congolais ont le droit de savoir quand et comment ils pourraient reprendre une vie normale Depuis l’apparition du premier cas annoncé par le Ministère de la Santé, le 14 mars 2020, le gouvernement a multiplié les mesures pour endiguer l’épidémie et limiter sa létalité dans notre pays. Dès le 30 mars 2020, le Président de la République a décidé d’encadrer juridiquement ces mesures exceptionnelles en décrétant l’état d’urgence sanitaire sur toute l’étendue du territoire national, avec confinement a domicile de la population pour une durée de 30 jours.

C’est dans ces conditions, que le Président de la République a saisi le président du parlement pour être autorisé à proroger l’état d’urgence sanitaire conformément à l’article 158 de la même constitution. Il a également demandé que soit inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire du parlement entre autres points, le projet de loi portant détermination des conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence et de l’état de siège. Nous avions à l’époque souligné que la loi organique définissant les conditions de mise en œuvre, et donc, le cas échéant, les conditions de prorogation, devait précéder la loi autorisant le Président à proroger l’état d’urgence sanitaire, car l’état d’urgence initialement décrété, l’avait été sans un cadre légal clair, de sorte qu’il était difficile de proroger une mesure, en l’absence de texte définissant les conditions de prorogation de ladite mesure.

Cette durée a été ramenée à 20 jours par le Décret n° 2020-93 du 30 mars 2020 portant déclaration de l’état d’urgence sanitaire en République du Congo pour être conforme aux prescriptions de l’article 157 de la constitution du 25 octobre 2015.

Malheureusement, pour des raisons de calendrier, la première période de 20 jours étant arrivée à expiration au 20 avril, le parlement a dû en urgence, par une loi n° 15-2020 du même 20 avril 2020, autoriser le Président à proroger l’état d’urgence sanitaire, sur la base de l’ordonnance numéro 62-8 du 28 juillet 1962 sur l’état d’urgence et l’état de siège. C’est dans ces conditions, que par décret 202018 du 20 avril 2020, que le Président de la République a décrété la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour une nouvelle période de 20 jours à compter du 21 avril 2020; période devant donc expirer le 10 mai prochain.

Malgré tout, la construction demeurait imparfaite. Il manquait en effet la loi organique déterminant les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence telles que prévues par la constitution, préalable à une éventuelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire.

Toutefois, cette prorogation était discutable, dès lors que l’ordonnance du 28 juillet 1962 au visa de laquelle a été prise la loi autorisant le Président de la République à proroger l’état d’urgence sanitaire était caduque. Le gouvernement l’a lui-même expressément reconnu dans l’exposé des motifs

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de «la loi déterminant les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence et de l’état de siège» adoptée par le parlement et le Sénat les 30 avril et 2 mai derniers, postérieurement à la prorogation de l’état d’urgence le 20 avril 2020. Il y est rappelé que aux termes de l’article 157 alinéa 5 de la constitution « une loi détermine les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence ou de l’état de siège ». En rappel, ces conditions sont actuellement déterminées par l’ordonnance 62–8 du 28 juillet 1962 sur l’état d’urgence et l’état du siège. Or les dispositions de cette ordonnance ne cadrent plus avec la nouvelle constitution. À titre d’illustration, l’ordonnance de 1962 précitée prévoit, sauf prorogation, respectivement, une durée maximum de deux mois, pour l’état d’urgence et de 15 jours pour l’état de siège. La constitution de 2015 a harmonisé ces durées à 20 jours maximum aussi bien pour l’état d’urgence que pour l’état de siège. Dès lors il devient indispensable de mettre en cohérence le cadre juridique de la mise en œuvre de l’état d’urgence et de l’état de siège avec la nouvelle constitution ». C’est précisément dans ces conditions qu’est intervenu le second message du chef de l’État à la nation le 30 avril dernier. De ce message on peut retenir l’édiction de deux types de mesures complémentaires destinées à amplifier la lutte contre le coronavirus : les mesures d’ordre juridique et constitutionnelle d’une part (A) et les mesures d’ordre sanitaire devant accompagner le déconfinement d’autre part (B).

A. Le décalage entre la fin de l’état d’urgence sanitaire et le déconfinement Dans son message à la nation, le Président de la République a indiqué avoir ordonné


entre autres mesures, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 mai 2020 et la poursuite du confinement à domicile de la population sur toute l’étendue du territoire national jusqu’au 15 mai 2020. Autrement dit, le confinement va se poursuivre cinq (5) jours au-delà de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Or, il est indiscutable que cette mesure constitue une restriction, voire une privation de la liberté d’aller et de venir qui est un droit constitutionnellement garanti. Une telle mesure exceptionnelle ne peut donc se concevoir que dans le cadre tout aussi exceptionnel de l’état d’urgence sanitaire. Elle cesse de plein droit avec l’état d’urgence sanitaire qui la justifie. La poursuite du confinement en dehors du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire constitue donc, à l’évidence, une violation de la constitution. Mais cette mise entre parenthèse délibérée de la légalité constitutionnelle s’explique en réalité par un impératif de santé publique. En effet, dans l’interprétation qui a été retenue au moment de l’intervention du chef de l’état, constitutionnellement l’état d’urgence ne peut excéder, renouvellement compris, 40 jours. Ce délai de 40 jours qui a commencé à courir le 30 mars 2020 prendra donc effectivement fin le 10 mai 2020. Or, dans le même temps, le pic épidémiologique, qui correspond au sommet de la courbe illustrant le nombre de cas de Covid-19, apparaissant chaque jour, avant d’amorcer l’infléchissement, se situe à peu près, selon les prévisions des experts, à 45 jours de la déclaration du premier cas. Autrement dit, en ce qui nous concerne, dans la semaine du 11 au 18 mai 2020. Dans ces conditions, il serait irresponsable, voire suicidaire de déconfiner au moment où le pays va atteindre son plus grand nombre de contaminations. Une telle décision nous ferait perdre le bénéfice des 40 jours de confinement et relancerait la chaine de contamination jusque-là contenue par les mesures de confinement. C’est pour cette raison que, le Président de la République évoque une évaluation de la situation après le 15 mai 2020, tenant compte des prévisions des spécialistes sur un éventuel pic épidémiologique estimé entre le 11 et le 18 mai. L’intégration de la notion de «pic épidémique prochain » rend plus lisible le message du Président de la République notamment en ce qui concerne la poursuite du confinement au-delà de son terme constitutionnel. La prorogation du confinement après la fin de l’état d’urgence sanitaire est certes juridiquement discutable mais sanitairement justifiée.

B. Quelle stratégie pour le déconfinement Sur le plan de la stratégie de déconfinement

le Président de la République en a esquissé les grands traits autour de quelques mesures telles que le port de masques obligatoire dans les lieux publics, la production de 1.500.000 masques locaux d’ici le 10 mai 2020 et l’intensification des tests par une augmentation de la capacité du pays à pratiquer les tests de dépistage au Covid-19.

à l’instant T et qu’une personne contaminée depuis 5 à 6 jours, pourra toujours être détecté négatif au test rapide ?

Le Président de la République a également envisagé un déconfinement progressif. Mais que doit-on entendre par déconfinement progressif ?

A ces mesures qui attendent d’être précisées s’ajouteront celles qui ne devraient pas poser trop de problèmes dans leur mise en œuvre. Ce sera notamment le cas du maintien de la prohibition des regroupements de plus de 50 personnes et de l’encadrement de la fréquentation des lieux exigus pour contrôler le respect de la distanciation sociale.

Il s’agit, à notre avis, pour le gouvernement d’apprécier la situation au regard des indicateurs épidémiologiques qui seront disponibles pour déterminer, le cas échéant, la stratégie de retour à la normale par une reprise progressive et graduée de l’activité. Cette reprise se ferait avec le port du masque obligatoire dans les espaces publics. Le Président de la République a d’ailleurs annoncé la disponibilité de 1.500.000 masques locaux d’ici le 15 mai. Mais bien évidemment, il ne peut s’agir que d’un lot de départ. Autrement comment envisager de déconfiner une popu-

lation de 4.500.000 habitants avec 1.500.000 masques ? Il faudra nécessairement augmenter la capacité de production de ces masques au besoin en créant également un centre de fabrication à Pointe-Noire. Le prix du masque sera, selon le chef de l’état, réglementé et ne devra pas dépasser 1000FCFA. Mais combien de congolais pourront payer à chaque membre de leur famille un masque à ce prix. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’à la sortie du confinement, il y aura à payer une facture sociale, qui pourrait s’élever à des milliers d’emplois détruits autant par le ralentissement de l’activité mondiale que par la baisse du prix du baril de pétrole. L’intensification des tests de dépistage au covid 19 est également une mesure de santé publique salutaire. Mais concrètement comment ça va se passer ? S’agirait-t-il d’un dépistage de masse ou d’un dépistage ciblé sur les sujets symptomatiques ou des cas contacts ? De quel type de tests s’agira-t-il sachant que les tests rapides sont peu fiables et renseignent juste sur l’état immunitaire d’un sujet

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Autant de questions auxquelles le gouvernement, devra sous l’éclairage du comité d’experts, apporter des réponses avant la fin du confinement.

De la même manière, les établissements scolaires et universitaires qui devraient rester fermés jusqu’à la prochaine rentrée scolaire, à l’exception des classes d’examens. Les résultats scolaires seraient alors déterminés par les notes des deux premiers trimestres. Il serait en effet, désastreux de ré-ouvrir les écoles à partir du 15 mai 2020, car la réalité de nos établissements ne permet pas, en l’état, de res-

pecter les exigences de distanciation sociale. Il s’agit-là également d’un impératif de santé publique. Le gouvernement doit communiquer sans attendre sur le plan de déconfinement pour donner un espoir et casser l’impatience des citoyens. Se taire sur cette attente serait contre-productif et pourraient pousser certains à rompre le confinement de façon désordonnée; ce qui serait dramatique. Les congolais doivent savoir, quand et comment ils pourront reprendre une vie normale. C’est à cette conditions qu’ils consentiront de bonne grâce aux sacrifices qui leurs sont imposés.

Me Lionel KALINA MENGA

Avocat au Barreau de Pointe-Noire lionelkalina@cabinetkalina.com

En réalité, seuls les tests rapides sont envisageables. Les tests massifs par PCR qui se réalisent prélèvement nasal et qui révèlent précocement l’infection ne sont pas compatibles avec les délais du déconfinement car ils nécessitent des ressources matérielles et humaines qui ne peuvent pas être disponibles dans l’immédiat.


Dossier COVID-19

COVID-19 : L’EXPERTISE DE FRANCINE NTOUMI, DIRECTRICE DE LA FONDATION CONGOLAISE POUR LA RECHERCHE MÉDICALE. Le Professeur Francine Ntoumi est biologiste moléculaire de formation. Elle travaille dans la lutte contre les maladies infectieuses (paludisme, tuberculose, maladies diarrhéiques, chikungunya) depuis 25 ans. Elle est très impliquée dans la recherche biomédicale en Afrique centrale et au Congo. Enseignante-chercheuse à l’université Marien Ngouabi de Brazzaville, cette scientifique est également directrice générale de la fondation congolaise pour la recherche médicale et professeur associée à l’institut d’études tropicales de l’université de Tübingen en Allemagne.

toyens mais aussi pour les décideurs. Ce que l’on peut dire actuellement c’est que la propagation du virus n’a pas explosé, contrairement aux prévisions qui étaient faites. L’épidémie progresse lentement. Le confinement de la population a été rapidement déployé. Nous avons pris des mesures de prévention rapides d’anticipation en tenant compte de ce qui se passait dans les autres pays touchés par l’épidémie. Comment expliquez-vous que la propagation soit plus lente au Congo que dans les pays européens ? Il y a de nombreuses hypothèses, toutes sont à vérifier. Ce peut être la température, la vaccination au BCG, un ensemble de réactions croisés. Nous n’avons pas identifié grand chose de majeur pour le moment. Peut-être que la souche covid 19 est moins virulente du fait de la réponse qu’elle a en face, pour des raisons liées à notre immunité inné ou pas, à cause de notre écosystème, de nos habitudes, de notre situation. Certains avancent l’hypothèse du rhésus sanguin O +. Au Congo, ce groupe est très présent. L’Organisation mondiale de la santé a mis en place un protocole appelé Solidarity. Qu’estce que c’est et à quoi ça sert ?

ENTRETIEN : Le premier cas de Covid 19 a été détecté le 14 mars 2020 à Brazzaville, dix jours après que le pays a décidé d’imposer une quarantaine à tous les passagers en provenance des pays à risques. Ce premier malade, un ressortissant franco-congolais âgé de 50 ans, était arrivé au Congo début mars. Où en est-on aujourd’hui dans la progression de l’épidémie ? C’est la première fois que le Congo se trouve face à une situation de confinement sanitaire. Nous avons eu des réactions rapides sur certains points et d’autres plus lentes. Par exemple, nous avons pris des mesures de prévention rapides d’anticipation en tenant compte de ce qui se passait ailleurs. Par contre les vols Ethiopian Airlines auraient dû être interdits beaucoup plus tôt. Il faut comprendre que c’est une expérience nouvelle pour les ci-

Cette étude doit permettre de comprendre l’immunité dans différents pays à travers le monde. On prélève, on collecte des échantillons de sang et on met de coté le sérum pour observer les anticorps. On a bien conscience que les être humains sont différents. La protection contre certains pathogènes dépend de l’histoire individuelle et de la communauté. Par exemple, face au paludisme, nous qui vivons dans des zones où il y en a beaucoup, notre immunité combat mieux cette maladie. On ne répond pas de la même manière, selon qu’on soit un congolais ou un européen. Actuellement, nous collectons du sang, on a des sérums et on regarde ce qui se passe avec les anticorps. Est-ce qu’un péruvien répond de la même manière à covid-19, qu’un Congolais ou un Sénégalais ? Le protocole Solidarity II, va nous permettre de comparer les données en utilisant les mêmes outils et les mêmes paramètres. C’est un gros défi qui doit permettre de donner les réponses à toutes nos spéculations. Je peux décrire l’im-

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munité des congolais mais cela ne permet pas de dire si elle est supérieure ou non aux autres pays. Là on pourra dire : voilà la vérité. D’autres scientifiques décortiquent les virus prélevés en Afrique. C’est un peu comme un film policier pour moi. Un jour, on saura la vérité. Quels sont les pays les plus exemplaires dans la lutte contre le covid-19 ? Je dirais les pays scandinaves parce qu’il y a eu très peu de cas. L’Allemagne aussi car même si il y a eu beaucoup de cas, ils ont très bien géré. Là-bas il y a moins de morts que dans les autres pays européens et ils n’ont jamais été débordés. Je trouve que L’Afrique subsaharienne s’en sort plutôt très bien aussi. On n’a pas fait du copié-collé, on a confiné intelligemment. Comment va se passer l’après confinement au Congo ? Ça sera progressif. On va attendre un peu pour les deux zones les plus infectées : Brazzaville et Pointe-Noire. Pour le moment, on est encore sur la pente ascendante. On rédige actuellement des procédures pour la mise en place d’un dépistage des populations. Il est prévu de l’intensifier. Pour être efficace, il faut que ce soit un dépistage moléculaire. Actuellement au Congo, il n’y a que trois structures qui sont capables de les réaliser. Il y a des commandes de matériel importantes en cours mais on ne va pas faire le test sur les 5 millions d’habitants que compte le Congo, ça coûte trop cher. Il faut un dépistage judicieux et intelligent qui prend en compte les ressources humaines et financières. Nous devons être réalistes. Dans les zones peu infectées, on peut pooler : on prélève le sang de 10 personnes que l’on mélange et on fait le test. Si le test s’avère positif, alors on fait un test individuel. C’est ça le dépistage que nous allons faire à grande échelle. On veut détecter les personnes atteintes du covid 19 pour éviter la propagation du virus. Que révèle la crise du Covid-19 d’après vous ? En tant que scientifique, ça nous montre qu’on n’est pas assez préparé et qu’il faut investir dans la lutte contre les épidémies et maladies infectieuses. Cette crise a aussi révélé l’unité des scientifiques à travers le monde. Je participe à des réunions internationales. Les bailleurs de fonds se sont réunis et mettent de l’argent ensemble pour combattre cette pandémie, on mobilise toutes les intelligences. Je n’ai jamais vu un tel partage de données, de connaissances, d’expériences et de ressources en 25 ans de carrière. Mais cette pandémie révèle aussi un aspect plus sombre : des pays ferment leurs frontières, chacun chez soi. Je trouve ça triste. Des avions sont affrétés pour ramener les ressortissants dans leurs pays d’origine. C’est ça aussi la nature humaine.

Odile BRAHMS

journaliste barometre.cg@gmail.com


Dossier COVID-19

LE SERMENT D’HIPPOCRATE A L’EPREUVE DE LA PANDEMIE DU COVID-19 La pandémie du coronavirus covid -19 qui sévit partout dans le monde a mis en évidence la qualité des systèmes de santé dont les principaux acteurs sont les personnels soignants, médecins et infirmiers, en première ligne dans cette guerre, pour soulager la détresse de leurs concitoyens au péril de leur propre vie. Dans notre pays, nombreux d’entre eux ont été contaminés, et en sont morts. Dans un contexte général marqué à peu près partout dans le monde par la distorsion entre l’afflux important des patients et les moyens pour y faire face, se pose de façon inédite la problématique de la responsabilité professionnelle des médecins et des autres personnels de santé. Cela mérite que l’on s’y penche, sans la prétention d’épuiser un sujet qui se révèle brulant, mais en convoquant les quelques textes juridiques épars en rapport avec la question soulevée. Nous examinerons tour à tour les fondements de la responsabilité du personnel médical (1), ensuite les causes d’atténuation de cette responsabilité (2).

1. Les fondements de la responsabilité La responsabilité des médecins trouve son fondement dans l’obligation qu’ils contractent à travers le serment qu’il prête avant leur entrée en fonction. Ce serment dit d’Hippocrate, citoyen grec présenté comme le père de la médecine, contient un certain nombre d’engagements et d’obligations à caractère moral et éthique qui place le malade au centre des préoccupations du futur médecin. Le dernier paragraphe de ce serment énonce ce qui suit : « Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »

les personnels de la santé doivent : • Respecter la vie et la personne humaine • Assister et soigner tous les patients quelles que soient leur condition, leur nationalité, leur religion, leur opinion politique et philosophique, leur réputation • Porter secours à toute personne en danger ou victime d’un accident ou à tout enfant abandonné, même si d’autres soins ne peuvent pas être assurés • Agir avec conviction et aménité envers leurs patients Quant aux infractions aux dispositions de ce code, elles sont punies conformément au code pénal et à la loi n°001/82 du 7 janvier 1982 portant sur les règles disciplinaires applicables aux agents de l’État, ainsi qu’aux dispositions disciplinaires des conseils des ordres. La pandémie du covid 19 a surpris la quasi-totalité des pays du monde. Et le Congo n’y échappe pas. Sur le terrain la prise en charge des malades infectés a donné lieu, un peu partout, à des situations de tension, entre d’un

côté l’obligation pour le personnel médical de dispenser les soins attendus par les malades, et de l’autre la prévention des risques auxquels ce personnel s’expose quotidiennement dans le cadre de l’exécution de l’obligation des soins dus aux patients, au regard de l’extrême contagiosité du virus covid 19. Dans son message du 30 avril 2020 sur la riposte à la pandémie, le Président de la république du Congo a, après avoir évoqué la mémoire des deux médecins décédés des suites du covid 19 contractés dans l’exercice de leur fonction, interpellé les personnels de santé en exhortant tous ceux qui se seraient « éloignés de leur serment d’Hippocrate, à retrouver le chemin du devoir, pour soulager leur conscience de la lourde incrimination de non-assistance à personne en danger ». Si ce rappel à l’ordre est compréhensible sur le plan éthique et moral, il n’en est pas de même lorsqu’il est confronté à la rigueur juridique. Dans le contexte du covid 19, la responsabilité des personnels de santé, se heurte ainsi à d’autres notions juridiques susceptibles d’atténuer voire d’exonérer leur responsabilité, si elles sont invoquées légitimement.

Définition : Le pic épidémique Le pic épidémique est une caractéristique des épidémies qui évoluent en général suivant un modèle de courbe en cloche à savoir le nombre de cas augmente à un rythme spécifique de chaque maladie pour atteindre un maximum (pic épidémiologique) avant de commencer à décroître. Mais ce n’est qu’à posteriori qu’on sait qu’on a dépassé le pic. Toutefois, les mathématiciens proposent des modèles prédictifs quand ils ont suffisamment de données. Mais les modèles ne s’avèrent pas toujours justes car la progression d’une maladie infectieuse dépend de multiples facteurs, de sorte qu’il est difficile de faire des prédictions surtout quand il s’agit d’une nouvelle pathologie. Ce graphique montre l’évolution théorique du nombre de personnes contaminées par un virus dans le temps, selon la mise en place (ou non) de mesures préventives. L’objectif ? «Retarder le départ de l’épidémie, diminuer l’intensité de cette épidémie et l’étaler au cours du temps», synthétise le professeur suisse Didier Pittet dans une interview. Selon ce schéma, le nombre total de personnes contaminées durant l’épidémie reste comparable quelles que soient les mesures prises. Mais la gestion de la crise est très différente. «On veut réduire le pic de l’épidémie pour l’étaler sur une période prolongée de manière à éviter la surcharge du système de santé», explique cet épidémiologiste qui a notamment popularisé la solution hydro-alcoolique de désinfection des mains.

Ce serment est complété, selon les pays par d’autres textes, tel que le code de déontologie. Au Congo, il existe depuis la loi n°009/88 du 23 mai 1988, un code de déontologie des professionnels de la santé et des affaires sociales. L’article 2 dudit code dispose que « le code de déontologie traite de la morale professionnelle et de l’éthique que doivent observer les personnels de la santé et des affaires sociales ». Les dispositions dudit code s’appliquent à tous les travailleurs de la santé et des affaires sociales, comme le précise l’article 3.

«On ne peut pas empêcher un virus de circuler... mais on peut éviter que trop de malades ne se contaminent d’un seul coup» ( Olivier Véran). Nous avons reproduit ce schéma théorique à partir du modèle développé par l’agence fédérale de protection de la santé publique américaine, les CDC.

Au titre des obligations qui leur incombent,

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2. Les cas d’atténuation de la responsabilité du personnel médical Soigner les patients qui se présentent à eux est une obligation qui s’impose aux personnels de santé, ainsi que nous l’avons rappelé ci-dessus. La lutte contre la pandémie du covid 19 a donné à cette obligation un caractère spécial, d’autant qu’avec les réseaux sociaux, chacun a pu mesurer les insuffisances des moyens donnés par les employeurs (État, gouvernements…), au personnel chargé de gérer ce lourd problème de santé publique. Pour appréhender l’atténuation de la responsabilité des personnels de santé, nous examinerons successivement l’hypothèse du droit de retrait, puis l’exonération de responsabilité au plan pénal qui pourrait être invoquée par les personnels qui ont été interpellés par le chef de l’État.

2.1. Le droit de retrait des personnels de santé Les personnels de santé placés en première ligne de la riposte contre le covid 19 exercent leurs missions dans le cadre de l’exécution de leurs obligations professionnelles. Il existe en droit du travail un droit de retrait reconnu au travailleur. Il s’agit de la possibilité donnée à un salarié de se retirer d’une situation de travail lorsqu’il y a des motifs raisonnables de penser qu’elle présente pour sa vie ou sa santé un danger grave et imminent. Il s’agit d’un droit individuel qui s’applique au cas par cas, selon chaque situation. Toutefois plusieurs salariés, dans la même situation peuvent décider d’exercer ce droit en même temps. Parmi les motifs raisonnables pouvant justifier l’exercice du droit de retrait figure le fait pour le travailleur de se trouver face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé et même dans le cas présent celle des membres de sa famille ; ou encore le fait de constater que les systèmes de protection sur son lieu de travail sont défectueux ou inexistants. En l’état actuel de nos systèmes de santé, la seule limite au droit de retrait des travailleurs se trouve dans le serment d’Hippocrate qui énonce des principes d’ordre moral et éthique. Les personnels de santé sont ainsi placés devant le tribunal de leur conscience, plutôt que dans les déclarations de principe, et le rappel des professions de foi des professionnels concernés. A tout le moins peut-on relever à l’encontre de ceux qui s’en prévaudrait, d’être parjure à leur serment. Si le droit de retrait n’est pas clairement systématisé dans notre droit, il y est nécessairement sous-entendu puisqu’il s’agit d’une application spécifique, de l’exception d’inexécution inhérente à tout contrat synallagmatique, au contrat de travail. L’exception d’inexécution,

ou « exceptio non adimpleti contractus », est définie classiquement comme le droit, pour une partie, de suspendre l’exécution de ses propres obligations tant que son cocontractant n’a pas exécuté les siennes. Il s’agit, en quelque sorte, « d’un droit de légitime défense contractuelle » susceptible d’être exercé par le salarié. Notons à ce titre que la Cour de Cassation française admet le droit de retrait si le matériel fourni au travailleur est insuffisant ou défectueux, ou si les durées légales de travail ne sont pas respectées (Cass. soc. 2 mars 2010, P. n°08-45.086) S’agissant du coronavirus covid-19, on note au titre des recommandations émises par l’OMS et reprise par le comité technique de lutte contre la pandémie et le ministère de la Santé le port obligatoire d’un masque FFP2, de sorte que l’absence de mise à disposition de tels équipements individuels de protection (masques, sur-blouse, sur-chaussures, charlottes, lunettes) serait de nature à pouvoir justifier, après une mise en demeure infructueuse, un droit de retrait. A titre d’exemple, le conseil d’État français a été saisi le 21 mars 2020 par des professionnels de la santé d’une requête pour qu’il soit fait injonction a l’État, d’une part, « d’adopter toutes les décisions et mesures urgentes, qui sont nécessaires afin d’assurer un approvisionnement suffisant en matériel, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, de l’ensemble des professionnels de santé les plus exposée, afin de leur permettre une prise en charge satisfaisante de leurs patients, notamment ceux atteints du virus covid-19, de nature à garantir la protection de leur santé (…) » et, d’autre part , «de prendre toutes les mesures (…) nécessaires afin de procéder à la fabrication, l’importation ou à la remise des stocks suffisants de masques de protection, et en particulier de masques FFP2, de gel hydro alcoolique, de sur blouses, de charlottes, de gants, de sur chaussures et de lunettes de protection auprès des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, afin que le matériel puisse être redistribué aux professionnels de santé exposés au covid 19 (…)». Le conseil d’état français bien qu’ayant rejeté au fond la requête qui lui était ainsi soumise, a reconnu dans la motivation de son arrêt en date du 28 mars 2020, la nécessaire protection du droit à la vie des soignants et de leurs proches en tant que liberté fondamentale.

2.2. Les limites à la responsabilité pénale Dans son allocution du 30 avril 2020, le Président de la république a interpellé les professionnels de santé ayant fait défection au front contre le covid 19 et susceptibles de tomber sous le coup du délit de non-assistance à personne en danger. Celui-ci est défini à l’article 62 alinéa 2 du code pénal comme le « fait de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque

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pour lui, ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. Au sens de la loi, la responsabilité des personnels de santé, suppose que l’assistance à apporter aux patients ne présente pas de risque pour eux-mêmes, ni pour les tiers. Or, comme il a été relevé, au Congo, comme ailleurs, des personnels de santé ont succombé après avoir contracté le virus sur leur lieu de travail, faute d’équipement de protection individuel adapté. Le risque n’est pas seulement hypothétique, il est bien réel, de sorte que, l’appréciation d’une éventuelle responsabilité doit être faite à l’aune de ce risque. La responsabilité des personnels de santé apparaît, dès lors, comme le juste pendant de l’obligation de l’employeur de garantir la sécurité des personnels, exposés au risque du covid 19. En outre ce grief ne peut valablement être retenu à l’encontre d’une personne qu’à la condition que son intervention soit sans risques pour lui et pour les tiers. Ceci suppose qu’il ait réellement été mis en situation de remplir son obligation de soulager la détresse d’autrui, sans entraves, ni tracasseries, notamment en lui garantissant une liberté effective de circuler en période d’état d’urgence au titre des « déplacements essentiels». La justification d’une entrave à la liberté de circuler ou d’un risque quelconque pour son intégrité physique serait constitutif d’une excuse absolutoire. Au regard de ce qui précède, il y a lieu de relativiser le grief de non-assistance à personne en danger susceptible d’être relevé à l’encontre des personnels de santé. Il s’agit à l’évidence d’une situation cornélienne entre d’un côté l’obligation découlant du serment d’Hippocrate, et de l’autre le sentiment réel de ne pas être en situation d’accomplir efficacement et en toute sécurité son travail. Dans ce contexte, et de façon anecdotique, mais non moins sérieuse, on peut relever que la non-assistance à personne en danger est apparue là où on l’on s’y attendait le moins. C’est le cas rapporté des personnels de santé réquisitionnés dans la riposte contre le covid -19, qui se sont trouvés rudement pris à partie par les forces de l’ordre et empêché de facto, d’accomplir les tâches qui leurs sont dévolues par les hautes autorités de la République.

Me Aimé BOMBA MATONGO

Docteur en droit Avocat au Barreau de Pointe Noire bombamatongo.avocat@yahoo.fr

Me Lionel KALINA MENGA

Avocat au Barreau de Pointe-Noire lionelkalina@cabinetkalina.com


Dossier COVID-19

I. Le cadre légal de la collecte des données médicales relative à la pandémie covid 19

LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES À L’ÉPREUVE DU COVID-19 La République du Congo a adopté le 29 octobre 2019 une loi relative à la protection des données personnelles. Comment cette loi est-elle mise en œuvre pour les données médicales et épidémiologiques collectées dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus covid 19. Les congolais ont encore en mémoire l’intervention d’un ministre du gouvernement sur une chaîne nationale, à une heure de grande écoute, menaçant de révéler l’identité de patients qui s’étaient soustraits de la surveillance des équipes sanitaires de lutte contre le covid 19. Par ailleurs, une certaine opinion réclame

éléments propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique ». Cette loi a vocation à garantir que la collecte des données à caractère personnel, leur transmission, leur stockage, leur usage ou de manière générale leur traitement, sous quelle que forme que ce soit, respecte les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques. Les données concernant la santé des personnes entrent bien dans la définition des données à caractère personnel au sens du texte précité. Or la stratégie de gestion de la pandémie recommandée par l’OMS repose en partie sur la

La pandémie du coronavirus covid 19 est certainement la première sollicitation d’importance du dispositif légal mis en place par la Loi n°29-2019 du 22 octobre 2019 portant protection des données personnelles en République du Congo. Cette loi a notamment pour objet de protéger la vie privée des citoyens et au delà leurs libertés et droits fondamentaux au regard du traitement des données personnelles. Et, parmi les moyens de lutter contre la pandémie certains reposent sur des outils nécessitant la collecte de nombreuses données personnelles, à des fins d’investigation par les autorités sanitaires. A ce titre, cette campagne de collectes de données sanitaires entre parfaitement dans les prévisions de ce dispositif légal. Cette loi repose sur une série de principes directeurs qui sont, entre autres : le consentement du titulaire des informations, la loyauté dans la collecte des données, la compatibilité entre la durée de conservation des données et la finalité à laquelle elles sont destinées, l’exactitude des données, le droit de rectification et le droit d’opposition. Le principe du consentement préalable du sujet des informations objet du traitement est rappelé par l’article 5 de la loi précitée en vertu duquel «le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué qu’après avoir reçu le consentement de la personne concernée».

même que soit communiquée l’identité des personnes malades ou guéries du Covid 19, pour attester de l’existence de la maladie. La gestion de la crise sanitaire consécutive à la pandémie du coronavirus Covid 19 a brutalement mis en lumière la problématique de la protection des données personnelles en République du Congo. Le Congo s’est en effet doté depuis le 29 octobre 2019 d’un instrument juridique permettant d’assurer la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Sont considérés comme données personnelles au sens de l’article 3 de cette loi, « toutes informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs

stratégie des 3 T : tester, traiter et tracer, c’est à dire, diagnostiquer, soigner et surveiller. A ce titre les autorités sanitaires sont amenées à collecter, à des fins d’investigation, les données sanitaires pour endiguer la pandémie. Il s’agira notamment des données relatives aux personnes sur les lesquelles pèsent une suspicion d’infection, les personnes testées positif et les personnes ayant été en relation avec des personnes infectés (les personnes contacts). Le renforcement des tests de masse préconisé par le chef de l’état dans son message à la nation du 30 avril 2020, va nécessairement amplifier la campagne de collecte de données personnelles relatives à la santé en rapport avec la lutte contre la pandémie actuelle. Il se pose donc, la question du cadre légal dans lequel cette collecte généralisée de données personnelles sanitaires va devoir s’inscrire d’une part (A) et d’autre part, celle de la protection des données ainsi collectées (B).

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Toutefois, l’exigence du consentement préalable de la personne concernée n’est pas requise lorsque le traitement est nécessaire (…) à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées. C’est précisément le cas des données sanitaires collectées et traitées par les autorités sanitaires dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Coronavirus Covid 19. Concernant spécifiquement les données relatives à la santé, l’article 14 de la loi pose le principe de l’interdiction de «la collecte et du traitement des données à caractère personnel qui révèle l’état de santé de la personne concernée». Toutefois, là également, l’article 15 a prévu une dérogation à cette interdiction lorsque (…) «le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou est effectué par une autorité publique ou est assigné par une autorité publique au responsable du traitement ou à un tiers auquel les données sont communiquées»; La collecte, la transmission et l’utilisation des données personnelles relatives à la santé par


les autorités sanitaires obéissent donc à un régime doublement dérogatoire, tant en ce qui concerne l’exigence du consentement préalable de la personne concernée, qu’en ce qui concerne la prohibition qui frappe le traitement des données relatives à la santé. Concrètement, les équipes soignantes qui traitent et suivent les patients soupçonnés d’être infectés, ceux infectés et les sujets contacts n’ont pas besoin de leur autorisation pour transmettre ces données à l’autorité sanitaire et administrative en charge de la lutte contre le covid 19. Ces données portent sur l’identification des personnes notamment leurs coordonnées de contact, leurs données cliniques et biologiques, leur exposition à l’infection et, pour les cas confirmés, les personnes avec lesquelles elles ont pu être en contact. Les destinataires de ces informations sont les autorités sanitaires investies de cette mission par l’État. Mais, la collecte et le traitement des données personnelles relatives à la santé pour endiguer la pandémie du coronavirus posent également de nombreuses questions liées à la sécurité et la confidentialité des données et plus généralement au respect et à la protection de la vie privée.

à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets». Toutefois, le médecin peut, malgré son obligation de respecter le secret professionnel, divulguer des informations de nature confidentielle obtenues dans l’exercice de sa profession au sujet d’un patient infecté par le Covid 19. Il s’agit en effet d’une situation d’exception expressément prévu par le Code de déontologie des profession médicales. L’article 10 de cette loi ordonne aux « personnels de la santé (…) de collaborer avec les pouvoirs publics pour assurer la protection et préserver la santé publique ». La pandémie et la nécessité de l’endiguer constitue un fait justificatif qui délie le médecin de son obligation au secret.

II. La protection des données personnelles et de la vie privée dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus.

Néanmoins ce justificatif ne vaut que pour une transmission à une personne habilitée. Et en matière de traitement de données personnelles l’habilitation est encadrée par le chapitre 4 relatif aux formalités préalables au traitement des données à caractère personnel. La section 5 qui traite du régime de l’autorisation sur avis de la commission prévoit en son article 40 que “Les traitements de données à caractère personnel opérés pour le compte de l’État, d’un établissement public, d’une entité administrative décentralisée ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public sont décidés par acte réglementaire pris par le Président de la République, après avis motivé de la commission. Ces traitements portent sur les données à caractère personnel (…) qui sont relatives à la santé (…) lorsqu’elles ne relèvent pas de l’article 37.3 ”.

Les données personnelles sanitaires font l’objet d’une protection toute particulière tant par des dispositions spécifiques de la loi sur les données personnelles que par celles du code déontologie des professionnels de la santé.

La commission, saisie d’une demande d’avis, se prononce dans un délai de deux mois, à compter de la réception de la demande. Toutefois, ce délai peut être renouvelé une fois, sur décision motivée du président.

Les données médicales détenues par des médecins sont en principe protégées par le serment d’Hippocrate que prête le médecin dans lequel il jure : « quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas ». Cette obligation de discrétion est reprise par l’article 15 de la loi n° 009-88 du 23 mai 1988 instituant un Code de Déontologie des professions de la santé et des affaires sociales qui rappelle que « Les personnels de la santé et des affaires sociales sont tenus au secret professionnel ».

Si la commission saisie ne se prononce pas jusqu’à l’expiration du délai de deux mois précité, l’avis est réputé favorable.

Les données ainsi transmises sont soumises selon l’article 63 de la loi, à une obligation renforcée de confidentialité, qui interdit tout détournement de finalité, c’est à dire, une utilisation différente de la raison pour laquelle elles ont été collectées et transmises.

Enfin, l’article 378 du Code pénal sanctionne « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sagesfemmes, et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige

L’acte règlementaire pris après avis de la commission et autorisant les traitements visés plus haut doit comprendre les mentions obligatoires suivantes : • la dénomination et la finalité du traitement ; • le service auprès duquel s’exerce le droit d’accès ; • les catégories de données à caractère personnel enregistrées ; • les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces données ; • les dérogations à l’obligation d’information prévues par les dispositions de l’article 49.1 de la présente loi, s’il y a lieu. Néanmoins, l’article 99 prévoit que pendant

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la période transitoire, les traitements de données opérés pour le compte de l’État, ne seront soumis qu’au régime de la déclaration auprès de la commission dans les conditions prévues par les articles 33 à 36. La déclaration sera faite sur un formulaire établi par la commission et comportera l’engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi. La commission attestera de la déclaration par un accusé de réception. Dans le délai d’un mois, elle devra délivrer un récépissé qui devrait permettre au demandeur de mettre en œuvre le traitement sans toutefois l’exonérer d’aucune de ses responsabilités. Le délai d’un mois prévu pour la délivrance du récépissé peut être prorogé une fois, sur décision motivée de la commission. Seul le récépissé ouvre le droit à la mise en œuvre du traitement des dossiers. L’article 100 prévoit que la durée de la période transitoire qui correspond également à la période mise en conformité des traitements de données antérieures est pour l’État de deux ans, à l’entrée en vigueur de la loi. Malheureusement, force est de constater que la commission pour la protection des données personnelles prévue par l’article 4 de la loi du 29 octobre 2019, et qui est chargée de la mise en œuvre de ladite loi n’a pas encore été créée à ce jour. Il y a donc une incomplétude du dispositif de protection des données personnelles, qui par l’absence de loi créant la commission pour la protection des données personnelles, compromet la sécurité du traitement des données personnelles dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus Covid 19. Le dispositif légal a besoin d’être parfait pour être pleinement opérationnel. L’article 1er de la loi du 2 mai 2020 habilitant le gouvernement à édicter, par ordonnance, des mesures relevant du domaine de la loi, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus, l’autorise à légiférer en matière de santé publique et pour la sécurité des personnes. Le gouvernement a donc, a travers cette loi, l’opportunité de parfaire le dispositif de protection des données à caractère personnel, en prenant une ordonnance créant la commission prévue par la loi nº 29-2019 du 22 octobre 2019 portant protection des données personnelles.

Me Lionel KALINA MENGA

Avocat au Barreau de Pointe-Noire lionelkalina@cabinetkalina.com

Me Hérold MALONGA

Avocat stagiaire au Barreau de Pointe Noire heroldmalonga@cabinetkalina.com


Dossier COVID-19

COVID-19 ET CYBERCRIMINALITÉ : UN VIRUS PEUT EN CACHER UN AUTRE La pandémie COVID-19 a rendu les individus et les entreprises extrêmement vulnérables à tous égards. En effet, nous n’avons jamais été aussi dépendants des systèmes informatiques, des appareils mobiles et de l’internet pour travailler, communiquer, faire des achats, partager et recevoir des informations; pour briser la solitude et atténuer l’impact de la distanciation sociale. La crise sanitaire a amplifié de façon exponentielle le recours au télétravail qui constitue désormais une des réponses les mieux appropriée à l’exigence de distanciation sociale recommandé par l’OMS, entre autres mesures, pour rompre la chaîne de progression de la pandémie. Le recours inédit en République du Congo à ce nouveau mode d’exécution du contrat de travail constitue une tendance lourde destinée à perdurer postérieurement à la crise du Coronavirus. La généralisation du recours télétravail dans les plans de continuation d’activité comme réponse à l’impératif de poursuivre la production en période de confinement a amené de nombreuses entreprises à réviser, dans l’urgence, leur schéma organisationnel sans forcément avoir eu le temps d’adapter en conséquence leur protocole de sécurité informatique. Dans ce contexte exceptionnel le fait d’autoriser des collaborateurs à travailler à distance sur des équipements professionnels et parfois personnels augmente la vulnérabilité des systèmes d’information des entreprises en raison de la circulation d’un flux plus important d’informations critiques. La cybercriminalité a flairé dans la pandémie du Covid 19 une opportunité. Par cybercriminalité nous entendons l’ensemble infractions pénales tentées ou commises à l’encontre ou au moyen d’un système d’information et de communication, principalement Internet. Depuis le mois de décembre on a assisté une recrudescence des attaques qui constituent désormais un risque majeur pour les entreprises (A) et face auquel les entreprises congolaises et les particuliers sont mal protégé juridiquement (B). Il y a donc urgence à ce que le gouvernement profite de la loi d’habilitation pour combler ce déficit législatif (C).

A. L’émergence d’un risque de sécurité majeur pour les entreprises Les attaques cybercriminelles ont explosé de

façon affolante depuis le mois de décembre 2019 sur les infrastructures des entreprises. Les cybercriminels profitent notamment du télétravail pour déjouer les systèmes de sécurité informatique des entreprises. Ils ont trouvé dans la pandémie du Covid 19 et la peur qu’elle génère, un nouveau moyen de s’introduire dans les ordinateurs. Les attaques par phishing, rançongiciel se sont multipliés de façon spectaculaire.

authentiques fournissant des informations ou des conseils sur COVID-19 qui sont utilisées pour infecter les ordinateurs et extraire les informations d’identification des utilisateurs.
 • Des campagnes de ransomware. Un ransomware, ou rançongiciel en français, est un logiciel informatique malveillant, prenant en otage les données. Le ransomware chiffre et bloque les fichiers contenus sur l’ordinateur et demande une rançon en échange d’une clé permettant de les déchiffrer. Des ransomware ferment les systèmes d’information des établissements médicaux, scientifiques ou autres établissements de santé où des personnes sont testées pour COVID-19 ou bien dans les lieux où des vaccins sont mis au point afin d’extorquer une rançon. C’est ce qui s’est passé au CHU de Rouen le 28 février dernier. Des pirates ont pris le contrôle de l’ensemble des données médicales des malades de cet établissement qu’ils ont rendus indisponibles exigeant le paiement d’une rançon pour les rendre à nouveau disponibles. • Des attaques contre des infrastructures critiques ou des organisations internationales, telles que l’Organisation mondiale de la santé.
 • Des ransomware, ciblant les téléphones portables des personnes utilisant des applications, qui prétendent fournir des informations authentiques sur COVID-19 afin d’extraire des paiements.
 • Intrusions dans les systèmes d’information des entreprises ou d’autres organisations, en ciblant les employés qui font du télétravail.

Le modus operandi consiste à appâter la cible en lui proposant des informations relatives au coronavirus à travers des mails, avec prospectus pour trouver ou acheter des masques, des gels hydroalcoliques ou tout autres produits en rapport avec la pandémie. Ces mails contiennent généralement des malwares, ces petits programmes espions qui s’installent dès l’ouverture du mail sur l’ordinateur de la cible et permettent au pirate d’en prendre le contrôle. Les utilisateurs apeurés sont des cibles faciles à l’affût de toute information susceptible d’apaiser leur angoisse. Ils sont prêts à ouvrir tous les mails parlant de Covid 19 ou des remèdes pour en guérir ou les bonnes adresses pour commander des masques ou des gels hydroalcoliques. Ce faisant ils ouvrent la porte aux pirates qui peuvent ainsi prendre le contrôle de leurs ordinateurs et les faire chanter de différentes façons. Le site spécialisé du conseil de l’Europe a pu recenser dans cette période entre autres exemples d’attaques liées au Covid 19 : • Des campagnes de phishing et la distribution de logiciels malveillants par le biais de sites web ou de documents apparemment

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• Les systèmes de fraude dans lesquels des personnes sont amenées par la ruse à acheter des biens tels que des masques, des désinfectants pour les mains, mais aussi de faux médicaments prétendant prévenir ou guérir le SRAS-CoV-2. 
 • La désinformation ou les fausses nouvelles sont répandues au moyen de trolls et de faux comptes médiatiques pour créer la panique, l’instabilité sociale et la méfiance à l’égard des gouvernements ou des mesures prises par leurs autorités sanitaires. Entre les mois de décembre 2019 et février 2020, les experts de la société Barracuda spécialisée dans le cyber sécurité ont noté une augmentation de 667 % des attaques liés au covid 19. Cette tendance haussière a été confirmée par l’alerte donnée le 20 mars par le FBI, service fédéral de police judiciaire des États-Unis : « les escrocs exploitent la pandémie du covid 19 pour voler votre argent, vos informations personnelles ou les deux». Face à cette recrudescence de la cybercriminalité, les autorités judiciaires doivent pouvoir coopérer pleinement, pour détecter, enquêter, attribuer, poursuivre et réprimer ce type de délinquance opportuniste.


Or de ce point de vue, les autorités de poursuite congolaises sont handicapées par l’absence d’un instrument juridique spécifique pour appréhender cette nouvelle criminalité.

B. La nécessité d’accélérer l’adoption d’un texte sur la lutte contre la cybercriminalité La cybercriminalité c’est la part d’ombre du progrès des techniques de l’information, et notamment l’intégration des systèmes de télécommunications permettant de stocker et de transmettre n’importe où et n’importe quand des informations quelques soient leur type. Cette évolution significative a ouvert un vaste champ de possibilités nouvelles. À côté de l’espace terrestre, maritime et aérien, est venu désormais s’ajouter un nouvel espace : le cyberespace. Un espace caractérisé par une certaine transnationalité qui défie les mécanismes traditionnels d’appréhension la souveraineté. Une économie nouvelle fondée sur des échanges supranationaux immédiats a vu le jour. Mais à côté des usages légitimes de ces nouvelles technologies se sont inévitablement développé des abus. C’est la cybercriminalité. Face à cette criminalité qui ignore les contraintes géographiques traditionnelle, l’efficacité de la riposte supposait qu’elle s’organise à un niveau équivalent. En effet s’agissant d’un problème mondial, il convenaitt de mettre en place des solutions de niveau mondial par un travail coordonné et des normes minimales obligatoires, les approches nationales isolées sont vouées à l’échec.

La communauté internationale s’est effectivement organisée par la création d’un véritable cyber espace judiciaire. L’harmonisation normative en la matière s’est réalisée à travers des sources majeurs : les Nations unies d’une part et le conseil de l’Europe d’autres part. Aujourd’hui, il s’est dégagé au niveau international une législation type avec des modèles diffusé par les Nations unies. Le conseil de l’Europe finance actuellement un projet Octopus destiné à aider les états non encore adhérents à la convention relative à la lutte contre la cybercriminalité à mettre à niveau leur législation sur la cybercriminalité, sur la base du modèle fourni par ladite convention. Cette normalisation a pour but d’éviter que les initiatives locales isolées ne nuisent à l’efficacité de la riposte globale. En effet les exigences de double incrimination et de garantie comparable postule qu’un pays ne prête son concours dans des poursuites engagées contre un individu présent sur son territoire qu’à la condition que l’infraction poursuivie soit incriminée également dans son propre corpus législatif. Il en est de même pour, les règles de procédure conditionnent la validité des poursuites. Ainsi des preuves informatiques recueillies dans un pays ne peuvent pas être recevable dans un autre si, les conditions de recevabilité ne sont pas les mêmes. Le modèle de loi type de lutte contre la cybercriminalité proposée par le conseil de l’Europe adopté aujourd’hui par la quasi-totalité des pays de la planète reposent sur 3 exigences fondamentales : assurer la sécurité des réseaux, garantir la sécurité dans les réseaux, assurer la répression des cyber délits.

Dans notre pays la démarche a été amorcée mais reste inachevée. Il existe en effet, un projet de texte de lutte contre la cybercriminalité qui avait été examiné lors du conseil des ministres du 6 mars 2019 en même temps que les projets de loi relatif aux transactions électroniques, à la création de l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information, un projet de loi relative à la protection des données à caractère personnel, le projet de loi relatif à l’accès au service universel de communication électronique.

C. L’urgence à légiférer Les projets de lois relatifs à la création de l’ANSSI et à la protection des données personnelles ont été adoptés mais pas celui sur la cybercriminalité. Il est vrai que ce texte présente, tant sur le plan formel que sur le fond, des faiblesses qu’il va falloir purger en s’appuyant sur ce qui existe déjà. Sur ce plan le Congo peut encore bénéficier de l’appui technique et des financements du conseil de l’Europe à travers le projet Octopus qui prendra fin en décembre 2020. À côté d’un éventuel projet d’ordonnance sur le télétravail dont l’urgence est incontestablement avérée le gouvernement va devoir programmer également un projet d’ordonnance portant prévention et lutte contre le cybercrime pour assurer la sécurité des usagers sur les inforoutes de l’information. C’est une question de survie pour nos entreprises.

Me Lionel KALINA MENGA

Avocat au Barreau de Pointe-Noire lionelkalina@cabinetkalina.com

Dossier COVID-19

LA RESPONSABILITE POUR LES EMPLOYEURS DES PERSONNELS SOIGNANTS DANS LE CONTEXTE DE LA PANDEMIE DU COVID-19 La crise sanitaire liée au Covid 19 a déclenché une vague de questionnements dans différents domaines. En matière de santé, elle a surtout mis à jour le fonctionnement des services de soins dans la riposte à la pandémie, ainsi que les insuffisances dont les conséquences se mesurent selon l’angle d’observation choisi. Le corps médical dans son ensemble est en alerte depuis le déclenchement de l’urgence sanitaire mondiale. La prise en charge des patients affectés par le coronavirus a conduit les différents services concernés à s’adapter et à s’organiser en tenant compte des risques, notamment, de contamination des personnels

soignants. En temps normal, les risques professionnels englobent les accidents du travail et les maladies professionnelles qui touchent des travailleurs. Les premiers se caractérisent par leur imprévisibilité et leur soudaineté ; ils modifient brutalement l’état de santé du travailleur. Tandis que les seconds sont souvent des atteintes sournoises qui, tout en affectant ce dernier, peuvent mettre du temps à se révéler. Les uns et les autres obéissent la plupart du temps aux mêmes règles juridiques. Les conséquences de la pandémie du covid 19 n’échappent pas à cette classification. Bien

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plus, elles amplifient, de notre pointe de vue, la responsabilité des employeurs.

1. Le cadre législatif et réglementaire des obligations de l’employeur Les personnels médicaux qui sont principalement en première ligne dans la riposte contre le covid 19 sont des travailleurs, du secteur public pour les uns, et du secteur privé pour les autres. Tous sont confrontés dans l’exercice des missions relevant de leur activité professionnelle au risque de contracter le virus en


cause. L’hygiène et de la sécurité étant des impératifs qui s’imposent à tout employeur, celui-ci, qu’il soit public ou privé, a l’obligation de prendre des dispositions nécessaires pour garantir la sécurité sur le lieu du travail. Cette obligation est prescrite pour les personnels relevant de la fonction publique à l’article 210 du statut général de la fonction publique qui dispose « Tout agent a droit à des conditions de travail décentes et adaptées à l’emploi qu’il exerce. Il doit disposer des outils et des instruments de travail nécessaires à l’accomplissement des missions qui lui sont confiées. L’hygiène et la sécurité doivent être assurées. Il doit être protégé contre les risques professionnels…. » S’agissant des entreprises du secteur privé qui relèvent du code du travail, il convient de se référer aux dispositions pertinentes de l’article 132 dudit code qui dispose : « L’entreprise doit être tenue dans un état constant de propreté et présenter des conditions d’hygiène et de sécurité nécessaires à la santé du personnel ; elle doit être aménagée de manière à garantir la sécurité du personnel » A ce titre l’article 64 alinéa 1 du code du travail prévoit la création d’«un comité technique de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles chargé d’effectuer toutes les études sur les risques professionnels et de proposer les moyens de les prévenir », dont la composition et les attributions sont déterminées par arrêté du Ministre chargé de la sécurité sociale. Les comités d’hygiène et de sécurité dans les entreprises ont été institués par arrêté n°9030/ MTERFPPS/DGT/DSSHST du 10 décembre 1986. Ils ont entre autres pour mission de : • Définir la politique de prévention de risques professionnel dans l’entreprise et l’amélioration du milieu du travail • D’aider à l’observation des prescriptions sur l’hygiène et sécurité du travail • D’appliquer la réglementation et les consignes internes relatives à la prévention des risques professionnels • De procéder aux enquêtes à l’occasion des cas d’accident de travail et des maladies professionnelles révélées….etc Mais qu’advient-il lorsque les conditions de sécurité sur les lieux de travail sont insuffisantes au point que l’intégrité physique des travailleurs s’en trouve affectée, voire pire ?

2. Des conséquences des failles dans les conditions de sécurité sur les lieux de travail De manière classique, il existe deux types de conséquences que nous avons identifiés ci-dessus : les accidents du travail et les maladies professionnelles L’article 59 du code du travail définit « l’accident du travail comme celui qui, quelle qu’en

soit la cause, survient à un travailleur par le fait ou à l’occasion du travail » L’article 60 du même code précise que « les dispositions relatives aux accidents du travail sont applicables aux maladies professionnelles. Un décret pris sur le rapport conjoint du Ministre chargé de la Sécurité Sociale et du Ministre de la Santé publique et après avis de la commission nationale consultative du travail et des lois sociales établit la liste des maladies professionnelles…. » A la lumière de ces dispositions, l’on peut s’interroger si la pathologie contractée en milieu médical par un personnel soignant doit être considérée comme maladie professionnelle ou plus précisément, si le fait de contracter le covid 19 sur le lieu du travail (Hôpital, clinique, centre de santé…) doit s’analyser comme un accident du travail ? Pour répondre à la première question, il convient de préciser la notion de maladie professionnelle qui s’entend de celle qui a un retentissement à long terme sur la santé du travailleur, en réduisant son aptitude au travail. Au regard des commentaires rapportés ici ou là par les spécialistes sur les cas de guérison suite à une infection au covid 19, il n’est pas certain qu’il y ait des conséquences ou séquelles susceptibles de retenir l’hypothèse de maladie professionnelle. Il y a lieu de la relativiser et apprécier, le cas échéant, au cas par cas. Le bénéfice des dispositions légales protectrices pourraient alors être invoquées, au vu des éléments objectifs. En revanche, il nous semble indéniable que le fait pour le personnel médical de contracter le covid 19, alors qu’il au chevet des patients particulièrement contagieux et nécessitant des soins, caractérise bien l’accident du travail, en tant qu’il survient à la fois sur le lieu et à l’occasion du travail. Devant une telle occurrence, la responsabilité de l’employeur devrait être mise en œuvre sur le fondement des dispositions applicables susmentionnées, selon qu’il s’agit du secteur public ou du secteur privé.

3. De la responsabilité de l’employeur Le fondement de la responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail diffère du droit commun de la responsabilité. Contrairement à ce dernier, la charge de la preuve est ici inversée. Il existe en effet, dans cette matière, une présomption de responsabilité sans faute de l’employeur, dès lors que l’accident se produit pendant et sur les lieux du travail. Sauf pour l’employeur ou le cas échéant son assureur, d’apporter la preuve contraire. Le rapport de cause à effet entre le fait de travailler et l’accident, induit une présomption d’imputabilité. Dans ces conditions, l’employeur du secteur privé verra sa responsabilité engagée, dès lors qu’il sera rapporté qu’un membre de son personnel soignant aura, alors qu’il avait été en contact avec un ou plusieurs patients infectés par le co-

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vid 19, contracté ledit agent pathogène. Pour ce qui est de la personne morale employeur du secteur public, elle est tenue en vertu de l’article 216 du statut général de la fonction publique « de réparer tout préjudice subi par un agent dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, notamment les accidents du travail et les maladies professionnelles dont il peut être victime ». Il est ainsi constant que la responsabilité de l’employeur des personnels soignants peut trouver des fondements juridiques dans notre droit positif. Il reste à examiner, l’étendue de celle-ci dans le contexte particulier de la pandémie du covid 19, qui a vu un grand nombre de praticiens hospitaliers payer un lourd tribut sur le plan humain.

4. Le cas spécifique du covid 19 L’infection accidentelle du personnel médical à l’occasion de l’administration des soins aux patients n’est pas une nouveauté qui est apparu avec le covid 19. Ces dernières années, de tels accidents se sont produits avec le vih. Le principe d’une réparation à la suite d’une contamination accidentelle a été admis au titre d’accident du travail, dans des conditions précises. En revanche une telle contamination n’a pas été reconnue comme maladie professionnelle. Cependant pour accidentelle qu’elle soit, une éventuelle contamination au covid 19 sur les lieux du travail, après avoir été reconnue comme accident du travail, devrait faire appel à une autre notion bien connue qui est celle de la faute inexcusable de l’employeur. En effet, la prise en charge des malades atteints du coronavirus nécessite l’usage des dispositifs de protection tels que masques, gants, lunette…. etc. L’obligation de sécurité examinée plus haut qui incombe à l’employeur, impose à ce dernier de mettre à la disposition des personnels soignants, les équipements nécessaires devant garantir l’accomplissement des tâches dans des conditions qui préservent leur santé. A défaut, l’on se trouverait en présence d’une faute inexcusable de l’employeur qui amplifie la responsabilité de ce dernier (article 97 du code du travail). La question ne manquera pas d’être soulevée dans le contexte actuel où des manquements de cet ordre ont été signalés. En particulier, les décès des personnels soignants s’étant trouvés en première ligne dans la lutte contre le covid 19 seront au centre des questionnements sur la responsabilité des employeurs. Sans faire excès de zèle, celle-ci nous paraît difficile à exclure, sauf pour les employeurs de prouver que les mesures de sécurité idoines avait été prises, lors de la prise en charge par leur personnel soignant, des patients infectés.

Me Aimé BOMBA MATONGO

Docteur en droit Avocat au Barreau de Pointe Noire bombamatongo.avocat@yahoo.fr


Dossier COVID-19

LE CODE DU TRAVAIL CONGOLAIS À L’ÉPREUVE DU COVID-19 A nouveau et, dans ce contexte inédit causé par la pandémie Covid-19, le Code du Travail (Loi N° 45-75 du 15 mars 1975 complétée et modifiée par la loi 6-96 du 06 mars 1996) démontre son imperfection et son incapacité à apporter des réponses satisfaisantes aux problématiques inédites soulevées par la crise sanitaire actuelle. Les différents partenaires n’ont pas cessé, durant les dernières années, de lancer des alertes et de formuler des recommandations au sujet de l’inadaptation des dispositions du Code du Travail à la réalité sur le terrain et aux évolutions sociales et économiques que connaît le Congo En dépit des questions, fréquemment, posées par les praticiens (Avocats, Responsables RH…) relatives notamment au salaire, aux heures supplémentaires, aux contrats a durée déterminée, aux contrats temporaires contractés par les sociétés d’intermédiation, au travail à temps partiel, etc, le Code du Travail a été soumis ces derniers jours, avec l’arrivée de la pandémie Covid-19 sur notre territoire, à une nouvelle épreuve difficile marquée par la multiplication des nouvelles questions posées par les employeurs, les praticiens, les syndicats et les employés. Ainsi, nous avons eu affaire à des réponses fondées sur l’analogie et non pas sur des textes clairs et sans équivoques.

1. Beaucoup de questions et peu de réponses Plusieurs employeurs se sont interrogé sur la possibilité, les conditions et modalités de recourir au télétravail (travail à distance), les modalités de paiement des salaires dans des circonstances exceptionnelles, les possibilités de fermeture de l’entreprise en période des pandémies et des cas d’urgence extrême sans recourir à la procédure prévue par les articles 47 et 39 du code et donc à l’autorisation de l’administration du Travail

grante de notre Code puisqu’ils ont démontré leur régularité et conformité avec les conventions internationales signées et ratifiées par le Congo et ils répondent, plus particulièrement aux attentes des employeurs

Dans le cas de ces travailleurs, si nous appliquons les dispositions de l’article 29 de notre Code, c’est l’Administration du travail qui autorisera cette mesure et une indemnité correspondante lui sera versée pendant 03 mois.

Il en est ainsi du télé travail qui n’est pas prévu par le code, du cas des travailleurs étrangers, particulièrement les «rotataires» qui voient leur régime juridique bouleversé.

Par ailleurs, le travail à distance et/où télé travail pendant une période de crise ou en cas de circonstances exceptionnelles, comme celles que nous vivons actuellement, n’est pas prévu par le Code.

En effet quel est le sort des contrats de ces travailleurs s ils sont bloqués à l’étranger du fait de la fermeture des frontières pour cause du Covid 19 et quid de ceux empêchés de partir et donc obligés de rester sur site pour la même raison ?

2. Trouver des réponses pertinentes dans l’urgence et le silence des textes Aucune de nos juridictions n’a déjà été confrontée à cette problématique et comme indiqué supra, nous devons raisonner par analogie et c’est ce raisonnement qui sert, dorénavant, comme une base de motivation pour les employeurs confrontés à cette situation Peuvent-ils obliger ces travailleurs à prendre des congés payés, sans solde, des congés par anticipation ou peuvent-ils obtenir leur mise en chômage technique ou partiel voire rompre leurs contrats ? Les articles 119, 120 et 122 du Code du Travail relatifs aux congés payés ne sont pas plus explicites

Il conviendra donc après cette pandémie de procéder à une mise en harmonie des dispositions légales avec les avancées de la jurisprudence comparée.

La jurisprudence comparée prévoit que pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid 19, un accord collectif d’entreprise ou à défaut de branche peut après avis de l’Administration du travail autoriser l’employeur à imposer la prise de congés payés, modifier les dates de départ en congés. Cette disposition vise tant les congés acquis que ceux qui sont en cours d’acquisition. Cependant, peuventils recourir aux congés sans solde en dernier recours si la situation pandémique ne s’améliore pas ? Cette jurisprudence rejette cette alternative pour l’employeur

En effet, cette jurisprudence a statué sur plusieurs points qui méritent de faire partie inté-

Il restera le chômage partiel ou technique puis hélas le licenciement pour motif économique

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Quid dans ces hypothèses de la rémunération pendant cette période ? Est-ce à l’employeur de l’assurer ou à un autre organisme (CNSS ou autre) ? Quid des salariés sous un CDD ? des stagiaires ? du personnel domestique ? Comment peut-on qualifier la situation où les autorités gouvernementales n’ordonnent pas l’arrêt des activités pour certaines catégories d’entreprises mais que les salariés de ces entreprises refusent de regagner leur poste de travail par crainte de contamination sur les lieux de travail ? En d autres termes, est-ce que les salariés ont le droit de refuser le travail pendant les périodes dangereuses ou exceptionnelles ? Est-ce qu’ils peuvent exercer un droit de retrait tel que prévu dans d’autres législations lorsqu’il s’agit d’un danger imminent et grave pour leur vie ou leur santé ? Il est primordial de nourrir la réflexion sur d’autres situations et d’autres méthodes de travail afin de mettre notre Code au diapason des tendances et des évolutions perpétuelles que connaît le monde économique et entrepreneurial. Ces manquements existants dans notre Code qui s’ajoutent à ceux déjà démontrés par la jurisprudence et les différents praticiens nécessitent une véritable réflexion pour une refonte en profondeur du Code du Travail. Je crois que comme pour plusieurs secteurs il y aura un avant et un après covid-19. Faisons de même pour le Code du Travail au Congo.

Me Claude COELHO

Avocat au Barreau de Pointe Noire Ancien Bâtonnier ccoelhofr@yahoo.fr


Dossier COVID-19

QUELLE REGLEMENTATION POUR LES ESSAIS CLINIQUES AU CONGO DANS LE CONTEXTE DE LA PANDEMIE DU COVID-19 Présentation du contexte Depuis quelques semaines, les médias et autres réseaux sociaux sont inondés de messages écrits, audio et vidéo, portant sur l’idée émise par quelques personnalités, dont on ne connaît que très peu les qualifications scientifiques, de procéder à des tests de vaccins grandeur nature, sur le territoire du continent africain. Tout le monde y va de son commentaire. Du simple citoyen au militant activiste ; des associations de défense des droits humains aux sachants, tout le monde y va de sa dénonciation. Indignation et colère rivalisent, au point que les sentiments subjectifs noient dans leurs flots, des questions juridiques, mais aussi éthiques, fondamentales et préalables, que tout gouvernement devra se poser avant d’autoriser l’entrée et surtout l’usage sur son territoire de produits sanitaires non éprouvés scientifiquement.

de Nuremberg qui contient les critères que doivent satisfaire les expérimentations pour être considérées comme acceptables. Au fil du temps les aspects éthiques se sont imposés aux côtés des questions juridiques que posent l’évolution des technologies appliquées aux sciences de la santé. Pour répondre à la préoccupation de l’heure, qui est celle de donner une réponse thérapeutique à la pandémie à coronavirus Covid 19, il nous faut donc convoquer ici, le cadre légal

de l’assemblée générale de l’Association Médicale Mondiale qui s’est tenue en Finlande. Pour la prière fois, ont été posés, les principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains, qu’il s’agisse de recherche théorique ou de recherche médicale conduite au cours d’un traitement. Cette déclaration est la pierre angulaire d’un édifice bioéthique mais aussi juridique, en perpétuel amendement, en tenant compte des progrès de la science et des nouvelles technologies qui intéresse la santé de la personne humaine, en tant que facteur du developpement. Le droit et l’éthique sont reconnus dans la déclaration d’Helsinki comme bornes indispensables aux essais en ce qu’elle énonce que: « la conception et l’exécution de chaque phase de l’expérimentation sur des sujets humains doivent être clairement définies dans un protocole expérimental. » Ce protocole doit être soumis pour examen, commentaires, avis et, le cas échéant, pour approbation, à un comité d’éthique mis en place

A l’évidence, ces professeurs Tournesol, pour la plupart occidentaux, qui ont été rejoint par quelques rares africains, ont cru pouvoir s’affranchir en Afrique, du corset juridique et éthique, qui encadre les recherches médicale et scientifique dans leurs pays respectifs. Sans doute, la réceptivité présumée de certains dirigeants de notre continent à certaines propositions alléchantes est la cause de cette initiative faussement altruiste. Est-il possible que demain, les grands laboratoires pharmaceutiques (Big Pharma) choisissent le Congo, comme champs d’expérimentation du vaccin contre le Covid 19 ou tous autres essais à visée scientifique ou médicale ? Cette question s’inscrit dans un cadre plus vaste qui recouvre la recherche biomédicale, qui elle-même porte sur les différents types d’essais : diagnostics, thérapeutiques, vaccinaux…etc, toutes pratiques qui conduisent à l’administration à l’être humain de substances issues de ces recherches. La question a surgi avec un grand retentissement au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec le procès de Nuremberg (1946-1947) au cours duquel des médecins nazis, qui se sont rendus coupables de pratiques médicales répréhensibles (expérimentations) sur les prisonniers, au nom d’une certaine recherche médicale, ont été jugés et condamnés. Il s’en est suivi l’adoption du code

et réglementaire qui pourrait légitimer, l’instauration d’une vaccination à grande échelle des populations en Afrique en général et au Congo, en particulier Le nécessaire encadrement juridique : des textes supranationaux à l’échelon étatique La doctrine juridique en matière d’essais cliniques retient comme date pivot, le mois de juin 1964, avec la déclaration d’Helsinki, issue

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à cet effet. Ce comité doit être indépendant du promoteur, de l’investigateur ou de toute autre forme d’influence indue. Il doit respecter les lois et règlements en vigueur dans le pays où s’effectuent les recherches. Il a le droit de suivre le déroulement des études en cours. L’investigateur a l’obligation de fournir au comité des informations sur le déroulement de l’étude portant en particulier sur la survenue d’événements indésirables d’une certaine gravité. L’investigateur doit également com-


muniquer au comité, pour examen, les informations relatives au financement, aux promoteurs, à toute appartenance à une ou des institutions, aux éventuels conflits d’intérêt ainsi qu’aux moyens d’inciter des personnes à participer à une recherche.

soulèverait à coup sûr, des questions éthiques autant que juridiques, s’agissant de produits pour lesquels la communauté scientifique s’accorde à dire qu’ils sont encore en phase de recherche et développement, voire expérimentale.

A l’évidence, les scientifiques réunis à Helsinki, ont très tôt eu à cœur, de prendre en compte les risques d’un développement effréné de la science médicale, suivant la maxime « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Que prévoit la législation congolaise ?

Dès lors, les recommandations issues de l’Association Médicale Mondiale devaient servir de boussole, voire de baromètre pour les actions menées par les chercheurs. Quelques mots clés font l’unanimité et peuvent être considérés comme points cardinaux. Protocole expérimental, comité d’éthique, lois et règlement, consentement et protection des personnes Dans le prolongement de l’esprit d’Helsinki, l’Unesco a adopté le 19 octobre 2005, une déclaration qui s’adresse aux Etats dans laquelle, cet organisme de l’ONU aborde les questions d’éthique posées par la médecine, les sciences de la vie et les technologies qui leur sont associées, appliquées aux êtres humains, en tenant compte de leurs dimensions sociale, juridique et environnementale. La vocation de ladite déclaration étant de guider les décisions ou pratiques des individus, des groupes, des communautés, des institutions et des sociétés, publiques et privées. L’article 4 de la déclaration de l’Unesco précise que : « Dans l’application et l’avancement des connaissances scientifiques, de la pratique médicale et des technologies qui leur sont associées, les effets bénéfiques directs et indirects pour les patients, les participants à des recherches et les autres individus concernés, devraient être maximisés et tout effet nocif susceptible d’affecter ces individus devrait être réduit au minimum. » La plupart des pays occidentaux ont, tour à tour intégré dans leurs législations respectives, ces différentes recommandations. En France, la première loi en la matière dite Huriet Sérusclat fut adoptée le 20 décembre 1988. Le cadre législatif a ensuite évolué, avec notamment l’intervention de la Directive européenne recherche clinique 2001/20/CE, visant à harmoniser les règles en matière de sécurité et de vigilance des essais thérapeutiques entre les différents états membres. En Afrique peu de pays disposent d’une législation adaptée. De fait, le vide juridique que l’on peut constater ici et là, confirme que les gouvernements sont en majorité mal outillés, en ce qui concerne l’encadrement normatif des essais cliniques. Il s’ensuit que l’éventualité d’une vaccination massive des populations pour lutter contre la pandémie du Covid 19

La République du Congo ne dispose pas d’une législation réglementant les essais cliniques et plus largement la recherche médicale. L’article 8 de la constitution du 20 octobre 2015 qui dispose que : « la personne humaine est sacrée et a droit à la vie. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger» pourrait constituer l’embryon d’une future législation en la matière. En effet, pour sommaire qu’il soit, cet article énonce un principe derrière lequel peuvent se loger les exigences basiques des essais cliniques, en ce qu’il prescrit une obligation pour l’Etat, d’avoir à veiller à la sacralité et à la protection de la vie.

des affections iatrogènes. Au Congo, la recherche médicale se déploie sur deux axes. Le premier à dominante internationale, se développe dans le cadre de la coopération, principalement l’union européenne. Le second est promu par une initiative locale à travers la fondation congolaise de recherche médicale. S’agissant de la coopération internationale, elle se traduit entre autres, dans le cadre d’un partenariat Europe Afrique financé par l’EDCTP, pour la conduite des essais cliniques. Cette coopération a notamment mis en place le projet PANDORA-ID-NET qui est un réseau constitué de 4 pays européens et 9 pays africains dont le Congo. Il vise à renforcer les capacités des systèmes de santé des pays concernés pour soutenir une riposte efficace et rapide aux épidémies de maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes. Le caractère multidisciplinaire de ce projet pourrait lui conférer un rôle majeur à l’avenir, eu égard aux leçons imposées par le contexte actuel de la pandémie à coronavirus Covid 19

On peut ainsi estimer, sur la base de cet article 8, que le principe du volontariat qui préside au choix des candidats à un essai clinique, s’impose à l’Etat qui ne peut contraindre un citoyen à faire l’objet d’une expérimentation dans le cadre de la recherche médicale. La pratique en la matière nécessite le consentement préalable, libre et éclairé des personnes qui se prêtent à la recherche clinique.

Quant à la fondation congolaise de la recherche médicale, elle est par vocation tournée vers le développement de la science médicale, spécialement sur les pathologies infectieuses communes sous nos latitudes. A ce titre, la question des essais cliniques ainsi que leur appréhension sous le double aspect juridique et éthique ne peut que constituer une préoccupation essentielle.

La protection des personnes étant une exigence primordiale depuis la déclaration d’Helsinki, la mise en place d’un comité d’éthique indépendant permet de s’assurer du contenu des protocoles expérimentaux mis en place et de suivre le déroulement des études menées. A défaut, des sanctions peuvent être envisagés. Ces dernières s’entendent de la réparation des dommages éventuels subis par les personnes concernées par les essais cliniques dont s’agit.

En tout état de cause, pour rester dans l’esprit de la présente réflexion, soulignons que la question fondamentale de la protection de la personne humaine doit demeurer au centre de toute activité liée aux essais cliniques, qu’ils soient diagnostics ou thérapeutique. Il existe bien un Comité d’Ethique de la Recherche en Sciences de la Santé (CERSSA) crée depuis 2009 auprès de la Délégation Générale de la Recherche Scientifique et Technologique du Ministère de la Recherche Scientifique. Cette tutelle administrative n’est pas un gage de la nécessaire autonomie d’une telle instance, dont la mission doit l’amener à garder une nécessaire distance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Ce n’est qu’à ce prix que les essais cliniques pourront se dérouler dans le respect des principes juridiques et éthiques adoptés depuis Helsinki 1964. A défaut les exigences de la protection des droits des personnes soumis aux essais cliniques prévaudront, et laisseront entrouvertes des actions judiciaires contre les promoteurs des pratiques non vertueuses.

En effet, un des points sensibles relatifs aux essais cliniques concerne les conséquences indésirables ou négatives de tout acte pratiqué dans le cadre des essais cliniques sur les sujets de l’expérimentation. En l’absence de législation garantissant les droits des personnes, tout essai clinique ayant pour objet l’administration à des personnes des substances nouvelles susceptibles de causer des dommages directs et avérés, peut exposer son auteur au filtre de la responsabilité civile. On en vient ainsi aux garanties juridiques nécessaires et suffisantes qui doivent couvrir les aléas de la recherche médicale. C’est là que se situe la principale différence avec les pays développés, où la protection des personnes se prêtant à la recherche médicale et singulièrement aux des essais cliniques bénéficient d’une protection avec, des mécanismes d’indemnisation lorsqu’apparaissent

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En l’état, le Congo, comme de nombreux autres pays africains ne dispose pas du cadre législatif répondant aux normes internationales.

Me Aimé BOMBA MATONGO

Docteur en droit Avocat au Barreau de Pointe Noire bombamatongo.avocat@yahoo.fr


Dossier COVID-19

Pour nous, c’est une infraction au regard du droit français. En tant qu’avocat, nous devons prendre nos responsabilités. Nous avons étudié nos opportunités et nos chances de succès et nous nous sommes lancés ».

AFFAIRE MIRA/LCI :

À QUAND UN VACCIN CONTRE LE RACISME ?

La loi française définit l’injure raciste comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective adressé à une personne ou à un groupe à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».

ENTRETIEN AVEC ME SIMON NDIAYE

Sur l’issue de la plainte pour injure raciale, le fondateur du cabinet HMN Parterns se montre plutôt confiant. « Je suis très optimiste. On ne cherche pas une réparation matérielle et financière pour aller construire des hôpitaux en Afrique. Ce qu’on veut c’est marquer le coup et faire en sorte que les personnes qui s’expriment publiquement soient éthiques et prennent leurs responsabilités. Quand on est un professeur dans un grand hôpital, on ne peut faire preuve de désinvolture sous prétexte de vouloir être provocateur ». C’est une affaire qui fait grand bruit dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le mercredi 1er avril 2020 à 15h55, le chef de service de médecine intensive et réanimation à l’hôpital Cochin (Paris), Jean-Paul Mira, passe sur la chaîne de télévision française LCI. Il débat avec Camille Locht, le directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Les deux professionnels de la santé parlent sur la possibilité d’utiliser le vaccin BCG dans la lutte contre le covid-19.

autre footballeur, le camerounais Samuel Eto’o s’emporte sur instagram « Fils de p… Vous n’êtes que de la m… N’est-ce pas, l’Afrique est vôtre terrain de jeu… ». La réalisatrice afro-féministe Amandine Gay invite les internautes à saisir le CSA et qualifie l’intervention de Jean-Paul Mira de « raciste », « putophobe» et « sérophobe ». Plusieurs figures médiatiques telles que Rokhaya Diallo, Yassine Bellatar, Christine Kelly, ou encore Olivier Dacourt ont également exprimé publiquement leur colère.

Camille Locht explique que l’INSERM espère « avoir des chiffres suffisamment importants pour avoir une valeur statistique ».

Deux jours plus tard, le directoire de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) publie dans un communiqué les excuses de Jean-Paul Mira : « Je veux présenter toutes mes excuses, demander à celles et à ceux qui ont été heurtés, choqués, qui se sont sentis insultés par des propos que j’ai maladroitement prononcés sur LCI cette semaine».

Jean-Paul Mira de l’hôpital Cochin lui répond : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masque, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs dans certaines études pour le sida, où chez les prostituées on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. Qu’est-ce que vous en pensez ? » À la suite de cet échange, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel français (CSA) a reçu de nombreuses plaintes des téléspectateurs. L’institution a publié un communiqué dans lequel elle pointe « un défaut de maîtrise d’antenne », estimant que « les propos abrupts et contestables de l’un des intervenants n’avaient suscité aucune réaction ou demande d’explication sur le plateau ». De nombreuses personnalités se sont insurgées. Sur sa page Facebook, le footballeur international ivoirien Didier Drogba dénonce «des propos graves, racistes et méprisants ». Un

Mais le mal est fait. « Si une personne tue quelqu’un, elle peut s’excuser, ça ne change rien à son crime » nous explique Simon Ndiaye, avocat et co-fondateur du cabinet HMN Partners basé à Paris. Avec un collectif d’avocats basé en Côte d’ivoire, au Sénégal, au Cameroun et dans les deux Congos, Simon Ndiaye a déposé une plainte entre les mains de la doyenne des juges d’instruction à Paris. Elle est portée par un regroupement d’associations de lutte contre le racisme (Ligue sénégalaise des Droits Humains, Raddho, Association malienne des Droits de l’homme etc.). L’avocat français William Bourdon, connu pour son implication dans les dossiers des biens mal acquis, s’est également associé à cette plainte. « Ces propos sont injurieux et extrêmement méprisants. On ne pouvait pas laisser passer et se contenter d’une lettre d’excuse explique l’avocat d’origine sénégalaise.

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Au-delà de la question légitime du racisme, cette affaire a aussi d’inquiétantes conséquences sanitaires. Maître Ndiaye a reçu une dizaine de message d’amis établis aux EtatsUnis, en Afrique et en Europe. Mais celui qui l’inquiète le plus c’est cet appel qu’il a reçu d’une enseignante habitant à Dakar. En 2014, le Sénégal a lancé une campagne de vaccination contre les papillomavirus. Le pays ambitionne d’être le premier en Afrique de l’ouest à disposer du vaccin dans son programme national de lutte contre le cancer du col de l’utérus. Depuis que les propos de Jean-Paul Mira ont fait le tour de la planète, des parents s’inquiètent et craignent de faire vacciner leurs filles. Une défiance envers les vaccins qui viennent d’Europe, très largement relayée sur les réseaux sociaux, s’est installée. « À présent, chaque fois que des vaccins seront prescrits, les populations vont se demander si on n’est pas en train de faire des tests sur eux et de les prendre pour des cobayes ».

Odile BRAHMS

journaliste barometre.cg@gmail.com

Me Simon NDIAYE

Avocat au Barreau de Paris / barometre.cg@gmail.com Inscrit au Barreau de Paris depuis 1996, Simon Ndiaye est associé du cabinet HMN & Partners depuis 2006 et le co-Managing Partner depuis 2019. Il représente et conseille des compagnies d’assurance, des groupes internationaux devant les juridictions civiles et pénales dans le cadre de contentieux internes et internationaux relatifs à la responsabilité du fait des produits, aux accidents aériens et à la responsabilité des dirigeants d’entreprise ou d’associations internationales.


Nouvelles

CREATION DE LA SECTION CONGOLAISE DE L’ASSOCIATION HENRI CAPITANT Les 24, 25 et 26 février 2020, l’Association Henri Capitant, l’Institut de droit comparé de Paris, l’Association congolaise du droit maritime, et la faculté de droit de l’Université Marien Ngouabi ont organisé un colloque à l’auditorium du Rectorat sur le droit OHADA: « L’OHADA en marche ». Ce colloque fut l’occasion de célébrer la création de la section congolaise de l’Association Henri Capitant et d’assurer la promotion du diplôme inter-universitaire Juriste OHADA (universités Paris 2 Panthéon-Assas et Paris 13). Monsieur Eric Dibas-Franck, enseignant chercheur à l’université Marien Ngouabi en a été élu Président. L’Association Henri Capitant fut fondée en 1935, sous l’autorité de Henri Capitant, Professeur à la Faculté de droit de Paris, par un groupe de juristes de différents pays de langue française : Belgique, Luxembourg, Québec, Suisse. Aussi le fut-elle sous le nom d’Association des Juristes de Langue Française. Par la suite, tout en conservant l’emploi de la langue française dans ses réunions, elle s’ouvrit à des juristes de pays non francophones et devint alors l’Association Henri Capitant pour la Culture Juridique Française. Plus tard, pour marquer qu’elle n’est animée par aucun esprit de propagande, elle prit le nom qui reste le sien aujourd’hui : celui d’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française. L’Association est reconnue d’utilité publique en France, par décret du Gouvernement en Conseil d’État en date du 12 juillet1939.

Après Henri Capitant, l’Association a eu, comme présidents successifs, le bâtonnier Jacques Charpentier, le professeur Robert Le Balle, le doyen Roger Houin, le professeur Philippe Malinvaud, le professeur Michel Grimaldiet, aujourd’hui, le professeur Denis Mazeaud.

il constitue un outil privilégié de promotion de la culture juridique romaniste au-delà de nos frontières : à ce titre, il a été référencé par le service public français de diffusion du droit (www.legifrance.gouv.fr/html/sites/portails. htm) comme l’un des principaux portails juridiques français.

Léon Julliot de la Morandière, René Capitant (fils d’Henri Capitant), Marc Ancel, Marcel Waline, Pierre Bellet, Jean Carbonnier, Gérard Cornu et Arnaud Lyon-Caen, ont été longtemps les vice-présidents. Le sont à présent les professeurs Marie Goré et Yves Gaudemet.

Elle anime depuis 2010 la première revue bilingue consacrée aux droits de tradition civiliste (www.henricapitantlawreview.org). Elle est un acteur privilégié de l’actuelle refonte du Code civil français. Plus généralement, elle conseille les législateurs français, européens ou étrangers qui souhaitent bénéficier de son expertise en matière de travaux législatifs.

Tant en France qu’à l’étranger, l’Association réunit de très nombreux professeurs de droit, des magistrats, des avocats, des notaires et des membres des diverses professions juridiques. A ce jour, elle a tissé des liens intellectuels et amicaux avec des groupes ou correspondants étrangers dans plus de 55pays : elle constitue aujourd’hui le premier réseau international de tradition civiliste. Son site internet ( www.henricapitant.org ) permet de prendre quotidiennement connaissance de ses activités et aussi de lire certains de ses travaux qui s’y trouvent en libre accès. Outre qu’il contribue grandement à renforcer les liens entre l’Association et ses différents groupes en facilitant l’échange d’informations,

L’Association se compose : 1. de personnes physiques qui doivent être des juristes ; 2. de personnes morales publiques (établissements publics) ou privées (associations reconnues d’utilité publique, associations déclarées conformément à l’article 5 de la loi du ler juillet 1901). L’adhésion à l’Association est libre. Pour toute information :

eric.dibasfranck@yahoo.com

Veille jurisprudentielle

SOUVERAINETE DE L’ETAT ET AUTORITE DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES : L’EXEMPLE DU CAS GUILLAUME F. SORO ET AUTRES C. REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE - REQUETE N°012/2020 DU 22 AVRIL 2020 1. Les faits de la cause Le 20 décembre 2019, le Procureur de la République d’Abidjan-Plateau est saisi d’une plainte articulée par l’Agent judiciaire du Trésor contre plusieurs personnes dont Guillaume F. Soro du chefs de détournement de deniers publics commis en 2007, alors que ce dernier exerçait les fonctions de premier ministre. Les autres personnes se voient reprocher des faits de complicité et de participation à un projet d’atteinte à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national.

Le 23 décembre 2019 exposait avoir été informé par la Direction de surveillance du territoire que M . Guillaume F. Soro projetait d’attenter à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national. M. Guillaume F. Soro, qui séjournait hors de Côte d’Ivoire, faisait ainsi l’objet d’un mandat d’arrêt et les autres requérants étaient placés en détention préventive pour motifs pris de détournement de deniers publics, blanchiments de capitaux, financement du terrorisme, complicité et des faits de présomption grave d’atteinte contre

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l’autorité et l’intégrité du territoire. Ces faits conduisaient les requérants à saisir la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour violation de leurs droits humains, ainsi que d’une demande de mesures provisoires .

2 . Le cadre légal La requête a été introduite contre la République de Côte d’Ivoire (ci- après « t’État défendeur »), devenue partie à la Charte africaine


des droits de l’homme et des peuples (ci-après la « Charte »), et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ciaprès, (le Protocole). L’État défendeur a également sa déclaration prévue par l’article 34(6) dudit Protocole par laquelle il accepte la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales. La Côte d’Ivoire a également ratifié le Pacte international sur les droit civils et politiques , la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, ainsi que le Protocole de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de Ia sécurité . Dans leur requête au fond, les requérants ont allégué la violation de leurs droits garantis aux articles 7,12 et 18 de la Charte et aux articles 14 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Ils ont évoqué la violation de leurs droits, notamment le droit à un procès équitable, le droit à la présomption d’innocence, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à l’égalité de tous et à l’égale protection de la loi.

3. La procédure Le 2 mars 2020, les requérants introduisaient devant la Cour, une requête au fond et une demande aux fins de mesures provisoires fondée sur les articles 3 et 5 (3) du Protocole, pour demander de suspendre le mandat d’arrêt émis contre M. Guillaume K. Soro, suspendre les mandats de dépôts décernés contre les autres requérants et de les mettre en liberté pour permettre l’exercice plein et entier de leurs droits politiques dans l’attente d’une décision de la Cour sur le fond, de faire rapport à la Cour dans un délai de 15 jours sur les mesures prises en vue de son exécution. Les requérants soutenaient que l’émission du mandat d’arrêt contre M. Guillaume K. Soro l’exposait à une arrestation et à une extradition vers la Côte d’Ivoire, où il risquait d’être détenu afin de l’empêcher d’exercer ses droits politiques, notamment en faisant obstacle à sa participation à l’élection présidentielle prévue pour octobre 2020. Les autres requérants exposaient que leur détention au mépris de leur immunité était arbitraire, les contraignait à cesser leurs activités politiques, les empêchait d’exercer leur liberté d’expression. Ils considéraient que l’urgence et la gravité de la situation recommandaient, avant le jugement sur le fond, l’adoption de mesures provisoires pour sauvegarder leurs droits politiques et parlementaires et pour qu’ils soient remis en liberté. Il convient de noter que l‘Etat défendeur, pour des raisons curieuses, n’a pas du tout contesté la compétence de la Cour, L’Etat de Côte d’Ivoire a librement effectué

la fameuse déclaration de reconnaissance facultative de juridiction obligatoire de la Cour fixé par l’article 34(6) du Protocole, acte certes unilatéral, mais qui rend contradictoire à son égard des décisions éventuellement prises à son égard… Les seules exceptions minimales présentées par l’Etat ivoirien tenaient dans un premier temps, à reprocher l’absence de preuves matérielles à l’appui des craintes alléguées et le risque d’entrave au fonctionnement normal de la justice ivoirienne…. L’Etat Ivoirien, dans un deuxième temps, s’opposait à la recevabilité des requêtes en faisant valoir le défaut d’épuisement des voies de recours internes… Ces moyens ont été rejetés sans difficulté par la Cour qui a rappelé qu’en matière de mesures provisoires, ni La Charte, ni le Protocole n’ont prévu des conditions de recevabilité, si ce n’est la détermination de la de la compétence « prima facie », c’est à dire de prime abord, à première vue.

4. la décision rendue Le 22 avril 2020, la Cour, dans cadre des mesures provisoires, a ordonné à la République de Côte d’Ivoire de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt lancé contre M. Guillaume F. Soro ainsi qu’ aux mandats de dépôt de certains de ses compagnons politiques, dont 5 députés. Pour ordonner les mesures provisoires, la Cour a observé que les requérants sont 20 personnalités, ancien premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale, anciens ministres, députés en cours de mandat et autres dirigeants de partis politiques, que l’exécution des mandats, notamment contre M. Guillaume Soro qui s’était déjà présenté à une compétition électorale et à quelques mois seulement de ces échéances, risquait de compromettre gravement l’exercice des libertés et des droits politiques, que la situation d’urgence était tirée de ce que les dites échéances électorales étaient à un délai de 6 mois à la date de la saisine de la Cour ; que le doute et la présomption d’innocence dont les requérants doivent bénéficier conduisaient nécessairement au sursis à l’exécution des mandats de dépôt et d’arrêt pris contre les requérants. La Cour a ainsi ordonné la mise en liberté provisoire de l’ensemble de requérants détenus, l’Etat défendeur devant par ailleurs, dans le délai de 30 jours, faire rapport à la Cour sur la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées.

5. Analyse et examen critique de la décision : l’affermissement du système de protection des droits de l’Homme en Afrique A. La Cour a jugé strictement dans les limites des concessions volontaires et encadrées de la souveraineté de l’État ivoirien. Le propre du droit international est de conduire les Etats à respecter les normes

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qu’ils ont eux-mêmes produites. En ratifiant la Charte africaine et ses Protocoles additionnels, les Etats reconnaissent les droits humains et s’engagent dans un dialogue avec les acteurs nationaux et transnationaux de défense des droits de l’Homme. Ces limitations volontaires de souveraineté des Etats africains s’opèrent par d’autres mécanismes juridiques qui s’inspirent notamment de la déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire bien connue devant la Cour Internationale de justice. En effet, la justice internationale présente des traits sensiblement différents de ceux du règlement juridictionnel interne. Les systèmes juridictionnels internationaux sont conçus pour prendre en compte du consentement des États comme étant à la base de tout moyen de règlement. Le projet de la création d’une Cour africaine des droits de l’Homme a été d’autant plus réalisable que les États africains se familiarisaient avec la saisine de la Cour Internationale de Justice notamment pour des différends territoriaux (arrêt de la CIJ dans l’affaire de Sud-Ouest africain en 1966), Burkina Faso et le Mali (1986) et entre la Libye et la Tchad (1994). La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, également appelée Charte de Banjul, est entrée en vigueur depuis le 12 octobre 1986. Cette Charte est un traité multilatéral de droit international, qui engagent les Etats signataires à mettre en œuvre son contenu dans leur droit national. L’analyse des droits civils et politiques garantis dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne dégage aucune originalité par rapport aux autres instruments juridiques internationaux classiques. Leur contenu est similaire à ceux qu’énoncent la Convention européenne des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la Convention interaméricaine des droits de l’homme. La Charte africaine comprend les droits civils qui visent à protéger l’intégrité, la liberté et la sécurité de l’individu ainsi que sa propriété : le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale (article 4), le droit à la liberté et à la sécurité de l’individu (article 6), le droit à une bonne administration de la justice (article 7), le droit à la liberté de mouvement (article 12) . Les droits politiques sont prévus sont le droit à l’information et à la liberté d’expression (article 9), le droit à la liberté d’association (article 10), la liberté de réunion (article 11), le droit de participation à la direction des affaires publiques et à l’égal accès aux fonctions, biens et services publics (article 13). Dans le système africain le droit de recours individuel n’est pas reconnu expressément par la Charte africaine L’article 5. 3 du protocole additionnel à la Charte portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes


directement devant elle conformément à l’article 34(6). L’article 34(6) de ce protocole soumet la compétence de la Cour à recevoir les communications individuelles à la déclaration d’acceptation des États. Cette déclaration d’acceptation des Etats est également reprise dans le statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme.) Ainsi, la recevabilité de l’action individuelle est soumise à la déclaration d’acceptation des Etats ; les particuliers n’ont pas d’accès direct à la Cour africaine avant que les Etats n’aient fait au préalable la déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes individuelles. Dès lors que l’Etat Ivoirien avait reconnu la compétence obligatoire de la Cour, cette dernière, a donc par une appréciation souveraine des faits exposés, à fort relent d’instrumentalisation politique, édicté des mesures provisoires, avant l’examen au fond qui sont tout à fait dans ses compétences, sans violer aucunement la souveraineté de l’Etat ivoirien, ni empêcher la justice locale de fonctionner. La Cour s’est bornée à dire le droit dans le cadre de mesures qui ne préjugent pas du fond des dossiers. Il ne tenait donc qu’à l’Etat Ivoirien de s’y conformer dès lors que le caractère indispensable et opportun du mandat d’arrêt et des détentions prononcés n’a pas été retenu par la Cour. • Les faiblesses surprenantes de la stratégie contentieuse de l’Etat défendeur Le maniement aléatoire de la règle de l’épuisement des voies de recours internes qui n’est pourtant pas absolue aurait dû conduire l’Etat Ivoirien à plus de prudence Ses Avocats auraient dû savoir que certaines circonstances peuvent dispenser le requérant de l’épuisement des recours internes. La familiarité avec le droit coutumier et le droit conventionnel comparé, notamment établi par la Convention européenne des droits de l’homme, enseigne que l’exemption de l’épuisement des recours internes peut résulter des circonstances propres à l’individu lésé. Les circonstances propres à l’État défendeur peuvent également être retenues, pour exempter le requérant de l’obligation d’épuisement des recours internes (période de troubles politiques pendant lesquelles l’indépendance des institutions judiciaires est sujette à caution) De même, la jurisprudence européenne de la Cour européennes des droits de l’homme admet que lorsqu’un individu qui prétend que son expulsion dans un pays déterminé l’expose à un grave danger, ne dispose que d’une voie de recours dépourvue d’effet suspensif, cette voie de recours n’est pas à tenter. Tel est aussi le cas lorsque les tribunaux qui peuvent offrir des garanties d’indépendance mais où les juges refusent au plaideur ses moyens de défense, par exemple, méconnaitre les immunités de parlementaires en fonction… Les Conseils de l’Etat Ivoirien auraient dû anticiper le fait que les requérants, compte tenu de la nature du litige, allègueraient, afin d’être dispensés de parcourir les instances internes,

les dangers encourus pour leur liberté, ou leur intégrité physique. Ainsi, dans la communication 103/ 93 Alhassane Aboubacar contre Ghana 349, (349 Décision rendue sur la communication 103 / 93 Alhassane Aboubacar contre Ghana, 12ème rapport d’activités), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a estimé qu’il n’était pas logique de demander au plaignant de retourner épuiser les recours internes au Ghana, pays dans lequel le requérant avait été jugé, emprisonné et s’était évadé avant de se réfugier à l’étranger.

B. L’autorité de décisions de la Cour doit être confortée l’État de droit et la démocratie sont encore loin d’être une réalité quotidienne pour les citoyens de nombreux États africains. Sur le continent africain, on assiste trop souvent à des hold-up électoraux ou encore à des tentatives ou de « succession dynastique» du pouvoir de l’Etat, qui corrodent la compétition politique démocratique Les magistrats d’Arusha qui manifestent régulièrement leur indépendance en résistant aux pressions d’autres Chefs d’État tels que Kagamé, Kenyatta et même du Président de la Tanzanie, pays le siège de la Cour doivent être soutenus … La contestation systématique des décision de la Cour est insupportable de la part d’Etats qui étaient regardés en Afriques comme des vitrine d’une certaine vie démocratique. Les avocats de l’Etat de Côte d’Ivoire qui me paraissent avoir failli dans la stratégie procédurale ont exposé le 24 avril 2020 que cette décision était « un coup d’épée dans l’eau» ; que l’exécution de cette décision relevait de « la volonté de l’Etat de Côte d’Ivoire» ; que cette décision qui n’est que provisoire n’entachait pas le fond de la procédure d’autant que M. K. Guillaume Soro devait comparaître devant la justice ivoirienne le mardi 28 avril 2020, soit 4 jours après les mesures ordonnées la Cour africaine…. De plus, par mesure de défiance, la Côte d’Ivoire a retiré sa déclaration de compétence de la Cour africaine des droits de l’Homme, pourtant librement donnée, au motif des «agissements intolérables» de cette juridiction. En réalité ce retrait de déclaration de compétence qui met un terme à la saisine directe de la Cour africaine par les personnes privées de saisir directement la Cour, d’une part, n’empêche pas au dossier de prospérer et, d’autre part, n’exclut pas la Côte d’Ivoire de ladite Cour. Les prétextes de l’Etat Ivoirien expose à savoir que les décisions de la Cour «non seulement portent atteinte à la souveraineté de l’Etat de Côte d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice mais sont également de nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique (...) et à saper les bases de l’Etat de droit par l’instauration d’une véritable insécurité juridique», ne sauraient tenir La Cour africaine avait déjà ordonné à l’Etat béninois de suspendre les élections communales du 17 mai 2020, sur saisine de l’opposant

béninois, Sébastien Ajavon qui s’était plaint de «préjudices irréparables» en cas de l’organisation des élections en son absence. La Côte d’Ivoire devient le quatrième pays du continent après le Rwanda, la Tanzanie et le Bénin à retirer le droit des individus et des ONGs de déposer des requêtes auprès de la Cour africaine. Cependant la décision prise par « Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », dans l’affaire Guillaume K. Soro et autres c. République de Côte d’Ivoire, va dans le sens de l’affermissement des droits de l’homme avec une portée qui va au-delà du strict cas de la République de Côte d’Ivoire, pour ces périodes marquées par la tenue de plusieurs élections sur le continent africain.. Contre toute attente, le 28 avril 2020 la justice ivoirienne a condamné Guillaume K. Soro à 20 ans de prison, 4.5 milliards de francs CFA d’amende et à la privation de ses droits civiques pendant cinq ans,. Il s’agit d’une décision irresponsable qui sonne incontestablement comme un défi lancé à la Cour africaine .Quoi qu’il en soit, les conseils des requérants doivent, dans un premier temps, bien entendu relever appel de cette décision de droit interne et plaider en appel la méconnaissance de l’ordonnance de mesures provisoires de la Cour africaine. Les Avocats des requérants ne manquent pas de ressources pour amener l’Etat de Côte d’Ivoire à se conformer à des obligations conventionnelles et aux mesures ordonnées par la Cour africaine, acteur majeur dans le processus d’édification de l’Etat de droit et la protection des droit de l’Homme en Afrique. En effet, les arrêts de la Cour sont obligatoires et les parties doivent se conformer aux décisions rendues et en assurer l’exécution dans le délai fixé par la Cour. Si une partie ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’une décision rendue par la Cour, cette dernière pourra porter l’affaire devant la Conférence de l’Union Africaine qui pourra décider des mesures à prendre pour donner effet à la décision. La Conférence pourra imposer des sanctions en vertu des dispositions du paragraphe 2 de l’article 23 de l’Acte constitutif de l’Union Africaine. Le suivi de l’exécution des arrêts est réservé au Conseil exécutif de l’Union africaine. Enfin, il me paraît souhaitable qu’une procédure de récusation des juges de la Cour africaine soit étudiée. Dans la présente affaire, l’État Ivoirien a tenté de discréditer la décision rendue en tirant prétexte de la nationalité Ivoirienne du juge-président, bien que la décision ait été prise à l’unanimité. L’affermissement de la protection des droits de l’Homme et des Peuples par la voie juridictionnelle est à ce prix.

Me Edgard KIGANGA SIROKO

Docteur en droit Avocat au Barreau de Clermont-Ferrand kiganga@borie.net


Loi du 30 avril 2020 habilitant le gouvernement a éditer par ordonnance, des mesures relevant du domaine de la loi, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus (Covid–19)

L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE SÉNAT EN DÉLIBÉRÉ EST ADOPTÉ ;

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

Article I Article premier : le gouvernement est habilité à éditer, par ordonnance, pour une période de trois mois, à compter de la date de la promulgation de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi, en matière de santé publique, de sécurité des personnes et des biens ainsi qu’en matière social, économique et financière, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Coronavirus « Covid-19 ».

Article II Article 2 : Les ordonnances édictées en vertu de l’article 1er de la présente loi sont ratifiées par le Parlement, avant l’expiration du délai de 3 mois. Le délai de 3 mois prévu à l’alinéa premier ci-dessus court à compter de la publication desdites ordonnance.

Article III Article 3 : la présente loi sera publiée au Journal officiel de la République du Congo est exécuté comme loi de l’État.

Fait à Brazzaville, le 18 mars 2020 Par le Président de la République,

Denis SASSOU-N’GUESSO Le Premier ministre, chef du Gouvernement,

Clément MOUAMBA

Pour le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, en mission, le ministre de la défense nationale,

Charles Richard MONDJO

La ministre de la santé, de la population, de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement.

Jacqueline Lydia MIKOLO

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Le ministre de la justice et des droits humains et de la promotion des peuples autochtones,

Ange Aimé Wilfrid BININGA Le ministre de la défense nationale,

Charles Richard MONDJO


Décret n° 2020–118 du 20 avril 2020 portant prorogation de l’état d’urgence sanitaire en République du Congo

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Vu la constitution ; Vu la loi n° 15-2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence en république du Congo ; Vu l’ordonnance n° 62–8 du 26 juillet 1962 sur l’état d’urgence et l’état de siège ; Vu le décret n° 2017–371 du 21 août 2017 pour ta nomination du premier ministre, chef du gouvernement ; Vu le décret n° 2017–373 du 22 août 2017 portant nomination des membres du gouvernement ; Vu le décret n° 2019–269 du 17 septembre 2019 mettant fin aux fonctions d’un ministre et nommant un autre nouveau ministre ; Vu le décret n° 2020–58 du 16 mars 2020 portant nomination d’un ministre délégué; Vu le décret n° 2020–88 du 27 mars 2020 portant organisation des intérims des membres du gouvernement ; Vu le décret n° 2020–93 du 30 mars 2020 portant déclaration de l’état d’urgence à sanitaire en République du Congo ; En conseil des ministres,

DECRETE :

Article I L’état d’urgence sanitaire, déclaré par le décret n° 2020–93 du 30 mars 2020 susvisés, est prorogé, sur toute l’étendue du territoire national, à compter du 21 avril 2020, pour une durée de 20 jours.

Article II Le présent décret sera enregistré et publiée au Journal officiel de la république du Congo.la porte du nid de Coronavirus « COVID-19 ».

Fait à Brazzaville le 20 avril 2020 Par le Président de la République,

Denis SASSOU-N’GUESSO

Le Premier ministre, chef du Gouvernement,

Clément MOUAMBA

Pour le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, en mission, le ministre de la défense nationale,

Richard MONDJO

La ministre de la santé, de la population, de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement.

Jacqueline Lydia MIKOLO

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Le ministre de la justice et des droits humains et de la promotion des peuples autochtones,

Ange Aimé Wilfrid BININGA Le ministre de la défense nationale,

Charles Richard MONDJO


Loi du 30 avril 2020 déterminant les conditions de mise en œuvre de l’état d’urgence et de l’état de siège en république du Congo.

L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE SÉNAT EN DÉLIBÉRÉ EST ADOPTÉ ;

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

CHAPITRE 1 : DE L’ÉTAT D’URGENCE Article premier : le goArticle premier : L’ordonnance n° 62-8 du 28 juillet 1962 déterminant les conditions de l’état d’urgence et de l’état de siège est modifiée et complétée ainsi qu’il suit : Article premier nouveau : l’état d’urgence peut être décrété sur toute ou partie du territoire national, lorsqu’une catastrophe naturelle, réelle ou imminente, exige, pour protéger les personnes, les biens, l’environnement, les infrastructures ou tous autres ouvrages, une action immédiate que les autorités compétentes estiment ne pas être en mesure de réaliser avec promptitudes et efficacité dans le cadre des règles habituelles de fonctionnement de l’État. Article 2 nouveau : Le décret déclarant l’état d’urgence précise la nature de l’événement qui le justifie, la zone concernée et la durée de son application qui ne saurait, à chaque fois, être supérieur à 20 jours. Article 3 nouveau : l’état d’urgence est décrété par le président de la république, en conseil des ministres. Il peut concerner toutes ou partie du territoire national. Article 4 nouveau : L’état d’urgence ne peut être décrété que pour une période maximale de 20 jours. À l’expiration du délai initial, le parlement peut, à la demande du gouvernement, autoriser le Président de la République à proroger l’état d’urgence. Lorsque à la suite de circonstances exceptionnelles, le parlement ne peut siéger pour autoriser la prorogation de la durée de l’état d’urgence, le Président de la République peut décider de sa prorogation. Dans le cas prévu à l’article premier ci-dessus ou en cas de prorogation du délai initial de l’état d’urgence, le président de la république informe la Nation par un message. Article 5 nouveau : lorsque l’état d’urgence est décrété, le parlement se réunit de plein droit. Le Parlement est convoqué en session extraordinaire, à la demande du président de la république, en cas de demande d’autorisation de prorogation de l’état d’urgence. Lorsque, à la suite de circonstances exceptionnelles, le parlement ne peut siéger le Président de la République peut décider du maintien de l’état d’urgence. Il en informe la Nation par message. Article 6 nouveau : Pendant la période de l’état d’urgence, et par dérogation aux normes en vigueur, le gouvernement est habilité à agir en vertu de l’acte instaurant l’état d’urgence. Il prend, à cet effet, toutes les mesures utiles pour circonscrire la crise ou le péril imminent. Il peut aussi faire appel à la solidarité nationale. Article 7 nouveau : Pendant la période de l’état d’urgence le gouvernement peut : • Ordonner la mise en œuvre de mesures prévues par le plan national de riposte contre la menace ; • Procéder dans l’urgence au paiement des dépenses jugé nécessaire suivant des procédures exceptionnel ; • Ordonner la fermeture des frontières nationales ; • procéder au contrôle des prix des denrées de première nécessité ; • Accorder les autorisations spéciales ou dérogation, prévu par les lois et règlements en vigueur, pour l’exercice des activités ou l’accomplissement des actes dont la nécessité est avérée ; • Réglementée le déplacement des personnes hors de leur domicile ; • Réglementer les rassemblements de personnes ainsi que les manifestations publiques ; • Ordonner la fermeture de certains établissements dans les zones concernées; • Ordonner la garde à vue des personnes des individus dangereux ou susceptibles d’entraver l’action des pouvoirs publics ;

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• Ordonner les perquisitions de jour et de nuit ; • Ordonner le déploiement de la force publique ; • Ordonner, lorsqu’il n’y a pas d’autres moyens de protection, évacuation des personnes de tout ou partie des zones concernées ; • Prendre les dispositions nécessaires en vue d’héberger les populations déplacées et pouvoirs, le cacher ou alors ravitaillement ; • Contrôler l’accès aux deux voies de circulation dans les zones concernées ; • Ordonné lorsqu’il n’y a pas d’autres moyens de protection, la construction de la démolition d’ouvrage ainsi que le déplacement de tout bien dans la zone concernée ; • Recourir aux institutions responsables de la protection civile ; • Requérir l’aide de toute personne en mesure de venir en appui aux effectifs déployés, si le nombre d’agents publics disponibles suffit pas ; • de coordonner le recrutement et l’action des bénévoles ; • Réquisitionner les moyens supplémentaires de chez le cours est lieu d’hébergement appartenant à des personnes privées, si les moyens logistiques dont disposent les services publics ne suffisent pas ; • Renforcer le dispositif de sécurité dans les zones concernées, • Faire diffuser par les stations de maîtrise des émissions vision informer la population ; • Le gouvernement peut également prendre toutes les autres mesures nécessaires pour faire face à la crise ou au péril encourus par l’État et les individus en leurs personnes et en leurs biens.

CHAPITRE 2 : L’ÉTAT DE SIÈGE Article 8 nouveau : L’état de siège peut être décrété par le président de la république, en conseil des ministres, en cas de crise grave ou péril imminent résultant, soit d’une menace étrangère caractérisée, soit d’une insurrection armée. Article 9 nouveau : l’état de siège peut être décrété sur toute ou partie du territoire national pour une période maximale de 20 jours. Article 10 nouveau : à l’expiration du premier délai fixé le Président de la République, à sa demande, peut être autorisé par le parlement à proroger la durée de l’état de siège pour une nouvelle période qui ne peut dépasser 20 jours. Lorsque à la suite de circonstances exceptionnelles, le parlement ne peut siéger pour proroger la durée de l’état de siège, le Président de la République peut décider du maintien de l’état de siège. Dans les deux cas le président de la république en informe la nation. Article 11 nouveau : Lorsque l’état de siège décrypter, le parlement se réunit de plein droit. Le Président de la République peut convoquer le Parlement session extraordinaire, à cet effet, s’il n’est pas en session. Lorsque à l’issue de circonstances exceptionnelles, le parlement ne peut siéger, le Président de la République peut décider du maintien de l’état de siège. Il en informe la nation par message. Article 12 nouveau : Lorsque l’état de siège est déclaré, le Président de la République prend les mesures prévues à l’article 7 de la présente loi. Le Président de la République peut également prendre toutes les autres mesures exigées par les circonstances, en particulier, décider du transfert des pouvoirs de police civile aux autorités militaires.

CHAPITRE 3 : DE LA POURSUITE DES INFRACTIONS Article 13 nouveau : Sans préjudice de l’application des peines prévues par le code pénal en cas d’infraction qualifié de crime ou délit par la loi commises pendant la période de l’état d’urgence ou de l’état de siège, toute personne qui contrevient aux mesures édictées pendant la période de l’état d’urgence ou de l’état de siège est condamné à une peine allant de 11 jours à cinq ans d’emprisonnement et à une amende 10000 à 1 million de francs ou de l’une de ces deux peines seulement. Les peines ci-dessus peuvent être assorties de mesures complémentaires d’interdiction de séjour dans certains lieux ou localités ou d’interdiction d’exercice de certaines activités ou de certains commerces. Les contrevenants aux mesures édictées pendant la période de l’état d’urgence ou de l’état de siège sont justiciables des juridictions de droit commun. Article 14 : les dispositions de l’article 142 de la loi numéro 022–92 du 20 août 1992 modifiée portant organisation du pouvoir judiciaire relatives aux tribunaux militaires sont applicables contre les auteurs des infractions commises pendant la période lorsque celles-ci se rapportent aux événements cours ou leur sont connexes. Article 15 nouveau : à la fin de la période de l’état d’urgence de l’état de siège, une session spéciale peut être convoqué par chaque juridiction pour connaître, suivant la procédure de flagrance, des crimes et délits commis pendant celle-ci dont les auteurs n’ont pu être jugés.

CHAPITRE 4 : DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES Article 16 nouveau : En vue de l’application des mesures justifiées par l’état d’urgence ou de l’état de siège, le gouvernement peut donner pouvoir aux autorités locales de prendre toutes dispositions nécessaires pour faire face à la menace.

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Article 17 nouveau : A la fin de la période de l’état d’urgence ou de l’état de siège, toute réquisition de biens ou de services n’appartenant pas à l’administration publique doit faire l’objet d’une indemnisation. Article 18 nouveau : à l’expiration du délai pour lequel il a été proclamé, sauf en cas de prorogation, état d’urgence ou de siège cesse de plein droit. Article 19 nouveau : dans les trois mois qui suivent la fin de l’état d’urgence ou de l’état de siège, le gouvernement soumet au parlement, un rapport sur les différentes mesures adoptées et appliquées. Si le Parlement n’est pas en session, le gouvernement je suis méchant rapport à la prochaine session. Article 2 : toutes les dispositions de l’ordonnance 62–8 du 28 juillet 1962 sur l’état d’urgence et l’état de siège, contraire aux non reprise dans la présente loi, sont abrogé. Article 3 : la présente sera exécuté comme loi de l’État.

Fait à Brazzaville, le 18 mars 2020 Par le Président de la République,

Denis SASSOU-N’GUESSO

Le ministre de la justice et des droits humains et de la promotion des peuples autochtones,

Le Premier ministre, chef du Gouvernement,

Le ministre de la Défense nationale,

Le ministre de l’intérieur et de la décentralisation,

Raymond Zéphirin MBOULOU

Ange Aimé Wilfrid BININGA

Clément MOUAMBA

Le ministre des finances et du budget,

Calixte NGANONGO

Charles Richard MONDJO

Lionel KALINA MENGA Directeur de la publication et Rédacteur en chef

Numéro 01 Mai 2020

Aimé BOMBA MATONGO Avocat

Le BAROMÈTRE est un journal d’analyse et d’information juridique en ligne. Il a été créé et, est animé par une équipe de professionnels. Notre journal est intégralement réalisé en télétravail entre les différents membres de notre équipe, confinés en France pour certains, et au Congo pour d’autres. A ce titre, il préfigure les nouveaux modes de collaboration.

Claude COELHO

Le Baromètre est un espace de débat et de collaboration sur les questions de droit. Toutes les suggestions et les contributions sont vivement encouragées.

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