le Mag mUSicAl qu’on N’AchETe PaS ! #41- AutoMne 2007 ZONG . HUSHPUPPIES LE PEUPLE DE L’HERBE RAGEOUS GRATOONS DOMINIQUE A . MICROFILM
KWAL
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SOMMAIRE
ON Y CROIT !
Bœuf, Odran Trümmel, MeLL, Bibi Tanga, Grisbi, Munshy
8 à
ON Y TIENT ! Bartone, Laurent Montagne, Olivier Angèle, Angil, My Concubine, Massilia Sound System, Weepers Circus, Miro, Bo, Rhesus
RENCONTRES 16 19 21 22 24 26 28 30 32 34
C. Bilbeaud & J-C. Versari Mon Côté Punk Dominic Sonic Hushpuppies Microfilm en Chine Dominique A Zong Le Peuple de l’Herbe Rageous Gratoons en tournée KWAL
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K COMME KÉBEC Christine St-Pierre
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BELGITUDE Eté 67
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PLANÈTE
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De Kift 64
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ZONE LIBRE
Automne 2007
J-L. Piérot / Cultura
EDITO
DE
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MARCHE OU BRÈVES FESTIVALS BRUITAGE IMAGES CA GAVE
CHAIR ET DE SANG
LA FICHE SIGNALEE... T OC
J’aimerais être une tubéreuse Sortant timidement de la terre Ecartant la neige poudreuse Pour ensoleiller le parterre J’aimerais être cette fleur fragile Moi je ne crains pas les frimas J’aimerais être oiseau des îles Avec des trémolos dans la voix
Et lorsque mes soleils rougeoient Que mes bleus se métamorphosent Lorsque je ne crois plus en moi Que grises deviennent les choses J’aimerais brandir des drapeaux Et des bannières qui s’entrecroisent Mais je ne suis qu’un oripeau Et toute frémissante d’angoisse
J’aimerais au bout des impasses Voir des fenêtres sans barreaux J’aimerais être le vent qui passe Et qui allume des flambeaux Je veux être pêcheur de lune Ou même mendiant d’amour Effacer toutes mes rancunes Avec des roulements de tambours
Mais je suis de chair et de sang Avec des colères qui tremblent Je me sens comme la plume au vent Qui tournoie dans la bise de décembre
Mais je suis de chair et de sang Avec des colères qui tremblent Je me sens comme la plume au vent Qui tournoie dans la bise de décembre
Mais je suis de chair et de sang Avec des colères qui tremblent Je me sens comme la plume au vent Qui tournoie dans la bise de décembre Dodie Gréau
Prochain numero le 5 decembre 2007 SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDES BP 50 - 33883 Villenave d’Ornon Cedex Tél. 05 56 87 19 57 www.longueurdondes.com http://myspace.com/longueurdondes longueurdondes@tele2.fr
100 000 EXEMPLAIRES Publicité : SergeBeyer@aol.com LEQUABEL EDITIONS 5 rue André Messager 75018 Paris (sur RDV) I.S.S.N. : 1161 7292
Directeur / Rédacteur en chef : Serge Beyer Responsables infos / com’ : Cédric Manusset, Bruno Aubin Direction artistique et conception : Cédric Manusset Responsable com’ Québec : Jean-Robert Bisaillon Distribution Québec : Local Distribution et les librairies Renaud-Bray. Rédacteurs : Rafael Aragon, Bruno Aubin, Patrick Auffret, Alain Birmann, François Boncompain, Bastien Brun, Béatrice Corceiro, Caroline Dall’o, Samuel Degasne,
Pour toute demande d’abonnement, veuillez consulter notre site Internet : www.longueurdondes.com/magazine.php Jean-Luc Eluard, Yann Guillou, Fred Huiban, Jacques Kasbi, Rémi Lafitte, Isabelle Leclercq, Aena Léo, Sarah Lévesque, Cédric Manusset, Stéphane Martel, Marie-Hélène Mello, Vincent Michaud, Eric Nahon, PP, Elsa Songis, Jonathan Tabib, Martin Véronneau.
Couverture : Photo © Pierre Wetzel
Les articles publiés engagent la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. Imprimerie : MCC Graphics Dépôt légal : Photographes : Septembre 2007 Patrick Auffret, Thomas Béhuret, Alain Dodeler, Remerciements : Robert Gil, Raphaël Lugassy, Nicolas Messyasz, DaFont.com Philippe Noisette, Michel Pinault, Yannick Ribeaut, Pierre Wetzel. Ne pas jeter sur la voie publique
Pierre Wetzel
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Nery Néry Belgistan ou quand deux entités se rencontrent… La fanfare devient électrique (voire électronique), Néry reste toujours poétique. Un cabaret nomade pour un répertoire inédit (d)étonnant, à retrouver les 1er et 3 novembre à Saint-Lô (50) et le 15 décembre à La Celle Saint-Cloud (78).
MARCHE OU BREVES
LE CONCOURS CIRCUIT Vitrine ouverte sur la production rock belge de la communauté française, le Concours Circuit permet depuis dix ans à ses participants de gagner en visibilité et en crédibilité. Ce concours de groupes en autoproduction, qui a déjà récompensé Sharko, Malibu Stacy ou Hollywood Porn Stars, se décline en deux catégories distinctes (“rock pop” / “rock dur”). Il est organisé une année sur l’autre en alternance. L’édition 2007, dédiée au “rock dur”, concerne une trentaine de groupes sélectionnés aux quatre coins de Wallonie et de Bruxelles. www.concourscircuit.be LA COMÉDIE-ONYSOS ! “La mécanique du cœur”, le nouvel album de Dionysos, est annoncé pour le 5 novembre. Il a été enregistré sans Babet, occupée à défendre son album solo. Elle participe néanmoins à quelques titres, comme une kyrielle d’invité, dont Olivia Ruiz, Emily Loizeau, Grand Corps Malade et, plus étonnant encore, Eric Cantona ! Le groupe souhaite présenter ce nouvel album sous la forme d’une comédie musicale… MARCHÉ DE DUPE Un grand opérateur d’accès à Internet a fourni fin août une fausse bonne piste : la musique en téléchargement illimité en plus des autres services. Problème, plutôt que d’enrichir votre culture, vous ne pourrez opter que pour un seul genre musical. De plus, les morceaux téléchargés sont dopés aux DRM, c’est à dire écoutables dans des conditions limitées. Enfin, vous ne pourrez vous fournir qu’à une seule crémerie : la major, leader des ventes de disques ! CHAMPION DJ Champion et ses G-Strings étaient en tournée française en juillet. L’occasion pour lui de nous révéler son planning à venir. Si les Français devront attendre l’automne 2008 pour découvrir son second
R. Lugassy
LE DERNIER AVANCE GROUPÉ Le Petit Dernier devient un groupe : Timike, après trois ans de tournée solo, va travailler avec trois musiciens. A la basse : Thierry Lechauve (K2R), à la batterie : Kersley Sham (Anis, Jim Murple Memorial), et aux claviers : Jean Philippe Heurtault (Sunshiners, Matthieu Boggaerts, Mister Gang). Après une résidence à l’EMB de Sannois, ils seront en tournée toute l’année 2008.
album (où il est question d’un featuring de Feist), ils peuvent toujours déguster l’album de remix sorti en juin dernier. L’actu du Québécois se poursuit outre-Atlantique avec la publication d’un DVD live qui ne devrait malheureusement pas être disponible en Europe… SONDAGE Le CNV a décidé d’envoyer des questionnaires à quelques 3000 professionnels du spectacle vivant, variétés et musiques actuelles (formulaires disponibles en ligne), afin de faire une étude comparative entre les différents lieux sondés (budget, subventions, politique, programmation, matériel…). Ce sondage devrait devenir une opération annuelle. Les résultats seront diffusés lors des Biennales Internationales du Spectacle à Nantes, les 16 et 17 janvier 2008. www.cnv.fr HAPPY BIRTHDAY Le CD fête ses 25 ans ! Cet objet révolutionnaire pour le marché du disque et les consommateurs, a été créé le 17 août 1982 par Philips. Le premier CD qui fut présenté était l’album “The visitors” d’Abba, pressé dans l’usine Polygram. Depuis, le format s’est vu décliné en CD-R, en CD-RW ou en DVD, et même si de nouveaux supports comme le MP3 ou Internet lui ont fait du tort, il est toujours là ! BIZOT Jean-Francois Bizot le chantre libertaire, co-fondateur d’Actuel et de Radio Nova est décédé le 8 septembre dernier. Mix improbable et novateur, à la fois comble de la branchitude, voix des courants alternatifs et des modes à venir, l’homme aura su faire vibrer la culture et aiguiller notre curiosité. MONEY ! Musique Info Hebdo avait annoncé une baisse de fréquentation conséquente pour les festivals français de cet été, invoquant les conséquences d’une concurrence de plus en plus accrue et de plateaux identiques. Cette course à la tête d’affiche serait due aux tourneurs anglo-saxons qui ont su se rendre indispensables pour placer les artistes, avec des cachets exorbitants, faussant ainsi le jeux de la programmation festivalière. Désormais, les festivals n’ont plus vocation à être des révélateurs de talents, mais celle d’être les diffuseurs de grands noms. Cette hausse
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MARCHE OU BREVES des cachets d’artistes pose aussi le problème du prix des billets en constante augmentation… MONEY, MONEY, MONEY ! EMI a été récemment racheté par le fond d’investissement Terra Firma, V2 Music va être racheté par le poids lourd Universal pour la modique somme d’environ dix millions d’euros ! La major y voit le moyen d’étoffer son catalogue, car V2 proposait essentiellement des artistes indépendants. NO MONEY… Les points de ventes du marché du disque ferment inexorablement. Aux Etats-Unis, 90 magasins Tower Records ont baissé le rideau en 2006. Au Royaume-Uni, 100 magasins Musiczone et 75 magasins Andys ont été vendus, en plus des 150 disquaires indépendants qui ont tout bonnement disparu cette année. www.reseauglconnection.com SNIFF Le mythique Spectrum a définitivement fermé ses portes. Située en plein cœur de Montréal, dans la rue Sainte-Catherine, cette salle allait fêter ses 25 ans, mais on a préféré la faire disparaître au profit de nouveaux bureaux d’entreprises. Près d’un millier de personnes ont assisté à la soirée d’adieu organisée le 5 août dernier. Lire : www.francofolies.com RESSOURCE MINIÈRE Jérôme Minière a sorti son nouveau disque le 17 septembre au Canada. En France, il va devoir démarcher car malheureusement son précédent label français, Olympic Disk, a cessé ses activités. Avis aux connaisseurs ! myspace.com/geromini. Et pour découvrir son superbe clip : www.jeromeminiere.ca
RUBIN SUR L’ONGLE Le prochain Rubin Steiner est prévu pour le tout début 2008 et… “ça risque d’être très rock’n’roll !”, dixit l’intéressé. www.rubinsteiner.com GAMIQ : INDÉ-TENDANCES QUÉBÉCOISES Le Gala de l’Alternative Musicale Indépendante du Québec (GAMIQ) est une cérémonie de prix visant à récompenser les meilleures productions indépendantes de la scène alternative québécoise. Lors de l’édition 2007, 17 trophées ont été remis. . Artiste de l’année : Patrick Watson . Auteur-compositeur : P. Watson . Carrière internationale : Arcade Fire . Spectacle : Arcade Fire . Révélation : Tricot Machine . Album chanson : “Tricot Machine”, Tricot Machine . Album électro : “L’idéologie des stars”, Numéro# . Album expérimental : “Sangue puro”, Georges Leningrad . Album folk/country : “Les hommes des tavernes”, Fréres Cheminaud . Album hip-hop : “Trop banane !”, Omnikrom . Album indie pop : “Close to paradise”, Patrick Watson . Album indie rock : “Neon bible”, Arcade Fire . Album metal / hardcore : “Katorz”, Voïvod . Album punk : “Compter les corps”, Vulgaires Machins . Album rock’n’roll : “Gisèle”, Xavier Caféïne . Album world / trad: “Mia dolce vita !”, Marco Calliari . Prix-hommage : Me Mom and Morgentaler www.gamiq.ca
URBS-TICAIRE iTunes, plateforme musicale en ligne de la firme Apple, a dépassé les trois milliards de titres vendus. Un vrai record pour ce site ouvert depuis 2003. iTunes rapporte donc à la multinationale un chiffre d’affaire colossal, autour de 608 millions de dollars, soit une progression de 33% en un an…
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Pierre Wetzel
ON Y CROIT
Raphaël Lugassy
MeLL
Odran Trümmel “Mutants and loonies” - Another Record / Anticraft www.myspace.com/trummelodran
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
“Au-dedans” - Jaba / Prod. Spéc. www.boeuf.free.fr Du soleil, du soleil et encore du soleil. Cet été 2007 qui s’annonçait relativement pourri a été sauvé par l’écoute d’un premier album baigné d’une belle lumière. Des rayons jauneorange qui percent un ciel d’orage. Fabien Bœuf émerge avec un premier album solo qui devrait voyager avec vous pendant une bonne partie de votre automne, de votre hiver et, si vous avez de la chance, de votre vie. Ce musicien landais de 32 ans vient nous redonner foi en une chanson française qui se formate plus qu’elle ne se développe. Bœuf mélange avec talent mots et mélodies. Son blues rural le rapprocherait plutôt de Florent Marchet ou Rodolphe Testut, des “bons gars” que l’on aime croiser sur scène et dont on aime partager l’intimité discographique. Des hommes simples aux préoccupations faisant écho aux nôtres. Petites et grandes considérations mises en abîmes dans des évocations pudiques de sentiments, on est loin de Bénabar qui se demande si “c’est très chiant d’être une mouette”… Au-dedans est un disque fait à la campagne avec des potes musiciens dans une ambiance d’économie solidaire. “On a tous du matériel qu’on se loue les uns aux autres. J’avais un vrai studio à la maison !” Le disque s’est fabriqué tranquillement, comme pendant une résidence à domicile avec les braises qui chauffent dans le jardin. Le temps de peaufiner des ambiances éclectiques avec une variété d’instruments et d’arrangements au service de la mélodie. La chanson Chacun pourrait être du Cali “dans l’esprit”, mais Bœuf se distingue par une plume un petit peu plus gaie et moins complaisante que celle du Catalan. “Sur scène aussi, je suis très différent de lui, s’amuse-t-il. Moi, je ne sais pas me servir de mon corps…” Même s’il n’est pas un showman, Bœuf dégage une émotion scénique forte et analogue à celle délivrée par l’écoute son premier album. A suivre passionnément. Eric Nahon
Nicolas Messyasz
Bœuf
Si à la disparition de la lumière estivale vous ressentez le blues hivernal, la pop-folk sauvageonne d’Odran Trümmel vous guérira. Ce fils de père néerlandais et de mère française a fomenté ses gammes entre la France et l’Ecosse : “J’y étais du lycée à la fin de mes études, j’avais envie de quelque chose de stimulant. C’était une chouette période de ma vie, bien qu’un peu flippante.” Mutants and loonies retranscrit cet esprit globe-trotter dans des chansons en perpétuelle partance : “J’ai souhaité un album qui cherche plus à varier les tons que le précédent, Down Louishill, très sec, mais doux. Sur Mutants…, j’ai voulu que chaque morceau ait une personnalité forte, quitte à loucher vers des ambiances plus électriques et moins sages, ou au contraire très dépouillées.” Such a mess nous ramène même les Smiths jeunes pousses dans le salon. Joie et enthousiasme abreuvent ainsi les morceaux. A quoi se soigne Odran ? “Je sniffe des germes de blés produits par des moines trappistes selon des méthodes ancestrales. Et puis, je passe mon temps à triturer dans ma tête des bouts de chansons que j’ai en réserve, alors quand vient le moment d’enregistrer, je jubile !” Chez ce garçon, le songwriting est donc une véritable drogue : “Gamin, je m’étais fabriqué une guitare en bois sans cordes pour faire semblant de jouer de la Mano Negra. J’ai toujours voulu faire de la musique, mais je n’ai jamais voulu apprendre, trop la flemme et sans intérêt pour jouer des reprises de Nevermind avec mes frangins. C’est peut-être pour ça que j’ai appris à jouer des instruments de manière personnelle, sans aucune pression. La musique représentait tout ce qu’il y avait de réjouissant, de fun, mais aussi d’affectif et de sensible dans ma vie. Si je m’arrêtais d’écrire des chansons, je me sentirais rapidement complètement idiot.”
Vincent Michaud 6
“C’est quand qu’on rigole” - Mon Slip / Warner - www.e-mell.net Jeux de mots à la pelle et humour caustique, amours déçues et sentiments à fleur de peau, MeLL règle ses comptes avec la vie en rimes et en accords. Si la jeune Nancéenne n’a pas peur des textes rentre-dedans, ses mots crus cachent pourtant une sensibilité mêlée d’autodérision et de second degré : “Ma musique est le reflet de ma personnalité. Même si mes textes peuvent paraître mordants et cruels, je ne ressens pas d’amertume, ni de colère. L’humour, c’est ma manière de relativiser les petits tracas passés.” Ce ton particulier séduit depuis ses débuts en 2000, dans les bars de Lorraine où, guitare sèche à la main, elle est repérée par un indé de Nancy (Label And Music). “Tout est allé assez vite… C’est génial de se rendre compte que l’on peut vivre en faisant du bruit !” Les rencontres, le hasard et les voyages l’amènent à faire les premières parties de grands noms (Miossec, Camille, Brigitte Fontaine, Wampas…) et à collaborer avec La Rue Kétanou, Sansévérino et les Têtes Raides. Deux albums plus tard, elle quitte le label pour intégrer celui de Christian Olivier (Mon Slip), qui en profite pour réaliser le dernier opus de la demoiselle C’est quand qu’on rigole. Finalement, MeLL écrit et compose des chansons qui lui ressemblent : mariage de guitares à tendance manouche avec un poil d’électricité, de cuivres festifs et de jazz imbibé, où les mots prennent toute leur importance. Au point de multiplier les cordes à son arc et de publier un recueil de textes : “J’adore aussi écrire sans avoir de guitare dans les mains, c’est très différent. Ca complète le travail sur album et permet de garder une gymnastique d’écriture tout en proposant quelque chose de différent.” Des projets plein la tête, elle assouvira entre autres sa soif de voyage en s’envolant pour les Francofolies de Montréal l’an prochain, puisqu’elle vient de remporter le “Prix Félix Leclerc de la Chanson 2007” côté français (Thomas Hellman l’a empoché côté québécois). Yann Guillou
D.R.
ON Y CROIT
Bibi Tanga & le Professeur Inlassable
Munshy
Thomas Béhuret
Drôle de nom ! De quoi retourne-t-il ? D’une de ces rencontres fertiles que rien ne laisse présager. Ils en rient encore : “Il aura suffit d’un ami commun et d’une nuit d’impro pour accoucher du premier titre.” Deux univers musicaux aussi éloignés que complémentaires se télescopent. D’un côté, Bibi Tanga, voix et basse de velours, nourries au funk et à la soul. De l’autre, le Professeur Inlassable, compositeur le jour, savant fou la nuit, et ses collages impressionnistes. Ne pas se fier à leur enthousiasme, nos deux larrons ne sont pas des bleus ! Pourtant, à l’écoute de Yellow gauze, on ne peut se défaire de cette impression de fraîcheur et d’ouverture ; avec une sobriété, une spontanéité qui rend homogène leur grand écart stylistique. Jazz poussiéreux d’une allègre légèreté, funk tellurique, protest songs à la rage contenue ou encore odes à la sensualité, le duo souffle le chaud et le froid, en français, anglais ou sango. Avec une précision et une passion d’artisans, à mille lieues des atours tapageurs de la musique de hit-parade. Un esprit qui se retrouve dans l’antre du Professeur, studio construit sur mesure pour ses expérimentations, où l’album a vu le jour au fil d’improvisations que l’on devine endiablées. C’est qu’il émerge de cette entreprise une ferveur intègre et discrète, presque candide, propre à une certaine marge dont on aimerait les voir sortir, sans en perdre l’essence. Quoi de mieux pour l’illustrer que cette alternative culottée proposée par le Professeur : “Devant la difficulté pour trouver un distributeur, ayant monté mon propre label, j’ai pensé installer un distributeur - au sens propre - devant le studio. Un album contre cinq euros, les intermédiaires sont supprimés, tout le monde y gagne !” Une démarche à l’image de leur musique. Unique.
Robert Gil
“Yellow gauze” - L’inlassable Disques / Abeille Musique www.linlassable.com
Grisbi “Playtime” - Elap Music / Differ-Ant www.myspace.com/grisbimusic “Toute notre vaisselle est passée sur cet album.” Ce couple d’auteurscompositeurs ne s’est pourtant pas disputé sur les arrangements à coup d’assiettes brisées. Ils s’expliquent : “Toute la rythmique du titre Seven days a week est faite de bruits de tasses à café, cuillères et autres objets, que nous avons enregistrés dans notre cuisine.” Ils sont comme ça, Antoine et Natacha ; ils collectionnent les sons quotidiens, enregistrent tous les instruments qui leur tombent sous la main, samplent des dialogues de films. Le tout est stocké dans leur ordinateur. “On bidouille les titres chacun notre tour pour enlever ou rajouter des sons. On s’amuse beaucoup !” Nous aussi, en écoutant leur électropop douce ou râpeuse foisonnant de clins d’œil, trop nombreux pour tous les citer. Ambiances cinématographiques, beats lourds et cordes planantes se mêlent autour de la voix enfantine de Natacha. Les textes, en anglais, sont assez élusifs pour laisser une belle part au rêve. Leur duo s’est formé en 2002 - “le déclic : on terminait nos études et on a commencé à travailler des morceaux ensemble, pour le plaisir” -, jusqu’au jour où, en 2005, ils participent à tout hasard à un concours de reprises lancé par Björk au profit de l’Unicef. Ils gagnent et se retrouvent sur la compile de la chanteuse. Trois autres musiciens les rejoignent en suivant : “Nous avons revu les arrangements pour la scène avec basse, guitares et clavier. L’ordinateur est là seulement pour les sons que l’on ne peut pas reproduire, comme les extraits de film.” Une configuration qui leur permet d’enchaîner les festivals et d’enregistrer leur premier album. Quant à leur nom, Grisbi, ils l’ont lui aussi pioché dans un film : c’est un vieux mot d’argot cher à Audiard. “On chante en anglais, mais on voulait un nom bien de chez nous…” Aena Léo 7
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
Rafael Aragon
“Munshy” - Autoproduit www.munshy.net Six ans après ses débuts et sa victoire révélatrice lors du tremplin international Emergenza en 2002, Munshy a enfin pris le temps de graver son premier opus, suite très attendue de Liberate, maxi paru en 2003. Par une curieuse formule, ce groupe a trouvé le moyen de relier divers courants musicaux pas forcément assortis (trip hop, metal, hip hop, rock, fusion) pour élaborer le sien, hybride et unique, pur condensé de puissance et de souplesse. “Dès le départ, il y avait cette envie de créer un son particulier. Les années ont fait mûrir cette identité, et au fur et à mesure, le style et le son se sont approfondis, affinés. […] Nous avons tous une culture musicale, commune dans laquelle on se retrouve, et personnelle avec lesquelles on se complète.” Pour transposer l’équation sur son premier LP, Munshy a dû extirper ses compos de leur magma scénique afin de les plonger dans la crème des studios : celui des Forces Motrices, à Genève, avec David Weber. “Le studio nous permet une approche plus cérébrale, une recherche plus avancée sur les sons, les ambiances, les interprétations… Alors que sur scène, nous nous concentrons sur la spontanéité du moment, sur notre impulsivité, sur l’intensité à donner au concert.” Il est vrai que lors de ses live, le groupe a pour habitude de laisser le public sur les genoux. Il faut y voir Faustine, chanteuse nerveuse et déterminée, escortant le convoi d’énergie qui fonce droit sur la foule adoratrice. “La scène nous apporte la sensation du dépassement de soi, et le partage en direct d’émotions et de sensations avec le public.” L’expérience est mémorable… Aussi, il conviendra de ne pas rater les futures apparitions de Munshy : deux soirées “carte blanche”, le 19 octobre aux Cuizines (Chelles) et le 20 à L’Empreinte (Savigny le Temple), avant une tournée prévue pour 2008.
Cédric Manusset
BARTONE
Fred Huiban
ON Y TIENT
L
e chanteur stéphanois poursuit son échappée belle avec le groupe qui l’accompagnait sur scène. Sur son second album, il n’abandonne pas la chanson, mais a su électrifier son propos sous la direction d’Alexandre Azaria, ex-Cri de la Mouche. Entretien avec Antoine Barailler, alias Bartone. POURQUOI AVOIR EFFECTUÉ UN VIRAGE ROCK ? Pour le premier album, le réalisateur Mathieu Ballet avait beaucoup intégré son univers chanson française. Après quatre ans passés ensemble, je connais beaucoup mieux les musiciens maintenant… Je voulais donc plus de guitare et de simplicité, en conservant une structure classique avec peu de claviers. Un disque qui sonne comme le live ! Pour le dernier titre, c’est différent. Nous ne sommes pas partis de ma mélodie, mais des arrangements du nouveau réalisateur. Ca clôture le disque à la Beatles : très roots et directement à l’essentiel. MASTERISER L’ALBUM À NEW YORK, C’ÉTAIT UN RÊVE ? C’était surtout un caprice… Ca nous a changés d’air ! D’autant que travailler dans le Masterdix Studio, c’était génial. Les premiers jours, nous étions très concentrés. Howie Weinberg travaille 19h par jour ! Mais dans la fatigue, nous avons réussi à conserver quelques éléments nerveux et intégrer une tension. Après, nous étions en vacances… Besoin de décompresser. ON PARLE SOUVENT DE VOTRE TON TRÈS PINCE-SANS-RIRE… J’aime beaucoup le second degré. Les textes gentils, ça me gave. Si j’avais été comédien, j’aurais aimé le rôle du méchant. J’aime aussi l’idée de la seconde lecture, les attaques pas directes. Je contourne l’obstacle. Tout dans le détail ! Ca doit être mon côté féminin… (rires) VENIR DE ST ETIENNE, LE LIVERPOOL FRANÇAIS, ÇA A ÉTÉ UNE INFLUENCE ? C’est drôle, nous avions fait une chanson sur cette comparaison. St Etienne, c’est une ville post-industrielle qui commence à renaître de ses cendres, loin de l’image de la ville de province bourgeoise à la Chabrol. En musique, le niveau est excellent ! On sent l’émulation et ça nous a aidés. Mais le plus drôle, c’est que l’on a commencé sur Paris et c’est quand nous sommes revenus à St Etienne que ça a fonctionné… Samuel Degasne “Les enracinés” - Sony BMG / Jive Epic www.myspace.com/bartoneblog
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OLIVIER ANGÈLE
A
près sept années d’activisme, Les Acrobates ont clos leur aventure discographique sur Une belle histoire. Du duo, Laurent Montagne est le premier à donner de ses nouvelles, via une série de mini CD, Rue des contes provençaux, déclinant les saisons en trois chansons originales, une reprise, un conte musical. Ces derniers s’apparentent au feuilleton radiophonique d’autrefois et révèlent un nouvelliste s’appuyant sur le quotidien pour mieux s’en extraire, et narrer des histoires entre ironie et fantastique. Dans les morceaux, on retrouve intact les qualités de l’ex-chanteur-parolier des Acrobates : une interprétation mêlant douceur et intimisme, doublée d’une écriture empreinte de poésie et d’imaginaire. Laurent a également conservé la touche “bricolo” que développait son acolyte Cyril dans les arrangements, sauf que les boucles samplées passent uniquement par la voix. De la composition à l’enregistrement jusqu’à la représentation scénique, les barrières entre l’artiste et le public semblent s’évanouir : “Je veux avoir l’impression de pouvoir refaire mes concerts à l’identique dans ma chambre”, confie-t-il. Et si ce n’est la sienne, ce sera peutêtre la vôtre : “Mon set étant plus dans l’émotion que dans l’énergie, j’avais besoin de conserver un côté rock’n’roll. Partir avec la bagnole, la sono, jouer et dormir chez les gens, c’est une véritable aventure ! J’y apprends énormément car il n’y a pas d’artifice, pas de lumière pour se cacher, je joue entre la télé et l’aquarium, ça brise le côté spectacle… Au départ, il y a un côté intimidant de part et d’autre, mais une fois que ça décolle, ça devient magique.” Par les mots, les thèmes, les arrangements, on pourrait voir en lui un homme qui murmure aux oreilles averties, toutes générations confondues. Pas étonnant que les Jeunesses Musicales de France (www.lesjmf.org) lui aient commandé un spectacle jeune public. Pour l’occasion, il a remanié son set, retiré les parties pop et intégré des séquences d’animation signées Vincent Farges qui devraient très rapidement enrichir le spectacle dit “pour les grands”. Enfin côté disque, ces Rue des contes provençaux ayant à présent valeur de collector, un album reprenant les chansons est attendu début 2008.
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
LAURENT MONTAGNE
D.R.
Pierre Wetzel
ON Y TIENT
Bruno Aubin “Rue des contes provençaux” - Label Folie www.laurentmontagne.com
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e public qui a découvert et apprécié la musique d’Angel-Maimone Entreprise durant les années 80, sera ravi d’apprendre que la fin du groupe n’aura pas sonné le glas de la créativité d’Olivier Angèle, chanteur fascinant du duo magnétique. Le captivant Insomnies, témoigne de ce retour en grâce. “Avec Gérard Maimone, nous sommes allés au terme d’une association contre nature, car nos différences étaient évidentes. Cependant, notre liberté artistique et nos divergences ont permis cette formule inclassable, à la fois accessible et onirique, baroque et funky. Accepter totalement l’autre et être totalement soi-même a été notre moteur. Je conserve de bons souvenirs de cette période, des tournées, des créations, des rencontres comme celles de Chris Blackwell, PDG d’Island Records, avec qui on a signé pour quelques titres, ou encore Raoul Ruiz qui a élaboré un film autour de nos deux personnages. Puis devant les obstacles, des producteurs déficients, une maison de disques qui ne faisait pas son boulot, on a décidé d’arrêter. Gérard se consacre désormais au jazz, sa marotte. Nous avons continué à collaborer dans d’autres domaines comme cet opéra Malcom réalisé pour l’Opéra de Lyon.” En 1990, EMI lui offre la possibilité de travailler sur un projet solo. De ce travail naîtra Sentiment clou, album ambitieux, qui malheureusement ne trouvera pas son public. Olivier renoue alors avec l’art dramatique, sa formation initiale et son autre passion : “Passer de la musique au théâtre me paraît naturel. J’ai fait l’acteur, des rencontres formidables, artistiquement et humainement parlant, comme celles avec le metteur en scène JeanPierre Vincent, le compositeur Jean-Marc Padovani, et tant d’autres… Parallèlement, durant toute cette période, j’ai écrit des chansons qui ont servi de socle au projet Insomnies.” Olivier Angèle revient donc aux affaires musicales pour un album qui lui ressemble : éléments autobiographiques, musiques envoûtantes et belles envolées poétiques. Le chant plus contenu qu’à l’accoutumée, intimiste voire chuchoté, est la grande surprise de l’enregistrement : “Ce choix s’est imposé, l’ambiance feutrée dominante m’a amené à faire ce travail sur la voix.” Alain Birmann “Insomnies” - Comotion / Socadisc www.myspace.com/oangele
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ANGIL & THE HIDDENTRACKS
D.R.
ON Y TIENT
A
pparu en mai dernier, le deuxième album de Mickaël Mottet, alias Angil, n’a pas rejoint la famille des disques jetables de l’été. Il accompagnera ainsi en ami fidèle plus d’une soirée. Grand disque sans esbroufe, Oulipo Saliva se révèle une fois son écoute digérée. La période folk classieux des débuts a laissé place à l’émergence personnelle. Angil, l’ambitieux humble, n’attendait que ça : “C’est l’idée que je poursuis depuis que j’ai commencé à écrire des chansons. Les Beatles, qui ont inventé le langage pop moderne, l’ont déconstruit dans le même temps. C’est stimulant de jouer avec les codes de ce langage, c’est même tout l’intérêt.” L’homme claque les portes des chapelles musicales : “Pour avoir le plaisir de prendre la tangente, il faut aussi savoir où le terrain est balisé.” Moment fort d’un disque constant et donc difficile à tronçonner, Took no drugs, had no drink (it all was in your mind) traduit le mieux les prospectives du vert Stéphanois bien maturé. Un gimmick jazzy “old school” accueille un phrasé entre rap et folk, sur une mélodie mélancolique. Dernier indice, Robert Wyatt en serait le bon samaritain spirituel… Réussite d’autant plus méritoire qu’Angil s’était imposé de ne pas utiliser la note Mi, à la manière des règles d’écriture de l’Oulipo, l’ouvroir de littérature potentielle des écrivains, fondé entre autres par Raymond Queneau. Cette nouvelle variante doit son existence à Francis Bourganel, de la grande famille des Hiddentracks. Loin de se cacher, ces musiciens font plus qu’accompagner le sieur Angil : “Oulipo saliva est un album collectif. C’est une démocratie participative !” Chef d’orchestre, Mickaël Mottet récolte les fruits d’une jeunesse qu’on imagine passée la tête dans les nuages : “Oui, on me le dit toujours, c’est plutôt un inconvénient aujourd’hui ! Mais je suis fils unique : il fallait bien combler. Mon frère de substitution était Francis Bourganel, avec qui j’ai monté mon premier groupe Del, et qui joue aujourd’hui du saxophone dans les Hiddentracks. Le peu qu’on se voyait, on le passait à jouer, à inventer des histoires : ça n’a rien arrangé !” De nouveaux chapitres restent à écrire, notamment pour The John Venture, la saga commune avec BR OAD WAY. Vincent Michaud “Oulipo saliva” - Unique Records / La Baleine www.angil.org
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MY CONCUBINE
Thomas Béhuret
ON Y TIENT
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’emphase larmoyante, les Ne me quitte pas et autres sensibleries ne sont pas l’apanage de My Concubine. Le groupe parisien s’affirme avec des chansons légères teintées de pop 60’s et de rock rétro. Sur cette couleur musicale bien particulière, Eric Falce, chanteur et compositeur, s’explique : “Mon âge canonique m’a permis de bien connaître cette période particulière entre 1977 et 1979. C’était la fin des beatniks et le début du punk. J’adorais écouter Can, Caravan ou le Floyd, mais aussi les nouveaux groupes new wave qui émergeaient.” Mixez cela avec une influence “blouson noir”, ajoutez une ou deux voix féminines pour tenir compagnie au chanteur et vous commencerez à avoir une petite idée de la musique de My Concubine : déconnante et sérieuse, mais quand même plus efficace dans la déconne… “Le second degré permet de dire plein de choses, reprend Eric Falce. Je me vois mal chanter des chansons d’amour au premier degré… l’aspect poétique m’effraie.” On trouve sur leur second album une dénonciation du Botox qui donne envie de frétiller du popotin (mais sans silicone) ou une chanson un peu controversée sur le syndrome de Gilles de la Tourette : “Les gens la prennent au premier degré. Si le personnage dit “salope”, c’est qu’il est incapable de dire “je t’aime”. Quand ce morceau est passé sur Le Mouv’, des auditeurs ont appelé pour se plaindre des grossièretés. Aujourd’hui tu peux chanter “fuck la police”, mais “salope”, tu peux pas…” Pour ne pas s’arrêter à cette anecdote lamentable, on saluera Classe tout risque qui ouvre l’album et fait merveille dans une tonalité higelinienne… Les voix sont toujours très proches du micro et on a parfois l’impression d’entendre un Gainsbourg période Comic strip, faisant le lien entre la pop anglaise et la chanson française. “Au début, c’est flatteur. Après, c’est lourd !” commente sobrement le chanteur. Le groupe louvoie donc entre amour, humour et humeur. Mais toujours avec classe. A apprécier pleinement sur scène en compagnie de La Position du Tireur Couché et Lady Palavas avec qui My Concubine devrait monter un plateau rock’n’roll, swing et décalé. Eric Nahon “My concubine” - Happyhome Rec. / Nocturne www.myconcubine.fr 11
MASSILIA SOUND SYSTEM
D.R.
ON Y TIENT
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assilia, c’est avant tout un son inimitable : entre reggae, rub-a-dub jamaïcain, samples et langue franco-occitane. Après trois ans de pause, les Phocéens reviennent avec un album plus digital, axé sur les riddims et s’éloignant de la world music… APRÈS VOS PROJETS SOLOS RESPECTIFS, LE PROCESSUS DE CRÉATION EST-IL RESTÉ LE MÊME ? Pour les cinq derniers albums, nous avions un lieu de répétition en commun. Mais quand la droite est arrivée à la municipalité, nous avons été virés et obligés de travailler chacun dans notre coin avec comme base le travail des MC. Le résultat ressemble donc plus à nos prestations live. De toute façon, les textes, ça se fait sur un canapé à 3h du matin, pas en salle de répét’… LE TITRE DE L’ALBUM OAI E LIBERTAT, C’EST UN CRI DE COLÈRE OU D’AMOUR ? C’est notre façon de voir les choses. Chacun peut s’exprimer dans la fête. Mais le Marseille de Massilia est forcément fantasmé ! La réalité, c’est que la ville échappe à ses habitants et son centre-ville devient une zone dortoir. Pour autant, nous sommes sortis de la nostalgie. A 20 ans, nous faisions du rock qui n’intéressait personne. Là, c’est Bob Marley qui nous donne envie de chanter en occitan et de chroniquer notre quotidien. Comme lui, nous voulons que nos petites histoires locales deviennent universelles… ON CONSTATE AUSSI QUE LE LEITMOTIV EST ENCORE PLUS RECENTRÉ SUR LE DANCEFLOOR… Exactement. Le MC est un “entertainer”, autant que le sound system est une danse consciente. Tu réfléchis, tu danses, ou les deux en même temps… Et face à la danse, tout le monde est au même niveau : petit, gros, pas belle, etc. Tout l’inverse d’une rave party où il n’y a même plus de paroles. Nous tenons à rester fédérateurs. VOUS DISTRIBUEZ TOUJOURS DU PASTIS AVANT VOS CONCERTS ? C’est même devenu folklorique ! Une manière d’inviter les gens… Un concert, ça n’est pas que des mecs sur scène. C’est un ping-pong. Et puis, si on enlève cette cérémonie, on se fait taper dessus. (Rires) Pire, toutes les marques nous ont approchés. On a finit par craquer pour des collègues. Mais c’est implicite. Pas de publicité. Imaginez, il fallait bien fournir pendant toute une tournée ! Samuel Degasne “Oai e libertat” - Adam / Wagram www.massilia-soundsystem.com
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MIRO
WEEPERS CIRCUS
David Geiss
Fred Huiban
ON Y TIENT
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ientôt vingt ans que les Strasbourgeois ont fait leur apparition sur la scène française pour la teinter d’humour et de sensibilité. Avec un sixième album, le “cirque des gens qui pleurent” durcit le ton. Les textes reflètent les maux de notre époque, le propos est souvent ironique, mais jamais agressif… LE TITRE DE VOTRE DERNIER ALBUM TOUT N’EST PLUS SI NOIR… TRANCHE AVEC LE REGARD QUE VOUS PORTEZ SUR LA SOCIÉTÉ… Ce titre relève d’une ironie cinglante. Jusqu’ici nous nous sommes laissés porter par les mondes intérieurs et l’onirisme. Dans ce nouvel opus, nous nous rapprochons davantage du réel. Notre époque est cruelle : la particularité de notre génération, c’est cet étrange sentiment d’être arrivé à un point de non retour. C’est dans cet esprit pessimiste que s’est réveillé en nous un questionnement complexe autour du principe de manipulation des masses et de transmission de la connaissance. L’AVENTURE WEEPERS CIRCUS SEMBLE AUTANT HUMAINE QU’ARTISTIQUE : LA PARTICIPATION D’AUTRES ARTISTES SUR VOS ALBUMS EST DEVENUE UN RITUEL… Au sein du groupe, l’humain est indissociable de l’artistique. Une collaboration n’existe que parce que nous sommes en admiration pour les invités que nous recevons. Les collaborations sont devenues pour nous un rituel nécessaire parce qu’elles nous enrichissent et nous ouvrent au monde. Le mélange d’univers et de sensibilité avec Olivia Ruiz, Mathias Malzieu et Irène Jacob fut alchimiquement possible parce leur imaginaire nous trouble et nous porte. ON SENT DANS VOTRE MUSIQUE UNE VOLONTÉ DE SE RENOUVELER ET D’EXPLORER D’AUTRES CHEMINS… D’autres territoires existent et nous voudrions sans cesse venir à leur rencontre. L’auditeur doit pouvoir voyager d’un titre à l’autre dans des contrées différentes tout en préservant une certaine cohérence. L’objectif est de surprendre l’oreille à chaque titre, quitte à être déstabilisé. Nous nous considérons artisans plutôt qu’artistes : nous sommes des chercheurs conduits à exposer - à un moment donné - un résultat qu’il n’est plus possible d’améliorer.
A
vec la sortie de son troisième album, JeanMarc Miro, démontre que le temps n’a pas de prise sur les artistes aux volontés authentiques. Lorsqu’il apprend la guitare à l’âge de 17 ans, c’est pour mettre en musique des textes qui lui tiennent à cœur. Vingt ans plus tard, la démarche semble être toujours la même : des chansons écrites sans contraintes, des compositions sans visa. Ce que l’on aimait chez Miro dès La voix du vaurien, son premier opus en 2001 (dont Billy le funkyman était un succès loin de rendre compte de l’ensemble de l’œuvre), se trouve magnifié sur Le vainqueur jaloux, son dernier né. “C’est la première fois que j’accepte l’idée qu’un disque puisse être conceptuel. C’est-à-dire que je ne ressens plus le besoin de contrecarrer des chansons qui seraient trop sérieuses par d’autres plus légères, des délires à la Samantha, comme je faisais sur mon premier disque. Je me suis fait à l’idée qu’un album était factuel, un instantané, un bout de vie”, explique-t-il. On y retrouve ainsi le reflet d’un homme qui a dû partir loin d’ici, épuisé par trop de concerts, d’aléas du music-business et des problèmes personnels : “J’ai effectivement disparu de l’espace médiatique pendant un temps. La fatigue et ma vie privée ont fait que j’ai eu besoin de me ressourcer. Je suis parti en Italie, j’ai voyagé… En tout, j’ai passé un an et demi à l’étranger. Parfois, il faut disparaître pour mieux réapparaître !” On redécouvre ainsi un homme qui ose s’exposer avec ses colères et ses faiblesses, joue d’un humour omniprésent et cela, en poursuivant son exploration musicale, avec pour boussole un sens indéniable du groove. Ceux qui auront acheté son dernier opus pourront télécharger gratuitement sur son site web une seconde face (Jaloux) composée de onze morceaux inédits. Un double album au prix d’un simple, une façon d’aller plus loin en ces temps de crise du disque. Et comme le monsieur cultive le décalage, on vous laissera le soin d’aller à la rencontre de ses “garages Miro”, des concerts où “surprise” sera le maître mot. A vos agendas ! Caroline Dall’o “Le vainqueur jaloux” - Chromatic / Anticraft www.miromaispasourd.com
Yann Guillou “Tout n’est plus si noir…” - XIII Bis / Sony BMG www.weeperscircus.com 13
BO
Nicolas Messyasz
ON Y TIENT
I
l a quelque chose de bizarre ce jeune homme aux cravates smart, mais démodées. A voir son joli visage si sage, on ne dirait pas qu’il vient de nous balancer un pur concentré de magnifique french pop. Au jeu des comparaisons, Bo serait un hybride de Beck, -M- et des regrettés Little Rabbits. Les trois ayant en commun l’amour des mélodies efficaces, des sons bricolés et des chansons qui restent dans la tête en collant le sourire. Son premier effort, 323 Zap Shangai baseball, souffrait peut-être d’une trop grande diversité : “C’est que j’ai appris comment faire un album au moment où je le réalisais. On s’est tous un peu mal débrouillé pour la sortie. Il fallait tout faire en même temps : l’artistique, le management, la promotion…” Mais ce premier disque, même sorti confidentiellement, attire l’oreille de quelques-uns, dont Longueur d’Ondes qui parraine Bo pour le programme COACH de Philippe Albaret : “Il m’a aidé à disséquer les chansons et m’a guidé dans mes choix artistiques. Une aide précieuse.” Koma Stadium est beaucoup plus unitaire dans son éclectisme. Les compositions ont eu le temps de mûrir sur scène et de s’affiner : “Le propos est un peu plus recentré. Je suis un grand fan de pop et donc attaché aux mélodies. Ca ne m’empêche pas d’adorer des samples un peu débiles et les petits sons qui dérangent. Mais les chansons sont plus directes, je me perds un peu moins.” Plus de chansons, moins de gadgets, Bo ne se planque plus derrière ses sons, même s’ils sont encore bien présents et notamment sur scène. Ceux qui l’ont vu en concert en parlent comme des premiers concert de -M- , ça donne sérieusement envie ! On rentre dans l’univers de Bo et on en sort transformé, le sourire aux lèvres. Plus on tente de percer le mystère derrière la cravate Burburry et plus on devient accro à cette pop efficace. On prie pour que Happy song devienne un tube planétaire, et que si l’on entonne “pam pam”, trois autres personnes embrayent sur “pam pam pam pam pam”… Ceux qui l’ont écouté savent de quoi il s’agit. Les autres, n’hésitez pas à y laisser vos oreilles. Conseil d’ami. Pam pam… Eric Nahon “Koma Stadium” - Spozzle / Discograph myspace.com/bokomastadium
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RHESUS
Raphaël Lugassy
ON Y TIENT
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n aime beaucoup l’esthétique de notre ami photographe Lionel Samain. On lui avait décrit l’album en amont, en expliquant ce que l’on aimerait que les gens voient sur la pochette. C’est un disque qui sent plus le bois que le précédent Sad disco ; quelque chose d’imparfait et en même temps plus chaleureux. Alors, on a pris une grosse planche de bois, on a collé des affiches que l’on a ensuite arrachées, puis on a travaillé avec une mannequin belge. Lionel a mis en scène tout ça…” Le trio rallume les étincelles qui nous avaient conquis à l’origine, dans des démos et un EP fougueux, parus sur le label Un Dimanche. Si le premier album Sad disco était surtout le résultat poli et bien léché d’un travail dans une bulle, on retrouve aujourd’hui Rhesus tel qu’il est au naturel : plein de fougue et embrassant la pop-rock anglo-saxonne sous toutes ses couleurs. Les instincts et l’urgence du moment ont primé. Le batteur Simon raconte qu’avec ses deux acolytes, le guitariste Aurélien et la bassiste Laura, ils ont ressenti l’envie d’entrer en studio, très vite après la fin de leur tournée intensive, avec Nico des Wampas pour superviser la réalisation. The fortune teller said fait toujours la part belle à une finesse d’écriture, des arrangements discrets et passionnés, mais cette fois avec une spontanéité incandescente. Truffé de morceaux courts, sous forme d’interludes “pour ouvrir la fenêtre, pour aérer”, il indique aussi de nouvelles directions musicales. Will you follow me out est influencé par les Smashing Pumpkins, avec une voix très grave : “Il est intéressant parce que ça étend encore notre palette, un son très lourd, très sombre, limite gothique, vers lequel on n’était pas vraiment allé… En plus, notre ingé-son Arnaud Bascunana a travaillé micro grand ouvert et ça capte vachement la fragilité de la chanson, assez lente, avec l’émotion de la voix… Je trouve que c’est un des morceaux les plus adultes. Dans dix ans, il figurera sans doute parmi ceux qui nous parleront encore le plus !” Des premières chansons auto-enregistrées à la découverte du Black Box Studio, du mini-van au tour-bus, des concerts en France puis à l’étranger, Rhesus profite pas à pas des émotions de groupe rock et délivre sa pleine puissance sur scène. Béatrice Corceiro “The fortune teller said” - Pias www.rhesus-web.com 15
Un label pour faire exister des projets en toute liberté artistique, c’est l’audacieux pari à contrecourant de Jean-Charles Versari et Cyril Bilbeaud.
T-Rec T
héo Hakola (Passion Fodder), producteur du premier album des Hurleurs, le groupe de Jean-Charles Versari, a provoqué la rencontre en engageant Cyril Bilbeaud, batteur des mythiques Sloy. C’était pour une tournée commune des Hurleurs avec Serge Teyssot-Gay, le guitariste de Noir Désir, qui défendait, sur bande, un projet déclamatoire… “Personne ne se connaissait, mais c’est vite devenu le bus du bonheur, se souvient Jean-Charles. Nous avons fait 22 dates les uns sur les autres.” Le genre de périple qui forge l’amitié et qui aboutira quelque années plus tard à la création du label T-Rec. L’ambition est d’aller au bout des projets sans contrainte, en toute liberté artistique, mais aussi “d’être sûr de les faire exister quand les maisons de disques ont tendance à trouver que ce n’est jamais le moment.” Pour se lancer, les deux compères comptent sur le nouvel album de Théo Hakola… qui choisit finalement de se débrouiller tout seul. Ils se rabattent sur Fruitkey, le groupe du violoncelliste Jason Glasser dans lequel ils jouent désormais. Suit Late Mrs Eight, des Suédois découverts par Jean-Charles pendant ses vacances, et Tue-Loup, dont Cyril a repris le management avant d’obtenir une licence chez Naïve (une expérience décevante ; désormais, la distribution du label sera confiée à Anticraft). En gestation, le premier album de Versari, trio emmené par Jean-Charles avec Cyril à la batterie et Jason Glasser à la basse, prend forme. Il sort fin 2006 et s’impose, avec 2000 ventes, comme le plus gros succès de T-Rec. “C’est plaisant de jouer avec les groupes du label car nous nous retrouvons à faire une musique dans laquelle nous sommes investis, sur un terrain où ne serions pas allés naturellement”, précise Jean-Charles. “LE LABEL, C’EST NOTRE DANSEUSE.” L’envie est de pérenniser la structure pour devenir crédible auprès des financeurs “puisque nous avons la chance d’être dans un pays où il y a encore des subventions”. Pour son passage en SARL, T-Rec vient d’intégrer Serge Teyssot-Gay. Ce dernier leur a confié Zone Libre, projet monté avec Cyril et Marc Sens, le guitariste de Yann Tiersen. Il se retrouve dans cette structure intègre et sans concession. Le soutien est aussi financier, un aspect important par les temps qui courent dans
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Vinciane Verguethen
le milieu musical. “Le label ne nous fait pas vivre, loin s’en faut, reconnaît Cyril. Lorsque nous regardons les bilans, c’est même assez déprimant, mais nous sommes hyper fiers de ce que nous avons fait. Notre huitième album est prêt à sortir. Sans nous, beaucoup de ces projets n’auraient pas vu le jour.” Une analyse partagée par Jean-Charles : “Le label, c’est notre danseuse ! Le truc qui nous coûte énormément d’argent personnel, mais qui permet de faire des choses.” “SI SLOY SE REFORME, CE SERA SANS MOI !” Les choses commencent néanmoins logiquement à se mettre en place. Une aide financière pour faire tourner Fruitkey aux Etats-Unis vient d’être obtenue. Et Jérôme Chikar vient d’intégrer l’équipe pour s’occuper de trouver des dates de concerts. Côté parutions, un nouveau Tue-Loup sortira à la fin de l’année tout comme le Scrape Project DVD de Marc Sens (guitare) et Cyril Bilbeaud (batterie). Suivra l’album expérimental de Marc Sens, puis celui de Jean-François Prouvost, et enfin une compilation de Sloy : “J’ai proposé à Armand et à Virginie (ndr : le guitariste-chanteur et la bassiste du groupe) de la sortir car nous avons les droits. Ils ont été d’accord. Maintenant, pour en avoir parlé avec Christophe Sourice, des Thugs, qui ont fait la même chose il y a quelques années, nous ne nous attendons pas à des miracles. D’autant que nous ne retournerons pas. Si Sloy se reforme, ce sera sans moi !” Cyril, c’est vrai, a suffisamment à faire avec les projets dans lesquels il s’investit comme batteur et comme label manager. Patrick Auffret www.t-rec.org 17
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Caroline Dall’o
Présenter encore aujourd’hui Mon Côté Punk comme un collectif de musiciens et chanteurs ne serait pas leur rendre justice. Riche d’un second album, l’identité de ce groupe unique dans le paysage musical hexagonal est désormais établie.
C
ertes, il n’est pas aisé de s’affranchir de son passé. Né en 2003, lors d’une fameuse soirée à Genève, de la réunion de quelques amis en recherche (ré)créative (Loïc Lantoine, Olivier et Mourad de la Rue Kétanou, Fathi et Karim alors guitariste de Padam), la formation est devenue au fil des rencontres et des années une base solide pour la plupart d’entre eux : “On a eu du mal à se défaire de cette image de collectif. Ce qui nous embêtait le plus, c’étaient les interrogations des gens qui se demandaient toujours qui il y aurait sur scène quand ils venaient nous voir en concert. Aujourd’hui, nous sommes un vrai groupe et ce nouveau disque est une occasion supplémentaire de l’affirmer. Une majorité d’entre nous s’y investi totalement. D’autres ont préféré partir comme Olivier, il y a quelques temps déjà, ou Mike, plus récemment. Il y a aussi ceux qui, comme Yahia et Mourad, ont leurs propres projets, mais privilégient le groupe. Enfin, il y en a certains qui sont toujours les bienvenus sur scène, comme Loïc, mais qui n’ont pas le temps d’être en permanence avec nous et qui poursuivent leur carrière solo” explique Jean-Michel. Un éclaircissement qui ne surprendra pas ceux qui les ont déjà vus en concert. Festifs dans le bon sens du terme, sans facilité mais avec rigueur, leurs sets sont toujours surprenants ! Des invités ponctuels à la présence régulière des “bébés punks”, jeunes pousses venues entonner les refrains sur Youssef, il y a toujours de la place pour l’ami qui passerait par là ! Pour preuve de cet esprit d’ouverture, les invités présents sur Anawah, leur nouvel opus : MAP, MeLL (dont le côté punk n’est plus à démontrer) ou encore monsieur Lantoine, dont vous reconnaîtrez la distinguable voix sur deux titres et qui participa à l’ensemble de l’enregistrement comme ami de confiance.
La joyeuse troupe poursuit ainsi sa route, une crête bien ancrée à l’intérieur du crâne, mélangeant, malaxant, intégrant différentes influences pour créer un style bien à soi. JeanMichel et Loraine (cuivres), Boris (batterie), Hélène (basse), Karim (guitare) offrent aux compositions leurs influences flamenco, jazz et funk, tout en intégrant sonorités et rythmiques venues d’ailleurs. Les chanteurs attitrés que sont Yahia Dikès, Mourad et Fathi, réussissent quant à eux à mêler à leurs textes fleurant bon la vie et les bars, accents chtimis et vigueur du flow hip hop. Insoumis et intemporel, l’héritage d’un certain Bernard Dimey semble désormais assuré : “Nous avions envie d’aller au fond des choses, de proposer des chansons plus personnelles et de laisser de côté les reprises. Avant la session d’enregistrement qui a eu lieu en janvier, nous avions tous des idées en tête. Karim, notre guitariste, est arrivé avec des thèmes sur lesquels nous avons ensuite travaillé. Pour les textes, certains existaient déjà, d’autres ont été écrits une ou deux heures avant de les enregistrer. Un quart des morceaux ont ainsi été créés pendant l’enregistrement. Chez les punks, on est toujours meilleurs dans l’urgence !” confie Boris. Le résultat n’en est que plus rafraîchissant, laissant voguer les arrangements, se croiser les regards. Les instrumentations se sont aussi étoffées : oud, cymbalum, bouzouki, chalumeau, bugle et autres cuivres s’invitent désormais à la fête. Des instruments également présents sur la tournée qui a débuté en septembre. Une occasion de réveiller le punk qui sommeille en chacun nous…
“Chez les punks, on est toujours meilleurs dans l’urgence !”
Caroline Dall’o “Anawah” - Zamora / L’Autre Distribution www.moncotepunk.org 19
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Dominic
Sonic Il incarne à lui seul vingt ans de musiques à Rennes et l’esprit des Stooges. La Sonic Machine est relancée. Fin de la galère.
Pour ce chanteur arrivé à Rennes au début des années 80, c’est pratiquement un retour aux sources. D’ailleurs Down and low, le premier titre de l’opus, écrit par Pascal Sourimant, renvoie, avec ses grosses guitares, directement à Cold tears, son premier album solo. Il ne chantait pas encore en français et n’avait écrit ni A s’y méprendre, ni La folle de Saint-Lunaire, ni La loi des pauvres gens, autant de titres incontournables de la France des années 90.
D.R.
D
ix ans d’absence… Dominic Sonic est de retour, dix ans après Essaie 94-96, un dernier album constitué uniquement de maquettes que lui avait laissées Barclay, sa maison de disques, pour solde de tout compte. Sale époque pour l’ancien leader des Kalashnikov, obligé de tout reconstruire. Il le fait à Rennes en créant la Sonic Machine avec Yves-André Lefeuvre à la batterie, Franck Hamel et Patrick Sourimant des Bikini Machine à la guitare et à la basse ; l’aventure forge l’amitié… Cinq ans plus tard, c’est enfin le nouvel album, après plusieurs prestations live stupéfiantes, à l’Ubu, aux Vieilles Charrues ou aux Papillons de Nuit. Le disque comprend onze titres, essentiellement des compos récentes écrites en commun : “Pour la première fois, j’ai vraiment pu déléguer. Je n’amenais plus forcément le texte et la ligne mélodique. Cette méthode de travail, collective, je ne l’avais jamais pratiquée : j’avais une idée trop précise de ce que je voulais, tout en étant fermé à ce que pouvaient m’amener les autres. Là, humainement, c’est un collectif. Nous avons un local commun, les Bikini Machine et moi.”
travail étaient très différentes de ce que l’on peut faire en studio. Nous étions quatre dans une pièce, nous jouions les uns après les autres en gardant les meilleurs trucs. L’idée était de construire les morceaux, peu importe qui jouait. On ne se souvient absolument pas de qui a fait quoi. Nous faisions le tri au fur et à mesure. Nous avons envoyé cinq morceaux au Village Vert qui a décidé de nous signer pour faire l’album. Nous l’avons enregistré tout au long de 2006, jusqu’en avril 2007. Ce disque, c’est notre phalanstère à nous…” Un hommage assumé au philosophe socialiste et utopiste du XIXème siècle Charles Fourier. Entre influences glam et ballades bricolées, Dominic chante, le plus souvent en anglais, mais aussi en français, ses émotions de quadra. Outre Mother, une reprise de Lennon, Phalanstère #7 dévoile de multiples facettes tant musicales que textuelles. Des déclarations d’amour souvent (La plus belle de tous les hommes), mais aussi des textes concernés comme le brûlot anti-américain de She comes from ou La terre, qui dénonce la pollution de l’eau en Bretagne. Parfois quelques ironies renvoient à l’intimité du chanteur. “Always been wrong parle du ou des groupes qui ont pompé Noir Désir. Je ne cite personne, mais je dis que j’ai un copain en tôle et que d’autres en profitent…” Difficile de ne pas penser à Luke… Dominic s’en défend à peine et enfonce le clou : “Il y en a plusieurs… Le pompage, je ne vois pas l’intérêt. Je ne considère pas ces gens-là comme des musiciens, mais comme des commerçants.” La Sonic Machine est visiblement relancée. Bonne nouvelle : elle n’a rien lâché, bien au contraire !
Pour l’enregistrement, le combo a fait avec les moyens du bord, dans son local, avec le logiciel Cubase et une quantité d’amplis, de guitares, d’effets, de pédales vintages : “Nos méthodes de
Patrick Auffret “Phalanstère #7” - Le Village Vert / Wagram dominicsonic.free.fr
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HUSHPUPPIES Chercheurs d’or On ne pensait pas les voir revenir si vite et pourtant ! Après deux ans d’une phénoménale tournée en France et en Europe, les Perpignanais remettent les pendules à l’heure. You say Hushpuppies ? We say yeah !!!
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Robert Gil
n ne change pas une équipe qui gagne. Les Hushpuppies sont donc retournés à Angers, au Black Box Studio, pour retravailler avec Peter Deimel, le réalisateur de The trap, une belle réussite écoulée à 20 000 exemplaires (pas mal pour un groupe qui espérait 2000 ventes au départ !) : “Cela tombait sous le sens tellement ça avait bien marché pour le premier, atteste Olivier Jourdan, le chanteur. Là, Peter s’est encore plus impliqué, il a donné son avis et a fait un
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son encore plus poussé. En studio, il nous dirigeait, nous lui faisions entièrement confiance.” Le choix s’avère pertinent : Silence is gold convainc d’emblée par sa production très aboutie et un son énorme qui impose désormais les Hushpuppies au-delà des carcans du rock garage-indé. Les nouvelles orientations d’un groupe en pleine confiance se déclinent en onze titres, tous en anglais : “Nous avons fait deux chansons en français, des vieux morceaux que nous n’avons pas mis sur l’album, pour éviter qu’ils soient automatiquement récupérés par les radios…” Fin 2006, il a donc fallu à nouveau composer. Ils se sont retrouvés à cinq pour écrire la musique, mais aussi la plupart des textes : “En répétition, nous décidons d’un thème et nous donnons tous des idées.” Les mélodies sont toujours aussi remarquables, et l’énergie reste intacte. Il reste bien quelques gros riffs ici et là, mais les guitares se montrent davantage mélodiques, laissant l’orgue soigner les rythmiques, alors que des claviers renforcent la cohésion générale. “Pour nous, l’important reste la mélodie.” Cela n’empêche pas l’ironie et le second degré. Le titre du disque stigmatise “la léthargie ambiante des gens qui ne réagissent pas” et les non-dits parfois pesants. Dans Bad taste and gold on the doors, ils se moquent de tous ceux qui veulent ressembler à Kate Moss et Pete Doherty, les icônes trash-rock du moment. Une vraie claque pour “Naast et tous ces groupes qui ne savent pas jouer, mais qui ont été signés par des maisons de disques ! Le fait qu’ils représentent la nouvelle scène française nous dérange quand même. OK, il y a une attitude, une énergie, ça, c’est cool, mais les morceaux, ce n’est pas de la vraie musique, juste une espèce de produit fabriqué.” Eux peuvent regarder tous ces bébés rockeurs l’œil amusé. Lorsqu’ils ont débuté, ils ne voyaient qu’AS Dragon ou presque. Ensuite, les Stuck in the Sound, Nelson, Fancy sont arrivés : “On est bien plus proches d’eux. La nouvelle scène rock se situe là, évidemment. Et il y a beaucoup d’autres groupes qui n’ont pas eu la chance de sortir de disques (Friction, Koko Von Napoo…) et qui ne signeront jamais chez une major, car ils ne sont pas assez malléables.” Leur démarche véritablement indépendante ne mène pas pour autant au suicide commercial. Pour preuve, deux titres du premier album ont été utilisés dans des publicités pour mettre en valeur des produits pas forcément glamour… “On s’en fout, en sourit Olivier. Les gens savent qu’on le fait pour les sous, et voilà. Mais ce n’est pas cela qui nous fait bouffer non plus… Grâce à cet argent, nous avons quand même pu monter notre boîte d’édition. Cela nous permet d’être autonomes.” Avec cet excellent deuxième album, les Hushpuppies s’affirment justement comme les meilleurs représentants de la nouvelle scène rock indé. Confirmation attendue à la Cigale (Paris) le 4 décembre prochain (l’Elysée Montmartre en février dernier avait été triomphal). La déferlante rock’n’roll des Hushpuppies ne fait que commencer, ne manquez pas la vague ! Patrick Auffret “Silence is gold” - Diamond Traxx / Discograph www.hushpuppiestheband.com 23
microfilm souvenirs de chine De retour d’une tournée en Chine, organisée par les Alliances Françaises du pays, Microfilm a pris la plume pour nous livrer quelques détails et faits marquants de son périple. Sous ces lointaines longitudes, le post rock des Poitevins étonne et déchaîne les foules…
“B
onsoir, on s’appelle Microfilm, bienvenue à tous, c’est trop génial… wassaii !” Même rituel à chaque concert : Matthieu, notre batteur, s’approche au devant de la scène pour lancer ces quelques mots de chinois appris pour l’occasion. Forcément, le public s’incline et exulte, entre rigolade et plaisir, de voir qu’en face le bonheur d’être là est partagé. D’autant plus que, paraît-il, l’accent du p’tit n’est pas mauvais !
Photos © Microfilm
Premier concert à Pékin, à l’occasion de la fête de la musique, le 21 juin. La soirée est organisée par l’Alliance Française, comme l’ensemble de la tournée qui, en huit concerts, va nous mener jusqu’à Shanghai le 4 juillet. On est arrivés la veille pour voir la salle et le matos. Très bon ! C’est de loin les meilleures conditions techniques que l’on va rencontrer pendant le périple. On se croirait presque à la maison, au Confort Moderne à Poitiers ! Pendant le concert, on nous crie même “à poil !”, en français… C’est qu’à Pékin, on trouve pas mal d’expatriés (et même des têtes connues !) ravis de faire reprendre en chœur ces quelques mots aux Chinois qui en redemandent. Notre set doit durer une heure ; on choisit de présenter des morceaux de notre prochain album Stereodrama encore jamais joués en France, mais aussi quelques tubes du premier, histoire de voir si “André, promets-moi une chose…” fait aussi son petit
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effet du côté du Soleil Levant. Evidemment, notre écran - membre à part entière du groupe - est derrière nous. Pas de projection en 3D ici, mais les images, les samples et notre “rock’n’roll” (“Microfilm, tournée mondiale, passage en Chine, rock’n’roll”, avonsnous lu sur des affiches à Xi’an, notre troisième date) semblent retenir l’attention. A Dalian, nous jouons dans un bar. En première partie, nous découvrons Spiral Cow, groupe chinois aux influences tout aussi anglo-saxonnes que les nôtres. Ce sont eux qui gèrent le plan et les conversations se nouent vite autour de Trans-am, Don Cab, Fantomas… Ils nous font aussi découvrir un groupe local qui confirme que le post-rock à la Explosions in the Sky est bien arrivé en Chine. Tsingtao, santé ! A Nanjing, une ville de sept millions d’habitants au nord de Shanghai, on se retrouve à jouer dans une ancienne salle du Parti, public assis, sur trois niveaux. Ambiance pas forcément austère mais décalée, et la sono… où est la sono ? De chaque côté de la scène deux cylindres métalliques renferment les enceintes, de quoi faire hurler Cyril notre ingé-son. Les amplis guitare nous rappellent nos premières répèts dans le garage, quand on était gamins, et face aux assauts noise de nos guitares, le courant saute, pour ne se rétablir qu’un quart d’heure plus tard.
Pour cette date, le contrat est formel : interdiction de se mettre torse nu sur scène ! C’est pourtant devenu systématique, étant donné la chaleur permanente ; une moiteur démultipliée dans chaque salle les soirs de concert. Ce n’est sûrement pas pour nous remercier d’avoir “gardé le haut”, mais toujours est-il qu’à la fin, quatre petites filles en petites robes montent sur scène pour nous remettre un bouquet de fleurs chacun ! Xiexie ! Dans les coulisses de cette salle de Nanjing, la faucille et le marteau ont été démontés et entreposés derrière un rideau. Cette image est d’ailleurs assez représentative de ce que l’on voit autour de nous au quotidien. Une Chine qui se détache économiquement du communisme pour devenir un véritable royaume de la production et de l’exportation. De la Nike à trois bandes au caleçon Louis Vuitton, en passant par le réveil Mao, le pantalon pour enfants avec un trou pour faire caca et la boule de neige Hello Kitty, nous découvrons aussi les foisonnements de gadgets “made in China”, dans d’immenses “shopping malls” surpeuplés où nous prenons plaisir à nous perdre sous le regard amusé des adolescentes chinoises, jaunes et jolies ! Dernière date à Shanghai. Nous avons un petit pincement au cœur à l’idée qu’il s’agit de notre ultime contact avec le public chinois si chaleureux, curieux et surprenant. On se remémore Bird, le responsable technique du concert de Xi’an et ses talents de chauffeur de salle, on se souvient de cette Chinoise montée sur scène pour voler à Guillaume son médiator (et un baiser !), des interminables séances photo et des avalanches de flashes quand on jouait, des interviewes télé improbables, de Yohann signant des autographes pendant que Mathieu se jetait avec ses baguettes dans le public… Des galères informatiques aussi, des réveils difficiles et des avions ratés, des fêtes interminables, des brochettes qu’on s’envoyait par centaines, des bières locales et de l’alcool de riz. Nous quittons le Shanghai Overseas Affairs Service Center, énorme building comme on en trouve tant dans cette ville, et autre lieu pour le moins insolite pour un concert. Direction le Logo Bar, club où notre bassiste Greg, aka Johnny Bootleg, chauffe le dancefloor armé de son set électro mash ups. Boum jusqu’à cinq heures du mat. Avion à midi. Dzàil-dziènne ! Propos recueillis par Hélène Bannier “Stereodrama” - Rejuvenation / La Baleine www.microfilm.tv
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Dominique A Dépôt de bilan
Pierre Wetzel
(un livre et un live…)
Dominique A C
’est peu dire que Dominque A aime se pencher sur son cas. A mille lieues des artistes qui ne peuvent pas se voir en peinture ni s’entendre à la radio, le Grand A s’écoute et tient compte de ses erreurs pour aller de l’avant. Sur nos forces motrices est son premier live gravé sur CD en 15 ans carrière. Ça devait être un événement. On n’est pas déçu. Des claques sur scène, il nous en avait déjà donné beaucoup en solo ou en groupe. Mais après son dernier album studio L’horizon, Monsieur A 26
eut besoin d’électricité et d’énergie. Conséquence : au Bataclan on a vu la salle danser (pas juste bouger la tête, hein, danser comme des fous !) sur son Courage des oiseaux dans une version disco funkoïde amplifiée par une guitare hurlante. A elle toute seule, cette version de son premier succès témoigne de l’évolution du Nantais. Il ne murmure plus, il chante. Il n’est pas austère, il se marre. A lui tout seul, ce morceau rend nécessaire l’achat de ce disque. Explications…
POURQUOI AVOIR ATTENDU SI LONGTEMPS POUR SORTIR UN CD LIVE ? Le live, c’est toujours un peu compliqué. On a l’impression que ça ne fait plaisir qu’aux fans ou aux artistes eux-mêmes. C’est aussi un inventaire. Je ne voulais pas seulement capter l’énergie d’une soirée mais donner un nouvel éclairage sur des morceaux qu’on pouvait revisiter. Ce sont les morceaux tels qu’ils sont faits en concert, à part Le courage des oiseaux qu’on a un peu tronqué sur la fin… C’est un morceau que j’ai toujours vu discoïde, à la New Order. Sur le live, l’aspect post-punk est dopé par les guitares “franzferdinesques” ou “gangoffouresques” ! J’ai simplement accentué tous les traits que ce morceau avait au départ… EN SOLO OU EN GROUPE, QUELLE EST LA MEILLEURE FORMULE POUR TOI ? Dans le public, il y en a qui préfèrent l’une ou l’autre. En solo, je peux rebondir plus facilement, c’est un face à face intime avec le public. En groupe, il faut parfois tirer, pousser. Je m’ennuie souvent pendant les concerts. Pour rompre l’ennui, il faut que je joue sur les contrastes et que je me fasse peur.
“Parfois il faut puiser dans ses dernières ressources et transcender l’épuisement.” DANS LE LIVRE QUI T’ES CONSACRÉ, LES POINTS CARDINAUX, TU DIS QUE LE CONCERT EST PARFOIS LE ROYAUME DE LA POUDRE AUX YEUX ET QUE TU EN SORS PARFOIS COMME APRÈS L’AMOUR, UN PEU TRISTE… Je le pense sincèrement même si ça passe toujours pour de la chochoterie. C’est d’une vanité extrême, celle de l’artiste. Le ressenti n’est pas le même des deux côtés de la scène. Je me sens parfois un peu triste après un concert. Soit parce que c’est fini et que c’était super et que j’aimerai bien y être encore… soit, c’est vraiment comme après l’amour : c’était bien, mais ça aurait pu être mieux. Maintenant, quand on me dit qu’un concert était bien et que je me suis pas trouvé pas terrible, je me tais.
IL Y A DES SOIRS OÙ TU N’AS PAS ENVIE ? Quand tu es en tournée, entre le moment où tu finis un concert et le moment où tu remontes sur scène, il ne se passe pas 24 heures. Ce n’est pas évident d’être totalement disponible mentalement. Parfois il faut puiser dans ses dernières ressources et transcender l’épuisement. Et là, il se passe un truc, l’adrénaline te propulse. D’OÙ VIENT CE BESOIN VISCÉRAL DE FAIRE DES BILANS ? J’en ai besoin. Ça fait le lien entre les choses. Un live, c’est l’occasion de regarder derrière moi. Et d’offrir potentiellement une autre vie à toutes les chansons de ce disque. Ce n’est quand même pas mal ! Après, on me propose de faire un bouquin sur ma pomme, c’est difficile de refuser ! La biographie, c’est forcément un bilan. Et tout est lié… Le live et le livre sont là. Un recueil pour enfants et une compilation d’inédits vont paraître. Tout ça dresse un bilan rétrospectif qui va me permettre de passer à un nouveau cycle. Eric Nahon CD : “Sur nos forces motrices” - Cinq7 / Wagram Livre : “Les points cardinaux”, de Bertrand Richard (Ed. Textuel) www.commentcertainsvivent.com
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com 27
Zong Comète musicale découverte sur le continent l’année dernière, le trio réunionnais revient cet automne avec un nouvel opus toujours aussi libre et sans étiquette.
S
i l’acoustique se perd encore dans l’électronique, si le rock se déguise à l’occasion en drum’n’bass excentrique, une chose est sûre: la musique du trio de St Leu ne se laissera jamais saisir par des mots trop étroits pour elle. Si les claviers vintage sont toujours de la partie, le traitement électronique qui leur ait infligés les propage à mille lieux de toute attente. L’ensemble des douze nouveaux titres est une grande balade électronique et la voix de Drean une promenade lyrique. Plus apaisé, Zong n’en oublie pas son goût de la recherche: dense et intense Fractures est une exploration toujours instinctive des sons et des voix. Une aventure musicale pleine de rebondissements sur laquelle reviennent Costa (machines et claviers), Fever (batterie) et Drean (chant) pour une interview croisée sans faux-semblant. FRACTURES SORT EN FRANCE UN AN APRÈS PARADIS THÉMATIK POURQUOI ? Fever : En réalité il s’est passé plus de deux ans entre les deux disques, le premier est sorti à La Réunion en 2004. Ce délai correspond en fait à toute une démarche pour commencer à être distribué en France, et aussi pour s’entourer d’une équipe et d’un manager aptes à nous représenter en Métropole. Drean : Le fait d’avoir beaucoup joué en 2006 nous a donné un bel élan, on voulait profiter de cette énergie pour s’enfermer et composer Fractures.
COMMENT S’EST DÉROULÉE LA CONCEPTION DE CE NOUVEAU DISQUE ? Drean : On a commencé par enregistrer une maquette de travail avant de marquer une courte pause. Le soir de la reprise des enregistrements, je me suis fracturé le coude. A l’hosto, j’écoute Cok racé et le lien avec ma fracture se fait. Les autres titres que j’écoute résonnent alors tout à fait autrement, comme si avant je ne savais comment réunir les pièces d’un puzzle, et que, tout d’un coup, les titres prennent leur place avec évidence. Après une pause obligée de quelques jours donc, on a repris les séances. Le premier titre sur lequel j’ai posé une voix définitive est une berceuse pour mon fils. La séance est douloureuse, mes repères sont complètement changés, ma voix est fragile, la chanson me tenait particulièrement à cœur. Finalement la séance a donné le ton : l’album s’appellera Fractures, et le travail qui suivra prendra cette direction. Plus intime, plus profonde, s’appuyant sur des repères “mouvants”. On a pris parfois des titres, pour les démolir complètement. J’ai chanté sur des pistes musicales qui ont radicalement changé après cet incident. On avait besoin de “respecter” ce chamboulement, de se laisser guider par ce qui m’arrivait personnellement. Costa : Nous voulions rester “à la maison”. Zong est né à St Leu, dans les locaux de la Ravine notamment, et, étant toujours résidents du Séchoir, nous avons pu avoir accès à ces locaux pendant près de quatre mois pour y installer notre stu28
dio. On avait quasiment zéro matière en arrivant, il fallait jouer de la musique et sortir de cette grosse tournée française, partir à la rencontre de nouvelles choses, se surprendre nousmêmes. On voulait garder la fraîcheur des premiers instants de création, c’est pour ça que l’on enregistrait tout en se disant “on reviendra dessus, ce sont des maquettes”, et au final, toute cette matière à été utilisé pour l’album ; on avait peur de perdre la magie des premières sessions d’enregistrement. C’était vraiment mortel d’être enfermé dans ce lieu magique entouré de nature, immergé dans notre nouveau son. Au milieu de tout ce travail, la fracture de Drean est arrivée et il s’est passé quelque chose de nouveau dans la musique. C’est difficilement explicable, mais les textes se sont recentrés sur des choses plus personnelles, et forcément la musique en a pris un sacré coup aussi. Fever : Au-delà de la musique, un enregistrement est une aventure humaine, où chacun a l’occasion de s’exprimer pleinement et essaie de donner le meilleur de soi. C’est aussi un moment de vérité entre les personnes. Lors d’un enregistrement, nous sommes tous conscients que nous fabriquons quelque chose qui restera gravé, même si durant les séances nous avions coutume d’évacuer la question. Il faut souvent trancher entre les avis pour avancer, et cela met en relief les personnalités de chacun. Je pense qu’il est important de parler aussi des conditions d’enregistrement : La Ravine est un lieu un peu isolé à l’entrée de St Leu, coincé entre deux falaises parcourues par les cabris en liberté, et survolé par les
paille-en-queue aux cris inimitables. Parler aussi de l’extrême chaleur qu’il faisait derrière la console et dans la cabine où Drean faisait ses prises de voix (nous sommes à ce moment-là au plus chaud de l’été austral à La Réunion)… Et dire enfin que la vie “privée” de chacun a une influence certaine dans un moment particulier comme l’enregistrement d’un disque. Personnellement, j’ai appris au tout début des séances que j’allais être papa !
“Un enregistrement est une aventure humaine, où chacun a l’occasion de s’exprimer pleinement.”
ET SUR SCÈNE, Y AURA-T-IL D'AUTRES SURPRISES ? Costa : On ne sait pas encore… Jusqu'à présent, nous avons toujours composé de la musique pour le live et adapté par la suite cette musique quand nous décidions de faire un album. Cette fois, c'est l'inverse, et c'est la première fois que nous composons pour un album. Nous allons devoir revisiter tout le répertoire pour l'adapter à un live cohérent et dynamique. On ne connaît pas encore cette démarche, mais nous sommes très impatients de nous y atteler et d'offrir aux chansons une nouvelle direction. Drean : Des surprises, il y en aura ! On va laisser plus de place à l'improvisation et tordre les morceaux pour donner quelque chose qui puisse nous surprendre nous-mêmes ! Caroline Dall’o “Fractures” - Bi-(p)ole / Rue Stendhal www.zong.mu
Michel Pinault
L’entrevue intégrale sur www.longueurdondes.com
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Le Peuple de l’Herbe LA PAROLE AU PEUPLE !
I
l y a une décennie émergeaient quatre jeunes gens épris de groove et de chanvre, au nom sans équivoque. Des années de studio et de scène plus tard, après avoir absorbé et digéré dub, hip hop, jazz ou électro, le groupe semble être arrivé, comme le veut l’expression, “à maturité”. C’est en tous cas ce que laisse présager leur quatrième opus Radio blood money, peutêtre le plus riche et le plus abouti de leur discographie. Rencontre avec N’Zeng (trompette, claviers, machines) et Psychostick (batterie, machines) pour parler de leur nouveau bébé… VOS
A l’heure de souffler ses dix bougies, le quartet lyonnais revient avec un album surprenant, ancré dans son époque, où le son et le ton se font plus durs, loin de l’insouciance festive des débuts. Viva la Revolución !
album, dans le sens où on l’entendait dans les années 70. ON SENT UNE VOLONTÉ D’ENGAGEMENT DERRIÈRE LES TITRES ET LES TEXTES DE CET ALBUM… C’est l’époque, l’actualité, qui font ça. On est forcément influencés par notre contexte, même si ce n’est pas un processus conscient. On n’avait pas envie de refaire un album purement festif. On a aussi demandé à JC 001 de fournir un gros travail d’écriture dans cette optique.
VOS PRÉCÉDENTS ALBUMS SEMBLENT OPPOSÉS DANS LEUR MODE DE COMPOSITION, LE SECOND ÉTANT NÉ DU LIVE ET LE TROISIÈME, UN PUR ALBUM STUDIO. QU’EN EST-IL DE RADIO BLOOD MONEY ? C’est aussi un album conçu en studio. Depuis PH Test 2, on s’est rendu compte qu’il était plus facile et intéressant d’adapter des morceaux studios à la scène que le contraire. Cependant, la composition de cet album diffère de Cube. Il est de manière générale plus composé et arrangé, dans la mesure où l’on a moins travaillé à partir de samples, et plus avec des instruments et des musiciens.
PRÉCÉDENTS ALBUMS ÉTAIENT INTITULÉS EN
FONCTION DE LEUR ORDRE D’APPARITION
(PH TEST 2, CUBE). QUEL SENS ? PEUT-ON PARLER DE CONCEPT ALBUM ? Il s’agit d’abord d’une référence littéraire au Dr. Bloodmoney de Philip K. Dick. Cet univers de roman d’anticipation nous intéresse et inspire beaucoup. C’est fou comme le futur qu’on nous imaginait il y a un demi-siècle ressemble à notre présent, les voitures volantes en moins (rires) ! Le soin apporté à la cohérence esthétique et thématique en font un concept
Pierre Wetzel
Y A-T-IL DERRIÈRE CELUI-CI
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SERAIT-CE
LIÉ AU CHANGEMENT DE LINE-UP
(DÉPART DE DJ STANI, SPAGG) ? Effectivement. Le fait que Spagg soit bassiste nous a orientés dans cette direction. C’est surtout effectif sur scène où l’on utilise moins de programmations. On est ainsi plus libres de faire évoluer les morceaux au fil des concerts, de ne pas les reproduire à l’identique. C’est ce que l’on aime en tant que spectateurs ! Les gens ne viennent pas pour écouter l’album note pour note ! MEMBRE FONDATEUR, REMPLACÉ PAR
CELA AURAIT-IL CHANGÉ VOTRE FAÇON DE COMPOSER ? Pas vraiment. On compose toujours à quatre. Chacun apporte des idées, des séquences, étant donné que tout le monde maîtrise les machines. Ensuite, il n’y a pas vraiment de règles. On peut partir sur la base d’une boucle que quelqu’un joue, mais on n’a pas de schéma préétabli. LA COULEUR DE VOTRE MUSIQUE A ÉVOLUÉ DEPUIS CUBE, PEUT-ÊTRE VOTRE ALBUM LE PLUS CHAUD. COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS CE NOUVEL OPUS ? Oui, cet album est sûrement plus froid, ou métallique plutôt. L’apport à la composition de Spagg, qui écoute beaucoup d’indus ou de metal, n’y est pas étranger. Ce que l’on disait sur l’influence du contexte s’applique également à la musique. La différence vient aussi du fait que l’on s’est beaucoup appliqué sur les textures, le grain. Notre ingénieur du son, Kreez “Le Méchant” a fait un gros travail sur cet album. LE LIVE VOUS A FAIT DÉCOUVRIR EN FRANCE. QU’EN EST-IL DE L’EUROPE ? COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS QUE VOUS NE TOURNIEZ PAS EN ANGLETERRE ALORS QUE VOTRE MUSIQUE Y TROUVERAIT LARGEMENT SA PLACE ? C’est vrai que l’on a fait pas mal de concerts en Europe, notamment dans le cadre du Lyon Calling Tour en 2005, avec High Tone et Meï Teï Shô. Par contre, l’Angleterre est un terrain plus difficile d’accès. Et pourtant notre MC est londonien ! On y est peu distribué et c’est un milieu très clos qui se base beaucoup sur les charts. Pourtant, on se sent assez proche de groupes comme Herbaliser, ou du label Ninja Tune en général. De même que la scène jungle, plus vieille certes, a été une source d’inspiration pour nous. Mais je pense que le nom du groupe n’aide pas non plus. Il a fallu deux semaines aux membres d’Asian Dub Foundation, qui ont tourné avec nous, pour le prononcer à peu près correctement ! (rires) PARLEZ NOUS DE VOTRE LABEL, SUPADOPE ? En fait, on a construit en parallèle un studio d’enregistrement, où l’on a enregistré nos albums, mais qui sert aussi aux groupes du label. On a sorti ainsi deux compilations (Dope beats 1 & 2), mais on consacre trop de temps au Peuple pour pouvoir produire nos artistes, qui vont logiquement signer ailleurs. Pour l’instant, Supadope c’est surtout un réseau de musiciens que l’on apprécie, humainement comme musicalement. On a par exemple été séduits par le duo Paral-lel, leur façon de vivre leur musique, leur goût du risque. Ils nous accompagneront d’ailleurs sur la tournée. A PROPOS, À QUOI RESSEMBLE LE PEUPLE SUR SCÈNE EN 2007 ? A part l’apparition de la basse de Spagg sur quelques morceaux, la formule reste sensiblement la même. On est aussi heureux d’avoir avec nous Jean Gomis (l’ancien chanteur de Meï Teï Shô) sur toutes les dates. Pour l’occasion, on a travaillé avec lui une nouvelle version d’un titre de notre premier album, de quoi réjouir les fans de la première heure ! Rafael Aragon “Radio blood money” - (Supadope / Pias) www.lepeupledelherbe.net 31
Q
U’ON SE LE DISE, CETTE ENTITÉ
CHOIX EST VITE FAIT ! CA N’AIDE CERTES PAS À
IDÉES. FORCÉMENT RARE, CHAQUE SORTIE DISQUE
MUSICALE EST CERTAINEMENT LE
SA DIFFUSION PLUS MASSIVE, MAIS N’EST-CE
EST DONC PRÉCIEUSE, À L’INSTAR DE CE LIVE DISTRI-
BUÉ PAR IRFAN (LE LABEL DES OGRES). SAISI À MUSICALEMENT, LE CLAN A RAPIDEMENT QUITTÉ BORDEAUX, CE CONCERT SERVAIT DE BAROUD PLUS D’UNE DÉCENNIE, LES RAGEOUS UN COURANT CHANSON-ROCK POUR S’OUVRIR D’HONNEUR AVANT UNE TOURNÉE DANS LES PAYS DE GRATOONS NE SONT PAS (RE)CONNUS À LEUR AUX INFLUENCES TRADITIONNELLES (EST, L’EST. VU LA RICHESSE ET L’ÉNERGIE DÉPLOYÉES, ON SE DIT QUE DÉFINITIVEMENT, LES RAGEOUS JUSTE VALEUR. CITOYEN DU MONDE CONCERNÉ, EUROPE DU NORD, BASSIN MÉDITERRANÉEN). LE GROUPE S’EMPLOIE À FAIRE CONVERGER SES ENGAGÉS DANS D’AUTRES FORMATIONS N’ONT TOUJOURS PAS LA RECONNAISSANCE QU’ILS AMBITIONS MUSICALES, HUMAINES ET POLI(ASPO, CIE MOHEIN), SES MEMBRES ENVISA- MÉRITENT. LA FAUTE À PAS DE CHANCE ? IL Y A DE TIQUES, VIA UN PARCOURS SANS CONCESSION. GENT LE GROUPE COMME UN LABORATOIRE EXPÉ- ÇA, TANT LE GROUPE CULTIVE LA POISSE. LA PREURIMENTAL, NE SE RETROUVANT QUE POUR TOUR- VE AVEC CE CARNET DE BORD QU’ILS ONT EUXENTRE UNE PRÉSENCE SUR UN GROS FESTIVAL NER OU LORSQUE ÉMERGENT DE NOUVELLES MÊMES TENU POUR LONGUEUR D’ONDES… ET UNE MANIFESTATION ANTI-NUCLÉAIRE, LE SECRET LE MIEUX GARDÉ DE LA
PAS EN PARTIE POUR CELA QU’ON LES AIME ?
CAPITALE GIRONDINE. EN ACTIVITÉ DEPUIS
Bruno Aubin
ve, ier album li m re p r u le ù paraît rnier A l’heure o nt sur le de ie v re ) s re iv e… Marco (cu n du group e é p ro u e périple
S n O o T a R G s U O rage
JOUR 5 : BUDAPEST, GÖDÖR CLUB Après deux jours off passés sur la route, premier concert en Hongrie. Les organisateurs n’ayant jamais reçu les affiches envoyées, nous jouons devant cinquante personnes dans une salle qui peut en contenir un bon millier, et ce, malgré la présence en première partie des Psycho Mutants, groupe hongrois où officie Jehan (notre tourneur local) et un chanteur au timbre exceptionnellement grave (genre Johnny Cash, une octave plus bas !).
H
ello, amis lecteurs ! J’ai été désigné pour écrire cette chronique de la virée de Rageous Gratoons en Europe Centrale. Et dure est la tâche, tant j’ai vécu cette tournée dans une sorte de brouillard, probablement dû à une consommation excessive de palinka et autre slivovice (j’ai le vice dans la peau). Mais commençons par le commencement…
JOUR 1 : 17 MARS, CONCERT AU DIVAN DU MONDE (PARIS) Vous allez me dire : “Paris ne se trouve pas en Europe centrale”. Vous avez raison, mais je vous objecterai qu’il s’agissait d’une soirée “Balkan music” où nous avons fait la connaissance de l’éminemment sympathique DJ Click. Alors si ça ce n’est pas un avant-goût d’Europe Centrale ! Hein ? Non ? Bon…
JOUR 6 : CAMPUS DE MISKOLC Nous y retrouvons Raymond, directeur de l’Alliance Française et grand joueur de boule lyonnaise devant l’éternel. Bien que l’A.F. ait tenté de pallier l’absence d’affiches par l’édition de flyers, notre concert dans un club du campus se déroule devant un public restreint, qui nous gratifie de quelques pas de danse sur les morceaux en sept temps. Ca compense un peu…
JOUR 2 : GENÈVE, LES ECURIES Par goût de l’aventure et de la loose, nous tombons en rade non loin de Bourg-en-Bresse et sommes dépannés à temps JOUR 8 : BELGRADE pour assurer le concert, donné dans un bar associatif couplé à Au lendemain du concert à Debrecen, dans un fort kitsch petit une habitation genre squat, particulièrement bien autogéré. théâtre redoré à neuf, magnifique mais presque vide, je suis 32
envoyé en éclaireur dans le bureau de la douane serbe. M’y accueille un sosie de Claire Nadaud, à qui, devant son uniforme et son air austère, je me retiens de dire “Bonjour, madame Foldingue !”. Après quatre heures d’échange de coups de fils entre la douane et l’organisation, notre invitation par l’ambassade de France n’étant hélas pas un sésame suffisant, nous passons enfin et roulons jusqu’à Belgrade, plus précisément le Sava Centre. Ce pharaonique édifice de verre et béton construit sous Tito s’avère plein de gouttières (il a plu toute la journée), mais aussi plein de monde (quand même !). Programmés en clôture d’une nuit de la francophonie, nous attaquons notre set et voyons la salle se vider au fur et à mesure… Nous terminons démoralisés devant une poignée d’irréductibles qui nous apprennent que si les gens sont partis, c’est que nous avons commencé à jouer à l’heure où s’arrêtent les transports en commun… Aaargh !!! Loose, quand tu nous tiens…
JOUR 9 : RETOUR EN HONGRIE Concert à Pécs, en clôture d’un festival de théâtre francophone rassemblant des lycéens de toute l’Europe. Là au moins, on est sûr d’avoir du monde (on y a déjà joué en 2005). La salle restant pleine jusqu’au bout de la soirée, nous décidons de faire la “chouille” pour célébrer cet heureux événement. Le lendemain, peu d’entre nous seront frais pour se rendre au marché de Pécs qui vaut pourtant le détour… JOUR 11 : RÉPUBLIQUE TCHÈQUE A Plzen, au Pod Lampou, club bien rock’n’roll, nous jouons dans le cadre du festival de films documentaires Jeden Svet (un monde). Ici, notre ami tourneur Mourad est pourvu en affiches et les salles sont pleines. Nos six concerts tchèques se dérouleront dans de fort bonnes circonstances (entre autre le Febiofest, gros festival de ciné à Prague) et seront riches en rencontres (les groupes Ahmed Ma Hlad, Basta Fidel, Rasovjan, l’inoubliable Mme Khroutchev qui mériterait une chronique à elle seule). Mais voilà, on se complait à chouiner sur nos galères, résultat : y’a plus de place pour parler des bons moments. C’est tout nous ça ! “In concierto live” - Irfan (le label) www.rageous-gratoons.com 33
Pierre Wetzel
L A KW
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Fuyant, comme à son habitude, les codes et les genres, Kwal, sur son troisième album, emprunte de nouvelles voies, au risque de désorienter public et professionnels. Un mal pour un pis, car par sa touchante sincérité, il peut, à l’instar des Grand Corps Malade et Abd Al Malik, séduire de nouvelles oreilles et combler le fossé entre abonnés de la chanson, de la world et du hip hop.
L’introspection en liberté
A
suis passé par des procédés un peu extrêmes où j’utilisais des trucs hardcore, plus sombres. La seule constance, c’est l’importance, dans les textes, accordée au fond, aux mots et aux messages.
lbum de la maturité ? Pour une fois, l’expression n’a rien de cliché ni d’usurpé, tant Kwal semble en phase avec sa voie intérieure. Le titre générique, Là où j’habite, est en ce sens assez révélateur. Après la fiction et le rap hardcore de Règlement de contes, le hip hop mondialiste de Mogo ya où l’on entendait jusqu’à douze langues et 28 musiciens de différentes nationalités, Kwal paraît en finir avec les artifices, pour nous révéler l’homme Vincent Loiseau. Placé en avant, le phrasé se rapproche de son parlé naturel. Le flow s’acoquine avec le slam ou la chanson, et se nimbe le plus souvent d’arrangements de cordes. Bien sûr, quelques touches africaines et rythmes orientaux rappellent son attachement pour le Mali et la Palestine (il y était encore cet été), mais Là où j’habite se veut plus franco-français que son prédécesseur… Moins exotique, plus personnel et donc plus simple à saisir et à s’accaparer ? Rien n’est moins sûr. Car en passant du rire aux larmes, de la fantaisie à la gravité sur le mode de la chronique urbaine, il n’est pas dit que tous les titres résonnent chez l’auditeur avec la même intensité. Nul doute en revanche que cet éclectisme fait de Kwal, un artiste en liberté, et de Vincent, un garçon décidemment attachant et plus complexe qu’il n’y paraît. Rencontre… TU
PROPOSES DES CHOSES COM-
PLÈTEMENT NOUVELLES À CHAQUE ALBUM. EST-CE QUE CE PROCÉDÉ TE PERMET D’AVANCER DAVANTAGE EN
QUELLE ÉTAIT TON IDÉE À L’ORIGINE DE CE NOUVEAU DISQUE ? J’avais en tête quelque chose de plus doux, de plus chanté, de moins hip hop. Aller chercher plus loin dans les harmonies. Du folk par moments, des cordes à d’autres. Des choses vraiment plus posées. M’écarter du côté flow de l’univers hip hop… TU N’AS
JAMAIS BAIGNÉ LÀ-DEDANS…
C’ÉTAIT UN PEU PAR ACCIDENT, ? Tout à fait. Ce que j’ai toujours aimé dans le hip hop, et pas forcément le hip hop français, c’est le côté message, contestation, revendication. Là-dessus, je suis toujours à fond. Après, l’univers, les réseaux qu’il y a autour, ce ne sont pas les miens. D’ailleurs, je ne sais même pas si j’ai un réseau… En étant au carrefour de plein de musiques, je me sens libre plus que jamais de ne pas avoir envie de qualifier ma production, parce que moi-même, je ne sais pas ce que c’est… J’espère seulement que c’est cohérent. FINALEMENT
“La seule constance, c’est l’importance dans les textes accordée au fond, aux mots et aux messages.”
LA
RÉALISATION DU DISQUE S’EST
FAITE PAR ÉTAPES. COMMENT AS-TU
PROCÉDÉ ? L’idée lancée au départ, était de faire un double album dans deux directions différentes. Avec Antoine (DJ) et Nico (son), on était partis sur un album complètement électro, avec des morceaux “banane”, un peu groove, mais qui tabassent… Et des morceaux complètement acoustiques. Au final, on n’a pas fait de double album et on a abandonné le côté groove, simplement parce que les idées venaient moins vite et que les morceaux étaient moins bien. Alors que pour les morceaux acoustiques, les idées venaient tout de suite. On s’est alors laissé aller vers quelque chose de très parlé, de très conté. Ca s’est fait en plusieurs étapes d’enregistrement, de ré-enregistrement, jusqu’à trouver l’intention juste. Enfin, j’espère qu’elle est juste !
? Je ne me fixe pas comme objectif de changer, j’évolue naturellement. Après Mogo ya, on a eu l’occasion de jouer en acoustique avec des cordes. J’ai pu poser des morceaux sans rythme et ça a été une révolution dans ma manière de concevoir le flow, de le faire vivre. Subitement, je pouvais parler des textes, les conter plus que les rapper. Ca me correspondait davantage. A présent, j’ai l’impression de commencer à trouver ma patte ; le style dans lequel je m’installe n’est plus vraiment du hip-hop, mais un mélange musical…
TANT QUE MUSICIEN
AS-TU L’IMPRESSION QUE TU ÉTAIS EN QUÊTE DE QUELQUE CHOSE ? Aujourd’hui, la voix que j’utilise sur scène est la même que quand je parle. J’ai mis dix ans avant de pouvoir l’entendre TU AS INVITÉ DES GENS À CHANTER ET À JOUER AVEC TOI ? sans la truquer, sans mettre d’effets dessus. Maintenant ça Quelques cordes et des percus, mais pas trop… Il y a Matthieu me paraît naturel, mais j’ai mis du temps avant de trouver… Je Bouchet qui est présent sur un morceau ; il est de Nantes et 35
Pierre Wetzel
fait de la chanson française vraiment super drôle. Mais l’idée était de se recentrer. Autant Mogo ya partait un peu dans tous les sens, autant celui-là est un album intime, au niveau de la voix et de la cohérence des textes. Il s’appelle Là où j’habite, car ce ne sont que des histoires qui se passent en bas de chez moi. Et si souvent elles ont un fond politique ou social, ça reste recentré sur quelque chose de plus personnel.
permanence. Et puis surtout, j’ai eu l’occasion de travailler avec plein de gens différents. J’ai l’impression d’apprendre beaucoup de choses et que mes rêves se réalisent un à un. C’est pas mal ça ! HUMAINEMENT, AUSSI ? Oui, parce que je bosse avec des gens qui me font confiance, qui me suivent dans les voies que je prends. Il nous est arrivé plein de belles choses, dont la rencontre avec Guerebou Kounkan au Mali et il nous en arrive encore… Tout ça parce que le projet est ouvert. Je me sens un peu un ovni. Je ne suis pas fixé dans un groupe ou dans un style et je n’ai plus envie de définir ma musique. J’ai envie de prendre tout ce qui me vient et de réunir ce qui me semble cohérent. Sans mettre de frontières, ni de barrières sur les gens avec qui je bosse.
EST-CE QUE TU TE REMETS BEAUCOUP EN QUESTION DANS TON TRAVAIL ? J’ai douté à plein d’étapes. Enfin, en permanence, je suis comme ça… Mais j’ai changé de méthode. Au lieu de m’acharner sur des titres qui ne le faisaient pas, j’ai laissé tomber la moitié des morceaux pour partir sur ceux qui fonctionnaient le mieux. J’ai aussi davantage consulté les gens autour de moi, jusqu’au moment où on a choisi de s’isoler. A partir de là, je n’ai plus eu de doute et je reste convaincu que l’on a pris la bonne direction. L’ALBUM EST TERMINÉ DEPUIS MAI DERNIER, QUEL EST TON SENTIMENT AUJOURD’HUI ? Je ne peux plus l’écouter, mais j’en suis content. J’ai hâte AVEC LE RECUL, COMMENT VOIS-TU TES DEUX PREMIERS ALBUMS ? Je ne les écoute jamais. Je trouve ça jeune, maladroit, pas d’avoir des retours. J’appréhende un peu que les gens qui abouti. De bonnes idées par moment, un ou deux textes qui connaissaient avant disent : “Ah… t’es parti dans cette direcme touchent, mais sinon… Après quatre ans, j’arrive à réécou- tion-là ?”. En même temps, je n’ai jamais été aussi sincère : ter un peu le premier… Mais c’est vraiment une page qui se dans ma voix et dans ma musique. Quand j’entends les tourne. anciens morceaux, je me dis que ce n’est pas complètement moi. Là, j’ai l’impression que c’est mon premier album. Je ne DU COUP, SUR SCÈNE, TU NE VAS PAS LES REJOUER ? triche pas. J’y dis les choses de manière assez brute, avec ma Je pense faire deux morceaux du premier et deux du deuxième, voix. Et puis il y a des morceaux drôles, ce qui n’était pas le mais réadaptés avec des versions cordes. cas avant, et pourtant ça fait aussi partie de moi ! Des morceaux déconnes, sociaux, plus intimes… Il y a trois facettes de QUE T’A APPORTÉ LE PROJET KWAL JUSQU’ICI EN TANT QUE MUSICIEN ? ma personnalité. Je suis content d’avoir fait cet album sous Avant ce projet, je faisais partie d’un groupe de rock, cette forme-là. Après, on verra bien… Au moins, je suis sincère Carc(h)arias, et j’ai l’impression que Kwal m’a apporté 100 mil- et en accord avec moi-même. liards de fois plus. Pouvoir explorer la voie du théâtre dans le Béatrice Corceiro & Bruno Aubin premier album, la voie des musiques du monde dans le “Là où j’habite” (Créer C’est Résister / Naïve) deuxième, un flow différent dans le troisième… Je m’amuse en www.kwal.fr - www.myspace.com/kwalblog
A peine l’album terminé, il était temps de penser à son adaptation scénique… Pour ce faire, l’entité triangulaire Kwal, à savoir Vincent (chant), Antoine (DJ) et Nico (son), ont investi le Chabada (Angers) en mai dernier, pour une résidence en compagnie des techniciens lumières et des musiciens additionnels.
L
’enjeu est de taille, puisque par son approche et ses mises en scène, Kwal a pris l’habitude de surprendre le public en intégrant danseurs contemporains, musiciens indiens ou en livrant des prestations unplugged à l’invitation du festival Les Escales de St Nazaire. Cette création qui réunissait une quinzaine de musiciens a eu son importance. Elle a conforté l’envie de cordes et d’un flow plus posé, mais a également conduit à la rencontre de Anne (violon) et de Daniel (violoncelle / guitare). Le duo, qui officie par ailleurs sous le nom de scène Anda, est ici rejoint par Fred, altiste fraîchement médaillé du conservatoire d’Angers. Quant à Anne-Laure, avec ses tablas, calebasse, tambour du Rajasthan et autre derbouka, elle est le renfort rythmique et percussif qui humanise les BPM. L’équipe a une quinzaine de jours pour adapter onze titres et trouver les éclairages qui leur conviennent, avant que ne soit offerte une représentation test, en public. Les tissus, miroirs et lampes de chevet qui habillent la scène, traduisent les sentiments de chaleur et d’intimisme recherchés. A gauche, la section cordes joue devant un écran blanc. A droite, Nico fait tourner les platines à l’ombre d’un gramophone. A l’arrière centre, Anne-Laure est assise en tailleur sur une estrade, percussions à portée de mains. En sa qualité de chanteur, Vincent / Kwal occupe le devant de la scène. Le set débute sur Bienvenue, telle une invitation en douceur adressée au public. Sur un mode musical similaire, sont enchaînés France et Là où j’habite. A l’évocation du métissage, des carrés de lumières strient le sol, comme autant de fenêtres d’immeubles ouvertes sur le monde. Pour Chérie reviens, le ton se fait fantaisiste. Vincent joue les faux-culs persuasifs, accompagné de Daniel à la guitare et d’une bande-son. Retour de la troupe au complet pour Hassan, plaidoyer en faveur de l’autonomie de la Palestine. Cette incartade dans le rythme percussif et les effluves orientales clôt une première partie allant crescendo, avant un passage clairement plus chansonnier. La lumière se tamise et les lampes de chevet s’intensifient pour illustrer l’atmosphère de Chez Lucien, décrite par Vincent juché sur un tabouret de bar. Au détour d’un couplet, l’espace se transforme en piste de danse, boule à facette comprise.
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L’avant-tour de
KWAL Noir. Un chœur christique résonne. Au plus près du public, plongé dans une lumière blanche, Vincent slamme Des fleurs, texte dédié à sa mère disparue. Ecrit deux ans plus tôt, c’est la première fois qu’il ose l’interpréter. En découvrant le nouvel album, on sentait bien que l’individu avait gagné un combat sur lui-même. A l’écoute de ce titre, le doute n’est plus permis. Kwal a définitivement fendu l’armure pour laisser apparaître Vincent tel qu’en lui-même. Aussi enchaîne-t-il sur Un bout de route qui parle d’amour et de mariage. Le regard s’allume, émerveillé par cette idée d’éclairage : dos à dos, les ombres de Fred et de Anne se découpent sur l’écran, en forme de cœur…
Après l’émotion et le romantisme, place au rire ! Pour Les pénibles, l’écran est là aussi utilisé comme accessoire de mise en scène. Après 50 minutes d’avant tour, le set s’achève sur le diptyque Tapage nocturne / BKO où, tambours battants, le public est mis à contribution : “Plus vous faites monter la pression, plus on accélère le son !”. Le spectateur fut accueilli en douceur, le voilà repartant en transe… A ses onze titres s’ajouteront des morceaux plus anciens et / ou d’obédiences africaines. Une autre résidence est programmée courant septembre avant que ne débute la tournée.
Photos : Pierre Wetzel
Bruno Aubin “Là où j’habite” - Créer C’est Résister / Naïve www.kwal.fr - www.myspace.com/kwalblog
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UN K COMME KEBEC
Christine
ST-PIERRE PROFESSION : DOUBLE MINISTRE ! Au Québec, elle coiffe depuis avril dernier la double casquette de Ministre de la Culture et des Communications, et Ministre de la Condition féminine. Rencontre avec une battante qui n’a pas peur de retrousser ses manches !
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a cinquantaine épanouie, la pétillante Christine StPierre, native de Saint-Roch-des-Aulnaies, a fait des études en démographie, en économie et droit, pour finalement rentrer à… Radio Canada en 1976 ! Elle devient “courriériste parlementaire” à Québec de 1992 à 1997, puis à Ottawa jusqu’en 2001, avant d’être correspondante à Washington. Parallèlement, elle s’est toujours engagée au niveau communautaire et politique (déléguée syndicale des communications de Radio Can, députée de la circonscription de l’Acadie, dans la région de Montréal). “Le Québec compte 125 députés, qui représentent chacun une circonscription. L’Acadie compte 43 000 électeurs multiethniques, 50 nationalités, qui appartiennent plutôt à la classe moyenne.” Elle y est élue depuis mars dernier et par la suite a été contactée pour un poste ministériel : “Jean Charest du Parti Libéral du Québec m’a offert de me joindre à son équipe : une porte s’ouvrait. Il ne me restait que trois ans à faire à Radio Canada, mais comme je trouvais M. Charest intéressant, engagé autant dans la parité que sur le plan des idées, j’ai accepté avec fierté.” Sourire en coin, elle précise : “Avant, j’étais observatrice du monde politique (après les chiens écrasés dans mon premier emploi de nuit), et j’ai couvert beaucoup de campagnes électorales, alors me retrouver dans l’action m’a intéressée.” “Au départ c’est un engagement général que l’on accepte. J’ai su seulement le lundi soir quel ministère m’était attribué pour le mercredi matin !” Ce sera donc un doublé : Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. “Avant, la Condition féminine était dans le ministère de la Famille. A présent, j’ai cette responsabilité, mais c’est aussi une transversale dans tous les ministères (au niveau féminin).” Elle en est très fière et essaie toujours de cumuler les deux dossiers quand elle se déplace dans une région du Québec : “Mon mandat est de faire des convergences entre la culture et la condition féminine.” Côté milieu musical, pas de problème quant à sa nomination : “J’ai été plutôt bien accueillie vu que j’ai travaillé à Radio
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Canada (trente années de rêves réalisés en tant que reporter), et que j’ai circulé dans beaucoup de sphères différentes à Montréal puis à Ottawa…” En ce qui concerne les musiques émergentes, elle reconnaît un engouement certain et beaucoup de jeunes impliqués : “C’est pourquoi je suis pour les aides, et pas minimes. Pour l’aide à la tournée par exemple Ce qu’elle écoute ? “Dubois et 200 000 $ ont été dégagés en Ferlant bien sûr, c’est ma génédehors de Montréal et de ration, mais je peux passer de Québec. Mais je pense qu’il faut “La dame aux camélias” à aussi accorder plus d’intérêt à Karkwa, DobaCaracol ou Rufus la diversité culturelle, et c’est Wainwright ! Et j’ai adoré le dans mon mandat. Je pense aux gagnant du Festival en Chanson métiers d’art notamment, où de Petite Vallée de cette année : les bourses n’avaient pas augFélix Soude.” Pas encore rodée menté, ou aux médias communautaires (33 % pour eux), qui aux allocutions préparées, elle s’est d’ailleurs retrouvée sur sont une façon de contrer la presse qui abandonne de plus en scène lors de ce festival en Gaspésie (voir le compte-rendu sur plus le local.” notre site : longueurdondes.com/articles/3431.htm), et elle reconnaît qu’elle était “morte de trac avant de monter sur Déterminée dans ses convictions, elle raconte : “Lors de ma scène. Parler devant tous ces artistes de talents m’angoispremière rencontre avec la ministre des Finances, j’ai notam- sait.” Faut dire qu’il y avait dans la salle Daniel Boucher, ment demandé de l’aide pour les tournées internationales. J’ai Michel Rivard, Sylvie Paquette, Edgar Bori, Pierre Flynn, obtenu 1,2 million de $, dont 40% pour les tournées en Louise Forestier, Marie-Claire Séguin, Daniel Lavoie, Luce France, car c’est très important pour moi. En tout, j’avais une Dufault et Michel Rivard, etc. Mais sa nature sincère et chaaugmentation de budget de 25 millions de $ et j’ai pu décro- leureuse a vite repris le dessus, et c’est avec des mots simples cher 8 millions de plus. J’ai obtenu de l’aide destinée aux qu’elle a pu exprimer son admiration et faire passer un frisson artistes et je veux également plus de crédits d’impôts pour les d’émotion. Un détail qui ne trompe pas ! émissions TV pour enfants ; ça donne un coup de pouce à la Serge Beyer relève et à l’identité québécoise.”
“Je peux passer de La dame aux camélias à Karkwa, DobaCaracol ou Rufus Wainwright !”
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Jonathan Tabib
UN K COMME KEBEC
BELGITUDE
ÉTÉ 67 Ils débarquent de Liège avec leur sens aigu de la mélodie et un premier album pop-rock intelligemment nourri de références aux groupes des sixties, qu’ils ont choisi de chanter en français.
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ls n’ont pas plus de 25 ans en moyenne et peuvent déjà se targuer d’avoir dix ans de vie de groupe derrière eux. Sur scène, ces six amis d’enfance envoient leurs titres savamment rétro alternant rock qui dégage et ballades pop espiègles. Leur album est déjà disque d’or en Belgique…
COMMENT UNE BANDE D’ADOS DES ANNÉES 90 DEVIENT ACCRO AUX SIXTIES ? Pour la plupart d’entre nous, en tombant dans la discothèque des parents ou sur des émissions de télé. Parmi les albums de famille, il y avait le Best of des Beatles… On a écouté ces chansons des milliers de fois ! L’ETÉ 67, C’EST VOTRE MYTHE FONDATEUR ? Exactement ! Un nombre incroyable d’albums essentiels sont sortis cette année-là : les Doors, les Who, les Beatles… On cultive une certaine nostalgie pour cette période que l’on idéalise complètement, on en est conscient. On s’est créé ce mythe au lycée. Nous étions les seuls gars à aimer ce son, alors on se retrouvait ensemble pour écouter nos disques. CETTE PASSION INFLUENCE-T-ELLE VOTRE FAÇON DE COMPOSER ? Oui. Notre défi est justement de ne pas tomber dans le copiercoller facile. Ce que l’on a retenu des groupes des années 60, c’est leur grande liberté. Ils ne se posaient aucune limite. On essaie de retrouver le même esprit. C’est pour cela que l’on a choisi de chanter en français, que l’on met de la clarinette dans un format rock si le morceau le demande… Finalement, la seule règle que l’on s’impose est : c’est la chanson qui décide. 13 ANS. A QUEL : ÇA Y EST, ON EST UN GROUPE ? On ne se l’est jamais vraiment dit. On a appris à jouer ensemble comme ça, sans rien calculer. Le reste s’est mis en place progressivement, sur une période assez longue. Nous sommes passés des cafés aux salles puis aux festivals. On a aussi gagné le tremplin des Francos de Spa… VOUS
AVEZ COMMENCÉ À JOUER ENSEMBLE TÔT, À
MOMENT VOUS ÊTES-VOUS DIT
POURQUOI AVEZ-VOUS CHOISI DE COPRODUIRE L’ALBUM ? C’était essentiel pour garder notre indépendance. On a utilisé l’argent récolté en concert pour le financer. Ca nous a servis, car après le quatre titres, la maison de disques belge mettait la pression pour que l’album sorte très vite, mais on a refusé. On voulait prendre le temps d’être vraiment fiers de ce premier disque, ne rien bâcler. Du coup, la sortie a été repoussée deux fois : ça n’aurait pas été possible si nous n’avions pas été coproducteurs. 42
Robert Gil
BELGITUDE
VOUS
SEMBLEZ LARGEMENT VOUS INSPIRER DE VOS EXPÉRIENCES
ADOLESCENTES…
Complètement. Cet album marque une étape de notre vie. Les premiers titres, comme Marcher droit, ont été écrits il y a presque dix ans. On a composé près de quarante chansons depuis. On les a toutes enregistrées puis triées pour garder le meilleur. Certains titres datent un peu, mais on en est fiers. Sur le deuxième disque, il y aura évidement moins de rébellions adolescentes… QUARTIER DE LA GARE, L’UN DE VOS TITRES FORTS, DÉCRIT CETTE ZONE GRISE ? Nous l’avons imaginé dans le bus, en passant tous les jours devant la gare. C’est un quartier où, à Paris comme à Marseille, tout le monde passe avec un peu de peur. Voyageurs et gens qui vivent sous les cartons s’y côtoient. Mais paradoxalement, c’est aussi un titre très marqué par notre ville, Liège. Elle ne laisse personne indifférent : grise et déprimante, mais bouillonnante et attachante…
QUE L’ON RETROUVE DANS TOUTES LES VILLES. COMMENT EST-IL NÉ
COMMENT VOUS IMAGINEZ-VOUS DANS CINQ ANS ? On ne s’imagine pas ! On vit au jour le jour. Notre tournée nous a permis d’aller dans des endroits où l’on ne serait jamais allé, de rencontrer des gens incroyables. Profiter de cette belle expérience et rire entre nous : que demander de plus ? Sûrement pas de devenir riche. Dieu seul sait comment tout ça finira. Aena Léo “Eté 67” - Wagram - www.ete67.be 43
PLANETE
DE KIFT Les Hollandais voyageurs
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D.R.
ne fanfare éthyliquement rock qui éructe des histoires invraisemblables en hollandais… Voilà l’impression stupéfiante qu’avait laissé De Kift après ses concerts en France. Ca et le sentiment d’avoir participé à une fête incroyable. Le mélange parfaitement explosif entre The Ex (pour les rythmes improbables), Arno (pour la voix de cendrier) et Brel (pour l’ambiance lyrique). Les Hollandais violents reviennent aujourd’hui avec une version française de 7, leur nouvel album. C’est malin car on comprend bien mieux les propos voyageurs, poétiques, absurdes et lucides, déclamés d’une voix puissante et assurée : “Nous voulons être compris du public francophone, explique le chanteur Ferry Heine. Quand nous jouons en Russie, nous essayons de chanter également quelques morceaux en russe.” Le cœur de De Kift est là : être compris est essentiel. Déjà à leurs débuts, là où leurs compatriotes The
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Ex ou les Nits avaient choisi l’anglais, nos trublions chantaient leurs fables en flamand ! Et quand le groupe joue en Belgique, il passe du hollandais au français sans se soucier des différends culturels. Le but ultime de cette fanfare est de diffuser sa poésie partout. Puisant son inspiration chez les poètes russes, Venedikt Jerofejef en tête, Ferry et sa bande se sont acharnés à traduire ces poèmes tourmentés dans la langue de Jacques Toubon. Avant d’en arriver là, ces anciens punks ont composé des albums violents, d’autres plus proches d’opéras à la fibre sociale…
PLANETE Aujourd’hui, le groupe a digéré tout ça et ses morceaux parlent d’amours, d’humour, de tragédies et de voyages dans un grand capharnaüm mélodique. La musique dessine des images et des paysages lointains dans un décor en cinémascope. Ferry a voulu retranscrire précisément les routes parcourues par le groupe tout en trouvant “l’âme des poésies” adaptées. C’est pas du Ronsard ou ni Du Bellay, mais c’est fort, à l’image d’un très beau morceau intitulé La mer, beaucoup plus mortifère que celle de papy Trénet. Les mots frap-
à les écouter : “Je ne veux pas rendre l’alcool sexy, se défend Ferry. L’alcool m’intéresse quand il crée une réalité absurde. Pour beaucoup, c’est un moyen de rendre le monde plus accessible et moins dur. C’est aussi une manière de rendre une fête plus sauvage et de modifier les comportements amoureux. C’est vrai que nos personnages boivent beaucoup, ça les rend plus intéressants…” Ces ambiances sont renforcées par une orientation instrumentale lyrique où conversent cuivres et guitares. 7 sera l’occasion d’assister à un concert de
“Nos personnages boivent beaucoup…” pent avec la même intensité rageuse que les poings du Tyler Durden de Fight Club. L’alcool est aussi un élément important dans la musique du groupe. On a même parfois l’impression d’être sérieusement éméché juste
cette fanfare cuivrée. De Kift joue avec le public et communique son sens de la fête sans égal. Ces huit musiciens aux looks aussi divers qu’improbables vous entraînent dans une cavalcade décoiffante qui laisse hagard et dans un état d’excitation avancé. Il n’est pas rare de voir les gens sortir de leurs shows en titubant, ruisselants de sueur, ravagés par la puissance de leur musique. Mais sans gueule de bois le lendemain ! Eric Nahon “7” - V2 www.dekift.nl
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PLANETE
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THE BLACKSEEDS “Into the dojo” (Sonar Kollectiv / Nocturne) Sur le label Loop Records, ce groupe de reggae néozélandais avait déjà étonné en 2001 avec un premier opus intitulé Keep on pushing. Le deuxième, en 2004, On The Sun, avait confirmé l’impression que ce bout de terre australe était fertile. Le dernier sorti en 2006 est resté cinq semaines numéro un chez les Kiwis. Ce 12 titres qui vient enfin d’arriver en France est une perle de reggae roots, comme ceux de Fat Freddy’s Drop d’ailleurs… Joué sur Radio Nova, partenaire de ce disque, il devrait mettre les cœurs en joie grâce à une énergie sincère et positive qui se dégage de leur musique jamais redondante. L’écriture est un travail collectif du groupe, dont Daniel Weetman (percussions), Barnaby Weir (chant et guitare) sont les âmes les plus charismatiques. www.theblackseeds.com Fred Huiban
THE DRAGONS “BFI” (Ninja Tune / Pias) Merci aux DJ et passionnés qui déterrent des trésors oubliés. Parce que la musique n’est pas un produit de consommation jetable, chaque disque digne de ce nom participe à un vaste continuum. Tous les artistes sont redevables à leurs prédécesseurs et le droit d’auteur doit aussi se regarder sous cet angle. Après cette introduction “éthique”, l’exemple : DJ Food l’esthète hip hop designer de Ninja Tune a déniché le pressage privé d’une BO d’un groupe US baptisé The Dragons de la fin 60’s. Sous le charme, il sollicité un membre, Dennis Dragon, pour utiliser un morceau dans un mix. Lequel a accepté et lui a offert des bandes inédites. La suite, vous l’avez devinée, BFI sort chez Ninja Tune et déploie enfin ses charmes psychédéliques sucrés. Cette soul jazzy naïve, mais précurseuse convoque Love, The Doors ou encore The Association sous le soleil de Malibu, foyer originel des Dragons. Vincent Michaud
FUNCTION “The secr et miracle fountain” (Locust Music) Véritable tour du monde à lui tout seul, cet album est l’œuvre d’une pérégrination autour de plus de dix pays, avec 16 titres enregistrés sur une période longue (quatre ans !). Instigateur de ce voyage musical au sens propre, l’Australien Matt Nicholson prend le parti de déambuler, de découvrir, de partager, d’apprendre. De ses rencontres sont nées des inspirations et des collaborations, pour aboutir à des dialogues impressionistes chargés d’émotions. Concrètement, “The secret miracle fountain” prend forme dans un assemblage de mélodies rock minimalistes, planantes et mystiques, qui font surtout penser à de longues plaintes contemplatives emplies d’un souffle libérateur. www.functionensemble.com Béatrice Corceiro
JUNE MADRONA “A long and ugly r o a d ” (Waterhouse Rec. / Musicast) Ce disque repose sur la complicité des voix de Ross et Sarah qui s’échinent à conter en musique quelques morceaux de vie. Il est question d’amourettes à l’ombre d’un arbre, d’escapades fantasmées, de fins de soirées arrosées où l’on se retrouve sur le toit de la maison… On apprécie le son du bois de la guitare avec le souffle qui sort de la flûte. C’est le charme du naturel, les deux protagonistes ayant choisi d’aller droit au but dans le plus simple appareil. Il y a donc beaucoup de candeur, de la douceur, mais aussi les marques d’un bel entrain et d’une bonne humeur épatante. Mélodies fluettes et rythmées forment ainsi un joli recueil folk réalisé par ces musiciens originaires d’Olympie aux USA. myspace.com/junemadrona Béatrice Corceiro
SIXTOO “Jackals and vipers in the envy of man” (Ninja Tune / Pias) Ce DJ et MC canadien est connu pour être l’une des fines lames du hip-hop “abstrait”. Ce terme prend tout son sens à l’écoute de cet album. Une musique envoûtante à l’esthétique désincarnée. Ce disque entièrement instrumental, composé en partie à base de samples enregistrés lors de ses sets live, a été pensé pour être écouté d’un trait, dans la pure tradition du “turntablism”. On est d’entrée séduit par le son impeccable des beats massifs, des doux arpèges de piano et du crépitement du vynile. L’écoute prolongée de l’album révèle une certaine linéarité propre au style musical, qui, alliée au classicisme et au dépouillement qui sont la signature de Sixtoo, tend parfois vers la monotonie. Une belle œuvre, pleine de classe, qui manque cependant d’un peu d’humain et de folie. www.sixtoo.net Rafael Aragon
STARS LIKE FLEAS “The Ken bur ns effect” (Talitres / Differ-Ant) Accueilli par des cris de joie, l’auditeur s’attend à juste titre à une fête en chansons. Il ne regrettera pas sa venue : ce nouvel album du duo américain Stars Like Fleas enchante par son art du psychédélisme à deux facettes. Les chansons noisy alternent ainsi avec les perles éthérées et les sonorités dissonantes succèdent aux orchestrations luxuriantes. Malgré un cheminement tortueux, The Ken burns effect” impressionne par son sens de la direction. Mais quelle drogue associe si bien lucidité et esprit fantaisiste ? Il pousse en fait beaucoup plus loin la formule féérique et torturée de Mercury Rev période Deserter’s song, avant que le groupe ne se couvre de boursouflures. Stars Like Fleas met en relief vos fantasmes d’enfant passés à la moulinette adultérine. Comme si Blanche Neige au meilleur de sa forme s’ébrouait avec un Prince Charmant dévergondé. www.myspace.com/starslikefleas Vincent Michaud
PLANETE FILASTINE “Bur n it” (Jarring Effects / Soot / Pias) Maître percussionniste et producteur originaire de Seattle, Filastine, à l’inverse de nombre d’électroniciens sédentaires, est une espèce d’activiste apatride qui trimbale machines et tambours, écumant les squats du monde entier. Pas étonnant donc que sa musique invoque le voyage, à grand renfort de samples, avec une prédilection pour le monde arabe. Epaulés par des instrumentations électro-hip-hop, les textes, en espagnol, arabe ou français, rappés ou chantés, se veulent engagés. Il est question ici de bombes, de W. ou de G8. La rythmique, très dense, est le pivot de cette musique mate et granuleuse, relevant autant de la batucada que de la culture digitale. Singulier et inventif, Filastine débarque en France sur Jarring Effects, qui ouvre ainsi son catalogue à l’étranger. www.filastine.com Rafael Aragon
FINK “Distance and Time” (Ninja Tune / Pias) Remisant ses platines au placard, Fink sortait l’an passé un album d’inspiration folk blues sur Ninja Tune, un label peu connu pour ses prétentions acoustiques. Succès. Voici le second chapitre des aventures de l’artiste au pays de l’introspection. Les chansons, toujours vêtues de peu, font néanmoins place ici à une plus grande sophistication dans les arrangements. Une évolution peut être pas étrangère à la présence d’Andy Barlow (Lamb) derrière la console sur cet essai. De bout en bout, le ton est à la confidence avec, en leitmotiv, un sens de l’épure que l’élégiaque Trouble’s what you’re in en ouverture illustre de façon éloquente. L’ambiance feutrée du disque installe ainsi une vraie proximité avec son auteur qui se livre dans un souffle, comme on va à confesse. www.finkworld.co.uk François Boncompain
NERVOUS CABARET “Dr op drop” (Naïve) L’hystérie a quitté le club. Nervous Cabaret a repris ses esprits et amadoue désormais ses penchants rock’n’rolliens. En effet, d’inspiration plus pop, ce deuxième album garde cependant suffisamment de mordant pour séduire toutes les anciennes convives. Leur chanteur leader Elyas Khan, mène toujours la danse avec sa voix virile et animale, quelquefois éructée. Dans Père Lachaise, il réveille même les morts ! Sleepwalkers qui enchaîne révèle la nouvelle veine, puisée dans les racines roms de ce Brooklynien né en Asie du sud. Drop drop communique ainsi avec ses ancêtres dans une virée abreuvée d’idiosyncrasie euphorisante. Cet esprit d’ouverture prédestine à des rencontres lors des tournées, comme par exemple avec un Frenchy, Henri du groupe Shunatao, à qui Elyas rend hommage sur Les enfants du papillons. Vous l’avez compris, on ne s’ennuie pas une seconde dans le Nervous Cabaret. www.nervouscabaret.com Vincent Michaud
OKKER VIL RIVER “The stage names” (Jagjagwar / Differ-Ant) Depuis la fin des années 90, Will Sheff et sa horde texane dépècent la carcasse d’une Amérique ténébreuse, le cœur brisé, la corde au cou. Loin de leurs débuts lo-fi et incertains, leur précédent album Black sheep boy s’est cogné à un mur de louanges : folk racée et ambitieuse, illustrée par un songwriting inspiré. Avec ce nouveau disque, Okkervil River nous gratifie de quelques morceaux qui finiront gravés au canif : A hand to take hold of the scene, Our life is not a movie or maybe… Bricolé en acoustique, martelé en électrique, The stage names, plus pop que son prédécesseur, confirme tout le bien que l’on pouvait penser de ses créateurs. Un album plus volage, moins personnel peut-être, mais définitivement bourré de qualités. www.okkervilriver.com Rémi Laffitte
SWIMS “Swims” (Distile Records) Duo californien, Paul Slack et Mark Rocha usent basse et batterie. Avec une approche relativement délicate, ils donnent du corps à leur noise progressive et tortueuse, finalement plus lumineuse que l’on ne pourrait le penser de prime abord. En résultent des morceaux instrumentaux et aérés. Bien sûr, la mise en place rythmique ne laisse rien au hasard, mais il reste un sentiment de liberté. Swims n’étrenne pas vraiment une folle escapade, mais poursuit un sentier dégarni. Les notes de basse restent assez troublantes, glissant vers les aigus avec une fluidité et une légèreté imprévisibles. Les plans s’enchaînent ingénieusement sur ce premier mini album. www.swimsband.com Béatrice Corceiro
TUXEDOMOON “Vapour trails” (Crammed Discs ) Après les chambres d’hôtel, en route pour l’Acropole et les mystères d’Eleusis où fut séquestrée Persephone. Tuxedomoon poursuit son périple, et par là même, sa thématique des disques du voyage. Vapour trails se ressource au gré des détours et rencontres. Il en va de même pour leur créateurs et les auditeurs qui croiseront son chemin. La conversation musicale se fait autour d’une certaine vision arty du rock européen, entre post punk, jazz éthéré et fugues oniriques. Ce vague à l’âme non léthargique habillerait idéalement la bonne période cinématographique de Wim Wenders (Au fil du temps, Alice dans les villes). En perpétuel transit, Tuxedomoon a retrouvé le sang chaud par rapport à son précédent Bardo hotel soundtrack plus aérien, émulation due aux concerts vraisemblablement… www.tuxedomoon.com Vincent Michaud 47
FESTIVALS
Airs du Nouveau-Brunswick Du 18 au 20 octobre 2007 - Roubaix (59) www.laconditionpublique.com endant trois jours et trois nuits, le cœur de la Condition Publique va battre à l’heure canadienne : concerts folk-rock, jazz expérimental, chanson, ateliers, projection de courts-métrages insolites, rencontres professionnelles, afters gratuits et une grande exposition d’arts visuels dans la verrière. L’occasion idéale de découvrir nos cousins d’outre-Atlantique au cours de trois soirées thématiques. Un nouvelle collaboration avec la France de la dynamique équipe “Musique Nouveau-Brunswick”, pilier de la Francofête de Moncton, et qui œuvre depuis des années pour offrir des vitrines de grande envergure à ses artistes et aux professionnels. Dans leurs bagages : Fayo, folk urbain (www.ombre.ca), Ryan Leblanc, multi-instrumentiste (myspace.com/ryanleblancguitar), Christian “Kit” Goguen, chanson-pop (www.kitgoguen.com), Roland Gauvin, folk trad (myspace.com/rolandgauvin), Les Païens, jazz rock (www.paiens.com), Hot Toddy, roots & blues (www.hottoddytrio.com), JP Leblanc, blues rock, ainsi que deux expositions : “Imagité” (mise en scène d’images imprimées sur toile, un processus de création dans le domaine de l’inter média ; une production hybride qui explore les espaces réels, visuels et virtuels dans le domaine de la poésie urbaine) et “Peeping Tom v 2.0” (installation multimédia poétique et participative, développée à partir de l’intérêt collectif actuel pour le corps, y compris l’exaltation sournoise pour le sexe à l’aide des nouvelles technologies de communication)…
P
roquons l’automne en chanson !”, tel est le slogan de la troisième édition de Chanso’tone. Ce festival est né de la volonté de rapprochement de l’Usine à Chapeaux, scène de Musiques Actuelles de 250 places (qui avait une petite programmation) et du théâtre Le Nickel (250 places également), et par leur envie commune de mettre en valeur la nouvelle scène française, les bourgeons émergents de la chanson. “Programmer des artistes en devenir, qui ne sont pas encore hyper médiatisés” a donc été le mot d’ordre de ces deux structures, qui se voient rejoindre cette année par le Conservatoire Communautaire de Rambouillet, souhaitant s’ouvrir aux musiques actuelles et qui accueillera une partie de la programmation dans ses murs. La chanson, sous toutes ses formes, s’empare de différents lieux culturels rambolitains, les jeunes artistes et les talents locaux prometteurs sont au rendez-vous. Avec : Gaëlle Vignaux, Gérald Genty, Les Ongles Noirs, Imbert Imbert, Marjolaine, Babet, Yoanna, Oshen, Benoît Dorémus, Karpatt, Batlik, 3x Rien…
“C
myspace.com/chansotone Du 13 au 17 novembre - Rambouillet (78)
Chanso’tone
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FESTIVALS
Rockomotives
Désin’Volt
Du 20 au 27 octobre 2007 - Vendôme (41) www.rockomotives.com
Les 26 oct. et 8 nov. 2007 - La Bellevilloise, Paris (75) myspace.com/smomdesinvolt
16 ans, les Rockomotives souhaitent se renouveler, établir des propositions artistiques réfléchies et assumées. Le rock’n’roll reste lisible via l’éthique intrinsèque du festival : Vendôme résiste, encore et toujours ! Pendant une semaine, la fête, la convivialité sont un mode de vie que des milliers de personnes adoptent. Faire primer l’exigence artistique au détriment de banalités consuméristes, privilégier les risques aux modes éphémères tout en se targuant de ne pouvoir être taxée de manifestation élitiste ; tels sont encore les credo de ce festival. L’état second se fera à coups de décibels, de projets hors normes, de mélodies pop ou encore de distorsions rageuses, nullement besoin de paradis artificiels pour y voguer. Deux focus : la soirée “Vodkomotive” accueillera le nouveau projet de David Gauchard réunissant ses groupes et musiciens fétiches qui joueront leurs sets, et tenteront des rencontres plus ou moins improvisées. Puis carte blanche à De Kift : ils arrivent à Vendôme les valises pleines d’amis (les Américains de Nervous Cabaret, leurs comparses de Sack’O’Woes et Stuurbaard Bakkebaard ainsi que DJ Bone et enfin les Français de Trunks). Un projet qui résume bien l’esprit des Rockomotives : convivialité, partage, l’humain avant tout ! Egalement à l’affiche : Double Nelson, Mobiil, Psykick Lyrikah, French Cowboy, Calc, High Tone, Burning Heads, Fujiya & Miyagi, Wax Tailor, Bleu Bird, Girls In Hawaii, Gong Gong…
vec pour crédo “La nouvelle scène, rien que la nouvelle scène du 75”, les studios SMOM (www.studios-smom.fr) souhaitent rendre hommage, pour la deuxième année consécutive, aux musiques émergentes de la capitale et apporter leur soutien à tous ceux dont le but est de faire connaître leur création, leur poésie, leurs convictions artistiques avec les outils nécessaires à leur développement professionnel. C’est ainsi, qu’en plus des deux rendez-vous destinés au grand public, le festival Désin’Volt a mis en place un dispositif complet, né de la rencontre de professionnels de la musique, permettant de sélectionner et de faire découvrir le meilleur de la scène du 75, et d’offrir à l’un des quatre groupes sélectionnés, un support artistique et professionnel pour lui permettre de pousser encore plus loin son développement. Le déroulement du Désin’Volt se découpe en quatre étapes : 1. Repérage de talents innovants et émergents du 75 via un appel à candidatures 2. Préparation scénique des quatre groupes avant le passage sur scène 3. Festival Désin’Volt (rencontre pros / grand public, et concert) 4. Accompagnement pour le lauréat “découvertes par liFe liVe, le Coach et l’école Atla. Les quatre découvertes de cette année sont : Thibaud (chanson), Pilot (rock), Milestone (pop rock) et Eldia(pop rock). Seront aussi présents aussi lors du concert Manis (chanson) et Flox (électro reggae trip hop).
epuis neuf ans, Nördik Impakt poursuit son exploration pluridisciplinaire alliant musique, vidéos, performances multimédia, danse et décoration, en rassemblant à Caen les artistes les plus novateurs des cultures électroniques (découvertes, DJ stars et artistes inclassables). Le festival regroupe l’ensemble des acteurs culturels de la région, pour offrir un vaste panorama des esthétiques d’aujourd’hui et de demain consacrées aux cultures “alternatives”. Au programme, une semaine de spectacles sur l’ensemble de l’agglomération, dont une collaboration avec le festival Les Boréales pour une soirée consacrée à la scène électronique norvégienne (“Boréales digitales”) et une création multimédia au Cargö, “Requiem ex Machina”, la rencontre improbable entre une artiste renommée de la scène électro hardcore (Ybrid) et l’orchestre symphonique d’Hérouville St-Clair. La grande soirée de clôture du samedi soir réunit chaque année près de 15 000 personnes ( jauge plafonnée). Cette année, sur une surface de 12 000 m2 entièrement re-décorée, elle offrira trois scènes qui accueilleront notamment : Justice (live), MSTRKRFT, Gildas & Masaya, Damian Lazarus, Extrawelt, Radio Slave, Shonky, Zenzile, DJ Krush, DJ Muggs (Cypress Hill), Atomic Hooligan, Virus Syndicate, Noisia, et bien d’autres. Ce festival connaît une ascension fulgurante et réunit désormais près 25 000 personnes chaque année. Son rayonnement dépasse largement les frontières nationales… Le temps de se programmer un petit séjour en terres normandes ?
e festival de musiques actuelles s’articule autour d’une prog centrée avant tout sur la découverte de formations artistiques dont la personnalité sait se distinguer des produits stéréotypés, et dont le parcours artistique doit franchir une marche importante vers la reconnaissance publique et médiatique. Il représente également une occasion de création de passerelles entre artistes et projets. Il permet également à toute une ville de vivre au rythme des musiques actuelles tant à travers la diversité des lieux investis (salles de spectacles, cinéma, médiathèque, salles d’expos, cafés…) qu’à travers la diversité des partenaires locaux (service municipaux, assos, commerces…). Les concerts : Van Den Love, Pravda, Bastien Lucas, Alex Beaupain, Racont’Mwa Miss Ils, Kwal, Shaï No Shaï, Meltintone La Blanche, Florent Marchet, Orcaz, Chloé Mons, Tomislav, The Jones… La soirée de clôture officialisera l’idée de proposer à des musiciens la responsabilité de “maîtres d’œuvre”. Il s’agira cette année de Pierre Sangra (guitariste de Thomas Fersen) et de Yan Péchin (guitariste de Bashung, Thiéfaine et Higelin) qui proposeront un concert inédit durant lequel ils interprèteront des titres qui ont suscité leur “vocation”. Des artistes connus partageront le plateau. Surprises… Pour ce concert exceptionnel, les artistes joueront gratuitement et une partie de la recette sera reversée au bénéfice d’une association locale.
www.nordik.org Du 13 au 17 novembre 2007 - Caen (14)
Rens : 01.49.74.79.10 Du 8 au 22 décembre 2007 - Fontenay-sous-Bois (94)
Nördik Impakt #9
Les Aventuriers
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A
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Festival de la Chanson de Tadoussac
LE 14 JUIN 2007 - VANCOUVER (CANADA)
DU 14 AU 17 JUIN 2007 - TADOUSSAC (QUÉBEC, CANADA)
Les lauréats
Théâtre Chan
Misteur Valaire
Mononc’ Serge
Pour la 24ème année, le festival mise sur une superbe programmation aussi variée qu’impressionnante, de quoi satisfaire les mélomanes les plus exigeants. A la confluence du Saint-Laurent et du Saguenay, dans un lieu enchanteur où s’entremêlent avec subtilité, chaleur et intimité, on fête la chanson ! On retiendra de cette édition Les Vulgaires Machins (musique entraînante et à consonance punk-rock, textes révoltés), Richard Desjardins (en solo, doublé d’un show avec ses musiciens et son spectacle Kanasuta), Band de Garage (duo rock armé seulement d’une guitare et d’une batterie, mais qui sonne comme une tonne de brique), Manouche (musique du monde), Misteur Valaire (à la fois lounge et dynamique), Mononc’Serge (tout nouveau spectacle rock solide et puissant, textes toujours aussi irrévérencieux), Khaban’ (un son intense et atmosphérique), Patrick Watson (grandiose, planant et psychédélique), Eve Cournoyer (rock au féminin sur des airs pop, beaucoup d’attitude), Pierre Flynn (en soirée intimiste)… www.chansontadoussac.com Jonathan Tabib
Furia Sound Festival
Le Bruit de Melun
DU 29 JUIN AU 1
DU 30 JUIN AU 1
2007 - CERGY-NEUVILLE (95)
ER
Joeystarr
Guitar Wolf
Elsa Songis
JUILLET
JUILLET
2007 - MELUN (77)
Myassa
Abd Al Malik
Elejia
Onzième année d’existence pour l’évènement Val d’Oisien, sur un site agréablement vallonné ! On en retiendra le spectaculaire dispositif policier et la programmation éclectique et pointue. Au rayon découvertes, les Suédois de Deltahead et leur blues théâtral électrifié, le rap roots et acoustique du Somalien K’Naan ou encore le tourbillon samba-dancefloor des Bonde do Role. La classe internationale ! Les têtes d’affiches tiennent aussi leurs promesses, avec un Frank Black magistral qui reprend même Fatboy Slim ! Rayon hip hop, Oxmo Puccino et The Roots se la jouent big-band, et Joeystarr flirte avec le metal en s’accompagnant du groupe Enhancer. Très attendus, Sonic Youth et Queens of the Stone Age livrent des sets solides mais sans folie, et se font voler la palme rock’n’roll par les punks japonais de Guitar Wolf. Une édition pleine de surprise ! www.furia.tm.fr Rafael Aragon
La 20ème édition du festival briard, placée sous le signe de l’éco-responsabilité, s’est déroulée sous des cieux mitigés, mais sans pluie. On y écoute de nombreux groupes seine-et-marnais : Elista (chansons rock douces-amères), Dondog (rock mélodique), Raskar Kapak (chansons grimaçantes), Ed-Äke (metal énergique), Elejia (pop rock romantique), Sihia (metal explosif), Myassa (rock fiévreux), Laid Down (metal éclectique), Versatil (poésie rock sensible). On découvre le rap de Boozy L, le hip hop de Dajzoelski. On se laisse caresser par le slam poétique et raffiné de Grand Corps Malade, on se frotte au rap humaniste et réaliste d’A Abd Al Malik. Le public accroche au reggae folk soul de la jeune Ayo, au big band pétaradant du facétieux Sanseverino, au rock français de Kaolin. C’est la java avec Matmatah en clôture du festival. La prestation d’A AaRON reste de loin la plus émouvante et la plus singulière. www.lebruitdemelun.com Elsa Songis
Garden Nef Party
Aux Zarbs
LES 20 ET 21 JUILLET 2007 - ANGOULÊME (16)
DU 20 AU 22 JUILLET 2007 - AUXERRE (89)
Grande scène
LCD Soundsystem
Art Brut
Caroline Dall’o
Fred Huiban Pierre Wetzel
Dany Placard
C’est très grand et très vert Vancouver ! La ville est entourée de montagnes enneigées d’un côté (Les Rocheuses) et de plages de sable fin ou de gravillons de l’autre… Un sacré contraste ! Idem pour la culture : anglo partout, mais des îlots francophones. Créé en 1990, Chant’Ouest est un concours en français qui se tient chaque année en alternance dans l’une des quatre provinces de l’Ouest (Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique) en organisant une finale des lauréats de chaque province. Les deux gagnants de cette année sont Justin Lacroix Band, rock progressif assez barré, qui a le mérite d’avoir une entité et une originalité et Geneviève Chassée, petite bonne femme illuminée entre rock et chanson. Chloé Ste-Marie, désespérée et lumineuse à la fois, était la marraine de cette édition. www.radio-canada.ca/regions/chantouest Serge Beyer
ER
Caroline Dall’o
Chloé Ste-Marie
Jonathan Tabib
Chant Ouest
Hurlements d’Léo
Higelin
Winston McAnuff
Après une édition 2006 autour de Placebo, la Garden Nef Party est devenue cette année un véritable festival. On aura pu y vérifier que !!!, en live, ça reste sérieux, avec un cocktail Happy Mondays, les Stones grande époque ou encore les Clash. Son of Dave aura pu séduire tout le week-end. Le premier soir, le public était surtout venu pour faire Muse Muse et il est reparti conquis, malgré des apparats mégalo. Plus sec, Art Brut, en entame de la deuxième journée, tient la route même avec un Animal Collective, à Eddie Argos sur une patte. La grosse sensation est venue des Américains d’A l’électro hip hop mâtinée de folk psychédélique. Instinctif et viscéral ! LCD Soundsystem a clôturé l’ouvrage en assumant son statut de vedette, chaque titre étant entonné par le public. Ce jeune festival convainc : programmation huppée, site agréable et conscience écolo. Seul écueil : les prix prohibitifs des stands boissons et restauration. L’esprit libertaire n’est pas roi aux Garden Party, élyséenne ou angoumoisine ! www.dingo-lanef.com
Ces trois jours de festival dans le centre auxerrois nous auront réconcilié avec la Préfecture où brille l’absence de toute salle de concerts. Le public y était donc survolté, ravi de pouvoir enfin applaudir à domicile les 19 artistes, et pas les moindres, venus se produire grâce aux Zarbs. Il y en avait pour tous les goûts, amateurs de chanson française et d’énergie scénique : Tryo, Higelin, Renaud pour les plus connus. La Phaze, Domb, Java Vs Winston McAnuff, Jamait, Didier Super, Bibéo, The Locos pour les coups de cœur. Un festival qui a su mêler musiques actuelles, démarches citoyennes et fête dans une ambiance chaleureuse et énergique. Et ça change tout ! www.auxzarbs.com Caroline Dall’o
Les Transes Cévenoles
Musicalarue
DU 27 AU 29 JUILLET 2007 - SUMÈNE (30)
DU 10 AU 15 AOÛT 2007 - LUXEY (40)
Champion
MAP + Mouss & Hakim
Au coeur des Cévennes avait lieu la 10ème édition du festival d’art de rue et de live organisé par l’association Les Elvis Platinés. Un anniversaire explosif, étendu sur trois journées au lieu de deux, avec la présence de huit compagnies qui animèrent les belles après-midi de ce week-end, dont les remarquables Fred Touch, L’Oiseau Bleu ou encore Délit de Façade. Côté musique, pas moins de dix groupes, des concerts d’une heure et demi et les prestations de Rinôçérôse, Samarabalouf, Rachid Taha, Art Brut, Raoul Petite et DJ Champion. Un bel événement dans un cadre magnifique où se sont démenés pas moins de 300 bénévoles pour accueillir public et artistes, et ce dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Un rendez-vous à inscrire sur les tablettes des amateurs de festivals intimistes, mais à la programmation soignée et originale. www.leselvis.org Caroline Dall’o
Pierre Wetzel
Serge Beyer
FESTIVALS
L. Lantoine & F. Pierron
Balkan Beat Box
CharlElie Couture
Une 18ème édition programmée en début de semaine (mercredi 15 août oblige), ce qui n’a en rien entamé la motivation des festivaliers, mais la fluidité des déplacements a donné une agréable impression Abd Al de moindre affluence. Dès le premier soir, ambiance familiale avec Le Petit Dernier, suivi d’A Malik qui déclame son slam réaliste et poignant. Dans un tout autre registre, Les Ogres de Barback réunissent jeunes et moins jeunes, tandis que Les Purinos survoltés entraînent le public dans un nuage de poussière… Le lendemain, le JOSEM ouvre le bal, Emily Loizeau joue avec les derniers rayons du soleil puis cède sa place à un Loïc Lantoine déjanté et captivant. CharlElie Couture offre un concert très rythm’n’blues, suivi des touaregs Tinariwen. L’Espace Pin fait salle comble avec la fanfare pas très catholique des Touffes Krétiennes. La dernière soirée est éclectique, réunissant sur la scène des Barriques Renan Luce, Bœuf, Arno ou encore le MAP qui enflamme littéralement Luxey. Cela dit, le concert à retenir restera sans conteste celui de Balkan Beat Box. Laurence Philbée
50
Eurockénnes
DU 25 JUIN AU 3 JUILLET 2007 - PETITE-VALLÉE (QUÉBEC, CANADA)
DU 29 JUIN AU 1
Chœur des enfants
Daniel Boucher
Nicolas Messyasz
Fête à Boucher
ER
JUILLET
2007 - BELFORT (90)
The Good, The Bad & The Queen
Young Gods & MC Dälek
Stuck in the Sound
Dimanche soir, on attend le dernier concert, crevés, courbaturés, crades… A 23h30, quand Arcade Fire rayonne sous la pluie, tous les spectateurs dansent et chantent et c’est merveilleux ! On a vécu d’autres bons moments, plus tôt. Comme cette rencontre inspirée, provoquée entre l’électro-rock de Young Gods et le flow sombre et poétique de MC Dälek. Les Queens of the Stone Age, sans en faire des tonnes, offrent un show puissant et dangereusement bon. Les Suédois surexcités de The Hives redoublent d’énergie avec leur garage-rock, TV on the Radio hypnotise avant que The Good, The Bad & The Queen ne transmette une onde de douceur. Les Rita Mitsouko sont élégants, Abd Al Malik touchant, et Air agréablement grisant. Pour les sensations rock nerveuses, énergiques et dérangées : Cold War Kids, Deerhoof, Phoenix, ou Archie Bronson Outfit répondent présents. Stuck in the Sound, Hellbats, For my Hybrid, font preuve de leur enthousiasme avec des sets enflammés, habités. Et Marilyn Manson ? Insignifiant… www.eurockeennes.fr Béatrice Corceiro
Le Rock dans tous ses Etats
Francofolies de La Rochelle
LES 6 ET 7 JUILLET 2007 - EVREUX (27)
DU 11 AU 16 JUILLET 2007 - LA ROCHELLE (17)
Didier Super
Gomm
I’m from Barcelona
Pierre Wetzel
Depuis 25 ans, les amoureux de la chanson se donnent rendez-vous dans un petit coin de Gaspésie, à dix heures de route de Montréal, dans le village de Petite-Vallée, qui ne compte que 199 âmes en temps normal ! 2007 est placé sous le parrainage de Daniel Boucher, l’auteur du magnifique Deviens-tu c’que t’as voulu ?. Pour le fêter, une belle brochette d’artistes étaient au rendez-vous : Louise Forestier, Marie-Claire Séguin, Daniel Lavoie, Karkwa, Arianne Moffatt, Pierre Flynn, Edgar Bori, Richard Séguin, Luce Dufault, Michel Rivard, Tricot Machine… Mais ce festival et aussi un concours qui couronne deux jeunes artistes chaque année. Dans la catégorie artiste-collaborateur, c’est la pétillante Alecka Faround-Dionne qui l’emporte, et pour les auteurs-compositeurinterprète, c’est Félix Soude, mix de Renaud, Plume Latraverse et Damien Robitaille, notre gros coup de cœur ! www.festivalenchanson.com Serge Beyer
Miossec & Zita Swoon
Nadj
Néry
Bonne nouvelle, avec 70 000 spectateurs, la fréquentation se porte bien. C’est qu’avec ses sept scènes, chacun peut se faire son festival, qu’il soit fan de variétés, chanson, rock, électro… Année après année, la programmation s’étoffe, tout en respectant l’esprit d’origine. Les “Fêtes à…” offrent leur lot de moments uniques : Miossec avec Zita Swoon, Skye, Dominique A ; Les Ogres et Néry ; DJ Zebra accompagné de DJ Moule, Leroy, Billy the Kick, Anis ; Loïc Lantoine et André Minvielle. Yves Simon, Murat en formule club, créations jeune public des Autres évènements : le retour d’Y Têtes Raides ou Bombes 2 Bal, une présence massive de la (+ ou -) jeune génération : Wax Tailor, Nadj (exceptionnelle !), Nosfell, Prohom, Cherhal, Abd Al Malik, MAP, Mlle K, Ridan, Pierre Lapointe… Et ça pousse encore derrière avec les artistes des “Chantiers” et l’ouverture l’an prochain d’une troisième salle à La Coursive. www.francofolies.fr Bruno Aubin
Francofolies de Montréal
Les 3 Eléphants
DU 26 JUILLET AU 5 AOÛT 2007 - MONTRÉAL (QUÉBEC, CANADA)
LES 27 ET 28 JUILLET 2007 - LASSAY LES CHÂTEAUX (53)
Elsa Songis
Vendredi, le trublion Didier Super fait un tabac à l’heure de l’apéro ; la fanfare I’m From Barcelona, Wax Tailor et The Rakes marquent les esprits ; !!! fait l’unanimité chez les amateurs d’électro-rock et Sean Lennon est encore plus pitoyable que ce que l’on imaginait. Beaucoup plus de monde le samedi pour apprécier la terrible puissance de feu de Gomm. Dans la foulée, l’impitoyable décharge sonore de Frank Black est moins convaincante qu’au Furia Festival, mais nettement plus excitante que le rock fadasse (mais populaire) de Kaiser Chiefs. Notons que Cake choisit de ne pas jouer I will survive, que Clap Your Hands Say Yeah livre un remarquable set et que Nina Bobsing, quintette rouennais en pleine ascension, est bien le nouveau groupe rock-glamour endiablé que l’on attendait. Avec 16 000 spectateurs en deux jours, l’équilibre est obtenu, ce qui permet au RDTSE d’envisager avec confiance sa 25ème édition en 2008. www.lerock.org Patrick Auffret
Chocolat
Peter von Poehl
Les Ogres de Barback
Allez, risquons-nous : c’est certainement LE meilleur festival francophone du monde ! Un répertoire incroyable de jeunes talents en éclosion, une mise en valeur des artistes émergents de tous bords de la francophonie, une reconnaissance des incontournables du moment, et le tout quasiment gratuit, qui dit mieux ? Et si certains esprits chagrins trouvent que les têtes d’affiche sont rares cette année, qu’ils partent donc à la pêche des grands de demain plutôt que vivre dans le passé ! Exemples ? OK : 3 Gars su’l Sofa, Agnès Bihl, Corrigan Fest, Davy Sicard, les Camionnettes, DJ Zebra, Radio Radio, les Goules, Florent Marchet, Rocé, Le Husky, Thomas Hellman, Joseph Edgar, Thierry Romanens, Chocolat… mais aussi Malajube, Karkwa, Ariane Moffatt, Daniel Boucher, Loco Locass et Pierre Lapointe. Ces Francos 2007 ont aussi hélas, célébré la mort de la mythique salle de spectacle Le Spectrum. www.francofolies.com Serge Beyer
La 10ème édition du festival mayennais fut exceptionnelle, tant par sa programmation - plus cosmopolite que jamais - que par la décoration du site, déclinée sur le thème du cinéma. A l’entrée, est érigée une arche “Elephant Park”. Plus loin, s’animent les marteaux géants du film The Wall. La nuit Hindi Zahra, le venue, le site se pare de beaux éclairages. Nous découvrons le blues métissé d’H rythm’n’blues burlesque de Son of Dave, le rock “clashien” de Jaimie T, les expérimentations A n i m a l C o l l e c t i v e A r c h i e B r o n s o n O u t f i t d’A , le folk rock d’A . Nous aimons les prestations du guitariste suédois Peter von Poehl, du trompettiste suisse Erik Truffaz, du quartet belge rock électro Goose, du collectif reggae san-franciscain Groundation… Place aux filles avec Au Revoir Simone et Scanners, au hip hop avec Keny Arkana, C2C, Bleubird, Puppetmastaz et dDamage. Air et Les Ogres de Barback livrent des concerts inoubliables. www.les3elephants.com Elsa Songis
Les Nuits Secrètes
Rock en Seine
DU 10 AU 12 AOÛT 2007 - AULNOYE-AYMERIES (59)
DU 24 AU 26 AOÛT 2007 - PARC DE ST-CLOUD (PARIS)
Deltahead
CirKus
Arno
Trois nuits, 70 concerts et une ville qui commence à vivre à sept heures du soir. C’est ce que proposent les Nuits Secrètes, un festival d’importance moyenne, mais qui a passé cette année la démultipliée. A la baisse de fréquentation générale dans les gros raouts, ce rendez-vous a répondu par un Architecture in Helsinki et Didier Super, joli pied de nez. Une sixième édition entre paris réussis (A sur l’énorme scène gratuite, So Called en trio dans la petite salle de la Bonaventure…), valeurs Sansévérino, Arno) et concepts novateurs : les “Tracteurs blues”, ou comsûres au rendez-vous (S ment faire jouer des groupes de blues sur une remorque à foin, les “Parcours secrets”, un concert d’un artiste que l’on ne connaît pas dans un lieu inattendu… Un modèle d’inventivité. www.le-pavillon.net Bastien Brun
Robert Gil
Serge Beyer Patrick Auffret Jonathan Tabib Bastien Brun
Festival en Chanson de Petite-Vallée
FESTIVALS
The Hives
Rodeo Massacre
Björk
Le plus grand festival francilien fêtait cette année ses cinq ans et en profitait pour passer au format trois jours. La programmation était une fois de plus éclectique et de qualité, regorgeant de grands noms à ne pas rater. Björk, en tête de liste, n’a pas failli à sa réputation de reine électro, livrant un spectacle époustouflant. Tool, Mogwai, Arcade Fire et The Jesus and Mary Chain ont su, chacun à Pravda, Rodeo leur manière, plonger les festivaliers dans leurs univers respectifs. Les révélations (P Massacre, Bat for Lashes, Calvin Harris) ont remporté l’adhésion d’un public connu pour être diffiKings of cile alors que certains plus expérimentés s’embourbaient dans des prestations décevantes (K Leon, Dinosaur Jr, Craig Armstrong, Just Jack). Fort de sa réputation, Rock en Seine faisait le pari de vivre la musique un jour de plus, diluant peut-être un peu le concentré de talent… Malgré tout, l’événement incontournable de cette fin d’été. www.rockenseine.com Yann Guillou
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AMELIE “The real nature of
BRUITAGE
2 BAL “Mapassa”
37500 YENS
AMELIE-LES-CRAYONS
(Autoproduit / Bullet Prod & 3 Elements)
“Aster o”
the fantastic ice cr e a m c a r ”
“Le porte plume”
(Distile Records)
(Boxson / Anticraft)
(Néômme)
Les jumeaux du rap français sont de retour avec leur flow à deux têtes, le rauque de D.O.C et le pointu de G.KILL… prêts à tout dévaster. Après le succès aussi inattendu que mérité de leur premier LP, 3 X plus efficace - écoulé il y dix ans à plus de 120 000 exemplaires en autoprod - les deux lascars reviennent cette fois-ci avec un double LP ! Malgré diverses mésaventures, les jumeaux n’ont rien perdu de leur verve, bien accompagnés de prods phats et efficaces. Sur le CD1, ils distillent un rap qui ne met de gants, ni pour les autres, ni pour eux même, coupables d’avoir abandonné leur public pendant de nombreuses années. Sur le CD2, on retrouve justement ces titres qui ont forgé la réputation des 2 Bal, brillamment mixés par DJ Noise. Un retour à l’époque bénite du rap français chargé d’émotions et un bon moyen de faire découvrir quelques monuments de la culture hiphop aux plus jeune de leurs fans. myspace.com/2baloriginal
Le climat noir est en place, des notes passent en boucle une à une et la batterie travaille le mystère. Peu à peu, de nouveaux motifs mélodiques ou bruitistes investissent l’espace. Des moments de calme intriguant jouent sur des montées irrépressibles autour d’une trame répétitive avant qu’une noise brute et speed ne s’abatte. Avec des morceaux doués d’épilogues suffocants ou de dénouements lentement dramatiques, les forces obscures règnent dans cet album au trait sinueux. Du hardcore instrumental au free-jazz, il y a le sax dissonant de Canard boiteux. Cette nouvelle formation originaire de Reims joue guitare-batterie, une formule de duo de plus en plus répandue, grâce à laquelle certains prouvent admirablement que le hardcore et le math-rock peuvent frôler l’expérimental, explorer des chemins complexes, tout en en se laissant apprivoiser. Astero touche en plein dans le mille. myspace.com/37500yens
Arnaud Cipriani
Béatrice Corceiro
On attend toujours d’un artiste qu’il nous plonge dans son univers pour nous faire oublier la réalité un instant et nous emmener dans des lieux inconnus. En fouillant au fond de ses poches, Amélie sort des poignées de souvenirs oniriques et enchantés, une mélancolie et des angoisses enfantines, source d’inspiration de ses voyages sonores dans des pays imaginaires où la belle se fait reine. A cheval - à bascule entre les sonorités Fisher Price de CocoRosie et la voix faussement innocente de Kimya Dawson (surtout sans ses pêches moisies), les références et influences folk se multiplient au détour d’une petite mélodie sur fond d’harmonica ou dans l’intonation d’un chant presque murmuré. La poésie fantasmagorique des compositions s’avère bien vite plus sombre et effrayante qu’elle n’y paraissait, l’apparente naïveté laissant place à une atmosphère grave, presque oppressante, à l’image d’une forêt s’assombrissant au fur et à mesure qu’on s’y enfonce. Si on l’ose. amelie.aucuneid.net Yann Guillou
Voix entre Elisa Point et Jeanne Cherhal, piano doux omniprésent, Amélie nous présente dans son nouvel opus une “maigrichonne qui s’envolera un jour de tempête” car elle “attend son tour depuis des lunes”. Elle nous parle du “jardin de nos mères qui dégouline de lin et de glycines”, tord le cou aux “fleurs bleues et à l’eau de rose”, nous met en garde contre les filles, qui sont “calées sur la lune comme la marée et les loups-garous”, et nous affirme : “Je vais mieux, attends moi encore un petit peu. Aujourd’hui je vais bien, peut-être je rentre demain.” En guise de conclusion-morale, elle nous lance : “Quand t’arrêteras d’exister pour que les autres te voient, tu n’auras plus qu’à marcher, tes pieds à ton pas.” Côté humour, oublions les dispensables Pissotières, auxquelles on préférera le “fanfaresque” De nous non ou l’enjoué Depuis. Mais le point culminant de cet album reste l’excellent Errant, fantôme de son état depuis 400 ans ! www.amelielescrayons.com Serge Beyer
A SINGER MUST DIE
VINCENT BAGUIAN
LE BARATIN DE LA JOIE
BATLIK
“Today, it’s a wonder ful day”
“Allegro”
“Utilité”
(BDLJ Tour)
(A Brûle Pourpoint)
On ne sait pas trop à quoi s’attendre en glissant cette galette dans le lecteur. Du coup, les premières secondes vous fichent une claque puissante. Ce duo français composé de Philippe le Guern et Manuel Ferrer s’est forgé une identité radicale alternant folk torturé et ballades pop au piano. Imaginez le lyrisme orchestral de The Divine Comedy, les textes sombres et habités d’Elliott Smith et l’électro années 80 de Depeche Mode sur un même album… Le plus fort, c’est que les titres ne partent pas dans tous les sens : ils sont possédés par la même émotion crue et claire obscure. On traverse des histoires qui finissent mal, comme celle d’un homme qui tue sa famille ou l’enfance déglinguée d’un fils de rocker. L’album est parfois inégal et la voix de Ferrer souvent au bord de la rupture, mais on ne peut que s’incliner devant le travail qui a abouti à des bijoux de pop-folk obsessif et gracieux. www.myspace.com/asingermustdie
“Ce soir c’est moi qui fais la fille” (Mercury) Allons y franco : ce troisième disque est une épatante réussite ! Il débute avec un joyau (une superbe déclaration d’amour sur une ritournelle primesautière digne de Bacharach) et finit par une perle d’humour noir ; le reste est à la hauteur : quand il file la métaphore pénitentiaire, c’est un chef d’œuvre d’écriture pour lequel le brillant Jean-Jacques Nyssen a créé un écrin enjoué et drôle (si, si !). Décidément, Vincent Baguian est un parolier virtuose, dont l’humour doux amer et l’auto-dérision font mouche. Mais il sait aussi se montrer très émouvant et profond quand il évoque ses origines arméniennes et donc le génocide de ce peuple. Il ne serait que justice que cet album lui fasse rencontrer un succès à la hauteur de son talent. Vincent Baguian signe un monuments aux mots. Et même si c’est lui qui fait la fille, l’érection est exemplaire. Du bel ouvrage. myspace.com/vincentbaguian
Aena Léo
Jacques Kasbi
Après 300 concerts en compagnie des habitués du tarmac (Mickey 3D, Dionysos, Hurlements d’Léo, Babylon Circus), le quintette ardéchois revient avec un second album. L’amour, les strasses, la religion ou la société… Tout est digéré à la moulinette à la manière d’un diptyque. Pile : un sourire carnassier et hypocrite. Face : la révolte. La batterie glam-rock virevolte en punk dès que l’on lui tourne le dos. Le chant taquin, cynique et omniscient profite lui aussi de la brèche pour exposer ses viscères. Et lorsque s’inséminent les sons électro âcres et obsédants, l’ensemble s’apparente à un Dantec sous acide officiant pour No One is Innocent. Le combo temporise entre susurrements et diction robotisée pour mieux prendre à revers. La fin ? L’auditeur la connaît : hurlements saturés, sons distordus et rock industriel proche de l’épilepsie. Qu’on se le dise, Le Baratin de la Joie joue vite, fort, tape là où il faut… Et en français, of course ! www.myspace.com/bdlj
En plus d’être un interprète hors pair, qui sait nous balader comme personne en concert ; en plus d’avoir une notion de la mélodie toute particulière et une voix unique, qui fait qu’on le reconnaît dès les premières notes ; en plus de savoir s’entourer de musiciens talentueux et investis dans les arrangements des titres, on découvre un artiste hyper productif, qui vit sa vie de créateur en plein et nourrit nos appétits auditifs d’une petite merveille chaque année et cela depuis maintenant quatre ans. Les albums de Batlik se dégustent comme autant de petites tranches de vie, indispensables à nos équilibres fragiles d’êtres humains culturellement malmenés. Mais Batlik est là, et bientôt, au rythme où ça va, on pourra écouter une de ses chansons par jour, une dose quotidienne d’humanité, de sincérité, une dose de vie à chaque chanson, une dose d’émotion pour chaque mélodie, un médicament de l’âme en sorte. Merci docteur. www.batlik.com
Samuel Degasne
PP
(Grand Harmonium Records)
53
BRUITAGE
JONATHAN BENISTY
OLIVIER BERANGER
LES BLAIREAUX
eMANUEL BEMER
“Abdominal”
“La ter re est en colèr e”
“Parades prénuptiales”
“L’occiput”
(Autoproduit)
(Autoproduit)
(At(h)ome / Wagram)
(Comotion / Socadisc)
D’emblée, on est saisi par l’originalité du projet et désarçonné par son côté inclassable. Entre chanson, électro et bidouillages savants, ce premier disque est frais et enjoué et sa production remarquable. Ses textes ciselés indiquent chez ce jeune auteur une vraie gourmandise des mots. Autre atout de taille : ses mélodies minimalistes à l’ efficacité redoutable (on citera Des râteaux à la pelle et, bien sûr, son tube, irrésistible, Ca c’est sûr qu’elle est belle la vie) d’autant plus que les musiciens sont des virtuoses. Ce serait une terrible injustice que celui qui a écrit un morceau aussi ingénieux que La chanson perpétuelle ne rencontre qu’un succès d’estime. Ses textes, qui parlent d’amour, de femmes, de rencontres, mais aussi du clonage, sont nourris d’observations de la vie quotidienne sur lesquelles il porte un regard tendre, beaucoup d’humour et de l’autodérision. man-itou.com
Avant de se lancer en solo, il a été entre autre le batteur des Fatals Picards, groupe à l’humour gentiment foutraque. Son premier album explore un univers radicalement différent, baigné de lucidité désenchantée. Tout en magnant habilement la rime, sa plume acide dessine un monde oppressant où les murs sont des camisoles, et dont la seule façon de s’échapper est de la fermer pour rêver tranquille à liberté. On se croirait dans 1984 si l’énergie brûlante de l’accompagnement ne venait pas apporter un éclairage différent aux titres. Pas vraiment chanson, plutôt pop à l’anglaise, ces derniers naviguent entre ambiances abrasives et intimistes, avec riffs complètement rock et batterie tranchante. Au moment où on s’y attend le moins, le souffle aérien d’un violon vient adoucir subtilement les textes écorchés. Du coup, les morceaux restent enveloppés d’un mystère étrange par lequel on se laisse prendre. Belle surprise. www.jonathanbenisty.com
Nous avons découvert son premier EP il y a quelques mois et avions alors évoqué une certaine filiation artistique avec Francis Cabrel, voire Richard Gilly : un goût prononcé pour un folk-rock racé tendance James Taylor. Impression confirmée à l’écoute de son premier long format, même si le spectre s’élargit et que l’artiste affiche davantage de personnalité et une belle propension à trousser des textes à fort pouvoir d’évocation. Olivier Béranger porte un regard lucide sur le monde, les enjeux actuels et leur manque de prise en considération. Ses chansons questionnent sans cesse et touchent à l’essentiel, qu’il s’agisse de la pollution, de l’indifférence, de la relation amoureuse, de la paternité, de la “peopolisation” outrancière de la politique, autant de sujets abordés ici avec un certain brio. Gageons que ce premier essai, abouti et d’une belle cohérence, trouvera l’audience qui lui est due et ne demeurera pas sans suite. www.berangermusic.com
Leurs affiches le proclament : c’est bon d’être Blaireau ! C’est aussi la première phrase de ce nouvel album au swing coquin et bien balancé. Avec leurs Parades prénuptiales, le groupe franchit encore un palier. Avec Dominique Ledudal aux manettes, le groupe bénéficie d’un metteur en son à leur mesure. Les Blaireaux sont rutilants avec le poil luisant. Le corollaire (ou le reproche), c’est que sur certains morceaux, le groupe se “bénabarise” un peu… Heureusement, les Blaireaux ne cèdent pas à cette facilité. C’est un groupe, pas un chanteur solo accompagné. Leur groove est omniprésent. Ces cousins d’Aldebert et Bénabar, enfants du Big Bazar et des Frères Jacques, sont dynamiques, drôles et émouvants. C’est un poncif, mais les Blaireaux allient vraiment tradition de chanson et modernité des thèmes et des arrangements. Alors on ne sait pas si c’est bon d’être blaireau, mais c’est bon de les écouter. www.lesblaireaux.net
Jacques Kasbi
Aena Léo
Alain Birmann
Eric Nahon
CENTENAIRE
CHEWBACCA ALL STARS
“Centenaire”
“Wax goin’ on ?”
COCOON “My friends all died in a plane crash”
“Bloody Mar y ”
(Chief Inspector / Abeille Musique)
(Banana Juice)
(Sober & Gentle / Discograph)
(Cristal Records / Rue Stendhal)
La musique n’a plus d’âge et à l’heure où les styles et les origines se mélangent de plus en plus, voilà un beau projet à la fois rafraîchissant et dépaysant. Au sein de ce groupe, s’unissent les talents et la culture éclatée du folk à l’électro de My Jazzy Child, Orval Carlos Sibelius, Aurélien Potier et Domotic. Ce premier album construit une atmosphère sonore essentiellement acoustique. Les harmonies s’enrichissent progressivement d’instruments à cordes et à vent, de diverses percussions traditionnelles, à mi-chemin entre les caractères de la musique baroque et ceux d’une pop progressive. L’album couve un éclairage psychédélique, étonnant par son dépouillement apparent et sa rusticité, et grisant par ses subtilités. Derrière les mélodies calmes, des phrases sombres annoncent de curieuses apocalypses, des pertes, des désirs. Poésie lunatique pour un univers où les sens papillonnent. www.chief-inspector.com
Attention rock garage et vintage ! Le son est pesant et grave, les filles claquent dans leurs mains au son du groove, tandis que les hommes miment devant leur glace les solos grinçants, après s’être soigneusement recoiffés. Ca sent le cuir, le jean mouillé et les vapeurs d’essence à plein nez. Direction les basfonds, dans la cave, pour un blues vaudou, parfois à la limite du punk, sur fond d’orgue résolument funk. Aucune chanson ne se distingue de l’album, tant le set est joué serré, au plus près du corps, puisant l’énergie dans l’urgence et la communion. Oublions vite les formes. La spontanéité est ici de mise. La guitare cisaille ses riffs et attaque la basse à la gorge. Le chant Soul nicotinée, suivi de près par celui des choristes, s’improvise pasteur d’un soir et hurle à tue-tête son amour pour la vie. Pas de doute, non loin d’un Jon Spencer Blues Explosion, Chewbacca All Stars est un pur concentré d’influences black. Et pas des moindres. www.chewbaccaallstars.free.fr
Après une année faste qui, entre autres faits d’armes, les aura vus remporter le concours CQFD des Inrocks, se produire au Printemps de Bourges ou aux Eurockéennes de Belfort, le joli duo post adolescent nous gratifie enfin de sa première galette. Innocence des harmonies, ravissement des mélodies, leur folk-pop à la mélancolie surannée fait mouche et parviendra, c’est sûr, à percer la cuirasse des plus endurcis. De l’enlevé On my way au poignant Cliffhanger, ces douze chansons intimistes brillent du lustre discret d’arrangements d’un goût exquis. La palette d’émotions ainsi dévoilée passe, sans coup férir, du spleen romantique à une légèreté candide sans être ingénue. Si l’ombre portée d’Elliot Smith n’est jamais loin, la musique de Mark Daumail et Morgane Imbeaud possède suffisamment de qualités propres pour ne pas avoir à rougir de ce patronage superlatif. Le disque d’Adam et Eve au jardin d’Eden. www.myspace.com/listentococoon
Avec deux albums à son actif, le chanteur bordelais a acquis une certaine notoriété que ce troisième effort devrait confirmer haut la main. Son talent s’affiche ici avec insolence, un chant voltigeur à la Boogaerts, des musiques ondulantes de son cru, des textes poétiques écrits pour la plupart à quatre mains (S. Traumat, G. Lecucq, C. Dulhoste en talentueux co-auteurs), autant d’atouts qui sauront à coups sûrs séduire au-delà du public acquis. Avec Bonne étoile et son évidence mélodique, Marc Delmas possède un titre que devraient s’arracher les radios fureteuses (celles qui font leur boulot…). L’humour est également au menu, ainsi ces savoureux QiQi et La cacugne qui séduisent tant par leur propos que par leurs mélodies joliment troussées. Un univers singulier se construit peu à peu, un univers qu’il est bon de fréquenter. Même si le terme est à jamais galvaudé, on peut parler pour Bloody Mary de l’album de la consécration. C’est dit ! myspace.com/marcdelmas
Samuel Degasne
François Boncompain
Alain Birmann
Béatrice Corceiro
54
MARC DELMAS
BOUDUS LES COPS
CALC
BRUITAGE
“Les fées-miroir”
“Dance of the ner v e ”
(Abelya Production)
(Vicious Circle / Discograph)
Le disque s’ouvre avec une guitare électrique un peu gueularde et un ras-le-bol contre les petits moins du quotidien. Suivent une java douce puis un rock melting-pot flirtant avec le tango et la dance : il fallait oser ! Ce trio toulousain formé en 1999 n’a aucun complexe quand il s’agit de bricoler les sons. Comme les précédents, ce troisième album est relevé au cajon, kazou, percus africaines, guitares funky et youyous. Entre chaque morceau, un conteur résume leurs aventures barjes (elles se prennent un peu pour des fées bancales). Passés à la moulinette de leur humour déjanté, les proverbes sont tournés en ridicule, les balades romantiques sont revues au “blablabla”, le kamasutra devient une déclaration d’amour. Leur foutraquerie dériderait une nonne : à Toulouse, on appelle ça la “boudufication” des esprits. Ceux qui y sont moins sensibles apprécieront leurs voix impec ou leurs tangos mélancoliques. www.boudulescops.com
Il y a des choses sur lesquelles on pourra compter éternellement : le talent d’écriture qui grandit au sein de Calc depuis plus de dix ans en fait partie. Toujours raffiné, avec un souci d’arrangements brossés au peigne fin, l’enregistrement préserve sa couche de naturel bluffante et vitale. Ce sixième disque semble se concentrer dans une unité de ton pour offrir une pop-folk racée 70’s, élégante et touchante. La guitare principale est folk, les mélodies rythmées, l’ambiance douce-amère. Des morceaux plus ou moins dépouillés, mais toujours entraînants et vibrants. Dans les mots, la sensibilité mise à nue n’hésite pas à croquer dans des images crues et cyniques, passant de la tendresse à la cruauté, résultat de douleurs passées. Le combo bordelais se surpasse encore en restant fidèle à son amour de la musique et à ses obsédants désirs de perfection. Il réussit, une fois encore, un album instantanément familier. www.calc-music.com
Aena Léo
Béatrice Corceiro
DOMB
BENOIT DOREMUS
“Pamalalarache”
“Jeunesse se passe”
(Alarrashasso / Rue Stendhal)
(Capitol)
Les habitués des salles de concerts les connaissent probablement déjà. Il faut dire qu’avec plus de 300 concerts en cins ans, ces quatres lutins franciliens ont beaucoup écumé le territoire. Et avec eux leur sautillante fusion trempée dans le métal. Une infernale batucada de bidons qui s’entoure de sitar, de didjeridoo, de berimbau ou de guimbarde, pour un tour du monde de la danse. Ajoutez à cela de grasses guitares distordues et une basse qui slape et gronde, et vous comprendrez que nos hommes sont là pour vous faire transpirer. Tour à tour hypnotique, bourrine ou groovy, la musique se construit au fil du martèlement syncopé des cordes et des fûts, dans un tumulte de tous les diables. S’inscrivant en rejetons de Sepultura ou des Tambours du Bronx, Domb frappe fort avec ce premier album turbulent. On regrettera seulement la fonction quasi-décorative des textes, seule corde manquante à leur arc pourtant déjà fort bien pourvu. www.domb.fr
Ce jeune beau gosse parisien (27 ans) d’origine messine a tout pour réussir : un patronyme prédestiné qui pourrait être pris pour un pseudo, des morceaux écrits au cordeau et qui hésitent entre chanson et rock et enfin une destinée romanesque. Admirateur de Renaud et d’Eminem, il a su s’en émanciper pour faire un premier disque qui devrait faire date. Ses chansons frappent juste et fort, comme J’apprends le métier et J’écris faux, je chante de la main gauche. On sent chez lui une belle rage insoumise et une sensibilité à fleur de peau, outils précieux pour évoquer ses amours, son parcours et d’autres tranches de vie. Quand on sait que son flot est inimitable et qu’il défend sur scène ses chansons comme si sa vie en dépendait, on peut affirmer sans aucun doute que Benoît Dorémus va faire une grande carrière et sans avoir besoin d’orémus. bdoremus.free.fr Jacques Kasbi
Rafael Aragon
55
BRUITAGE
56
FANCY
FLEXA LYNDO
“Kings of the worlds”
“Slow Club”
(Exclaim)
(At(h)ome / Wagram)
Après avoir écumé et enflammé les festivals pendant trois ans, le power trio devenu quatuor, héritier de Queen et d’AC/DC a réussi à enfermer sa furie sonore dans une galette de plastique argentée. La voix hirsute de Jessie est de celle qui vous dresse les poils sur tout le corps. Juste derrière, le batteur perd trois litres de sueur par minute et le bassiste s’excite comme un dingue sur des cordes qui ne demandaient rien. On retrouve bien sur l’imparable Seventeen, le tube rock parfait de 2’36”. Mais ces onze brulots sont tous gagnants. Parfois nappés de synthés, super speed ou juste bien rythmés King of the worlds nous laisse essoufflés au bout de 31 minutes qui sentent le rock et la sueur. Retro et parfaitement à contrepied des rockers habillés en Dior ou H&M, Fancy nous prouve qu’un groupe perruque et paillettes peut non seulement choquer, mais être réellement rebelle sans se forcer. www.myspace.com/welovefancy
Pourquoi de si nombreux bons groupes sont belges ? En voici donc un autre à découvrir ! Le quintette a déjà une sérieuse réputation dans son pays et a tourné avec Placebo, Venus ou encore Smog. Ce troisième opus autoproduit est un savant mélange entre arrangements électro et guitares pop énergiques, le tout donnant une instrumentalisation riche. Deux sentiments opposés découlent dès la première écoute : d’une part des morceaux pop-rock classiques, et d’autre part des ambiances musicales classieuses. Une belle alchimie qui donne au groupe un “vrai” son. La voix du chanteur, claire et très pop, rajoute à cette sensation de déjà connaître les chansons. Les sons électroniques placés parcimonieusement comme un travail d’orfèvre, habillent chaque titre d’une tenue haute couture. Il y a fort à parier que Flexa Lyndo soit une nouvelle référence chez nous dès la rentrée. www.flexalyndo.net
Eric Nahon
Isabelle Leclercq
HIFIKLUB
HIGH TONE
“Fr ench accent”
“Undergr ound wobble”
(Parallel Factory / Rue Stendhal)
(Jarring Effects / Discograph)
Rien qu’avec son premier titre Babe doll et son irrésistible refrain à base de “ha ha ha haa ha ha ha”, Hifiklub a de quoi foutre les jetons à tous les prétendants au charts anglais. Car on est bien là devant un petit bijou de pop indie, boostée au rock, avec parfois un léger côté Red Hot mal assumé mais terriblement efficace, que ces musiciens toulonnais ont enregistré dans une boîte de nuit désaffectée du Var, avant de s’expatrier à New York pour le mixage. Sur place, c’est à Earl Slick (guitariste de Bowie, entre autres) que furent confiées les manettes. Enclin à partager, le groupe a également fait appel à divers collaborateurs dont Paulo Furtado (Legendary Tigerman, Wraygunn) et Robert Aaron (Fischerspooner, Wu-Tang) afin d’enrichir sa formule trio déjà très imposante. Finalement, par tant de penchants pour le son anglo-saxon, l’accent français de cet album ne s’entend que dans son nom. www.hifiklub.com
L’heure est au changement ! Dans la foulée des Zenzile, engagés sur une voie résolument rock, les High Tone s’offrent à leur tour un petit lifting. “A l’aveugle”, il n’est pas tout de suite évident de reconnaître les cadors de l’électro-dub made in Lyon. S’agit-il seulement encore de dub ? Dans le fond, oui, mais la forme a passé quelques révisions. Débarrassée de ses automatismes, elle est davantage livrée à l’instinct, même si les éléments qui entrent dans sa composition depuis Opus incertum sont restés intacts : basses musclées, rythmiques agiles et profilées, scratches en embuscade, réminiscences orientales et asiatiques… La mue s’observe surtout du côté des traitements électroniques, plus radicaux, augmentant considérablement la précision et la force de frappe du groupe. High Tone a su retenir le meilleur de dix années d’intense activité et exploite maintenant à fond ses capacités. Dans ces conditions, on re-signe pour dix ans ! hightone.free.fr
Cédric Manusset
Cédric Manusset
GEORGE GARAGE
BRUITAGE
L’HERBE FOLLE
“Les yeux de Marie”
“Au 12+1”
(Un poisson dans le désert)
(Autoproduit / Rue Stendhal)
Ce blond barbu comme un hillbilly n’est pas en bleu de travail, mais c’est dans son garage qu’il bricole son rock mutant. Une guitare bravache et des gros beats électro à base de groovebox suffisent pour nous ensorceler durablement. Mais la recherche de sons et d’atmosphères ne sont rien sans un minimum de poésie. Et l’ami George est quand même sorti de son garage pour avoir deux trois trucs intéressants à nous raconter de sa voix blanche et hypnotique. Il y a du Katerine en lui quand il chante : “Tu sais Marie, je ne sais pas pourquoi, mais tes yeux de merlans frits me font chabadaba”… Mais dans la chanson suivante, Marie se vexe de la comparaison et se barre par le premier train. Y’a des filles qui ne comprennent rien aux licences poétiques. Pourtant, George lui promettait monts, merveilles et voyages aux USA… Ce disque est bien plus qu’un ovni ou un concept-album sur l’amour et ses suites : c’est une franche réussite. www.georgegarage.fr
Autoproduit et multi-instrumentiste, le quartet de Carcassonne impressionne dès les premières mesures… Le traitement de son y est digne d’un orfèvre et la tension narrative fait preuve de maturité. Les parties chantées savent laisser place aux solos instrumentaux, comme un joueur renvoie son adversaire en fond de cours pour mieux le smasher. Quant au style, il joue les auberges espagnoles conjuguant le jazz, la java ou le swing manouche au dub. On penserait presque avoir affaire à d’éminents musiciens exerçant sous un pseudo… Et quand certains s’égarent en expérimentations ou ponts tendus vers les genres, L’Herbe Folle sait avec brio attribuer une unité et une douceur mélancolique à l’ensemble de ses mélodies. Les arrangements sont affinés comme l’auraient fait un collectionneur amoureux et exigeant. Une musique noble et délicate, dopée par les nombreux instruments à vent, qui sait subtilement habiller les songes d’une nuit d’été. www.lherbefolle.com Samuel Degasne
Eric Nahon
“Satellites”
HOLLYWOOD PORN STARS
JAD WIO “ S e x M a g i c , histoire de Lilith Von Sirius”
(Naïve)
(Wagram)
Après leur rock démonstratif, brillamment mis en lumière sur Year of the tiger, le titre d’ouverture Andy fait un bon lien, prouvant que les mélodies rock restent un atout majeur. Pourtant, Satellites est parcouru par un fil beaucoup plus anguleux. D’abord, Anthony Sinatra chante avec un air plus ombragé, la couleur des morceaux s’affirmant beaucoup plus ambiguë et noire. Une nouvelle direction perceptible également dans l’écriture. Aussi, de petites surprises rythmiques viennent égayer le paysage et quand les tempos ralentissent, c’est toujours avec un déhanchement particulier. Impétueux et débridé, The fugitive fait tourner les têtes. Les musiciens travaillent des morceaux plus chargés (Young girls), au croisement d’un punk fougueux et un peu sale (Ben’s dead) et de belles ballades brutes. Pas aussi facile d’accès que son prédécesseur, ce disque réserve son lot d’effets frappants. www.hollywoodpornstars.be
Devenir pute : ultime fantasme d’un chanteur qui parade en talons aiguilles… On entre dans ce disque comme dans un livre interdit, avide de découvrir les aventures forcément érotiques de Lilith Von Sirius, la courtisane de luxe. Dès Das ist…, premier morceau aux ambiances cabaret-technoïde, on sent l’essai réussi. En rendant hommage à l’artiste libertine polonaise Diana Orlow, Bortek livre un grand disque sexuel et anticonformiste. La présence de K-Bye, le guitariste des sulfureux débuts, donne de l’amplitude aux guitares. Le résultat est joliment rythmé, tendrement subversif, triste parfois, savoureux souvent et toujours férocement pervers, voire lubrique… Ceux qui en doutent doivent écouter la sublime chanson Sans début ni fin. L’usage de l’allemand renforce encore, sur quelques titres, le côté malsain… Vingt ans après, cet album qui reprend à la mode d’aujourd’hui les meilleurs thèmes du duo SM doit être celui de la consécration. www.jadwio.com Patrick Auffret
Béatrice Corceiro
57
BRUITAGE KHAMS
LIZZY LING
LA MAISON TELLIER
MARTIN MARTIN
“Peuple de rats”
“Un tigr e dans le bungalow”
“Second Souffle”
“Le chaînon manquant”
(Dropas Records)
(Autoproduit)
(Euro Vision / Abeille Musique)
(Idole Music)
Terre natale d’une scène indépendante productive (avec La Ruda comme digne représentant), Saumur aura aussi accouché - dans la douleur - de Khams et de son brûlot métal aux beats électro. Amis de la poésie, passez votre chemin : la hargne qui suinte de Peuple de rats, premier album de la formation après deux maxis autoproduits, se manifeste dans des textes hautement revendicatifs à la dureté qui en ferait rougir plus d’un. Le militantisme exacerbé du groupe imprègne chaque titre, où l’urgence de changement devient un leitmotiv. Servi par des rythmes syncopés et un flow maîtrisé, l’album jette un pavé dans la mare et compte bien réveiller les consciences avec des riffs sauvages et des paroles coup-de-poing (“Tout le monde gueule et personne ne bouge”, “Peuple de France, crevards en transe” ou encore “Le cerveau dans les chiottes, on te baise sans capote”). A découvrir sur scène, où les quatre musiciens ont bâti leur réputation. www.khams.org
Cette artiste n’a pas qu’une seule corde à son arc. Elle compose, écrit et prête sa voix à de nombreux projets. Les douze titres de l’album, sur lequel souffle un petit vent d’Asie, apportent poésie, fantaisie, humour et légèreté. Jean Fauque (parolier de Bashung), signe ici cinq textes émaillés de fins jeux de mots : Le jour s’ennuie, Mendie-moi, Tais-toi, Tombée là par amour, Tout est amour. Elle-même en livre six, dont le coquin Un tigre dans le bungalow et un autoportrait piquant, Lizzy Calamity, sur fond de musique western. Les arrangements, l’enregistrement et le mixage sont assurés par Minimatic (Rhodes, claviers, sons étranges…). En ouverture, on tombe sous le charme de L’hiver de Lionel Privat. On se recueille sur Fleurs et sortilèges, on danse sur Tokyo en restant à Paris ; une histoire se termine dans Prenons le large… L’album se clôt avec le planant et saisissant Black butterfly. www.myspace.com/lizzyling
Après plusieurs décennies consacrées à la création musicale sous toutes ses formes (promotion d’artistes, gestion de catalogues chez Barclay, production…), Francis Martin animé d’une passion indéfectible pour la musique sous toutes ses formes, propose un premier album de chansons électro de fort belle facture, qui, par sa modernité, fait du bien à une époque où la chanson néo-réaliste sature nos tympans. Son chant profond, dont le timbre évoque un certain Caron (qu’est-il advenu de lui ?), captive et donne toute leur dimension à des textes empreints de sentimentalité et d’humanité. A l’âge où de nombreux artistes entrent dans une phase de renoncement, Martin Martin n’entend pas emprunter les chemins balisés et aspire à expérimenter de nouvelles pistes. A force de bidouillages et de trituration des sons, il obtient une musicalité particulièrement seyante, originale tout en s’inscrivant dans une certaine tradition rock. myspace.com/martinmartinf
Yann Guillou
Elsa Songis
Empruntant son nom à une nouvelle de Maupassant, Le collectif normand s’était distingué par sa reprise acoustique de Killing in the name des Rage Against The Machine en 2006. Une démarche qui en dit déjà long sur la teneur de l’album, entre les trompettes mariachi de Calexico, la finesse de Cake, l’authenticité de 16 Horsepower et l’étendue de Neil Young. Autant de cadres pour cette échappée sauvage en terrain désertique qui sait prendre ses distances et avouer sa fascination pour l’Amérique profonde. Tantôt country far west ou folk sincère, il demeure une fragilité acoustique qui confère au groupe des airs d’espèce en voie de disparition. Quant aux paroles et la voix légèrement plaintive, elle oscille entre l’anglais et le français avec une grande fluidité. A l’image d’Herman Düne, La Maison Tellier nous rappelle l’importance d’un univers marqué, original et frais dans une industrie devenue cannibale. L’une des meilleurs BO de l’année. myspace.com/lamaisontellier Samuel Degasne
Alain Birmann
MORIARTY
NOVÖ
NO WATER PLEASE
ONZE H30
“Gee whiz but this lonesome town” (Naïve) Magnifique incarnation de blues-folk, complètement décalée et hors du temps, cette formation francoaméricaine transforme votre regard en un clin d’œil. Avec une ingénuité passionnée, des objets du quotidien deviennent des instruments (cuillères, valise en carton) et la scène est empreinte d’une magie touchante. Chaque chanson fait irruption dans un décor authentique : les personnages ont tous des destins d’héros de grand écran, se baladant dans la poussière chaude du désert, au milieu d’une forêt d’arbres, devant la porte battante du saloon. Il suffit de se laisser porter par l’imagination active des protagonistes, joueurs d’instruments et véritables acteurs de leur univers théâtral. Un cadre idéal pour la voix de Rosemary Standley, personnification de ces fantasmes historiques, mélancoliques, plein de mystères et de facéties. Le grain 50’s de l’ensemble donne toute sa pureté à cette espèce de road-movie. www.moriartyland.com
“Je r etiens ton souffle”
“Happy hour”
“Onze h30”
(Monospone / Differ-Ant)
(No Watt / Mosaic)
(Prikosnovénie)
Derniers mots prononcés : “On inventera un décor”. Il est pourtant bel et bien planté dès le titre d’ouverture. Sans faire dans le concept, Jean-Michel Chabrel (chant, guitare) et Jérémie Guiochet (guitare, clavier) se posent avec ce premier album en artisans réfléchis d’une pop-électro-rock racée et élégante. Ce genre de groupe à l’univers fort : Tanger, Di Maggio, Colder, Jull, Diabologum… Comme ces derniers, Novö est née dans la ville rose. Il partage également cet art de l’autopsie du quotidien, de l’analyse des sentiments, restitués sur un mode déclamatif. Les mots ne portent pas à sourire et offrent des formules qui claquent (“On avance en reculant. Toujours la tête la dernière. Le bien est l’ennemi du mieux. Je me sens étranger étrangère.”). Ces constats cliniques pourraient plomber, mais il n’en est rien tant ils sont contrebalancés par des guitares tournoyant en apesanteur, des sons électro aquatiques ou aériens, une rythmique alerte… Du sens et du son. www.novomusic.fr Bruno Aubin
Après avoir fait leurs armes chez les fanfarons, des Fils de Teuhpu à Tarace Boulba, les sept musiciens de No Water Please n’ont cessé d’élargir leur spectre musical à tout ce qui groove. Depuis leur inaugural Tolchoke en 2001, la formation a digéré ses diverses influences pour créer un style bien à eux, toujours emprunt toutefois de l’esprit des brass band de la Nouvelle-Orléans. Preuve en est ce troisième opus. Si les cuivres (sax, soubassophone, trompette, flûte, trombone) sont toujours de la partie, Jessy Luis a intégré les sons et scratchs de sa platine donnant une fragrance hip hop délicieusement funk à trois des quinze titres de l’album. Les voix de Laurent, Nidal, Eric et François s’invitent également sur quelques plages. Le mot d’ordre de ce nouvel opus est bien celui du mélange et du voyage. Les amateurs de swing, afrobeat, jazz, rock, ska, dub et funk, devraient trouver leur compte sur cette Heure joyeuse musicale. www.nowaterplease.fr
Il n’est pas encore tout à fait minuit et on est loin d’être endormi. Notre “juke-box mental” se met en marche. Ca commence par une valse de Tiersen ou une boîte à musique de Pascal Comelade. Mais la comptine s’enraye et on plonge dans un délire de guitares, de rythmiques ska ou dub. Tim Burton prend le pouvoir. La bacchanale s’organise. Les satyres pourchasses des nymphes pas si farouches. Les accordéons s’invitent dans ce grand bal démasqué… Clémence Bloch, la chanteuse de ce groupe qui joue de l’autre côté du miroir, tient parfaitement son rôle au milieu de cet océan de sons contradictoires. Son chant puissant, violent ou doux fait ressortir ces textes oniriques (Onze h30, Outrageante) qui séduiront les gogoths, les anciens cold wave, les amateurs de mélodies pop, de chanson française… Un vrai groupe totalement crossover, un brin dandy. Onze h30 cultive son étrangeté pendant que l’on refuse de s’endormir tant que ce CD tournera. myspace.com/onzeh30 Eric Nahon
Béatrice Corceiro
Caroline Dall’o
58
MENDELSON “Personne ne le fera pour nous” (Rec-Son) De ce groupe on avait gardé l’image vaporeuse d’une branlette intello. Grossière erreur, c’est le kamasutra des obsédés textuels. Ce double album de Mendelson est d’une force narrative rarement entendue. Le titre 1983, une épopée de 11 minutes qui fait penser à du “slam chanté”, en est une parfaite illustration. On finit ce morceau lessivé et groggy. La pop de Mendelson n’est pas sans aspérité. Elle vous immerge dans un bain de son hypnotique. Rythmes lancinants, rock sous tranxènes ou ambiances rudes et déprimées, Mendelson varie les climats de la brume à l’orage. On pense à Murat, Bashung ou Will Oldham. Et forcément… à Mendelson. Prétentieux ? Oui, sans doute. Arrogant ? Aussi. Mais d’un si bon niveau qu’on la ferme et qu’on écoute. Et ne pensez pas le trouver chez votre disquaire : ce quatrième effort, un chef d’œuvre, est uniquement disponible via leur site Internet. Si vous n’allez pas le chercher, personne ne le fera pour vous. Respect. mendelson.free.fr Eric Nahon
BRUITAGE
MONSIEUR Z
“Pr opagande de l’hybride” (Rockseed / Anticraft)
“Ouvrir les yeux, rester libre, refuser la norme, agir, devenir grain de sable dans l’engrenage”, un slogan qui annonce la couleur en ouverture de son site où l’on peut visionner son excellent clip 21-04-2002 (une date qui vous rappelle peut-être quelque chose si vous n’êtes pas encore complètement lobotomisés…). Quelque part entre le hardcore de No One, la chanson-électro de Prohom ce Monsieur Z, qui est en fait un quatuor de Franche-Comté, mené par JeanBaptiste Aebisher, invente une fusion ragga-rap-dub qui décoiffe ! Son univers textuel se rapproche du monde totalitaire que Costa Gavras décrit dans Z. C’est Fred Norguet qui l’a chapeauté dans l’enregistrement de ce deuxième album de 46 minutes en douze titres. Une bonne dose de rébellion intelligente et nécessaire pour éviter de sombrer dans l’indifférence et de baisser les bras comme nos dirigeants le souhaitent tant ! “Ouvrez les yeux, restez libre, refusez la norme…” www.monsieurz.org Serge Beyer
PAGANELLA
PARABELLUM
“J’ai pas vu la nuit passer”
“Si vis pacem”
(Pussy Deluxe)
(Discograph)
On sait dès les premières notes qu’on n’est pas chez Drucker. Le ton est brut comme le son, les mots claquent encore plus que les guitares et il ne faudra pas attendre le refrain pour comprendre que ce groupe n’est pas là pour servir la soupe. Delphine Audevard au chant et ses trois acolytes, nous réservent des refrains d’une évidence mélodique remarquable, au service de couplets, tantôt emplis de tendresse pour l’humanité, tantôt rudes et austères, à l’image des thèmes abordés : la chute du monde qui nous entoure, la façon dont l’homme l’envisage et comment la principale intéressée y vit et se débrouille avec ses congénères. Au détour des écoutes, les surprises se détachent : une perle pop ici, un délire halluciné là, de quoi enchanter les amateurs de rock, de sens et d’énergie, qui seront à coup sûr comblés par les prestations électriques du groupe. www.paganella.org
Doyen de l’esprit punk-rock alternatif des 80 aux côtés de Bérurier Noir, des Sheriff et des Rats, le quartet parisien a étrangement souffert d’une discographie sous-estimée. Pourtant Anarchie en Chiraquie, Saturnin ou leurs reprises musclées de Brel et d’Aristide Bruant sont autant de brûlots garants d’un savoir-faire inimitable. Leur nouvel opus n’échappe pas à la règle : invectives je-m’en-foutisme, recyclage d’une Nancy Sinatra sous testostérone (Bang Bang) et participation du tzigane libertaire Sanseverino. L’auditeur, même novice, y devine le clin d’œil… Et pour ce huitième album, Reuno (Lofofora) et Bruno Preynat (Mickey 3D) ont prêté main forte. Un album familial donc, qui ridiculise les récents revivals punk et autres édulcorés californiens. De quoi donner envie de remettre du Rancid, Motörhead ou Los Carayos dans son mange-disque. Le volume à fond, crête improvisée sur le crâne, à pogoter seul devant sa glace. Yeah !!! www.myspace.com/parabellumfr
PP
Samuel Degasne
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BRUITAGE PUSSE
REDBONG
BEN RICOUR
“Gute nacht”
“La France qui…”
“Ton image”
(Mon Slip)
(Facto)
(Warner)
THE RONNIE ROCKETS
Imaginez un espace fumeur d’aéroport débordant de cigarettes et de cendres froides. Eh bien Pusse possède cette voix-là. Entre Tom Waits et Pascal Comelade, l’univers rauque de Mika Pusse nous entraine dans un sabbat fou et furieux peuplé de cauchemars rouillés. C’est noir comme dans une cave fermée à clef, perturbant comme une promenade de nuit en forêt (alors qu’on est poursuivi par des zombies). Côté musique, tout est dans le décalage et la dissonance. Des rythmes venus de nulle part se fracassent contre une voix de cendrier. Une diva lyrique éructe quelque chose en allemand. Un accordéon violent, des cuivres déments. On se croirait dans le cabaret de Twin Peaks. Pusse heurte volontairement les oreilles et il faut parfois sérieusement s’accrocher. Sa musique est exigeante et c’est souvent à l’auditeur d’interpréter ce qu’il entend. Mais on est récompensé par un souffle épique réconfortant. L’équivalent musical de Francis Bacon. Pas moins. pusse666.free.fr Eric Nahon
Le titre exact du deuxième opus de ce posse de StEtienne, c’est : La France qui se lève tard… et qui t’emmerde ! Besoin de sous-titre ? Côté famille, nous sommes dans le hip hop à tendance électro, voire chanson. Un peu de Java dans le chant, d’Assassin ou de Beastie Boys dans la rébellion, de MAP dans la construction textuelle et dans l’humour, et beaucoup de l’esprit de leurs homologues québécois, les Loco Locass. Cet explosif cocktail, engagé et enragé, passe au crible notre monde parano et réactionnaire, s’inspire musicalement du rap basique qu’il pimente de samples électro efficaces. “Bienvenue dans mon monde, un monde d’abrutis où l’apparence prime, un monde de blaireaux où le dernier des tocards est un héros… Putain y’a des claques qui s’perdent !” Et dans leur monde, des amis passent leur prêter main forte : High Tone, Marcel Bellucci, Agent 202 & DJ Drop, Karlit & Kabok, The Real Fake MC… www.redbong.net
Chanteur et guitariste, Ben(jamin), biberonné au punk, a fait ses premières armes dans la musique en duo rock (Arturo Pastor) spécialisé dans les reprises, a passé une nuit entière à jouer avec Jacques Higelin lors d’une fête de la musique. Et si aujourd’hui il rêve encore de bosser avec Bashung ou Feist, il a orienté sa carrière vers la chanson-pop à guitare. Belle gueule, chansons bien balancées, il lançait des clins d’œil aux filles sur son premier album solo, il oscille entre Souchon et Bazbaz pour son deuxième. Les mélodies entre poppy-soul et swing alternent guitares décontract et énervées, et les thèmes abordés surprennent : la condition planétaire sur Mammifère (“Loin de moi l’idée de faire la complainte du mammifère, à qui il manque un peu d’espèce. Cicatrices et lésion d’honneur, je les porte à l’intérieur…”), les racines (1/4 de sang), la mort (Alors t’es là)… et renoue avec le rock (S’cuse moi), histoire de boucler la boucle ! www.benricour.com
“That ain’t nothing but right” Une cavalcade instrumentale qui rappelle autant les Pixies que les westerns spaghettis ouvre avec brio l’album de ce trio de Besançon très rock’n’roll. Porté par une contrebasse enthousiaste, le chant groove façon rockabilly et swingue à n’en plus finir. On pense vite aux Stray Cats car ce trio énergique porte en lui le talent pour s’affirmer en héritier du combo de Brian Setzer. Suffisant pour avoir envie de ressortir le blouson Teddy, peigne et gomina en poche. Car ces douze titres ne laissant guère le temps de souffler, si ce n’est pour écouter la jolie intro de Lonesome boy ou caresser un langoureux Dead end street avant de retaper la corde de plus belle. A ne pas manquer, Slinky, la belle reprise slappée (et jappée) du guitariste Link Wray, décédé en 2005, et un dernier titre flamboyant : Ghostly sleepwalkers. Keep on rockin’, donc. theronnierockets.free.fr
Serge Beyer
Serge Beyer
Patrick Auffret
(Magic C / Discograph)
TENDER FOREVER
LA TERRE TREMBLE !!!
TETARD
VALIER
“Wider”
“Trompe l’œil”
“ F a u d r a f a i r e avec”
“Valier”
(Vicious Circle / K Rec. / Discograph)
(Whosbrain Records)
(Pias)
(La Blanche Production)
La demoiselle a fait du chemin, après avoir déjà conquis quelques cœurs sur les scènes d’ici et d’Amérique, grâce à son heureuse aventure avec la mythique maison K Records. Elle enchaîne déjà douze nouveaux morceaux sur un deuxième album. Dans Tiny heart and clever hand, beats, claviers, harpe et la voix de Mélanie s’emmêlent dans un délice passionné, clair et attachant. Les titres s’envolent dans des ambiances différentes, à chaque fois liées par les diverses pistes de voix superposées pour multiplier les harmonies. Folk pur version guitare-voix (I’m so tired, So we could deal), piano ou électro flottante. Les textures minimales et intimistes dominent, dans le mélange d’une culture pop influencée par des productions passées au vernis (In the backyard) et par des combines hip-hop. A point pour l’univers animé de l’artiste, conteuse qui conjugue paroles naïves et coquines. myspace.com/tenderforever
Nulle secousse n’accompagne peut-être la sortie de ce disque, mais attraction certes il y a. La Terre Tremble !!! se nourrit des failles et autres territoires musicaux improbables. Son matériau de prédilection ne puise pas dans les mines d’or de l’indie pop, mais s’enrichit de matière organique. Bien vivant et sans afféterie, Trompe l’oeil construit ainsi un univers électro post-rock où les panneaux d’indication ont en fait peu ou prou d’importance. Tout juste pourra-t-on évoquer l’influence pataphysique d’un autre esprit délirant, Robert Wyatt, notamment sur Jargon del cabal-errant. Pas de grain de folie cependant dans ces curieuses mélodies, mais une douce divagation. Cet album (le deuxième) s’attache ainsi à porter aux nues toute une fantasmagorie décalée. whosbrain.free.fr
On avait pris son premier album comme un atémi en pleine figure. La comparaison avec Miossec et les autres neurasthéniques du rock (Mickey 3D, Louise Attaque et Noir Déz’ en tête) était flagrante mais pas dérangeante. Faudra faire avec, troisième disque de David Tetard, enfonce le clou dans la veine “chanson rock” (quel horrible terme !), accompagné du bassiste de Tarmac et du batteur de Vegomatic. Ce songwriter à la voix feutrée est toujours aussi rentrededans. Les amours ne sont pas toujours heureuses. On y passe parfois pour un con et on finit seul à quatre heure de mat’ dans son lit… Les sentiments sont crus et les textes vous prennent à la gorge pendant qu’une guitare insidieusement rock vous chatouille les oreilles. On a parfois l’impression que tout l’album est basé sur la déclinaison de Les bières d’aujourd’hui s’ouvrent manuellement de Miossec, mais le Tetard est beaucoup plus malin que ça et s’émancipe élégamment de ses influences revendiquées. www.myspace.com/tetard Eric Nahon
Seul à la guitare et à l’harmonica, ce Rennais devenu Brestois, pas né de la dernière tempête, nous crache quinze chansons rageuses, rugueuses, fougueuses et ravageuses. Chez lui, le blues s’écrit “blouse”, du verbe “blouser” : induire en erreur, abuser. Il nous l’assène à toute vitesse, à grands coups d’accords brutaux, de riffs sauvages, de textes incendiaires. Son imparable voix grave n’en finit pas de nous poursuivre, nous hanter, nous posséder, nous consumer… Tout est intense, urgence, extrême. Loin des modes et des enjeux, l’homme, excentrique et solitaire, s’expose à vif, fait du rentre-dedans. On se sent bousculé, culbuté, terrassé ; on n’en sort pas indemne. On reste “sur le cul” et on en redemande : ça fait du bien, c’est salutaire. Pour mieux cerner le personnage, on lira, sur son site, ses “combats”, suite d’interviewes finement menées, lucides, acides et désarmantes. valierexperience.free.fr
Vincent Michaud
Béatrice Corceiro
60
Elsa Songis
CHARLINE ROSE
BRUITAGE
RROSE TACET
“A genoux”
“I hear d y o u l o o k i n g ”
(AMC / EMI)
(Bizarre K7 / Cod&S)
La dame au joli tatouage en forme de papillon a bien roulé sa bosse depuis sa naissance à Bruxelles. Tour à tour comédienne, actrice, présentatrice télé, elle fait des rencontres déterminantes (PJ Harvey, Calexico, Brian Molko…) qui la mènent vers la chanson. C’est ici son deuxième album, signé, comme le premier, par Jacques Duvall (parolier) et Fred Momont (compositeur). On pense à Isabelle Mayereau, pour la voix, élégante et posée, pour les thèmes d’inspiration, les hommes, les femmes, l’amour (souvent déçu) et pour l’orchestration, sobre (guitare sèche, piano), sensible et lumineuse. Une sensation de “déjà entendu” somme toute très agréable, jalonne notre écoute, et pour cause : Où vont les fleurs est une chanson de Pete Seeger, Protège-moi, une reprise de Placebo. On croise, à cette occasion, la guitare électrique du Baron. Le duo avec Christophe Miossec, De toute manière, est tout particulièrement réussi. www.charlinerose.com
Voilà un album magique qui vous emmène loin dans des contrées brumeuses peuplées d’êtres invisibles qui susurrent des textes hypnotiques. Le duo parisien frappe fort avec son premier opus qui dévoile un réel talent de créateurs d’ambiances sonores. La recherche de sons, bidouillages enfantins et guitares cristallines sont les caractéristiques de ces sept morceaux folk planants. L’ombre de CocoRosie plane avec le toy piano et le mélodica, mais l’œuvre ici est volontairement plus simpliste. Point de mélodies qui balancent, point de refrains mais des airs entêtant comme des litanies. Les deux comparses mettent en musique leur monde poétique et même la pochette, esquisse d’un visage en noir et blanc, semble inviter au voyage. Et si c’était ça la science des rêves ? Fermez les yeux, embarquement immédiat. Après un passage en Allemagne, le groupe sera au festival BBmix le 20 octobre prochain. myspace.com/rrosetacetmusic
Elsa Songis
Isabelle Leclercq
CHRISTEL VARS
WENDY CODE
“Animal sense”
“Am I snowing ?”
(La fille du vent)
(MVS Records / Anticraft)
Quel bon accent anglais, direz-vous… Normal, Christel a passé son enfance aux Etats-Unis et a vécu à Londres. Sur ce premier album rock, la belle offre des riffs de guitares qui balancent et y pose une voix malicieuse tantôt enfantine tantôt sauvage, non sans rappeler PJ Harvey. Le trio basse-guitare-batterie fonctionne très bien avec ses accords un peu “sales”, car la demoiselle ne fait pas dans la pop gentille et l’assume. Les rythmiques sont toujours travaillées et amènent ainsi une tension forte aux mélodies. Certains morceaux sont plus doux (le piano, c’est elle) et mettent sa jolie voix en valeur, créant parfois une ambiance plus intime et un brin nostalgique. Tel un Dylan, elle met en scène des histoires dans la tradition folk. Christel Vars est une belle découverte qui envahira certainement nos ondes prochainement. www.christelvars.com
Il y a tout d’abord cette pochette étrange, au paysage montagnard d’opérette, avec ces inscriptions sur les massifs laiteux du fond - on y distingue le mot “musique” - et puis ces gyrophares orange, alignés au milieu d’une prairie. Au premier plan, une fille brune, un œil caché, semble perdue, un peu choquée. Dans le ciel bleu, le nom du groupe est écrit en blanc, avec cette question incongrue : Am I snowing ? “Est-ce que je neige ?” L’univers est planté, fantastique, onirique, borderline. Le trio d’origine marseillaise crée une musique inclassable, insaisissable, aux compositions riches et élaborées, proches de l’opéra rock. On y sent l’influence de Goldfrapp, Blonde Redhead, Garbage, Archive ou Radiohead. On plonge dans la rêverie dès le premier morceau, Lethargic lovers, on retrouve le dance floor des 80’s avec Poupée de nuit, on reconnaît l’hymne anglais dans Colour of a Rimbaud. Le tout s’écoute avec délectation. www.wendycode.com
Isabelle Leclercq
Elsa Songis
61
BRUITAGE EN BREF
AMELIE DELANGE “A vol d’oiseau” (Autoproduit) C’est avec cette voix susurrée, sans cesse sur la rupture et à peine muée, que la jeune chanteuse nous livre un premier album tout en simplicité, après trois ans de travail avec Yann de Paris. L’artiste bataille du côté de Charlotte Gainsbourg, avec une même mine timide et innocente. Léger et doux, son répertoire fait dans l’épuré et l’intime, frôlant une spontanéité parfois maladroite, mais sincère. amelie.delange.com SD EDOUARD DESYON “L’essentiel” (Exclaim) Quelqu’un qui écrit “A ma montre il est l’heure de l’essentiel”, qui remercie Andy Warhol à la fin de son album et déclare “Maybe I’m from Mars” ne peut pas être foncièrement mauvais ! La voix est de rocaille, l’ambiance gainsbourrienne (surtout sur A bout de toi) et le tout est assez original pour séduire. www.desyon.com SB DOC PILOT “Doctor es putas” (Autoproduit) Leader et guitariste du groupe underground 80’s X Ray Pop (toujours en activité), Didier Pilot, multi créateur, nous présente son projet musical solo : 10 titres bidouillés et chantés en français, avec classe et désinvolture. Les rythmiques font dans la simplicité et donnent au tout un air de fête. Entre Sttellla (pour les synthés), Thiéfaine ou Dutronc (pour le phrasé). myspace.com/docpilotxraypop ES EL BOY DIE “How the way is long…” (Waterhouse / Musicast) Comme un hommage au Neil Young et son crazy horse, les arpèges délicats flirtent avec des voix au timbre tendrement vacillant, l’harmonica fait s’envoler la poussière, l’électricité fiévreuse surgit soudain, et Don’t kick the horse s’enflamme dans une chorale illuminée. El Boy Die entouré de ses amis (Cyann & Ben au premier rang) transmet le charme boisé du folk à l’état pur. www.elboydie.com BC KING KONG VAHINÉ “La ville est tranquille” (Anthropoïde / Birdy Birdy Partners) Le trio lyonnais a beaucoup écouté Dominique A : cela transparaît dans sa musique et dans ses textes. Il n’en reste pas moins des compositions sensibles et attachantes, chantées par Cécile et/ou Denis, rehaussées par une rythmique électronique fraîche et acidulée, programmée par Stéphane. On est happé par le récit des petites tranches de vie, séduit par la candeur de l’orgue Bontempi. www.kingkongvahine.com ES ALAIN KLINGLER “No culture” (Abeille Musique) La voix grave d’Alain Klingler renvoit ses propos intimistes dans un mariage déroutant avec une pop classieuse. Piano, cordes, cuivres et guitares, et quelques incursions électroniques discrètes, des arrangements orchestrés par Etienne Dos-Santos (Melk, Rien). La chanson est un peu noire, mais non dénuée d’humour, avec des décalages étonnants. Une succession de titres singuliers. www.alainklingler.net BC HERVE LAPALUD “Invendable” (L’Autre Distribution) Dans la lignée chanson tendre et poético-humoristique (à la Gérald Genty), Lapalud serait baladin au Moyen Age, promenant sa joie de vivre de châteaux en domaines, histoire de rendre l’humanité plus légère. De nos jours, il a Internet, le CD et les concerts pour nous visiter, et le statut intermittent pour survivre… hlapalud.free.fr SB MYPARK “Mypark” (Le Grand Bag / Differ-Ant) Mi-yung et François Pavan cultivent leur jardin musical avec passion, y faisant pousser des fleurs vénéneuses, sulfureuses, à la beauté sombre et troublante. Leur musique électronique, dense, capiteuse, bien charpentée, regorge de guitares et de synthés. Out of control, Chinese box, What for ever nous ensorcellent et nous entraînent irrésistiblement vers la piste de danse. myspace.com/mypark ES RIO CINEMA ORCHESTRA “Shawnee guitars, indian cigars & gypsy stars” (Autoproduit) En quelque sorte, le quintette customise le swing, le blues et le jazz des origines, en le “salissant” d’une exécution rock garage qui ne s’assume pas complètement. La production de l’album ne rend pas justice à ce projet instrumental (on a l’impression d’une répét’ captée), mais les ingrédients sont en place (guitare Fender et orgue au premier rang) et doivent sûrement trouver leur plein éclat sur scène, dopés par une énergie supplémentaire. BA THIERRY ROMANENS “Le doigt” (Dessous de Scène) Il chante : “On n’est pas sorti d’l’auberge quand on voit ce qui émerge !” (l’un des meilleurs titres de son nouveau CD), aussi il préfère “repeindre le ciel” et “naviguer aux étoiles”, et on le comprend ! Pire, on embarque dans son voyage poétique et drôle à la fois. Mieux encore, on ne le rate pas sur scène, où il excelle. Un grand bonhomme, et pourtant, un p’tit Suisse ! www.romanens.net SB SARCLO “Sarcloret” (Kiui) Cet auteur-compositeur-interprète suisse-romand à tendance chanson-folk (un mix de Gilbert Laffaille et Pierre Perret), balance la plus subversive des chansons sur la Suisse. Mais tout le monde en prend pour son grade (Pierre Bachelet, les saintes nitouches, le tabac, mais surtout l’homme, vous, moi…) dans son nouvel opus qui devrait séduire les fans de Charlie Hebdo… ou de notre “Ca gave” !!! www.sarclo.com SB
TCHAO PAÏ PAÏ “Connect-it” (Autoproduit / Mosaic) Afin de ne pas trop subir les écueils de la classification AOC “novo dub français”, basée sur les High Tone, Zenzile, Lab° et autres Impro Dub, TPP trouve des échappatoires en allant fouiner dans le jazz, l’ambient, le hip hop, l’électro… La fibre change, mais le tissu reste homogène, le plus souvent sombre car le groupe affectionne les ambiances froides et pénétrantes. Et c’est encore mieux en live ! tchaodub.free.fr CM [T]ÉKËL “Singles 2003-2007” (Initial Cuts / Discograph) Du dancefloor intelligent, mais pas trop, des maths appliqués à respecter le rythme binaire, ça n’est pas si courant. Suffisant en tout cas pour parler de cette compile de maxis de [T]ÉKËL, duo composé notamment de Julien Briffaz fondateur du label Brif (Ark). Légèreté et musicalité dans l’électro dark. myspace.com/tekelmusic VM ANNE CARDONA “Je déteste le rose” (Autoproduit) La brune Parisienne fait des chansons piquantes, tendres, drôles : en voici quatre. Outre son horreur du rose et son goût pour les rimes en “ac”, elle adore les histoires d’amour. Une voix grave peu banale, sachant monter dans les aigus, des résonances indiennes, un esprit rock : une formule séduisante à découvrir sur scène (La Comedia) d’octobre à février. EP 6 titres à sortir. myspace.com/annecardona ES APPLE SHIFT (Autoproduit) La production est léchée, les arrangements pointilleux, l’écriture sobre et charmeuse… Dans les grandes lignes, on sent l’influence du rock anglais et de la pop belge, mais ce quatuor a “le p’tit truc en plus” qui le rend convaincant. En permanence sous tension, et surtout servies par un gros son maîtrisé au détail près, ses sept compos laissent présager un avenir glorieux. appleshift.free.fr CM CURRY AND COCO “They said “Who’s next ?”… We say “us!”” (Autoproduit) Ca respire le bordel organisé, l’influence belge est évidente. Normal, le duo vient de Lille, à quelques encablures de la frontière. Leur électro-rock est nourri de gouailles britanniques et de beats flamands, le tout saupoudré d’une bonne dose de déjante. Une performance trash et minimaliste, aussi barrée que Petit Voodoo, efficace comme du White Stripes et portée par une rythmique obsédante. myspace.com/curryandcoco PA DOLLARS “Hangovers/headaches” (Autoprod.) Rock foutraque, déhanchements énergiques et décalés, chœurs hantés, mélodies élastiques, nonchalence feinte. Avec la voix particulière d’Eric (ex People on holiday) pour mener l’ensemble, c’est un véritable petit monde de l’indierock américain qui souffle dans les veines du combo bordelais. Toujours bien aiguisé, du titubant Psychoholics, au funeste The sinisters. myspace.com/dollarsband BC MRS CHAN, MR CHOW, MISS (O) “Beat is our ins piration” (Autoproduit) Ce trio de post-rock s’extasie dans un univers poétique instrumental. Des nœuds dramatiques, des amplitudes gorgées de mystère, et des envolées nerveuses finissent par se transcender dans des éclats bruitistes. Il suffit ici de trois ingrédients : piano, violon et batterie mettent librement en lumière des paysages bouillonnants. myspace.com/chowchan BC QUIDAM (Naïve) Lancé dans la grande course pop rock depuis 2004, le trio de Clermont-Ferrand passe à la vitesse supérieure grâce à un contrat chez Naïve et un premier EP guitares en avant. Avec Niek Meul (Das Pop) pour chef d’orchestre, Quidam parvient à élaborer des mélodies puissantes et soignées, qui empruntent leur rage au rock et la finesse de leurs textes à la pop. Entre force et délicatesse, les prémices d’un album prévu pour 2008. myspace.com/quidamfr YG SHERAFF “I’m a rat” (Blast Off) Le combo parisien se révèle particulièrement efficace en revendiquant une énergie vicieuse et furieuse. La ferveur noire et psychotique résonne au fond des amplis, quelque part entre les Stooges et les Kinks. A coup de riffs de guitares aux sons 70’s, avec de l’humour dans les textes, un rockgarage moite et sexy prend corps autour des mélodies. www.sheraff.com BC TWELVE CODE “12c” (Autoproduit) Etonnant duo manceau. Cyesm compose une musique sombre, aux croisées du dub, du rock et de l’électronica. De l’autre côté du miroir, Juhelart s’emploie, avec ses vidéos expérimentales, à lui apporter un reflet visuel. Cette démo constitue un bon sésame pour aborder leur univers, avec des vidéos et six titres parfaitement réalisés. Une forte identité à suivre de près. myspace.com/twelvecode RA VALE POHER “Ep#1 3x2” (BlogUp Musique / Kitchen / Pias) Un an après Mute, son premier album (LO n°34), l’artiste lyonnaise revient avec un maxi plus électrique. Exit le dépouillement sec de l’acoustique, les guitares saturées se superposent en un vacarme intense mais précis. Les trois compos présentées donnent lieu à autant de remixes, proposant ainsi une intéressante relecture électronique de morceaux purement rock. Fort captivant. www.valepoher.com RA
MAXIS
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IMAGES
COPINAGES.COM PUNK EN KIT. “Du “punk” minimaliste entre Sttellla, Ludwig et Didier Super… C’est nul de donner des étiquettes, ça peut effrayer aussi”, m’écrit Bob. Alors on jette une noreille et un nœil sur www.lesboumbomos.eur.st, avec la crainte d’être effrayé. Pas du tout, on tombe sur un site riche en contenu, décalé, du “premier groupe musical qui chante”. On peut quasiment écouter toute leur discographie ! Effectivement, Les Bérus ne sont pas loin quand on écoute leur Boulangerie, hommage parodique au mythique Porcherie. Une ode à Dana Scully (on les comprend). Ca le fait vraiment ! Une vidéo sur myspace.com/lesboumbomos.
WWW
DVD
MYSTERE. Jneb a disparu… Des journalistes mènent l’enquête sur sa disparition sur le site www.jneb.fr. L’artiste est scénariste et réal, et il s’amuse comme un petit fou sur son site. Ce serait dommage qu’il le garde pour lui tout seul. Surtout qu’il y a PLEIN de trucs en téléchargements gratuits dessus. Pour écouter ses morceaux rock entre rage et lyrisme : myspace.com/jnebideoetebats
LES VILAINS CLOWNS (Skalopards Anonymes / Mosaic) www.lesvilainsclowns.com
SAMPLER. The Brimms font du rock depuis 2002. Ils chantent en anglais. Leur site est simple et fonctionnel. Une fonction juke-box permet d’écouter des extraits de leur poprock efficace. www.thebrimms.com
en perpétuelle recherche n’aimant rien de mieux que varier les styles abordés : rock, no wave, free jazz et voie personnelle. En bonus, un concert cultivera vos tweeters, tant le volume sonore se doit d’être à fond pour percevoir tous les embranchements de cette musique. VM
Du punk-rock sans concession, des maquillages à la Joker / Nicholson dans Batman, mais qui dégoulinent de sueur, des titres premier degré (“Une putain d’sale nuit”, “J’ai mal au genou”, “Les filles faciles”…) des pogos dans la salle, des approximations qui font tout le charme du live, une énergie qui ne tarit pas, bref, une sorte de “tout-à-fond-tour” prouvant que la flamme du rock’n’roll n’est pas prête de s’éteindre ! Et puis 45 minutes de bonus qui racontent l’enregistrement du disque, car il s’agit là d’un CD / DVD, des live en guitare acoustique pour des émissions radios, la séance de maquillage, la vie en backstage, les répét’, le camion de tourGUERILLA POUBELLE, née, le vin blanc et les huîtres sur le bord LEPTIK FICUS, BLURP !… de l’autoroute… bref, la vie d’un groupe “En concer t” rock ! SB (Skalopards Anonymes /
RETAPE. Je ne les connaissais pas, mais l’article dans le dernier L.O. m’a donné envie d’écouter Rien. Je fonce sur www.amicale-underground.org et télécharge gratuitement les deux albums du groupe. C’est pas du post-rock, c’est encore mieux. Une version moderne et flamboyante du Floyd. Du coup, j’ai acheté les albums physiques (12 et 13 euros) et je suis plus heureux. On peut même leur faire un don en ligne ! CHIC ET SPORT. Ils ont été énoooorme à Rock en Seine. Ils ressortent les raquettes en bois, les synthés analogiques et les guitares pianos. Leur lead guitariste joue comme Eddy Van Halen. Foncez découvrir Housse de Racket sur www.club-housse.com. Le site est élégant. C’est une plongée en flash dans leur monde bourré d’humour. On y trouve photo dignes d’être publiée dans Paris-Match, des petits jeux bien marrants, des fonds d’écran pour les plus fans. Et bien sûr, du son (aussi sur myspace/houssederacket). GENERAL. Un guitariste traumatisé par les guitar-heroes des 70’s (Knopfler, Gary Moore, Hendrix…) nous propose des compos sans années 80 dedans. Les styles sont plus divers et s’émancipent des influences des maîtres. Pour les guitar-addicts, c’est la classe ! myspace.com/romainbigeard FRANCO-BELGE. Le groupe Applause veut des claps de main. Leur MySpace n’est pas spécialement transcendant, mais leur musique sobre et crooneuse… myspace.com/weloveapplause DE-BLOG. Si vous voulez voir la tête de notre révéré rédacteur en chef, foncez sur lequabel.centerblog.net. Un pied en France, l’autre au Québec, Serge Beyer nous régale de ses chroniques parfois aussi planantes que ses éditos (et c’est pour ça qu’on l’aime). Il y est aussi question de la mort de Spectrum, la salle mythique de Montréal, ou de celle de son père. C’est émouvant et drôle. Mention très spéciale pour le play-back vidéo sur Damien Robitaille ! Néric
Mosaic)
Cinq combos rock sur un CD / DVD, voilà une bonne idée ! Pas le temps de s’ennuyer et l’occasion de faire des découvertes. Au menu : . Radio Bistrot, qui, malgré son pseudonyme, devrait dépasser la renommée des comptoirs avec son rock d’inspiration Stray Cats fort bien troussé. . Blurp !, un bon trio rock mélodique où tout le monde chante, offre des morceaux bien foutus qui mériteraient amplement de dépasser le milieu de l’underground. . Leptik Ficus, les plus jeunes de la bande, qui n’inventent rien dans le punk en poussant le chant à l’extrême pour des titres parfois légers (Hey conard, Surgelé), ou en MARC RIBOT rotant leur bière dans le micro. Ca tombe “La cor de perdue” vite dans le cliché du genre, dommage… (La huit) www.marcribot.com . Les Vilains Clowns qui proposent ici sept Note libre dans un monde musical où le titres de leurs DVD (voir plus haut). carriérisme domine, Marc Ribot se voit sujet . Guerilla Poubelle qui s’énerve, saute parde documentaire par Anaïs Prosaïc. tout, pour un rock qui n’a rien à jeter aux Procédant par tableaux plus que par une vidanges, et qui enflamme à juste titre un réelle construction, il évite judicieusement le public juvénile… et pas forcément à piège de l’hommage pompeux. L’homme crête ! SB
Vos spams, je les méprise. Vos liens, je les prise :
copinages@longueurdondes.com 63
ZONE LIBRE
Raphaël Lugassy
ILS NE FONT PAS DE MUSIQUE, MAIS ILS EN VIVENT
Jean-Louis
Piérot “I
l y a les connaisseurs et il y a les vrais connaisseurs”, disait Franz Liszt. Ces derniers s’intéressent autant, voire plus, aux hommes de l’ombre qu’aux vedettes. C’est le sens premier de cette rubrique ! Par exemple, ils scrutent et épluchent les livrets des disques pour y découvrir le nom du photographe, du graphiste, le nom des musiciens, le studio où a été effectué l’enregistrement et… qui a réalisé l’album. C’est ainsi qu’ils découvrent que, tout comme Renaud Létang, Ian Caple et Jean Lamoot, Jean-Louis Piérot fait partie des réalisateurs artistiques les plus recherchés. Né en 1965, celui qui formait avec Edith Fambuena le mythique duo Les Valentins (quatre albums entre 1986 et 2001), tente de définir son rôle : “C’est assez flou : il s’agit en fait de mener à bien un projet au niveau technique et artistique. Cela implique de choisir les musiciens, le studio, et de définir un son toujours en accord avec l’artiste, bien sûr. Le côté humain est prédominant.” Ce qui se dégage de ses propos, vu son impressionnant parcours (il a collaboré avec Daho, Bashung, Jacno, Dani, Daniel Darc, etc.), c’est son côté profil bas et son humilité. Il cherche surtout à
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mettre en valeur l’artiste : son travail tient de la maïeutique. Récemment, Miossec, Renan Luce, Yves Simon (dont le très bon nouvel album, n’en déplaise à ce cher Guy Carlier, sortira en octobre chez Barclay) et Ludéal (dont le premier album promet beaucoup) ont fait appel à ses services pour réaliser, arranger et jouer des claviers sur leur CD. Actuellement, un nouveau projet le motive au plus haut point : avec son complice ingénieur du son Philippe Balzé, Jean-Louis Piérot va créer son propre label en reprenant le studio de -M- au Père Lachaise, pour y développer des projets atypiques et pallier une carence de l’industrie actuelle du disque. “J’entends régulièrement parler de projets intéressants qui ne voient pas le jour, faute de moyens. Nous voulons leur donner leur chance en jonglant peut-être avec les disponibilités du studio : il faudra se montrer réactif.” Parmi les premières signatures éventuelles, le projet du photographe Nicolas Comment et le projet perso de JLP en personne : “Cette idée revient sans cesse : un vrai serpent de mer.” On a hâte d’écouter… Jacques Kasbi Absolute Management : 01.47.00.79.79
ZONE LIBRE
Pierre Wetzel
ILS NE FONT PAS DE MUSIQUE, MAIS ILS EN VIVENT
L
e siège social de Cultura est basé en province ! Eh oui, le centre du monde n’est pas forcément toujours parisien ! Et c’est à Bordeaux que les initiatives de la chaîne de disquaires sont prises par deux passionnés de musique.
CULTURA
magasins est équipée d’une scène sonorisée pour favoriser les showcases), et c’est le lieu d’expression privilégie pour la scène locale : dépôt-vente, autoproduits, distribution Deux têtes pensantes sélective, partenariats…” Et de l’enseigne Cultura dans le marché du disque pour inventent une opération pour le moins morose ces temps-ci, booster la scène française. ils restent confiants : “La balle Jean Luc Treutenaere (à droite est dans le camp des consomUne initiative de sur la photo) est “un peu musimateurs. Nous avons ouvert passionnés à saluer. cien, bassiste dans quelques trente-huit magasins et nous groupes de blues, rock et jazz bordelais.” Il a été responsable du continuons à en ouvrir : donc nous croyons à l’avenir du commerdépartement disque à la Fnac avant de devenir en 1998 le premier ce traditionnel de proximité.” collaborateur de Cultura (“Parce qu’il y avait tout à créer : c’était l’opportunité de synthétiser toute mon expérience au profit d’un Après avoir lancé des opérations comme “Ma région est forminouveau projet.”). Aujourd’hui, il est Directeur des produits édi- dable” ou “La rentrée musicale” (clin d’œil à la rentrée littéraire), toriaux (livre, disque, vidéo, multimédia, presse, billetterie). Ses ils mettent en place tout le mois d’octobre une grande “Opération goûts ? “La musique qui prend des risques : de Soft Machine à Scène Française”, qui regroupe trente albums coup de cœur : Sonic Youth, en passant par Zappa et Sun Ra, mais aussi les “L’idée c’est de retracer les dix dernières années de scène frangrands songwriters (Bashung, Murat, Dylan, Cohen, Neil Young, çaise qui ont su fédérer un public de plus en plus nombreux et Greg Brown…), les groupes anglais des sixties (Kinks, Who, Small fidèle. S’appuyant sur les expériences du mouvement rock alterFaces…) et je collectionne tout sur Robert Wyatt !” natif dont la Mano Negra est le plus célèbre représentant, les artistes de cette scène ont repris à leur compte diverses Yves Girard, lui, est depuis douze ans dans la distribution de pro- influences : la chanson “des anciens” (Brel, Ferré, Brassens), duits culturels, dont cinq chez Cultura, enseigne qu’il a choisi celle des “grands frères” (Lavilliers, Renaud, Higelin), mais aussi pour sa “volonté d’être proche des gens, d’offrir des produits cul- la poésie à travers des reprises de Baudelaire, Prévert, Aragon… turels sans dogme, pour sa capacité d’évolution aux rythmes des L’exigence de la scène alliée à celle de l’écriture a construit des changements et pour garder contact avec l’artiste qui est le artistes très matures dotés d’une forte identité qui constituent centre du débat.” Ses goûts musicaux vont “de Loïc Lantoine pour une véritable famille reconnaissable malgré leurs différences le nord à Mahmoud Ahmed pour le sud !” Son album du moment : musicales.” Chaque année aura un artiste ou un groupe phare le live de Laurent Garnier. révélé, plus une sélection : ainsi, 1997 sera l’année Têtes Raides, avec comme autres albums révélations La Tordue, Les Ogres de Pour ces deux grands enfants qui s’enflamment sur le disque de Barback, Yann Tiersen, -M-, Bénabar, Paris Combo, Matmatah, Renan Luce et qui peuvent passer des heures à poser des ques- Thomas Fersen et Louise Attaque. Au fil des années défilent Tryo, tions sur tous les festivals du monde qu’ils rêvent de découvrir. Manu Chao, Cali, Tété ou encore Grand Corps Malade… Bref, de “Cultura est un magasin dans lequel on trouve encore un vrai dis- quoi se refaire une belle CDthèque à prix réduit ! quaire où toutes les tendances sont représentées, un lieu où un Serge Beyer peut écouter de la musique (nombreuses bornes, la plupart des www.cultura.com
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CA GAVE HUMEUR & VITRIOL
L’émission lacrymale (mais esthétique, inutile de vous moucher bruyamment) est devenue de bon ton, la sensiblerie la plus vulgaire enthousiasme le péquin moyen qui, devant l’étalage de ces éjaculatoires bons sentiments, ne peut à son tour que se mettre à sangloter en se félicitant de voir à quel point on est tous ensemble de petits êtres compatissants et profondément humanistes, prêts à pleurer sans rien faire d’autre devant son prochain dans la misère, d’autant plus facilement que celuici fait au moins l’effort d’être noir mais loin, boiteux mais pas bossu, difforme mais pas repoussant, pauvre mais pas agressif, voire cadre à GDF. Suite à quoi il se resservira du poulet-frites en triturant d’une main distraite le poitrail abondamment développé de sa charolaise ménagère en lui disant que comme c’est dimanche, on pourrait peut-être s’emboîter dans un malheur cathartique et propitiatoire. De nos jours, on ne peut plus rire de tout de peur d’avoir à en pleurer, mais on doit pleurer de tout même s’il y a de quoi en rire. Il n’est plus une émission de télé où l’on ne nous serve à la louche les désespoirs cacophoniques et vulgaires de tout ce que le pays compte de soi-disant “victimes” (de qui, si ce n’est du monde auquel nous contribuons ?) qui viennent épancher leurs pitoyables malheurs dans les cerveaux ramollis de tous ceux qui se disent qu’après ça, “ben on est pas si mal lotis”. Ce n’est plus de la télévision, c’est une procession permanente du 15 août à Lourdes où le
© Roy Lichtenstein
S
’il est un signe évident de la pénurie d’eau qui nous guette et fait frémir d’horreur le buveur de boissons anisées et la grenouille de bénitier qui craint de ne plus pouvoir asperger de liquide béni son front fripé et ses pauvres seins ramollis (et vice-versa) en entrant dans les églises bien tenues, c’est bien le prix qu’atteint aujourd’hui la larmichette. Cette misérable goutte d’eau (chez certaines caissières de supermarchés hypersensibles et ménagères émotives, on arrive même à un petit filet… surtout lorsque la ménagère rencontre la caissière, auquel cas on dit que le filet est “à provision”), cette misérable gouttiche, disais-je donc avant que de faire de l’humour de supermarché, atteint aujourd’hui une inestimable valeur qui sert à coter son émetteur à l’argus de l’humanité. Si vous ne fondez pas abondamment en pleurs en regardant Plus belle la vie ou en écoutant les braiments de Michel Polnareff, on vous accuse aussitôt de n’être pas humain, d’être un impitoyable cynique ne pensant qu’à ricaner devant le tableau déchirant de l’humanité souffrante sans chercher à chasser les mouches qui s’agglutinent au coin des yeux des enfants du Darfour en envoyant votre chèque à “SOS causes bien vues”, 60 boulevard B. Kouchner, à Sarkoville.
Le salaire du pleur cancéreux profite d’un instant d’inattention du sclérosé pour doubler le cul-de-jatte embourbé dans une ornière, parce qu’il a beaucoup plu cette année. Jusqu’à ces émissions de télé-réalité où la moindre godiche adipeuse de discothèque rurale accède à la popularité parce qu’une goutte d’eau salée est venue donner du relief à son regard bovin. Compatir bruyamment, avec force démonstrations de bonne foi et d’émotion sous vide permet de se libérer de la tentation fugitive et déplacée d’agir. La sensiblerie larmoyante est devenue un business à part entière, un fleuron de notre industrie nationale qui produit de la larme à une cadence que même les Chinois n’arrivent pas à suivre. Et l’un de ceux qui, mieux que quiconque, a su en tirer parti, c’est notre ineffable et bedonnant petit président. Au moindre malheur un tant soit peu télégénique, on le voit rappliquer, mine déconfite de circonstance, prêt à annoncer à la veuve éplorée qu’il va repêcher son mari emporté par les flots, se mettre à la brasse coulée ou devenir maître-nageur-sauveteur pour marin breton, guérir les écrouelles des affligés, tout en calculant combien de litres de larmes il doit verser pour faire mousser la machine à sondages. En cinq mois d’une présidence qui s’annonce la plus humide de l’histoire, et pas seulement à cause du mauvais temps, il n’a loupé aucun enterrement un peu populaire, allant fleurir une tombe par-ci, déposer une gerbe par-là, promettant que les cou-
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pables seraient châtiés et les inconsolables consolés, du moins tant qu’on parlera encore d’eux dans les médias. A tel point qu’à la place de “Ni fleurs, ni couronnes”, injonction traditionnelle de ceux qui souhaitent prendre congé sobrement, il faudra bientôt demander “ni fleurs, ni couronnes, ni Nicolas Sarkozy”. L’émotion frelatée des professionnels du malheur industriel remplace la réflexion utile. Un peuple qui passe son temps à essuyer ses larmes ne songe pas à se révolter contre ce qui suscite les vrais drames, ceux qui, je vous rassure, ne touchent jamais notre beau pays. Jusqu’aux patrons des entreprises du textile qui prennent leur plus bel air de croque-mort et viennent, la voix chevrotante de sanglots communicationnels, répandre leur lacrymale hypocrisie sur le destin de ceux qu’ils viennent de licencier parce qu’ils n’étaient pas assez productifs, sans doute parce que travailler en pleurant à l’évocation des dernières tristesses à la mode ou de la mort de princesses / Barbie vautrées dans leurs problèmes sentimentaux tout en consolant des mignons petits noirs ne permet pas d’augmenter les cadences. Mais à ceux-là, on peut proposer un reclassement impromptu dans un secteur d’avenir : pleureuses officielles pour les funérailles de la raison. A moins qu’ils ne se soient rendus compte à temps que la pudeur est le seul sentiment assez rare pour avoir un prix. Jean Luc Eluard