Réinvestir le patrimoine industriel : Un potentiel pour le renouvellement urbain

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RÉINVESTIR LE PATRIMOINE INDUSTRIEL Un potentiel pour le renouvellement urbain

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BÉRARD Lucie


En couverture : La Macérienne, Charleville-Mézières, © Lucie Bérard

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RÉINVESTIR LE PATRIMOINE INDUSTRIEL

Un potentiel pour le renouvellement urbain

Lucie BERARD | Sous la direction de : Alessandro Mosca | Mémoire de Master | ENSA Paris Val-de-Seine Domaine d’étude : Transformation | 2020/2021 3


« L ’architecture n’a pas seulement le pouvoir de faire naître. Elle a aussi celui de faire renaître. » Françoise Nyssen, ancienne Ministre de la Culture

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REMERCIEMENTS

Je souhaiterais remercier en premier lieu mon directeur d’études, Alessandro Mosca, pour avoir suivi le développement de ce mémoire et veillé à sa forme durant ce semestre. Merci également à Justine Larrignon et Geoffrey Huguenin-Virchaux d’avoir répondu à mes nombreuses questions concernant les cas d’études analysés. Je tiens à remercier Luana Jouin et Romain Courson qui ont aimablement accepté de corriger l’orthographe de ce mémoire. Merci à ma famille de croire en moi depuis le début de mes études supérieures. Également, un grand merci à mes amis, soutiens indispensables et tous particulièrement en ces temps de crise sanitaire qui nous isolent tous.

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AVANT - PROPOS

Ce mémoire a pour problématique le renouvellement urbain et les nouvelles façons de faire la ville, à travers la valorisation des friches industrielles et leurs opportunités de s’adapter aux nouveaux usages. Dans une perspective de développement constant, nous sommes confrontés à l’étalement urbain c’est pourquoi la ville du XXIe siècle est à la recherche de nouvelles perspectives qui réinterrogent notre façon de faire la ville en favorisant le recyclage foncier, la rénovation urbaine et la conservation du patrimoine bâti. Cette démarche s’amplifie aujourd’hui car, la requalification des espaces industriels est au cœur des débats et enjeux.

délaissés ou réhabilités. M’interroger et comprendre les enjeux de ces sites dans le processus de fabrication de la ville de demain m’attire et me fascine de part leur capacité à évoluer dans le temps et se transformer pour faire face aux nouveaux usages. Ce sujet est en corrélation avec ma démarche de projet de fin d’études, qui consiste en la réhabilitation d’une friche industrielle à Charleville-Mézières, dans de Nord-Est de la France.

Cette réflexion amène à interroger la place de ces territoires bâtis, parfois vétustes et délaissés par le temps, dans des contextes urbains mais aussi, elle interroge sur leur devenir et leur capacité à évoluer ou non dans le temps. Egalement, le renouvellement de ces espaces est propice à de multiples développements : sociaux, culturels, paysagés, architecturaux ou encore urbains. Elle cherche à se questionner sur l’architecture du passé devenue obsolète qui fait face aux usages d’aujourd’hui et de demain. Originaire des Ardennes, région très touchée par la désindustrialisation, et ayant effectué mes études dans des lieux réhabilités : l’École de Condé à Nice, ainsi que l’ENSA Paris-Val de seine, ce thème de la friche est revenue fréquemment, par le biais de visites et d’expérimentations de ces espaces, qu’ils soient

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SOMMAIRE

AVANT - PROPOS

p.7

INTRODUCTION

p.10

I . L’APPARITION DES FRICHES INDUSTRIELLES

p.13

La friche dans tout ses états Définition et caractéristiques Les différents types de friches

p.15

Patrimoine industriel, une identité singulière Prise de conscience et valeur patrimoniale Évolution de la perception

p.21

La renaissance des friches industrielles Considérations qualitatives, techniques et fonctionnelles L’adaptabilité des friches industrielles

p.33

p.15 p.16

II . LES ENJEUX DE LA RECONVERSION DES FRICHES INDUSTRIELLES FACE AU RENOUVELLEMENT URBAIN Renouvellement urbain : « faire la ville sur la ville » Éviter l’étalement urbain, densifier le tissu urbain La friche, élément moteur de projet urbain : l’exemple de « Paris Rive Gauche »

p.21 p.29

p.33 p.38

p.41 p.43 p.43 p.47

La reconversion des sites industriels : quels enjeux pour le renouvellement urbain p.57 de Paris Rive Gauche ? p.57 Favoriser le développement économique et social, créer une nouvelle dynamique p.59 Optimiser l’utilisation de l’espace urbain, développer les infrastructures viaires p.63 Limiter la consommation énergétique, prendre en compte l’environnement

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Les obstacles de la reconversion, moteurs de nouvelles urbanités Coûts importants, pollutions des sites et degré de mutabilité « Temps de veille » : création de nouvelles urbanités, l’exemple du 6B

p.67

III . LA FRICHE INDUSTRIELLE COMME MOTEUR DE NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS

p.79

La friche culturelle, moteur d’ouverture et de rayonnement La Belle de Mai, Marseille, France Quartier de la Création, Nantes, France

p.81

La friche symbolique, moteur d’identité et de paysage Parc du Haut-Fourneau U4, Uckange, France Parc paysager Duisbourg-Nord, Duisbourg, Allemagne

p.97

CONCLUSION

p.115

BIBLIOGRAPHIE

p.118

TABLE DES FIGURES

p.122

ANNEXES

p.126

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p.67 p.71

p.81 p.89

p.97 p.105


INTRODUCTION

Dans un contexte de rareté foncière et de prise de conscience des effets négatifs de la périurbanisation sur les espaces naturels et agricoles, la reconversion des friches industrielles et urbaines constitue aujourd’hui un véritable enjeu pour le renouvellement urbain et plus largement, pour l’aménagement durable du territoire1.

qui ont été marqués par leur utilisation passé, actuellement abandonnés ou sousutilisés, pouvant présenter des problèmes de pollution réels ou perçus et qui nécessitent une intervention pour retrouver un usage bénéfique. Ces friches sont une marque physique du déclin de certaines activités industrielles, elles sont associées à une image, qu’elle soit positive ou négative, qui témoigne de la labeur des ouvriers ainsi que de l’organisation du travail.

La révolution industrielle du début du XXe siècle a entraîné l’essor de la production industrielle et par conséquent, une multitude de sites de productions voient le jour en Europe et Amérique du Nord. Ils s’implantent principalement dans les villes ou à proximité de celles-ci et, près de systèmes de transports tels que les grands axes routiers, les voies ferrées ou encore les voies navigables. Ils se retrouvent en particulier dans les régions du Nord et de l’Est. S’en suit dans les années 1970, une vague de désindustrialisation suite à la mutation et délocalisation de certaines activités industrielles qui vont entrainer la fermeture des sites industriels. Cette désindustrialisation est également due à un changement de paradigme qui s’opère avec le développement du secteur tertiaire, la mutation des techniques et technologies, ainsi que la substitution de certaines énergies.

Longtemps délaissées et considérées comme un fardeau, les friches industrielles et urbaines représentent aujourd’hui une réelle réserve foncière privilégiée pour la ville du XXIe siècle qui est à la recherche de nouveaux modèles plus compact, pour faire face à l’étalement urbain et ainsi le maîtriser. Elle favoriserait la construction de « la ville sur la ville », qui permettrait de limiter celui-ci en privilégiant le recyclage du territoire existant dans le tissu urbain dense. Même si la question du devenir des friches industrielles date de plus de vingts ans, aujourd’hui leur situation urbaine attise l’intérêt des acteurs du renouvellement urbain, car elles sont souvent situées à proximité des centresvilles. Elles peuvent devenir de véritables outils de développement et de (re)dynamisme territorial et ainsi lutter contre l’étalement urbain. De par cette situation privilégiée, les friches industrielles ont un rôle à jouer dans la fabrication et la mutation des villes en étant

Ces bouleversements contribuent à l’abandon des sites qui peinent à se renouveler, on voit alors apparaître une abondance de friches sur le territoire qui produisent une rupture dans le schéma urbain. On entend par friches, des sites 1 https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/ documents/recueil-friches-urbaines-25-mars-2014-7946a.pdf

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réintégrées dans le tissu urbain, en créant de nouvelles liaisons inter-quartiers et, en introduisant de nouveaux usages et paysages.

Ensuite, nous comprendrons quelles sont les enjeux actuels de la reconversion des friches industrielles, mais aussi les difficultés rencontrées dans le cadre du renouvellement urbain.

La démarche de reconquête de ce foncier, me semble pertinente et offre de nouvelles opportunités pour la ville durable qui se tourne vers la réversibilité des édifices existants. Dans ce mémoire, on va s’intéresser principalement aux friches industrielles et urbaines justifiant d’une position stratégique pour le renouvellement urbain.

Enfin, nous étudierons à travers plusieurs cas d’études comment les friches industrielles, au delà du renouvellement urbain, favorisent d’autres types de développement, selon leur potentiels, leurs modes et qualités de réinvestissement. Les études s’appuient sur plusieurs échelles différentes : quartier, ville, territoire.

L’objectif de l’étude dans ce mémoire monographique est de comprendre comment les friches industrielles deviennent-elles un moteur de (re)développement urbain et pourquoi elles sont aujourd’hui au cœur de la réflexion dans la fabrication de la ville durable. La méthodologie de cette étude en trois parties s’appuiera sur un type d’architecture existante avec divers études de cas en France et en Allemagne, où viennent se confronter approche théorique et démarche analytique. Dans un premier temps, nous ferons un état du contexte dans lequel les friches industrielles sont apparues afin de mieux comprendre les difficultés de leur mutation dans le paysage urbain, les atouts ainsi que leur valeur patrimoniale et, l’intérêt que nous leur portons aujourd’hui. Pour cela, nous nous intéresserons à des exemples au sein de la région Ile-de-France.

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I L’APPARITION DES FRICHES INDUSTRIELLES Dans un premier temps, il convient d’expliquer la notion de friche en y apportant une définition pour après comprendre ce qui la caractérise et ses différents types. Suite à cette description, on va s’intéresser principalement aux friches industrielles et urbaines dans ce mémoire. Il est nécessaire de revenir sur le contexte de leur apparition et de comprendre l’impact que celles-ci ont eu. Enfin, nous expliquerons l’intérêt suscité aujourd’hui pour ces édifices remarquables et ce qu’ils favorisent face aux nouveaux usages.

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LA FRICHE DANS TOUT SES ETATS

Définition et caractéristiques Les origines du mot friche se retrouvent dans le domaine de l’agriculture, c’est une évolution d’un terme médiéval néerlandais versch qui signifiait terre fraîche. Plus largement, ce terme désigne une terre agricole non cultivée, dont l’inutilisation peut être due à un sol peu fertile, une surabondance de terres ou, a une situation transitoire de jachère. La jachère est une terre labourable qu’on laisse temporairement reposer en ne lui faisant pas porter de récolte, alors que la friche est plutôt un espace agricole délaissé où la végétation reprend ses droits.

décrire le terme afin de cibler vers quoi il renvoie. Pour l’INSEE2, la friche « est un espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres abandonné depuis plus de 2ans et plus de 2000m2 ». Tandis que l’institut d’aménagement d’urbanisme de la région Ile-de-France (IAU Ile-de-France ) définit une friche selon trois critères : une dimension supérieure à 5000m2, un temps de vacances d’au moins une année ainsi qu’une nature et une qualité très diverse, en fonction du type d’activités pratiquées et du niveau d’obsolescence ou de dégradation des infrastructures existantes. Cependant, la friche se définit toujours par rapport aux mêmes critères à savoir la temporalité de vacances c’est-à-dire un terrain ou bâtiment inoccupé, la superficie du terrain ou de l’unité foncière, l’ancien usage ainsi que la présence de bâtis ou non.

Ce mot s’est peu à peu imposé en urbanisme pour qualifier de manière générale des terrains laissés à l’abandon. Même si elles regroupent une diversité d’espaces, les friches urbaines sont caractérisées principalement par une situation de déséquilibre qui est issu d’une inadéquation entre le potentiel d’utilisation du site et les activités qui s’y déroulent, comme par exemple des situations de dysfonctionnements, de déshérences ou encore d’obsolescences. De plus, ceux sont de vastes espaces encombrés d’infrastructures obsolètes, des aires abandonnées témoignant de l’activité passée ou des terrains vagues au cœur de tissus bâti.

En France, l’apparition d’un stock de friches est arrivé suite à une mutation technologique croissante, une compétition économique mondialisée conduisant à la délocalisation de nombreuses activités, une relative dispersion urbaine héritée des Trente Glorieuses. La cause fondamentale de l’apparition des friches urbaines réside en une inadéquation entre le contenant à savoir son tissu bâti, et le contenu soit les activités. Les régions le plus fortement concernées par ce phénomène sont le Nord-Pas-de-Calais (5 000 hectares de friches), la Lorraine (2 000 hectares) ainsi que

Il n’existe pas de définition propre pour définir la notion de friche, celle-ci varie en fonction des institutions, mais il est possible de

2 DUNY P. (2016) , « Les friches : entre contrainte et potentiel de renouvellement urbain », Aucame Caen Normandie, « Observatoire foncier ».

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Les différents types de friches l’Ile-de-France (1 000 hectares).

On peut réunir la majorité des friches sous la dénomination de friche urbaine. Celles-ci sont idéalement situées, reliées aux infrastructures majeures et proches des services et espaces publics. Ces sites ont en commun de générer une certaine dégradation du milieu urbain et une remise en question de la vitalité qui le caractérise habituellement. Les friches peuvent être, industrielles, militaires, portuaires, ferroviaires, commerciales ou encore d’habitats. Afin de comprendre ce qui les caractérisent, il semble pertinent d’établir une description de chacun de ces espaces.

La nature très variable voire unique des terrains en situation de friche urbaine rend difficile l’établissement d’une typologie définitive. Néanmoins, plusieurs catégories existent dont la plus fréquente est celle des friches industrielles.

Dans un premier temps, on peut définir les friches industrielles qui sont l’objet principal de ce mémoire. Elles font leur apparition en 1950 suite à l’arrêt de certaines activités d’extraction des matières premières, telles que les mines de charbons, ou la mutation progressive de divers activités économiques. Elles se localisent majoritairement dans les zones industrielles, certaines sont bien situées, on les retrouve proche de centre-ville ou le long d’axes routiers importants. Elles sont liées à des activités de productions ou de déplacement de marchandises. Ces friches font souvent l’objet de diverses études, car elles constituent des enjeux majeurs de par leur localisation ainsi que par la qualité et capacité de leurs bâtis. Se sont des édifices qui permettent d’accueillir de nouveaux usages, on retrouve principalement deux figures dans l’industrie : le château et la halle. L’un comme l’autre sont conçus sur le

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Figure 1 et 2 : «l’île ferroviaire», friche ferroviaire à Nanterre

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principe de la dissociation entre l’enveloppe et le processus industriel, entre l’espace et sa fonction. Le château exprime le cœur du projet industriel et affirme sa puissance. La figure de la halle exprime quant à elle toutes les valeurs de l’architecture répétitive. Les friches industrielles nécessitent cependant une dépollution lourdes, un nouvel usage n’est possible qu’après une remise en état.

foncier du pays, en raison notamment de l’importance des effectifs qui nécessitait de vastes casernes et terrains de manœuvre. Les évolutions stratégiques et l’introduction massive de la technologie a rendu obsolète de nombreux sites militaires. A partir de 1980, on assiste à une rationalisation du patrimoine immobilier de la Défense nationale tant en cœur de ville qu’en périphérie et rase campagne. Suite à cette réorganisation des forces militaires, des friches militaires se sont constituées. Un grand nombre de ces friches, dont certaines sont polluées, a été cédé à l’euro symbolique. Souvent placées en cœur d’agglomération, celles-ci peuvent représenter de très grands espaces, leur devenir repose généralement sur des programmes de reconversions aidés par les autorités publiques.

Les friches ferroviaires représentent 4 000 km de voies qui sont inutilisées en France à l’heure actuelle d’après le Réseau Ferré de France. Elles sont issues d’emprises perdant de leur utilités suite à la reconfiguration du territoire. Ces sites se composent également de bâtiments liés aux activités ferroviaires tels que les gares, les hangars ou les bâtiments techniques.

Les friches commerciales et tertiaires sont le résultat d’une trop grande abondance de centres commerciaux, de locaux ainsi que de bureaux situés principalement en périphérie des villes. Elles provoquent la fermeture de petits centres commerciaux de proximités qui ne génèrent plus assez de bénéfice, mais également de centres commerciaux d’ancienne génération situés en périphérie ou au sein des quartiers d’habitats sociales tel que les Z.A.C.

Les friches portuaires sont quant à elles apparues à partir des années 1970-1980 à la suite de l’effondrement de l’industrie lourde et la fermeture des chantiers navals en 1987 tels que ceux de Dunkerque ou encore de Nantes. Elles résultent de l’obsolescence de certains équipements au regard de l’évolution du trafic et des modalités de transport maritime. Cellesci se composent de quais, de chantiers navals ainsi que de hangars.

Enfin, les friches d’habitats existent en France dans l’habitat individuel ancien très dégradé, mais elles ne constituent pas un sujet d’urbanisme en tant que tel à l’inverse des friches industrielles qui sont au

En ce qui concerne les friches militaires, jusqu’au milieu du XXe siècle, le ministère des Armées était le plus important propriétaire

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cœur des débats. Les friches d’habitats sont apparues en premier lieu dans les bassins industriels en déclin, mais peuvent aussi se retrouver aujourd’hui dans tout type de ville.

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PATRIMOINE INDUSTRIEL, UNE IDENTITÉ SINGULIÈRE

Prise de conscience et valeur patrimoniale D’après le Comité International pour la Conservation du Patrimoine Industriel, « le patrimoine industriel comprend les sites, les constructions, les complexes, les territoires et les paysages ainsi que les équipements, les objets ou les documents qui témoignent des procédés industriels anciens ou courants de production par l’extraction et la transformation des matières premières ainsi que des infrastructures énergétiques ou de transport qui y sont associées. Il exprime une relation étroite entre l’environnement culturel et naturel puisque les procédés industriels anciens ou modernes dépendent de ressources naturelles, d’énergie et de voies de communication pour produire et distribuer des biens sur les marchés. Ce patrimoine comporte des dimensions immatérielles comme les savoir-faire techniques, l’organisation du travail et des travailleurs ou un héritage complexe de pratiques sociales et culturelles résultant de l’influence de l’industrie sur la vie des communautés et sur la mutation des sociétés et du monde en général. »3.

XXe siècle pour que le patrimoine paysager puis immatériel soit mieux pris en compte. Son processus exprime une identité territoriale et renvoie à une forme d’appropriation des société humaine. On peut dire que l’objet patrimonial sert de lien social entre les individus (selon Marina Gasnier4).

La reconnaissance des sites industriels comme objet patrimonial s’est faite tardivement, car une évolution culturelle était nécessaire pour « patrimonialiser » ces édifices réduits à leur seule fonction productive. Le terme de patrimonialisation désigne le processus de création, de fabrication de patrimoine. Le phénomène s’est développé en France au XIXe siècle, notamment pour la sauvegarde des monuments historiques. Il faut attendre le

Ce n’est qu’en 1970 qu’une nouvelle sensibilité à l’égard de ce type de patrimoine commence à émerger en France suite à la désindustrialisation. Entre rejet et fascination, fierté du travail pour les uns, évocation de la souffrance qu’il provoque pour les autres, les friches attisent de l’intérêt. L’évolution culturelle se forgera au fil du temps et des changements de mentalités, mais également par le biais de faits marquants générateurs de prises de consciences. On peut prendre ici l’exemple des Halles de Victor Baltard à Paris. Détruites en 1971, elles ont servi de moteur de compréhension pour la population et ont permis de faire évoluer les mentalités à l’égard de ce type de patrimoine. Les Halles étaient le « ventre de Paris »5 selon Emile Zola et les français ont eu l’impression de perdre une partie de leur héritage lors de la démolition. Les pavillons étaient en fonte avec des parois de verre et de fer, un seul pavillon sur les six sera démonté et remonté à Nogent-surMarne (94). Ce « sacrifice » va permettre par la suite la sauvegarde de la gare d’Orsay en 1977 reconvertie aujourd’hui en musée, c’est dans ce contexte que des associations de sauvegarde vont se créer et se multiplier.

3 https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Paysde-la-Loire/Politique-et-actions/Monuments-historiques/ Patrimoine-industriel-scientifique-et-technique-PIST

4 GASNIER M. (2011), Patrimoine industriel et technique, Lieux dits, 304p 5 ZOLA E. (1973), Le ventre de Paris

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Figure 3 et 4 : « L’assassinat de Baltard » (1971), clichés de la destruction des Halles, © Jean-Claude Gautrand

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Parallèlement, les historiens s’emparent de l’héritage industriel comme d’un nouveau champ de recherche associant l’histoire technique, sociale, économique ainsi qu’ethnologique. On voit apparaître le terme « d’archéologie industrielle », ce terme marque la naissance d’une pratique qui arrivera en France en 1975 par une première enquête sur « les bâtiments à usage industriel au XVIIIe et XIXe siècles » lancé par Maurice Dumas. Cette enquête permettra de reconnaître le patrimoine industriel comme un axe de recherche à part entière et rendra compte de sa valeur. Par la suite, une multitude d’opérateurs publics, et parfois privés, vont se mettre en place pour la préservation du patrimoine industriel.

d’un évènement historique» et insiste sur la valeur à la fois historique et artistique d’un monument. Cette Charte a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques7. Ces chartes débouchent sur une conscience internationale, elles permettent de promouvoir la théorie, la méthode et la technique appliquées à la conservation, la protection et la mise en valeur des monuments et des sites. Vers 1980, les politiques ont une volonté de démocratisation patrimoniale et de diffusion de la culture technique. C’est pourquoi, on constate une augmentation majeur du nombre de sites et édifices industriels menacés de disparition qui sont protégés au titre des Monuments Historiques, comme on peut le voir avec la protection de la Chocolaterie de Noisiel en 1986. Cette protection concerne tout édifice qui cristallise, illustre et témoigne de l’histoire nationale comme fait de civilisation. C’est une servitude d’utilité publique, fondée sur l’intérêt patrimonial, il sert également de support d’identité nationale.

Avant de définir et comprendre l’action de ces opérateurs pour le patrimoine industriel, il est intéressant de rappeler ce qui a déjà été mis en place concernant la protection, l’encadrement et la conservation des monuments historiques. La Charte d’Athènes (1931) met en avant l’intérêt de toutes les phases de vie d’un bâtiment et invite à «respecter l’œuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d’aucune époque»6. Elle incite à une occupation des monuments respectueuse de leur caractère historique ou artistique, assurant ainsi la continuité de leur vie. Quant à la Charte de Venise (1964), elle vient compléter celle d’Athènes en étendant la notion de monument historique à «site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou

Le graphique ci-joint nous montre l’évolution du parc des édifices industriels protégés au titre de Monuments Historiques entre 1900 et 2000, on constate que le nombre total d’édifices industriels protégés à été multiplié par 16 entre 1960-1970 et 2000. Quant aux diagrammes suivants, ils montrent

6 https://www.tourisme93.com/des-chartes-pourencadrer-la-restauration-des-monuments-historiques.html

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Ibid 6


Evoluton du parc des édifices industriels protegés au titre des Monuments Historiques (1900-2000)

300

1 %

225

1 % 1 %

150

%

2 % 7 %

8 % 3 %4 %

% 75

%

3 %

4 %5 %

2 %

3 %

1 %

6 % 0 1900-1910

76 %

1920-1930

1940-1950

3 % 6 %

15 %

42 % 4 % 13 %

4 %

2 %

9 %7 % 3 %

13 %

1 %

6 %

4 %

1980-1990

80 %

1 %

8 %

12 %

1960-1970

Nombre de moulins protégés 15 % 16 % Nombre total d'édifices industriels protégés (y51 % compris les moulins)

1 %

80 %

2 %

3 %

4 %

3 %

4 %

2 %

3 %

1 %

6 %

5 %

15 %

2 %

6 %

42 % 15 %

51 %

16 %

4 %

9 % Industrie agroalimentaire Industrie de la céramique, du verre et des matériaux de construction 15 % Industrie textile Industrie métallurgique et de construction mécanique Industrie minérale Industrie des peaux et du cuir Industrie agroalimentaire Industrie du bois Industrie de la céramique, du verre et des matériaux de construction Industrie du papier et de l'imprimerie Industrie textile Industrie génératrice d'énergie Industrie métallurgique et de construction mécanique Industrie agroalimentaire Industrie de la céramique, du verre et des matériaux deIndustrie construction chimique Industrie minérale Industrie textile Industrie des peaux et du cuir Industrie métallurgique et de construction mécanique Industrie minérale Industrie du bois Industrie des peaux et du cuir Industrie du bois Industrie du papier et de l'imprimerie Industrie du papier et de l'imprimerie Industrie génératrice d'énergie Industrie génératrice d'énergie Industrie chimique Industrie chimique 76 %

80 %

13 %

Figure 5 : Évolution du parc des édifices industriels protégés au titre des Monuments Historiques (1900-2000), graphique redessiné à partir de ceux présent dans Patrimoine industriel et technique de M. Gasnier. Figure 6 : Évolution et diversification sectorielle des édifices industriels protégés au titre des Monuments historique entre 1960 et 2000, diagrammes redessinés ibid.

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l’évolution et la diversification des édifices industriels protégés au titre de Monuments Historiques entre 1960 et 2000. Sur les quatre décennies représentées, on remarque qu’entre 1960 et 1970 on a majoritairement des industries agroalimentaires protégées (76 %) alors qu’à partir de 1980, les industries protégés se diversifient avec l’apparition de nouvelles protections, notamment pour l’industrie minérale, des peaux et du cuir, du bois, du papier et de l’imprimerie, de l’énergie et chimique.

par le Ministère de la Culture pour être attribué à des réalisations architecturales et urbanistiques appartenant au patrimoine culturel du XXe siècle et considérées comme remarquables. En 2013-2014, on comptait 17 édifices labellisés au sein de l’architecture industrielle selon le bilan du Ministère de la Culture. Ces différents opérateurs vont permettre d’abord une reconnaissance puis une protection des sites industriels en France. Ils prennent également en considération les processus et techniques de la production, les conditions de travail, les savoir-faire ainsi que les rapports sociaux. Cela nous montre qu’il s’agit d’une démarche pluridisciplinaire où les études au cas par cas sont fortement favorisées. On peut constater une évolution croissante, exponentiel et diversifié de cette reconnaissance pour le paysage industriel. Le fait que cette reconnaissance soit tardive s’explique en partie par la complexité du domaine, notamment du mobilier industriel, ainsi qu’un terrain particulier qui se veut moins lisible et difficilement accessible.

En 1983, une cellule spéciale consacrée au patrimoine industriel est créée au sein de « l’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de France » (Ministère de la Culture). Crée en 1964 par André Malraux, l’inventaire général est chargé de recenser les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique, de les étudier, et de les faire connaître. L’inventaire général à joué un rôle fondamental dans l’étude de la prise en compte et la visibilité du patrimoine industriel et technique français. Egalement, le classement de plusieurs sites et paysage industriels au patrimoine de l’UNESCO à la même période, à contribué à la reconnaissance de ce patrimoine. L’UNESCO permet de protéger le patrimoine culturel par le biais d’actions normatives, de mesures de préservations, de sauvegardes, de réhabilitations ainsi que de conservations8. Quant au label patrimoine du 20e siècle, il a été créé en 1999

Apres avoir vu quand la prise en compte a eu lieu en France et comment les opérateurs œuvrent à la conservation, on peut maintenant s’intéresser à la valeur patrimoniale des sites industriels et leur acceptation auprès de la population. On peut parler dans un premier temps de la valeur esthétique du patrimoine industriel.

8 SIMEON O. (2014), Quel patrimoine industriel pour quelle vision de l’histoire ?,Cairn.info

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Les sites industriels font partie intégrante du paysage naturel, ils se présentent tel des sculptures majestueuses dans l’espace comme on peut le voir par exemple dans les industries minières ou pétrochimiques. La valeur esthétique de l’architecture industrielle passe notamment à travers l’œil du photographe. L’image va permettre de traduire de nouvelles postures, un nouveau regard ainsi qu’une mise en valeur de l’objet architectural. Outre l’aspect « catalogue scientifique » des photographies et leur utilité pour la classification et conservation patrimoniale, le couple allemand Bernd et Hilla Becher met en lumière, par leur travail plastique et rigoureux, des bâtiments industriels à l’abandon comme des puits de mine, des châteaux d’eau, des usines ou des silos à grains9. Les images produites par le couple sont totalement a-contextuelles, chaque structure est considérée comme un individu, centrées et cadrées frontalement, dans une volonté d’objectiver l’objet et d’en préserver l’intégrité. Leur travail va permettre de rendre compte de la diversité des constructions au sein de l’architecture industrielle par un classement typologique, mais aussi de révéler la beauté des usines avant que celles-ci ne disparaissent avec un travail qui se veut artistique.

le passé et le présent. Comme le dit Sébastien Marot, « La ville est le locus de la mémoire collective »10, cela signifie que la ville ellemême est la mémoire des peuples, elle est liée à des faits et à des lieux, par conséquent, le patrimoine industriel à sa place dans cette mémoire collective d’autant plus que certaines villes se sont façonnées grâce à l’industrie. On peut citer ici l’exemple de Dunkerque, Roubaix ou encore Mulhouse en France, Manchester et Turin à l’étranger. L’industrie est devenue dans ces villes un nouveau squelette pour la planification urbaine et le tissu urbain ancien intègre des ateliers, des usines, des habitats ouvriers et des infrastructures de transports. Cette identité territoriale est façonnée par le travail, le savoir-faire technique et l’imaginaire social et politique, on retrouve ici l’idée de « paysage social » généré par le monde de l’industrie. Il comprend à la fois les bâtis, le paysage, mais aussi le patrimoine immatériel. La prise en compte de cette identité territoriale, parfois menacée de disparition, est devenue majeure pour la compréhension de la culture industrielle et pour la préservation d’une mémoire régionale et nationale. Cet héritage est une fierté dans certaines régions. La valeur patrimoniale et culturelle dans ces « villes usines » est importante car elles se sont bâties grâce à l’industrie, faire abstraction du passé serait faire abstraction de la mémoire collective.

Egalement, l’identité territoriale est une forme de valeur patrimoniale. C’est un héritage commun à un groupe d’individus, facilement identifiable, permettant une cohésion sociale durable dans le temps telle une passerelle entre

9 https://www.letemps.ch/culture/hilla-becher-une-viereveler-beaute-usines

10 MAROT S. (2010), L’art de la mémoire, le territoire de l’architecture, La Villette Eds De, 144p.

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Figure 7 : Puits de mines, Typologies photographiques, © Bernd et Hilla Becher

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Évolution de la perception On a pu constater précédemment que la manière d’appréhender ce patrimoine a évolué. Au départ, on considérait surtout l’esthétique architecturale. Par la suite, on a porté plus d’intérêt à la fonction des sites industriels, à leurs équipements, à leur organisation et leur rapport avec l’identité territoriale. Cependant, quelle place occupe la friche aujourd’hui dans le tissu urbain ? Quelle image reflète-t-elle ?

nouvelles perspectives pour ces délaissées. Ils permettent de préserver ce patrimoine tout en inventant de nouveaux usages non-industriels. Attirés par la monumentalité, la fonctionnalité et la souplesse de l’architecture industrielle, les architectes Bernard Reichen et Philippe Robert ont été en France les précurseurs dans le domaine, comme on peut le voir avec la reconversion de la filature Le Blan à Lille, ou encore la Halle Tony Garnier à Lyon. Par la suite, d’autres projets de reconversions industrielles ont commencé à voir le jour dans la fin des années 1990 début des années 2000, lorsqu’on s’est demandé ce qu’on allait faire des friches industrielles dans ces régions où l’industrie s’est arrêtée. La reconversion s’impose alors comme une démarche pouvant préserver des valeurs ainsi qu’un témoignage de ce patrimoine. La population ne veut plus voir des ruines délaissées ou le temps s’est figé, ils préfèrent les voir en vie, cela permet de garder une dynamique au sein de la ville, d’une région ou d’un bassin industriel, en favorisant un patrimoine local et son histoire. Les friches industrielles sont passées de l’image de tache à un réel potentiel foncier pour redynamiser le tissu urbain des villes postindustrielles. Elles ne sont plus seulement un territoire d’expérimentation ou un non-lieu, elles occupent une juste place dans le champ de la recherche académique et dans les politiques des collectivités. Qu’est-ce qui explique cet intérêt aujourd’hui pour la reconversion des friches industrielles urbaines ?

Les friches industrielles représentent de réelles déchirures dans le tissu urbain, telles des « taches » du passé que l’on voit trop et qu’il faudrait résorber. Elles résultent de l’inadéquation à un moment donné entre la structure urbaine et la fonction qu’elle est censée contenir. Elles font désordre dans un espace qu’on souhaiterait organiser, de plus, elles sont perçues comme des signes de changement de la société et des modes de vie. Même si certaines régions les considèrent comme une fierté, elles sont aussi indissociables d’une nostalgie visà-vis d’un paysage ancien, associées à une vie ouvrière en deuil et un dynamisme économique révolu. On ne sait pas réellement quoi faire de tous ces édifices protégés, un certain manque d’idées pour réutiliser les terrains se fait sentir. Il est par conséquent difficile de se projeter d’autant plus qu’il y a une insuffisance de proposition de projet et d’investissement. Cependant, des projets de reconversion commencent à voir le voir en France, amenant un nouveau regard porteur de sens et de

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Figure 8 : Halle Tony Garnier (1988), Lyon, Bernard Reichen et Philippe Robert, © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, ADAGP, 1997

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Figure 9 : Reconversion de la filature Le Blan en habitat collectif (1979), Lille, Reichen et Robert, © Denis Couchaux

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LA RENAISSANCE DES FRICHES INDUSTRIELLES

Considérations qualitatives, techniques et fonctionnelles Si depuis une vingtaine d’années, on a une sensibilité plus forte pour la conservation des friches industrielles urbaines plutôt que leur démolition, c’est aussi pour les caractéristiques spécifiques des bâtis. On y retrouve des constructions tant qualitatives par l’utilisation de matériaux « nouveaux », techniques par les prouesses architecturales de leurs époques, que fonctionnelles par les espaces et leurs usages. La prise en considération de ses « superstructures » est une alternative à une politique de tabula rasa. Si certains bâtiments sont remarquables par leur qualité architecturale propre, d’autres sont indissociables du paysage qui les entoure11. De plus, on a pu voir précédemment que les friches ont un aspect identitaire suivant les régions qui les abritent, ce qui signifie que dans l’espace urbain, on les considère comme des points de repère qu’il faut conserver.

citer l’exemple des deux bâtiments principaux des Magasins Généraux de Saint-Ouen, qui datent de 1862 et 1867, ils sont à ossature bois avec un remplissage en brique et une charpente métallique. La brique va quant à elle être utilisée pour ce qui concerne l’esthétique, le bâtiment industriel découvre avec la brique un élément de décor ainsi qu’une qualité ornementale qui lui confère une certaine élégance. Si la brique est employée au détriment d’autres matériaux, c’est principalement pour son aspect économique. Le moulin de l’ancienne Chocolaterie Meunier illustre bien ce propos. Édifié en 1870 à Noisiel par Jules Saulnier, l’ancienne chocolaterie se dote de façades en briques qui témoignent d’un intérêt de donner un certain raffinement au monde industriel. On remarque que dans cet exemple, la brique y perd son rôle de « remplissage » pour ne conserver que son apport décoratif. Jules Saulnier va également introduire un nouveau mode d’utilisation du métal : le mur en pan de fer à remplissage de briques. C’est l’un des premiers bâtiments à structure métallique apparente. La structure de métal en «losange» reprend le système du treillis couramment employée pour les ponts.

Dans un premier temps, on peut s’attarder sur l’aspect qualitatif des bâtis, qui présentent à la fois un intérêt architectural et visuel, et plus particulièrement aux matériaux employés dans la construction de ceux-ci. L’utilisation de matériaux et d’éléments nouveaux est un symbole de modernité pour l’époque. La qualité des matériaux de construction et de leur mise en oeuvre va jouer par la suite un rôle essentiel dans la préservation des bâtiments.

Par la suite, le métal va rapidement s’imposer dans l’architecture industrielle. Même si sa typologie varie, rigide ou articulée, en fermes ou en treillis, les charpentes sont désormais toujours réalisées en métal.

On va retrouver d’abord le bois qui occupe une place considérable dans la construction au XIXe siècle notamment pour la structure. On peut

11 https://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=111

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Figure 10 : Ancienne Chocolaterie Meunier, Noisiel, © Benh Lieu Song

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Les Expositions Universelles ont d’ailleurs joué un rôle capital dans l’expansion de l’utilisation du fer.

mais aussi certaines prouesses architecturales qui ont vue le jour grâce à l’amélioration des techniques. Le patrimoine industriel est doté d’objets remarquables constitutifs de la culture technique. Ces exigences techniques telles que l’incombustibilité, les longues portées, la résistance des planchers au poids des machines et aux vibrations de celles-ci, ont participé indéniablement au perfectionnement de procédés déjà existants.

Puis vient le béton armé qui va devenir présent partout dans les bâtiments industriels : dans l’ossature, dans la toiture, qu’elle soit en terrasse, en sheds ou combinant les deux, mais aussi dans toute une série de petits éléments. On peut remarquer que la plupart des matériaux cités sont principalement utilisés de manière brute. La qualité des ouvrages réalisés par ces matériaux explique ce regain d’intérêt pour l’architecture industrielle.

En plus de leur aspect qualitatif vu précédemment, certains matériaux tels que le béton et le métal ont favorisés à cette période le développement de nouvelles formes architecturales. Celles-ci permettent par exemple d’avoir une disposition allongée des espaces de production, d’utiliser de façon croissante la charpente métallique qui permet d’augmenter les portées et agrandir des espaces de travail ainsi que de dégager des axes de circulation. Cependant, le système structurel mis en place reste le plus souvent l’utilisation de poteaux poutre en fonte ou en fer.

Indépendamment des matériaux employés, on peut parler également de la morphologie des bâtis qui est qualitative et majestueuse. Cela est dû aux grandes dimensions des espaces et volumes, aux grands plans d’étages ouverts, mais aussi aux plafonds hauts et aux larges ouvertures. Dans le paysage, ce sont les hautes cheminées ainsi que les toits en sheds qui expriment une certaine qualité visuelle. La morphologie fabrique des spécificités contextuelles, aujourd’hui cela permet de rentrer en dialogue avec des projets urbains. Elle est une opportunité locale qui vient nourrir les futurs projets.

En terme de prouesse architectural et d’innovation technique de l’époque, on peut parler de la Halle Freyssinet construite en 1929, qui est inscrite aux Monuments Historiques et possède une valeur historique en terme de technique, devenue aujourd’hui la Station F. Elle est principalement constituée de trois nefs parallèles faites de voûtes en béton précontraint, dont l’épaisseur peut s’affiner pour atteindre

Maintenant, on peut s’intéresser à l’aspect technique, c’est-à-dire les capacités des fondations et de la structure générale des bâtiments, des éléments de second œuvres,

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moins de 5 cm au faîtage. La halle fait 310 m de long sur 58 m de large, un véritable exploit pour l’époque.

ajouts, ce qui nous amène à les considérer comme des espaces réversibles qui savent s’adapter.

La technique joue un rôle sur la qualité des bâtis et par conséquent sur leur conservation. Comme l’innovation technique à permis l’amélioration de la qualité des espaces, il est donc pertinent de reconvertir leurs usages d’autant plus que des espaces aussi conséquents ne se trouvent plus de nos jours à l’heure où la tendance des marchés propose des espaces de plus en plus réduits, car le m² coûte plus cher. Enfin, on peut parler de l’aspect fonctionnel de l’architecture industrielle, notamment de la fonctionnalité des espaces. La forme rationalisée de certains, tels que les grandes halles, permet d’accueillir différents types d’activités. La conception de leur forme a révolutionné le monde de l’industrie, utilisant des techniques constructives ingénieuses pour développer des espaces rationalisés et multifonctionnels répondant à une logique de production globale. Ces halles sont majoritairement des espaces unifiés à trame constructive régulière sur plan libre, généralement bâtis en rez-de-chaussée. Cette considération pour la multifonctionnalité des espaces et leur capacité d’évolution offre aujourd’hui la possibilité d’accueillir des usages nouveaux et plus variés, épargnant la contrainte des

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Figure 11 et 12 : Halle Freyssinet, aménagement d’un ancien édifice destiné à abriter les transbordements train-camions en campus de start-up (Station F), Paris, Wilmotte & Associés, © Wilmotte & Associés

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L’adaptabilité des friches industrielles L’architecture industrielle, grâce à ses espaces souvent surdimensionnés, a cette capacité de s’adapter offrant aujourd’hui de nouvelles perspectives pour des programmes beaucoup plus mixtes. Cette considération pour les friches industrielles urbaines va permettre de repenser les espaces afin de les faire coïncider avec les nouveaux usages de la société. Les friches ont des typologies d’architecture qu’on peut qualifier de réversibles, ce qui signifie qu’elles sont mutables, modifiables ou encore changeables avec une grande capacité d’évolution. On va donc se demander en quoi cette adaptabilité face aux nouveaux programmes est pertinente aujourd’hui.

aspect culturel notamment avec la transmission de patrimoine. A travers cet exemple on peut constater que les usages et programmes au sein d’un même site sont très variés, le recyclage de celuici permet aussi d’avoir une pérennité des bâtis dans le temps. Cela nous conforte dans l’utilité de conserver les sites industriels grâce à leur capacité de mutabilité. Ensuite, on peut dire que ce sont des lieux polyvalents, ils ont une faculté de pouvoir accueillir des usages pluriels au même moment et, capables de s’adapter graduellement aux changements et à la mixité programmatiques. Tel est le cas pour la Halle Freyssinet vue précédemment. Elle abrite aujourd’hui un espace dédié à la création et au travail pour des start-up, un autre dédié aux partages et échanges, un troisième dédié à la restauration et la détente. Ici, l’architecture des halles se veut accessible à la mixité programmatique en conciliant travail, partage et restauration.

Dans un premier temps, on peut s’intéresser à la capacité de mutation des programmes au sein des sites industriels. On a pu voir précédemment l’exemple de la Chocolaterie Meunier à Noisiel, celle-ci s’est par la suite transformée en 1996 pour devenir le siège social de Nestlé France après sa réhabilitation par le cabinet Reichen et Robert. On est passé d’une logique de production de chocolat à la création de bureaux. Cependant, Nestlé a annoncé quitter les locaux de Noisiel pour de nouveaux à Issyles-Moulineaux. L’ancienne chocolaterie va donc être préservée et changer encore d’usage. À terme, un hôtel devrait être aménagé dans le bâtiment surnommé la « cathédrale ». Un espace de loisirs et de tourisme autour du chocolat est aussi prévu12. Ce nouveau programme vient faire écho avec celui d’origine, on y retrouve un

De manière générale, la mixité programmatique permet de toucher un public plus large et offre de nouvelles perspectives en favorisant la proximité. Cela permet de réduire les transports et d’optimiser le temps lors de déplacements, dans une société qui souhaite améliorer l’accessibilité. L’adaptabilité de la friche face aux nouveaux programmes nous amène a nous questionner sur sa place au sein

12 GOHIN L. (2020), Actu, Seine-et-Marne : Les anciens réfectoires de la Cité Menier à Noisiel bientôt rénovés, https://actu.fr/ile-de-france/noisiel_77337/seine-et-marne-lesanciens-refectoires-de-noisiel-bientot-refaits_35758545.html

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de la ville et l’impact qu’elle peut avoir. Sa forme urbaine réinterroge nos modes de faire et nous questionne sur une possible requalification de celle-ci. Apres avoir vu l’intérêt de la reconversion à l’échelle d’un site ou de bâtis, suite aux différentes considérations et à l’adaptabilité, nous allons maintenant nous questionner à une échelle plus grande en nous demandant quel est l’intérêt de la renaissance de ces friches urbaines dans le cadre du renouvellement urbain et en quoi elles peuvent-elles être un moteur pour celui-ci.

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II LES ENJEUX DE LA RECONVERSION DES FRICHES INDUSTRIELLES FACE AU RENOUVELLEMENT URBAIN Dans cette seconde partie, nous comprendrons en amont la pertinence du renouvellement urbain, qui semble être une pratique d’avenir pour le développement durable des villes, et l’intérêt des friches urbaines dans ce contexte. On va s’intéresser ici principalement au renouvellement urbain dans les villes-centres, notamment Paris et sa banlieue, et non dans les grands ensembles comme c’est souvent le cas. La reconversion est un moyen de repenser le territoire dans sa globalité. Pour continuer, nous nous intéresserons aux enjeux de la reconversion des friches industrielles sous différents items, de façon à comprendre ce qui peut être un levier ou bien un frein dans cette démarche de renouvellement urbain. Enfin, nous verrons qu’il existe des contraintes lors de la reconversion des sites, mais que celles-ci peuvent parfois être bénéfiques.

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RENOUVELLEMENT URBAIN : «FAIRE LA VILLE SUR LA VILLE»

Éviter l’étalement urbain, densifier le tissus urbain Avant de parler du renouvellement urbain dans les villes-centres, il est important de comprendre comment l’urbanisation en France s’est construite et à évolué durant les cinquante dernières années. On retrouve principalement une logique d’étalement, qui résulte notamment de la périurbanisation. Cet étalement urbain se caractérise par la progression des surfaces urbanisées à la périphérie des villes. Cela concerne, l’habitat, en grande partie des maisons individuelles pavillonnaires, mais aussi de nombreuses entreprises qui nécessitent de grandes surfaces et parmi elles des centres commerciaux et zones industrielles.

France qui illustre le mieux l’étalement urbain est Paris et ses couronnes périurbaines, comme on peut le voir sur la carte, page 44, montrant les types de stratification urbaine. Cette logique centrifuge, engendrée au départ par l’usage de l’automobile, favorise l’éclatement des villes. Dans les villes autour de Paris, on a par la suite une accumulation d’espaces monofonctionels tels que les zones commerciales et industrielles, les zones d’activités, de loisirs, les lotissements, les centres d’affaires, les campus. Ce découpage distinct des activités rend beaucoup d’habitants dépendants de leur voiture. Sur le plan écologique et durable, ce type d’urbanisme centrifuge est à proscrire, car il encourage dans un premier temps l’utilisation de transports polluants. Il favorise la consommation énergétique, mais aussi engendre des nuisances sonores ainsi qu’une pollution atmosphérique importante. L’étalement urbain augmente nos impacts environnementaux liés à la construction et l’exploitation de réseaux d’infrastructures. De plus, il n’est pas viable, il favorise l’artificialisation des sols et par conséquent, empiète sur les espaces naturels, agricoles et forestiers. Il incite aussi à la destruction de la biodiversité. Suite à ces constats, une réflexion commence à se mettre en place pour déterminer une nouvelle façon de développer la ville en limitant l’étalement urbain nocif pour l’environnement. Dans les années 2000, la loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU), va permettre d’appuyer ces propos en

ETALEMENT URBAIN ESPACE RURAL COURONNE PERIURBAINE BANLIEUES VILLE-CENTRE

Schéma personnel illustrant l’étalement urbain

Cette logique d’étalement est due à l’évolution rapide des modes de transports, notamment avec la généralisation de l’automobile, ce qui va multiplier les infrastructures routières. Cette évolution a initié une vague de formation de couronnes périurbaines successives autour des agglomérations françaises. L’exemple en

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1 2

3

4 5 1 - Paris centre 2 - Petite couronne 3 - Grande couronne 4 - Couronne périurbaine 5 - Aire urbaine

Figure 13 : Schéma personnel des types de stratification urbaine, réalisé d’après Google Maps

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limitant l’étalement urbain et par conséquent, lutter contre la périurbanisation. En parallèle, cette loi vise à redensifier les centres-villes en favorisant le renouvellement urbain.

des mobilités plus douces et des transports collectifs, c’est en quelque sorte une urbanisation vers l’intérieur. Elle permet de limiter en surface l’étalement urbain et la périurbanisation en valorisant l’habitat dense concentré, notamment pour diminuer l’empreinte écologique des habitats, et par la suite de la ville elle-même. 1941, CHARTES DʼATHENES

Aujourd’hui, les politiques urbaines ont décidé de lutter contre l’étalement, en proposant le renouvellement urbain. Celui-ci permettrait l’évolution de la ville sur elle-même, ce qui est nécessaire pour se moderniser et renouveler les formes urbaines existantes. On veut appréhender la ville comme une entité globale, unitaire et cohérente avec une complémentarité des fonctions, et non plus comme des zones disparates qui rappellent la Charte d’Athènes (issu1941, duCHARTES IV DʼATHENES CIAM, 1941) de Le Corbusier. Celle-ci se distinguait par un zonage précis de quatre « fonctions » majeures que sont la VIE / HABITAT vie, le travail, les TRAVAIL loisirs et les infrastructures liées au transport. La vision stratégique portée actuellement sur ces territoires vise au contraire INFRASTRUCTURES urbaine développée à LOISIRS « endiguer la sectorisation par la planification de l’après-guerre en utilisant les ressources naturelles et patrimoniales en place pour une meilleure convergence »13. Cette nouvelle approche urbanistique est apparue dans les années 1980 grâce à quelques villes pionnières telles que Bilbao, Barcelone ou encore Copenhague. Ces villes ont déclenchée de nouvelles pratiques de valorisation de l’espace public source de nouveaux usages, il est donc pertinent de s’en inspirer notamment pour les TRAVAIL grandes villesHABITAT françaises. Le renouvellement urbain a pour but d’optimiser les villes et agglomérations existantes tout en privilégiant

1941, CHARTES DʼATHENES

VIEVIE // HABITAT HABITAT

TRAVAIL 1941, CHARTES DʼATHENES

LOISIRS

ENTITE GLOBALE

INFRASTRUCTURES VIE / HABITAT

LOISIRS

TRAVAIL

INFRASTRUCTURES LOISIRS

INFRASTRUCTURES

Schéma personnel illustrant la Charte d’Athènes (1941) AUJOURDʼHUI TRAVAIL

HABITAT

LOISIRS

TRAVAIL

ENTITE GLOBALE MOBILITE DOUCE

HABITAT

LOISIRS

TRAVAIL

HABITAT MOBILITE DOUCE

Schémas personnel illustrant le renouvellement urbain LOISIRS

Dans cette démarche, on trouverait de nouvelles formes d’urbanisations basées sur la valorisation des potentiels inexploités et sur la reconquête des espaces urbains existants au MOBILITE DOUCE cœur de milieux déjà urbanisés. Ce serait une alternative à la croissance périphérique qui nous interroge à la fois sur le recyclage du foncier

LOISIRS 13 GASNIER M. (2011), Patrimoine industriel et technique, Lieux dits, 304p MOBILITE DOUCE

TRAVAIL

AUJOURDʼHUI

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disponible et la fabrication de la ville durable de demain. La construction durable c’est aussi construire pour ne pas avoir à détruire, anticiper dans la construction des bâtiments ainsi leur réversibilité permettrait une d’appropriation plus simple et plus rapide pour un nouvel usage. Cependant, il existe des dérives au renouvellement urbain qui nous interrogent sur les nouveaux paradigmes. A force de concentrer le développement de façon centripète, jusqu’où peut on développer la densité afin qu’elle ne devienne pas une contrainte pour le bien-être des habitants ?

dans les espaces urbains, ce qui suscite beaucoup d’intérêt. Le contexte de rareté foncière et la montée des préoccupations sanitaires et environnementales, font de la reconversion des friches urbaines une priorité pour les décideurs politiques14. Egalement, le coût du foncier est élevé dans les grandes villes, ce qui justifie cet intérêt pour les friches urbaines. De plus, ce type d’aménagement favorise l’intégration du patrimoine local, considéré comme ressource symbolique, mais aussi comme un vecteur de mémoire et d’identité; Ainsi, le patrimoine industriel a sa place dans cette reconquête du foncier, il peut avoir un rôle moteur dans le sens où il peut aider un quartier, une ville, une région, ou un bassin industriel à mieux connaître son histoire, ses faiblesses, mais aussi ses atouts pour, par la suite, contribuer à accroître son dynamisme dans des secteursclés. L’attractivité des territoires passe par une réappropriation de ses sites industriels urbains. Selon leurs implantations, ils permettent de penser autrement l’organisation spatiale d’un quartier, voire d’une ville. Les friches urbaines sont réutilisées pour des projets d’aménagement comme c’est le cas par exemple avec l’opération « Paris Rive Gauche » dans le 13e arrondissement de Paris. Autrefois, cette zone était occupée par des terrains industriels dont certains étaient désaffectés, aujourd’hui ces sites sont devenus un moteur pour le projet urbain, ce sont ici des outils à la fois de revitalisation identitaire et de développement économique d’un quartier.

Cette nouvelle façon d’appréhender la ville nous questionne sur le sujet principal de ce mémoire qui traite des friches industrielles et urbaines. En quoi ces délaissées du passé sont pertinents dans le cadre du renouvellement urbain ? On peut dire dans un premier temps que la réhabilitation des friches constitue à la fois un enjeu majeur d’aménagement et de développent urbain durable des villes et plus largement, des territoires pour répondre aux objectifs de maîtrise de l’étalement urbain, de revitalisation urbaine et, par conséquent, de limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de protection des sols contre leur artificialisation. Elles sont un enjeu car elles constituent un important gisement foncier, en se localisant

14 https://ile-de-france.ademe.fr/expertises/sites-et-solspollues/aides-la-reconversion-des-friches-industrielles

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La friche, élément moteur de projets urbains : l’exemple de Paris Seine Rive Gauche Les friches urbaines sont aujourd’hui réutilisées pour des projets d’aménagements dans le cadre du renouvellement urbain, comme on a pu le voir dans la partie précédente. Dans cette partie on va se focaliser principalement sur l’opération de « Paris Seine Rive Gauche », en s’intéressant dans un premier temps à ce qu’était cette zone de Paris autrefois, et voir comment celle-ci s’est transformée aujourd’hui pour enfin comprendre comment et de quelle façon les friches urbaines existantes sur ce site ont pu être un moteur pour ce projet de grande envergure.

Vers 1970, on commence à s’intéresser au potentiel de cette zone, car elle présente de nombreux atouts. Dans un premier temps sa proximité avec la Seine et les voies ferrées en font une zone avec une excellente desserte au niveau des transports, dans un second temps, elle fait la liaison entre Paris et Ivry-sur-Seine, mais aussi avec le reste de Paris. De plus, selon les principes du renouvellement urbain, il est pertinent de réexploiter un « morceau » de Paris, un espace délaissé par le temps, là où le coût du foncier est élevé. Le chantier pour l’aménagement de Paris Seine Rive Gauche (PSRG) à commencé en 1991 avec Jacques Chirac comme maire de Paris à l’époque, et la SEMAPA (Société d’Économie Mixte de Paris) comme aménageur. Un projet d’aménagement est quelque chose qui dure très longtemps, celui-ci a commencé il y a une trentaine d’années, on peut constater que le quartier suit encore sa mutation, notamment avec les tours Duo de Jean Nouvel qui sont actuellement en construction. PSRG est la plus grande opération d’aménagement de Paris, elle commence notamment par la construction de la BNF (Bibliothèque Nationale de France) en 1991 qui vient enrichir les qualités du site en lui donnant une composante culturelle particulière. L’opération se découpe en quatre nouveaux quartiers: Austerlitz, Tolbiac, Massena, Brunesseau. Aujourd’hui celui de Massena est le plus avancé car il se trouve à proximité immédiate du métro (ligne 14) et du RER (C), c’est un quartier à la fois dense et mixte.

Notre exemple se trouve dans le 13e arrondissement, au sud de Paris, entre la gare d’Austerlitz et les limites communales de la ville d’Ivry-sur-Seine. Autrefois appelé « quartier de la gare », ce site représente 280 ha, soit 1/20 de la surface de Paris. Il y a moins de 20 ans, c’était une zone inhabitée et inhabitable, ce quartier s’est formé au début du XIXe siècle, il y perd ses fonctions agricoles pour devenir une terre industrielle. Au début du XXe siècle, le paysage est donc dominé par les laboratoires industriels, le chemin de fer et les dépôts de la gare d’Austerlitz. Pendant cette période, on tire profit du site : les industries commencent à pousser un peu partout et l’accès direct aux chemins de fer et la Seine favorisent le transport des marchandises. Comme la plupart des sites industriels, ce quartier subit d’une grande période d’industrialisation.

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Figure 14 : Le site vu depuis Ivry, enclavé entre le fer et l’eau, photo issu de l’ouvrage Paris Projet n°29

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Photo aérienne historique (1950-1965)

Photo aérienne actuelle

Figure 15 et 16 : Paris Seine Rive Gauche, photographies aériennes issu de remonterletemps.ign.fr

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C’est la proposition de l’équipe de l’architecte Christian de Portzamparc et du paysagiste Thierry Huau qui a été choisi pour œuvrer dans ce quartier. Christian de Portzamparc met en place un master plan avec le concept de l’îlot ouvert : les immeubles ne doivent plus être collés les uns aux autres, ils sont ouverts à la rue et la lumière, c’est un maillage d’immeubles dont les façades sont à « sculpter » par les différents architectes retenus pour ce projet.

Ensuite, la coupure formée par les voies ferrées de la gare d’Austerlitz, mais aussi celle formée par l’autoroute séparaient le quartier du reste de Paris. Pour palier à ce problème, l’avenue de France a été créée sur une dalle au-dessus des voies ferrées, ce qui explique notamment la différence d’altimétrie entre cette avenue et le quai Panhard et Levassor, situé près de la Seine, par exemple. L’avenue de France permet de reconnecter l’ensemble du quartier avec sa périphérie.

Le projet de PSRG devait répondre à trois grandes idées : poursuivre le rééquilibrage de la vie économique vers l’Est parisien, effacer la coupure formée par les voies ferrées de la gare d’Austerlitz, qui sépare le 13e arrondissement des berges de la Seine et enfin reconquérir les friches industrielles autour de la Grande Bibliothèque. Il était question de renouveler de façon profonde le dispositif d’aménagement existant en s’intégrant aux autres grandes fonctions de la cité moderne15.

Enfin, il était question de reconquérir les friches industrielles existantes du site. La présence d’éléments remarquables d’archéologie industrielle et d’infrastructures a constitué l’enjeu de cette reconversion17. On retrouve cinq édifices qui ont été préservé et réhabilité dans cette opération : la Halle Freyssinet située à proximité de la BNF, qu’on a pu aborder dans les parties précédentes, réhabilitée par Jean-Michel Wilmotte en 2017; les Frigos, anciens entrepôts frigorifiques de la SNCF reconvertis en ateliers d’artistes; les Grands Moulins réhabilités par Rudy Ricciotti ainsi que la Halle aux Farines réhabilitée par l’Agence Nicolas Michelin en 2006 abritent aujourd’hui l’université de Diderot; l’usine SUDAC (Societé Urbaine d’Air Comprimé) réhabilitée en école d’architecture en 2007 par Frederic Borel. Cette dernière idée nous amène à nous questionner sur ces friches industrielles, comment ont-elles pu être un moteur dans ce projet urbain ?

En ce qui concerne le rééquilibrage de la vie économique, PSRG veut affirmer une mixité sociale et fonctionnelle forte et devenir attractive, tout en s’intégrant avec le reste du 13e arrondissement, avec la création de bureaux, de logements, d’équipements, d’universités et de jardins. Thérèse Cornil, directrice générale de la Semapa, affirme que « La ville d’aujourd’hui ne doit plus être celle de la ségrégation, du zoning, mais de la mixité »16. Le projet participe également à la tertiarisation des activités et au développement économiques du quartier. 15 Paris projet, aménagement urbanistique à venir, numéro 12, Paris sud est : Lyon - Austerlitz - Bercy 16 BAUER A. (2000), « La ZAC Paris-Rive gauche fait le pari de la mixité urbaine », Les Echos

17 https://eutopics.wordpress.com/2012/05/18/paris-rive-gauche-lespace-des-infrastructures-entre-reinvention-et-refoulement/

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Figure 17 : Université Paris 7 Denis Diderot : Bâtiment des Grands Moulins, Rudy Ricciotti, © Jacques Mossot

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3 2

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1 - La Halle Freyssinet 2 - Les Frigos 3 - Les Grands Moulins 4 - La Halle aux Farines 5 - L’usine SUDAC

Figure18 : Les friches conservées, appropriation du plan général de Paris Rive Gauche (2018), © SEMAPA

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On peut admettre qu’elles ont été un moteur dans ce projet de différentes façons, à la fois comme base de conception d’une nouvelle urbanité, mais aussi comme repère identitaire fort et comme revalorisation patrimoniale qui induit une nouvelle image.

identitaire et historique forte dans un quartier « nouveau », édifié par une multitude de nouvelles constructions. Les Grands Moulins de Paris, la Halle aux Farines, l’usine d’air comprimé de la SUDAC, les Frigos ou la halle Freyssinet, dont l’avenir était incertain il y a quelques années, deviennent maintenant les signes architecturaux, tels des repères, dans un nouveau quartier universitaire en pleine mutation. Selon Bernard Reichen, « Ce patrimoine est pourtant une clé de compréhension de notre histoire contemporaine. Dans le passage d’un monde rural aux sociétés urbaines, c’est souvent l’usine qui a fait la ville »19, par conséquent, il est pertinent de conserver une partie de notre histoire en lui trouvant une nouvelle vocation dans un projet urbain. On évite le concept de « tabula rasa » pour ne pas oublier l’évolution de ce qui a fait la société. Cependant, on peut se questionner sur la légitimité et la pertinence de garder certains bâtis plutôt que d’autres, la prise en compte de l’enjeu de préservation du patrimoine industriel par les aménageurs de PSRG n’a pas empêché que certains bâtiments industriels soient détruits. On peut admettre tout de même que Paris Seine Rive Gauche est devenu un quartier vivant, un morceau de ville, tout en préservant ce qui fait l’identité du quartier et en le façonnant comme un nouveau « lieu de vie ».

Elles ont été un élément directeur et de composition lors de la planification de PSRG. Les friches ne sont plus considérées de façon statique, mais plutôt intégrées et remises en situation dans le contexte d’un quartier qui veut se moderniser. Travailler avec l’existant c’est pouvoir s’inspirer du réel déjà là, mais aussi apprendre à travailler avec la complexité et un héritage du passé pour en faire le futur. L’enjeu majeur concernait la coexistence entre conservation et innovation, entre infrastructures et monumentalité, pour façonner le quartier et crée ainsi une nouvelle dynamique qui fait le lien entre ce qui a été et ce qui sera. Dans ce contexte de composition avec l’existant, la multiplicité des formes et des matériaux devient l’outil d’une diversité dans le cadre du projet urbain. D’après Bernard Reichen, « Un site majeur est celui qui a laissé en héritage un patrimoine de qualité, mais qui se situe aussi dans un lieu qui justifie «naturellement» d’un nouveau développement »18, c’est le cas ici pour PSRG. Ces friches permettent de nous rappeler ce que le quartier était auparavant et font partie de la mémoire collective. Elles ont une valeur

IDENTITAIRE Schéma personnel illustrantREPERE la friche comme repère identitaire

18 REICHEN B. (2002), « Donner une nouvelle place au patrimoine industriel », Constructif

19

Ibid 18

53 ELEMENT DIRECTEUR NOUVELLE IMAGE ATTRACTIVE


Enfin, la revalorisation patrimoniale donne une nouvelle image à un quartier qui était peu, voire pas, attractif. Elle est une façon de nouer le dialogue entre la richesse historique du lieu et les préoccupations contemporaines et à venir. Les bâtis conservés dans le projet PSRG permettent d’accroître l’attraction du quartier, ils sont un véritable potentiel pour changer une image et redonner un sens à un espace délaissé. On donne une valeur à un quartier par son patrimoine industriel existant. On joue avec l’existant pour créer un quartier contemporain et dynamique dans l’air du temps et adaptéREPERE aux IDENTITAIRE pratiques du renouvellement urbain.

ELEMENT DIRECTEUR

Schéma personnel illustrant la nouvelle image attractive des

NOUVELLE IMAGE ATTRACTIVE

quartiers grâce aux friches industrielles

TEMPS DE LʼAVANT-FRICHE

TEMPS DE VEILLE

- Baisse progressive de lʼactivité - Cadrage historique de la friche - Duré variable - Un interet pour la friche peut

- Période la plus active et la plus longe pour les friches (non-militaires) - Statut transitoire - Interet pour la friche en vue dʼune reconvertion ou absence dʼinteret

commencer

TEMPS DE LʼAPRES FRICHE TEMPS DE LA FRICHE RECONVERTIE

- Phase de reconversion à proprement parlé - Integration dans le projet urbain - Finalisation du montage financier

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- A la fin des aides liées à la reconversion - Evalutation des resultats - Compensation de la cessation dʼactivité ? - Impacts positifs piur le territorie


Figure 19 : La friche comme repère identitaire, photographie personnelle prise depuis l’esplanade de la BNF en direction des Frigos

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LA RECONVERSION DES SITES INDUSTRIELS : QUELS ENJEUX POUR LE RENOUVELLEMENT URBAIN DE PARIS SEINE RIVE GAUCHE ? Favoriser le développement économique et social, créer une nouvelle dynamique Les enjeux de la reconversion des friches, et plus largement des sites industriels, sont nombreux et dépendent dans un premier temps de l’échelle et du positionnement. Que ce soit à l’échelle d’un édifice, d’un quartier, ou d’un territoire, les enjeux vont varier et s’adapter en conséquence.

futurs pour que ceux-ci soient en corrélation avec la société actuelle et ses nouveaux usages. Aujourd’hui, avec le renouvellement urbain et ses nouvelles formes d’urbanisations, nous avons pu voir que la ville se construit comme une entité globale en favorisant la diversité des fonctions plutôt que le fractionnement de cellesci. On constate, à l’aide du schéma ci-dessous, qu’on vient mettre en place une multitude de centres urbains dans et autour de Paris. On retrouve des contextes valorisant proximité, développement de nouvelles centralités et aires urbaines multipolaires.

Dans cette partie, on va se pencher sur les enjeux qui ont été établis pour le projet de Paris Seine Rive Gauche, détaillé précédemment, en mettant l’accent sur trois d’entre eux : les enjeux économiques, urbains et enfin écologiques. On a pu voir que Paris Seine Rive Gauche veut affirmer une mixité sociale et fonctionnelle forte et devenir attractive, tout en s’intégrant avec le reste du 13e arrondissement. Elle mise donc sur la création de bureaux, de logements, d’équipements, d’universités et de jardins. Autrefois, cette partie de partie de Paris était principalement dotée d’activités industrielles et ferroviaires. La désindustrialisation à marqué ce paysage qui devient enclavé entre les chemins de fer et la Seine. On se demande alors dans ce projet, comment intégrer ce quartier anciennement industriel au reste de ville, comment le revitaliser ? Et que permet finalement la mise en place d’une mixité programmatique et sociale ?

«La ville, dialectique entre communautés et centres urbains», schéma issu de l’ouvrage Paris Projet n°29

Ainsi, l’objectif principal de PSRG pour l’aménagement était de favoriser la diversité des fonctions accueillies sur le site afin de pouvoir mieux intégrer ce quartier dans le tissu environnant et créer de ce fait une nouvelle

Pour palier à la désindustrialisation, et donc la baisse des activités industrielles, il est nécessaire de se questionner sur les programmes

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centralité. PSRG réalise un tissu urbain comportant une densité d’habitats et d’activités commerciales favorables au développement d’une vie de quartier jusqu’ici inexistante à cause des sites en friches et de l’enclavement. Une nouvelle organisation urbaine basée sur les qualités du site, notamment sur son relief et la présence de la Seine, permet de composer de nouveaux paysages qualitatifs et attractifs.

On remarque de multiples développements multipolaires entre Paris et ses banlieues, il est important aujourd’hui de venir interconnecter Paris et la banlieue, on est dans une logique de flux qui mobilise un réseau d’infrastructures importantes. On peut affirmer que le développement économique et social de ce site est un véritable levier pour rendre le quartier plus attractif que ce qu’il ne l’était autrefois et en faire un centre économique moderne de la région parisienne. Le site devient une force d’aménagement du territoire plutôt qu’un fardeau, c’est un moteur de redéploiement urbain essentiel pour le développement de la capitale permettant la réalisation de grands équipements, tels que les universités, susceptibles de favoriser l’essor économique et social de Paris. Les friches présentes sur le site sont une opportunité de revitalisation de quartier et plus largement de la ville. Le développement économique est une occasion de réinscrire dans la ville un territoire jusque-là enclavé et dénué de valeur.

Favoriser la diversité des fonctions, c’est permettre d’aboutir à une mixité sociale et urbaine et venir redynamiser un quartier enclavé tout en développant des pôles d’emplois majeurs pour l’Est parisien. La reconversion économique du quartier se fait par le redéploiement d’activités diversifiées et de l’offre d’un cadre de vie attractif. Cette diversité des fonctions vient faire de PSRG un nouveau pôle économique et culturel. Cette partie de Paris est, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, un point stratégique qui relie Paris a la Banlieue Sud.

«Les développements multipolaires actuels et futurs reliant Paris et la banlieue», schéma issu de l’ouvrage Paris Projet n°29

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Optimiser l’utilisation de l’espace urbain, développer les infrastructures viaires Un autre des enjeux portés par le projet de Paris Seine Rive Gauche est celui lié à l’urbanisme, c’est à dire recréer un lien fort, physique entre le sud du 13e arrondissement et les berges de la Seine, mais aussi de s’ouvrir et s’interconnecter physiquement avec les autres arrondissements et la banlieue proche, à savoir Ivry-sur-Seine, notamment par la création d’un réseau d’infrastructures.

les articulations entre hauts plateaux (avenue de France) et les plateaux plus bas. On vient s’adapter au contexte urbain existant, créant ainsi une nouvelle urbanité toujours dans la perspective de renouvellement urbain. En terme de nouvelle urbanité, on peut prendre l’exemple des Grands Moulins et de la Halle aux farines, devenu aujourd’hui l’université de Paris Diderot. Ils contribuent à créer un campus qui se veut ouvert sur la ville et accessible, donnant une nouvelle perception d’un site universitaire.

Les friches industrielles et ferroviaires existantes étant à la base une contrainte, elles ont permis finalement de faire le quartier différemment en étant une ressource de restructuration urbaine. Les rails du chemin de fer sont ainsi recouverts et on vient construire par-dessus (sur dalle) l’avenue de France créant ainsi une nouvelle topographie, également plusieurs traversées transversales sont aménagées entre les nouveaux bâtiments réalisés. Les berges existantes sont aussi un atout pour l’aménagement urbain dû à l’attrait de l’eau par les citadins qui se renforce.

«Les futurs quartiers, organisation générale et liaisons», schéma issu de l’ouvrage Paris Projet n°29

Les sites industriels désaffectés constituent aujourd’hui une réponse tangible aux nouvelles politiques urbaines dont « l’approche stratégique » explicitée par l’économiste et urbaniste Jean Haentjeans, rompt avec la traditionnelle planification à l’origine des villes du 20e siècle20. Le foncier disponible permet de penser autrement l’organisation spatiale de la ville, de modifier les processus de planification, revoir les dessertes et les liaisons,

«Une image possible des futurs quartiers établie à partir d’une nouvelle ordonnance», schéma issu de l’ouvrage Paris Projet n°29

On peut voir à l’aide des schémas ci-dessus que de grands tracés sont dessinés, ils jouent

20 GASNIER M. (2011), Patrimoine industriel et technique, Lieux dits, 304p

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2 1

3

1 - Quais de Seine 2 - Nouvelle avenue (Avenue de France) 3 - Réseau ferroviaire

Figure 20 : Le tracé des rues futures au-dessus des voies (1990), © Legrand, Robinel et Debouit architectes Figure 21 : Schéma personnel, coupe longitudinale de principe, réalisée à partir de celle issue de l’ouvrage Paris Projet n°29

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un rôle déterminant dans la formation du paysage, tant pour sa perception depuis l’intérieur des quartiers, qu’en vision lointaine. Comme le dit Augustin Berque : « Qu’est-ce donc qu’habiter une ville. Eh bien, cela commence peut-être par un paysage.»21, d’où l’importance de ces grands tracés directeurs dans la composition du futur paysage urbain.

une grande mixité architecturale, de plus les bâtiments existants conservés deviennent une articulation entre ancien et nouveau, tel est le cas pour la Halle Freyssinet ainsi que ses abords.

Avec ses nouvelles connexions viaires, comme on a pu le voir avec les enjeux économiques, le quartier s’ouvre et redevient attractif à la fois avec Ivry-sur-seine, mais aussi le reste du 13e arrondissement et le parc de Bercy situé en face de la Seine. Les connexions renforcent l’attractivité du quartier. En plus des nouvelles connexions physiques, on sait que les sites industriels, de part leur position stratégique, sont toujours implantés à côté d’un système de transport. Dans cet exemple, PSRG va mettre à profit l’utilisation des voies de chemin de fer pour améliorer les transports en commun tel que le RER. Dans les enjeux urbains, il faut différencier l’aménagement urbain qui est de l’ordre politique et concerne l’organisation invisible de la ville de la composition urbaine qui est d’ordre architectural et concerne les formes apparentes de la ville. En ce qui concerne la composition urbaine, on remarque que PSRG veut se diversifier tout en s’optimisant afin de laisser une part importante à l’espace public. On a une mixité urbaine présente, mais aussi

21 BERQUE A. (1989), «Les mille naissances du paysage», Paysages photographiques , Hazan

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Persée visuelle en direction d’Ivry-sur-Seine

Persée visuelle en direction de la gare d’Austerlitz

Figure 22 et 23 : Photographies personnelles de l’avenue de France montrant les pesées visuelles

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Limiter la consommation énergétique, prendre en compte l’environnement Les enjeux écologiques et ceux liés au développement durable font de plus en plus partie de l’actualité, leur prise en compte devient donc indispensable dans les projets de reconversions. Pour Paris Seine Rive Gauche, lors de sa conception, ces enjeux n’étaient pas une priorité. En effet, comme on a pu le voir, les difficultés premières étaient de reconnecter ce « morceau » de Paris avec son environnement proche pour en faire un pôle économique et social au Sud Est de Paris. Ce projet participe au rééquilibrage de la capitale et de la région vers l’Est parisien. Mais tout de même, la conservation des bâtiments présents initialement sur le site prend part dans cette démarche écologique, ils permettent de limiter l’empreinte carbone et de réduire la production d’énergies grises nécessaires à la fabrication de bâtiments. On peut dire qu’ils font partis d’un processus environnemental. Des nouveaux enjeux se mettent en place récemment, lorsqu’on s’est rendu compte de l’impact des activités de l’Homme sur l’environnement.

dispositifs de traitement sur place, a permis de réduire significativement les volumes envoyés vers les stations d’épuration. La conception de la couverture des voies ferrées prévoit des volumes de terre pour développer la présence du végétal et traiter ainsi à la fois les questions de biodiversité, de réduction des îlots de chaleur, de gestion de l’eau et de paysage »22. Ces dispositifs sont mis en place pour créer un environnement exemplaire en augmentant notamment la surface d’espaces verts du quartier et en réduisant l’impact sur l’environnement. On développe de plus en plus le végétal sous toutes ses formes, tant au sein des immeubles livrés qu’en projet sur des espaces publics. Parmi les enjeux environnementaux, on retrouve la réduction de l’empreinte carbone dans le processus de construction des bâtiments. La réduction de l’empreinte carbone s’est mise en place en France en 2014 avec une « stratégie nationale bas carbone ». Cette stratégie vise la transition énergétique vers une économie et une société « décarbonées », c’est-à-dire qu’on ne sollicite plus les énergies fossiles, de façon à réduire et/ou supprimer la contribution de la France face au dérèglement climatique. Suite à cette stratégie, la SEMAPA (l’aménageur de PSRG) fixe « le niveau E3C2 comme cible à attendre dans le cadre du label E+C-, et encourage les preneurs/maitres d’oeuvres à viser un profil de bâtiment plus ambitieux »23. Ce terme de bâtiments plus ambitieux désigne notamment l’usage de matériaux biosourcés pour la

Pour les questions liées au développement durable, PSRG affirme avoir un « engagement sincère » sur le sujet. Il est dit que : « Les espaces publics s’inscrivent dans la continuité des tracés viaires du 13e arrondissement qui contribuent aux continuités écologiques. Ils sont conçus selon les directives du plan de zonage pluvial en vigueur. Le réseau séparatif distinguant eaux usées et eaux pluviales, créé dès l’origine, accompagné de

22 http://www.parisrivegauche.com/Developpementdurable 23 Ibid 22

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construction. On retrouve majoritairement le bois, utilisé comme principal matériau de construction, notamment structurel. On a une prise en compte de la diversité environnementale et une valorisation des éléments constitutifs grâce à la valorisation des ressources, chose qui était peu présente auparavant.

Aujourd’hui, l’opération PSRG, qui a commencé il y a une trentaine d’années, n’est pas finie et se poursuit, comme on peut le voir sur la carte ci-contre montrant le plan d’avancement datant de janvier 2020. Ces nouveaux édifices, qui vont sortir de terre, se doivent de respecter la politique environnementale mise en place par la SEMAPA.

Egalement, la SEMAPA s’est engagée sur une politique environnementale, signée en 2020, qui va donc s’appliquer à PSRG dans une démarche de développement durable. Elle s’engage autour d’axes prioritaires tels que : la réduction des gaz a effet de serres, la valorisation et l’amélioration de la biodiversité, le traitement des eaux pluviales, des chantiers propres à impacts maîtrisés, l’innovation technique et programmatique, la mise en œuvre de projets d’urbanismes temporaires. On peut affirmer que ces enjeux établis pour le projet de reconversion de Paris Seine Rive Gauche, sont assez « généraux » et peuvent s’appliquer à d’autres projets de reconversion, toujours en s’adaptant à l’échelle du site en question. Que ce soit des questions d’ordres économiques, sociales, urbaines, ou environnementales, ce sont des prises en compte et des positions à avoir pour garantir la pérennité des sites lors de grandes opérations dans une démarche d’avenir tourné vers l’écologie. De ce fait, la reconversion devient un moyen de repenser le territoire dans sa globalité.

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Livrés En chantier A réaliser

Figure 24: Appropriation du plan d’avancement des programmes (janvier 2020), Paris Seine Rive Gauche, © SEMAPA

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LES OBSTACLES DE LA RECONVERSION, MOTEUR DE NOUVELLES URBANITÉS

Coûts importants, pollutions des sites et degré de mutabilité On a pu comprendre en amont de ce chapitre la pertinence des friches industrielles dans le cadre du renouvellement urbain, ainsi que ses différents enjeux, notamment avec l’exemple du projet de Paris Seine Rive Gauche. Cependant, tout n’est pas aussi simple lorsqu’on parle de reconversions de sites et bâtis industriels en friche. Il existe de nombreuses contraintes qui peuvent décourager la transformation et la mutation des friches, qui de ce fait se font sur une longue période. Dans cette partie, on va s’intéresser aux difficultés rencontrées et freins pour des projets de reconversion. Parmi les contraintes, on trouve des obstacles institutionnels, financiers, culturels, des procédures relativement longues, un manque de moyens financiers des communes et acteurs, mais aussi un manque de pertinence des futurs projets qui rend l’avenir des friches incertains ou encore le coût des processus de dépollution des sols relativement conséquent. Tous les freins identifiés doivent être levés pour impulser la redynamisation des friches industrielles.

pratiquées par les industries sans que la société de l’époque n’ai porté attention au fil du temps à la protection de l’environnement. Un sol pollué est défini par la présence de polluant associé à un vecteur et une cible. Les polluants peuvent appartenir à quatre catégories différentes : l’amiante, la chimie et les hydrocarbures, la pyrotechnie, la radioactivité. On peut être exposé par ses contaminants par ingestion, par exposition cutanée ou inhalation. La dépollution des sols est le point de départ du processus de revalorisation économique et de reconversion pour un nouvel usage24. Les travaux de dépollution se font en fonction de la nature du polluant et du sol, le niveau de pollution, les contraintes liées au site, la nature du futur projet choisi pour le site. Quand la dépollution est trop coûteuse, et qu’il faut effacer rapidement les événements ayant causé l’apparition la friche, on opte plutôt pour des espaces verts ou parcs. A l’inverse, quand un projet de réhabilitation est acté une dépollution du site est obligatoire malgré son coût important, les actions de dépollutions sont donc liées à l’usage futur. De plus, les actions de dépollution et les projets de reconversion de friches sont régis par la loi Risques de juillet 2003, cette loi indique que le terrain sera dépollué selon son usage futur. Le coût de dépollution dépend de différents facteurs : le type de concentration des polluants à traiter, les risques de diffusions des polluants, la technique de dépollution choisie,

On va s’attarder sur la dernière contrainte énoncée, à savoir le coût et les processus de dépollution des sols car, pour reconvertir, il faut d’abord dépolluer. La pollution des sites constitue une contrainte importante qui doit être prise en compte dès le début des opérations, sans dépollution, les sites ne peuvent pas être réhabilités pour un usage futur. La pollution est due aux processus de productions des activités

24 https://www.idfriches-auvergnerhonealpes.fr//sites/ default/files/reconversion-sites-et-friches-urbaines-pollues7794-ademe.pdf

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la nature du projet d’aménagement prévue sur le site selon l’Association des directeurs immobiliers25. Il existe plusieurs façons de dépolluer un sol, par un traitement hors site, un traitement sur site, un traitement in situ ou un confinement, comme on peut le voir à l’aide de l’illustration issue de « Les Friches dans les Ardennes : guide à l’usage des collectivités locales » page 70, malheureusement ces procédures sont coûteuses pour les communes, car elles nécessitent du temps et des ressources humaines importantes.

sols, du coût et des méthodes de dépollution, on peut s’attarder sur un autre élément qui peut s’avérer être un frein lors de la reconversion : le potentiel de mutabilité. Il existe un diagnostic, qu’on retrouve dans « Les Friches dans les Ardennes : guide à l’usage des collectivités locales », qui présente des informations pouvant aider les collectivités à la prise de décision de réhabiliter la friche et ainsi de définir un possible programme d’intervention. Il permet d’avoir une vision complète sur le potentiel de renouvellement lié aux friches sur un territoire afin d’élaborer par la suite une stratégie de recyclage répondant au mieux aux enjeux urbains du territoire.

La dépollution d’un sol passe par une succession d’étapes comme l’explique ADI dans Reconvertir les friches industrielles et urbaines : de la transformation réussie des sites à la mutation des territoires pour aboutir à l’utilisation de la friche dans le cadre d’un projet de reconversion. Dans un premier temps l’analyse du site avec choix d’une maîtrise d’oeuvre, une étude historique, un recensement des opérations déjà réalisées, sondage et analyse des résultats. Puis, la modification et l’obtention du PLU qui permet de définir les usages futurs, de faire une étude quantitative des risques sanitaires, et de réaliser une enquête publique. La troisième étape est la démolition, la valorisation des déchets, et la dépollution avec une analyse des risques résiduels et environnemental. Après, on obtient le permis de construire et d’aménager qui permet par la suite le développement.

On trouve dans ce diagnostic un potentiel de mutabilité, qui indique le niveau de facilité ou de complexité attendu pour réhabiliter la friche. Plus le potentiel est faible, plus la mutation sera compliquée, cela signifie que le site est soumis à un lot important de contrainte comme la pollution, la servitude ou encore si il se situe en zone inondable. A l’inverse, plus ce potentiel est élevé, plus la mutation sera aisée. Cela signifie que le site se prête plus favorablement à une réhabilitation. C’est souvent le cas pour les bâtiments en bon état ou les terrains non pollués. Egalement, les indices de mutabilité sont pris en compte dans ce diagnostic. A partir de ces différents indices (développement urbain, sauvegarde du patrimoine, développement

Après avoir parlé de la pollution des

25 ADI (Association des directeurs immobiliers) (2015) , Reconvertir les friches industrielles et urbaines : de la transformation réussie des sites à la mutation des territoires, Le Moniteur, 320p.

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des activités économiques, évolution agroenvironnementale) cela nous donne le potentiel de mutabilité du site. L’indice de mutabilité présente les futures destinations les plus et les moins adaptées à la friche26. Plus le pourcentage affiché dans une catégorie est élevé, plus le site est favorable à un usage de cette catégorie. Ces indicateurs font ensuite l’objet d’un croisement avec les projets de la collectivité, et ses besoins en matière d’attractivité, et d’accueil ou de développement des activités sur son territoire.

de SMAC (scène de musique actuelle) était en cours puis finalement à l’arrêt après un changement de municipalité. La Macérienne se retrouve aujourd’hui avec 50% de son site en friche et l’autre partie utilisée principalement comme stockage et bureaux pour associations comme on peut le voir sur l’axonométrie. C’est un site appartenant à la commune de CharlevilleMézières bénéficiant d’une protection au titre des monuments historiques. Aujourd’hui les acteurs présents sur place continuent activement de chercher une future vocation pour ce site en friche depuis la fermeture des locaux de l’usine en 1984.

Ce guide étant réalisé avec les friches des Ardennes, un ensemble y est recensé dont notamment le site utilisé pour mon projet de fin d’étude : l’usine de cycle ClementBayard dite La Macérienne à CharlevilleMézières. Son potentiel de mutabilité (42%) est considéré comme faible, car il se situe entre 35% et 50%. On remarque que ses indices de mutabilité les plus importants concernent le développement urbain et la sauvegarde du patrimoine. Le développement urbain se rapporte à la réhabilitation de la friche pour un usage tel que la création de logements, mise en place d’un équipement ou d’un service public. Tandis que la sauvegarde du patrimoine concerne la réhabilitation de la friche visant à protéger l’aspect patrimonial du site tel que pour l’esthétique du bâti, un lieu touristique ou un monument protégé. Aujourd’hui le faible potentiel de mutabilité de la Macerienne fait qu’elle ne trouve pas de projet en adéquation avec les besoins de la société actuelle. Un projet

On peut se demander après cet exemple, en quoi ce diagnostic, profitable aux collectivités, peut être un frein pour la reconversion ? Si le potentiel de mutabilité est faible ou moyen, on sait que la mutation va être compliquée par conséquent les réflexions autour du devenir de ces délaissées vont être beaucoup plus longues. Ces temps de latence, entre la cessation de l’activité et la réinsertion du lieu dans un cadre planifié, en accord avec les usages de la société actuelle, peuvent s’avérer interminables et ne pas aboutir. Cette phase de déshérence est propice à un « temps de veille »27 de la friche.

27 ANDRES L., AMBROSINO C. (2008), « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace; Espace et Sociétés », pp. 37-51

26 http://www.ardennes.gouv.fr/observatoire-des-friches-a2126.html

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1

2

3

4

Terre polluée

Terre

Terre

polluée

polluée

Terre polluée

Terre polluée

Biodégradation

Biodégradation

Biodégradation

In situ

Traitements thermiques

Stabilisation physico-chimique

Oxydation / Réduction

Après excavation

Lavage des terres

Biostimulation / Bioaugmentation

Traitements thermiques Lavage des terres

Stabilisation physico-chimique Phytoremédiation Thermique

1 - Traitement hors site 2 - Traitement sur site 3 - Traitement in situ 4 - Confinement

-

+

42 %

Potentiel de mutabilité

70 %

73 %

68 % 58 %

52,5 %

52 %

FONDERIE 1 322,11m² PROJET DE SMAC (ACTUELLEMENT A LʼARRET)

ATELIER DE NICKELAGE 309,2m² PROJET DE SMAC (ACTUELLEMENT A LʼARRET)

HALLE «EIFFEL» 4 800m² STOCKAGE ASSOCIATION FLAP (CABARET VERT)

LE GRAND ATELIER DE MECANIQUE 3 215m²

BUREAUX 602,7m² PÉPINIÈRE ASSOCIATIVE

35 %

17,5 %

0%

Indices de mutabilité

GSEducationalVersion GSPublisherVersion 564.65.70.100

Figure 25 : Les quatre familles de techniques de dépollution, redessin à partir de l’illustration issu de

« Les Friches dans les Ardennes : guide à l’usage des collectivités locales », Préfet des Ardennes Figure 26 : Axonométrie personnelle et indices de mutabilités de la Macérienne

70


« Temps de veille » : création de nouvelles urbanités, l’exemple du 6B Le « temps de veille », comme nous l’explique Lauren Andres dans « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace; Espace et Sociétés »28, fait partie du processus de mutation des friches. Ce temps se situe entre le temps de l’avant friche où l’on retrouve une baisse progressive de l’activité sur le site, et le temps de l’après-friche qui est la phase de reconversion à proprement parlé où on intègre la friche dans le contexte d’un projet urbain. Ce temps de veille est la période la plus active et la plus longue, c’est un statut transitoire pour la friche qui est ni privé ni public.

de grande envergure, aujourd’hui, on fait face à des questions beaucoup plus contemporaines qui nous amènent à des nouvelles urbanités dans le processus de fabrication de la ville. Ainsi, on va comprendre à travers un exemple en région parisienne, le 6B situé à Saint-Denis, que ces nouvelles façons d’occuper les friches industrielles et urbaines, pendant ce temps de veille, influent sur les mutations à long terme de ces espaces. Il convient de dire que cette notion de temps de veille s’apparente à la pratique de l’urbanisme transitoire. L’urbanisme transitoire renvoie à l’occupation passagère de lieux publics ou privés, généralement comme préalable à un aménagement pérenne. L’usage principal de l’urbanisme transitoire est lié aux arts et à la culture. Le fait d’occuper la friche de façon temporaire, avant un aménagement durable, permet de nombreux avantages tant pour les acteurs que le propriétaire. Les acteurs, généralement des associations, sont attirés par des coûts de location et de maintenance faibles ou quasi nuls de ces lieux, ils bénéficient d’une flexibilité de l’usage et d’un environnement souvent créatif propice aux liens sociaux ce qui permet de créer des lieux « hybrides » qui brouillent le temps, les activités et les statuts. Le propriétaire quant à lui bénéficie d’une sécurisation de son site à moindre coût et d’une maintenance « low-cost » de son terrain dans l’attente d’un projet plus pérenne, cette maintenance permet la conservation de la friche.

Si ce temps de veille peut s’avérer être une contrainte pour les acteurs porteurs de projets, car comme on a pu le voir précédemment, les processus de reconversions des friches sont souvent très longs, du notamment à la pollution des sols, c’est aussi un temps propice pour créer une redynamisation alternative en attendant la réinsertion de la friche dans un projet urbain. Cela permet un processus de revalorisation positif de l’espace qui vient en même temps modifier l’image de la friche. Dans cette partie, on cherche à s’intéresser à ce temps de veille pour se rendre compte que sous la contrainte du temps, celui-ci devient propice à de nouvelles façons de faire la ville et créé un nouveau champ d’expérimentation. Avec l’exemple de Paris Seine Rive Gauche, qui date d’une trentaine d’années, on a pu voir une façon de réintroduire les friches dans un projet urbain 28 ANDRES L., AMBROSINO C. (2008), « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace; Espace et Sociétés », pp. 37-51

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REPERE IDENTITAIRE

ELEMENT DIRECTEUR NOUVELLE IMAGE ATTRACTIVE

TEMPS DE LʼAVANT-FRICHE

TEMPS DE VEILLE

- Baisse progressive de lʼactivité - Cadrage historique de la friche - Duré variable - Un interet pour la friche peut

- Période la plus active et la plus longe pour les friches (non-militaires) - Statut transitoire - Interet pour la friche en vue dʼune reconvertion ou absence dʼinteret

commencer

TEMPS DE LʼAPRES FRICHE TEMPS DE LA FRICHE RECONVERTIE

- Phase de reconversion à proprement parlé - Integration dans le projet urbain - Finalisation du montage financier

- A la fin des aides liées à la reconversion - Evalutation des resultats - Compensation de la cessation dʼactivité ? - Impacts positifs piur le territorie

Figure 27 : Les temps de la friche, redessin du schéma issu de La friche militaire urbaine, un nouvel espace convoité, LOTZ-COLL S.

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Autre fait non-négligeable, pendant cette phase de transition plus ou moins longue, l’occupation de la friche remet en question l’image que celle-ci renvoie. En effet, l’urbanisme transitoire permet par exemple, de réconcilier les habitants d’un quartier avec leur friche en expérimentant des activités novatrices à l’intérieur. On fait rentrer la population sur le site autour d’activités partagées, créant ainsi une dynamique au sein d’un délaissé urbain. Les friches étant singulières, on vient fabriquer de nouvelles spécificités locales qui créées de nouveaux repères favorisant les liens sociaux, et améliorant l’image et l’attractivité d’un quartier. On retrouve ces propos dans les engagements de la SEMAPA pour la politique environnementale : « La mise en œuvre de projets d’urbanismes temporaires, au gré des opportunités, prenant place sur des terrains ou dans des locaux vacants, comme outil au service du territoire, permettent, tout en occupant et en valorisant ces lieux pendant des périodes intercalaires de l’opération d’aménagement, d’expérimenter des activités novatrices, de transformer l’image et l’attractivité des quartiers, de répondre aux besoins des habitants et acteurs de la ville, ou encore de préfigurer des usages futurs. »29.

allons voir à travers l’exemple du 6B. Installé dans une friche industrielle de la société Alstom à Saint-Denis entre la Seine et le Canal de Saint Denis, le 6B est une association de création et de diffusion pour l’art et la culture, qui accueille depuis 2010 un écosystème créatif riche de près de 200 structures et artistes résidents. Le 6B se déploie sur 7 000m2 proposant une programmation artistique annuelle dans un environnement de travail hybride. On compte environ 25 000 visiteurs par an et un festival annuel qui se tient de juin à septembre (la Fabrique des rêves). Ce projet est financé à 80% par des ressources propres (location d’ateliers, soirées et événements divers) et 20% de subventions publiques ou privées. Le 6B a vu le jour grâce notamment à l’architecte Julien Beller, qui s’empare du bâtiment en 2010 pour accueillir des associations, artistes et entreprises. Il obtient un bail de 23 mois par Alstom (propriétaire à l’époque), parallèlement un projet d’écoquartier, appelé Néaucité, comprenant 70 000m2 de logements et bureaux est à l’étude par le promoteur Bremond et les architectes d’ANMA (Nicolas Michelin) dans le quartier ou se trouve la friche Alstom. A la fin de ce bail, Julien Beller a convaincu l’aménageur de l’ecoquartier d’acheter le bâtiment afin que l’association puisse continuer ses activités dans le but que celles-ci se pérennisent. En 2012, le

Parfois, certains projets d’urbanisme transitoire, destinés à être éphémères et non pérennes, se voient finalement intégrés au sein de projets urbains sur le long terme, cela nous requestionne sur notre façon de fabriquer la ville. C’est ce que nous 29 Paris Rive Gauche, développement durable, http:// www.parisrivegauche.com/Developpement-durable/Politique-environnementale

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Canal de Saint-Denis

6B

La Seine

T1

T1 Gare Saint-Denis

Emprise écoquartier Néaucité

Figure 28 : Plan de l’écoquartier Néaucité, Saint-Denis, document personnel réalisé à partir de Géoportail

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6B se voit intégré au futur écoquartier Néaucité et les discussions menées avec l’urbaniste responsable de la zone concernée ont permis d’empêcher la construction de logements entre le 6B et le canal pour que le bâtiment puisse rester emblématique et accessible à tous. En 2016, des études de programmation et de rénovation visant à pérenniser le 6B sont lancées. En 2018, l’opération Neaucité est entièrement livrée, on y trouve une mixité urbaine et programmatique composée de logements, de commerces et jardins publics. L’élément moteur du développement de ce quartier devient le 6B, il favorise la création de lien social et le redynamisme territorial.

la préfiguration du projet urbain. D’un espace émergent et relativement marginal, le 6b est devenu un élément essentiel et central de ce nouveau morceau de ville de Saint-Denis. Les occupants, l’aménageur et les différentes institutions publiques souhaitent aujourd’hui sa pérennisation sur le site afin que soient poursuivis et déployés son action et son influence en faveur du développement du territoire. Le fait de pérenniser le 6B questionne les mutations des territoires, interroge les usages et met en lumière les problématiques urbaines et sociales. Son but également est de chercher à agir sur la fabrique de l’urbain pour répondre aux défis environnementaux. Selon Julien Beller, « le 6B mène cette bataille pour donner du sens, réenchanter et faire émerger le bien commun dans l’urbain. Il faut révéler, penser, accompagner, user d’art, de poésie, de sensible pour ouvrir des brèches, éclairer et partager les mutations adaptées. »30.

Qu’est-ce qu’on veut montrer précisément à travers l’exemple du 6B dans le cadre du renouvellement urbain et celui des friches industrielles ? Aujourd’hui, on peut affirmer que la pérennisation du 6B a une influence positive sur le territoire de Saint-Denis et participe à la réussite de l’opération Néaucité. Cette pérennisation est due notamment à son succès. Par la création d’activité artistique et la diffusion de la culture, il joue un rôle dans le développement de ce territoire, quelque peu enclavé entre des cours d’eau et des chemins de fer, en proposant une nouvelle façon de penser les équipements culturels. Il ne devait être au départ qu’une parenthèse éphémère dans un quartier en construction, mais il a joué un rôle déterminant dans l’attractivité du quartier et

Des espaces à l’origine temporaires, tel que le 6B, deviennent pérennes par la suite car ils sont porteurs de programmes en adéquation avec la société actuelle, et par conséquent se voient devenir l’élément moteur de futur projet urbain. Comme le dit Lauren Andres dans Les usages temporaires des friches urbaines, enjeux pour l’aménagement: « Les investissements temporaires des friches urbaines influent sur les mutations à long terme de ces espaces, qui constituent un champ d’expérimentation ». 30

ENCORE HEUREUX (dir.) (2018), Lieux infinis,

construire des bâtiments ou des lieux ?, Institut français, Éditions B42, 356 p.

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Ce temps d’incertitude entre l’abandon de la friche et la mise en place d’un programme intégré à un projet urbain amène à de nouvelles pratiques. Ce temps de latence est donc bénéfique pour pérenniser des projets. Les usages temporaires deviennent des vecteurs de flexibilités, ils sont une forme d’anticipation et d’appropriation sur le renouvellement du territoire. L’intérêt principal des usages temporaires repose sur le fait qu’ils influent sur la valeur d’échange des espaces concernés ce qui, de ce fait, explique l’intérêt initial des propriétaires foncier et remet en question les temporalités de l’aménagement. En cela, nous pouvons dire que ce sont des nouveaux modes de réflexion et de façon de faire pour la fabrique de la ville. Après avoir vu que finalement certains obstacles à la reconversion peuvent être bénéfiques et nous être interrogé sur nos modes de fabrication et de renouvellement du territoire, on va s’intéresser maintenant aux friches industrielles qui fabriquent de nouveaux développements, qu’ils soient culturels et sociaux ou encore paysagés et identitaires.

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Figure 29 : Le canal Saint-Denis le long de la friche du 6B, Saint-Denis, © Cyberceb Figure 30 : Le 6B, Saint-Denis, © Luca Nicolao

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III LA FRICHE INDUSTRIELLE COMME MOTEUR DE NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS Cette troisième et dernière partie s’articule autour de différents cas d’études aux échelles variées, telles que le quartier ou encore le territoire, en France ainsi qu’en Allemagne. Elle permet d’appuyer le fait que les friches industrielles favorisent le renouvellement et la requalification de l’espace urbain, comme on a pu le voir dans les parties précédentes. Aussi, que celles-ci engendrent d’autres types de moteurs qui constituent de nouveaux développements. Cela s’opère généralement par le biais du programme qu’on retrouve au sein de la friche reconvertie, on va mettre en avant ici principalement la question du développement culturel et social, ainsi que la question du paysage et de l’identité d’un territoire. Ces programmes nous amènent à de multiples possibilités de reconversion qui dépendent du contexte urbain dans lequel se trouve la friche et du projet qui y est intégré. Ils fabriquent une autre dimension, quelque chose d’immatériel qui influe sur le développement et le rayonnement de la friche. On va se demander quel rôle joue le programme au sein des friches industrielles reconvertis et qu’apporte-il comme nouveaux développements ?

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LA FRICHE CULTURELLE, MOTEUR D’OUVERTURE ET DE RAYONNEMENT

La Belle de Mai, Marseille, France Comme on a pu le voir en amont avec l’exemple du 6B à Saint-Denis, la friche par le biais de son programme autour de la diffusion de l’art et de la culture, devient un élément central de l’écoquartier Neaucité et joue un rôle déterminant par la suite dans l’attractivité de celui-ci.

La friche se situe dans le quartier de La Belle de Mai à proximité de la gare SaintCharles, dans le 3e arrondissement de Marseille, à la charnière du centre-ville et des quartiers Nord. C’est un quartier populaire et industriel, principalement issu de l’immigration et marqué par la crise économique et sociale. C’est un quartier de 15 000 habitants (INSEE, 2014), considéré comme le quartier le plus pauvre de Marseille avec une forte concentration de populations précaires.

On constate que le secteur de la culture devient aujourd’hui porteur d’attractivité pour les quartiers et plus largement pour les villes et territoires. On repense la culture en l’adaptant aux nouvelles pratiques urbaines et sociales, de se fait, la friche devient un nouvel espace d’expérimentation et d’appropriation. L’art et la culture au sein de la friche deviennent un mode de transition entre le passé et l’avenir. Cela permet de favoriser la mixité sociale et l’inclusion tout en redonnant une image positive qui pâlit a celle que revoit la friche généralement. Comme le souligne Joséphine Bertrand, « la reconversion des friches industrielles en lieux de culture, de sociabilité, émerge alors et apparaît comme un moyen de ré-enchanter les espaces, qui autrefois étaient marqués par le travail et la production économique »31. A l’aide de la friche La Belle de mai situé à Marseille, on va étudier quelle influence à le programme pour le développement et quels types de développements le programme favorise-t-il. Pour mieux comprendre, on va en amont s’intéresser brièvement à ce qu’était cette friche autrefois avant sa cessation d’activité, avant de s’attarder sur ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Crée en 1868, quand Marseille était à son apogée économique, cette friche était autrefois la manufacture de tabacs de la ville et, elle était gérée par la SEITA (société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes). L’activité cesse en 1991 et l’usine est rachetée par la ville de Marseille. On se retrouve avec un espace qui totalise 120 000m2, composé de trois îlots, dont la situation privilégiée à proximité de la gare Saint-Charles et la qualité du patrimoine architectural en font une opportunité de requalification urbaine et économique. Les pouvoirs publics ont saisi l’opportunité pour transformer les trois îlots, devenus aujourd’hui un pôle de création artistique alternatif. D’abord l’îlot 1, le plus ancien, qui est la propriété de la ville depuis 1994. Il abrite aujourd’hui les Archives Municipales de la ville de Marseille, le Centre de Conservation et de ressources du MUCEM ainsi que les réserves des musées de Marseille. L’îlot 2, qui correspond

31 BERTRAND J. (2018), « Les friches en Europe, reconvertir l’industriel en culturel », Pour la solidarité

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16e 15e 14e 13e

3e 2e

7e

4e

12e

Saint-Mauront

1er 6e

5e 11e

Belle de Mai

10e Villette

8e Saint-Lazare

9e

Gare Saint-Charles

Emprise aménagements Euroméditerannée

La Friche Belle de Mai 45 000m2

Pôle Média 30 000m2 Pôle Patrimoine 24 000m2

Quartier Belle de Mai

Figure 31 : Vue aérienne de Marseille et ses arrondissements, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 32 : Vue aérienne du 3e arrondissement de Marseille, ibid Figure 33 : Quartier Belle de Mai et les trois îlots, Marseille, ibid

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aux premières extensions de la manufacture, est la propriété d’Euromediterannée depuis 1997. Cet îlot accueille aujourd’hui le pôle média, on y retrouve des studios de productions, le siège d’une chaine de télévision régionale et des plateaux de tournages, mais aussi des bureaux pour entreprises. Quant à l’îlot 3, ancienne usine à sucre Saint-Louis, c’est la friche de la Belle de Mai à proprement parler. Il se compose d’un ensemble de bâtiments où s’articulent des ateliers et espaces de travail, des espaces d’expositions, des salles de spectacles et de concerts, un cinéma en plein air sur un toit terrasse de 8 000m2, un restaurant , une librairie, des aires de jeux et enfin une crèche. C’est ce dernier îlot qui va nous intéresser dans ce mémoire.

Premièrement, on peut s’attarder sur le rapport entre le programme, son contexte et l’espace. Avec l’arrivée de Jean Nouvel, président de l’association Système Friche Théâtre de 1994 à 2002, et la création du Projet culturel, on commence à s’intéresser au rôle urbain que peut avoir la friche. C’était un lieu assez fermé le long des voies de chemin de fer, la culture devant être accessible à tous, on vise un territoire plus large que l’enceinte des murs de la friche. il faut donc que la friche aille audelà de son rôle de pôle culturel de quartier pour devenir un lieu populaire à l’image de Marseille comme l’explique Jean Nouvel à l’occasion des 25 ans de la friche : « J’avais toujours pensé qu’il fallait l’ouvrir, que si on restait avec une petite porte et que s’il n’y avait rien qui était accessible au plan urbain et pas uniquement pour les spécialistes culturels de telle ou telle discipline, ça ne pouvait pas aller. Donc il fallait prendre cette dimension de quartier, cette dimension de petite ville dans la ville. »33.

Véritable quartier culturel majeur pour Marseille, où se côtoient espaces de production, de création, de culture et de loisir sur 100 000m2, la Belle de Mai attire plus de 450 000 visiteurs par an et incarne « les nouveaux territoires de l’art »32. La reconversion de cette friche a duré plus de 25ans et pendant ces années, elle a muté continuellement avec un programme évoluant grâce aux acteurs qui ont contribué au projet ainsi qu’aux aides obtenues. On va chercher à comprendre ici l’influence du programme de cette friche pour le quartier de la Belle de Mai et la ville de Marseille ainsi que le développement que ça a favorisé.

Le projet culturel ouvert à la ville va permettre de rendre ce quartier attractif en valorisant de nouvelles pratiques. Egalement, il va jouer un rôle pour le développent tant économique, que social du quartier populaire. De plus, le dialogue entre le site et son programme participe à l’évolution des rapports à la culture depuis 25 ans. Cela s’opère par la diversité et mixité des disciplines, des usages, des espaces, de programmations au sein du site, ce qui en fait aujourd’hui le principal centre de création

32 Propos de Fabrice Lextrait, ENCORE HEUREUX (dir.) (2018), Lieux infinis, construire des bâtiments ou des lieux ?, Institut français, Éditions B42, 356 p.

33 Interview de Jean Nouvel à l’occasion des 25 ans de la Friche la Belle de Mai, https://vimeo.com/247181722

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ILOT 1 Pôle Patrimoine

Bâtiments de lʼancienne manufacture

ILOT 2 Pôle Média

Centre de Conservation et de ressources du MUCEM

Bâtiments de lʼancienne manufacture

Archives Municipales

Plateaux de tournage

Institut National de lʼAudiovisuel

Studios de montage

Réserves des Musées de Marseille

Ateliers de décors

Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine

Ateliers de costume

Fond communal dʼoeuvres dʼart

Ateliers post-production

Loges

Bureaux pour entreprise dans le domaine de lʼaudiovisuel et multimédia

ILOT 3 La Friche Belle de Mai

Incubateur

La Tour

Les Magasins Bis

Le Panorama

GMEM

Les Magasins

La Cartonnerie

Restaurant

Le Cabaret Aléatoire

Plateaux dʼexpositions

Studio musique

Atelier

Plateau/scène

Librairie

Le Petit Théâtre

Labobox

Galerie

Restaurant

Salle pratique sportive

Bureau SCIC

Place publique

Espace Jeunesse

Salles de formation

Plateaux dʼexpositions

Salle de réunion formation

Magasin Skate

Toit-terasse

La Villa 2013

La Villa des auteurs

Logements

Logements

La crèche

Les Frites

Les Plateaux

La Seita Promotion

LʼIMMS

Studios

Petit Plateau

Seita Pro

Ecole

Bureaux

Grand plateau

Seita Verriere

Figure 34 : Programme détaillé de chaque îlots, document personnel

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Figure 35 : Axonométrie de la Friche la Belle de Mai avec les différents bâtiments et espaces qui la compose, © Emmanuelle Bentz

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culturel de la ville de Marseille. Par sa superficie et sa diversité d’espaces, la Belle de Mai cultive une densité d’usages autour de la culture et des loisirs, ce qui en fait un lieu propice à la mixité cherchant à s’ouvrir aux habitants de Marseille et plus encore.

en Master 1, Geoffrey Huguenin-Virchaux a l’habitude de côtoyer cet espace alternatif pour voir des expositions, participer à des festivals ou simplement se promener. Selon lui, ce projet permet « d’attirer une population jeune adepte de culture, ce qui a participé à la redynamisation du quartier (…). Il y a une vraie émulation dans ce lieu investi par divers usages. C’est en quelque sorte un programme des possibles, on peut tout faire dans ce même lieu : du sport, se cultiver, rencontrer, partager. ». En ce qui concerne le quartier de la Belle de Mai, le projet « à permis de donner une dynamique collective à tout un quartier populaire et précaire ».

Ensuite, le rapport qui peut exister entre le programme et la population. Tout comme le 6B à Saint-Denis, on constate que la dynamique instaurée par le programme alternatif joue un rôle positif sur l’image de la Belle de Mai et ce qu’elle reflète auprès de la population. Par ailleurs, l’affluence de différentes populations, due à la pluridisciplinarité du lieu participe à la mixité sociale à l’échelle du quartier. Cette diversité sociale et culturelle est un véritable facteur de développement à l’échelle du 3e arrondissement ainsi qu’au regard de l’agglomération marseillaise. L’importance de ce programme culturel réside dans les projets artistiques et éducatifs qui jouent un rôle dans la création de liens sociaux entre la Friche et les habitants du quartier. Ils se font aussi entre habitants du quartier, qui trouvent en la Belle de Mai un espace propice à la socialisation, l’éducation et la culture.

Cependant, on peut se demander si les activités culturelles et événementielles de la friche ne participent pas à accroître les disparités au sein des classes sociales du quartier et de l’agglomération, en favorisant la venue d’une population plus aisée. Néanmoins, à l’heure actuelle, il n’y a pas de processus de gentrification autour de l’ancienne usine. On constate tout de même qu’une partie du programme, tel que la crèche ou le cinéma, ont un effet positif pour les habitants du quartier. Selon Jean-Claude Gaudin, ancien Maire de Marseille, il y a « une volonté culturel que nous avons dans la ville de Marseille de contribuer au développent du quartier, notamment avec l’ouverture du cinéma le Gyptis. »34.

N’ayant pu me rendre sur le site à cause de la crise sanitaire actuelle, j’ai quand même souhaité avoir une opinion concrète sur la Friche Belle de Mai de la part d’un ami habitué des lieux. Vivant à Marseille dans le 6e arrondissement et étudiant à l’ENSAM

Enfin, le rapport entre le programme et son rayonnement à une échelle plus grande. Le 34 Interview de Jean-Claude Gaudin, à l’occasion des 25 ans de la Friche la Belle de Mai, https://vimeo. com/247181722

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programme culturel de la friche constitue un facteur de développement économique et social à la fois pour le quartier, mais aussi pour la ville de Marseille.

Avec un projet comme celui-ci, on se rend compte que la pertinence à l’échelle du quartier est mineure, on est sur un projet culturel qui donne une impulsion à l’une des plus grandes villes de France. A travers ce type de lieu, on fait en sorte que la culture devienne créatrice d’une nouvelle forme de ville à la fois inventive, partagée, accueillante, et que les programmes qui composent la friche viennent se mêler et s’enrichir mutuellement.

Depuis que la ville a été élu capitale européenne de la culture en 2013, dont la la Belle de Mai faisait partie des cinq projets phares, la ville s’est vue transformée grâce notamment à l’Établissement Public d’Aménagement Euroméditerranée. L’aménageur de Marseille tente de « contribuer au rayonnement international de la métropole marseillaise en créant les équipements nécessaires dans le domaine de la culture, de l’économie et de la formation(…), créer des emplois à l’échelle de l’aire métropolitaine tout en participant à la diminution du nombre de demandeurs d’emploi en centre-ville.»35. Ce rayonnement de Marseille au-delà de ses frontières nous montre une ambition pour la Belle de Mai d’être un projet clé pour le développement en devenant une vitrine culturelle. Son échelle d’intervention est à la fois locale, régionale, nationale et internationale. Marseille

La Belle de Mai

Schéma personnel illustrant le rayonnement de La Belle de Mai

35 https://www.euromediterranee.fr

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Figure 36 : Toit-terrasse de la Friche Belle de Mai, Marseille, © Caroline Dutrey

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Quartier de la Création, Nantes, France Apres avoir vu la pertinence de programmes culturels dans la Belle de Mai et les développent que cela a favorisé, on va s’attarder sur un deuxième exemple, le quartier de la Création situé sur l’île de Nantes, pour comprendre les similitudes et disparités qui peuvent exister d’un projet de friche culturelle à l’autre.

Jean-Louis Berthomieu qui vont être retenus pour constituer le plan guide. Leur idée est d’adopter une démarche évolutive plutôt qu’un projet urbain abouti. La phase d’étude, qui durera 10ans, aboutit à une volonté de repenser l’île dans son ensemble afin de définir un projet de renouvellement urbain adapté aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux sans renier le passé industriel. Cette transformation de l’île de Nantes est l’une des plus importantes opérations de requalification urbaine d’un territoire industriel réalisé au début du 21e siècles.

Avant d’expliquer quels moteurs favorisent le quartier de la création pour l’île et plus largement pour Nantes, il est important de le remettre dans son contexte. Jusqu’en 1987, l’île de Nantes, qui se situe entre deux bras de la Loire (Bras de la Madeleine et le Bras de Pirmil) au coeur de Nantes, était composée d’industries principalement navales. N’échappant pas à la vague de désindustrialisation, l’île de 4,6 km2 voit apparaître une multitude de friches mettant en évidence l’image d’un passé industriel rebutant.

Elle vise à changer l’image de la ville et faire de Nantes une métropole attractive, mais aussi, c’est une opportunité pour la ville de créer une nouvelle centralité autour de projets culturels. Pour ce faire, dès les années 2000, on s’attache à réhabiliter les friches industrielles et portuaires de l’île sous l’impulsion de JeanMarc Ayrault, ancien maire de Nantes, pour le renouvellement urbain et la mise en place de projet culturel. Egalement, selon la SAMOA (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique), « l’objectif de l’île de Nantes est d’y installer des bureaux, des logements, des établissements d’enseignements supérieurs et surtout de reprendre l’existant et de transformer les sites, qu’ils puissent avoir une seconde voire 3eme vie, (…) avoir des emplois dans le champs des industries culturelles et créatives. »36.

Pour tourner la page et rompre avec cette image, Nantes va chercher à redynamiser et développer son territoire. Pour cela, on va utiliser la politique culturelle comme levier. En 1989, l’équipe municipale élue mise sur une stratégie basée sur la culture pour la fabrique de la ville. Une première étude exploratoire, confiée à Dominique Perrault et Francois Grether, voit le jour en 1992, proposant un réaménagement de l’île dans sa globalité. Mais c’est en 1999 que la ville de Nantes lance une consultation pour l’avenir de l’île. C’est Alexandre Chemetoff et

L’île de Nantes se compose de plusieurs

36 SAMOA ft La Banque des Territoires - Région Pays de la Loire : https://www.banquedesterritoires.fr/reamenagement-urbain-de-lile-de-nantes

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500

Pointe est 200 100 50

Bras de la Madeleine

10

Viviani

Beaulieu

Quartier de la Création

Fonderies

République les ponts Prairie au duc Nouveau quartier république

Mangin

Ile de Nantes Bras de Pirmil

Emprise quartier de la Création Nombre de visiteurs (en milliers) 500

200 100 50

Bras de la Madeleine

10

Viviani

Beaulieu

Quartier de la Création

Fonderies

République les ponts Prairie au duc

Les Halles Alstom Creative Factory Les Grandes Nefs Les Machines de lʼîle

ENSA Nantes

Nouveau quartier république

Mangin

Bras de Pirmil

Hangar à Bananes

Solilab Chapidock

Figure 37 :Vue aérienne de Nantes, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 38 : Vue aérienne de l’île de Nantes, ibid Figure 39 : Quartier de la Création, Marseille, ibid

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« quartiers » : Pointe Est, Beaulieu, Viviani, Mangin, Fonderies, Républiques des ponts, Nouveau quartier République, Prairie au Duc et le Quartier de la création. C’est ce dernier qui nous intéresse car c’est la où se concentre la plupart des friches et programmes culturels. Ce quartier est dédié à la culture mais s’articule aussi avec des projets liées à l’enseignement supérieur et aux pratiques artistiques avec : l’ENSA Nantes, le Pôle des arts graphiques, le Chapidock (lieu dédié aux arts du cirques), le Solilab (école de cirque).

de l’histoire industrielle de Nantes. Quelle influence ont ces programmes culturels pour l’île et pour Nantes ? Quels développements ils favorisent ? Pour Jean Blaise, créateur des Allumées et d’Estuaire, actuellement directeur artistique du Voyage à Nantes « Les friches c’est beau, ça raconte une histoire, ça crée un mythe. Il n’y a rien de tel que ça pour qu’un lieu culturel ait une aura. »37. Au-delà de créer une atmosphère particulière, ces friches culturelles participent à la création de spécificités facilement identifiables sur l’île.

Par ailleurs, on trouve divers éléments emblématiques dans cette partie ouest de l’île, tel que le Hangar à bananes transformé en centre d’art contemporain, restaurant et bar. Juste devant se trouvent les anneaux de Buren, un des signaux de la ville de Nantes ouvert sur la Loire. Les Halles Alstom qui accueillent l’école supérieure des Beaux-Arts et un pôle universitaire ainsi qu’une pépinière d’entreprises industrielles et créatives (« Creative Factory »). C’est une véritable plate-forme économique pour les métiers de la création. Et enfin, les grandes nefs Dubigeon des chantiers de la Loire transformées en « fabrique artistique contemporaine » accueillant les Machines de L’île, attraction de la ville devenue populaire. Ce projet artistique de Machines est née dans les années 2000 de l’imagination de François Delaroziere et Pierre Orefice, il se situe à la croisée des « mondes inventés » de Jules Verne, de l’univers mécanique de Léonard de Vinci et

Parmi les principaux lieux fréquentés à Nantes, on peut voir à l’aide de la carte ci-joint que sur l’île ce sont principalement les Machines et le Hangar à Bananes. Ces lieux favorisent l’attractivité de l’île de Nantes pour les visiteurs et participent à la valorisation de son image. Par ailleurs, les Machines de l’île ont une vocation touristique (1,3 millions de visiteurs de 2018 à 2019). Elles constituent une spécificité du territoire, un équipement et un symbole culturel emblématique de la ville. Tout comme pour la Belle de Mai, le contexte sanitaire actuel ne me permettait pas de voir et comprendre au mieux le fonctionnement de ces spécificités culturelles du quartier de la création. Pour palier à ce frein, j’ai souhaité poser quelques questions à Justine Larrignon, 37 L’Île de Nantes, un patrimoine industriel tourné vers l’avenir : https://www.youtube.com/watch?v=YPtuUJIL7ZA&feature=emb_title

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Figure 40 : Le grand éléphants - Les machines de l’île, Nantes, © Les Machines de l’île Figure 41: Les grandes nefs pendant le Stéreolux, Nantes, © Stéreolux

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étudiante en Master 2 à l’ENSAPVS, qui habite en bordure de Nantes. Elle se rend régulièrement dans le quartier de la création, « car c’est un quartier qui bouge. Lorsqu’on a envie de faire la fête, c’est l’endroit parfait. C’est également un quartier culturel : en journée, les nefs accueillent le musée des machines de l’ile, curiosité de la ville de Nantes et connue à l’international. (….) Je vais donc sur l’île de Nantes pour le côté festif, avec les nombreux bars dansants et boites de nuit, mais aussi pour le côté culturel avec les musées, le théâtre et la galerie d’art du hangar à banane.» . Selon elle, l’aménagement urbain réalisé dans le quartier de la création est propice à la rencontre et au partage, « on y trouve de grande esplanade pour les cours de danse improvisés ou les événements, recoins et cachettes attisant la curiosité, espaces ludiques pour les enfants, barbecues collectifs et hamacs à disposition ». En ce qui concerne l’influence de la culture pour l’île de Nantes, elle permet de « redonner un certain dynamisme à cet endroit qui était relativement isolé fut un temps.(…) c’est la « vitrine » de la ville avec l’emblématique éléphant des Machines. Cela rend donc la ville et l’endroit très attractif et pas nécessairement que pour les touristes. Tous les milieux sociaux, tous les âges s’y mêlent, les activités proposées étant variées (musées, bars, parcs, boites de nuit, théâtre, mobilier urbain pour petits et grands…) et c’est un lieu très apprécié des Nantais ». De plus, la conservation des friches industrielles « donne une identité forte au lieu, c’est ce qui fait sa richesse et sa

singularité. Il y a une réelle volonté de ne pas être en rupture avec le passé et de ne pas l’oublier. (…) L’ajout d’œuvres d’arts, notamment les anneaux de Buren, agissent comme un signal et permettent de repérer le lieu depuis l’autre rive. La permanence des grues agit également comme un point de repère dans la ville. » On constate avec les propos de Justine que la culture et les initiatives locales deviennent un levier pour le renouvellement et le dynamisme de l’île de Nantes. Aujourd’hui, le quartier de la création est un « laboratoire urbain à ciel ouvert » constituant un espace d’expérimentation pour des nouveaux modes d’interventions et d’appropriations. Il est propice à la création de liens sociaux, et vu comme un lieu ouvert et pour tous et pas simplement pour les touristes. Même si ces projets favorisent l’attractivité et le renouvellement urbain du quartier en créant une image culturelle, tout comme pour l’exemple de la Belle de Mai, on se rend compte que la vocation est plutôt métropolitaine, c’est-à-dire à une échelle beaucoup plus grande que celle du quartier de la Création ou de l’île de Nantes. En effet, l’objectif de Nantes est de placer la culture comme moteur de sa transformation urbaine et du développent touristique à l’échelle nationale voire européenne. Tout comme Marseille, Nantes se rêve « capitale culturelle »,

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Marseille

La Belle de Mai

en se positionnant comme une ville d’art et culture. Elle souhaite rayonner par la culture et ses friches culturelles emblématiques.

Ces friches culturelles favorisent le développent et le rayonnement de ces villes. On y trouve une diversité de programmes axés sur la culture qui favorisent la mixité sociale et intergénérationnelle. On passe de l’échelle d’un bâtiment ou quartier à celle d’un territoire. La culture au sein des friches est vue comme un véritable levier économique.

Nantes

En ce qui concerne les disparités, pour Marseille, selon moi, l’accent est mis sur l’inclusion sociale et le changement d’image d’un quartier populaire en favorisant une mixité sociale à l’échelle de Marseille. En revanche, pour Nantes, on cherche à développer le tourisme par la culture, on crée quelque chose d’atypique, notamment avec les Machines de l’île, ce qui favorise l’attractivité à la fois du quartier, de l’île et de la ville.

Quartier de la Création

Schéma personnel illustrant l’affluence touristique grâce au quartier de la Création

Ces éléments viennent jouer un rôle de levier économique et d’identification pour la ville. Cependant, l’attractivité de cette partie de l’île nous interroge sur la possible « gentrification » du quartier tout comme avec la Belle de Mai. Autrefois quartier ouvrier, il est venu s’embourgeoiser avec l’arrivée d’entreprises industrielles et créatives, participant à la montée des prix du foncier. De ce fait, on peut s’interroger également sur la cohabitation des touristes et des habitants.

Ces friches culturelles nous offrent de nouvelles formes d’urbanité et d’appropriation de l’espace en remettant en question les façons de reconstruire la ville. Elle apporte une certaine « fraîcheur » et authenticité à la fois. Qu’en estil pour les friches dont le programme est plus axé sur le paysage et la nature ?

Avec le quartier de la Création et la Friche Belle de Mai, on remarque que la plupart des projets mis en place dans le cadre de reconversion de sites industriels sont moteurs de développements sociaux et culturels. L’objectif est de conserver la singularité des sites tout en donnant une identité à la ville pour que celleci puisse être remarquée de façon positive.

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Figure 42 : Le Hangar à Bananes, Nantes, © F.Brenon

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LA FRICHE SYMBOLIQUE, MOTEUR D’IDENTITÉ ET DE PAYSAGE

Parc du Haut-Fourneau U4, Uckange, France Après s’être intéressé à la friche culturelle comme moteur d’ouverture et de rayonnement à la fois sociaux, touristiques, économiques et culturels, on va finalement s’attarder sur la friche comme élément symbolique et moteur paysager. Avec les friches « symboliques », le paysage s’ouvre à de nouvelles représentations de l’espace où la matière n’est pas nécessairement que végétale, comme le disent Dominique Mons et Serge Koval : « L’industrie n’a pas tué la poésie, elle lui ouvre un monde nouveau »38. Ces friches font l’objet d’une requalification paysagère et environnementale, dévoilant par la suite de véritables « paysages industriels » à forte valeur identitaire. Cette requalification permet de réinventer la ville, de légitimer le regard patrimonial porté sur certains sites, mais aussi de renouveler l’approche du patrimoine industriel en favorisant l’apparition de nouveaux questionnements et pratiques. Pour illustrer ces propos, on va s’attarder dans un premier temps sur le Parc du haut-fourneau U4, situé à Uckange en France.

en périphérie de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Belgique. Aujourd’hui, ce site représente un symbole fort du patrimoine de la vallée de la Fensch. Le haut-fourneau U4 est le dernier encore existant sur les six, c’est un des rares monuments de la sidérurgie du 20e siècle encore conservé en France. Les 18 hectares conservés sur les 77 que comptait l’intégralité de l’usine sidérurgique englobent l’U4 et le site de l’usine d’agglomération démantelée, située à l’emplacement de l’actuel Jardin des Traces39. Depuis 2007, ce site est ouvert au public dans le cadre de visites (40 000 visiteurs/an40) mêlant histoire du lieu et témoignages, et proposant également des programmations culturelles. Ce qui nous intéresse dans cet exemple c’est sa pertinence en tant qu’objet architectural, son inscription dans le paysage d’Uckange et les développements que cela favorisent. Avec sa cheminée qui culmine à 82 mètres et le haut-fourneau à 71 mètres, cette « cathédrale d’acier » est un véritable repère dans le paysage et forge l’identité de tout un territoire. Elle fabrique une spécificité propre à la ville qu’on ne retrouve pas ailleurs. Son architecture singulière se dresse autour du tissu urbain, principalement composé d’habitations de type pavillonnaire et de végétation.

Jusqu’en 1991, le Parc du hautfourneau U4 était un usine de sidérurgie. Fondée en 1890 par les frères Stumm, des industriels allemands, elle se dotait de quatre haut-fourneau, puis en 1904 deux autres hautsfourneaux supplémentaires viennent s’ajouter. Cette usine est un témoin de l’essor économique de toute la région dans les années 1960-1980 qui se fonde principalement sur l’économie industrielle comme la plupart de région de l’Est

Il n’y a pas de programme à proprement

39 https://www.itinerairesdarchitecture.fr/ficheop. php?id=448 40 Le haut-fourneau U4 d’Uckange en lice pour «le Monument préféré des Français » : https://www.youtube.com/ watch?v=v3NBcE6dTV4

38 MONS D. et KOVAL S. (2010), « Eloge de la crise : paysage industriels, enjeu d’aménagement » dans Cahiers thématiques, N° 9 : Paysage, territoire et reconversion, MSH Editions, 298p.

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Parc du Haut-fourneau U4

Parc du Haut-fourneau U4 13ha

Jardin des Traces 5ha

Figure 43 : Vue aérienne d’Uckange, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 44:Vue aérienne du Parc du Haut-Fourneau U4 et du Jardin des Traces, Uckange, ibid

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isbourg de la Ruhr emagne

parler à l’intérieur accessible annuellement, comme c’était le cas pour la Friche Belle de Mai à Marseille et le quartier de la Création à Nantes. Ici, on vient pour visiter l’objet que symbolise ce haut-fourneau, pour appréhender sa spatialité démesurée. Pour ce faire, des passerelles métalliques ont été mises en place, comme on peut le voir sur la photo de la page suivante. Implantées à différentes hauteurs entre les équipements, elles permettent de créer un cheminement pour les visites et d’observer les installations qui interagissent dans la production de la fonte. Le fait de pouvoir appréhender un vestige de l’industrie à partir de nouveaux points de vue, inexistants lors de l’activité de l’usine, nous amène à un nouveau regard sur celui-ci.

européenne de la culture » en 2007. L’objectif de ce travail artistique est d’inscrire le hautfourneau d’Uckange comme symbole fort, comme un objet « totémisé ». Il travaille sur la mémoire du lieu comme témoin du passé. L’oeuvre est considérée comme un véritable hommage à l’activité sidérurgique. Cette mise en lumière intervient la nuit et vient valoriser le patrimoine : cet éclairage nous permet de révéler ce qui était jusqu’alors invisible. La lumière permet de rendre perceptible ce qui était imperceptible la nuit et révèle d’autres éléments, cela modifie l’aspect des objets et par conséquent, modifie notre perception du lieu. L’intervention artistique permet de stimuler notre imaginaire. On sauvegarde le patrimoine à travers la mise en lumière en proposant un regard différent, ce qui permet de nous détacher de l’aspect pour arriver à quelque chose de purement artistique, telle une œuvre d’art.

Haut-fourneau U4

La haut-fourneau est une spécificité du paysage d’Uckange qui vient être magnifié par un travail artistique : on réinvente l’identité du lieu par l’art. La friche symbolique devient support d’une nouvelle identité et fabrique un paysage qui évolue en fonction des moments de la journée (jour/nuit). Ce travail de valorisation participe au dynamisme et à l’attractivité du territoire.

Schéma personnel illustrant le changement de perception d’U4 grâce aux nouveaux points de vues

De plus, pour changer et renouveler l’image d’U4 et notre regard sur l’architecture industrielle, on va miser sur l’art. C’est Claude Paysager Duisbourg-Nord Lévêque,Parcavec son oeuvre d’art contemporaine pérenne « Tous les soleils », qui va mettre en lumière le haut-fourneau dans le cadre de « Luxembourg - Grande Région, capitale

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Outre l’aspect patrimonial et artistique,


Figure 45 : Vue aérienne du Parc du Haut-Fourneau U4, Uckange, © MECILOR Figure 46 : Jardin des Traces, Uckange, © Val de Frensch Tourisme Figure 47 : Passerelles métalliques du cheminement, © Sandra Gaspard

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Figure 48 : «Tous les soleils», oeuvre de Claude Lévêque, vue de nuit du Parc du Haut-Fourneau U4, Uckange, © Marc Domage

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U4 constitue un véritable parc paysager comme on peut le voir avec le Jardin des Traces. Ce jardin a été aménagé en 2006 sur une partie des friches démantelées de l’ancienne usine. C’est une reconversion paysagère de la friche avec comme thématique principale la sidérurgie pour garder un lien avec l’histoire du site. Le jardin se compose de trois ensembles faisant référence à trois traces du passé industriel : le jardin de l’alchimie, le jardin des sidérurgistes et le jardin des énergies. Dans le jardin de l’alchimie, on retrouve quatre grands cylindres qui représentent chacun des éléments fondamentaux qui participent à l’élaboration de la fonte. Le jardin des sidérurgistes rend hommage aux hommes venus travailler dans la sidérurgie lorraine à travers cinq bacs géants rappelant les paysages de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, de la Pologne et du Maghreb. Enfin, le jardin des énergies propose un regard tourné vers l’avenir en misant sur les énergies renouvelables.

étude globale pour l’aménagement de la friche à vu le jour en 2012 sous le nom de « Projet Evol’U4 ». Cette étude prévoit le redéploiement du site autour de la mémoire sidérurgique, de la mise en valeur du haut-fourneau U4 ainsi que de l’économie circulaire. Sur 17 hectares, le projet devrait voir le jour à l’horizon 2030 et permettrait de redonner une nouvelle existence à ce lieu industriel. Le projet s’articule autour de parcs et jardins dépolluants, d’espaces publics et d’équipements plaçant le haut-fourneau au centre du projet comme on peut le voir sur le schéma d’aménagement page 104. L’exemple du Parc du Haut-fourneau U4 d’Uckange nous montre que la friche, en tant qu’objet symbolique, offre des possibilités diverses même si celle-ci ne comporte pas de programme à proprement parler. Telle une œuvre d’art, elle vient magnifier le paysage en révélant l’identité d’un territoire et en proposant une relecture de celui-ci. Le haut-fourneau devient un objet mémoriel, on vient créer un lieu de mémoire ouvert grâce à l’intervention de projets artistiques et patrimonials. On renouvelle l’image part l’art, celui-ci a une influence positive sur notre perception de cette architecture singulière. L’appui de la dimension artistique dans cette démarche permet d’ouvrir le monde de l’industrie à un public plus large. C’est une imbrication à la fois du patrimoine, de la culture et du paysage qui nous amène à redécouvrir l’identité d’une ville et sa mémoire passé.

Ce jardin nous montre qu’une requalification paysagère et environnementale sur un site industriel est possible malgré les contraintes liées à la pollution. On vient renouveler l’approche de l’industrie autour d’un jardin proposant plusieurs thématiques. En ce qui concerne le Parc du haut-fourneau, il est utilisé pour des programmations culturelles. Il y a une corrélation entre le végétal et la friche en tant qu’objet.

En complément du Jardin des Traces, une

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Par ailleurs, la question du point de vue semble pertinente. Il y a un réel dialogue entre le point de vue depuis l’objet, qui nous offre une nouvelle dimension et vision de celui-ci tout en s’ouvrant sur le paysage qui l’entoure, et celui vers l’objet, perceptible depuis le parc et le Jardin des Traces, tel un repère inscrit dans le paysage. Egalement, le haut-fourneau U4 devient l’élément central d’un futur projet d’aménagement urbain et paysager (Evol’U4). Le végétal réinvestit les lieux en se mêlant à l’univers de l’industrie. Derrière cette friche, on retrouve la notion de « paysage culturel », on se sert d’elle comme support de nouveaux développements. L’idée d’un paysage industriel qu’on vient visiter nous amène au développement du tourisme industriel. Par conséquent, les visites du site et les programmes culturels favorisent le dynamisme local à l’échelle de la ville d’Uckange.

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Jardin des Traces

Haut-fourneau U4

Délimitation aménagement EVOL’U4

Figure 49 : Schéma d’aménagement EVOL’U4, appropriation du schéma issu de l’agence TER

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Parc paysager Duisbourg-Nord, Duisbourg, Allemagne Ce dernier cas d’étude nous amène en Allemagne dans la vallée de la Ruhr où se situe le parc paysager de Duisburg-Nord. Cependant, on ne peut pas parler du parc de Duisburg sans expliquer en amont l’évolution du parc paysager de Emscher et de sa région.

Westphalie, va décider de réaliser l’Emscher Park en 1988 et ce sur une période de 10 ans. Celui-ci couvre 17 municipalités et s’étend sur 800km2 entre Duisbourg et Bergkamen. L’IBA (Internationale Bauausstellung ou Exposition internationale d’architecture) est un outil allemand qui permet d’exposer des concepts novateurs en matière d’architecture ou d’urbanisme. L’objectif ici était de restructurer la région en apportant une valorisation durable par le biais de projets nombreux et diversifiés autour de développements urbains, architecturaux, culturels, écologiques et économiques. Cette initiative, suite au déclin de l’industrie du bassin, permet de soutenir le développent du tourisme et la création d’emploi. Elle s’accompagne d’une volonté de chercher de nouvelles formes d’aménagements et d’architecture paysagère : on cherche à redonner forme à ce paysage industrielle singulier. L’IBA de la Ruhr est considéré comme le projet fondateur de l’urbanisme territorial, tel un symbole pour le changement urbain.

Autrefois plus grand bassin industriel de l’Allemagne, le parc paysager de Emscher se situe dans la Ruhr, le long de la rivière Emscher comme on peut le voir sur la carte page 106. Le développement industriel de cette région s’est construit vers 1857 avec l’ouverture des premières mines de fer dans les environs d’Oberhausen. Rapidement, le nombre de mines croit et l’extraction se développe le long de l’Emscher. Cette progression s’accompagne par l’accroissement de la population entre 1905 et 1957, qui passe de 3 millions à 6,2 millions, ce qui induit la création de multiples cités ouvrières construites autour des centres anciens ou à proximité immédiate des sites industriels. A partir des années 1960, s’opère le déclin de l’industrie minière et sidérurgie dans la région, le nombre de mines diminue fortement. En conséquence, on se retrouve avec un vaste territoire marqué par 150 ans d’industrialisation, forgé par l’industrie lourde et l’exploitation du charbon. Cette monoculture économique a abouti à une impasse.

Le parc paysager d’Emscher a pour vocation d’être la « colonne vertébrale » du redéveloppement régional de la vallée de la Ruhr et permet de rendre le paysage industriel de la région plus attractif. On cherche à montrer qu’avec un projet comme celui-la que, le paysage industriel peut offrir des caractéristiques et qualités esthétiques uniques qui permettent de renouveler l’identité de toute une région.

Afin d’opérer un changement de paradigme dans cette région industrielle, l’IBA, avec le soutien de la Rhénanie-du-Nord-

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Lippe

Rhin Marl Lunen

Reckinghaussen

Bergkamen

Waltrop Kamen

Gladbeck

Herten Castrop - Rauxel

Bottrop

Unna

Herne Oberhausen Essen

Dorlmund

Emscher

Ruhr

Bochum Witten

Duisburg

Mulheim a.d. Rurh Hattingen Hagen

Emscher Park Limite de la région de la Ruhr Cours d’eau

Par paysager de Duisbourg-Nord 180ha

Parc paysager de Duisbourg-Nord

Figure 50 : Carte de la situation géographique de l’IBA Emscher Park, document personnel Figure 51 : Vue aérienne de Duisboug, ibid Figure 52 :Vue aérienne du Parc Paysager Duisbourg-Nord, ibid

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Le parc prend place sur les anciennes friches industrielles de la vallée, la plupart sont conservées en l’état. On priorise la colonisation végétale des espaces. De plus, on vient reconnecter tous les espaces verts afin de créer une trame verte continue sur plus de 70km entre les villes industrielles de la région. Le parc est devenu aussi le support de multiples activités sportives et culturels, on mise sur la symbiose entre la nature et la culture industrielle. Les projets réalisés dans le parc paysager de l’Emscher s’articulent autour de six thèmes principaux : parc paysager, transformation écologique du système fluvial de l’Emscher, travail au sein du parc, création de logements et développements des quartiers avoisinant, préservation du patrimoine et de la culture industrielle et enfin créer des nouvelles offres d’activités sociales, culturels et sportives.

lieux culturels tournés vers une économie de service. L’échelle de la région étant complexe à analyser, j’ai pris le parti de m’intéresser à une ville sur les 17 qu’englobe le parc paysager d’Emscher : Duisburg, et notamment son parc paysager de 180 hectares qui est l’un des plus connu de la région. Dans cette partie, tout comme la précédente sur Uckange, il est question de s’intéresser à la friche symbolique au sein d’une requalification paysagère pour comprendre les développements que celle-ci favorise. Le parc paysager de Duisbourg-nord était autrefois un complexe sidérurgique. Construit au début du 20e siècle par Auguste Thyssen, il produisait de la fonte jusqu’à sa fermeture en 1985. En 1988, c’est le cabinet d’architectes paysagistes Peter Latz + Partner qui va transformer le complexe en parc paysager. A cette époque, il est l’un des premier exemples de valorisation du paysage industriel. Au même moment en France on se questionne encore sur le devenir des friches et leur possible intérêt dans le renouvellement urbain. Aujourd’hui, ce parc est une référence en matière de recyclage de site post-industriel, sa démarche consiste à accepter le paysage industriel comme un paysage culturel crée par l’homme.

Il y a une trentaine d’années, la région d’Emscher était considérée comme l’incarnation de la dégradation écologique, esthétique et sociale. Elle symbolisait un retard environnemental de toute une région industrielle. Aujourd’hui, c’est un nouveau modèle de développement axé sur les valeurs du développement durable et du recyclage qui a vu le jour, tout en respectant l’héritage industriel et en le renforçant par un usage culturel et de loisir. Il y a ici une réelle volonté de redécouvrir le caractère unique et symbolique de ce paysage industriel. On cherche à changer l’image péjorative des infrastructures industrielles en

Tout comme Uckange, le parc paysager de Duisburg-Nord à ces spécificités qui en font un parc singulier. Haut-fourneaux et houillères

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Figure 53 et 54 : Vue d’ensemble du parc paysager de Duisburg-Nord, © Lisa Menke

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Figure 55, 56 et 57 : Vues à l’interieur du parc paysager de Duisburg-Nord, © EGHN

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sont conservés dans le projet, leur silhouette participe à la fabrication d’un signal dans la ville. Le parc s’est développé autour d’eux, transformant les deux haut-fourneaux restants en plateforme d’observation et en développant des activités diversifiées.

Tout comme Uckange, un travail de mise en lumière a été réalisé. C’est l’artiste britannique Jonhathan Park qui l’a réalisé sur l’ancienne usine sidérurgique en 1996. Il participe à la mise en valeur nocturne du parc, lui attribuant en quelque sorte un rôle de « monument mémoriel », tel une immense œuvre de land art.

L’accent est mis ici sur le sport, la culture, les loisirs et la détente. Avec un diamètre de 45 m et une profondeur de 13 m, l’ancien gazomètre est devenu le plus grand bassin de plongée intérieure d’Europe comme on peut le voir page 113. Les murs en béton servent de murs d’escalade, les anciennes turbines à gaz et halls des machines servent de salles de théâtre et conférence. Egalement, l’ancien bâtiment administratif de l’usine de sidérurgie a été transformé en auberge de jeunesse et école hôtelière. Les anciennes voies ferrées sont aujourd’hui des pistes cyclables et des sentiers tandis que les bunkers en béton sont devenus des jardins. Des tunnels et passerelles permettent de relier et reconnecter chaque élément du parc, créant ainsi une certaine fluidité propice à la déambulation. Ce qui est étonnant ici, c’est que les activités proposées s’adaptent à la structure atypique existante des lieux, on vient développer sans détruire. Il y a une réelle volonté de laisser la friche en l’état.

Ce travail de valorisation, associé à une offre d’activités de loisirs diversifiée, participe au dynamisme et à l’attractivité du territoire. On dépasse l’échelle de la ville de Duisburg, à l’échelle nationale le parc devient un lieu de destination populaire. A l’échelle internationale, on a vu qu’il faisait parler de lui car c’est un modèle de reconversion à succès, mais aussi de nombreux festivals internationaux ont permis de faire la renommée du lieu. Il y a une véritable affluence tant avec les habitants qu’avec les touristes. On vient utiliser la culture et les loisirs comme levié de développement touristiques et économique, tout comme on a pu le voir avec la Haut-fourneau U4 Friche Belle de Mai à Marseille et le quartier de la création à Nantes.

Duisbourg Vallée de la Ruhr Allemagne

Aussi, le développement d’événements culturels et de l’art renouvelle l’image de l’ancien complexe sidérurgique et valorise l’identité caractéristique de toute une région.

Parc Paysager Duisbourg-Nord

Schéma personnel illustrant les nouvelles activités qui s’adaptent à la friche et favorisent son attractivité

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De plus, aujourd’hui, la culture industrielle est devenue un centre d’intérêt pour de nombreux voyageurs à la recherche d’expériences et de lieux atypiques. Dans le bassin de Ruhr, on a développé une économie autour de ça par le biais d’une route à thème, appelée route de la culture industrielle. Elle relie des témoignages de toutes les époques du développement industriel. L’idée est apparue au milieu des années 1990, le but est de faire preuve de « fantaisie » lors d’un voyage dans une ancienne zone industrielle. Aujourd’hui, l’ensemble des sites de l’Escher Park sont exploités à des fins touristiques et culturelles à une échelle internationale. Cette idée de voyage industriel se retrouve également avec la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

l’acidité du sol, cela permet d’accueillir des espaces très variées contribuant à la diversité du parc. Il y a ici une étonnante réconciliation entre la nature et l’industrie qui rappelle l’idée des jardins à l’anglaise, mais cette fois-ci avec des ruines réelles. Le projet du parc paysager de Duisbourg-Nord raconte une histoire entre la mémoire industrielle et la nature, on pourrait faire une analogie à l’univers du film d’animation japonais Le Château Ambulant de Hayao Miyazaki où l’architecture industrielle se mêle à la nature sauvage des montagnes. L’exemple du Parc Paysager de Duisbourg-Nord offre une nouvelle façon d’appréhender la culture, le sport et le bien-être au sein de la friche symbolique. Elle fabrique une spécificité étonnante pour la ville qui vient adapter son travail paysager et le développement de ses activités en fonction des espaces encore existants sur le site.

Par ailleurs, la dimension paysagère est relativement impressionnante par rapport à celle du parc du Haut-Fourneau U4 d’Uckange. Cela s’explique peut-être par le fait que pour Uckange, on est venu créer un jardin sur le site démantelé situé à coté du haut-fourneau, et pas directement au pied de celui-ci comme c’est le cas pour Duisburg-Nord. De plus, peut-être que le rapport à la nature n’est pas le même en France et en Allemagne. Ce qui est surprenant c’est de voir qu’un écosystème important s’est développé spontanément dans ce parc, en plus du travail paysager réalisé, alors que la pollution des sols peut être un frein au développement et notamment à celui de la biodiversité. Les plantes réagissent de différentes façons à

Ce parc devient un nouveau symbole d’espoir et redore l’image des haut-fourneaux d’usine. Par son développement économique et touristique croissant, le site joue un rôle de pôle d’attractivité pour la région. L’art, quant à lui, vient souligner l’importance de la culture industrielle en tant que signe caractéristique de l’identité d’une région. Egalement, cette relation particulière entre l’industrie et la nature donne naissance à un paysage industriel unique en son genre, facteur d’identité régionale pour tout le bassin de la Ruhr.

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abouti. Peut-être que cette différence s’explique par des affluences touristiques et un nombre d’habitants disparates entre chacune des deux villes. La population de Duisbourg (491 231 habitants en 2016) est 74 fois supérieure à celle d’Uckange (6 633 habitants en 2015). Tout comme la taille du site, celui de Duisbourg (180 ha) est 10 fois supérieur à celui d’Uckange (18ha), la friche en tant que « simple » objet n’aurait pas suffit pour un site aussi vaste que celui de Duisbourg. On est sur des échelles de villes divergentes, par conséquent les besoins en terme de développement ne sont pas les mêmes.

Le Parc du Haut-Fourneau U4 d’Uckange et le Parc Paysager de DuisbourgNord nous démontrent que la friche, en tant que symbole d’un territoire blessé par l’industrie, fabrique des spécificités locales sur lesquelles on vient s’appuyer pour développer l’économie, le loisir, la culture ou encore le tourisme. Ces deux exemples montrent que les hauts-fourneaux, aussi atypiques soient-ils, deviennent des objets identitaires à forte valeur pour la ville. De plus, l’art, par le biais notamment de la mise en lumière, tient une place importante dans le processus de valorisation de l’objet. Cette transformation de l’architecture industrielle vétuste en objet artistique favorise l’attractivité et touche un public plus diversifié. La perception de la friche par le public est renouvelée dans un environnement paysager inattendu où industrie et végétation ne font qu’un. Il y a dans ces deux exemples un intérêt pour la conservation et la mise en valeur de l’objet pour que celuici s’apparente à un véritable monument d’un passé révolu. En ce qui concerne les disparités entre les deux projets, pour Uckange, le Parc du Haut-Fourneau U4 est un objet qu’on vient visiter et découvrir à travers différents points de vue, avec un parc paysager situé à proximité immédiate. Tandis que pour Duisbourg, le Parc Paysager de Duisbourg-Nord offre une diversité d’activités adaptées à l’architecture du site ainsi qu’un travail paysager, plus conséquent et

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Figure 58 : Mur d’escalade créé à l’intérieur du «bunker de charge», Duisbourg, © Landschaftspark Figure 59 : Le bassin de plongé situé dans l’ancien gazomètre, Duisbourg, © Landschaftspark Figure 60 : Vue de nuit du parc paysager de Duisbourg-Nord, © Lisa Menke

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CONCLUSION

Dans ce mémoire, nous avons pu mettre en évidence que les friches industrielles jouent un rôle dans la fabrication et la mutation des villes en introduisant de nouveaux usages et paysages. L’objectif de l’étude consistait à comprendre comment les friches industrielles deviennent un moteur de (re)développement urbain et pourquoi elles sont aujourd’hui au cœur de la réflexion dans la fabrication de la ville durable.

Paris Seine Rive Gauche. Celui-ci permet de lutter contre l’étalement urbain en valorisant et en exploitant le foncier disponible et particulièrement les friches urbaines. Elles sont au cœur de la réflexion dans la fabrication de la ville durable, car elles constituent un important gisement foncier qui favorise l’apparition de spécificités locales. On ne les considère plus comme des objets statiques délaissés, victime d’une époque révolue. Cette valorisation, à la fois identitaire et historique, participe à la création de repères pour les habitants dans un quartier dominé par de nouvelles constructions sans émotions. Egalement, nous nous sommes intéressé aux contraintes liées à la reconversion et plus particulièrement à la pollution des sols et aux temps de veille de la friche. Cette dernière a su nous montrer avec l’exemple du 6B que par la pérennisation d’activités transitoire, les friches deviennent un moteur de développement urbain en devenant un pôle attractif d’un écoquartier. La friche a une influence positive et participe à la réussite d’une opération de redéveloppement urbain.

En amont, nous avons pu définir la friche ainsi que remettre en contexte son processus d’apparition. Il en existe plusieurs types et de natures variables. Par conséquent cela est difficile de faire une généralité, car chacune a des spécificités qui diffèrent en fonction de leur architecture et du contexte dans lequel elle se trouvent. Le travail de reconnaissance, qui s’est fait tardivement, a permis quant à lui un changement de paradigme en ce qui concerne la perception par le public. Depuis une vingtaine d’années en France, nous avons une plus forte sensibilisation pour la conservation qu’auparavant. De son coté, le classement a pu renforcer l’attrait pour la conservation et a forgé l’intérêt que l’on peut avoir à l’égard des friches industrielles. Cet intérêt est justifié notamment par la qualité des bâtiments, leur structure, ainsi que leur capacité à s’adapter aux nouveaux usages.

Enfin, la dernière partie de ce mémoire voulait mettre en évidence la pertinence du programme au sein de la friche reconvertie. De plus, celle-ci favorise l’apparition de divers moteurs en fonction du programme, de l’échelle et du contexte dans lequel elle se trouve. On vient créer des moteurs en fabriquant des spécificités locales. Pour la Friche Belle de Mai à Marseille et le quartier de la Création à Nantes, il était

Puis, nous avons compris la pertinence du renouvellement urbain avec l’exemple de

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question de faire rayonner la ville par la culture, donc par des friches culturelles. Ce rayonnement favorise les développements sociaux, culturels et touristiques. En ce qui concerne le Parc du HautFourneau U4 d’Uckange et le Parc Paysager de Duisbourg-Nord, la relation à la friche est plutôt symbolique et participe à une identité singulière de régions post-industrielles où l’économie principale était tournée uniquement vers l’industrie. Aujourd’hui, l’art, la culture et le développement des loisirs, dans ces lieux atypiques, participent au renouvellement des territoires.

peut sembler très diversifié dans la manière d’aborder le thème de la friche, car il n’est pas ciblé sur un ou deux cas d’études. Il explore divers questionnements autour de la reconquête des friches industrielles en milieu urbain. Ici, on peut faire une analogie de mon travail avec le principe de l’étalement urbain, cela vient de mon désir d’apprendre d’avantage et de me cultiver de façon globale sur un sujet. En architecture, le rapport à la temporalité est quelque chose qui m’attire. Au sein de ses friches, on constate une appropriation par le biais des activités contemporaines dans un lieu chargé d’histoire ancienne. Cette dichotomie entre passé, présent et possible futur m’émerveille et m’amène ainsi à de nouveaux questionnements.

Dans ce dernier exemple allemand, la façon de fabriquer un paysage industriel atypique et unique a attisé un réel intérêt de ma part. Cette thématique de la friche en tant que moteur d’identité et de paysage aurait pu faire l’objet d’un mémoire.

Auparavant, les friches industrielles étaient faites de façon spécifique en fonction du contexte, alors que maintenant, on tend plutôt vers des édifices génériques, en tôle par exemple, démontables et recyclables facilement. Aujourd’hui, on pense à la réversibilité des édifices dès la phase de conception, mais est-ce que ces nouveaux édifices réversibles fabriqueront des spécificités à l’image de celles créées par les friches industrielles ? Quelles seront les nouvelles façons de faire la ville, dans le cadre du renouvellement urbain, quand celle-ci n’aura plus de fonciers disponibles ? Est-ce que dans vingt ans, on aura le même intérêt et attrait pour les friches industrielles

En ce qui concerne les difficultés rencontrées, la situation sanitaire actuelle ne m’a pas permis de me faire mon propre avis sur les sites évoqués dans la dernière partie de ce mémoire, car même s’il était possible de me rendre sur place, les activités que celles-ci proposent n’auraient pas été accessibles. Pour palier à ce problème, en ce qui concerne les friches culturelles, j’ai pris le parti d’avoir l’avis d’amis qui ont eu l’opportunité à multiple reprise de fréquenter les lieux avant la COVID19.

Je suis consciente que ce mémoire

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qu’aujourd’hui ou est-ce que cet intérêt se portera sur les «friches du futur» du 20e et 21e siècles (espaces commerciaux obsolètes, stations touristiques, logistiques, infrastructures autoroutières, etc.)?

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BIBLIOGRAPHIE

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PODCAST Podcast sur france culture, « Pourquoi tant de friches ? » : https://www.franceculture.fr/emissions/ la-grande-table-dete/pourquoi-tant-de-friches

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VIDÉOS La Friche, 25 ans : maintenant et après ! : https://vimeo.com/247181722 L’Île de Nantes, un patrimoine industriel tourné vers l’avenir : https://www.youtube.com/watch?v=YPtuUJIL7ZA&feature=emb_title Une Nuit au Haut Fourneau U4 (Parallax video) : https://www.youtube.com/watch?v=gx_8KYxUsTs Étonnants jardins : le parc paysager de Duisburg-Nord : https://video.ploud.fr/videos/ watch/6f042214-1261-4b28-95aa-79e6b61eff06

PAGES WEB CONSULTÉES https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Pays-de-la-Loire/Politique-et-actions/Monuments-historiques/Patrimoine-industriel-scientifique-et-technique-PIST https://www.tourisme93.com/des-chartes-pour-encadrer-la-restauration-des-monuments-historiques. html https://www.letemps.ch/culture/hilla-becher-une-vie-reveler-beaute-usines https://ile-de-france.ademe.fr/expertises/sites-et-sols-pollues/aides-la-reconversion-des-friches-industrielles https://eutopics.wordpress.com/2012/05/18/paris-rive-gauche-lespace-des-infrastructures-entre-reinvention-et-refoulement/ http://www.parisrivegauche.com/Developpement-durable https://www.idfriches-auvergnerhonealpes.fr//sites/default/files/reconversion-sites-et-friches-urbaines-pollues-7794-ademe.pdf

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http://www.ardennes.gouv.fr/observatoire-des-friches-a2126.html https://www.euromediterranee.fr https://www.itinerairesdarchitecture.fr/ficheop.php?id=448

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TABLE DES FIGURES

Figure 1 et 2 : https://www.rer-eole.fr/actualite/la-friche-ferroviaire-des-groues-a-nanterre-en-photo/ Figure 3 et 4 : « L’assassinat de Baltard » (1971), cliché de la destruction des Halles, Jean-Claude Gautrand Figure 5 : Graphique redessiné à partir de ceux présent dans Patrimoine industriel et technique de M. Gasnier. Figure 6 : Diagrammes redessinés à partir de ceux présent dans Patrimoine industriel et technique de M. Gasnier. Figure 7 : https://www.laboiteverte.fr/bernd-et-hilla-becher/ Figure 8 : https://www.reichen-robert.fr/fr/projet/halle-tony-garnier Figure 9 : https://journals.openedition.org/insitu/11745 Figure 10 : https://www.sortiraparis.com/actualites/journees-du-patrimoine/articles/65027-journeesdu-patrimoine-2020-a-la-cite-ouvriere-de-la-chocolaterie-menier-a-noisi Figure 11 et 12 : http://www.wilmotte.com/fr/projet/411/Station-F-Halle-Freyssinet-campus-destart-up Figure 13 : Schéma personnelle des types de stratification urbaine, réalisé d’après Google Maps Figure 14 : Paris Projet n°29 : l’aménagement du secteur seine rive gauche, 1990 Figure 15 et 16 : https://remonterletemps.ign.fr/comparer/basic?x=2.378720&y=48.830147&z= 14&layer1=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS&layer2=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS.1950-1965&mode=vSlider Figure 17 : https://structurae.net/fr/medias/150894-paris-13eme-arrondissement-universite-paris-7-denis-diderot-batiment-des-grands-moulins

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Figure 18 : http://www.parisrivegauche.com Figure 19 : Photographie personnelle Figure 20 : https://www.telerama.fr/scenes/paris-rive-gauche,-un-quartier-qui-cache-bien-ses-dessous,n6202279.php Figure 21 : Schéma personnel, coupe longitudinale de principe, réalisée à partir de celle issue de l’ouvrage Paris Projet n°29 Figure 22 et 23 : Photographies personnelles Figure 24 : http://www.parisrivegauche.com Figure 25 : redessin à partir de l’illustration issu de « Les Friches dans les Ardennes : guide à l’usage des collectivités locales », Préfet des Ardennes Figure 26 : Axonométrie personnelle et indices de mutabilités de la Macérienne Figure 27 : https://journals.openedition.org/cdg/1443?lang=en Figure 28 : Plan de l’écoquartier Néaucité, Saint-Denis, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 29 : https://www.enlargeyourparis.fr/culture/les-utopies-fluviales-submergent-le-6b Figure 30 : https://www.le6b.fr/qui-sommes-nous/ Figure 31 : Vue aérienne de Marseille et ses arrondissements, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 32 : Vue aérienne du 3e arrondissement de Marseille, document personnel réalisé à partir de Géoportail

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Figure 33 : Quartier Belle de Mai et les trois îlots, Marseille, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 34 : Programme détaillé de chaque îlots, document personnel Figure 35 : https://www.lafriche.org/la-friche/lieux/ Figure 36 : https://www.lafriche.org/la-friche/lieux/le-toit-terrasse/ Figure 37 : Vue aérienne de Nantes, document personnel réalisé à partir de Géoportail Figure 38 : Vue aérienne de l’île de Nantes, ibid Figure 39 : Quartier de la Création, Marseille, ibid Figure 40 : https://www.lesmachines-nantes.fr Figure 41 : https://www.stereolux.org/blog/24h-de-musique-en-famille Figure 42 : https://www.20minutes.fr/nantes/2171307-20171120-nantes-exploitants-hangar-bananes-marre-etre-stigmatises Figure 45 : https://www.d-v-i.fr/site-web/Concentration-de-vehicules Figure 46 : https://www.tourisme-lorraine.fr/a-voir-a-faire/visites/parcs-et-jardins/1370000290-jardin-des-traces-uckange Figure 47 : https://www.itinerairesdarchitecture.fr/ficheop.php?id=448 Figure 48 : https://arteplan.org/initiative/tous-les-soleils-multivision-nocturne/ Figure 49 : https://agenceter.com/projets/uckangeparc-du-haut-fourneau-u4/ Figure 50 : Carte de la situation géographique de l’IBA Emscher Park, document personnel

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Figure 51 : Vue aérienne de Duisboug, ibid Figure 52 :Vue aérienne du Parc Paysager Duisbourg-Nord, ibid Figure 53 et 54 : https://www.kuladig.de/Objektansicht/KLD-268839 Figure 55, 56 et 57 : https://wp.eghn.org/fr/landschaftspark-duisburg-nord-3/#14469076011731015d5e1-711a Figure 58 et 59 : https://www.landschaftspark.de/en/leisure-activities/overview/ Figure 60 : https://www.kuladig.de/Objektansicht/KLD-268839

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ANNEXES

RETRANSCRIPTION D’UNE CONVERSATION AVEC GEOFFREY HUGUENIN-VIRCHAUX, DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE SUR LA FRICHE BELLE DE MAI A MARSEILLE Es-tu déjà allé à la Friche Belle de Mai ? Si oui, est-ce que tu penses que le programme à l’intérieur à une influence sur le rayonnement de la friche ? Que permet-il ? J’y suis allé plusieurs fois oui, pour des expositions, pour me promener, pour des soirées, festivals, pour me poser sur le toit. C’est un super programme en vrai, mais il s’est fait en plusieurs étapes et au fur à mesure. Le programme a évolué avec les attentes du public et des aides obtenues. C’est une évolution sur 20-25 ans je crois. Il a une influence oui, car il a permis d’attirer une population qui s’intéresse à la culture. La Friche Belle de Mai, de ce que je comprends, a plutôt une influence à l’échelle de la ville et pas forcément celle du quartier, qui lui y voit une gentrification. Oui, c’est couplé aussi avec le projet Euromeditérannée, il y a une partie de la belle de Mai qui va être rénovée normalement avec la phase n°2. Cependant, en ce qui concerne le quartier de la Belle de Mai, le projet a permis de donner une dynamique collective à tout un quartier populaire et précaire. Donc pas une influence à l’échelle du quartier, même si la Friche Belle de Mai à permis de le redynamiser ? A la base non. La Belle de Mai c’est un des quartiers les plus pauvres de Marseille, mais il est vrai que ça a permis de redynamiser. C’est assez mal desservi encore. Mais la Friche Belle de Mai attire les jeunes, les adeptes de culture, il y a une vraie émulation dans ce lieu investi par divers usages. Les gens viennent aussi pour passer du temps, venir boire un verre, les enfants jouent sur le city au basket et au foot, il y a un petit mur d’escalade. C’est en quelque sorte un programme des possibles. Tu as l’impression que tu peux tout y faire : sport, culture, rencontre, partage. Tu as des jardins participatifs qui ont été créés. Et tout cela a permis de donner une dynamique collective à tout un quartier. Il y a des lieux annexes, comme « Le Chapiteau », qui est un espace privé en plein air où des soirées et événements sont organisés.

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ENTRETIEN AVEC JUSTINE LARRIGNON, DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE SUR L’ÎLE DE NANTES Tu vas sur l’île de Nantes pour quels types d’activités ? Est-ce-que tu y vis ? Je vis en bordure de Nantes, pour me déplacer sur l’Île, je prends ma voiture ou bien les transports en commun, les lieux étant très bien desservis. Je vais dans le quartier des machines de l’île, premièrement car c’est un quartier qui « bouge ». Lorsque l’on a envie de faire la fête, c’est l’endroit parfait. C’est également un quartier culturel. En journée, les nefs accueillent le musée des machines de l’ile, curiosité de la ville de Nantes et connue à l’international. C’est également le théâtre de nombreux concerts et évènements musicaux, que ce soit sous les nefs, ou dans le Stéréolux, salle de concert bien connue des Nantais. Un ancien blockhaus accueille un musée avec des expositions temporaires, le lieu est insolite. Au niveau du hangar à banane, se trouvent un théâtre et une galerie d’art contemporain, ou je me rends de temps à autre. C’est un endroit parfait pour se prélasser. Le parc des chantiers, lorsqu’il fait beau, c’est l’un des seuls endroits sur Nantes, ouvert au public toute la journée et toute la nuit. L’aménagement urbain est propice à la rencontre et au partage : grande esplanade pour les cours de danse improvisés ou les événements, recoins et cachettes attisant la curiosité, espaces ludiques pour les enfants, barbecues collectifs et hamacs à disposition. Je m’y prélasse donc très régulièrement avec mes amis, quand la nuit tombe, comme de nombreux autres nantais. Je vais donc sur l’île de Nantes pour le côté festif, avec les nombreux bars dansants et boites de nuit du hangar à banane. Pour le côté culturel avec les musées, le théâtre et la galerie d’art du hangar à banane. Mais surtout parce que c’est un endroit propice à la détente et à la rencontre, avec les nombreux aménagements urbains de l’esplanade autour des nefs. Selon toi, quelles influences à la culture et les programmes culturels pour l’île de Nantes ? La culture permet de redonner un certain dynamisme à cet endroit qui était relativement isolé fut un temps. Cela donne également une image à la ville de Nantes, c’est la « vitrine » de la ville avec l’emblématique éléphant. Cela rend donc la ville et l’endroit très attractif et pas nécessairement que pour les touristes. Tous les milieux sociaux, tous les âges s’y mêlent, les activités proposées étant variées (musées, bars, parcs, boites de nuit, théâtre, mobilier urbain pour petits et grands…) et c’est un lieu très apprécié des Nantais. La volonté politique de placer la

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culture au centre des attentions à su faire rayonner l’île de Nantes à des échelles différentes (échelle du quartier, de la ville, de la France et peut-être même de l’étranger notamment par le biais de l’éléphant). Quels rôles jouent les friches industrielles conservées dans le cadre du renouvellement urbain de l’île ? Il y a une réelle volonté de ne pas être en rupture avec le passé et de ne pas « oublier ». L’idée est quand même d’aller de l’avant en intégrant des constructions nouvelles, en accord avec le tissu ancien. L’idée d’intégrer un programme de bars et de boite de nuit dans le « hangar à bananes » à l’extrémité Ouest de l’ile, rendra forcément le lieu attractif, surtout auprès des jeunes le soir et de quelques familles se promenant l’après-midi. Conserver ces friches donne également une identité forte au lieu, c’est ce qui fait sa richesse et sa singularité. On retient les machines de l’ile pour l’image du lieu et les trésors qu’il recèle. L’ajout d’œuvres d’arts, notamment les anneaux de Buren, agissent comme un signal et permettent de repérer le lieu depuis l’autre rive. La permanence des grues agit également comme un point de repère dans la ville. Cela dit, le tout ne fonctionnerait pas s’il n’y avait pas eu un réel travail de fait sur l’espace paysager et l’esplanade se trouvant devant les nefs et allant jusqu’au hangar à bananes. Pour les petits et les grands c’est un vrai parcours paysager, permettant à nos sens de s’exprimer, avec des plantes et des arbres, la permanence des grues, des cachettes, des jeux pour enfants, l’alternance de minéral et de végétal, des endroits pour se prélasser (hamac) et partager un repas (barbecue), il semblerait que le lieu ait d’abord été pensé pour les usages de chacun, permettant à notre imaginaire de s’exprimer. La proximité avec la Loire donne également un cachet au lieu.

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