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Sacrés rois ! Les anecdotes de Reims

Noël 496. Cathédrale de Reims. Date marquante que nos professeurs d’Histoire nous ont demandé d’apprendre par cœur, le baptême de Clovis ouvre la voie aux futurs héritiers de la couronne pour se faire sacrer. C’est Louis Ier dit « Le Pieux » qui est, en 816, le premier souverain de France à être couronné et sacré à Reims. Son choix se fait très naturellement puisqu’il a les mots suivants: « C’est dans cette église que par la grâce de Dieu et la coopération de saint Rémi, que notre nation des Francs avec son roi de même nom que nous, a été lavé par les eaux du baptême et enrichi des sept dons de l’Esprit Saint ». En tout, trente-trois rois de France auront reçu l’onction du sacre et la remise des insignes. Cependant, trois n’y seront pas sacrés : Louis VI préfère Orléans, Henri IV le fait à Chartres et Louis XVIII renonce tout bonnement à la cérémonie car sa condition physique est trop faible.

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On peut sans doute comprendre ce dernier puisque la messe de sacre a parfois duré… jusqu’à sept heures (en moyenne cinq heures, ce qui est déjà un sacré marathon de prières) ! Avant 816, il suffisait d’une simple onction du Saint Chrême sur le front du couronné. Par la suite, tout se passe en trois parties : l’onction, puis le serment et enfin le couronnement. Glissons-nous quelques instants dans la peau d’un héritier de la couronne. Vous devez arriver la veille de la cérémonie à Reims. Bien sûr, vu la durée de la messe, vous aimeriez vous coucher tôt afin d’être en pleine forme. Toutefois, le protocole religieux en 20

décide autrement, dites adieu à votre oreiller puisque vous allez passer toute la soirée et une grande partie de la nuit à vous confesser et à prier ! Le lendemain, qui est toujours un dimanche ou le jour d’une grande fête liturgique, vous êtes mené en grande pompe dans une immense procession au milieu de la cathédrale. L’évêque, qui préside la cérémonie, accueille alors la Sainte Ampoule amenée en cortège par les moines de Saint-Rémi, escortés par les barons de France. Vous êtes ensuite appelé à venir devant le maître-autel pour prêter serment sur les Évangiles et sur un reliquaire de la Vraie Croix. Il faudra alors que vous juriez de défendre l’Église, promettre de défendre ses privilèges, d’assurer la paix et la justice de ses peuples et de chasser les hérétiques (rien que cela me direz-vous). Vêtu d’une simple tunique argentée et d’une chemise, vous recevez ensuite les insignes bénis des chevaliers, à savoir les éperons d’or et l’épée. Ensuite, direction l’évêque, agenouillez-vous devant lui afin qu’il vous trace du pouce le signe de croix sur la tête, sur la poitrine, entre les épaules, puis sur chacune d’elle et enfin (parce que oui, il en manque encore) sur la jointure des bras ! Pourquoi autant de croix ? Tout simplement car ces sept zones rappellent les mêmes sur lesquelles le prophète Samuel a tracé ce signe sur le futur roi David. Ce n’est qu’à ce

moment précis que le chambellan a le droit de vous rhabiller (il ne s’agit pas d’attraper froid même si bientôt, vous aurez le don de guérir les écrouelles). Pour votre nouvelle tenue : une tunique, une dalmatique et… le fameux manteau fleurdelisé ! Ensuite, on vous remet un anneau en signe d’alliance avec votre peuple, le sceptre pour la droiture, la main de justice et enfin... la couronne que l’évêque pose sur votre 21

tête (n’est-ce pas Napoléon ?!). car il en craignait les fatigues, Dès que cela est fait, on vous in- le comte d’Artois petit-fils de tronise littéralement (il est temps Louis XV, en bon ultraroyaliste, de reposer votre royal fessier). est bien décidé à renouer avec Les douze pairs du royaume vous l’ancestrale tradition de l’Ancien rendent alors hommage par une Régime. D’ailleurs, il ne fait rien accolade puis, ne sursautez pas, dans la demi-mesure : il décide l’assemblée crie : « Vive le Roi pour une somme astronomique de éternellement ! ». Les portes de la restaurer et de décorer la cathécathédrale s’ouvrent enfin, c’est la drale de Reims et le palais du Tau t fin de la cérémonie ! Vous avez le (palais archiépiscopal adjacent). droit de vous accorder un bain de Comme cela ne suffisait pas, il fait foule très codifié pour accueillir spécialement composer une messe toute la gloire et la liesse popu- par Luigi Cherubini et commande laire à vos genoux. Comme toute un opéra, Le Voyage à Reims, à cérémonie, un « petit » pot vous Gioacchino Rossini. Victor Hugo attend ! Vous empruntez alors était même présent avec Lamar« le chemin du roi » pour arriver au tine (ne vous y trompez pas, à 23 festin et célébrer avec vos proches ans, le père des Misérables était et la cour cet heureux événement ! un monarchiste convaincu qui t écrira même une ode, Le Sacre de Charles X, qu’il publiera le 18 juin Maintenant que nous suivant). Mais voilà qu’une chose faisons bonnes ripailles, autant amusante se produit dans la cérése laisser aller aux confidences monie : fichue couronne, la voide table… Connaissez-vous les là qui penche sur le front du roi petites histoires de Reims se ca- ! Charles X essaie de la remettre chant derrière la grande ? Il est en place par un mouvement de temps de vous en conter quelques- tête, sans doute un peu trop brusunes. Que l’on y croit ou non, les que, puisqu’elle manque de tomsacres sont parfois révélateurs de ber… mais finit rattrapée par le signes presque divins ! Prenons duc d’Orléans, son futur succesle couronnement de Charles X le seur, que l’on connaît mieux sous 29 mai 1825. Contrairement à son le nom de Louis-Philippe Ier ! frère qui, comme dit plus haut, La couronne peut parfois ausne s’est pas fait sacrer à Reims si être une méchante farceuse… 22

Lors du sacre de Henri III, celui-ci fait tomber sa couronne et déclare : « Elle me pique ! ». Quant à Louis XVI, qui porte aussi la main à la sienne, il a ses mots : « Elle me gêne ! ». Mauvais présage puisque le premier meurt poignardé le 1er août 1589 par Jacques Clément au château de Saint-Cloud (le roi recevait à ce moment-là son assassin sur sa chaise percée, on ne rit pas) et le second finit guillotiné le 21 janvier 1793 à 10H22 place de la Concorde (à l’époque elle s’appelait Place de la Révolution et oui, nous connaissons l’heure exacte !). Si l’on reste un peu avec Henri III, il faut se rappeler que Sa Majesté est si coquette qu’il change sept fois de vêtements ce jour-là et… fort mécontent de sa tenue de sacre qu’il ne trouve pas assez tape-à-l’œil, il décide de passer sa journée à coudre lui-même des pierres précieuses en plus dessus, retardant ainsi la cérémonie au sacre au soir! Du jamais vu qui a bien fait scandale ! D’autres rois ont eu des exigences un peu plus symboliques. En 1561, Charles IX décide que dorénavant, le matin de son sacre, tout futur roi doit être à jeun et doit faire semblant de dormir quand on vient le chercher. Ce faux réveil est en fait une manière de représenter le roi à l’éveil de sa nouvelle vie de monarque !

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Pour finir sur une touche « Objets d’art », certaines regalia ont toujours été utilisées lors des sacres de Reims, à quelques exceptions près ! Ainsi, la célèbre épée dite de Charlemagne, nommée Joyeuse, est à chaque fois de la partie. Exposée au musée du Louvre, elle s’invite lors des sacres depuis le XIIIème siècle. Quant au magnifique sceptre de Charles V, également conservé au Louvre, seuls deux rois ne l’ont pas tenu en mains à Reims : Charles VII et Henri IV. Maintenant que vous avez festoyé et comblé votre épuisant jeun du matin (merci qui ? Merci Charles IX !), vous avez enfin le droit de retrouver votre royal oreiller adoré, c’est bien mérité!

Laureen Gressé-Denois

Nous t’invitons à retrouver Laureen avec la rubrique Ek°Phra°Sis sur notre site internet : louvrboite.fr

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