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Myong Kyong Lee Sally ma chienne F renc h

Book Information

Sally ma chienne (우리 집 강아지 세리) I-DULPAN Publishing corp. / 2013 / 28 p. / ISBN 9788957340509 For further information, please visit: http://library.klti.or.kr/node/772 This sample translation was produced with support from LTI Korea. Please contact the LTI Korea Library for further information. library@klti.or.kr


Sally ma chienne Written by Lee Myong Kyong

Lee Myong Kyong Née le 9 juillet 1944, Lee Myong Kyong termine ses études secondaires en 1962 au lycée de filles Gyeongbuk puis obtient une licence en langue et littérature françaises à l’université Sungkyunkwan de Séoul en 1966. Elle débute une carrière de scénariste de télévision en 1979 avec L’oreiller qu’elle écrit pour la chaîne KBS. En 1980, elle écrit Le couple, Le second fils, Le triste amour maternel pour différentes chaînes de télévision coréennes. En 1985, elle obtient un master de littérature française avec un mémoire intitulé « Le Petit Prince, incarnation de Saint-Exupéry » et, en 1991, un doctorat avec une thèse intitulée « Aspects de la pensée orientale dans les œuvres de Saint-Exupéry ». De 1985 à 1996, elle enseigne le français à l’université Kookmin. En 2011, elle donne un cours de dissertation au sein d’une entreprise sociale « Share and Full ». En mai 2014, elle publie La rencontre avec la littérature de Saint-Exupéry aux éditions Munye.

Adresse e-mail : lmk4407@naver.com

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Avant-propos Dédicace

J’ai voulu écrire une histoire peu commune. Je pense qu’il faut arracher les contes pour enfants à leur moule traditionnel. C’est probablement parce que j’ai étudié la littérature française que Le Petit Prince est la première œuvre qui me vient à l’esprit dès que je pense à écrire. Je le garde toujours dans mon cœur. Avoir un cœur pur et innocent comme celui du Petit Prince, avoir une capacité d’imagination comme la sienne qui permet de chérir tous les êtres vivants et de percer les mystères de l’univers, ce sont des privilège dont seuls jouissent les enfants. Il y a très longtemps, j’ai enseigné Le Petit Prince aux étudiants de l’université dans le texte original. Environ vingt ans plus tard, en 2011, j’ai donné des cours aux grands des écoles élémentaires avec, cette fois-ci, la traduction coréenne du Petit Prince. À ma grande surprise, les enfants ont montré une meilleure compréhension et une sensibilité plus vive que les adultes. Dès lors, j’ai nourri un rêve : imaginer un héros dont le cœur ressemble à celui du Petit Prince. En poursuivant mes échanges avec les enfants, j’ai gravé leur ingénuité dans mon cœur. Et le héros de mon histoire, Seong Gaseop, je l’ai trouvé au fond de mon cœur. Je dédie ce livre à tous les écoliers du pays accablés par leurs études. J’ai créé cette histoire en souhaitant qu’ils apprennent à donner plus d’importance aux sentiments qu’aux connaissances. J’espère de tout mon cœur que la créativité et l’imagination de nos enfants se développeront en largeur, en profondeur, en hauteur.

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Lee Myong Kyong, 2013

Sally ma chienne

SOMMAIRE La mort de Sally et la naissance d’Anan J’ai revu Sally ! Anan est partie au ciel Je suis élu délégué de classe ! J’ai à nouveau une petite sœur !

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La mort de Sally et la naissance d’Anan

Quand ma sœur Anan est née, j’étais en quatrième année de l’école primaire. Je suis maintenant en cinquième et je m’appelle Gaseop. Seong Gaseop. À franchement parler, je suis très fier de mon nom. Gaseop est dérivé de Kassapa, l’un des premiers disciples du Bouddha, et mon nom de famille, Seong, veut dire « saint ». Je suis donc destiné à devenir un grand homme. Le nom, c’est important car c’est par notre nom qu’on nous appelle toujours. On dit même que le nom détermine le destin.

Maman et papa voulaient une fille et un garçon. D’abord une fille, ensuite un fils. Ils devaient croire qu’ils pourraient faire comme ils l’entendaient. Lorsqu’ils ont découvert que leur premier enfant était un fils, ils ont été très déçus. Je n’étais pas le bienvenu. Je m’en fiche, je suis Seop Gaseop. Je suis très populaire à l’école. Je n’ai eu ni petit frère ni petite sœur jusqu’à l’âge de dix ans. Jusqu’alors, maman chérissait Sally comme sa propre fille. Sally, c’est notre chienne. Elle est venue chez nous quand j’avais huit ans. Un bichon maltais, une boule de poils blancs. Un jour, maman a dit. — Gaseop, sais-tu pourquoi je l’ai nommée Sally ? — Non. — Quand j’étais petite, j’aimais regarder à la télé une série d’animation, Sally la petite sorcière. Je l’adorais ! La chanson était aussi connue et populaire que la série ellemême. J’ai grandi en la chantant. — Elle est comment, cette chanson ? — Veux-tu que je te la chante ? Sur ce, maman a commencé à chanter comme si elle était redevenue une petite fille :

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« Sally la petite sorcière est venue. Elle a quitté sa planète pour venir sur la Terre. Sally la petite sorcière est venue. Elle a quitté sa planète pour venir sur la Terre. Sally ! Sally ! Elle nous donne de l’espoir et nous fait rire avec ses talents de magicienne. Sally, Sally, Sally la petite sorcière ! » En la regardant chanter, j’ai pensé qu’elle avait été une fille comme les autres quand elle était petite. — Tu aimais les dessins animés quand tu étais petite ! — Bien sûr ! Je les adorais. Et elle a continué. — Depuis, j’ai gardé ce joli nom de Sally dans ma tête. J’aurais voulu le donner à ta petite sœur, mais les choses ne se sont pas passées comme je voulais... J’ai donc donné le nom de Sally à la chienne pour combler le vide que je ressentais. La présence de Sally me rend heureuse. Il n’empêche que je continue de vouloir une fille. Maman était très douée pour la couture. Elle avait été professeur d’économie domestique au collège avant de se marier. Elle cousait des chemises pour papa. À chaque changement de saison, elle faisait aussi de nouveaux vêtements pour Sally, ils étaient bien mieux que ceux qu’on trouve dans les magasins pour animaux domestiques. Tout le monde dans le quartier connaissait les beaux vêtements de Sally, que maman avait cousus avec tant de soin. Chaque fois que je promenais Sally le soir avec maman, les dames du quartier se précipitaient à notre rencontre et disaient : — Hé ! regardez le foulard de la chienne ! Il est fait de plusieurs petites pièces de tissu de couleurs assorties, cousues en zigzag à la main ! — Vous voyez son pantalon ? Qu’il est mignon avec son ourlet d’une autre couleur ! — Pourriez-vous faire des vêtements pour mon chien ? Je vous paierai

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généreusement ! Vous avez des idées extraordinaires ! Mais maman refusait froidement. — Vous pouvez les faire vous-mêmes. Il suffit d’avoir de l’affection pour son chien. Allez-y, c’est amusant. — Mais l’affection ne suffit pas, il faut avoir aussi des doigts de fée... — Mais non, c’est l’affection qui compte le plus. Viens, Gaseop, allons-y ! C’est l’heure de la toilette de Sally et de son repas. Maman s’éloignait des dames du quartier en marchant la tête haute. Sally trottait à ses côtés en remuant légèrement la queue de manière arrogante. Les dames du quartier jasaient dans notre dos : mécontentes, elles disaient que maman était trop prétentieuse, qu’elle se croyait la seule à aimer son chien, etc. Maman se mettait à dos les autres, de plus en plus. J’avais un peu honte, mais je ne lui disais rien. Même papa ne pouvait la persuader, alors, comment aurais-je pu ? En tout cas, tout comme maman, je ne pouvais pas imaginer ma vie sans Sally. La nuit, elle dormait à mes côtés. Son petit corps chaud me réchauffait comme l’amour de maman, ce qui me réconfortait énormément. Maman rêvait d’avoir une jolie petite fille. Elle ne cachait pas son souhait, même devant moi. Je me sentais de plus en plus malheureux à cause de ça, mais je n’ai jamais rien dit, car c’était maman. Maman allait au temple bouddhique afin de prier pour avoir une fille. Probablement grâce à ses prières, elle est tombée enceinte à plus de quarante ans. Lorsque son ventre a commencé à s’arrondir, elle s’est mise à parler au bébé. Tout en caressant son ventre. — Anan, ma fille, maman a hâte de te voir. Ma jolie petite fille aux yeux de biche, Anan, sais-tu ce que je ressens, le sais-tu ? J’étais surpris.

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— Tu as dit « Anan » ? Tu as déjà choisi son nom ? — Bien sûr. Le nom, c’est très important. Je suis douée pour choisir les noms. Le tien, c’est moi qui l’ai choisi. Papa n’a eu qu’à approuver. Comme tu t’appelles Gaseop, j’ai décidé d’appeler ta petite sœur « Anan ». Anan, c’est le cousin et l’un des principaux disciples du Bouddha. Même si c’est un nom d’homme, c’est très joli, tu ne trouves pas ? D’ailleurs, aujourd’hui, fille ou garçon, peu importe ! Ce qui compte, c’est de bien élever le bébé. — Pourquoi es-tu si sûre que ce sera une fille ? Tu as déjà consulté le médecin ? — Je n’ai pas besoin d’aller voir le médecin. Si je dis que ce sera une fille, c’est que ce sera une fille. Ayant choisi le nom du futur bébé, maman l’attendait avec impatience, persuadée que ce serait une petite fille aux yeux de biche. Vers la fin de sa grossesse, maman a beaucoup souffert. Sans doute à cause de son âge. Elle se plaignait de douleurs dans le dos chaque fois qu’elle se levait. Au bout de quelque temps, elle a commencé à maltraiter Sally que pourtant elle chérissait. Cela me mettait en colère. Si elle se sentait mal, il suffisait de se soigner. Pourquoi passer sa colère sur un animal qui ne savait même pas parler ? Comment avait-elle pu changer d’attitude d’un seul coup ? Pour maman qui attendait désespérément une fille, Sally n’avait-elle donc été qu’un jouet dont elle s’était lassé ? L’idée me déplaisait. Lorsque maman appelait Sally, son énervement était perceptible dans sa voix. Perturbée, la pauvre chienne a commencé à faire pipi et caca n’importe où. Et chaque fois, maman la grondait et même allait jusqu’à la battre. Comme maman avait complètement changé d’attitude, Sally ne savait plus quoi faire. Elle devait être profondément blessée, pleine de confusion.

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Sally observait maman en secret, puis se glissait sous le canapé pour se cacher. Désireuse de recevoir des marques d’affection, elle n’attendait que mon retour de l’école. Dès que je rentrais, elle sortait la tête de dessous le canapé et lorsque je m’approchais d’elle, elle se jetait dans mes bras. Ses yeux tristes me disaient beaucoup de choses. Je pouvais ressentir son chagrin. — Maman, tu es trop dure avec Sally ! Pourquoi tu stresses un animal qui ne sait pas parler ? Tu l’as encore grondée, non ? Tu es méchante, maman ! Tu seras punie un jour ! — Comment oses-tu dire des choses pareilles à ta maman ? Toi que j’ai élevé avec tant d’amour ! — Tant d’amour...? Ah bon ? Quand ça ? Je n’ai jamais été choyé ni par toi ni par papa ! Je vous ai demandé plusieurs fois de m’acheter un smartphone, mais vous êtes restés sourds ! — Bientôt tu deviendras un grand frère. Tu es encore trop petit pour avoir un smartphone ! Attends un peu ! Quand tu entreras au collège, ta tante t’en offrira un en cadeau ! — Il n’y a que moi qui ai un vieux mobile dans ma classe ! J’ai honte ! Maman m’a fusillé du regard. Pour ne pas en entendre davantage, je me suis précipité dans ma chambre, serrant Sally dans mes bras. Et pour me faire entendre de maman, j’ai pleuré comme une madeleine. J’avais loupé mes partiels sauf en science, et l’idée d’être grondé par mes parents m’inquiétait déjà. Plus je pleurais, plus je trouvais triste de ne pouvoir avoir un smartphone. J’ai donc continué de pleurer. À la nuit tombée, papa, qui est rentré un peu gris, m’a réprimandé pour mes mauvaises notes. — Tu vas bientôt passer en cinquième année et tu n’es qu’au milieu de la classe ! Qu’est-ce que tu feras quand tu seras grand ? Dis-moi, vite ! Tu dois au moins avoir un rêve d’avenir !

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Son haleine avinée me déplaisait. En le voyant me gronder à cause de mes mauvaises notes, lui qui se souciait si peu de moi, j’ai eu envie de me rebeller. — On verra ! Je deviendrai quelqu’un de mieux que toi ! — Tiens donc ! Tu méprises déjà ton propre père ! — Je ne te méprise pas. Je veux seulement dire que je ne deviendrai pas un père qui gronde son fils pour ses notes chaque fois qu’il a bu. J’avais dû toucher son amour-propre. Il s’est mis vraiment en colère. — Quoi donc ? Je n’aime pas cette façon de parler aux personnes plus âgées que toi ! — Désolé. Mais je veux que tu saches que j’ai mes idées à moi. — Ah bon...? Alors, dis-les-moi. Je veux bien savoir à quoi pense un élève aussi faible que toi. Je t’écoute. —

Ni Edison, ni Einstein, ni Steve Jobs n’étaient bons à l’école. On m’a dit que ce

qui est plus important, plus précieux que les notes, c’est la créativité. Ce qu’on apprend à l’école n’apporte que des connaissances, alors que la créativité vient de la sagesse. Je vais devenir quelqu’un de créatif. — Tiens, regardez-moi ce petit bonhomme ! Qu’est-ce qu’il parle bien ! Qui donc t’a appris tout ça ? Ton maître en classe ? — Oui. Il est passionné de littérature française. Il nous parle très souvent du Petit Prince de Saint-Exupéry. — Le Petit Prince ? — Oui. Tu l’as lu ? — Bien sûr. Je l’ai lu il y a longtemps. — Moi je l’ai lu plusieurs fois. C’est un livre qui m’a beaucoup touché. — Oui. L’histoire est assez mystérieuse. — Mon maître nous parle souvent des constellations aussi.

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— Des constellations ? — Oui. Le Petit Prince vit sur une autre planète. Il nous a dit que si nous continuons à observer les constellations dans le ciel la nuit, notre créativité s’améliorera et que nous pourrons rencontrer le Petit Prince et voir ce que les autres ne voient pas. La capacité de voir ce que les autres ne voient pas, c’est justement ça la créativité. C’est ce qu’il nous a dit. Il faut avoir de la créativité pour devenir romancier, poète, inventeur ou homme d’affaires. C’est la créativité qui fait naître les grands novateurs comme Steve Jobs. — Tiens tiens, il raisonne pas mal, ce petit ! Il a le don de la parole ! En tout cas, maintenant je sais que tu n’es pas si immature. Il va falloir que je parle plus souvent avec toi. Je ne m’étais pas aperçu que tu avais grandi à ce point. Désolé. Papa m’a souri en me tapotant l’épaule, puis il s’est levé pour se diriger vers la chambre en vacillant. Et je me suis dit : « Chouette ! Je me suis fait entendre, il m’a adressé un compliment ! »

Plus le ventre de maman grossissait, plus elle s’énervait contre Sally. Sans raison compréhensible. Elle s’en est enfin ouverte : « Les poils de Sally flottent partout dans la maison, ça m’agace. Je n’en peux plus ! Je ne laisserai pas une chienne faire souffrir d’allergie ma précieuse fille. Il faut faire quelque chose avant la naissance d’Anan. » J’ai eu un sursaut en l’entendant parler ainsi. Ses mots – faire quelque chose – tournaient sans arrêt dans ma tête. Maman était du genre à tenir parole. Même à l’école, je n’arrivais pas me concentrer en cours tant je craignais que maman ne maltraite Sally ou qu’elle fasse « quelque chose », comme elle avait dit.

Ç a a fini par arriver. Sally refusait de manger, elle avait les yeux chassieux, la respiration haletante.

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— Maman, tu l’as encore grondée ? Pourquoi tu la maltraites comme ça ? — Tu dis n’importe quoi...! Elle est trop sensible. Ce n’est pas une chienne, c’est une créature malicieuse. Elle pense trop ! — Elle pense trop ? — C’est ça. Elle sait très bien qu’elle ne sera plus jamais aimée comme avant une fois qu’Anan sera née. C’est pour ça que je dis qu’elle pense trop. C’est elle qui a choisi de tomber malade. Je n’y peux rien. Les chiens, tout comme les hommes, tombent malades quand ils ne se sentent pas suffisamment aimés. — L’as-tu emmenée chez le vétérinaire ? — Non... elle guérira bientôt. — Tu es trop sévère. Il faut que je l’emmène tout de suite chez le vétérinaire. Quand le bébé sera né, c’est moi qui m’occuperai de Sally. Ce sera trop dur pour toi de prendre soin de tous les deux. — Tu parles... Et quand tu seras à l’école, comment feras-tu ? Iras-tu avec elle ? La prendras-tu sur ton dos ? — Alors, qu’est-ce que tu feras d’elle ? — Je réfléchis. Je vais devoir la confier à ma sœur, ou bien à la sœur de ton papa. Sinon, il faudra la vendre. — Ç a, jamais !!! — Tu n’es vraiment pas raisonnable... — Je ne peux vivre sans Sally. Il est hors de question de la confier à quelqu’un d’autre. Si jamais il lui arrive quelque chose, je ne mangerai plus, je n’irai plus à l’école ! — Tu me fais du chantage maintenant ? — Donne-moi de l’argent pour le vétérinaire. D’un air las, maman a sorti de l’argent de son porte-monnaie.

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— Si ça ne suffit pas, tu prendras sur ton argent de poche. Là-dessus, elle est entrée dans sa chambre. Avec Sally dans mes bras, je suis allé à la clinique vétérinaire près de chez nous. Le vétérinaire lui a fait une piqûre et prescrit des médicaments. Il m’a demandé de revenir le voir tous les deux jours. Sur le chemin du retour, Sally s’est endormie profondément dans mes bras. 12 Malgré les soins du vétérinaire, la santé de Sally ne s’améliorait pas. Elle maigrissait à vue d’œil. La nuit, quand elle dormait à côté de moi, elle respirait faiblement, probablement à cause de son manque d’énergie. Quand je partais de la maison avec mon sac sur le dos, elle se glissait sous le canapé. Un jour, de retour de l’école, j’ai découvert Sally immobile, à plat ventre sous le canapé. J’ai eu peur. — Maman, viens voir ! Maman s’est précipitée pour tenter de la faire sortir de sous le canapé. Et elle a dit, effrayée : — Oh ! mon Dieu ! Elle nous a quittés, elle nous a quittés ! — Elle nous a quittés ? Elle est morte ? — Oui. Regarde. — Sally, Sally ! J’avais beau la serrer dans mes bras, la bercer et la masser… Son petit corps était déjà raide. Elle avait les yeux écarquillés, la bouche ouverte. — Je te déteste, maman ! Fais revivre Sally ! Je lui tapais sur l’épaule comme un fou. — Fais-la revivre ! Sinon je vais mourir moi aussi ! C’est toi qui l’as tuée ! Tu es un assassin !


J’ai jeté mon sac par terre, violemment, tellement j’étais en colère. — Qu’est-ce que tu es méchant ! Comment oses-tu parler à ta maman comme cela ? Si tu te comportes comme ça, tu n’auras jamais de smartphone ! — Je n’en ai pas besoin ! La seule chose que je veux, c’est Sally ! — Comment veux-tu que je fasse revivre une chienne morte ? Si tu peux, vas-y ! Tous les êtres vivants sont condamnés à mourir un jour. Sally n’a pas échappé à son destin. — Non, non, fais-la revivre, tout de suite ! Je pleurais toutes les larmes de mon corps, j’avais le visage couvert de larmes et de morve. — Ç a suffit ! Tu es un grand garçon maintenant. Vas-tu donc cesser de pleurer ? — Non ! Je ne veux pas ! Je ne peux plus vivre ! Fais-la revivre, vite ! — Assez de ces bêtises ! C’est impossible, tu le sais. On va l’enterrer dans un lieu bien ensoleillé. Voilà, c’est tout. J’étais si triste, si désespéré ! Je n’ai jamais rien vécu de plus triste et douloureux.

Au retour de l’école, je restais assis un bon bout de temps au sommet de la colline où reposait Sally. Tous les jours, sans exception. Quand je l’appelais : « Sally, Sally ! », elle me répondait : « Ne t’inquiète pas ! Je vais bien ! » Quand je lui disais : « Tu me manques, tu me manques ! », elle me disait : « Toi aussi, toi aussi ! » J’ai ramassé de jolies pierres pour les empiler. La tombe de pierres s’est élevée de plus en plus haut.

Quinze jours après la mort de Sally, Anan est venue au monde.

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Comme maman l’avait toujours dit, c’était une très jolie petite fille.

J’ai revu Sally !

La naissance d’Anan a apporté une atmosphère joyeuse à la maison. Elle grandissait bien, et moi je suis passé en cinquième année à l’école primaire. Mes parents s’enthousiasmaient pour les yeux étincelants et la peau particulièrement claire d’Anan. — Chérie, quand elle sera grande, a dit papa, notre Anan gagnera le concours de beauté ! Maman était encore pire : — Bien évidemment ! Elle remportera le titre de Miss Corée ! De nos jours, la beauté est une compétence. — Eh oui ! Nous n’avons qu’à bien l’élever. Qui sait ? Nous pourrons jouir d’une vie confortable grâce à notre fille ! — Je suis bien d’accord avec toi, Chéri. Pour qu’elle ait de belles jambes, il faut la masser dès maintenant. Regarde, comme ça. Maman a étendu les jambes d’Anan. Cela devait lui plaire car elle a souri. — Regarde-la sourire ! D’où tient-elle ce sourire charmeur ? Elle est si jolie ! Il est vrai qu’Anan était une très jolie petite fille. Si elle remporte plus tard le titre de Miss Corée, je serai fier d’elle. Et mes amis m’offriront mes nouilles préférées pour que je leur présente ma petite sœur. Mais il m’était désagréable de voir papa et maman dire des bêtises tout en riant. Comment eux qui priaient le Bouddha avec ferveur pouvaient-ils accorder autant

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d’importance à l’apparence physique ? S’il apprend cela, Bouddha ne les bénira jamais. Je n’aimais non plus que mes parents rêvent de jouir d’une vie confortable grâce à leur fille. En tout cas, dès la naissance d’Anan, maman et papa ont quasiment cessé de me gronder. Ils ne s’intéressaient plus à moi. Plus ils m’oubliaient, plus la mort de Sally m’accablait. Regrettant ma chienne, je m’endormais avec sa photo dans mes bras. 15 Le jour commençait à poindre. Un léger rayon de lumière filtrait entre mes rideaux. C’est alors que Sally m’est soudain apparue. —

Sally ! Où étais-tu ? me suis-je exclamé, d’où sors-tu ?

— J’étais sur une autre planète. Tu me manquais tellement que je suis venue te voir. — Une autre planète...? — Oui. Tu ne connais que la Terre, pas vrai ? — C’est vrai qu’il y a d’innombrables planètes dans l’univers. Dis-moi, la vie sur l’autre planète te plaît-elle ? Est-ce amusant ? — Oui. Là-bas, il n’y a pas de souci à se faire ou d’inquiétude à avoir. C’est tout à fait différent du monde des hommes. Tous les habitants ont un cœur innocent et pur. C’est pourquoi nous pouvons pénétrer le fond des choses. — Le fond des choses...? — C’est cela. À propos... la raison pour laquelle je suis venue te voir, c’est... Sa voix est soudain devenue grave. — C’est quoi ? Parle ! Tu m’effraies ! — N’aie pas peur. Tu vas passer un examen aujourd’hui, non ? Tu te fais du souci pour ça, n’est-ce pas ? — Mais... comment le sais-tu ? — Et l’instruction civique n’est pas ton fort, pas vrai ?


— Comment es-tu au courant ? — Je peux tout voir sur ma planète. Je peux même savoir lire ce que tu penses, ce dont tu t’inquiètes. — Et alors ? — Je veux t’aider. — Mais comment...? — Hmmm... Lis attentivement la partie décrivant les invasions des Khitans et des Mongols en Corée à l’époque de Goryeo. Lis soigneusement l’histoire des trois invasions des Khitans et celle de la guerre qui a duré quarante ans entre la Corée et la Mongolie, la rébellion Sambyeolcho, les noms des moines bouddhistes qui ont lutté avec le peuple pour protéger la patrie, l’achèvement du Tripitaka Koreana. D’accord ? — D’accord. — Je te laisse maintenant. Il faut que tu ailles à l’école. La prochaine fois, je viendrai dans la nuit. Au revoir ! Et je me suis réveillé comme si quelqu’un m’avait frappé derrière la tête.

J’ai eu cent sur cent en instruction civique. J’étais le seul de ma classe à avoir cent sur cent. Mes camarades m’ont regardé d’un œil dubitatif et mes parents d’un air interrogateur. Je n’ai dit à personne que c’était grâce à Sally que j’ai eu une si bonne note.

Je n’ai pas oublié ce que Sally m’avait dit : elle m’avait promis de revenir me voir de nuit. Je me suis dit : « Reviendra-t-elle vraiment ? Sally ne ment jamais. La prochaine fois, je vais lui demander de me parler plus en détails de la planète où elle vit. » J’avais maintenant un rêve. Le rêve de revoir Sally. En cours, il m’arrivait de

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regarder le ciel à travers la fenêtre et de sourire en pensant à ma très chère chienne. Mes amis me demandaient pourquoi je souriais ainsi ou si je n’avais pas perdu la tête. Je me fichais de ce qu’ils racontaient. Je ne sentais pas le besoin de leur expliquer à quel point j’étais heureux. D’ailleurs, si je leur avais expliqué, ils m’auraient traité d’excentrique.

Un soir, je me suis endormi sur ma table de travail en faisant mes devoirs. Sally m’a adressé la parole. — Réveille-toi ! Je suis là ! — Hein...? — Tu dois avoir des questions à me poser. Tu veux en savoir plus sur la planète où je vis. — En effet, j’en suis très curieux. Qui habite sur ta planète ? — Les hommes qui y vivent.... ah non, ce sont des âmes vivantes, pas des hommes. — Des âmes vivantes...? — Oui, des âmes vivantes... — Les âmes de qui ? — De tous les êtres de la Terre... — Tous...? — Oui. Imagine, il y en a tellement ! — Mais… les astronautes ont pris plusieurs photos sur la Lune et ils ont dit qu’il n’y avait rien. Ce doit être pareil pour ta planète, j’imagine. — Les âmes sont invisibles aux hommes. — Qu’est-ce que ça veut dire ? — Les hommes ne voient qu’avec leurs yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur. — Tiens ! tu dis exactement la même chose que le renard dans le Petit Prince.

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— Tu as raison. Le renard et moi, nous sommes pareils. — Comment cela ? — Tu ne sais donc pas que le cœur a des yeux et des oreilles ! — Non, je ne le savais pas. — Avec les yeux du cœur, tu peux tout voir. Les oreilles du cœur, aussi, te permettent de tout écouter. — Ah bon ! Mais tu es venue un peu en avance ! Je n’ai pas encore fini mes devoirs. J’aurais bien voulu que tu viennes un peu plus tard. — Tu es tellement occupé dans la journée. Tu es accaparé par toutes sortes d’inquiétudes et de soucis. La nuit, je peux parler avec toi plus longuement. — Tu as raison. — Je te laisse, tu as l’air fatigué. — Non, ça va, reste avec moi et parlons un peu plus. Je me sens très heureux quand je parle avec toi. — Merci. Alors, je vais te raconter une chose. Tous ceux qui sont en vie sont invisiblement liés les uns aux autres. Ils ne cessent de tourner selon le mouvement du nidana. Depuis plusieurs milliards d’années. — Je ne comprends pas. — Tu comprendras peu à peu. Je chéris le nidana qui nous lie, toi et moi. J’étais vraiment heureuse quand je dormais à côté de toi dans ton lit. — Moi aussi. Tu me manques tellement que je ne peux pas m’endormir le soir sans tenir ta photo dans mes bras. Je me rends sur ta tombe tous les jours. J’ai empilé des pierres tout à côté. — Je sais. Je vois tout depuis ma planète. J’ai bâillé sans m’en rendre compte.

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— Tu es très fatigué. Je te laisse. Bonne nuit. Au revoir... — Non, ne t’en vas pas ! Reste, reste encore un peu !!!

Maman me secouait les épaules. — Gaseop ! Gaseop ! Tu t’es endormi sur ton bureau. Tu vas être en retard à l’école. Dépêche-toi ! J’ai sursauté. Mon cahier était couvert de salive et mes phrases toutes tachées. Maman claquait la langue. — Tss-tss.... — J’ai vu Sally, maman. — Tu dors encore ? — J’ai parlé avec elle longuement. — Mais de quoi parles-tu ? Tu as parlé avec Sally ? C’est bizarre. Va falloir aller voir le médecin... — Pourquoi ? — Il faut te faire examiner par un spécialiste pour savoir si tu as des problèmes dans la tête. — Mais non.... Je n’ai aucun problème. — Bien sûr que non. Le pauvre ! J’ai été trop indifférente à ton égard ces derniers temps.

Un jour, je suis revenu de l’école pour découvrir que ma grand-mère était chez nous. D’habitude, elle vivait chez mon oncle. — Mamie, où est maman ? — Elle dort. Elle n’a pas fermé l’œil de la nuit car Anan toussait beaucoup et elle

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faisait des bruits bizarres en respirant cette nuit. Je ne sais pas pourquoi elle montre tous ces symptômes. Pourtant, elle n’a eu, jusqu’à présent, aucun problème. Ta maman et moi l’avons emmenée chez le médecin. — Qu’est-ce qu’il a dit ? — Une pneumonie, je crois. Une pneumonie aiguë. Il a parlé de virus, etc. La petite a subi plusieurs examens. Le médecin a dit de surveiller sa fièvre, de s’assurer qu’elle ne monte pas. J’ai fait mes devoirs dans ma chambre. J’entendais Anan tousser dans la chambre de maman. Sans cesse. Sa mine devenue pâle à vue d’œil m’inquiétait.

C’était le point du jour. Maman a frappé à la porte de ma chambre. — Tu veux bien te réveiller, Gaseop ? — Qu’est-ce qu’il y a ? — Je vais aller au temple avec mamie. Quand je suis sorti de ma chambre, mamie et maman avaient déjà terminé les préparatifs dans la salle de séjour. — Ta tante ne va pas tarder à arriver. Anan vient de s’endormir. Ne fais pas de bruit, pour qu’elle ne se réveille pas. — D’accord. Qu’est-ce que c’est ce paquet, mamie ? — Il y a du riz et de l’eau pure pour offrir au Bouddha. Nous allons au temple pour faire nos dévotions. — Qu’est-ce que ça veut dire ? — Ç a veut dire prier le Bouddha ardemment. Lui peut guérir les maladies que les médecins ne parviennent pas à soigner. Les deux Bodhisattvas qui siègent à ses côtés aident

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aussi les malades. Toutes les maladies sont curables. — Dépêchez-vous alors. Il faut qu’Anan guérisse le plus vite possible. — Mon Gaseop comprend tout ce que mamie lui dit ! Qu’est-ce qu’il est adorable...! À tout à l’heure !

J’ai pris mon petit-déjeuner tout seul et commencé à préparer mon sac. La sœur de maman est arrivée, hors d’haleine. — Gaseop ! Où est Anan...? — Dans la chambre de maman. Elle dormait quand j’ai jeté un coup d’œil tout à l’heure. D’un air grave, elle s’est dirigée vers la chambre où dormait Anan. Je suis parti pour l’école le cœur lourd. Obsédé par Anan, je n’arrivais pas à écouter les paroles de mon maître. Pendant le cours d’instruction civique, à une question, j’ai répondu « Goguryeo » au lieu de « Goryeo ». La classe s’est agitée un peu à cause de ma faute. J’ai immédiatement rectifié, mais j’avais honte. C’est Jeongwuk, le délégué de classe qui était assis à côté de moi, qui avait fait remarquer ma faute. — Hé ! Seong Gaseop ! Tu ne sais même pas faire la différence entre Goguryeo et Goryeo ? Je me demande comment tu as pu avoir cent sur cent la dernière fois. Tu as dû tricher ! Je n’ai pas pu supporter. Machinalement, je lui ai envoyé un coup de poing. En un instant, les élèves se sont divisés en deux groupes pour se jeter les uns sur les autres. J’ai été agréablement surpris par le nombre de camarades qui me soutenaient. Juste à ce moment-là, le maître est entré dans la classe pour découvrir la bagarre. Il a crié. — Rangez vos chaises, mettez-vous à genoux et levez les bras !

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La classe entière a été punie pendant dix minutes. Certains qui n’avaient pas participé à la bagarre me lançaient un regard plein de haine. C’était vraiment un jour de malchance. En rentrant de l’école, j’ai été saisi par un sombre pressentiment : s’il arrivait quelque chose à Anan...? J’ai prié le Bouddha : — Aidez Anan, faites que rien ne lui arrive ! 22

Anan est partie au ciel

Quand je suis rentré, il n’y avait personne. Ni mamie, ni maman, ni Anan, ni tata... J’ai téléphoné à papa, mais son portable était éteint. Impatient et inquiet, je ne cessais de virevolter d’une pièce à l’autre. Enfin, la sœur de papa a débarqué chez nous. — Tu resteras avec moi aujourd’hui, Gaseop. Tu n’iras pas à l’école demain car c’est samedi. — Oui. Elle a défait le paquet qu’elle avait amené. — J’ai préparé des rouleaux de riz farcis pour toi. Je sais que tu n’aimes pas la viande et le jambon. J’ai mis beaucoup d’épinards et de bardanes, tes légumes favoris. Serstoi. — Les autres sont tous allés à l’hôpital avec Anan ? — Oui. Ils l’ont emmenée à l’hôpital car elle a eu une forte fièvre, puis... — Continue, tata. — On lui a fait une piqûre et on lui a donné des médicaments, mais la fièvre n’a toujours pas baissé. Elle est maintenant sous respiration artificielle. Elle a essuyé des larmes avec un mouchoir, puis continué :


— J’ai du mal à imaginer à quel point elle doit souffrir, elle encore si petite... ça me déchire le cœur. Si elle passe cette nuit, tout ira bien. — Mamie et maman sont allées prier au temple et à l’hôpital il y a des médecins ! Il ne se peut pas qu’elle ne guérisse pas ! — Elle guérira, elle guérira. — Je vais demander ce soir à Sally comment on doit faire pour guérir Anan et si elle peut bien guérir. — Qui est Sally ? Un médecin de renom ? Une Américaine ? — Mais non ! Tu ne te souviens pas de notre chienne ? — Si, mais elle est morte il y a longtemps. Comment ça, demander à une chienne morte...? — Tu ne comprends pas, tata. Elle vit sur une autre planète. Elle a un cœur pur, c’est pourquoi elle connaît tout, et elle répondra à toutes mes questions. — Qu’est-ce qui t’arrive, Gaseop ? Tu dois avoir faim. Quand on a faim, on dit n’importe quoi. Allez, mangeons ces rouleaux de riz. — Tu ne comprends pas. Les adultes ne comprennent rien. Je me suis endormi en pensant que je reverrais Sally. Mais cette nuit-là, elle n’est pas venue me voir. Toute la nuit, je me suis tourné et retourné dans mon lit. Et vers l’aube, entre veille et sommeil, j’ai entendu une voix : — C’est moi, Gaseop ! C’était la voix d’Anan. J’ai ouvert les yeux et, à ma surprise, Anan était là avec un large sourire sur le visage. — Anan ! Qu’est-ce qui se passe ? Comment as-tu fait pour sortir toute seule de l’hôpital ? Tu n’es plus malade ?

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— Je ne suis plus à l’hôpital, Gaseop. Je suis au ciel. — Au ciel ? — Oui. — Maman et papa savent-ils que tu es là ? — Sans doute. Tout à l’heure, quand j’étais avec eux, un ange aux ailes blanches est soudain venu me chercher et je l’ai suivi. Quand je me suis retournée, maman et papa n’étaient plus là et l’ange m’a dit : « Nous sommes maintenant au ciel. Désormais, tu vivras ici avec moi. » — Es-tu vraiment partie au ciel ? — Mais oui ! Tous les anges s’occupent bien de moi. Ne t’inquiète pas pour moi. — Ne dis pas ça, reviens vite ! — Je ne peux pas. Gaseop, il faut que je parte maintenant. Les anges me demandent de rentrer vite. Il me faut que je rentre tôt car je suis la petite nouvelle. É coute, ils me pressent de revenir. — Qu’est-ce que tu racontes ? Je n’entends rien. — Les hommes de la Terre sont toujours comme ça. Quand je vivais sur la Terre, moi aussi j’étais comme ça. Réfléchis bien, Gaseop. Pourquoi tu n’entends pas ce que j’entends. C’est très important. — Très important ? — Oui. Essaie de trouver pourquoi ! Je m’en vais ! — Non, ne t’en vas pas, Anan !!!

Je me suis réveillé en poussant des cris. Le rêve m’avait paru trop réel. Tata a couru vers moi.

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— Qu’est-ce qu’il y a, Gaseop ? — J’ai fait un rêve. J’ai vu Anan. Elle est partie au ciel. — Au ciel... ça veut dire qu’il lui est arrivé quelque chose ?... — Je le crains... — Prenons notre petit-déjeuner et allons voir à l’hôpital. Papa vient de téléphoner. Il m’a dit de venir vite avec toi. — Vite ? — Oui. C’est mauvais signe... Je me suis dit : « Si jamais il est arrivé quelque chose à Anan, comme maman va être triste... »

Toute la famille était réunie à l’hôpital. Tous étaient habillés en blanc ou en noir. Anan était tout sourire dans le cadre décoré de fleurs de chrysanthème. Ivre mort, papa restait allongé dans un coin de la pièce. Il paraissait inconscient. Maman pleurait dans les bras de sa sœur. Ses yeux étaient bouffis à force de pleurer. Dès qu’elle m’a découvert, elle s’est précipitée vers moi et m’a pressé dans ses bras. — Gaseop ! Anan.... Anan est partie au ciel. Elle m’a abandonnée pour aller au ciel. — Je l’ai vue dans mon rêve cette nuit, maman. Elle m’a dit qu’elle était heureuse à côté des anges. Ma grand-mère a dit : — Elle est apparue dans ton rêve pour nous dire qu’elle allait bien. — Mamie a raison, maman. Elle était toute souriante. Ne sois pas triste. — Je ne veux rien entendre. J’en veux au Bouddha. Ma grand-mère a tenté de la consoler : — Gaseop a raison. Je vois notre Anan, si innocente, sourire dans un monde sans

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tache. Les moines sont venus réciter les textes sacrés : « Le Bodhisattva Avalokiteshvara par la pratique profonde de la prajnã pâramitâ comprend que... »

Le petit corps d’Anan a été réduit en cendres. Nous les avons enterrées sous un pin, dans le cimetière familial. Nous avons accroché une plaque à l’arbre. Toute la famille a prié pour qu’Anan devienne un pin et grandisse bien. Papa a pris maman, qui s’était évanouie, sur son dos, et nous sommes descendus de la montagne.

Durant les jours qui ont suivi, maman, allongée sur son lit, ne mangeait ni ne dormait. Papa cherchait la consolation dans l’alcool. Il fallait que je trouve un moyen pour réconforter maman. — Maman, comme ça, tu vas avoir de gros ennuis ! Ne sois plus triste. Je suis là. Je deviendrai quelqu’un de bien ! Je ferai du bien aux autres, je deviendrai un bon garçon. Mais elle ne faisait que regarder le plafond d’un œil distrait. Elle a enfin ouvert la bouche. — Mon péché est grand, Gaseop. Tellement grand. — Que veux-tu dire ? — Plus j’y pense, plus je me sens coupable. — Mais non, maman, mon péché est encore plus grand. Je t’ai causé bien des soucis. J’insistais pour avoir un smartphone sans travailler dur à l’école. Je te disais n’importe quoi. J’étais jaloux d’Anan sans jamais t’aider. Je regrette tout ce que j’ai fait. Je te demande pardon. — C’est moi qui te demande pardon.

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— Mais non ! — Je regrette d’avoir cru que je pouvais tout faire à ma volonté, de ne pas savoir remercier pour de petits riens... Je ne savais que dire. — D’avoir été arrogante, d’avoir maltraité Sally... De ne pas savoir comprendre les autres, de ne pas savoir renoncer à l’argent... Je regrette tout. Le Bouddha a tout vu et m’a punie pour ce j’ai fait jusqu’à présent. — Arrête, maman. Tu me rends triste. Elle fixait toujours le plafond. — Gaseop ! — Oui, maman ? — Tu sais ce que je regrette le plus ? — Qu’est-ce que c’est ? — D’avoir maltraité Sally. Je lui ai fait beaucoup de mal. Je me suis dit que ce n’était qu’un animal qui ne savait pas parler. C’est ce que je regrette le plus. Les larmes de maman trempaient son oreiller. — Ne pleure pas, maman. Tu tomberas vraiment malade. — Je regrette aussi, Gaseop, de ne pas m’être occupée de toi ces derniers temps. Je suis désolée. — Mais non, maman. Elle a saisi ma main. Elle la caressait sans cesse. Sa main était plus douce qu’avant. Qu’elle était chaude ! — Tiens, Gaseop ! Elle s’est brusquement soulevée sur le coude. Elle m’a regardé d’un œil vif. — En priant, une étrange idée m’est venue.

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— Quoi donc ? — Les deux Bodhisattvas qui siègent à côté du Bouddha n’ont pas souri. Même quand j’ai continué à faire des révérences, ils n’ont pas souri. C’est pourquoi je me suis dit, un instant, qu’ils n’aideraient pas Anan. — ... — Ils n’ont pas été touchés par mes prières. Je leur ai fait des révérences sans y mettre tout mon cœur. Je pensais : je vous fais des révérences, alors bénissez-moi ! Je sais maintenant que le Bouddha ne répond jamais à ce genre de prières. Il est généreux mais il peut être très strict et sévère. Tu comprends ? — Oui, je comprends. — Il me demande maintenant... — Qu’est-ce qu’il te demande ? — D’abandonner le goût de l’argent, d’abandonner mon égoïsme pour trouver la lumière. De suivre la lumière, de me souvenir de cela jusqu’à ma mort. — Je pense pouvoir le comprendre. — Très bien... Je lui ai promis de vivre selon ses paroles. Et je te le promets aussi. Tu me fais confiance ? — Oui. Je savais qu’elle était sincère. La sincérité, ça se sent. — Je t’aime, maman. — Merci, mon fils. Tu as grandi si vite. Viens que je t’embrasse. Dans les bras de maman, je me suis laissé submerger par sa tendresse. Les larmes ruisselaient sur mes joues. C’était si bon de recevoir l’attention, l’amour de maman. Serrés l’un contre l’autre, nous avons pleuré pendant un long moment.

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