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Eun Lee A la recherche du Docteur U Lyn n Khant F renc h

Book Information

A la recherche du Docteur U Lynn Khant (우린칸 박사를 찾아서) Goznuk Publishing corp. / 2013 / 15 p. / ISBN 9788968850011 For further information, please visit: http://library.klti.or.kr/node/772

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A la recherche du Docteur U Lynn Khant Written by Lee Eun 1 p4

Mots d’auteur

Nge Poe part à l’aventure pour sauver son ami !

Nge Poe et Tha Tha étaient les deux meilleurs amis du monde quand malheureusement, un jour, Tha Tha tomba gravement malade. Une terrible maladie qui le fit souffrir au plus haut point. Il existait bel et bien un grand spécialiste capable de le sauver, mais Tha Tha n’avait pas la possibilité de s’offrir les soins trop onéreux de ce célèbre médecin. Devant le triste sort que connaissait son ami, Nge Poe restait inconsolable. Mais il ne pouvait renoncer ! C’est alors qu’il prit une décision importante : aller lui-même rendre visite à ce docteur. A la recherche du Docteur U Lynn Khant est l’histoire de ce petit garçon, Nge Poe, qui part à l’aventure pour trouver l’éminent médecin en question. Nul ne pourrait croire quelles péripéties devra vivre notre Nge Poe lors de son voyage. Va-t-il rencontrer des citadins qui se railleront de lui ? Arrivera-t-il sain et sauf à l’endroit où travaille le Docteur U Lynn Khant ? C’est sans nul doute que le cœur de Nge Poe doit battre à cent à l’heure, n’est-ce pas ?


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L’histoire enrichie de photos, visite de la Birmanie à travers les photos

A la recherche du Docteur U Lynn Khant est un livre comportant beaucoup de photos. L’histoire se déroule dans un pays que l’on ne connaît guère, la Birmanie ! Je me suis rendu en Birmanie et y ai rencontré Nge Poe pour écrire cette histoire. Vous pouvez visiter Yangon, la capitale de la Birmanie, ses marchés, ses sites historiques et bien évidemment les Birmans ! Comparez votre pays à celui de Nge Poe ! Etes-vous désormais prêts à partir à la rencontre de ce petit garçon ? Commençons alors cette incroyable aventure avec Nge Poe à la recherche du Docteur U Lynn Khant !

Lee Eun

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Sommaire

Je n’étais pas si triste_9 Il peut le faire, ce docteur U Lynn Khant !_ 19 Une fois en camionnette-taxi, deux fois en bus et une dernière fois en vélo porteur _ 27 Gamin, va t’asseoir au fond !_37 Voilà, l’hôpital Pun Hlaing _ 51

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Ici ce n’est pas un hôpital_59 Où as-tu appris ce genre de chose ?_71 Je suis venu voir le Docteur U Lynn Khant_83 Si Tha Tha meurt ?_97 Je n’y crois pas !_113 Renseignements sur la Birmanie_127

p8 à effacer

p9 Je n’étais pas si triste

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Nge Poe vit en Birmanie. La Birmanie est un pays qui se trouve dans l’Asie Sud-Est. La capitale de ce pays est Yangon, autrement connu sous le nom de Rangoun. Nge Poe vit dans un petit village au nord de Yangon, à deux heures de route. Le nom de ce petit village est San Kayin Su. Dans ce village entouré de palmiers se trouve une cinquantaine de maisonnettes. Tous les villageois se côtoient et s’entendent très bien. On sait parfaitement qui habite dans telle maison.

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On sait également ce qui se passe chez ses voisins. Si quelqu’un tombe malade, tous les villageois se rendent chez lui pour lui souhaiter un bon rétablissement. Lorsqu’un évènement est d’importance, il est fêté et tout le monde se réunit pour les réjouissances. Dans son village, Nge Poe n’avait guère le temps de s’ennuyer car il y avait des amis en quantité. Non plus, il n’avait besoin d’un terrain de jeux car il trouvait tout ce qu’il voulait pour jouer dans son propre village, planté au milieu d’une forêt. Parmi tous ces jouets naturels, il préférait les arbres, ceux dont les grosses branches étaient courbées. Nge Poe vivait avec ses parents, ses grands parents et son grand frère Poe Kwa Gyi, scolarisé en 4ème année au collège Kimalin. Son père est chauffeur de camion !

* En Birmanie, les élèves sont scolarisés 5 ans en école primaire, 4 ans au collège, 2 ans au lycée et de 2 à 4 ans à l’université.

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Ah, il ne faut pas oublier Yote Soe ! Il était le chien de Nge Poe. Il mettait parfois le désordre dans la cour en y invitant ses amis canins, mais la famille pouvait compter sur lui pour garder la maison. Une autre personne avait beaucoup d’importance pour Nge Poe, autant que sa propre famille ! C’était Tha Tha, son meilleur ami, qui vivait juste en face de chez lui.

* Yote Soe signifie « laid » en langue birmane.

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Nge Poe et Tha Tha étaient très proches. Ils fréquentaient tous deux la même classe à l’école. A la sortie des classes, les deux garçons avaient pour habitude de courir vers la forêt pour s’y amuser longuement. Les qualités qu’avait Tha Tha pour grimper aux arbres aussi vite qu’un singe lui valurent le surnom de Myant. Ils jouaient à la course également ! Tha Tha et Nge Poe allaient à l’école et rentraient à leur maison toujours l’un à côté de l’autre. Nge Poe avait toujours une pensée pour Tha Tha pour partager soit une envie de jouer, soit un bon gâteau.

C’est la raison pour laquelle Nge Poe fut un jour très triste…

Oui, Nge Poe était triste car il ne pouvait pas voir Tha Tha. Son meilleur ami était malade depuis un mois. Il était pris d’une fièvre qui devait le mener à la mort. Dans les premiers moments, Nge Poe pensait que son ami allait vite se rétablir et qu’il reprendrait le chemin de l’école après avoir pris des médicaments. Mais une semaine passa, puis encore une semaine, et encore une semaine… Tha Tha ne revenait toujours pas à l’école. Nge Poe partait alors seul à l’école, et rentrait seul à la maison.

Bulle :Tha Tha, attend !

* Myaunt signifie « singe » en langue birmane.

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Uaaaaaaah !

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Nge Poe avait beau être entouré de ses autres amis, il se sentait seul. Quant à l’état de santé de Tha Tha elle s’était aggravée et il dut être conduit aux services de santé publique de la ville. Durant les dix derniers jours il lui arrivait parfois de s’évanouir. Sa famille en était très inquiète. A chacune des pertes de connaissance de leur fils, les parents pensaient au pire. En apprenant cela, Nge Poe sentit son cœur arrêter de battre. Il eut une plus grande frayeur encore lorsqu’il entendit ses parents discuter : « On dirait que c’est fini pour Tha Tha, dit sa mère d’un air très soucieux. -

Oui, il est trop tard pour faire quoi que ce soit. On aurait dû le faire soigner avant,

lui répondit son père. -

Quand je pense à sa mère ! La pauvre… elle a tout fait pour bien élever son fils. Si

on l’amener dans un de ces grands hôpitaux des grandes villes ? -

Impossible… Les frais seraient tellement élevés que même si tous les villageois s’y

mettaient ensemble, on ne pourrait pas. Et encore ! On n’est même pas sûr de pouvoir le sauver. » Les parents se parlaient à voix basse, mais Nge Poe entendait tout ! Si seulement il n’avait pas entendu toute cette histoire… Il savait très bien ce que signifiait le mot « trop tard ». Tha Tha pouvait alors mourir ! Il n’avait que dix ans.

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Nge Poe ne pouvait pas croire cette triste nouvelle. Dieu pouvait emporter ce pauvre Tha Tha qui n’était encore qu’un enfant. Il était hors de question pour Nge Poe d’accepter un monde où Tha Tha ne s’y trouverait pas. Nge Poe se leva d’un bond et songea. Si Tha Tha voulait me voir ? Son cœur se mit à battre à cent à l’heure. Nge Poe était prêt à tout pour Tha Tha. Mais il ne savait pas par où commencer. Ses pieds le démangèrent. Comment sauver Tha Tha ? Il n’y avait qu’un seul moyen : recevoir un bon traitement dans un grand hôpital ! Mais Nge Poe pensa aussitôt à ce qu’avait dit son père. « Impossible… Les frais seraient tellement élevés que même si tous les villageois s’y mettaient ensemble, on ne pourrait pas. Et encore ! On n’est même pas sûr de pouvoir le sauver. » Nge Poe songea au grand hôpital avec ses murs hauts. Un géant pourrait s’y trouver, qui sait… Ce géant méchant qui chasse les malades pauvres en les accusant de ne pas avoir d’argent.

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Que faire maintenant ? Après se l’était dite une fois, Nge Poe se répétait la même phrase une deuxième fois, puis une troisième … Que faire maintenant ? Que faire maintenant ? Que faire maintenant ? Si cette phrase était une formule magique, son vœu le plus cher aurait pu se réaliser. Nge Poe se répétait cette phrase encore et encore sans trouver de solution. Plus il se la

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répétait, plus il pensait à Tha Tha, allongé sur son lit. Tha Tha avait l’air très souffrant. Nge Poe avait du mal à savoir jusqu’à quel point pouvait souffrir son meilleur ami. Il ne trouvait plus aucun goût à la vie. La lecture s’avérait inintéressante pour lui. Un bon plat n’était que de la nourriture sans goût au palais de Nge Poe. Au début, il pensait que lui seul se trouvait dans cet état. Mais petit à petit, il réalisa 8

que tous les villageois souffraient comme lui. Les enfants ne jouaient plus au ballon et les bavardes dames cessaient de rire. Même Yote Soe n’amena plus ses amis dans la cour. A la fenêtre, la tête dans ses mains, Nge Poe regarda la maison d’en face, celle de Tha Tha. La porte fut fermée par un cadenas. Tha Tha était chez sa grand-mère car ses parents travaillaient jour et nuit. Puisqu’il n’y eut personne chez lui pour s’occuper de Tha Tha, sa grand-mère le gardait.

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Nge Poe sentit sa gorge se resserrée. La maison vide de Tha Tha avait un

air si triste.

Quelques grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber. Il arrivait d’ailleurs souvent qu’il pleuve des cordes alors que nous étions pourtant déjà au mois de novembre. La saison des pluies aurait dû finir pour laisser place à une autre, au contraire, sèche. Le maître de Nge Poe expliqua aux enfants que ce temps étrange faisait partie des anomalies climatiques présentes dans le monde entier. Nge Poe, cependant, ne partagea pas l’avis de son maître. Il se dit plutôt que le ciel également était triste et pleurait pour Tha Tha. Nge Poe sentit que des larmes allaient lui monter aux yeux.


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Il peut le faire, ce docteur U Lynn Khant !

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Nge Poe passa chez sa tante après l’école. Elle le dévisagea d’un air peu content. Comme à son habitude. Sa tante serrait ses lèvres et fronçait ses sourcils lorsqu’elle voyait Nge Poe. A chaque fois où il avait affaire à sa tante, il se sentait tout petit. Il prenait toujours garde vis-à-vis d’elle comme s’il était une souris devant un gros chat. « Ton père est un homme robuste tandis que toi, tu n’es qu’un enfant faible », maugréa sa tante. Malgré sa réaction désagréable envers Nge Poe, celui-ci avait toujours une bonne raison pour se rendre chez sa tante. Elle avait un téléviseur chez elle ! Elle était la seule du village à posséder un tel trésor.

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Nge Poe venait ici toujours en compagnie de Tha Tha. Il avait moins peur de sa tante quand il était avec son meilleur ami. A ses côtés, Nge Poe eut même le courage d’ignorer le regard accusateur de sa tante. Et ce jour-là particulièrement, Tha Tha lui manquait terriblement. Un hôpital, dont Nge Poe n’eut jamais entendu parlé auparavant, fut présenté à la

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télévision. Voyant cet hôpital, son cœur commença à battre très fort. Nge Poe aurait voulu devenir médecin ! Cet hôpital était grandiose. Les médecins et les infirmières avaient l’air très intelligents dans leurs blouses blanches. Un médecin d’un certain âge fit son apparition. On ne voyait plus que lui. Nge Poe pensa qu’il était le héros de ce documentaire. Ce médecin eut l’air très généreux et gentil. On aurait même dit qu’il aurait été prêt à accepter quelconque sollicitation. Nge Poe apprit qu’il était un éminent médecin !

Le docteur U Lynn Khant est un spécialiste de la pyrexie, autrement dit de la fièvre.

* Le docteur U Lynn Khant est le plus médecin le plus célèbre de l’hôpital Pun Hlaing. Il est aussi connu en Birmanie que dans le monde entier !

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Nge Poe, attentif à l’intervention de ce docteur à la télévision, ne bougea pas d’un pouce, il était comme aspiré par le téléviseur. Il eut ensuite une idée géniale ! A cette idée, il eut l’impression de pouvoir enfin sortir du sombre tunnel où il se sentait être jusqu’à présent. La lumière éclairant l’esprit de Nge Poe fut ce docteur ! Il s’agissait du plus célèbre docteur en la matière, un médecin pouvant prétendre recevoir le prix Nobel. Nge Poe prit son sac à dos et fit quelques pas en silence. Ensuite, il courra de toutes ses forces pour sortir de la maison. Sa tante gronda à nouveau derrière son dos.

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« Qu’il est malpoli, cet enfant ! Il ne dit même pas au revoir à sa tante en partant ! » La critique de sa tante n’affecta guère Nge Poe. Si Tha Tha pouvait survivre à cette maladie ! Nge Poe courra jusqu’à la maison. Son cœur fut léger comme si Tha Tha fut déjà sauvé. Nge Poe sentit que les arbres avec lesquels il s’amusait avec Tha Tha souriaient eux aussi à cette bonne nouvelle.

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Au dîner, Nge Poe annonça son idée à la famille. « Papa, si le docteur U Lynn Khant soignait Tha Tha ? dit Nge Poe à son père. -

Le docteur U Lynn Khant ? Ce nom me dit quelque chose… dit son père.

-

Euh… où était-ce déjà ? Ah, l’hôpital Pun Hling ! C’est là où travaille ce docteur U

Lynn Khant ! Il est le meilleur médecin de Birmanie. Il peut guérir toutes les fièvres ! On dit qu’il va peut-être recevoir le prix Nobel. » Le père de Nge Poe, prononçant un petit ‘ah !’ regarda son fils. Et ce fut tout. Il continua son dîner sans en dire un mot de plus. Sa mère n’y rajouta rien non plus. Et le frère n’eut l’air guère intéressé par cette histoire. Nge Poe avait trouvé un moyen de sauver Tha Tha mais personne ne lui porta attention. « Maman, tu pourrais conseiller à la maman de Tha Tha de l’amener chez ce docteur U Lynn Khant ! » Mais les parents de Nge Poe firent comme s’ils n’eurent rien entendu. Ils ne dirent même pas un seul mot sur ce sujet. Nge Poe, terriblement déçu, arrêta de manger et baissa la tête.

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Le père de Nge Poe, en posant son bol sur la table, ouvra enfin la bouche :

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« Mon fils, je comprends tout à fait ton inquiétude. Mais la famille de Tha Tha ne peut pas payer autant de frais. Sais-tu quel genre d’hôpital est ce Pun Hling ? Il est le plus coûteux de Yangon. Si tu n’as pas beaucoup d’argent, tu ne peux même pas y entrer. Peutêtre que ce docteur U Lynn Khant pourrait soigner Tha Tha, mais ce pauvre enfant n’a pas les moyens de payer. - Oui, mais c’est un médecin ! Il doit soigner des malades ! », cria Nge Poe, très irrité. Nge Poe était vraiment fâché. Il n’avait rien contre ses parents, mais la rage lui fit serrer fortement ses poings. « S’il te plaît, maman. Pourrais-tu tout de même en parler à la maman de Tha Tha ? Le docteur U Lynn Khant est un gentil médecin. Si on lui demande poliment de soigner Tha Tha, il le fera ! dit Nge Poe à sa mère. - Il y a beaucoup de monde qui souffre de cette maladie, continua la mère en secouant la tête. On ne peut pas soigner tous ces gens sans être payé, chérie. - Mais pourquoi ? Le médecin doit soigner ses patients ! cria à nouveau Nge Poe. - Oui, mais les patients doivent payer. Le docteur U Lynn Khant travaille dans un hôpital. Et cet hôpital doit gagner de l’argent pour payer ses médecins et pour développer la médecine. Tout ceci est pour soigner plus de malades », dit sa mère.

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Nge Poe ferma la bouche. Il pensait que sa mère avait raison. Malgré cela, sa colère

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grandissait de plus en plus. « C’est du n’importe quoi ! », cria Nge Poe en se levant d’un bond avant de s’enfermer dans sa chambre. Ce soir-là, Nge Poe eut bien du mal à trouver sommeil. Sa tête était envahie de noires pensées. Il imaginait même voir Tha Tha, mort dans son cercueil. 13 p26

Nge Poe, l’imaginant ainsi enfermé dans un cercueil, pensa que rien ne serait plus effroyable que cela. Le docteur U Lynn Khant fut, pour le petit garçon, le seul à pouvoir ouvrir ce cercueil étouffant. Nge Poe croyait dur comme fer que ce docteur pouvait sauver son meilleur ami. Même sans le sou, il pourrait soigner ce pauvre Tha Tha Décidé, le petit garçon se leva d’un bond ! Oui, le docteur U Lynn Khant, lui seul, pourra sauver mon meilleur ami ! pensa-t-il. Nge Poe crut savoir quoi faire. Les maillons constituant le fil de ses idées l’amenèrent à y voir comme la recherche de la sortie d’un labyrinthe : Yangon, l’hôpital Pun Hling, le docteur U Lynn Khant et Tha Tha. Je vais tout raconter au docteur U Lynn Khant. J’expliquerai la situation de la famille de Tha Tha. Ce bon docteur voudra venir ici, dans mon village, pour soigner mon pauvre Tha Tha, pensa-t-il. Le cœur de Nge Poe battait à cent à l’heure comme s’il eut déjà pris rendez-vous avec le docteur. « Je pars demain pour rencontrer le docteur U Lynn Khant ! » Les paupières pesèrent de plus en plus lourds. Et le petit garçon s’endormit aussitôt.


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Une fois en camionnette- taxi, deux fois en bus et une dernière fois en vélo porteur

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Dès le lendemain, Nge Poe fut prêt à partir à l’aventure. Cela tombait bien car ce fut un samedi, il

n’y avait donc pas de cours.

Nge Poe eut cependant un autre problème à gérer. Il lui fallait trouver une bonne excuse à donner à sa mère pour partir toute la journée. En lui disant la vérité, sa mère l’aurait interdit de sortir. Le petit garçon allait raconter à sa mère qu’il irait travailler chez un de ses amis vivant dans un village voisin. Et au moment où il devait mentir, le cœur de Nge Poe allait certainement se serrer fortement. Il pensa également à son père, qui détestait les mensonges, mais se dit aussi que celui-ci comprendrait et pardonnerait son fils s’il ramenait le docteur U Lynn Khant en chair et en os.

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En temps normal, Nge Poe avait pour habitude de se laver rapidement. Mais ce jour-là, il prit soin de bien se toiletter avant de sortir un beau pantalon et sa chemise jaune, sa préférée. Il n’avait jamais sorti cette chemise auparavant par crainte de l’abîmer. C’était un


cadeau de sa tante. Avec cette tenue, personne ne remarquera que je viens de la campagne, pensa-t-il. Yangon, où l’hôpital Pun Hling se trouve, est la plus grande ville de la Birmanie. Nge Poe pensa donc qu’il n’aurait surtout pas fallu être traité comme un campagnard. Une fois apprêté, le petit garçon prit toutes ses économies cachées dans son tiroir pour les mettre dans sa poche.

bulle : Je vais chez Sar Mu Taw pour travailler !

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La somme de ses économies s’éleva en tout et pour tout à deux mille kyats. Nge Poe s’approcha de sa mère qui était en train de travailler dans la cuisine. « Je vais chez Sar Mu Taw pour travailler ! », dit le petit garçon. Sa mère eut l’air surpris en voyant son fils habillé de sa chemise jaune. Et oui, elle savait que son fils en prenait grand soin ! Sans pour autant que sa mère eut dit un mot, Nge Poe commença à s’inquiéter pour sa réaction. Il pensa que sa mère avait compris sa manœuvre. « Oui, ne rentre pas trop tard », dit enfin sa mère. Dès qu’il sortit de sa maison, Nge Poe soupira profondément. Devant sa mère, il n’avait même pas osé respirer. Mais ce ne fut pas tout. Il lui fallait maintenant savoir comment se rendre à l’hôpital Pun Hling. Il prit une décision : aller jusqu’aux services de santé publique Phyu Sin de la rue Tarsonne dans le centre-ville. Il était déjà allé à Phyu Sin, et le docteur Moh Moh devait

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savoir comment se rendre à l’hôpital Pun Hling. Le centre-ville se trouvait à vingt minutes en camionnette-taxi. Nge Poe décida de s’avancer plus loin pour prendre cette camionnette-taxi.

p31 16 Le petit garçon aurait pu prendre le véhicule tout près de chez lui, mais il craignait être vu par sa mère. Ce fut la toute première fois que Nge Poe allait au centre-ville tout seul. Habituellement, il s’y rendait soit en compagnie de sa mère en camionnette-taxi soit avec son père dans son propre camion. La camionnette-taxi s’approchait. Au signe de main de Nge Poe, elle s’arrêta à son niveau. Il monta rapidement dans la camionnette-taxi, indiqua au chauffeur qu’il allait se rendre à la rue Tarsonne et lui donna cent kyats. Six dames étaient assises dans la camionnette-taxi. Nge Poe ne les connaissait pas. Elles devaient venir d’un autre village. Arrivé à la rue de Tarsonne, Nge Poe courra jusqu’aux services de santé publique Phyu Sin. « Docteur Moh Moh ! », cria Nge Poe en ouvrant la porte. Heureusement, le docteur Moh Moh était de service.

* La camionnette-taxi est un transport en commun en Birmanie.

Bulle1 : Où vas-tu ? Bulle2 : A la rue de Tarsonne.


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Le docteur Moh Moh était un vieux médecin. « Bonjour, Nge Poe ! Qu’est-ce qui t’amène ici ? Es-tu souffrant ? demanda le docteur Moh Moh. -

Non, docteur, répondit Nge Poe. Maman m’a demandé de venir vous voir pour

savoir comment se rendre à l’hôpital Pun Hling, mentit Nge Poe.

Bulle : L’hôpital Pun Hling ?

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-

L’hôpital Pun Hling ?

-

Oui, vous savez où se trouve cet hôpital, bien sûr !

-

Tout à fait ! Mais… »

Le docteur Moh Moh dévisagea le petit garçon. Ses yeux se plissèrent comme ceux de la tante de Nge Poe. Le cœur du petit garçon battit fort par peur que son mensonge ne soit découvert. Le docteur Moh Moh prit un petit papier sur lequel il écrivit quelque chose. Et il demanda à Nge Poe. « Pourquoi demande-t-elle l’adresse de Pun Hling ? -

Je n’en sais rien, répondit Nge Poe.

-

Va-t-elle y aller pour de vrai ? »

Nge Poe secoua la tête. Le docteur Moh Moh parla tout seul. « Mais cet hôpital n’est

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pas un endroit dans lequel les gens comme nous peuvent s’y rendre… » Nge Poe, le petit papier dans la main, sortit rapidement des services Phyu Sin. Il souffla profondément. Il n’avait pas pu, encore une fois, respirer sereinement devant le docteur Moh Moh. Il ne pourrait pas vivre longtemps s’il continuait de mentir, pensa-til. Nge Poe ouvra le papier que lui donna le docteur Moh Moh.

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Pour aller à l’hôpital Pun Hling Prenez le bus numéro 48 et descendez à Thamine. De l’arrêt de bus Thamine, traversez la rue pour prendre le bus numéro 333. Arrivée à l’arrêt Hôpital Pun Hling, prenez un vélo-porteur pour arriver à l’entrée de l’hôpital.

« Encore deux trajets en bus et un dernier en vélo porteur ? », s’exclama Nge Poe. L’itinéraire paraissait vraiment compliqué aux yeux du petit garçon. Il eut également très peur d’y aller tout seul. Il n’avait jamais été dans une ville aussi grande que Yangon. C’est un endroit où aucun petit enfant ne pouvait aller seul…

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S’il existait un endroit où aucun petit enfant ne devrait, surtout pas, y aller seul c’était bien Yangon. Nge Poe serait bien moins terrifié si son ami Tha Tha était avec lui. Le petit garçon l’imagina à ses côtés et sentit ses peurs se dissiper peu à peu.

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Il sortit l’argent de poche restant à sa disposition : neuf cent kyats. Ce devait être suffisant pour atteindre l’hôpital, mais le problème se poserait pour le retour.

p 36 19 Il aurait fallu à Nge Poe au moins mille kyats en plus. Que faire ? pensa le petit garçon. Mais finalement, Nge Poe se rassura. Grâce au docteur U Lynn Khant, le retour ne serait pas si laborieux. Il n’aurait qu’à rentrer à la maison dans la voiture du docteur. Tout le monde aurait été étonné de voir Nge Poe à l’intérieur de la voiture personnelle du docteur U Lynn Khant ! Les mensonges eux-mêmes seraient pardonnés. Qui sait ? On féliciterait même Nge Poe pour son courage ! Alors il fallait absolument rencontrer ce docteur. Nge Poe prit le chemin pour aller prendre le bus numéro 48. L’arrêt ne fut pas loin des services de santé publique. Les pas du petit garçon se furent légers.

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Gamin, va t’asseoir au fond !

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Quantité de personnes était à l’arrêt de bus, et uniquement des adultes. Nge Poe fut le seul enfant à attendre le bus sans être accompagné.


Le bus numéro 48 arriva. Nge Poe eut un peu peur de monter seul dans le bus. Il avait entendu dire qu’il fallait monter rapidement dans un bus, et en faire tout autant pour en descendre. On lui avait dit que le bus partait si on ne se dépêchait pas ! La porte du bus s’ouvrit. Le guide cria. Nge Poe ne comprit rien de ce que disait le guide tellement celui-ci parlait vite. Au moment où Nge Poe allait monter dans le bus, les adultes le bousculèrent.

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N’avaient-ils pas remarqué le garçon car il était trop petit ? Ou, plus simplement, voulaient-ils prendre sa place en ne respectant pas la fil d’attente ? Nge Poe, lui aussi, se pressa pour y monter. Il avança rapidement vers les marches du bus. Les marches furent tellement hautes que Nge Poe dut les monter à quatre pattes. A peine monté, le bus partit avant même que Nge Poe n’ait pu prendre sa place. Il ne s’en manquait de peu pour qu’il faille chuter. Le petit garçon prit la première place. Youpi, Nge Poe eut réussi à prendre le bus tout seul ! A ce moment-là, le guide s’approcha du petit garçon et lui demanda : « Es-tu seul ? - Oui, répondit Nge Poe. - Où vas-tu ? redemanda le guide. - A Thamine. - Thamine ? C’est encore loin. Va t’asseoir au fond. Ici, c’est pour les voyageurs qui vont descendre bientôt, maugréa le guide. - Non, je ne connais pas Thamine ! Voulez-vous m’indiquer où descendre alors ? - Oui, ne t’inquiète pas et va t’asseoir au fond.

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Bulle : Pourrais-je descendre à Thamine ?

-

Il faut que vous m’indiquiez bien.

-

Je t’ai dit que oui ! »

Le guide n’était guère sympathique. Et Nge Poe fut chassé au fond du bus. Le bus était bien plus rapide que la camionnette-taxi. Puisqu’il roulait sur le chemin caillouteux, il faisait souvent des bonds. Nge Poe avait mal aux fesses à cause de ces bonds. Le chauffeur du bus eut l’air très pressé. Il doubla les autres voitures tantôt par la gauche tantôt par la droite. A chaque fois, le bus perdit son équilibre, le corps de Nge Poe également.

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Ce ne fut pas tout. Le bus s’arrêta d’un coup et partit aussitôt. Il le fit sans arrêt. Nge Poe, à cause de cette conduite brusque, se cogna la tête plusieurs fois. Nge Poe n’eut pas le temps de réfléchir. Il ne savait pas qu’il aurait été autant difficile de prendre un bus. Les adultes quant à eux, habitués au bus, eurent l’air tranquille. Le guide commença à récolter le frais de transport.

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Nge Poe, en lui tendant trois cent kyats, sollicita à nouveau le guide : « Dites-moi quand on arrivera à Tharmine. » Le guide, comme s’il n’eut rien entendu, ne dit pas un mot. A chaque arrêt, le bus se remplissait de plus en plus de monde. Les places furent toutes prises. Nombreux étaient les voyageurs debout dans le couloir. Nge Poe avait réellement peur de rater son arrêt. Dès lors, le bus commença à ralentir. Et Nge Poe pour penser que ce ralentissement était dû à l’alourdissement du bus à cause de tous ces voyageurs.

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Nge Poe comprit aussitôt la vraie raison de ce ralentissement. Le bus, en sortant de la campagne, entra enfin en ville. Les voitures, venant de partout et voulant pénétrer Yangon, formèrent un bouchon. Le paysage qui défilait fut très différent de celui de San Kayin Su, le village de Nge Poe, ou même du centre-ville proche de son village. Nge Poe avait l’impression de se retrouver dans le pays des géants. Ces immeubles qui avaient bien plus de cinq étages, ces immenses boulevards… Le petit garçon pensa qu’un géant surgirait d’un coup en faisant du bruit.

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Les gens d’Yangon paraissaient petits à côté de ces décors. Il y avait beaucoup de boutiques dans lesquelles se trouvaient plein de choses intéressantes. Ce paysage d’une grande ville, que Nge Poe n’eut que l’occasion de voir à la télévision, lui paraissait encore

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plus étrange. Lorsque Nge Poe se fut enfin réveillé de ses émerveillements, de longues minutes s’écroulèrent. Il n’avait pas aucun moyen de savoir combien de temps s’était écoulé. Thamine ! Il lui fallait descendre à Thamine, mais Nge Poe fut incapable de savoir où se situer, tellement était-il émerveillé par ce paysage.

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Il voulut appeler le guide. Mais il y avait trop de monde et autant de bruit dans le bus. Nge Poe demanda donc à sa voisine : « Excusez-moi mais on est encore loin de Themine ? - Themine ? Cela fait longtemps qu’on l’a dépassé, dit la dame assise à côté du petit garçon. -

Non ! », s’écria-t-il.

La dame d’à côté fut autant surprise que Nge Poe. « Tu devais descendre à Themine, paraît-il ? dit la dame. -

Oui. Normalement, le guide devait me le dire.

-

Il est tellement occupé qu’il n’a pas pensé à toi, mon pauvre…

-

Où sommes-nous donc ?

-

Nous arrivons à la Pagode Sule. Regarde ! », indiqua la dame.

Oui, Nge Poe voyait cette fameuse Pagode Sule ! Il connaissait l’histoire de cette pagode, histoire apprise à l’école. Le maître eut dit qu’elle se trouvait au milieu d’Yangon. Nge Poe, dans ce cas, était en plein milieu de la ville.

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« Est-ce que ta maman t’attend à Themine ? demanda à nouveau la dame. -

Non, il faut prendre un autre bus pour aller à l’hôpital Pun Hling », répondit Nge

Poe.

p 47 24 Nge Poe sortit aussitôt le papier que lui avait donné le docteur Moh Moh et dit à la dame : « Oui, il faut prendre le bus numéro 333 à Themine. Est-ce que Themin est loin d’ici ? demanda Nge Poe à la dame. -

Il faut au moins une bonne demi-heure pour retrouver Themine. Voyons voir… dit

la dame en regardant dehors comme si elle cherchait quelque chose. -

Ah, tu pourras prendre le bus 333 là-bas. Oui, c’est bien le bus qui va jusqu’à

l’hôpital ! -

C’est vrai ? », s’écria Nge Poe.

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Alors que Nge Poe, si désespéré, s’apprêtait à pleurer, il se mit à sourire. « Oui, descend à la Pagode Sule et demande aux gens. Ils t’indiqueront la route. -

Merci, madame.

-

En revanche, sauras-tu y aller tout seul ? demanda la dame qui s’inquiétait pour le

petit garçon qui voyageait seul. -

Bien sûr ! répondit Nge Poe, d’une voix décidée.


-

Mais fais attention à toi. Il y a des adultes dangereux ici. La voilà, la Pagode Sule.

Descend ici, dépêche ! », dit la dame. Nge Poe se précipita vers la sortie. Il y avait du monde dans le couloir du bus mais Nge Poe put se faufiler telle une anguille. La porte s’ouvrit enfin, et les voyageurs en descendirent rapidement. Nge Poe ne pouvait cependant pas partir sans rien dire au guide. Il lui cria alors : « Vous m’avez rien dit ! Pourquoi ne m’avez-vous pas indiqué l’arrêt de Themine ? -

Quoi ? dit le guide.

-

Oui, vous m’avez promis de me dire quand on serait arrêté à Themine !

-

Qu’est-ce que tu racontes, sale petit gamin ! Descend tout de suite ! »

p 49

Le guide cria sur Nge Poe comme si ce dernier eut fait une bêtise. Mais Nge Poe était loin d’être impressionné. « Vous êtes nul ! cria Nge Poe. - Mais qu’est-ce que t’as ! », dit le guide en agrippant le bras de Nge Poe pour le faire descendre promptement du bus. Nge Poe n’eut guère le temps de finir sa phrase que le bus fut déjà parti pour disparaître en un clin d’œil. On aurait dit qu’il fuyait le petit garçon.

bulle 1 : Qu’est-ce que t’as ! bulle 2 : Pourquoi n’avez-vous pas tenu votre promesse ?

p 50

25


Dès que le bus eut disparu, les bruits de la grande ville commencèrent à attirer l’attention de Nge Poe. Brouhaha brouhaha… Tut tut tut tut… C’était le vacarme de la grande ville. Nge Poe comprit enfin qu’il était bel et bien à Yangon, la grande ville.

p 51

Voilà, l’hôpital Pun Hling

p 52

Nge Poe reconnut deux bâtiments : la mairie d’Yangon et l’église Emmanuel qu’il avait souvent vu à la télévision.

Un autre bâtiment en travaux attira son attention, mais

Nge Poe ne put l’identifier. L’édifice qui resta le plus impressionnant de tous fut la Pagode Sule. Le maître d’école avait dit qu’Yangon était une ville construite autour de cette pagode. Nge Poe décida alors de voir de plus près cette fameuse pagode. Mais ses pieds restèrent figés. Le petit garçon avait peur de traverser la rue. Trop de voitures y circulaient. Nge Poe ne savait pas quand et comment traverser cette immense rue. Elle était tellement vaste que Nge Poe allait, qui sait, être bloqué au beau milieu de la rue. Il ne pouvait non plus hésiter plus longtemps. Dans ce genre de situation, il serait plus judicieux de suivre un adulte pour traverser la rue.

26


p 53

Nge Poe s’approcha, à s’y coller, près d’un monsieur qui allait traverser en direction de la Pagode Sule. Au pied de la pagode il y grouillait plus de monde encore. Nge Poe pensa alors que c’était le lieu le plus peuplé d’Yangon. Les gens étaient tous différents tandis que l’expression de leurs visages était le même. Tous ces gens paraissaient très irrités. Ils avaient l’air si mécontents qu’ils n’allaient même pas dire bonjour, pensa le petit garçon. Et surtout, ils étaient pressés ! Dans la rue, il y avait beaucoup de boutiques. Nge Poe regardait longtemps les instruments de musique ainsi que les montres. Il put même voir des Européens qu’il ne voyait qu’à la télévision. Plus loin des gens préparaient une fête bouddhiste. Nge Poe fit le tour de la Pagode Sule. Il se sentait comme planer dans l’air. Mais ce n’était pas le temps, pour le petit garçon, de faire le touriste. Il se décida alors de se renseigner pour prendre le bus numéro 333. Nge Poe trouva un jeune aux grands yeux qui semblait très gentil, du genre sur qui l’on pouvait compter. Il s’approcha alors de ce jeune et demanda : « Savez-vous où prendre le bus numéro 333 ? -

D’où viens-tu ? demanda ce jeune tout en regardant Nge Poe de haut en bas en

plissant des yeux.

p 56

-

San Kayin Su… c’est loin d’ici.

27


-

Ah, tu viens d’une campagne !

-

Oui.

-

Es-tu tout seul ?

-

Oui. »

Ce jeune homme commença à rire sans savoir pourquoi : était-ce du fait que Nge Poe était seul ou qu’il venait d’une campagne ? Le petit garçon sortit le papier sur lequel fut écrit l’adresse de l’hôpital et le tendit au jeune homme. « Je dois aller à l’hôpital Pun Hling. » En prenant le papier, le jeune homme ricanait encore une fois.

p 57

« Il me semble que la personne qui t’avait écrit cette adresse ne doit pas bien connaître puisqu’il vit dans une campagne. Tu n’as pas besoin de prendre un bus. Tu y es déjà presque. L’hôpital a déménagé l’année dernière. -

C’est vrai ?

-

Oui, viens, je te le montre. »

Le jeune homme prenait les épaules de Nge Poe comme s’il était son grand frère. Après avoir contourné une petite rue, il indiqua un bâtiment et dit : « Tu vois ces deux bâtiments-là ? Celui de gauche est l’hôpital Pun Hling. » Nge Poe poussa un cri. Il était tellement heureux de trouver l’hôpital aussi rapidement. En voyant ce bâtiment, il pensa qu’effectivement, l’hôpital Pun Hling était le plus grand bâtiment d’Yangon. « Il est grand, ce bâtiment ! dit le petit garçon. -

Bien sûr ! C’est le meilleur hôpital d’Yangon ! Continue cette route et tu y es !

28


-

Merci ! »

Nge Poe traversa la rue. Cette fois-ci, il regarda de tous les côtés pour la traverser seul. Dans cette rue, il y avait de la nourriture. L’heure du déjeuner s’approchait, Nge Poe commença à avoir faim.

bulle : C’est là-bas !

p 58

Les marchands de nourriture avaient tous l’air heureux. Encore une fois, Nge Poe se sentit planer en l’air. Mais non ! Je n’ai pas le temps ! pensa-t-il. Oui, il n’avait pas le temps de regarder la nourriture. Il lui fallait se rendre rapidement à l’hôpital. A ce moment-là, un monsieur qui portait un gros panier de fruits sur son épaule passa près de Nge Poe, et ce dernier faillit tomber ! Nge Poe traversa encore une fois un grand carrefour. Arrivé dans une autre rue, Nge Poe fut impressionné par les boutiques. Il s’arrêta devant une boutique de CD-rom pour voir si on vendait la musique de ses chanteurs préférés : Banny Pyo et Myint Myant. Mais le petit garçon ne réussit pas à les trouver car il y avait une grosse quantité de CD-roms. Nge Poe arriva enfin devant l’hôpital ! Son cœur commença à battre fort. Il allait enfin rencontrer le docteur U Lynn Khant ! Il pensa aussi à Tha Tha. « Courage Tha Tha, j’y suis presque », dit Nge Poe.

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p 59

Ici ce n’est pas un hôpital

p 60 30 L’hôpital Pun Hling était très haut. Dans le village de Nge Poe, même dans le centreville, il n’y avait pas de bâtiment plus de trois étages. Mais l’hôpital Pun Hling fut si élevé que Nge Poe manqua de tomber en voulant regarder son sommet. Pour le petit garçon, ce fut un mystère : comment un bâtiment aussi haut pouvait-il tenir debout ? Nge Poe avança jusqu’à un monsieur proprement habillé. Ce monsieur, en voyant le petit garçon, sourit comme s’il le connaissait depuis longtemps. Lui aussi, il avait l’air tellement gentil que Nge Poe sentait pouvoir lui demander n’importe quoi. « Bonjour, Monsieur. Je suis venu rencontrer le docteur U Lynn Khant. Savez-vous où se trouve ce docteur ? demanda le petit garçon.

p 61

-

Le docteur U Lynn Khant ? Quel est son numéro de chambre ?

-

On m’a dit qu’il travaillait ici.

-

Il travaille ici ? », redemanda le monsieur avec un air dubitatif.

Le monsieur avait l’air un peu surpris mais il gardait toujours son sourire aux lèvres. « Oui, le docteur U Lynn Khant ! On le voit à la télévision. Il soigne des malades…


bulle 1 : Le docteur U Lynn Khant ? bulle 2 : Oui, c’est un médecin très connu de l’hôpital Pun Hling !

p 62

-

Tu sais où tu te trouves actuellement ? demanda le monsieur toujours souriant.

-

Ne sommes-nous pas à l’hôpital Pun Hling ?

-

L’hôpital Pun Hling ? Tu t’es trompé d’adresse. Ici, c’est un hôtel dans lequel les

voyageurs descendent. -

Quoi ? cria le petit garçon et poursuivit aussitôt. Mais on m’a dit que c’était ici

l’hôpital Pun Hling ! -

Qui donc ?

-

Un jeune homme qui était à la Pagode Sule ! »

Le monsieur eut l’air tout compris. « Il s’est moqué de toi, on dirait. -

Alors, on n’est pas à l’hôpital Pun Hling ? », demanda à nouveau Nge Poe.

Nge Poe ne pouvait pas croire qu’il était dans une situation aussi embarrassante, et que le jeune homme eut pu se moquer de lui ! Nge Poe était furieux. Comment faire ce genre de blague à un petit garçon ! Après avoir compris la malveillance de la manœuvre, Nge Poe commença à détester cette grande ville. Il pensa aussi qu’il était en train d’être puni car il avait menti à sa mère. Peut-être que les adultes reconnaissaient les enfants qui mentaient. C’est la raison pour laquelle le guide n’était pas sympathique avec Nge Poe et que le jeune homme de la Pagode Sule se moqua de lui.

31


p 63

Le monsieur de l’hôtel demanda à nouveau, « veux-tu aller à l’hôpital Pun Hling ? Nge Poe sortit alors l’adresse. -

Oui, c’est bien écrit. Il faut suivre ces instructions, dit le monsieur.

-

Où puis-je prendre le bus numéro 333 ?

-

Il faut prendre la petite rue derrière cet hôtel. Tu continues dans cette rue jusqu’au

bout. A la fin, tu verras un arrêt de bus. -

En êtes-vous sûr ? demanda Nge Poe avec un air accusateur. Le petit garçon eut

peur de se faire tromper une nouvelle fois. -

Je travaille dans cet hôtel. Pourquoi te mentirais-je ? »

Le monsieur de l’hôtel sourit à Nge Poe qui pouvait enfin lui faire confiance. « En revanche, pourquoi voudrais-tu y aller ? En plus tout seul. L’hôpital n’est pas tout près d’ici. As-tu rendez-vous avec ce docteur ? -

En fait, mon ami Tha Tha est souffrant d’une maladie. Le docteur U Lynn Khant

est le seul qui pourra le soigner. Je vais l’amener alors à mon village. -

Tu es un garçon très gentil. Tu y vas alors seul.

-

Oui… »

p 64

-

Il faut toujours faire attention aux inconnus. Par contre, n’hésite pas à te renseigner

pour des choses dont tu n’es pas sûr. -

Oui, monsieur… », dit Nge Poe en mettant l’adresse dans sa poche.

Les jambes de Nge Poe étaient toutes molles. Il n’avait plus de force.

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Devant l’hôtel, Nge Poe voulut un instant tout renoncer. Il avait peur de ne jamais trouver l’hôpital Pun Hling. Il se sentait seul comme perdu dans l’océan. Il voulait rentrer chez lui. Nge Poe se remémora la musique que jouait son grand-père avec sa flûte. Il avait l’impression que sa grand-mère allait venir le prendre dans ses bras et l’amener au bout de la rue. Il imagina son père, caché quelque part près d’ici. Sa mère, bien évidemment, serait à ses côtés. Son grand frère lui manquait terriblement. Nge Poe voulait voir toute sa famille. Et Tha Tha, s’il était là avec Nge Poe… Le petit garçon n’aurait pas aussi peur. Avec son meilleur ami, au contraire, il s’amuserait ! Nge Poe ressentit combien son ami lui était cher. Le petit garçon arriva dans la rue indiquée par le monsieur de l’hôtel. Il devait continuer dans cette rue, jusqu’au bout. Mais avant même d’y pénétrer, Nge Poe eut très peur. Des deux côtés de la rue, de vieux immeubles insalubres se succédaient. Ils n’étaient pas très haut, comparé à l’hôtel, mais collés l’un à l’autre.

p 65

Des fils électriques étaient liés de toutes parts, en désordre. Les linges étaient étendus n’importe comment. Les immeubles étaient vraiment vieux et sales. Dans le village de Nge Poe aussi, il y avait de vieilles maisons. Mais ici, l’état des immeubles était pire encore comme s’ils avaient pris de l’âge en une nuit. Nge Poe eut très peur. Il lui fallait continuer dans cette rue. Mais elle lui paraissait

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interminable.

p65

Bulle 1 : Miaou miaou Bulle 2 : Dégage de là !

Si le monsieur de l’hôtel me mentait ? pensa Nge Poe. Mais non, il n’aurait jamais fait ce genre de blague. Nge Poe fit un bon de surprise lorsqu’il vit un chat. Même un petit chat comme celui-ci paraissait gros comme un monstre dans cette rue. Nge Poe entendit une voix agressive dans son dos. « Dégage de là ! » Un homme avec une boite lourde se trouva derrière le petit garçon. Poussé par cet homme, Nge Poe continua son chemin.

p 68

Les petites rues de la ville étaient totalement l’opposé des grands axes. Elles étaient non seulement étroites mais également très sales. Des ordures se baladaient partout. Et la puanteur ! Nge Poe précipita ses pas en pinçant son nez. Les gens paraissaient tous méchants. Nge Poe avait l’impression qu’ils lui en voulaient tous. Nge Poe commença alors à courir comme s’il courrait un grand danger.

p 69

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Cette fois-ci, Nge Poe fut surpris par un klaxon. Tut tut tut tut… Un camion allait passer. Nge Poe s’adossa alors au mur. De la fumée noire sortait de derrière ce camion. Le petit garçon toussa plusieurs fois. Les yeux le piquèrent, et des larmes coulèrent sur sa joue. Nge Poe, s’apprêtant à courir, s’arrêta d’un coup sec. Il vit des affiches de cinéma. Le petit garçon sentit ses pieds plantés au sol. Sur une affiche on y voyait des adultes physiquement très forts et l’air méchant. Nge Poe ne pouvait pas bouger. Cette affiche lui paraissait comme un signe qu’ici, il n’y avait que des adultes méchants ressemblant à ceux de l’affiche. Nge Poe voulait sortir de cette rue le plus rapidement possible. Mais son corps ne bougeait pas. Nge Poe tournait la tête sans bouger. Et là, il voyait un monsieur qui saignait ! Uaaaaaaah !

p 70

Nge Poe cria malgré lui. Son corps sauta comme un ressort. Et il courut sans arrêt. Le petit garçon voulait rentrer chez lui dans son village paisible. La famille et les villageois lui manquaient. Au bout de la rue, il voyait enfin du monde et l’arrêt de bus ! Nge Poe entra dans la foule.

FIN

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