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Ven. Pomnyun
Leçon sur la vie F renc h
Book Information
Leçon sur la vie (엄마 수업 ) Jungto Publishing corp./ 2013 / 36 p./ ISBN 9788984317413 For further information, please visit: http://library.klti.or.kr/node/772
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Leçon sur la vie Written by Ven. Pomnyun
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Les feuilles de l’érable aux couleurs de l’automne sont plus belles que les fleurs printanières
Vénérable Pomnyun
Prologue
L’âge d’or de la vie, c’est maintenant 2 Lorsqu’on est jeune, on a l’impression que le temps passe très lentement tandis que quand on devient vieux, il nous semble passer comme une flèche. C’est le même temps, mais pourquoi le perçoit-on différemment ? Quand on est jeune, on a hâte de devenir adulte, il nous arrive alors de mentir sur notre âge et d’insister : « C’est moi, le plus âgé. C’est moi, le plus grand. » Ainsi, comme on espère devenir adulte le plus tôt possible, on a le sentiment que le temps passe trop lentement. Mais, une fois grand, on fait tout pour paraître plus jeune, ne serait-ce qu’un peu. Il est vrai que quand on est jeune, la marche du temps nous permet de grandir tandis que devenu vieux, le temps ne fait qu’accélérer la vieillesse. Avec l’âge, on prend des rides sur le visage qui était tout lisse auparavant et on se découvre des cheveux blancs. Le corps perd ses forces alors qu’on était en forme même après une nuit blanche. On a beau se trouver jeune dans sa tête, on commence à se rendre compte que notre corps n’est plus comme avant. Alors, à la pensée « J’ai vieilli sans avoir accompli quoi que ce soit », on a peur de l’avenir et on se remémore le passé en ravivant de vieux souvenirs, en parlant de notre jeunesse. Mais, quand on dit « En ce temps-là, c’était mieux que maintenant », était-on vraiment heureux « en ce temps-là » ? Quand on est jeune, est-on tous heureux ? Demandez aux adolescents. Ils répondront qu’ils sont fatigués et qu’ils mènent une vie difficile. Demandez également aux étudiants. Ils donneront la même réponse. On a l’impression que le temps
passé est beau, mais en réalité, on n’était pas toujours heureux en ce temps-là. Si on regrette le passé, c’est parce qu’on n’est pas satisfait de notre vie présente. J’ai appris qu’à la question d’un sondage : « Qu’est-ce que vous regrettez le plus dans la vie ? », la première réponse était : « J’aurais dû travailler plus à l’école » quelle que soit la génération. D’après ce résultat, les gens pensent : « Si j’avais travaillé plus à l’école au lieu de m’amuser, j’aurais une meilleure vie maintenant. » Ainsi, on émet constamment des regrets et on s’attache au passé. Imaginant un autre scénario de la vie, « Si j’avais su à ce moment-là... » ou « Si j’avais fait un autre choix... », on regrette les choix qu’on a faits et on se trouve soi-même profondément déçu. Mais, si on s’enferme dans le passé qu’on ne peut pas changer, il est difficile de se satisfaire de sa vie présente et on en souffre. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire pour être heureux sans avoir de regrets ? La réponse est que les adolescents doivent vivre pleinement leur vie, de même que les jeunes de vingt ans. Et, que signifie l’expression : « Vivre pleinement sa vie » ? Pour les adolescents, c’est travailler bien à l’école. Quand on devient adulte, on est obligé de gagner sa vie et on doit prendre beaucoup de responsabilités. Mais, quand on est adolescent, il suffit de travailler à l’école et si on le fait bien, on peut même recevoir plein de compliments. On ne peut pas vivre deux fois sa jeunesse, mais quand on vit cette époque-là, on souffre de beaucoup de choses sans avoir conscience à quel point ce temps est précieux. Arrivé à la vingtaine, on peut tomber amoureux de quelqu’un et languir d’amour pour cette personne. C’est le privilège de la jeunesse. Même si on échoue en amour, cette expérience nous fait mûrir et nous aide à comprendre plus profondément l’autre. Mais on souffre tellement en aimant quelqu’un qu’il nous arrive même de se dire : « J’aimerais vieillir le plus vite possible pour ne plus avoir à souffrir ainsi. » Au moment où on vit ces moments, on souffre et on a beaucoup de peine, mais plus tard,
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on les regrette en se disant : « C’était mieux en ce temps-là ». Les quadragénaires et les quinquagénaires qui se plaignent de leur âge comprennent, vingt ou trente ans plus tard, qu’ils étaient encore jeunes à ce moment-là. Et les sexagénaires et les septuagénaires qui se lamentent en disant qu’ils sont vieux regrettent cette époque-là dix ans plus tard en se disant : « Si j’avais dix ans de moins... » Ainsi, être vieux est une notion relative. Par exemple, un ado en terminale peut dire à un lycéen en première en lui demandant un petit service : « Fais-le, tu es plus jeune que moi. Je vais me reposer un peu. » Si un petit imite un plus grand avec la hâte de devenir adulte au lieu de vivre sa vie présente, et si un jeune se plaint en disant : « La vie est trop difficile, j’ai hâte de prendre de l’âge », et enfin, si une personne âgée envie les jeunes en regrettant : « C’était mieux quand j’étais plus jeune », c’est parce qu’ils ne voient pas le bonheur qui est devant leur yeux. Les jeunes doivent savoir dire : « Je suis jeune, je suis en forme, j’ai l’avenir devant moi. Je suis vraiment heureux », et les personnes âgées : « Comme j’ai vécu beaucoup de choses dans la vie, je peux mieux comprendre la vie et les autres. » Ainsi, il faut être positif et essayer de rendre heureux chaque instant de sa vie. Si on ne s’attache pas au passé, qu’on n’a pas peur de l’avenir et qu’on vit pleinement le moment présent, notre vie sera toujours à son âge d’or. Ainsi, on ne se sentira pas triste en vieillissant et on sera heureux jusqu’à la fin de notre vie. Si on a plus de regret en prenant de l’âge, qu’on n’est jamais satisfait de notre vie présente et qu’on est malheureux, c’est parce qu’on est soumis aux usages du monde qui nous imposent, par exemple, d’entrer dans une bonne université, de gagner beaucoup d’argent, d’occuper un poste élevé, d’être reconnu, etc., sans pouvoir être maître de notre vie. On est dévoré par de nombreux désirs sans jamais se sentir comblé. Pour résoudre tous ces problèmes en restant maître de notre vie, il faut se libérer de tous les désirs qui en occupent le premier rang, comme l’argent, la réussite, la réputation, la santé,
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etc. À cause de tous ces désirs qui nous aveuglent, on a du mal à voir ce qui est le plus important dans la vie. Une fois délivré de cela, on parvient à ouvrir les yeux et à comprendre le secret de la vie et ce qu’il faut faire pour être heureux. Réfléchissez sur vous-même pour savoir si vous n’avez pas gâché votre vie en croyant que vous serez éternel. Personne ne sait quand la mort arrive, de ce fait, il faut faire de notre mieux pour vivre pleinement le jour présent. Et ainsi, on peut mener chaque jour une vie sans regrets même la veille de sa mort. Si l’on se satisfait de sa propre vie et du moment présent sans courir après le succès, la vie sera remplie de bonheur.
Chapitre 1. Maintenant, êtes-vous heureux ?
La question : « Pourquoi doit-on vivre ? »
« Pourquoi doit-on vivre ? » C’est une question qu’on pose souvent quand on est jeune. Et il y a une autre période où on pose de nouveau ce genre de question. À la quarantaine, à la cinquantaine, ou à l’âge critique, en revenant sur sa vie passée, on se pose la question : « Qu’est-ce que la vie ? » Mais, il n’y a pas de réponse à cette question car « la vie » précède la question « pourquoi ? », c’està-dire que l’existence précède la pensée. Comme on est en vie, on peut penser, il est donc normal qu’il n’y ait pas de réponse à la question : « pourquoi doit-on vivre ? » Si on est né, ce n’est pas parce qu’on en avait envie. On est déjà né, en vie, c’est tout. Si vous êtes coréen, ce n’est pas parce que vous vouliez l’être, mais quand vous êtes né, vous l’étiez déjà. De ce fait, si vous posez la question : « Pourquoi suis-je né en Corée ? », il n’y a pas de réponse. Malgré tout, si vous continuez à vous interroger, vous risquez de penser :
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« Quel est l’intérêt de vivre si je ne perçois pas le sens de la vie ? » Ainsi, à force de se poser la question : « Pourquoi vivre ? », on risque de développer des idées noires ou négatives, comme le suicide. Alors, il faut changer d’idée. « La sauterelle vit, l’écureuil vit et le lapin vit aussi. Je vis, cet homme vit aussi et tout le monde vit. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire pour bien vivre ? S’amuser ? Souffrir ? » « S’amuser, bien sûr ! Alors que faut-il faire pour vivre en s’amusant ? » Voilà, la pensée saine qu’on doit avoir en tant qu’être vivant. Les plantes, le lapin, les hommes, tous vivent et tous meurent un jour. S’ils sont en vie et qu’ils meurent un jour, ce n’est pas parce qu’ils en avaient envie. La vie nous a été attribuée et on meurt quand le moment arrive. Alors, le choix que nous avons à faire dans la vie, c’est de « vivre en souffrant ou en s’amusant ? » Dans la question : « Pourquoi vivre ? », il y a une idée cachée : « Je suis quelqu’un à part. » « Je suis quelqu’un à part. Donc, je dois mener une vie à part. Mais, en réalité, ma vie n’est pas originale, c’est pourquoi je souffre. » On donne à notre vie une signification particulière et on souffre de ce poids lourd en se forçant à mener une vie particulière. Mais, la vie est la même pour une petite plante poussant au bord de la route, pour un écureuil et pour les hommes. On pense qu’on est quelqu’un à part, mais en réalité, la vie n’est pas grand-chose. Quiconque ne mange pas pendant cent jours ou ne respire pas pendant dix minutes peut mourir. De ce fait, il est très important de ne pas s’imaginer être quelqu’un à part. Alors, on n’a pas besoin de se forcer à être quelqu’un à part et on peut vivre pleinement sa vie sans aucun poids sur le dos. Le maître de notre vie, c’est nous. C’est pour cela qu’on a la responsabilité de rendre notre vie heureuse et qu’on a le droit d’être heureux. Mais si on se fait du mal sous différents
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prétextes, cela revient à abandonner sa propre vie. Alors, au lieu de se battre contre la vie, en se posant la question : « Pourquoi vivre ? », il vaut mieux penser : « Comment faire pour vivre heureux aujourd’hui ? ». Ainsi, on pourra mener une vie plus dynamique et devenir enfin le maître de notre vie.
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Je croyais que si j'endurais aujourd’hui, demain serait changé
Quand on est petit, on pense : « Je serai plus heureux quand je serai grand ». Quand on est adolescent, on se dit : « Ce sera mieux quand j’entrerai à l'université ». Et après les études, on se dit : « Ce sera mieux quand je me marierai... » ou : « Quand j’aurai des enfants... », etc. On supporte aujourd’hui en espérant que demain sera meilleur. On a couru ainsi avec acharnement jusqu’à maintenant. Mais beaucoup parmi nous se demandent en arrivant à l’âge mûr : « Est-ce que je vis bien maintenant ? » Un jour, une personne m’a posé la question : « Qu’est-ce qu’une vie belle et réussie ? » C’est quelqu’un qui a réussi dans son domaine. Cependant il m’a confié que, malgré sa renommée, il n’était pas sûr d’avoir réussi sa vie. Alors, qu’est-ce que « la réussite » ? D’abord, quand on accomplit ce qu’on souhaitait, on peut considérer cela comme une réussite. La plupart des gens pensent qu’on a réussi dans la vie quand on gagne beaucoup d’argent ou qu’on a du pouvoir, un statut important ou bien qu’on devient célèbre. Mais, ce genre de succès est relatif. Par exemple, la richesse est relative. Celui qui a cent millions de wons au milieu de ceux qui ne possèdent que dix millions, est riche. Par contre, cette personne est pauvre par rapport à ceux qui ont un milliard. De ce fait, selon la personne à qui on est comparé, on peut être riche ou pauvre. Il en est de même pour le statut. Lorsqu’un lieutenant est avec des soldats, il a un statut élevé, mais
quand il est avec un colonel, il se trouve à un rang inférieur. Ainsi, notre rang dépend du groupe auquel on est comparé. Voilà pourquoi ce genre de succès ne dure pas éternellement. Comme tout le monde veut réussir dans la vie, ceux qui ont déjà connu un échec s’efforcent de réussir. Cela ressemble au jeu de bascule car quand on monte, on croit qu’on a réussi tandis que lorsqu’on descend, on pense qu’on a échoué. Alors, cette « réussite » qui ne dure pas longtemps ne peut pas être considérée comme un véritable succès. C’est la même chose pour l’argent. On dit souvent : « Faire fortune, le reste importe peu ». Et voyant les riches, les gens qui n’ont pas d’argent pensent que les soucis s’estompent lorsqu’on a beaucoup d’argent. Est-ce vrai ? Les riches n’auraient-ils aucun souci ? Au contraire, ils doivent avoir plus de soucis encore que les autres. Ils s’inquiètent de préserver leur fortune et ressentent une insatisfaction en comparant leur fortune à celle de ceux qui ont encore plus d’argent qu’eux. Il y a une expression : « Celui qui possède quatre-vingt-dix-neuf majigi1 convoite les rizières de celui qui n’a qu’un majigi ». Elle veut dire que, pour avoir cent majigi de rizières, celui qui en a quatre-vingt-dix-neuf veut déposséder celui qui n’en a qu’un. D’ailleurs, la réussite à laquelle on aspire est relative, elle n’est pas la même selon qu’il s’agit de son propre point de vue ou de celui des autres. Par exemple, même si les gens considèrent que telle personne a réussi dans la vie, cette personne peut très bien penser le contraire. C’est pourquoi quand on devient vieux ou qu’on est touché par la maladie, il nous arrive souvent de dire : « Ma vie passée a été vaine et futile » plutôt que de penser : « J’ai mené une belle vie. Si je pouvais renaître, je vivrais de la même manière ». De plus, beaucoup émettent des regrets en disant : « J’ai gâché ma vie en faisant des choses inutiles. » Alors, qu’est-ce qu’une belle vie, une vie réussie ? Il s’agit d’une vie dont on est satisfait, 1
Unité de surface des rizières et des champs. 660m2 pour les rizières, 330 m2 pour les champs.
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sans rapport avec la réussite que ce monde nous impose. En général, on pense qu’on a réussi quand on vit dans une grande maison en ville, après avoir fait fortune. Mais, même l’agriculteur qui vit dans sa campagne, s’il s’en satisfait, peut dire qu’il a réussi sa vie. « J’inspire de l’air pur, bois de l’eau fraîche, mange des produits non pollués et travaille librement. Je suis vraiment heureux. » Si on ne reporte pas le bonheur d’aujourd’hui au lendemain et qu’on se contente du moment présent, on peut considérer sa vie comme réussie. « On n’a pas besoin de manger cinq ou six fois par jour. Et on ne peut pas mettre plusieurs dizaines de vêtements à la fois, ne peut pas conduire plusieurs voitures en même temps. Alors, quand on mène une vie simple et sans souci, c’est la vie la plus heureuse ! » Peu importe son métier. Si vous avez envie d'exercer une certaine profession, il suffit de le faire. Par exemple, si vous vous intéressez à l’étude d’une nouvelle technique agricole, c’est une bonne chose. Ou si vous tenez un petit magasin dans votre quartier, c’est bien aussi. Ou encore si vous voulez travailler à l’étranger, c’est magnifique. Quand on exerce un métier qu’on aime, même s’il nous fatigue, on est heureux. Il y a deux façons de gravir une montagne. La première, c’est en faisant une randonnée pédestre et la seconde, dans le cadre d’un entraînement militaire. Quand on monte pour l’entraînement militaire, on souffre et c’est dur physiquement. Mais, si c’est pour la randonnée, même si c’est fatigant, on peut le faire en s’amusant. Je vais prendre mon exemple. Lorsque je me déplace ici et là pour donner des conférences ou faire un discours, je suis fatigué à cause du manque de sommeil. Mais je suis heureux car je peux transmettre aux gens les paroles de Bouddha que j’aime beaucoup. Un jour, j’ai pris un taxi pour aller donner un catéchisme bouddhique, et le chauffeur conduisait très violemment. Alors, pensant que quelque chose devait le fâcher pour qu’il conduise de la sorte, je lui ai demandé :
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-
Vous avez des ennuis aujourd’hui ?
À ma question, il a répondu en poussant de profonds soupirs : -
Ma femme m’a quitté en me laissant notre enfant de sept ans.
Je lui ai demandé de nouveau : -
Vous gagnez combien de l’heure ?
-
Huit milles wons.
-
Si je vous donne quarante milles wons, je pourrais louer votre taxi pour cinq heures ?
Arrivé devant le temple, je lui ai donné cette somme, et lui ai proposé d’entrer avec moi pour participer au catéchisme bouddhique. S’il avait provoqué un accident à force de conduire si brutalement, quels dégâts aurait-il causé ? Et s’il continuait à vivre dans cet état d’énervement, ce ne serait pas bien pour l’éducation de son enfant. Alors, ne vaudrait-il pas mieux que le chauffeur comprenne son problème et qu’il arrive à se concentrer sur son travail même si sa femme n’est plus avec lui ? Dans ce cas, il se pourrait même que sa femme revienne et il aurait moins de risques de provoquer un accident. Si je lui avais proposé de participer au catéchisme bouddhique sans lui donner d’argent, il ne l’aurait pas accepté. Je suis heureux car beaucoup de gens participent au catéchisme bouddhique que je voudrais partager même en donnant de l’argent. Même si l’on n’a pas accompli ce qu’on souhaitait, cela n’est pas malheureux. Si on fait de notre mieux sans être attaché au résultat, on peut être heureux. Par contre, quand on se soucie du regard des gens sans avoir confiance en soi et qu’on s’attache trop au résultat ou à la réussite en ne faisant attention qu’au jugement d’autrui, à la fin, on peut éprouver un sentiment de vide. Les gens d’aujourd’hui se vantent sans avoir les moyens de le faire, gâchent leur temps, dévorés par le désir, et se font mal eux-mêmes en se comparant aux autres. Et, absorbés par
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l’idée « Je suis un incapable », ils vivent dans l’inertie, sans énergie, et rendent leur vie pitoyable en en voulant aux autres. Mais, ce n’est pas en s’adaptant aux critères que ce monde nous impose ou en ne satisfaisant que nos désirs qu’on devient heureux. Au contraire, on éprouve la joie et un sentiment de satisfaction quand on abandonne ces désirs ou qu’on abaisse les critères de ce monde. Mais en fait, on n’accuse que les autres et ce monde sans réfléchir sur soi-même et sans jamais être content de ce qu’on a dans l’instant. Ainsi, si notre vie vacille, c’est parce qu’on est trop influencé par ce qui nous entoure et par les changements des conditions.
J’aimerais retourner dans le passé quand tout marchait bien pour moi
Un jour, une femme m’a demandé : « En ce moment, je me sens faible non seulement physiquement mais aussi mentalement. Que dois-je faire pour rester jeune ? » Mais, en prenant de l’âge, lorsqu’on est pris du désir de vivre comme quand on était plus jeune, on est malheureux. Si on est rattrapé par l’idée qu’on n’est pas aussi rapide qu’auparavant, qu’on ne s’adapte pas aussi vite aux changements, qu’on a perdu ses forces, ou encore qu’on a la peau moins lisse qu’avant, etc., on se sent triste. Une autre personne m’a posé la question : « J’aimerais vivre en m’amusant comme avant. Que dois-je faire ? » Bien sûr, il est bon de vivre dans la joie. Mais quand on pose comme condition « comme avant », cela constitue une source du malheur. On doit vivre le présent. Regretter le temps passé où « tout marchait bien pour moi » devient un obstacle pour la vie présente. Lorsqu’on ne pense qu’au passé en ressassant sans cesse : « Quand j’étais heureux », « Quand j’étais beau », « Quand j’étais riche », ou encore « Quand je m’entendais bien avec mon époux », etc., on ne fait que retourner en arrière, et
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non avancer. Par exemple, si un couple ne s’attache qu’au passé en posant à l’autre des questions du genre : « Tu te souviens combien tu m’as fait de mal avant le mariage ? », au lieu de discuter de leur avenir : « Comment on va faire pour bien élever notre enfant ? », le conflit entre eux ne fera que s’aggraver. S’ils pensent sans arrêt qu’ils n’auraient pas dû se marier en ne parlant que du passé, en en voulant à l’autre et en se disputant, ils se trouveront malheureux. Il y a beaucoup de personnes qui s’attachent ainsi au passé et qui souffrent du désir de rester jeune en prenant de l’âge. Mais, le fait de devenir vieux est-il quelque chose de douloureux ? Je pense que non. On peut comprendre enfin la vie quand on arrive à un âge avancé. Quand on est jeune, on n’est pas encore mûr, la personnalité mûrit avec l’âge grâce à l’expérience de la vie. Ce principe s’applique également aux moines bouddhistes. Imaginons qu’on donne un catéchisme bouddhique dont le thème est la vie. Qui serait mieux placé pour le faire d’un moine jeune et d’un vieux bonze ? Le second, riche de son expérience, serait plus à même de parler de la vie. Le contenu de mon discours actuel ne diffère pas beaucoup de celui d’il y a vingt ou trente ans. Mais, celui que je donnais quand j’avais une trentaine d’années, n’était pas très convaincant. Par contre, ce que je dis maintenant, à la soixantaine, est un peu plus persuasif. Je pense que ce sera encore mieux lorsque j’aurai soixante-dix ou quatre-vingts ans. Ainsi, la personnalité mûrit avec l’âge. Comme l’alcool et le doenjang2 sont meilleurs quand ils sont bien fermentés, on arrive à pleine maturité en prenant de l’âge. « Deviens-je pitoyable ou mûr avec l’âge ? » C’est une question de mentalité, et non de physique. La vieillesse est quelque chose d’aussi naturel que le changement de la saison. Il est tout à fait naturel que l’été vienne après le printemps. Mais si on espère rester toujours au printemps sans qu’arrive l’été, on se sentira malheureux. Dans ce cas, ce qui nous fait souffrir, 2
Pâte de soja fermenté
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ce n’est pas le changement de la saison, mais c’est notre attachement au printemps. De ce fait, si la vieillesse nous fait souffrir, c’est parce qu’on s’attache à la jeunesse. Une fois accepté, vieillir est quelque chose de naturel, on peut voir plus de bonnes choses que ce qu’on voyait quand on était jeune. Surtout, quand on est vieux, on peut se sentir enfin soulagé. On peut voir combien la nature est belle, ce qui était impossible jusqu’alors car on ne faisait que courir. On peut tenter aussi les choses qu’on voulait faire depuis longtemps, mais qu’on ne pouvait pas mettre en pratique parce qu’on était trop occupé à élever nos enfants. Il est vrai que le monde change tellement vite qu’on a du mal à s’adapter. Ces dernières années, beaucoup de personnes utilisent un smartphone, mais certaines personnes âgées sont stressées parce qu’elles ont des difficultés à s’en servir. Mais, a-t-on absolument besoin d’apprendre et d’être stressé ? En ce moment, beaucoup de jeunes sont des drogués du smartphone ; les personnes âgées ont-elles besoin d’être droguées, elles aussi, comme des jeunes ? Pour ce genre de technologie, il suffit de connaître les bases, et pour le reste, on peut demander de l’aide aux jeunes. Bien entendu, ce que je veux dire, ce n’est pas de refuser systématiquement tous les changements du monde en disant : « Je ne sais pas faire ». Mais, je souligne que même si on n’arrive pas à suivre tous les changements, on n’a pas besoin d’être stressé pour cela. Prendre de l’âge présente un avantage du point de vue de savoir ce qui s’est passé en matière de connaissance du passé, de ce qui se produit au présent et des prévisions de ce qui va arriver à l’avenir. Quant à moi, comme j’ai grandi à la campagne, je connais mieux que les gens des grandes villes ce qui concerne le passé. Par exemple, quand j’étais petit, j’ai vu comment on fabrique les vêtements en chanvre et en coton en faisant tourner le rouet, et en tissant le chanvre. Et, aujourd’hui, je vois toutes sortes de nouvelles technologies en voyageant à travers le monde entier. Alors, je peux même dire que, comme j’ai vu la culture
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d’il y a trois cents ans, ayant la soixante biologiquement parlant, mon âge du point de vue de l’expérience est d’environ trois cents ans. Lorsque je raconte des événements passés aux jeunes, ils s’étonnent en disant : « Comment savez-vous ce genre de chose ? » Et quand je raconte ce qui se passe aujourd’hui aux personnes âgées, elles me disent : « Comment savezvous si bien tout ça ? » De ce fait, prendre de l’âge n’est pas un malheur, mais un bonheur et un avantage. Par exemple, une femme âgée qui a vécu avec sa belle-mère quand elle était jeune car c’était la culture de la société de cette époque-là, et qui ne vit pas, à présent, avec sa bellefille, a finalement vécu deux expériences différentes. Si elle pense : « J’ai de la chance car j’ai pu avoir plusieurs expériences », c'est très bien, mais au contraire, si elle veut que sa vie soit récompensée, elle n’arrêtera pas de se plaindre de son sort. Ainsi, quand on accepte les changements du monde de manière positive sans insister sur des idées du genre : « comme avant » ou « comme quand j’étais jeune », on pourra trouver le bon côté des choses même en prenant de l’âge.
Ce qui s’est déjà produit est toujours bien
Quelquefois, le temps est très capricieux et peut changer, passer d’un soleil radieux à un ciel menaçant et une pluie battante zébrée de foudre avant que le soleil ne revienne juste quelques minutes après, comme si rien ne s’était passé. Comme les caprices du temps, il se passe souvent des choses inattendues dans notre vie. Lorsqu’on se marie, on pense vivre toute notre vie dans le bonheur, mais le divorce peut survenir. Quand on élève des enfants, on pense : « Mon enfant sera gentil et intelligent », mais il arrive quelquefois qu’on se tracasse à cause de cet enfant qui n’arrête pas de causer
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des ennuis. Au moment où on lance une affaire, on croit qu’on fera fortune. Mais, loin de gagner beaucoup d’argent, il arrive que non seulement on perde tout son argent, mais aussi qu’on ruine toute la famille. Lorsqu’on entre dans une entreprise, on pense y travailler pour toujours, mais il arrive que l’on se fasse remercier sans préavis. Si on souhaite vivre une vie sans difficultés, sans aucun obstacle, la vie sera-t-elle comme on l’espère ? Si on souhaite : « Mon enfant travaille bien à l’école », ou : « Mon mari rentre tôt à la maison » ou encore : « J’aimerais que ma femme soit plus douce avec moi » ou bien : « J’aimerais que les gens me complimentent », tout marchera-t-il comme sur des roulettes dans la vie ? On espère que notre vie se déroule comme on l’espère, et, en fonction du résultat, on juge que c’est heureux ou malheureux. Par exemple, si on a gagné de l’argent au moment où on le souhaitait ou si on a rencontré quelqu’un au moment où on le voulait, on peut penser qu’on mène une vie libre et heureuse. Mais, la vie ne se déroule pas toujours comme on le voudrait. Tantôt, ça marche, tantôt ça ne marche pas. Tantôt on est heureux, tantôt malheureux. C’est pourquoi on dit : « La vie est remplie de peine et de joie. » Tantôt on souffre tantôt on éprouve de la joie. Ainsi, comme la peine et la joie s’enchaînent, dans le bouddhisme on considère la vie comme un roulement. Pour la plupart des gens, le bonheur et le malheur, la peine et la joie tournent selon les critères que l’on s’est fixés : « Ç a se réalise comme je veux, ça ne se réalise pas comme je veux » Si l’on est heureux car il nous est arrivé quelque chose de bien, d’autres peuvent se considérer malheureux s’il leur arrive la même chose. Si on se sent heureux selon ce critère, cela n’est pas le vrai bonheur. Si on est heureux parce que tout s’est passé comme on l’espérait, on est obligé d’avoir une dose nécessaire pour être heureux comme si on se droguait. Réfléchissez sur les expériences qui vous ont rendu heureux ou malheureux dans votre
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vie passée. Il arrive qu’une certaine expérience qui était quelque chose de malheureux pour vous à cette époque-là, vous a été, en réalité, profitable, ou qu’une autre expérience qui vous semblait être quelque chose de bien, vous a causé des ennuis. Quand on y pense, il serait possible de moins s’attacher au bonheur et de moins souffrir du malheur. Si, un jour passé on a été heureux car il nous est arrivé quelque chose de bien, et si on a été malheureux car il nous est arrivé quelque chose de mal, on sera capable de dire alors : « Cela a l’air d’être une bonne chose pour moi, mais ce n’est pas tout à fait sûr ». En pensant ainsi, on sera moins influencé par les conditions extérieures et on s’attachera moins au bonheur ou au malheur. J’ai fait l’expérience de la torture et de la prison pendant quelques mois il y a longtemps. Je souffrais énormément à cette époque-là, mais quand j’y pense maintenant, cette expérience m’a beaucoup aidé non seulement à donner des conférences ou des séances de catéchisme bouddhique et à me livrer à des pratiques ascétiques, mais aussi à comprendre ce monde et la vie. Par exemple, si je fais un discours aux détenus d’une prison, mon attitude vis-à-vis d’eux ne serait pas la même avant et après cette expérience. Avant, je leur aurais dit : « Même si vous avez commis un crime, si vous le regrettez maintenant, vous pourrez devenir un autre homme, quelqu’un de bien. » Mais, dans la prison où j’ai été enfermé, j’ai pu comprendre ce que les prisonniers ressentent vraiment. À cette époque-là, j’ai été accusé d’avoir violé les lois sur les rassemblements et les manifestations. J’ai donc été considéré comme détenu politique mais sous le prétexte que je n’étais pas « sage » lors de l’interrogatoire, on m’a envoyé dans une cellule commune où il y avait douze prisonniers. La plupart d’entre eux étaient des petits malfaiteurs qui avaient commis un vol ou quelque petit larcin. Mais tous disaient qu’ils étaient innocents et qu’ils étaient victimes d’une injustice. Alors, si j’ai, à présent, une occasion de donner une séance de catéchisme bouddhique aux prisonniers, je leur dirai :
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« Messieurs, je comprends que vous trouvez qu’il est trop injuste d’être ici. » Ainsi, je pourrai mieux m’approcher d’eux et ils pourront m’accepter plus facilement. Je n’ai pas appris ça dans un livre, mais en faisant l'expérience de rencontrer réellement des prisonniers dans une prison. Ç a n’a pas été facile à cette époque-là, mais finalement, cette expérience m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. De ce point de vue, une certaine expérience qu’on aurait jugé mauvaise, ne l’est finalement pas. Avec le temps, en vivant un grand nombre d’expériences, on arrive à la maturité. Quand on est jeune, on croit que c’est la fin du monde lorsque survient un incident malheureux. Mais, quand on y repense bien plus tard, on se rend compte qu’en fait, même ce genre de mauvaise expérience nous a été utile. Par exemple, après un échec amoureux, on souffre énormément, mais, plus tard, quand on y repense, on peut comprendre que cette expérience nous a aidé à voir les autres avec des yeux plus ouverts et à mieux les comprendre. Voir de manière positive ce qui nous est arrivé est une bonne attitude. Ce qui s’est passé, c’est déjà du passé, alors, quoi qu’on fasse, cela ne changera rien. Mais, si, au lieu de dire systématiquement : « Ç a marchera à coup sûr », on essaie de regarder les choses de façon positive en pensant : « Ce qui s’est déjà produit est toujours bien », on pourra apprendre plus de choses en toutes circonstances, et on parviendra même à donner de sages conseils aux autres grâce aux expériences qu’on a vécues.
Quelle est la priorité dans la vie ?
Vous avez dû avoir de nombreuses sources de préoccupation dans votre vie jusqu’à présent. Par exemple, arrivé à la vingtaine, on a du mal à trouver sa voie : « Quel travail vaisje exercer ? Est-ce que je me marie ou pas ? Si je me marie, avec qui ? », etc. Et, quelle que
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soit la décision, qu’on se marie ou non, la réalité est bien différente de ce qu’on pensait. On peut avoir un enfant au moment où on regrette de s’être marié. Et quand vous avez décidé d’avoir un enfant, vous avez dû réfléchir à beaucoup de choses : « Pourquoi ai-je du mal à avoir un enfant ? Combien d’enfant vais-je avoir ? », etc. Puis, vous avez élevé votre enfant en vous donnant de la peine, mais il arrive que cet enfant arrivé à l’adolescence n’écoute jamais ses parents, ne travaille pas bien à l’école, et ne cause que des ennuis. Et si vous êtes une femme, vous pouvez avoir des problèmes avec votre belle-famille. Vous devez appeler « beaux-parents » des personnes qui ne sont des parents, et vous pouvez entrer en conflit avec eux et en souffrir. Puis, vous arrivez à la quarantaine, à la cinquantaine, à la soixantaine. Votre enfant a grandi, mais vous continuez à vous inquiéter pour lui : « Dans quelle université va-t-il entrer ? Il va devoir faire son service militaire. Quel travail exercera-t-il ? Va-t-il se marier ? », etc. Ainsi notre vie est remplie de soucis. Mais, y a-t-il des choses que vous ayez comprises au terme de si nombreuses expériences ? Quel sage conseil pouvez-vous donner à votre enfant qui a vingt ans, trente ans, et qui a du mal à trouver sa voie comme ce fut le cas pour vous quand vous aviez son âge ? Pourriez-vous lui donner de bons conseils après les échecs et l’expérience de votre vie ? « J’ai compris, grâce à ma vie conjugale, que on n’est pas obligé de se marier. J’espère que tu réfléchis bien à propos du mariage. » « Comme je me disputais souvent avec ton père quand tu étais petit, j’ai compris que cela a exercé une mauvaise influence sur toi et j’en ai beaucoup souffert. Alors, je peux dire que ce qui est le plus important pour les membres d’un couple, c’est qu’ils s’entendent bien avant tout. » Ainsi on doit pouvoir donner une leçon ou un conseil à partir de notre expérience propre.
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Mais, ne répète-t-on pas la même chose que ce que nos parents nous ont dit quand on était jeune ? : « Quand est-ce que tu vas te marier ? ! » ; « Si tu te maries, trouve quelqu’un de riche, c’est mieux ! » Après vingt ans ou trente ans de vie conjugale, il faut en tirer les leçons, mais rien n’a évolué. Si ça continue comme ça, non seulement trente ans plus tard, mais encore, trois cents ou trois mille ans plus tard, ce ne sera pas différent et les mêmes choses seront répétées. C’est pourquoi on dit, dans le bouddhisme, que la vie est un cycle. Bien sûr qu’il y a des différences selon l’époque, par exemple, la situation économique s’améliore, on vit mieux qu’avant, les techniques se développent, mais la souffrance, les soucis et l’errance se répètent. Si le karma 3 d’une femme n’est pas très favorable, elle doit essayer de ne pas le transmettre à ses enfants. Mais même si elle se plaint de son sort en disant : « Quand j’étais petite, ma mère ne s’occupait que de mon frère, elle n’était jamais attentionnée à mon égard », elle répète la même erreur avec ses enfants. Prenons un autre exemple. Tel homme qui détestait son père car ce dernier se conduisait mal après avoir bu, reproduit les mêmes comportements. Ou bien telle femme qui souffrait parce que sa mère était facilement irritable, fait de même avec ses enfants. Ainsi arrivé à l’âge mûr, il faut avoir la sagesse, mais on souffre toujours et on se sent peiné de beaucoup de choses. Alors, loin de donner de bons conseils aux enfants, on a du mal à résorber ses propres soucis ainsi que ses problèmes, et on en souffre. D’ailleurs, on transmet tous nos problèmes aux enfants, la souffrance de la génération des parents retombe donc sur la génération des enfants. Parmi vous qui arrivez à l’âge mûr, il doit y en avoir qui rendent visite aux proches pour leur présenter leurs condoléances en ce moment. Mais bientôt ce seront vos enfants qui
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la notion de karma désigne communément le cycle des causes et des conséquences liées à l'existence des êtres sensibles. Il
s’agit de la somme des actes qu'un être accomplit au cours de ses vies passées, présentes et futures
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assisteront à votre enterrement. Le temps passe si vite. Cependant, avec les connaissances qu’on acquiert dans ce monde, on a du mal à réfléchir sur sa propre vie et à trouver les solutions à ses problèmes. Pour régler radicalement les problèmes de la vie, il faut mettre au second plan ce qu’on a considéré comme plus important, c’est-à-dire changer ses priorités dans la vie. Quand on aura oublié nos soucis pour les enfants, notre angoisse à propos de l’avenir, on parviendra enfin à ouvrir les yeux, et on pourra trouver la voie qui nous mène au bonheur.
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Chapitre 2. Comment se libérer des quatre grandes peines : naissance, vieillesse, maladie et mort
Mener une vie sans regret
Tel homme a réussi dans son domaine après avoir travaillé dur pendant des années. Mais, au moment où il allait enfin profiter de sa réussite, il est tombé malade. À l’hôpital, on lui a annoncé qu’il était atteint d’un cancer et qu’il ne lui restait environ qu’un an à vivre. Des amis qui sont venus le voir à l’hôpital, l’ont consolé en disant : « C’est vraiment dommage. Tu as enfin réussi après des années d’effort, mais tu es condamné maintenant. » Sur le chemin du retour, l’un d’entre eux a eu un accident de la route et il est mort sur le coup. Lui qui ne savait pas qu’il mourrait ce jour-là, était allé voir son ami à qui il restait un an à vivre, pour le consoler. Ainsi, on ne sait pas ce qui va nous arriver même quelques minutes plus tard. On peut mourir avant une personne malade pour qui on s’inquiétait. On sait que tout le monde meurt un jour. Mais, inconsciemment, on a l’impression de pouvoir vivre éternellement. Et lorsque le dernier moment de la vie est proche, on accepte enfin la réalité : « Notre vie n’est pas éternelle ». La première mort qui m’a marqué fortement était celle que j’avais vue de mes propres yeux quand j’étais au collège. Un jour, un ami avec qui je vivais dans un petit studio, est tombé de vélo sur la route. Il s’est cogné contre une pierre et est mort sur le coup. Cela m’a donné un grand choc car mon ami qui était en pleine forme quelques minutes auparavant est devenu un cadavre en un rien de temps.
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Quand j’étais adolescent, j’étais d’une santé très fragile. Après une course de cent mètres à l’école, j’avais des taches bleues sur tout le corps et je m’effondrais à cause de vertiges. Un jour, un moine bouddhiste a prédit à ma mère que je mourrais jeune, ses paroles sont restées gravées dans ma tête depuis. Il n’a pas précisé vers quel âge je mourrais, mais j’ai pensé moimême : « Si je meurs jeune, ce sera vers quarante ans. » Cependant cette prédiction ne m’a pas fait peur, au contraire, cela m’a permis de vivre en faisant de mon mieux. « En général, les gens vivent jusqu’à soixante-dix ans ou quatre-vingts ans tandis que je vivrais jusqu’à quarante ans, alors je ferai mieux que les autres. » Pensant ainsi, je vivais avec acharnement à tel point que j’ai perdu connaissance plusieurs fois à force de travail. Et après avoir dépassé mes quarante ans, à l’idée d’avoir vécu ma vie, je me sentais plus tranquille sans être impatient. Je me disais : « Comme je suis toujours en vie, je continuerai à vivre en faisant de mon mieux, mais même si je meurs demain, je n’aurai aucun regret ». Alors, j’ai vécu jusqu’à présent sans grand regret. Avant, la mort était toujours proche de moi, mais comme j’ai dépassé ce moment, je me suis libéré de tout souci et peux contempler la vie de manière plus sereine. Quand quelqu’un est atteint d’une grave maladie et condamné à l’échéance d’un an, non seulement lui-même mais aussi ses proches gâchent leur temps en souffrance, obsédés par l’idée qu’il ne lui reste qu’un an à vivre. Ce n’est pas le fait qu’il va mourir un an plus tard qui les fait souffrir. Ce qui est important dans la vie, ce n’est pas la durée de la vie. S’il ne nous reste qu’un an, il suffit de vivre dix fois plus intensément que les autres, tous les jours dans le bonheur, au lieu de souffrir, saisi par la peur de la mort. Pendant cette année, si on vit dans le bonheur, par exemple, en rendant à quelqu’un ses bienfaits ou en faisant des compliments à ses proches ou encore en faisant une faveur à quelqu’un, on sera heureux durant le temps qui nous reste. Comme on croit pouvoir vivre éternellement, on gâche notre temps sans réfléchir. Mais,
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on ne sait pas quand le moment de la mort arrivera. De ce fait, si on vit chaque jour en faisant de notre mieux comme si c’était le dernier jour, on mènera une vie sans regret.
La vie qui nous reste est une prime 23 Avec l’âge, on perd nos forces, on devient plus faible physiquement et on commence à avoir des problèmes de santé. Alors, cela nous préoccupe beaucoup et on a peur de la mort. « Je ne me sens pas très bien en ce moment, alors, j’ai subi un examen médical. Je m’inquiète du résultat. Je me demande si je ne suis pas atteint d’un cancer. » Actuellement, le nombre de décès dus au cancer ne cesse d’augmenter à travers le monde. Alors, dès qu’on a un problème de santé, on s’inquiète et on se demande s’il ne s’agit pas d’un cancer. Pourquoi le cancer se développe-t-il à un rythme si alarmant ? Une des causes serait due au fait que l’espérance de vie est allongée aujourd’hui, et de ce fait le cancer est devenu, paradoxalement, une des causes majeures de décès dans le monde. D’ailleurs, grâce aux progrès de la médecine, on peut guérir de nombreuses maladies, mais le cancer reste encore une maladie difficile à soigner. C’est pourquoi on a l’impression de voir plus de gens atteints d’un cancer aujourd’hui qu’autrefois. Bien d’autres facteurs essentiellement liés à notre mode de vie favorisent l’apparition du cancer, par exemple, les aliments cancérogènes, des facteurs environnementaux comme l’eau ou l’air pollués, le tabagisme et le stress, etc. Alors on pourrait éviter le cancer en modifiant notre mode de vie ou en évitant les principaux facteurs de risque, par exemple, en mangeant sainement, en essayant de ne pas être stressé. Et même si on est atteint d’un cancer, si on suit des traitements adéquats, les chances de rémission sont grandes dans de nombreux cas. Cependant lorsqu’on s’inquiète trop de la maladie avant même qu’elle soit diagnostiquée,
on peut avoir l’impression d’être malade et se sentir angoissé. Alors, on doit réfléchir sur nous-même et à notre trop grand attachement au corps. Il est important de se libérer du désir de vivre longtemps et de l’attachement au corps en pensant : « La vie n’est pas éternelle, il est donc normal que je m’affaiblisse peu à peu avec l’âge ». Et même si on est atteint d’une grave maladie, il faut se détacher du désir de « vivre longtemps ». Ainsi, quel que soit le résultat, on ne souffrira pas. Un jour, une femme m’a confié son souci en disant que son mari avait un cancer du pancréas : « Le docteur avait dit qu’il ne lui resterait que six mois à vivre au maximum. Mais comme les traitements médicamenteux marchaient bien, son état s’est beaucoup amélioré, et il est toujours en vie six mois après que le diagnostic a été formulé. Certaines personnes nous conseillent de suivre des traitements naturels, comme une alimentation naturelle et d’autres de continuer ceux de l’hôpital. Que doit-on faire ? » Il n’y a pas de bonne réponse à cette question car certains sont morts en suivant les traitements de l’hôpital, mais d’autres sont morts parce qu’ils n’écoutaient pas le docteur. Et certains sont toujours en vie car ils vivent dans une montagne, mais d’autres sont morts parce qu’ils vivaient dans une montagne. Ainsi il n’y a pas une réponse qui s’applique à tous les cas. Si cette femme et son mari n’arrivent pas à décider, ils pourraient très bien partir vivre dans la nature en continuant à suivre les traitements médicaux. Mais, ils doivent laisser tomber l’idée de guérir complètement. Dans leur situation, il vaut mieux penser : « On va faire de notre mieux. » De toute façon, le médecin a dit qu’il ne lui restait que six mois à vivre au maximum, mais son mari est toujours en vie même si ces six mois sont passés. Alors, je lui conseille de penser ainsi : « À partir de maintenant, la vie qui me reste est donnée en prime. Alors, je serai content même s’il ne me reste que dix ou même deux mois à vivre. » S’il pense ainsi et continue à vivre le cœur léger, il sera heureux jusqu’à la fin de sa vie et
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sa femme sera heureuse aussi. Mais, si elle ne se consacre qu’à la santé de son mari et si celui-ci meurt malgré tous ses efforts, elle pourrait se le reprocher en pensant : « J’ai tout fait pour que mon mari se rétablisse, mais malgré tout, il est mort. C’est ma faute, parce que j’ai choisi le mauvais traitement. Tout est de ma faute. » Cette pensée lui fera de la peine. Choisissant par eux-mêmes, ils pourraient vivre dans la nature si le mari en avait envie. Mais s’ils s’attachent trop à l’opinion des gens : « Il faut vivre dans la nature pour vivre » ou : « Il faut suivre les traitements médicaux », ils finiront par être trop influencés par le résultat. De ce fait, comme le mari est toujours en vie malgré le diagnostic du médecin, il vaudrait mieux penser qu’il ne regrettera rien même s’il meurt demain. Je comprends tout à fait cette femme qui voudrait aider son mari à guérir. Mais, on sait que la vie n’est pas éternelle et que tout le monde meurt un jour. La seule différence est que quelqu’un meurt dix ans plus tard et quelqu’un d’autre cinq ans ou trois ans plus tard, etc. Si on donne comme critère de réussite et d’échec de la vie sa durée, on vivra chaque jour dans l’angoisse. Alors, comme son mari est en vie même après le moment « fixé » par le médecin, on peut dire qu’il a réussi. À partir de maintenant, il peut penser : « Je n’ai aucun regret. » Ainsi, même s’il meurt demain ou dans un mois ou bien dans un an, sa vie sera réussie. Il a dépassé la limite de sa vie, de ce fait, il doit se contenter du présent en pensant que la vie qui lui reste est une prime. Ainsi, quand on prie le Bouddha, il faudrait dire « Merci, je suis heureuse maintenant quelle que soit la situation. Grâce à vous, la vie qui me reste est une prime », au lieu de prier : « Veuillez sauver mon mari ». Dans la vie, ce n’est pas nous qui décidons de vivre longtemps. Et le fait de vivre longtemps n’est pas très important. L’essentiel, c’est de vivre sans angoisse même si on ne vit qu’un seul jour. Et quand on se libère de l’attachement à la vie, on se sent plus à l’aise et, finalement, on peut vivre plus longtemps grâce à cela.
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La démence, c’est de voir un vieux film dans l’inconscient
Il y a une expression qui dit : « Quand on devient vieux, on retombe en enfance ». Cela représente l’état où, avec l’âge, on a la raison qui divague et on sombre dans son inconscient. La démence est un de ces cas. Des éclipses de conscience peuvent survenir et le domaine inconscient remonte à la surface, on reste donc dans le passé. Mon père a souffert de cette maladie avant de décéder. Un jour, allongé dans sa chambre, il m’a dit : « Vas voir le digue ! » Comme il a passé sa vie à travailler dans l’agriculture, il devait y retourner à cette époque-là. On était en hiver à ce moment-là, mais il continuait de dire : « Regarde l’eau, elle va déborder ! Dépêche-toi de l’empêcher ! ». Entrant dans son inconscient, il était en train de regarder un vieux film dans lequel il figurait. Ceci constitue une caractéristique de la démence. Si on ne le comprend pas, on aura des problèmes avec ses parents s’ils souffrent de démence. Une femme m’a dit : « Ma belle-mère a quatre-vingt-six ans. Elle s’entête à utiliser ses vieilles affaires, tente d’aller voir ses amis de l’école primaire et de se rendre sur la tombe de mon défunt beau-père. J’ai vraiment du mal à m’occuper d’elle. » Les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse dominent sa conscience et sa belle-mère ne se souvient que de ses vieux amis et de son mari. En général, les souvenirs de l’enfance restent longtemps. Même si on devient vieux, on se rappelle bien les chansons qu’on chantait quand on était petit. Et parmi ces souvenirs, les souvenirs douloureux restent plus longtemps que les moments heureux. Une fois, j’ai eu l’occasion de revoir des amis de l’école primaire. Mes amies qui ont soixante ans maintenant, se souvenaient toujours que des garçons avaient coupé l’élastique avec lequel elles jouaient à
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l’époque où on était en troisième année de l’école primaire. Elles se rappelaient même qui l’avait coupé et l’endroit où ça s’était passé. Par contre, aucun garçon ne s’en souvenait. Moi aussi, je me rappelle comme si c’était hier qu’un jour, quand j’étais en première année de l’école primaire, mon instituteur m’a donné un coup de baguette sur la paume des mains car je n’avais pas fait mes devoirs. Si je demande à ce professeur s’il s’en souvient, il ne se le rappellera pas. Si la belle-mère de cette femme ne parle que de son enfance, c’est parce qu’elle a des éclipses de conscience. Alors, ce que la dame peut faire pour sa belle-mère, c’est de manifester son assentiment en pensant : « Elle est vieille maintenant. Son enfance doit lui manquer. » Sa belle-mère est dans son rêve et reste dans l’inconscient, de ce fait, ce n’est pas la peine d’essayer de la convaincre et de la raisonner en disant qu’elle a tort. Quelqu’un atteint de démence devient un enfant de cinq ans ou de sept ans et ses parents et ses amis lui manquent. Alors, lorsqu’il souhaite voir des amis d’enfance, il suffit qu’on lui dise : « Ah, vous voulez voir vos amis ? D’accord, on y va », et qu’on fasse un tour avec lui, au lieu de dire : « Votre ami est déjà mort, alors comment pourriez-vous le voir ? » Et s’il s’entête de nouveau à aller voir son ami, il suffit qu’on essaie de le comprendre en pensant : « Il est dans son rêve ». Mais, si on le laisse tout seul sans montrer aucune réaction à sa demande, cela le rendra triste. Quand sa belle-mère évoque son enfance, ce dont elle a besoin, ce n’est pas de retourner dans son enfance. Quand elle dit : « Mon ami me manque », ce qu’on peut faire, c’est de la comprendre en répondant : « Ah, vous voulez revoir votre ami ? » au lieu de dire : « Je me renseigne sur votre ami ? » Et quand elle s’entête à se rendre sur la tombe de son mari, on pourra lui dire : « Ah, vous voulez aller voir votre mari ? » au lieu de lui répondre « Vous voulez que je vous accompagne ? » Et si sa belle-mère veut encore se rendre sur la tombe, il suffit qu’on lui dise : « D’accord,
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mais il ne fait pas très beau aujourd’hui, alors on pourra y aller demain ou après-demain quand il fera beau » ou : « OK, mais il est un peu tard, si on y allait demain ? » En reportant ainsi sa requête, sa belle-mère oubliera aussitôt ce qu’elle vient de demander. Mais, si elle en parle de nouveau, il vaudrait mieux essayer de l’écouter ou de tenir une conversation avec elle en disant : « Ah, bon ? Votre mari vous manque tant ? » ou bien : « Vous l’aimiez beaucoup, n’est-ce pas ? », au lieu de raisonner : « Le cimetière se trouve au sommet de la vallée, alors comment pourriez-vous y aller ? » Une autre femme qui m’a confié son souci s’inquiétait pour sa mère atteinte de démence. Selon elle, son petit-frère vit à l’étranger, mais sa mère n’arrête pas de demander où il est. Il est vrai qu’un des symptômes de la démence est la perte de la mémoire. Des personnes atteintes de cette maladie posent une question, oublient, répètent la même question et oublient de nouveau. Donc, si sa mère lui demande où est parti son fils, il suffit de lui répondre : « Il est parti à l’école. » Si elle lui pose la même question vingt fois, elle peut lui répondre à chaque fois comme si elle récitait des textes bouddhiques. Si sa mère lui pose la question cent fois, elle pourra répondre à sa question cent fois comme si elle priait le Bouddha cent fois. Quand des Bouddhistes récitent des textes bouddhiques, ils le font en général mille fois, alors par rapport à ça, répondre dix ou vingt fois à la même chose n'est pas grand-chose. Il y a un autre moyen, encore plus simple. Par exemple, si sa mère lui demande : « Où est ton frère ? », il suffit de lui dire : « Il est dans sa chambre. » De toute façon, sa mère ne sait pas s’il est vraiment dans sa chambre ou non. Ainsi, elle peut lui donner la réponse la plus courte. Sa mère lui pose cette question parce qu’elle a perdu la tête. La dame n’a donc pas besoin de répondre à sa question en fournissant tous les détails. L’important, ce n’est pas de donner une réponse concrète ou de dire la vérité ou pas, mais c’est le fait de réagir à sa demande.
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Même si on répond différemment chaque fois qu’elle pose la question, par exemple, tantôt : « Il est dans sa chambre » tantôt : « Il est à l’école », sa mère n’arrivera pas à comprendre. D’ailleurs, à force de poser la question plusieurs fois, elle finira par laisser tomber car ça la fatigue. De ce fait, quand cette dame aura compris l’état de sa mère et les caractéristiques de sa démence, elle ne souffrira plus à cause sa mère. Personne ne souhaite avoir cette maladie et tout le monde espère vieillir en conservant un esprit lucide. Certains me demandent : « Si on se livre à des pratiques ascétiques, sera-t-on épargné par la démence ? » Mais cela est une idée sans fondement. Les causes exactes de la maladie d’Alzheimer restent encore inconnues. On dit que des facteurs génétiques et environnementaux contribuent à son apparition et à son développement. Et le fait d’être trop stressé en permanence par quelque chose, peut provoquer cette maladie. Alors, quand on est sans cesse angoissé, on aurait plus de risque d’en être atteint. Mais cela ne veut pas dire qu’en se livrant à des pratiques ascétiques, la possibilité d’avoir cette maladie diminue. C’est le même principe que lorsqu’on fume : on a plus de risques d’avoir un cancer, mais même un non-fumeur peut en avoir un. Il est vrai que les pratiques ascétiques nous aident à avoir l’esprit calme. De ce fait, comme on est moins angoissé, on aurait moins de risques d’être atteint de démence. Cependant, cela ne garantit pas que les ascètes échapperont toujours à cette maladie. Si on pratique l’ascèse, c’est pour être heureux, pas pour être riche ni pour être reconnu. Bien sûr, à travers cette discipline, on peut garder un équilibre physique et mental permettant d’avoir un esprit serein et libre. Et quand on se sent tranquille, on peut être plus en forme et avoir une meilleure santé, et enfin être plus compétent dans tous les domaines. Par exemple, quand on joue au golf, les gens qui pratiquent l'ascèse joueront mieux que ceux qui sont angoissés, et lorsqu’ils tirent à l’arc, ils seront meilleurs que les inquiets, et enfin, s’ils tiennent un magasin, comme ils seront plus aimables envers les clients que ceux qui ont un
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souci, leurs affaires marcheront mieux. Cependant, cela n’est qu’une des conséquences de la discipline, et non son objectif. L’ascèse spirituelle et corporelle nous permet d’accepter telles quelles les choses qui nous arrivent, quelles que soient les conditions. Ainsi, quand on est en bonne santé, on en est content, et même si l’on est malade, on peut l’accepter de manière positive en se disant : « Dans la vie, il arrive qu’on soit malade ». Alors, si on est atteint de démence, essayons d’accepter la réalité et d’agir avec sagesse au lieu d’en souffrir.
Comment se débarrasser de la peur de la mort
Pourquoi a-t-on peur de la mort ? Parce qu’on regrette la vie passée à l’idée que ce sera la fin après la mort. De ce fait, croire à une autre vie dans un autre monde est dû à cette peur et au désir de la surmonter. Quand on pense que ce ne sera pas la fin après la mort ou qu’on ira dans un autre monde où notre vie continue, on a moins peur de la mort. Mais, l’important, ce n’est pas que l’autre monde après la mort existe ou non, mais qu’on y croie pour surmonter la peur. Quand on pense qu’avec la mort, les gens qu’on aime disparaissent et nous quittent définitivement, on se sent vraiment triste et on éprouve un grand vide. Alors, il est normal qu’en pensant qu’ils sont dans l’autre monde bien plus heureux qu’ici, on se sent beaucoup mieux. De ce fait, quand on aborde le sujet d’une vie après la mort, il est préférable de le faire par rapport à son utilité ou non pour les hommes, et non par rapport à son existence ou non. Dans ce cas, il serait bien d’accepter cette idée qu’on a établie il y a des milliers d’années, pour surmonter la peur de la mort. Mais, quand on s’attache trop à cette idée et qu’on lui donne trop d’importance, cela peut entraîner des effets indésirables. Par exemple, certains vendent des billets pour le paradis,
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d’autres dépensent trop d’argent pour la cérémonie du quarante-neuvième jour après la mort4. Ils profitent de la peur que les gens ont de la mort, sous prétexte de religion. Au niveau des pratiques bouddhistes, la peur de mourir n’est pas différente d’un rêve. Lorsqu’on n’a plus peur de mourir et qu’on accepte la mort comme quelque chose de naturel, qu’il existe une autre vie après la mort n’est pas très important. Une fois la peur dissipée, tout ce qui est arrivé à cause de cette peur est comme un rêve. Il y a de bons et de mauvais rêves, mais quels qu’ils soient, quand on se réveille, on se rend compte que ce n’était qu’un rêve. Il en est de même pour la peur. Quand on comprend la nature de la peur, tous les problèmes provenant de ce sentiment se dissipent. Dans ce cas, on dit, dans le bouddhisme, qu’on a surmonté la vie et la mort. Cela ne signifie pas qu’on ne meurt jamais, mais qu’on s’est libéré de fausses idées sur la vie et la mort. Dans le bouddhisme, on parle de l’autre monde après la mort. On dit qu’on va au paradis bouddhique ou qu’on renaît, mais cela n’est pas quelque chose qu’on puisse prouver. Et chaque religion en parle à sa manière, mais comme on ne peut pas le prouver, chacun peut penser comme il veut. Même si on discute indéfiniment sur un sujet difficile à prouver, on ne peut pas en tirer une conclusion. « Quoi qu’on fasse, même si on commet un crime abominable, si on se baigne dans cette rivière sacrée, notre péché se dissipera et on renaîtra au paradis. Mais même si on fait des choses bien, si on ne se baigne pas dans cette rivière, on n’ira pas au paradis » C’est une histoire à laquelle la plupart des Indiens croyaient, à l’époque de Bouddha. Alors, ils se baignent dans la rivière sacrée et lorsque quelqu’un ne l’a pas fait de son vivant, ses proches amènent son cadavre et l’immergent une fois avant de le faire incinérer. Ils croient devoir agir ainsi pour aller au paradis.
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Dans le bouddhisme, l’âme du défunt passe par une période d’errance de quarante-neuf jours avant de passer à son
existence ultérieure.
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Un jour, une personne est allée voir Bouddha pour demander si ce que les Brahmanes 5 disaient était la vérité. Au lieu de répondre à sa question, Bouddha lui a dit en souriant : « S’ils avaient raison, ce serait les poissons de la rivière qui iraient au paradis en tout premier. » D’après Bouddha, si le fait d’entrer dans la rivière sacrée une fois, permet d’aller au paradis, les poissons qui sont nés dans cette rivière, vont aller au paradis en premier. Alors, grâce à cette histoire, on peut retenir la leçon. Selon la théorie de la transmigration du bouddhisme, les gens qui sont très avides renaissent sous la forme de porcs après la mort, ceux qui sont idiots, sous la forme de bœufs, et ceux qui sont impitoyables, sous la forme de vipères. Mais, en réalité, les porcs sont-ils vraiment avides ? Quand ils ont faim, ils mangent beaucoup, mais quand ils n’ont plus faim, ils ne mangent plus. Et dans ce cas, même si un autre porc mange leur nourriture, ils le laissent faire. Par contre, lorsque les hommes voient à proximité quelqu’un mourir de faim, ils ne pensent qu’à accumuler de la nourriture pour eux-mêmes sans lui en donner même s’ils n’ont plus faim. De ce fait, les hommes sont plus avides que les porcs. Et on dit que les lions sont féroces, mais quand ils n’ont plus faim, même si un lapin va et vient devant leurs yeux, ils ne le mangent pas. Alors, si on dit : « Quand on est avide, on renaît sous la forme d’un porc après la vie en ce monde », c’est parce qu’on n’a que l’image du porc qui mange beaucoup et on pense que comme il mange énormément, il doit être avide. Mais cela est une idée sans fondement qui n’a rien à voir avec la réalité. Ce genre de transmigration est fondé sur l’hindouisme, non sur le bouddhisme. Mais la plupart des bouddhistes coréens confondent hindouisme et bouddhisme.
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Membre d'une des quatre castes regroupant notamment : les sacrificateurs, les prêtres, les enseignants et les hommes de loi.
Plus généralement, un brahmane est un homme de lettres disposant de connaissances importantes sur le monde.
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Une femme âgée m’a confié son souci : « Je prie pour quelque chose, mais je crois que Bouddha n’écoutera pas ma prière » « Vous priez pour quoi ? » ai-je demandé. « Ma petite-fille est en terminale, alors je prie pour qu’elle entre dans une bonne université. » « Alors, quel est le problème ? » « Le problème, c’est qu’elle est chrétienne. » Selon cette dame, elle fait des prières à Bouddha pour sa petite-fille, mais comme cette dernière va à l’église, ses prières n’aboutiront pas. Je lui ai répondu ainsi : « Ne vous inquiétez pas. Je pense que notre Bouddha n’est pas comme vous. » Pour Bouddha si généreux, le fait d’être bouddhiste ou chrétien, est-il vraiment important ? Même en tant que croyant, on sous-estime Dieu et le Bouddha. Alors, inutile de se préoccuper de savoir si un autre monde existe après cette vie ou non. Supposons que le paradis et l’enfer existent. Si on continue à mener une bonne vie en ce monde, on ira au paradis, et non en enfer, il n’y a donc aucune inquiétude à avoir. L’important, c’est de savoir comment on vit maintenant. Si on mène une bonne vie aujourd’hui, on aura une bonne vie demain aussi. Mais, si on espère avoir un bon futur en continuant à vivre n’importe comment dans le présent, cela n’est pas possible. Il est normal qu’on soit puni et qu’on aille en enfer quand on a mené une vie incorrecte. Alors, si ce genre de personne prie en disant : « Je ne veux pas être puni, je veux aller au paradis », il est vraiment audacieux et odieux. Quand on insiste pour aller au paradis après avoir commis quantité d’actes abominables sans rien faire de bien, cela revient à vouloir récolter de bons fruits après avoir semé des graines pourries. Un vrai chrétien n’a pas besoin d’avoir peur de l’idée : « Vais-je aller au paradis ou en enfer ? » Aller au paradis ou en enfer, c’est Dieu qui le décide, on n’a d’autre choix que de lui
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obéir. De ce fait, un vrai croyant n’a pas besoin de se préoccuper de cette idée. Si on est un vrai bouddhiste qui sait accepter le fait que tous les actes qu’on a faits, qu’on est en train de faire et qu’on fera, entraîne des effets, effets censés se répercuter sur les différentes vies d’un individu et constituant une part de son destin dans ses vies suivantes, il suffit qu’on s’efforce de bien vivre aujourd’hui sans s’inquiéter pour demain. Ainsi, un bon aujourd’hui entraînera un bon demain.
La vie et la mort ne sont qu’un changement
Le désir de « vivre longtemps » comporte celui de rester avec les gens qu’on aime, de ne pas les quitter. Comme il y a une expression qui dit : « Il vaut mieux vivre en ce monde que mourir même si on mène une vie misérable », on ne veut pas quitter ce monde même si on y mène une vie de souffrance. En disant : « J’aimerais vivre jusqu’à ce que j’aie un petit-fils », ou « jusqu’à ce que mon petit-fils entre à l’université » ou bien « jusqu’à ce qu’il se marie », on souhaite reporter le plus longtemps la séparation. Et même si on essaie de ne pas penser à la mort, quand on voit quelqu’un de proche en train de mourir, on ne peut pas s’empêcher d’avoir un sentiment de vide sur la vie et de ressentir la peur de la mort. Voyant un membre de sa famille très malade qui n’a plus que la peau sur les os et qui n’arrive même pas à avaler de l’eau, une personne m’a dit : « Est-ce que l’âme disparaît avec ce corps affaibli ? Si tous nous disparaissons, à quoi ça sert de vivre en ce monde en faisant de son mieux ? » En général, les gens sur le point de mourir maigrissent peu à peu et leur corps s’affaiblit énormément. Mais c’est quelque chose de naturel. D’ailleurs, quand le cadavre est léger, il est plus facile de porter le cercueil et l’incinération consomme moins d’énergie. Comme la
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lumière de la lampe en train de s’éteindre après avoir dépensé toute son énergie, il vaut mieux disparaître sereinement et c’est encore mieux si on garde l’esprit lucide jusqu’au dernier moment de la vie. Dans le Prajñāpāramitā Sūtra 6 , il y a une expression : « Ne pas naître, ne pas disparaître ». Cela ne signifie pas que tout continue éternellement sans jamais changer. Elle comporte le sens : « On croit que tout apparaît et que tout disparaît, mais, en fait, rien n’apparaît, rien ne disparaît ». Quand on va à la mer, on peut voir des vagues qui déferlent et se brisent sans cesse. Mais, quand on voit la mer dans sa globalité, ce n’est que de l’eau qui clapote. Ainsi, quand on contemple la vie comme si on voyait la mer dans son ensemble, il n’y a ni vie ni mort. Mais de la même façon que lorsqu’on on s’attache à chaque vague, on ne voit que des vagues qui déferlent et qui se brisent, quand on conçoit la vie de manière superficielle au lieu de la voir globalement, on peut penser que tout apparaît et que tout disparaît. C’est une question de compréhension et non d’existence réelle. Un enfant de quatre ans a mis des glaçons dans un bol, et est sorti pour jouer. Il est rentré une ou deux heures plus tard et a remarqué qu’il y avait de l’eau dans le bol mais pas de glaçons. Cet enfant dira à sa mère : « Maman, mes glaçons ont disparu, et il y a de l’eau dans le bol. » En réponse à sa question, sa mère lui expliquera : « Les glaçons n’ont pas disparu et l’eau n’est pas apparue toute seule non plus. Ce sont les glaçons qui se sont transformés en eau. » Comme cet enfant, on perçoit ce monde selon l’angle de l’apparition et de la disparition. De ce fait, on est heureux quand les choses apparaissent, et on se sent triste quand elles disparaissent. Mais quand on comprend le processus de la vie dans son ensemble, on 6
Ensemble de textes du bouddhisme développant le thème de la perfection de la sagesse transcendante (prajna,
de jñā « connaître », précédé du préfixe d’insistance pra), perception aiguë permettant de reconnaître la nature réelle de toutes choses et concepts comme vides (suunya), et d’atteindre à l’éveil de la bouddhéité.
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parvient à se rendre compte que la vie et la mort ne sont qu’un changement. C’est pourquoi on dit « Ne pas naître, ne pas disparaître », c’est-à-dire, ce n’est ni une apparition, ni une disparition mais un changement. Le fait que notre corps devienne de la poussière quand on meurt et que nos cellules se renouvellent tous les jours quand on est en vie ne constitue qu’un changement. On pourrait comparer la division cellulaire qui permet de faire naître de nouvelles cellules aux aiguilles du pin. Si elles sont toujours vertes, c’est parce que les jeunes aiguilles poussent et remplacent les plus anciennes qui tombent. Et le fait qu’on s’affaiblisse rapidement et qu’on finisse par devenir de la poussière est comparable à l’arbre qui perd ses feuilles en automne. Ainsi, ce qui existe est changement, mais quand on voit une chose de nos yeux, on pense qu’elle est en vie tandis que, quand on ne la voit pas, on pense qu’elle est morte. C’est pareil pour les pensées qui nous viennent et pour les sentiments qu’on éprouve. Par exemple, on jure à quelqu’un : « Je t’aime. Notre amour sera éternel ». Mais, avec le temps, cette pensée peut s’estomper. On s’attache à l’idée fausse qu’un certain sentiment ou une certaine pensée ne changera jamais. Si on souffre, c’est parce qu’on désire que rien ne change, et non que tout change. Quand on accepte que tout change, on ne souffre pas en voyant les choses changer. Si l’on accepte que tout ce qui existe en ce monde disparaîtra un jour, nous libérant de l’attachement, nous n’aurons plus besoin d’éprouver de la joie lors de l’apparition des choses et de la souffrance lors de leur disparition. Quand on a compris cela, on ne ressent ni regret ni peur. Mais comme on perçoit les choses en de façon morcelée au lieu de les comprendre dans leur globalité, on a des regrets et on est rongé par la peur de la disparition. Si l’on accepte que la vieillesse et la mort ne sont qu’un changement dans l’ensemble de la vie, on n’a plus besoin d’avoir peur de la mort.
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