THE BOOK ON SYLVIE FLEURY
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BOOK
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Mushrooms (2011),
Skin Crime 3, Givenchy 318 (1997),
céramique coloré.
vernis à ongles rose.
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Serie ELA 75K NO.4 (Be Late),
Chaussure Land (1998),
installation plaqué or sur plaque
Photo .
tournante. 21 8
Femme pris dans un coffre (2010)
Pistolet électrique (1993), plaqué or. 22 Yes to all (2001), Néons. 9 Poubelle (1995), plaqué or. 24 Sac chanel rose géant (1995). 10 Slim Fast (2000), installation.
26 Kelly bag (1995), argenté.
12 — 13 Yes to all (1999), installation diamants sous verre.
27 Vanity (1995), argenté.
14 Pierre précieuse lumineuse (2007), installation plexiglas colorés.
29 Sac Louis Vuitton (2000), argenté.
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Taches roses (2010),
Bottes à talons argentées (2008).
installation. 42 32
Bibliotheque couverte de taches (2010),
Fusée géantes et ponpon (1997),
PVC.
fourrure en polyamide blanche. 44 34
Bzzzzz, dit le Dragonfly (2010),
Eagle good year (1999),
intallation céramique.
Fontaine roue dorée. 46 36
First Spaceship on Venus (1995),
Sac chanel cible (1995).
céramique.
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Chewing gum géant (2010),
Untitled (1995),
PVC.
Tableau Mondriand fourrure polyamide.
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Escarpins argentés (1998).
Bottes imprimé Mondriand (1995), caoutchouc.
41 Bottines argentées et dorées (1998).
50 Femmes prise dans une spirale (2007), installation.
40 Talons compensées argentés (2008).
SYLVIE — FLEURY
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Artiste plasticienne née à Genève en 1961, Sylvie Fleury fait partie de ces artistes contemporains placés sous le signe du « post-modernisme » et du « post-Pop », qui, à l’instar d’un Jeff Koons, visent à détourner et à s’approprier les fondements de l’art moderne, par des œuvres dont l’impact visuel est souvent primordial. Pour ce faire, Sylvie Fleury emploie depuis une vingtaine d’années la sculpture et l’installation, dénonçant notamment par ses Shopping Bags les excès du consumérisme. L’artiste expose des objets investis d’une forte plus-value pseudo-esthétique et souvent vulgaire, qu’on définirait aujourd’hui comme le « glamour » : des chaussures à talon (Carwash, 1995), des agrandissements de couvertures de Playboy ou Elle, des voitures de luxe américaines repeintes en rose (Skin Crime) symbole des années fric et de l’American way of life triomphante , des lipsticks géants, etc., dans des matières synthétiques et des gammes colorées qui semblent issues de la palette d’une maquilleuse. La mode du « customizing » (ou du « tuning » pour les voitures) est réexploitée dans des peintures grand format qui en reprennent les motifs. En apparence futile, l’art de Sylvie Fleury serait-il féministe et politique ? L’artiste se présente volontiers comme un sujet, et non un 55
objet de désir, et considère le shopping et le maquillage comme des « actes de plaisir », revendiquant son droit à la consommation et à la beauté, selon les principes d’un « néo-féminisme », sensible dans l’installation First Spaceship on Venus, assemblage de fusées phalliques. Ses œuvres récentes comprennent une série de champignons, Mushrooms, en fibre de verre recouverte de peinture pour automobile. L’une des plasticiennes suisses les plus célèbres, donne naissance à ses œuvres dans une demeure genevoise que l’on appelle curieusement la Villa Magica. La bâtisse aux toits pointus appartenait jadis au Professeur Magicus, puis à sa fille Magiquette. Les œuvres de Sylvie Fleury s’appuient généralement sur l’exposition d’objets a priori investis dans la société d’une forte valeur esthétique et d’un attachement sentimental: des installations ou photographies de chaussures à talon (Carwash, 1995), l’agrandissement de couvertures d’un magazine érotique Playgirl2, l’exposition de luxueuses automobiles américaines (souvent repeintes, parfois compressées), des sculptures représentant des bâtons de rouges à lèvres géants, des fusées… Dans ces œuvres, on retrouve souvent des teintes identiques issues de la palette de produits de maquillage, et des fourrures synthétiques (aux couleurs vives et à longs poils) qui recouvrent les objets. 56
Elle y puise peut-être l’énergie laissée par les nombreux magiciens du début du siècle passé qui l’ont visitée. Elle vit entourée de lampes de sel aux vertus purifiantes, de boules de cristal et de sa collection d’araignées. Elle affectionne aussi particulièrement la photographie d’aura qu’elle capture au fil de ses rencontres. Notamment l’aura des objets, comme celle des chaussures du Dalaï Lama. La plasticienne met en scène à sa manière l’univers de la consommation, que ce soit les vêtements, les voitures ou la cosmétique. Sylvie Fleury s’est rendue célèbre à la fin des années quatre-vingt en exposant ses sculptures de shoppingbags. Dépassant le ready-made puisqu’elle ne déballait même pas l’objet, elle utilisait les emballages des produits de luxe pour parler de la superficialité de notre société. Son néo pop’art version lipstick, ou arte ricca, parle aujourd’hui à un large public.Après avoir ouvert la galerie c/o à Genève avec Mac Tarruc et Michel Rochat dans les années 80, Sylvie Fleury a travaillé avec John Armleder, artiste genevois de renommée internationale. Ensemble et avec l’aide de Stéphane, le fils de John, ils ont créé le label Villa Magica Records (VMR) en 2003, consacré essentiellement à l’édition d’albums de musique de Noël, sorte de mimétisme amusé de l’industrie du disque. 57
L’exposition personnelle de Sylvie Fleury présentée récemment à Paris s’intitulait «Yes to all», ce qui pourrait être la devise de la Genevoise. Elle incarne en effet tous les paradoxes. «Je pratique le yoga mais cela ne m’empêche pas de porter des talons aiguilles.»De tendance écolo, elle adore pourtant les moteurs puissants. Son goût pour la notion de véhicule en général l’a incitée à créer des œuvres en forme de fusées ou d’objets volants non identifiés. Il est difficile de dire si le goût de Sylvie Fleury pour la spiritualité, le Zen et le Feng Shui s’accorde avec la mouvance consumériste dans laquelle elle s’inscrit, ou s’il en est une suite logique. Peace and Love, New Age, amatrice de V8 et illusionniste à la fois, elle essaie tout simplement tout, dit oui à tout, avec une énergie bien à elle. Déplaçant l’univers glamour et féminin du luxe, de la mode et de la beauté dans le champ de l’art, Sylvie Fleury se joue ironiquement de l’esthétique et du superficiel qui vient tout recouvrir de son vernis qu’il soit « tendance » ou « arty ». L’édition des boîtes de Slim Fast rappelle ici les Brillo Boxes de Warhol et l’avènement du Pop Art à l’ère de la consommation de masse. À cette référence esthétique et formelle, l’artiste ajoute celle d’une société de consommation devenue compulsive et boulimique (le titre renvoie à la célèbre marque de l’industrie 58
du régime), obsédée par la représentation d’un corps toujours jeune, plus parfait, plus aseptisé et dont la vacuité ne connaît plus de limite. Sylvie Fleury fait partie des artistes contemporains suisses les plus en vogue, reconnue pour ses installations et ses sculptures de shopping bags de la fin des années 80 (sacs de boutiques de luxe posés simplement au sol et remplis des achats effectués par l’artiste). L’artiste se joue des codes et s’amuse à croiser les univers, entre le féminin et le masculin ou l’art et la mode dont elle explore les relations d’emprunts et inversions multiples. Personnalité élégante, elle commence sa carrière à New York en étant l’assistante du photographe Richard Avedon. Le choix des objets est toujours lié à la femme et au luxe. Elle met en exergue des emballages de produits luxueux au même titre que des œuvres d’art. Elle expose des collections entières de chaussures de femme, de pochettes, de sacs de boutiques. Elle confectionne au néon des slogans publicitaires pour des crèmes cosmétique de luxe, reconstitue une immense chambre à coucher recouverte d’une fausse fourrure moelleuse ou réalise des faux tableaux en fourrure synthétique. Ses œuvres s’appuient sur l’exposition d’objets a priori investis dans la société d’une forte valeur esthétique 59
et d’un attachement sentimental voir sexuel ou fétichiste.
SON —TRAVAIL
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Le travail de Sylvie Fleury est l’illustration parfaite d’une société repue d’elle-même qui se satisfait de la superficialité qu’elle engendre. Chasseuse de tendances, observatrice et actrice de la « Hype society », elle dresse un catalogue des accessoires à la mode, tout à la fois objets de désir, fétiches modernes et marqueurs identitaires. SES — INFLUENCES
Artiste pop, artiste kitsch, artiste mode, artiste postmoderne, artiste féministe, Sylvie Fleury est tout à la fois. Depuis quelques années déjà, Sylvie Fleury explore de nouveaux territoires, tous aussi significatifs d’une époque en mal de repères et pour lesquels elle ne cache d’ailleurs pas son intérêt, celui des sciences occultes, des pratiques zen et du développement personnel. On retrouve les œuvres de Sylvie Fleury dans de nombreuses galeries du monde entier tel que Munich, Londres, Berlin, Genève, Zurich, au Japon. Sylvie Fleury vit et travaille à Genève dans sa demeure, la Villa Magica.
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ANALYSE — DE QUELQUES OEUVRES
Sylvie Fleury présente par exemple de luxueuses voitures américaines (symbole et cliché d’une vie américaine, mais également véhicule communément importé en Suisse1), des produits cosmétiques et ses célèbres Shopping Bags (sacs d’achat). Ces éléments souvent liés les uns aux autres, soulignent les processus d’esthétisation en jeu, de fascination. Le spectateur retrouve ainsi les motifs de flammes stylisées qui ornent certaines automobiles (concept du customizing, et plus particulièrement celui du tuning pour les automobiles) repris dans des peintures murales, des porte-clefs d’automobile reprenant des marques de mode (la Chevrolet 1967 et son porte-clés Chanel), des automobiles « maquillées » c’est-à-dire recouvertes de peinture rose (Skin Crimes 1997) ou carmin (les carcasses compressées de Hot Heels 1998) couleurs du vernis à ongle, des tubes de rouge à lèvres (sculptures géantes, dans l’installation Hot Heels) et des fards à paupière (Performance Chanel eyeshadows, 1993). Confirmant cette analyse, la voiture compressée de 1997 intitulée Skin crime 2 (Givenchy 601) se réfère de manière formelle, par son titre, à une collection de rouges à lèvres de la marque 62
Givenchy. Les références à des œuvres artistiques sont rares. On note néanmoins des renvois à la fente de Lucio Fontana, les compositions de Mondrian (Composition avec Jaune et Bleu, 1993) ou la répétition de boîtes de Warhol (Slimfast (Délice de vanille) 1993 ou First Spaceship on Venus 1996), dont le principe serait, selon Liam Gillick d’offrir un « jeu linguistique pour ceux qui ont du mal à situer l’art par rapport à leur voiture ou à leur montre. FEMINISME —
Pour Markus Brüderlin, il est pertinent de s’interroger sur l’engagement de l’œuvre de Fleury, parce qu’issue d’une sensibilité féminine, dans une période où l’art contemporain s’engageait dans le social et le politique (années 1980 et 1990). Pour lui, bien que Sylvie Fleury aime à se produire parfois comme une « femme de luxe », elle ne prétendrait ni être une victime (de la mode), ni cette femme-objet décriée par les discours classiques féministes. Au contraire, Fleury se présenterait comme « sujet » de désir, communiquant ainsi à son œuvre, des énergies émancipatrices » et prenant « le shopping et le maquillage comme des actes de plaisir », revendiquant ainsi son droit à la consommation et à l’hédonisme, selon les principes d’un « néo-féminisme » 63
La question du féminisme réapparaît avec ses séries d’installations First Spaceship on Venus (« Premier vaisseau spatial sur Vénus »), évidentes métaphores phalliques4 : des fusées au corps bombé, dressées verticalement, sculptures de plus de 3 m. de hauteur, stylisée d’après le film de science-fiction First Spaceship on Venus. De nombreuses œuvres de Sylvie Fleury sont recouvertes de peinture, ou de fourrure synthétique à long poils, selon un principe de « capitonnage », qui selon Markus Brüderlin, souligne le processus décoratif dans la production industrielle (industrie culturelle) et le détournement des œuvres d’art comme simple motif pour le design. À l’exemple, des œuvres de Sylvie Fleury reprennent le motif des toiles du peintre Mondrian : en recouvrant les rectangles de couleurs par de la fourrure colorée5, ou comme motif décoratif d’une série de bottines. Ce détournement rappelle également, le motif des toiles de Mondrian repris dans certains logos des produits cosmétiques de la marque L’Oréal. Un renversement des codes qui fait chuter les stéréotypes sexistes. On croyait donc la conquête de l’espace réservée à l’homme, et voilà que Sylvie Fleury s’en empare avec un réjouissant panache.Elle aime planer, l’artiste genevoise, et c’est un bonheur que de la voir à bord de son petit avion-libellule, décidée 64
à voler la vedette à Icare, fascinée qu’elle est par le néant. Oui, «la fascination du néant», elle la revendique dans le titre de son exposition, la plus grande à ce jour, présentée au Mamco (Musée d’art moderne et contemporain), à Genève. Deux cents pièces environ (tableaux, photos, installations, vidéo, sculptures...) superbement mises en valeur et réparties sur les quatre étages du musée. Honneur réservé en général aux plus grands. Et le mérite n’est pas ici usurpé, tant Sylvie Fleury a du doigté. Et du flair. Elle sait prendre le vent. Car ce n’est pas seulement le mythe de l’Espace qu’elle revisite avec humour, mais aussi celui de la mode. Ce que revendique également l’autre titre de son exposition: «Paillettes et dépendances». DIALOGUE AVEC — LA MODE
Aux soucoupes volantes et innombrables fusées qui affichent, pointées vers le ciel, l’éclat de leur couleur (rouge, mauve, rose) et la variété de leur texture (résine, métal ou peluche), répondent donc des centaines d’accessoires qui habillent aujourd’hui les femmes. Objets fétiches, ils respirent l’air du temps: le culte de la personnalité. 65
Ici, un flacon de parfum surdimensionné et des dizaines de sacs aux griffes bien connues: Gucci, Chanel, Hermès, Lanvin, Prada... Là, des robes Yves-Saint-Laurent, là-bas encore d’immenses affiches reproduisant les pages de couverture des plus célèbres magazines people. «Je ne travaille pas sur la mode, affirme Sylvie Fleury, je dialogue avec elle». Vision naïve? Pas du tout. Les installations de l’artiste ne copient pas la réalité, elles la commentent. D’une œuvre à l’autre, se profile une lecture à but social et environnemental. Car hormis les accessoires qui définissent les canons de la beauté féminine, il y a ceux qui fixent les règles de la virilité: la Formule 1. Dans un esprit ludique, Sylvie Fleury confronte celle-ci à l’univers du beau sexe. A ce jeu, le monde des hommes est vu comme un enfer. Cinq ou six voitures de course, entièrement cabossées, occupent tout le premier étage du musée. A leurs côtés, des rouges à lèvres et des ongles artificiels géants se tiennent droit et désœuvrés. Il faut croire que dans les coquetteries qu’elles s’offrent, les femmes sont moins dangereuses que leurs compagnons. Elles ont beau planer et risquer, comme Sylvie, leur vie dans l’air, elles savent redescendre sur terre. Ainsi donc, bien ancrées au sol, des dizaines et des dizaines de 66
chaussures attendent le visiteur. Deux vitrines, rien que pour les souliers de Sylvie Fleury, ceux qu’elle a portés chez elle à la maison ou dans son atelier, ou encore lors de ses multiples vernissages. Ils sont là, posés entre deux étages, à mi-chemin du cosmétique et du cosmos. Entre les deux, l’artiste navigue. Et c’est tout le charme de son exposition qui allie contraintes de beauté et rêve de liberté.
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Publier par Louise Press, Thomas Petit Jean et Sophie. Impression © Otrad Impression 2011 Editeur de photo : Noel Daniel Designer par Louise Bellier Production et management par Thomas Petit Jean Retouche photo et couleur par Louise Bellier Tout les droits réservés. Aucun partie de ce livre ne peut etre produit par personne Première édition