Dermatoses neutrophiliques
Sarah Gu茅gan Service de Dermatologie-Allergologie, H么pital Tenon, H么pitaux Universitaires Est Parisien
Dermatoses neutrophiliques – – – – – – –
Pyoderma gangrenosum Syndrome de Sweet Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson Erythema elevatum diutinum Syndrome arthrocutané associé aux MICI Pyostomatite-pyodermatite végétante Abcès aseptiques
Dermatoses neutrophiliques •
Concept de dermatose neutrophilique +++ – Fréquence des formes de chevauchement – Association de lésions qui empruntent cliniquement à 2 voire 3 entités
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Définition histologique – Infiltrat de PNN touchant le derme superficiel, profond, l’épiderme, voire des organes profonds – En l’absence de tout phénomène infectieux
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Atteinte cutanée : dermatose neutrophilique – Atteinte possible des organes profonds : maladie neutrophilique – Atteinte hépatique, splénique, ganglionnaire, osseuse, pulmonaire…
Pyoderma gangrenosum • Clinique – Ulcère nécrotique avec bourrelet périphérique inflammatoire et clapiers purulents – 4 formes cliniques décrites : • • • •
Ulcérée : forme la plus classique Pustuleuse Bulleuse Végétante
– Unique, multiple – Localisation péristomiale chez les MICI – Pathergie :réponse exagérée aux traumatismes
– > Retentissement fonctionnel
Pyoderma gangrenosum • Pathologies sous-jacentes – MICI : Crohn et RCH (PG ulcéreux) – Gammapathies monoclonales (PG ulcéreux) – Syndromes myélo-prolifératifs et leucémies aiguës myéloides ( PG bulleux) – Pathologies rhumatismales : polyarthrite rhumatoire, spondylarthropathies – Pathologies systémiques: polychondrite atrophiante, Behçet, Takayasu, lupus érythémateux systémique… – Cancers solides (colon, vessie)
Ulcère aigu de la vulve
Ulcère aigu de la vulve
Ulcère aigu de la vulve
Pyoderma gangrenosum •
Anatomo-pathologie •
Ulcération mettant à nu le derme se prolongeant par une plage de nécrose tatouée par des polynucléaires neutrophiles, intéressant le derme superficiel et une partie du derme réticulaire
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Images de pustules non spongiformes dans l’épiderme de part et d’autre de l’ulcération
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Infiltrat inflammatoire à polynucléaires neutrophiles
Pyoderma gangrenosum • Epidémiologie – 2e manifestation après l’érythème noueux en terme de fréquence – 0,7 à 3 % des MICI, Crohn avec atteinte colique ou iléo-colique +++ – MICI : 1re étiologie des PG (20 à 30 % des cas) : MICI à rechercher systématiquement en cas de •PG associé à ATCD familiaux de MICI ou signes digestifs ou lésions aphtoïdes ou anopérinéales évocatrices de MICI •PG récidivant sans atteinte hémato ni rhumato
– Parfois inaugural – MICI le plus souvent en poussée (67 et 80% des cas dans 2 séries prospectives) mais peut être dissocié
Pyoderma gangrenosum • Cohorte prospective de 2400 patients • Pas de différence d’incidence du PG dans la MC et la RCH • Survenue chez 0,75% des patients (n = 18) • Pas d’association entre PG et agressivité de la MICI • PG associé à différents facteurs (multivarié): – sexe féminin, – origine africaine (p=0,003) – ATCD familiaux de colite ulcérée (p=0,0005) – pancolite comme manifestation initiale digestive (p=0,03) – érythème noueux (p<0,0001) – stomie permanente (même après exclusion des PG péri-stomiaux) (p=0,002) – atteinte oculaire (p=0,001) Farhi D et al. Medicine 2008
Pyoderma gangrenosum • Principes du TTT – Association de soins locaux + TTT immunosuppresseur topique et par voie générale. – TTT de la pathologie sous-jacente – Eviter toute chirurgie / mise à plat car risque d’aggravation éventuellement envisageable sous TTT immunosuppresseur par voie générale et en période de stabilisation du PG
Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur topique – Dermocorticoïde de niveau IV: clobétasol Dermoval® crème – Dermocorticoides en intra-lésionnel – Tacrolimus Protopic® pommade 0,1% Littérature sur 10 ans : •44 cas de PG traités par PROTOPIC® soit 10 cas cliniques et 6 petites séries •36 guérisons sous PROTOPIC® dans délai de 2 à 8 semaines
– Pimecrolimus
Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale : TTT empirique – Corticothérapie par voie générale (grade B) • • • • •
Prednisone 0,5 à 1 mg/kg/j jusqu’à cicatrisation Bolus Methylprednisolone 1g/j 3-5 jours Efficacité rapide Décroissance et maintien à petite dose Problèmes possibles de corticodépendance et corticorésistance
– Ciclosporine 3 à 5 mg/kg/j (grade B) – Association Corticothérapie par voie générale + Ciclosporine (grade B) – Autres immunosuppresseurs (grade C): • • • •
Azathioprine Salazopyrine Dapsone Thalidomide (PG associé à Behçet)
– Associations +++
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Methotrexate Mycophenolate mofetil Tacrolimus IgIV Reichrath et al. J Am Acad Dermatol 2005
Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale – Anti-TNFalpha • 30 patients / essai contrôlé randomisé double aveugle puis ouvert • 13 sous infliximab 5mg/kg et 17 sous placebo • Evaluation à S2 avec taux de réponse à S2 : 46% et non-répondeurs mis en ouvert sous infliximab • Taux de réponse à S6: 69% (20/29) • Taux de rémission à S6: 21% (6/29)
Réponse
100%
P<0. 01
80% 60%
69%
46%
31%
40% 20% 0%
6% S2 (blind)
Brooklyn T et al. Gut 2006
S6 (open)
Éch Grade Bec
Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale – Anti-TNFalpha en première intention à discuter en fonction de la pathologie sousjacente +++ • Infliximab REMICADE® 5 mg/kg IV • Adalimumab HUMIRA® Schéma psoriasis : Induction 80 mg SC à S0, 40 mg à S1 puis 1 injection 40 mg / 2 semaines Nbx cas cliniques • Etanercept ENBREL® 1 injection SC de 50 mg/ sem Rapporté efficace dans PG mais inefficace sur la MC, voire aggravation
– Dans les cas résistants : association AntiTNF et Azathioprine/ MTX / Corticoïdes PO
Pyoderma gangrenosum • TTT pour PG réfractaires : thérapie ciblée anti-IL23 ? – 1 cas PG idiopathique chez F de 37 ans réfractaire à corticothérapie (50 mg/j) + tacrolimus topique 3 semaines ARNm, – Mise en évidence d’IL23 dans la lésion au niveau protéique (immunohistochimie) S0 – Efficacité de l’ustekinumab 45 mg en SC à S0 et S4. Guérison complète à S14.
S10
S14
Guenova et al. Arch Dermatol 2011
• Anti-IL12/IL23 p40 – 1 cas PG idiopathique réfractaire chez H de 47 ans et – Echec de ttt par : dermocorticoides topiques intralésionels, Prednisone 60mg/j, Ciclosporine 5 mg/kg/j, dapsone 100mg/j, azathioprine 100mg/j, MTX 10 mg/sem, adalumimab 40 mg/sem, infliximab 7 mg/kg/8 sem et golimumab 50 mg / mois. S0 – Efficacité de l’ustekinumab 90 mg en SC à S0 en association à Prednisone 50 mg/j et Dapsone 100 mg/j. Guérison complète à S22. Goldminz et al. J Am Acad Dermatol 2012
S22
Syndrome de Sweet (SS) • Clinique – Présentation classique – – – – – –
Plaques oedémateuses, lésions papuleuses bien limitées, mamelonnées Formes pustuleuses associées aux MICI Formes nécrotiques ou bulleuses associées aux hémopathies Fièvre (80 à 90% des cas), arthralgies HLPNN (2/3 des cas), Syndrome inflammatoire Histologie : infiltrat tissulaire PNN
– Le plus souvent, épisode unique avec guérison en 4-6 semaines Mais aussi formes récidivantes (30%)
Syndrome de Sweet (SS) • Pathologies sous-jacentes – Formes idiopathiques les plus fréquentes – Hémopathies malignes : • Leucémies aiguës surtout myéloblastiques +++ • Lymphomes, syndrome myélodysplasiques, myélome…
– MICI : Ass°à la RCH +++, également au Crohn • MICI le plus souvent en poussée • Formes révélatrices de la MICI • Rechercher une cause digestive après avoir éliminé une cause infectieuse
– Tumeurs solides : sein, vessie – Maladies systémiques: lupus, polyarthrite rhumatoide, Behçet, Gougerot-Sjögren – Infections : voies respiratoires, digestives – Formes médicamenteuses : G-CSF, Acide tout trans rétinoique, minocycline, AINS
Syndrome de Sweet TTT : • Première ligne – Corticothérapie par voie générale – Anti-TNFalpha chez les MICI / Rhumatismes inflammatoires
• Formes chroniques / modérées – – – –
Eviter les AINS ! chez les MICI Colchicine Disulone Lamprène
• Formes réfractaires – Anakinra – Anti-TNFalpha
Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson • Affection vésiculo-pustuleuse chronique – – – – – –
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Exceptionnel : Femmes de plus de 40 ans Vésiculo-pustules de taille variable persistants Pustule à hypopion à base inflammatoire Tronc et grands plis Aucun signe d’accompagnement Evolution chronique, par poussées
Histologie – Pustule sous-cornée – IFD négative
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Traitement – DAPSONE +++ efficacité +++ Test diagnostique
Ulcère aigu de la vulve
Erythema elevatum diutinum • Vascularite cutanée chronique – Hommes entre 40 et 60 ans – Papules et nodules persistants – Fermes, bien limités, rouge violacé – Faces d’extension des extrémités (doigts, mains) – Faces d’extension des articulations (coudes, genoux et chevilles, fesses) – Atteinte palmo-plantaire – Evolution vers fibrose ou xanthomisation
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Histologie – Vascularite leucocytoclasique avec infiltrat neutrophilique – Présence de macrophages, histiocytes, éosinophiles en périvasculaire
Erythema elevatum diutinum • Associations – Hémopathies (plus de 40% des cas) : Gammapathie à IgA +++, myélome, myélopdysplasie – Infection VIH, hépatite B, hépatite C – Infections bactériennes – Maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoide, polychondrite chronique, maladie coeliaque…
• Traitement – Dapsone ++ – Pas de corticothérapie – Traitement de l’affection sous-jacente
Autres dermatoses neutrophiliques • Syndrome arthrocutané associé aux MICI Rare, plutôt associé à la RCH, aussi MC Évolution parallèle à la maladie digestive Eruption faite de pustules non folliculaires Constamment associée à des manifestations systémiques : fièvre, myalgies, arthralgies et arthrites périphériques – Histo : signes de pustulose sous-cornée, et SS – TTT : – – – –
• • • •
Traiter la MICI Corticothérapie par voie générale Dapsone, sulfasalazine, colchicine : efficacité variable ATB (fluoroquinolones, metronidazole) d’efficacité inconstante
Autres dermatoses neutrophiliques • Pyostomatite-pyodermite végétante – Rare, associée dans 75% des cas à une MICI, plutôt RCH – Touche davantage sexe masculin – Pustules de la muqueuse buccale qui par coalescence donnent un aspect en traces d’escargots – Rupture : érosions végétantes – Dans 50% des cas, ass° à des lésions cutanées pustuleuses et végétantes des grands plis axillaires et inguinaux et du scalp – Histo : pustules intra ou sous épithéliales, microabcès contenant PNN et Eosinophiles avec infiltrat inflammatoire dermique sous-jacent polymorphe – Hyperéosinophilie – TTT : corticothérapie par voie générale et immunosuppresseurs par voie systémique
Dermatoses neutrophiliques •
Folliculite aseptique – Similaire à celle observée dans la maladie de Behçet – Fréquente chez les patients atteints de MICI – Infiltrat à PNN infiltrant le follicule pileux et pouvant être responsable d’une nécrose suppurée
Formes extra-cutanées viscérales • Atteintes pulmonaires – Surtout au cours du Sweet
• Atteintes articulaires – Arthralgies au cours du Sweet ou pyoderma gangrenosum
• Atteintes osseuses – Ostéomyélites aseptiques ou de contiguité
• Atteintes intra-abdominales – Foie, Rate, ggl, pancréas
Abcès aseptiques • Entité rare associant – Abcès viscéraux spléniques +++, hépatiques, ganglionnaires, pancréatiques, cérébraux – Association à des abcès sous-cutanés – Fièvre, AEG, douleurs abdominales – Hyperleucocytose à PNN et infiltrat neutrophilique / Microbiologie négative – Terrain sous-jacent : MICI ou rhumatisme inflammatoire – Inefficacité des ATB et réponse spectaculaire à la corticothérapie
Histologie: PNN+++, rares cellules gĂŠantes, pas de granulome, PAS et Zielh nĂŠgatifs.
Abcès aseptiques Série de 30 cas d’abcès aseptiques
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Age moyen 29 ans Abcès viscéraux aseptiques : spléniques +++ (93%), ganglionnaires (48%), hépatiques (40%), poumon (17%) pancréatiques, cérébraux Uni ou multifocaux Hyperleuco à PNN (70%) Association à 1 MICI d’activité modérée : 21 MICI dont 17 MC et 3 RCH MICI antérieure (7/21), concomitante (7/21), postérieure (7/21) TTT : corticothérapie par voie générale, MTX, azathioprine, cyclophosphamide, anti-TNFalpha, splénectomie (52%); Récidives : 60% des cas
André et al. Medicine 2007
Formes de chevauchement - H de 54 ans, RCH - dermatose neutrophilique de chevauchement avec lĂŠsions de pustulose aseptique et plaques de syndrome de Sweet
Thérapeutique • • • •
Topiques : dermocorticoides, tacrolimus topique Corticothérapie par voie générale Anti-TNFalpha Imurel, MTX
• Anti-IL12/IL23 p40 • Colchicine, Disulone
Conclusions Spectre des dermatoses neutrophiliques avec fréquence des formes de chevauchement Formes extra-cutanées : maladie neutrophilique Pathologies inflammatoires ou tumorales sous-jacentes A prendre en compte lors de la prise en charge générale de la pathologie sous-jacente : Peuvent être révélatrices d’une poussée de la maladie sous-jacente Peuvent faire le pronostic de la maladie