I d e n t i t é s Ve r n a c u l a i r e s Sous la direction de Patrice Godier et Laura Rosenbaum École Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux
Lucie Sauve
Merci à Laura Rosenbaum e t Pat r i c e G o d i e r p o u r leurs remarques toujours avisées, leur patience et leur imagination face à mes p ap i e r s p a r fo i s u n p e u « b r o u i l l o n s »
Identités
Vernaculaires Sous la direction de Patrice Godier et Laura Rosenbaum
École Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux
Lucie Sauve
Andando nos arcos da Lapa Rio de Janeiro DĂŠcembre 2014
Sommaire
Avant-propos
p. 7
Introduction
p. 13
I - Vernaculaire et permanence
p. 17
1 - Civilisation urbaine
p. 18
2 - Mégacités, métacités, et connectivité
p. 20
3 - Bidonvilles, « mode de ville »
p. 24
Synthèse
II - Vernaculaire durable
p. 35
1 - La perception du vernaculaire
p. 36
2 - Pertinence du vernaculaire à l’ère de la crise écologique et politique
p. 43
Synthèse
p. 55
III - Vernaculaire urbain connecté VUC
p. 57
1 - Ville vernaculaire et politique
p. 58
2 - Vernaculaire connecté
p. 64
3 - Le vernaculaire opérationnel et l’architecte
p. 80
7
p. 33
Synthèse
p. 82
Conclusion
p. 85
Bibliographie
p. 89
Iconographie
p. 93
Avant-propos Janvier - Décembre 2014 : Échange universistaire, Universidade Positivo, Curitiba, Brésil : quelles doivent être les actions de l’architecte dans le contexte mondial actuel?
Après ma licence obtenue à l’Ensap Bx , je suis partie au Brésil durant une année. J’ai pu
suivre les cours d’architecture de quatrième année à l’Universidade Positivo à Curitiba, capitale du Parana dont la région métropolitaine compte environs 3 millions d’habitants. En dehors de cours d’histoire de l’architecture brésilienne ; en atelier d’architecture nous avons travaillé sur des projets comme, une tour de bureau couplée à un centre culturel en centre ville de Curitiba, ou encore un hôpital pour enfants à Campo Largo, ville située en périphérie de Curitiba. Des cours d’arts plastique à l’école d’architecture de Bordeaux aux prédimensionnements de structures, à l’Universidade Postivo, le fossé est grand. Les professeurs étaient attachés à confronter leurs élèves à la réalité du métier et de la construction en matière d’architecture, on ne peut pas en dire de même concernant la réalité du contexte social brésilien. Premier cours d’urbanisme, « planejamento urbano ». Toute la classe était rassemblée autour d’un tapis représentant une ville (façon tapis d’éveil pour enfant) archétypale, shopping mall au centre, usines en périphérie jouxtant des quartiers pauvres, zone pavillonnaires riches, condominio… Chacun jouant un rôle, maire, ouvrier, cadres supérieurs, investisseurs, le but était de comprendre les mécanismes de création de la ville comme la spéculation immobilière. Infantilisant ou pédagogique, on ne savait que penser. La séance suivante on assiste à un film, Globalização - O mundo global visto do lado de cá de Milton Santos. Il y présente trois types de mondialisation : O mundo que percebemos: a globalização como fábula O mundo real: a globalização como perversidade O mundo como possibilidade: uma outra globalização Très intéressée par le discours de Milton Santos, je considérais ce cours comme une introduction à la réalité sociale brésilienne, mais à ma grande surprise, nous n’ avons jamais travaillé sur ce qui compose parfois à 50% les mégapoles brésiliennes : les favelas. Nous nous sommes rapidement rendu compte qu’un certains nombres de nos camarades ignoraient l’existence d’un autre Brésil. Si à Curitiba les favelas sont situées en périphérie de la ville, dans les autres villes du Brésil comme Rio de Janeiro ou encore Salvador, elles peuvent être localisées au centre visible de tous sur les morros et représentent parfois plus de 50% du tissu urbain. Si en France on peut fermer les yeux sur la paupérisation parfois plus confidentielle, au Brésil les inégalités sont visibles partout et accentuées par le fait que les espaces difficiles à urbaniser des centres sont investis par les favelas. C’est ainsi qu’aux pieds des condominios on peut trouver une favela, deux mondes séparés par un mur surplomblé de barbelets. Pays aux inégalités sociales immenses, c’est au Brésil que j’ai vu les pires exemples des effets de la ségrégation sociale et de la pauvreté. J’ai compris la phrase de Gandhi « La pauvreté subie est la pire forme de violence ». Mais c’est 9 aussi là-bas que j’ai pu participé aux plus grandes expressions de joie collective, dont le plus
célèbre exemple est le carnaval. Le Brésil affiche un sourire partout même dans sa conception de la mélancolie, saudades. Au délà de l’architecture, des formes de la ville, j’ai rencontré des gens, un culture c’est donc naturellement que mes interrogations en tant qu’étudiante en architecture sont passées de la représentation, du projet, vers des questions plus centrées sur l’humain, la production du lieu de vie, le logement ou l’espace public dans le contexte actuel de la mondialisation. J’ai vu de mes yeux les effets de la mondialisation « como perversidade » mais l’esprit toujours positif du Brésil m’a poussé à m’intéresser à la mondialisation « como possibilidade », levier de possibilités. Salvador, Brésil
Retour en Europe : Ensamble Studio : Check in 9AM 19th on January 2015- Final Checkout 21PM 20th of March 2015, processus de projet et mondialisation : vernaculaire et mondialisation sont-ils des termes incompatibles ?
Pendant mes trois premières années à l’école, je m’attachais à vouloir représenter une
sensation, une perception, un instant. Grâce à des recherches plastiques je désirais communiquer ma perception de l’espace. Ainsi la matière, la texture, étaient des outils plastiques que j’utilisais de manière récurrente. Au delà du travail purement plastique cette matière devenait maquette, et par expérimentation, le processus de confection de maquette donnait naissance au projet. De la représentation, vers la maquette, mon intérêt s’est déplacé vers une notion plus matérielle. Je m’intéressais donc ensuite au parallèle entre la maquette et le projet. Peut-on utiliser le même processus de construction de maquette pour un projet? Quelle est la relation entre la matérialité 10
d’une maquette et celle du projet?
Ces préoccupations m’avaient amenées à m’intéresser au Studio Mumbaï notamment. Au sein de leur atelier, ils confectionnent des maquettes à l’échelle 1 avant toutes réalisations. Ainsi le travail de charpentiers connaissant des techniques traditionnelles millénaires, aboutit à des réalisations ancrées dans leur temps tout en étant vernaculaires car faisant appel à des savoir-faire locaux. Quelques temps plus tard, errant sur Archdaily, je découvre un article sur la maison Hermoscopium de Ensamble Studio. Fascinée par ces éléments de béton à grande échelle, je visite leur site et je comprends qu’ils tendent vers une architecture préfabriquée, je vois des prototypes en cours de réalisation. Préfabrication, maquette voilà des mots clés qui font échos à mes questionnements. Voilà pourquoi j’ai décidé de poser ma candidature pour un stage dans cette agence. Au Nord-Est de Madrid, à Las Rosas, dans ce qui pourrait être apparentée à une boîte de conserve, une dizaine de personnes s’affairent. Le responsable de l’agence, un architecte chef de projet et un architecte-ingénieur accompagnés d’une petite armée de stagiaires et de quelques salariés constituent Ensamble Studio en Espagne. Les deux architectes fondateurs, Anton Garcia Abril et Debora Mesa Molina sont à Boston. Partage d’écran, hang-out, on travaille sur la plateforme Google +, check-in/out et partage de localisation matin et soir, sans oublier le Mid check. La mondialisation : on travaille à Madrid pour un projet qui sera réalisé à Boston, dirigé par des architectes vivant à Boston. Dans ces conditions on remercie la possibilité du flux d’informations en temps réel; pas toujours puisque lorsque qu’il est 16h à Boston, il est 22h à Madrid. Hermoscopium House, Ensamble Studio, Las Rozas de Madrid
Projet CYCLOPEAN HOUSE : mondialisation et préfabrication A l’image de la maison Hermoscopium à Las Rozas qui fut partiellement pré-fabriquée et montée en quelques jours; la maison Cyclopean sera elle aussi préfabriquée mais cette fois-ci entièrement. Sept poutres «programmatiques» à l’échelle monumentale définiront par empilement l’extension en hauteur du volume déjà existant en béton. Elle sera entièrement préfabriquée à Madrid, envoyée à Boston par container pour être montée sur site. Ce projet a été conçu entre Boston et Madrid via le réseau social Google+ ponctué par les visites d’Anton Garcia au studio. Il a été construit à Valdemoro, a traversé l’Altantique dans des conteneurs puis a été livré à Boston 11
par camions. Au delà de la débauche de moyens pour la construction d’une seule maison indi-
viduelle, le projet questionne la préfabrication: elle m’est apparue comme un processus. En effet au delà de chaque élément, une séquence d’assemblage a été minutieusement étudiée. Cette technique en dehors d’avoir livrée une maison prête à habiter, propose un savoir faire. Se pose alors la question, de la préfabrication destinée à quel type de population. Si chez Ensamble Studio on est proche de l’auto mécénat, quel est le devenir de la préfabrication en réponse au besoin en logement de la classe populaire. On pense tout de suite aux « banlieues » mais la préfabrication induit-elle automatiquement le TOUT préfabriqué. Il s’agit d’explorer le préfabriqué entre le seul élément ou la ville préfabriquée. Proche dans sa technique d’utilisation de la maquette et attaché au processus, le Studio Mumbaï produit une architecture totalement vernaculaire alors que Ensamble Studio se dirige vers une «préfabrication à l’échelle mondiale» (Anton Garcia Abril). Leur point commun est le savoir-faire et l’expérimentation, n’est-ce pas un des aspects de l’architecture « vernaculaire ». Entre ces deux studios, seule l’échelle spatiale et temporelle d’action diffère. L’un a choisi l’espace et le temps local et l’autre l’espace et le temps mondial1. Si le Studio Mumbai remet en valeur la notion de temps, le temps du dessin, le temps de l’expérimentation et le temps de la réalisation, Ensamble Studio propose un modèle duplicable comme la maison Hermoscopium, avec une construction et une mise en place sur site rapide. La notion d’architecture contextualisée disparaît. Cela pose aussi la question du rôle de l’architecte si l’un propose un savoir faire, l’autre propose à terme une sorte de banque de données.
Ces différents questionnements et réfléxions m’ont amenés à m’intéresser à la ville du
futur, doit-on créer une ville contrôlée par les nouvelles technologies, dont la consommation en énergie pourrait être régulée en un simple clic? Ou bien la ville du futur est-elle un écosystème qui produit sa propre énergie et propose un mode de vie différent? Est-elle modulable, déplaçable suivant les contraintes climatiques? De même suivrons-nous le modèle de la «propriété» ou nous tournerons nous vers une économie de partage? Autant de questions qui doivent se refléter dans la production architecturale. Elle pourra s’ouvrir au marché privé en proposant la construction d’espaces partagés, non plus possédés par une personne mais par un groupe. Au delà de la création d’un concept singulier visible dans son language architectural; Ensamble Studio explore les possibilités des matériaux, teste des systèmes de préfabrication, réalise des prototypes, construit même ses propres projets comme celui de la cyclopean house. L’architecte doit-il être omniscient? La mise en oeuvre doit-elle être laissée à des artisans, ou laissée au client lui-même? Au delà de la production architecturale, il me semble que le rôle de l’architecte est aussi d’influer sur l’image de sa discipline auprès du grand public. Pour ouvrir de nouveaux marchés nous devons montrer au public ce qu’est vraiment un architecte, en somme, nous avons un rôle pédagogique afin de montrer qu’architecte n’est pas toujours synonyme de «starchitecte».
12
1 Paul Virilio, Cybermonde la politique du pire, Textuel, Paris, 1996
Introduction
Concernant notre futur il existe plusieurs hypothèses, mais voici la seule certitude, en
2050, nous compterons 150 millions de réfugiés politiques, économiques, ou climatiques. Face à une démographie galopante et aux mouvements de populations je me suis demandée quel serait le rôle des architectes. Ces 250 millions de déplacés viendront augmenter le nombre d’urbains. L’armature urbaine mondiale a déjà commencé à changer. 23 des 27 mégapoles les plus importantes au Monde se situent dans le Sud. On comprend alors que les mégapoles du Sud en expansion constante constituent une zone de peuplement clé. Quelles sont les perspectives de logements et de développement, d’épanouissement pour ces nouveaux urbains? On connaît déjà les effets de l’afflux de population dans ces grandes mégapoles : les bidonvilles. Considérés comme quartiers insalubres ou habitat spontané, ils transforment la ville. L’établissement dans le bidonville constitue le mode d’habité le plus fréquent du monde, c’est un mode de ville. La ville comme lieu d’accueil mais aussi de ségrégation, moteur économique et lieu d’insécurité, la mégacité reste un lieu de rencontre, laboratoire des modes d’habiter de demain. Entre crise du logement et crise écologique, l’architecte doit répondre aux besoins des populations. Apparu dans les années 80, le concept de développement durable permet de requestionner les façons de faire de l’architecture et de produire en général. En référence à learning from las vegas, Pierre frey publie en 2009 Learning from vernacular. Le vernaculaire est présenté comme une architecture respectueuse de l’environnement, qui remet l’humain et ses savoir-faire au coeur du processus de construction. Plus qu’une architecture pittoresque, l’évolution de l’architecture vernaculaire montre son adéquation avec la problématique actuelle de la crise écologique. Au delà du développement durable, le vernaculaire s’approche du concept d’écosophie de Félix Guattari. Il cumule l’écologie de l’environnement, l’écologie sociale et mentale fondée sur le développement humain, que Guattari nomme subjectivité. Tout comme l’écosophie, l’architecture vernaculaire s’avère être une manière de faire l’architecture effective notamment à l’ère globalisée. Loin de l’image passéiste de cette architecture, elle est un mode de production d’aujourd’hui. Elle est maintenant publiée, on peut citer par exemple l’exposition Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie-Hélène Contal. Preuve de l’efficience de l’architecture vernaculaire d’aujourd’hui, les réalisations de Carin Smuts. Je les qualifierai de totalement écosophiques car intégrées aux réseaux sociaux et économiques à l’échelle du quartier. Au vu de la globalisation de notre société et de l’importance de la ville, je m’intéresse aux possibilités d’étendre la manière vernaculaire à plus grande échelle. Teddy Cruz en fait l’expérience dans la zone frontalière entre San Diego et Tijuana. L’architecte sait observer les mouvements de population et de matières qui façonnent la zone et son architecture. Plus que l’espace, l’architecte ré-invente une politique de la ville fondée sur le développement humain. La mise en oeuvre de ces politiques est une étape essentielle à l’opérationnalisation de la logique vernaculaire. Ainsi architecture et politiques de développement sont à mes yeux complètement liées. Aujourd’hui la vision occidentale du développement qui fut adaptée au Sud, la good gouver15 nance a révélé ses limites. C’est depuis 1999 que le PGU (programme de gestion urbain) cite la
gouvernance urbaine participative comme faisant partie de ses objectifs. Elle sert une stratégie de développement économique, de solidarité sociale et de participation politique. Cette méthode s’adapte à la ville dans laquelle elle s’implante, elle connaît son gouvernement et sa population. C’est une manière de «faire avec la ville» promulguant la concertation avec les habitants et les méthodes collaboratives. Pour promouvoir le genre vernaculaire à l’échelle de la ville il doit être appuyé par une volonté, un programme politique. Proche de la société civile, le modèle de développement promut par la gouvernance urbaine semble adapté à un modèle vernaculaire urbain. L’alliance entre les mouvements sociaux urbains, les gouvernements locaux ainsi que le secteur privé dans le cadre de la gouvernance urbaine permettent de conforter l’utilisation de la logique vernaculaire dans le développement de la ville. L’image du pavillon pittoresque rural semble infirmer la thèse mais les premières villes étaient bien vernaculaires. Il est à nouveau question d’échelle. Les villes d’hier rassemblaient moins d’âmes. Aujourd’hui elles deviennent tentaculaires mais elles restent toujours synonymes d’une vie meilleure. Le défi démographique est de taille mais nous disposons aujourd’hui d’outils technologiques. Si questionner le genre vernaculaire en pleine crise écologique paraît normal, le genre vernaculaire peut-il être connecté? La Smart City désigne une ville utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour « améliorer » la qualité des services urbains ou encore réduire ses coûts. Ce concept émergent désigne un type de développement urbain apte à répondre à l’évolution des besoins des institutions, des entreprises et des citoyens, tant sur le plan économique, social, qu’environnemental. Il existe plusieurs types de Smart City certaines déjà existantes. Si dans leur matérialisation elles semblent éloignées d’une future ville vernaculaire «connectée», le concept de la Smart City est tout à fait proche de l’idée d’écosophie. Le vernaculaire urbain s’appuie sur la gouvernance urbaine, pratique collaborative au sein de laquelle l’architecte peut avoir un rôle de médiateur entre société civile, gouvernement local et secteur privé. Lancer un mouvement participatif c’est avant tout pour moi se réunir, lors d’événements. C’est aujourd’hui une des utilisations des hautes technologies accessibles à tous, comme les réseaux sociaux. Si certains mouvement en lien avec la crise écologique comme les villes en transition restent le domaine des classes supérieures, il semble que ces technologies accessibles à tous inter classes sociales et intergénérationnelles soient de vrais outils démocratiques. S’appuyant sur des technologies déjà accessibles au plus grand nombre, la ville vernaculaire «connectée» semble plus opérationnelle à moyen terme que la smart city faisant appel à de hautes technologies moins répandues et plus coûteuses L’opérationnalisation du vernaculaire urbain repose sur la disponibilité en main d’oeuvre, une volonté politique et la mise en réseaux des ressources et des acteurs du projet. Les réseaux sociaux sont déjà des plateformes collaboratives. Ces réseaux peuvent donc être des lieux de conception de l’architecture. On pourra prendre en exemple Marc Kushner qui utilise ces réseaux pour faire entrer des projets encore pas construits dans la mémoire collective. Si l’on sort de l’échelle locale, les nouvelles technologies sont l’occasion de partager des expériences d’architectures vernaculaires mais aussi de proposer des architectures en open source. On citera par exemple la wiki house de Alaistair Parvin et la plateforme d’inteligencias collectivas. Penser à un vernaculaire urbain «connecté» c’est repenser le rôle de l’architecte, non plus seulement comme un artiste ou un constructeur mais comme un médiateur. Pour pouvoir endosser ce rôle il semble important de communiquer sur la profession d’architecte souvent mal connue du public et de 16
promouvoir un droit aux architectes.
I - Vernaculaire et permanence
2050, 250 millions de réfugiés
J’ai eu l’occasion de lire le rapport de la CIA, rapport publié pour le public et préfacé par
Christopher Adler. Au programme une lecture du monde en 2020, différentes hypothèses sont présentées à Georges W. Bush. Plusieurs mondes possibles sont présentés avec une certitude: en 2050, nous compterons 150 millions de réfugiés politiques, économiques, ou climatiques. 250 millions de déplacés, mais pour aller où? D’après UN-Habitat global report on human settlements 2009, en 2050 nous serons essentiellement des urbains. Face à cet afflux de population la ville se transforme et voit souvent naître des bidonvilles. L’établissement en bidonville est un mode de ville, les bidonvilles sont des morceaux de villes vernaculaires, car construit par une main d’oeuvre locale, avec les ressources locales disponibles. Il est une étape d’installation dans la ville pour les arrivants, cette étape est-elle obligatoire? Doiton la supprimer? Le bidonville doit-il être régularisé, rasé, ou augmenté? C’est-à-dire amélioré?
2050 2050 000 000
19
1 - Civilisation urbaine En 1950, le monde comptait 86 villes de plus d’un million d’habitants; aujourd’hui, on en dénombre 400, et en 2015 il y en aura au moins 550.1 La quasi totalité de la croissance démographique mondiale (pic de 10 milliards d’habitants en 2050) concernera les villes.2 95 % de cette augmentation de la population se tiendra dans les zones urbaines des pays en voie de développement, dont la population sera doublée pour s’élever à 4 milliards durant la prochaine génération.3
Proportions des urbains et ruraux dans le monde de 1950 à 2050
La majorité de la population mondiale vit dans des aires urbaines depuis 2007
7000 6000
Population (millions)
5000 4000 3000 2000 1000
Urbains
20 50
20 40
20 30
20 20
20 10
20 00
19 90
19 80
19 70
19 60
19 50
Ruraux
World urbanization prospect, 2014
1 Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, perspectives de l’urbanisation mondiale. Révision 2001, New York, 2002 2 Wolfgang Luts, Warren Sanderson et Sergei Scherbov, « Doubling of World Population Un likely», Nature,n°387, 1997 p803 20 3 ONU-Habitat, Base de données des indicateurs urbains, 2002.
Proportion des urbains et ruraux par continent de 1950 à 2050
Si l’urbanisation a gagné du terrain sur la plupart des continents, l’Afrique et l’Asie reste majoritairement rurales.
Afrique
100
Asie
Europe
Proportion totale de population (%)
90 80 70 60 50 40 30 20 10 2030
2050
2030
2050
2010
1990
1970
1950
2050
2030
2010
Amérique du Nord
Amérique Latine Caraïbes
100
1990
1970
1950
2050
2030
2010
1990
1970
1950
0
Océanie
70 60 50 40 30 20 10 2010
1990
1970
1950
2050
2030
2010
1990
1970
1950
2050
2030
2010
1990
0 1950
Ruraux
80
1970
Urbains
Proportion totale de population (%)
90
World urbanization prospect, 2014
Depuis 2007, nous sommes donc entrés dans une ère urbaine. Après la révolution industrielle, quels changements vont marquer notre civilisation dans sa manière d’habiter ? Cette augmentation du taux des urbains ne créé pas de nouvelles villes (sinon une ville parallèle) mais vient se greffer aux villes existantes, rassemblant toujours plus d’âmes dans un même lieu. Nous sommes donc amenés à vivre dans des villes tentaculaires. 21
2 - Mégacités, métacités et connectivité Armature urbaine mondiale en évolution On assiste à une multiplication de mégapoles de plus de 8 millions d’habitants et des hypervilles de plus de 20 millions d’habitants. En 2000, d’après la Division de la population de l’ONU, seule l’agglomération de Tokyo dépassait ce seuil. La Far Eastern Economic Review estime qu’en 2025 l’Asie comptera dix ou onze hypervilles dont, Jakarta (24,9 millions d’habitants), Dacca (25 million), Karachi (26,5 millions), Shangaï (27 millions), Bombay (33 millions). En tant qu’ Européenne ce fût un choc de découvrir ces villes brésiliennes déjà sans limite comparées à notre capitale française. Il paraît presque impossible d’imaginer l’immensité de ces hypervilles. Armature urbaine mondiale: mégacités et mégapoles
La majorité des mégacités sont situées au Sud du Monde
Mégacités 10 millions d’habitants ou plus Mégapoles entre 5 et 10 millions d’habitants Limite Pays du Nord/ Pays du Sud
World urbanization prospect, 2014
22
Connectography Connectivity and geography, sont aux yeux de Parag Khanna, géographe, les deux paramètres clés pour repenser notre monde, bassin des flux numériques. La connectography serait à même de mieux représenter notre monde et ses interrelations et tensions sous-jacentes. Ainsi il privilégie une géographie fonctionnelle plutôt que politique. La connectivité remplace les murs et les frontières, elle permet de comprendre le mécanisme de la métacité. «Connectivity is opportinuty»1 Les mégacités avant considérées comme des lieux de concentrations de problèmes à l’origine notamment de pollutions en tous genres, deviennent des lieux d’enjeu d’où émanent le solutions pour un mode de vie durable. Connectées, les villes s’entraident et apprennent de leur expériences. «In a global network civilisation, in a megaticity world’s, country can be suburbs of cities.»2 Plus qu’ un lieu d’absorption de population, la ville apparaît comme lieu de tous les enjeux du 21ième siècle.
Réseau mondial de villes
1 Parag Khanna, Connectography: Mapping the Future of Global Civilization, Random House Publishing Group, 2016 23 2 Parag Khanna:Mapping the future of countries, Ted Talks, TEDGlobal 2009
Les lumières de la ville Ces villes du tiers monde en explosion démographique créent de nouveaux réseaux, se connectent entre elles pour former de nouveaux territoires comme la «Région métropolitaine étendue de Rio - Sao Paulo». Elle deviennent des lieux de pouvoirs, garantes du dynamisme économique de toute une région ou bien d’un pays. Les villes sont aujourd’hui des acteurs de grande importance dans le réseau mondial. Leur puissance financière en font un terrain d’expérimentations et d’innovations. PIB New York = PIB Australie PIB Los Angeles = PIB Hollande PIB Chicago = PIB Suisse PIB Seattle = PIB Israël Les relations entre le rural et l’urbain ne peuvent se réduire au simple exode rural. La démographie galopante et les défis écologiques tendent à complexifier ses interrelations ainsi que la définition même du rural et de l’urbain. Ils y a ceux qui migrent vers la ville en quête d’un travail, d’une vie meilleure. Parfois c’est la ville qui vient à eux car elle connaît une croissance exponentielle. Parfois même, les villages qui se villéifient. Ce sont les «desakotas», villages urbains, considérés soit comme une sorte de paysage transitoire ou bien comme une nouvelle forme d’urbanisme.
La ville Elle subit des pressions démographiques Elle est le théâtre de tensions politiques. Elle ségrège racialement et socialement Elle accueille et nous rassemble Elle s’illumine à la nuit tombée Elle raisonne des bruits du trafic Elle est battue par la pluie Elle traverse les fleuves Elle est une impasse, une ruelle, un rue, un boulevard, un pont Elle est pollutions, crimes, mobilités.
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On peut la parcourir, l’arpenter, la traverser, la surplomber, y rester. De tous temps la Ville est l’image de notre société. Parfois effrayante, souvent fascinante, la ville, sorte de chaos organisé abrite les individus, et leur désirs. Vécue comme un lieu où les ségrégations de tous types sont les plus visibles, la ville est aussi le lieu de toutes les opportunités. La ville est ce qu’on fait d’elle. Et nous faisons la ville. La ville est construite, elle est formelle et symbolique. Mais la ville c’est aussi ses passants, l’occupation de ses espaces publics, ou des ruelles vides mal éclairées. Le mystère de la ville c’est de pouvoir fonctionner, nous rassembler tous avec des trajectoires individuelles et des désirs si différents. Je ne partage pas la vision apocalyptique de la ville viciée fabriquant des êtres individualistes. Si la ville est une des principales causes de la crise écologique, c’est aussi un lieu d’innovation qui s’empare des problématiques actuelles. Alors quelle sera la ville de demain? La ville est le réseau. Le réseau d’infrastructures, de transports, d’assainissement, numérique. Cette ville numérique nous-a-t-elle désensibilisée à l’espace physique du tissu ubain? Les lumières de la ville attirent, perspectives d’emploi, d’accés aux services. Seulement, aucune ville si immense soit-elle, n’est préparée à accueillir autant de population en un labs de temps si court. Aujourd’hui, nous avons deux villes, l’une formelle, l’autre informelle, qui se jaugent, se juxtaposent, se chevauchent ou s’enchevêtrent. Chaque ville développe ses propres modes de vie, ses solutions. La ville informelle est-elle une étape avant l’installation dans la ville formelle? La ville informelle va-t-elle contaminer la ville formelle? La ville informelle doit-elle être régularisée ou rasée? Les lumières de la ville
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3 - Bidonvilles, « mode de ville »
Comme rattrapées par la ville, ces zones ni urbaines, ni rurales pourraient constituer
notamment en Asie un type d’’implantation très répandu, alors qu’en Amérique du Sud l’établissement dans les bidonvilles resterait le plus courant. Ces mégapoles et mégacités du Sud voient augmenter leur population, celles-ci souvent absorbées par des bidonvilles urbains ou en périphérie. L’établissement en bidonville, bien que spontané, marque la ville et la transforme.
Fantasme de l’architecte : le bidonville vernaculaire L’imaginaire du bidonville est marqué par des formes, des matières, des couleurs différentes. Ils sont sous les tropiques, ou accrochés à des reliefs escarpés. Du à sa situation marginale, il a développé un réseau de proximité fort pour améliorer la survie de ses habitants, il ne dort jamais. Quoi de plus plaisant pour les architectes. On peut se perdre dans ses ruelles , vraie balade architecturale, où on se prendrait presque à admirer la moisissure. Lorsque qu’on visite des favelas on n’est jamais loin de la promenade antropologiste. Dans une mégapole comme Rio, à deux pas Projet de MVRDV pour un nouveau quartier d’habitations
Bidonvilles de Caracas
à Liuzhou en Chine
du centre ville, un des centres névralgique de l’économie et de la politique brésilienne, on pénètre dans la favela do Morro da Providenca comme dans les ruines de Petra en Jordanie. Bidonvilles et vernaculaire deux modes de production de la ville à deux époques très éloignées qui peuvent être formellement proches. On pourrait être tenté d’appeler les bidonvilles architectures vernaculaires, mais le nouveau vernaculaire est démocratique, les bidonvilles sont la marque de la ségrégation sociale et spatiale du territoire urbain. De Rio à Bangkok le bidonville s’impose comme le principal mode d’établissement humain de notre siècle. Il a plusieurs visages, souvent séduisants, quartier recyclé, habitat spontané. Il reste la matérialisation du non-choix, quartiers colorés et vivants, lieux d’interactions subies. Pour mieux comprendre la naissance des bidon26
villes, leurs caractéristiques, ainsi que leur dynamique d’évolution, je m’appuierai sur le rapport de ONU-Habitat, Challenge of Slums publié en 2003.
Origine et caractéristiques des bidonvilles : morceaux de ville à l’abandon «Les résidents des bidonvilles ne représentent que 6% de la population urbaine des pays développés, mais, proportion ahurrisante, 78,2% des urbains des pays les moins développés - c’est-àdire les deux tiers de la population urbaine mondiale.»1 Les plus importantes populations vivant en bidonvilles par pays
Les bidonvilles sont souvent prédominants dans les villes du Sud
Chine Inde Brésil Nigéria Pakistan Bangladesh Indonésie Iran Philippines Turquie Mexique Corée du Sud Pérou États-Unis Égypte Argentine Tanzanie Éthiopie Soudan Vietnam
Part de la population urbaine vivant en bidonvilles (en%)
Population des bidonvilles (en millions)
37,8 55,5
193,8 158,4
36,6 79,2 73,6 84,7 23,1 44,2 44,4 42,6 19,6 37,0 68,1 5,8 39,9 33,1 92,1 99,4 85,7 47,4
51,7 41,6 35,6 30,4 20,9 20,4 20,1 19,1 14,7 14,2 13,0 12,8 11,8 11,0 11,0 10,2 10,1 9,2
UN-Habitat, Challengo of slums , 2003
Dans la plupart des cas étudiés par ONU-Habitat, les bidonvilles naissent d’une expansion de la population urbaine de quatre natures différentes: - exode rural - croissance naturelle - combinaison de croissance naturelle et migration - déplacement de population suite à un conflit armé ou violence Je m’interesserai plutôt au mode de ville créé par les bidonvilles. En s’établissant de manière spontané, les bidonvilles transforment les mégacités dans lesquelles ils s’installent. Malgré une augmentation sans précédent du nombre de bidonvillois dans le monde depuis les années 1970, aucune étude n’a été produite sur l’implantation des pauvres dans les pays du Tiers Monde.
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1 Mike Davis, le pire des mondes possibles, de l’explosion urbaine au bidonville global, La Découverte Paris, 2006
Il a fallu attendre la publication du rapport The challenge of Slums en 2003 par le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat). Si plusieurs rapports avaient été publiés à propos du changement climatique Challenge of Slums est un premier avertissement sur le défi mondial de la pauvreté urbaine. Les cinq critères des Nations Unies définissant un bidonville sont les suivants : - Manque d’accès à l’eau ; - Manque d’accès à l’assainissement et aux infrastructures ; - Manque de qualité structurelle des logements ; - Surpopulation ; - Statut résidentiel incertain. Si ces caractéristiques peuvent tenir lieu de définition, la nature des établissements humains considérés comme bidonvilles varient. Les caractéristiques les plus utilisées pour les définir sont l’utilisation de matériel de faible qualité pour leur construction ainsi que l’illégalité dans l’occupation des terres. Ces caractéristiques n’intégrent pas l’aspect social mais dans la pluspart des cas l’établissement dans les bidonvilles s’accompagne d’une marginalité économique et sociale.Cependant, l’ONU a pu dresser un profil sociaux-économiques des slums grâce aux différentes études de cas:1 Variations concernant la définition des bidonvilles
Critères récurents: matériel de construction de faible qualité et illégalité
Indéfini Matériaux de construction Abidjan
Santé Services Caractère Légalité de la Légalité Infrastructures Surpopulation temporaire construction du terrain hygiène basiques
X X
Ahmenabad
X
X
Barcelona Beirut
X X
X
X
Bangkok
Pauvreté Faible Environnement revenu
X
Cairo
X X
X
X
X
X
X
X
X X X X X
Colombo Durban Havana Ibadan
X X
X X
Jakarta
X X
Kolkata Los Angeles
X
X
Manila
X
X X
X
X
X
X X X
X
X
X X
Nairobi
X
X
X X X
X
Phnom Penh
X
Quito Rabat-Salé
X
Rio de Janeiro
X X
São Paulo Sydney
X X
X X X
Lusaka
Newark
X X X
X X
Karachi
Naples
X
X
Chengdu
Moscow
Violence
X X
Bogota
Mexico City
Densité
X
X X X X
X
X
X
X
X X
X
UN-Habitat, Challengo of slums , 2003 28
1 ONU- Habitat, The Challenge of Slums: Global Rreport on Human Settlements 2003, Londres
Dynamique socio-économique des bidonvilles : expression de la pauvreté urbaine Selon les études de cas, les populations des bidonvilles ont tendance à avoir de faibles revenus moyens, des niveaux élevés de chômage et un niveau d’éducation relativement faible. En conséquence, les habitants sont souvent stigmatisés, augmentant la discrimination sociale. L’isolement urbain, les difficultés d’accès aux infrastructures et l’indice généralement plus élevé de violence et de criminalité créent des modèles de zones urbaines défavorisées où les habitants, malgré leurs différences, cherchent des intérêts communs sur la base de leurs besoins essentiels qu’ils peinent à satisfaire. Les dynamiques de croissance et de déclin des bidonvilles sont étroitement liés aux variations du niveau de pauvreté et de l’économie rurale et urbaine. Plus de la moitié des cas étudiés signalent que la formation des bidonvilles continuera. Parmi les villes faisant partie des cas d’étude, celles présentant les pires conditions d’établissement et les zones de bidonvilles les plus étendues présentent plusieurs points communs: - elles sont touchées par une importante croissance urbaine depuis une longue période, sans que celle-ci soit entravée par une quelconque politique de régulation urbaine nationale. Elles sont marquées par l’absence de politique urbaine publique de régulation à l’échelle de la ville. - Les interventions urbaines pour faire face à la problématique des bidonvilles sont souvent déclenchées par des facteurs externes, tels que la spéculation, le sentiment d’insécurité des plus riches. Elles sont souvent «curatives» plutôt que préventives, réactives plutôt proactives. - l’absence ou la défaillance des mécanismes de coordination fixant les rôles des différents niveaux de gouvernement amènent des problèmes de gouvernance comme la duplication ou le chevauchement des compétences, la décentralisation des questions problématiques et une confusion générale concernant les directions de développement à suivre. - Dès lors, les bidonvilles et les problèmes qui y sont associés, s’accroissent au delà des capacités locales au point que les bidonvilles deviennent «un problème inévitable qui ne peut pas être traité au niveau local.» Dans la pratique, ces zones deviennent le résultat d’un processus d’urbanisation spontané non-influencé par la réglementation des autorités - Les mesures urbaines efficaces (soient les politiques de développement et de régularisations spatiales sont inexistantes pour traiter le problème. Les villes ayant menées à bien les problématiques urbaines liées aux logements, ont fait de la mise en place des politiques «pro-pauvres» le point de départ de leurs interventions. Ces villes ont souvent adopté des politiques urbaines et socio-économiques sur plusieurs générations, en analysant les effets de celles-ci notamment au niveau macro.
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Bien que ce qui précède semble indiquer que l’application de ces politiques apporte des résultats tangibles, il convient de noter que les problèmes de taudis et de pauvreté n’ont pas nécessairement disparus. Cependant, ceci ne suggère pas que ces améliorations urbaines sont inutiles. Au contraire, cela indique que les politiques urbaines peuvent être efficaces. Néanmoins, elles doivent être mise en oeuvre dans un contexte plus large, urbain-régional, et au niveau macro socio-économique. En effet, il est illusoire de penser que les politiques au niveau local seules pourraient endiguer le problème.
Impacts des politiques et perspectives de développement Les études de cas indiquent clairement que le monde a largement commencé à réaliser que les expulsions forcées et l’élimination des taudis ne sont pas des options réalistes. Les grands programmes de rénovation urbaine, de régularisation des bidonvilles attirent de plus en plus l’attention des gestionnaires de la ville à travers le monde. Les réformes administratives et la réduction de la corruption permettent la mise en oeuvre des politiques sociales en faveur des plus pauvres apportant des résultats significatifs en matière de logement social, de transport, d’éducation et de participation du public. Cependant, dans de nombreuses villes en développement, la pénurie de logement est énorme, alors que les populations urbaines continuent de croître et les systèmes de livraison de logements actuels sont insuffisants pour répondre à la demande.1 Les expériences de plusieurs villes indiquent l’efficacité des politiques globales à l’échelle de la ville portant sur l’environnement, la régularisation des terrains annexés, la réduction de la pauvreté urbaine et les partenariats avec le secteur privé, les ONG et les communautés. Les études de cas montrent, en outre, la nécessité de combiner ces actions avec une véritable décentralisation et l’autonomisation des collectivités locales. L’autorité et les ressources doivent être décentralisées au niveau des gouvernements, permettant la participation active de la société civile et des gestionnaires de la ville dans l’établissement des priorités locales, des prises de décision et de la participation communautaire. Toutefois, si ces processus veulent être réellement efficaces, ils doivent s’accompagner d’un ingrédient crucial, la volonté politique. Les municipalités ne pourront faire face aux problèmes des bidonvilles si elles ne reconnaissent pas clairement leur relation avec la pauvreté urbaine. De plus, s’il n’y a pas de politiques cohérentes à l’échelle de la ville pour guider les interventions, quelques soient les actions entreprises, elles seront inévitablement inefficaces sur le long terme. De la même façon, des politiques urbaines nationales sont inefficaces isolées de leur contexte local et international. Cette réflexion pourrait conduire à clarifier et cadrer les rôles de chaque niveau de gouvernement, ayant pour objectif la décentralisation, trop souvent utilisée comme excuse pour déléguer les difficultés à un échelon inférieur.
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1 ONU- Habitat, The Challenge of Slums: Global Rreport on Human Settlements 2003, Londres
En outre, pour aider à équilibrer la distribution géographique de l’urbanisation, un ensemble national de politiques urbaines solides est indispensable. Le but de ces politiques serait de développer une hiérarchie urbaine nationale équilibrée afin de mieux répartir la croissance urbaine, résultante de la croissance naturelle et de l’exode rural, tout en empêchant d’ inutile duplication des fonctions. La ville, comme le principal lieu des prises de décisions économiques et politiques au niveau local, national et - de plus en plus - au niveau international, ne peut se permettre d’ignorer l’ensemble du système des relations. 2
Bidonvilles(S) À l’ère de la civilisation urbaine et des déplacements, l’établissement en bidonvilles est un catalyseur de la transformation des villes. On dénombre environs 200 000 bidonvilles sur la planète comptant de quelques centaines jusqu’à plus d’un million d’habitants. On parle même de mégabidonvilles qui fusionnent entres eux pour créer des couloirs de pauvreté et d’habitat spontané. Les métropoles deviennent des mégapoles et les mégapoles des mégacités, sans parler des hypervilles asiatiques. La majorité de la population urbaine pauvre ne vit plus dans les centres villes. Depuis les années 70, ce sont les bidonvilles des périphéries des villes du tiers monde qui ont absorbé la croissance urbaine mondiale: c’est l’«horizontalisation» 3 des villes pauvres. Il existe cependant des bidonvilles en plein coeur des centres des mégacités, construit dans les lieux les plus inhospitaliers, les plus pollués, les plus inconstructibles.Il n’est pas rare que des logements soient squatés de manière isolée, mais parfois il peut s’agir d’un immeuble entier. Il n’existe donc pas UN bidonville, mais bien DES bidonvilles pour des modes de ville.
vieux («récupérés») appartements Formels (légaux)
construits pour les pauvres
logements publics hôtels, asiles de nuit, etc.
Bidonvilles du centre métropolitain
squats Informels (illégaux)
construction de fortune à la rue
2 ONU- Habitat, The Challenge of Slums: Global Rreport on Human Settlements 2003, Londres 3 Mike Davis, le pire des mondes possibles, de l’explosion urbaine au bidonville global, La Découverte 31 Paris, 2006
Rocinha,
Rio de Janeiro, BrĂŠsil
143,72 ha Entre 150 000 et 300 000 habitants
Rocinha
200m
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Torre de David
Torre David, Caracas, Venezuela région métropolitaine : 5 millions d’habitants La tour abrite plus de 750 familles
33
CitĂŠ des morts, Bal al Nasr, Le caire, Egypte 32 ha Entre 50 000 et 100 000 habitants
Bal al Nasr
34 200m
Synthèse
Notre civilisation est désormais urbaine. les villes absorbent un flux démographique important entraînant une transformation de ses espaces. Si la ville attire par ses opportunités, elle est aussi un lieu de concentration des problèmes. Ainsi le bidonville reste un des modes d’habitat le plus fréquent au monde. Considéré comme habitat spontané vernaculaire ou zone symptomatique des crises qui traversent nos sociétés, le bidonville interroge par son mode de production. Usant des matériaux et de la main d’oeuvre locale, la création de bidonville reste ancrée dans une manière de faire subie, une construction collaborative forcée. Le bidonville est une zone marquée par l’absence de politiques de la ville effectives, un abandon du gouvernement local au profit des associations. Il ne s’agit pas d’éradiquer le bidonville mais de le régulariser comme préconisé dans Challenge of Slums de ONU-Habitat. Les outils de la régularisation seront la décentralisation et la coordination des différents niveaux de gouvernement pour une meilleure répartition de la croissance urbaine.
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II - Vernaculaire Durable
De la cité antique au bidonville, le vernaculaire s’impose, mode de conception choisi et innovant, ou art de la débrouille subie au 21ième siècle. Le vernaculaire s’est inscrit dans l’histoire de la construction de nos logements et de nos villes. Il revient aujourd’hui au devant de la scène dans une période troublée de crise écologique et peut-être de quête de sens. Le vernaculaire devient synonyme de durable.
VERNACULAIRE - vernaculus - de la maison, domestique, indigène
ECO - οïκος - maison, lien domestique, habitat, milieu naturel
Du pastiche à la manière de faire, le vernaculaire s’avère une méthodologie de conception en prise directe avec le contexte actuel de crise écologique, et le désir de repenser nos façons de vivre et de construire notre environnement. Le vernaculaire n’est pas uniquement durable au sens écologique, il répond à la logique écosophique, écologie mentale, sociale et environnementale. C’est une façon de faire qui permet de créer une vrai écosystème spatial et humain, que l’on pourrait qualifier d’écosophie de projet.
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1 - La perception du vernaculaire
Au travers de l’Histoire, le vernaculaire révèle des aspects différents. Grâce à l’analyse
de différents moments ou ouvrages, lui faisant référence, je m’attacherai à démontrer dans cette partie que le vernaculaire est plus qu’une typologie architecturale. Comme questionné à différents moments de l’histoire, par une société en évolution, le vernaculaire va se transfigurer pour devenir un processus «com-préhensif»1, une manière de faire. Manière vient du latin manuarius qui signifie « que l’on tient en main »2. Mon but est de montrer que le vernaculaire est bien une logique d’action qui peut permettre de pratiquer l’architecture autrement. Pour mieux appréhender le vernaculaire comme un mode d’action, je le définirai comme un genre. Loin d’évoquer la notion de sexe, le genre se référe à la manière, il définit une discipline, une logique d’action. Exposition universelle de Paris : vernaculaire du divertissement La première représentation du vernaculaire que j’ai décidé de vous présenter date de l’époque coloniale. Les Expositions universelles sont apparues au XIX ième siècle en Europe puis en Amérique du nord. Elles sont autant de manifestations destinées à montrer la puissance et la grandeur du pays hôte. C’est l’occasion pour chaque État de montrer ses savoir-faire, et pour les puissances coloniales c’est aussi le moyen de faire connaître aux métropolitains les pays annexés par leur État. Elles étaient une vitrine pour les innovations techniques, industrielles et artistiques des pays industrialisés mais aussi parfois le témoignage de tensions politiques3. Au cours des différentes Expositions Universelles qui se sont déroulées à Paris on ne compte plus les pastiches d’achitecture russe, comme les datchas, ou suisse, des chalets. Les bords de Seine étaient transformés en parc pittoresque pour la bourgeoisie française. Si certaines architectures étaient en tout point identique à l’architecture autoctone qu’elles cherchaient à imiter, ce n’étaient pas toujours le cas. Certains architectes , parfois français ont tenté de reproduire des architectures vernaculaires, qui n’était qu’en fait que la transposition d’idées romantiques. Le vernaculaire était alors associé au loisir, au divertissement, premiers aperçus, souvent imprécis de savoir-faire exotiques.
1 Buckminster Fuller, Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial « Terre », L. Muller publisher, 1969 2 Jacques Rancière, Le Maître ignorant, Fayard, 1987 3 Annaëlle Bouyer, Exotisme et commerce: les «villages noirs» dans les expositions françaises (188938 1937) , Centre de Recherches Africaines, Université de Paris 1
Au mieux le vernaculaire matérialise une vision onirique d’un pays ou d’un certain mode de vie. Au pire, il singe des pratiques et tourne un peuple et une culture au ridicule. C’est lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1889 qu’un « village nègre » de quatre-cents indigènes, est érigé en attraction. En pleine époque coloniale, ce pavillon a un but dit «encyclopédique» et d’intégration de la colonie dans l’imaginaire du français métropolitain. Regroupés autours d’une mosquée, on trouve des bâtiments représentant des édifices africains, autour, des habitations permettent de reproduire des scènes de vie quotidienne. « dans les arrières-rues des villages, derrière le sublime raffinement des pagodes et des palais (...) les ingénieux Français ont installé des colonies sauvages qu’ils tentent de civiliser. Il s’agit de pièces authentiques qui, soyez en certain, vivent, travaillent et s’amusent exactement comme elles le font avec leur famille dans leur propre pays. »4
Ici un zoo pour colonialiste, les expériences d’architectures vernaculaires se révèlent bien souvent être des simulacres d’architectures, plus proches du lieu de divertissement en carton pâte que de la valorisation d’une culture ou d’un savoir-faire.
Pavillon algérien, Exposition universelle de Paris 1889
39 4 Pallmall Gazette, 1889.
Un catalogue de formes et de techniques : vernaculaire typologique En 1964, à New York fut présentée l’exposition Architecture without architects: a short introduction to Non-Pedigreed Architecture, par Bernard Rudofsky. Il présente un catalogue d’architectures, à l’aide de plans, de photographies. Cette architecture vernaculaire vient d’Europe centrale, de Méditerranée, d’Asie du Sud ou de l’Est. Elle est parfois primitive, mais aussi sculptée dont le parfait exemple sont les habitations troglodytes. On peut y observer l’architecture des nomades, des maisons mobiles, maisons sur roues, des péniches et des tentes ou encore des architectures dites proto-industrielles comme les moulins à vent.1 On a longtemps oublié l’architecture vernaculaire car il reste peu de monuments anciens élaborés avec ces techniques. Cette «manière de faire» a perduré essentiellement pour les habitations traditionnelles et souvent pauvres. Ainsi cette architecture, qui n’était pas considérée comme noble, a été oubliée dans l’évolution de l’architecture. Ce vernaculaire du quotidien, a été perdu de vue ce qui est compréhensible. De la même façon les bâtiments institutionnels, les monuments ont longtemps été véhiculés comme des modèles, jusqu’au 19ième siècle par exemple le modèle de la gare, de l’hôtel de ville. Aujourd’hui il semblerait absurde d’utiliser ces modèles. Cependant il semble que l’architecture des habitations vernaculaires redevenienne une source de connaisssance et d’inspiration. « Architecture Without Architects attempts to break down our narrow concepts of the art of building by introducing the unfamiliar world of nonpedigreed architecture. It is so little known that we don’t even have a name for it. For want of a generic label. we shall call it vernacular. anonymous. spontaneous. indigenous. rural, as the case may be.»1 La vision que l’on a de ce type d’architecture est déformée par notre manque de connaissance. Les quelques informations dont on dispose sont effectivement liées à des découvertes d’archéologues au hasard, cette exposition est une manière de «se libérer du monde étroit de l’architecture officielle et commerciale»1 A travers cette exposition, Bernard Rudofski désire présenter l’architecture comme une «entreprise commune». Il cite d’ailleurs l’architecte américain Pietro Belluschi qui definit l’architecture «commune» comme: «a communal art, not produced by a few intellectuals or specialists but by the spontaneous and continuing activity of a whole people with a common heritage, acting under a community of experience.»1 Pietro Belluschi apparente ainsi l’architecture vernaculaire, à un «héritage commun» véhiculé continuellement et spontanément par la population qui a bénéficié de cette «culture» ou connaissance. «There is much to learn from architecture before it became an expert’s art. The untutored builders in space and time-the protagonists of this show-demonstrate an admirable talent for fitting their buildings into the natural surroundings. Instead of trying to «conquer» nature, as we do, they welcome the vagaries of climate and the challenge of topography.»1 Bernard Rudofsky met à
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1 Bernard Rudosfski, Architecture without architects: a short introduction to Non-Pedigreed Architecture, New York, 1964
l’honneur les constructeurs anonymes qui ont réalisé ces architectures vernaculaires. Attentifs au climat, à l’écoute de l’environnement qui les entouraient, ils ont su s’installer dans les sites les plus difficiles. Comme si la construction durable avait été innée chez eux. On comprend aisément pourquoi en pleine crise écologique l’architecture vernaculaire est apparue comme une solution possible. «The present exhibition is a preview of a book on the subject, the vehicle of the idea that the philosophy and know-how of the anonymous builders presents the largest untapped source of architectural inspiration for industrial man.»2 Dans chacune des photographies, on ressent clairement la matérialité du lieu, et sa puissance sur l’architecture et les techniques mise en oeuvre pour la réaliser. Les représentations graphiques rappellent un relevé presque archéologique, figé. Les lieux de ces architectures vernaculaires paraissent presque fictifs, comme des mondes passés et donc immobiles. Bernard Rudofsky ne semble pas présenter des lieux en évolution. Le rôle de l’architecte s’apparente à celui de l’archéologue, comment transposer une architecture et une technique de mise en oeuvre du passé au présent? Rudofski reconnaît le rôle de la culture dans l’élaboration de cette architecture. Il remet à l’honneur un glorieux passé, signale que ces techniques peuvent être une mine d’informations pour les «hommes industrialisés» mais il ne requestionne pas ce savoir au filtre de son époque. Planches de l’exposition Architecture without architects, Bernard Rudofski
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1 Bernard Rudosfski, Architecture without architects: a short introduction to Non-Pedigreed Architecture, New York, 1964
Le vernaculaire est un objet, un objet d’étude presque archéologique. L’architecture autochnone est magnifiée presque sacralisée. Ces architectures «parfaites» semblent vouées à disparaître, et Bernard Rudofsky évoque les techniques de constructions perdues qui sont à l’origine de ces architectures. Je vois dans cette manière de présenter l’architecture vernaculaire un certain romantisme, une nostalgie d’un savoir-faire perdu. L’objet vernaculaire incarnerait un désir d’exotisme parfois même une vision romantique de la pauvreté. Bien entendu cette notion de vernaculaire devient plus «compréhensive» que celle mise en l’oeuvre lors des expositions universelles. Cependant elle n’est jamais mise en perspective dans le temps. Bernard Rudofsky met à l’honneur, une architecture, une culture non pas fantasmée mais analysée.Rudofsky décrit la typologie du logement, et non du monument. Le logement est présenté comme le terrain d’expression de la culture dans l’architecture. Par conséquent, le vernaculaire relève d’un savoir-faire localisable, dans l’espace et dans le temps. On peut tout de même nuancer l’opposition entre architecture de l’ordinaire et architecture monumentale. Les techniques de construction vernaculaires sont aussi largement utilisées pour des édifices monumentaux tels que des lieux de culte. Rudofsky utilise ces termes plutôt pour mettre en cause une certaine architecture commerciale. Il semble avoir été marqué par les bouleversements sociaux causés par l’ère industrielle, marquant l’architecture par une sorte de normalisation et de déshumanisation du procédé de construction. Rudofsky présente le vernaculaire grâce à un panel de typologies, pour aller vers l’opérationnalisation de celui-ci, je le définirai plutôt comme un genre, impossible à classifier.
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Portrait : Bernard Rudofsky
(1905 - 1988) américain né en Autriche
architecte collectionneur professeur concepteur historien social.
Après avoir obtenu un doctorat d’architecture en Autriche, il voyage en Allemagne, en Italie et d’autres pays européens. Rudofsky s’installe au Brésil dans les années 30 pour y fonder un studio d’architecture avec lequel il réalisera plusieurs villas notamment à São Paulo. Hyderabad, Architecture without architects, Bernard Rudofski
Après un concours sur invitation du MOMA pour visiter les États-Unis, il décide de rester à New York, et y restera jusqu’à la fin de sa vie. Il continuera ses voyages.Il enseignera dans de grandes universités comme Yale ou MIT.Rudofsky realisa de nombreuses expositions au MOMA des années 40 aux années 60. Il s’intéressait à l’architecture vernaculaire ou encore au design de mode. Il défendait avant tout une architecture humaine et sensible. On peut le considérer comme un fin observateur. Un architecte compréhensif, sensible aux questions environnementales très peu considérées à son époque. Il avait à coeur de mettre l’architecture au devant de la scène. Plus qu’un catalogue d’architecture pittoresque, Architecture without architect propose une invitation au voyage, à la découverte des savoir-faire et des cultures. Ce travail minitieux de relevé et le souci de montrer l’architecture vernaculaire dans un lieu comme le MOMA fut un acte complètement révolutionnaire. À l’heure où les progrès technologiques ouvraient les horizons, Rudofsky décidait d’effacer la machine pour montrer les Hommes.
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Notion de Genre : vers l’opérationnalisation du vernaculaire Le vernaculaire relève d’un savoir-faire localisable, dans l’espace et dans le temps. « Le genre est vernaculaire. Il est aussi résistant et adaptable, aussi précaire et vulnérable que le parler vernaculaire. Comme ce dernier, il est oblitéré par l’instruction, et son existence est rapidement oubliée ou même niée.»1 L’évolution de ce terme au cours de l’histoire montre que le vernaculaire n’est pas définissable comme une typologie. Il se révèle être un processus et échappe donc à la classification. Comment peut-on définir la «chose» vernaculaire. Il apparaît que le genre est l’appellation qui lui sied le mieux. Le genre s’oppose à la typologie, il induit l’idée d’évolution et de complémentarité. «La « culture » une forme de comportement non inscrite dans le programme génétique, qui n’est pas entièrement soumise à l’instinct. La culture traduit un étage de la vie qui ne peut s’exprimer en termes biologiques. … La sélection naturelle opère sur une variation non orientée qui mène à une divergence génétique ; l’évolution culturelle transmet à la génération suivante des traits modelés par la génération en cours. L’évolution biologique reste gravée ; la culture, elle, implique le souvenir de choses passées qui ne survivent que dans le mythe ou l’histoire. »1 Le genre est une donnée génétique qui se transmet de génération en génération Les évolutions du genre sont éprouvées par les phénomène naturels telle une sélection darwinienne; alors on considère que le genre est une nature. Mais la notion de «culture» est sous-jacente à celle de la transmission. Le genre est une nature doublée de culture. Nature du lieu et culture de l’habité portée par la population. Ainsi, le genre vernaculaire est un savoir-faire, une logique d’action adaptée et adaptable à son environnement par expérimentation au fil du temps. «Est « vernaculaire tout ce qui était confectionné, tissé, élevé, à la maison et destiné non à la vente mais à l’usage domestique. » «Vernaculaire, c’est un terme technique emprunté au droit romain, où on le trouve depuis les premières stipulations juqu’à la codification par Théodose (le « Cado Théodosien »). Il désigne l’inverse d’une marchandise : « vernaculum, quidquid domi nascitur, domestici fructus ; res quae alicui nata est et quam non emit » (Du Cange, Glossarium Mediae et Infimae Latinitatis, vol. VIII, P. 283). » 2 Le genre vernaculaire faisant référence au local s’oppose à l’économique, l’universel. Seraient vernaculaire en somme, les démarches qui se tiendraient hors du système mondial de flux de capitaux. (ce qui n’exclut pas les flux d’informations par exemple). Il pose la question de l’échelle, ce qui confirme qu’il constitue bien une manière de faire plus qu’une typologie.Le genre relève de plusieurs disciplines, il est multidimensionnel, transdisciplinaire. Le vernaculaire en tant que genre, annonce une redécouverte de l’architecture, laissant présager une opérationnalisation possible de ce genre à notre époque
1 Ivan Illich, Le Genre Vernaculaire, Seuil Paris, 1983 2 Pierre Frey, Learning from Vernacular : pour une nouvelle architecture vernaculaire Actes Sud Beaux 44 ArtsHors collection Novembre, 2010
2 - Pertinence du vernaculaire à l’ère de la crise écologique et politique Learning from Las Vegas : Regarder la ville d’aujourd’hui
A l’ère de la crise écologique qui bouleverse nos sociétés, nous sommes amenés, pous-
sés, à changer nos modes de vie, de consommation et d’habiter. Les architectes sont parmi les professionnels qui doivent être en première ligne. Après les guerres, les architectes du mouvement moderne ont été confrontés eux-aussi à une période troublée. Ils ont préféré à la conservation de l’existant le concept de tabula rasa. Au vu des échecs rencontrés, il n’est plus question, aujourd’hui, pour les architectes de détruire pour tout reconstruire au risque parfois de sacraliser la moindre pierre ancienne. Si le concept de palimpseste peut être utilisé de manière abusive, certains, plus nuancés, lui préfèrent les vertus de l’analyse du «déjà-là», faire avec la ville. On s’intéressera à une première expérience d’analyse vernaculaire datant des années 70.Learning from Las Vegas est un ouvrage de Robert venturi, Denis Scott Brown et Steven Izenour. Publié en 1972, il analyse une nouvelle forme d’urbanisme représenté par le modèle de l’architecture ludique, commerciale et populaire de la ville de Las Vegas.Ils ‘agit dans cet ouvrage d’apprendre du paysage existant et de se questionner sur la manière dont on le regarde. «Definitions of architecture as space and form at the service of program and structure were not enough. The overlapping of disciplines may have diluted the architecture, but it enriched the meaning.»1 Le processus d’analyse est identique à celui de Bernard Rudosky mais l’objet d’étude est plus vaste. L’architecture, les symboles, la lumière s’entrelacent pour créer le phénomène urbain de Las Vegas. Ils s’intéressent à une ville entière, donc un réseau d’espaces et d’architectures. Ils regardent, tentent de comprendre la ville d’aujourd’hui. L’analyse notamment du Strip de Las Vegas incite à prendre position. Souvent les architectes du mouvement moderne ont été tentés par la tabula rasa. Ici on apprend de l’existant. Il est question de référence, malgré des projets parfois totalitaires et puristes, on ne peut nier que les architectes du mouvement moderne ont été influencé par un vocabulaire industriel. De la même façon certains ont reproduit parfois adapté des architectures, faisant naître des termes comme néoclassique, néogothique etc... Nous fonctionnons donc tous par analogie, avec des images, mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’une architecture commerciale, faite de panneaux publicitaires et autres signaux lumineux. «We look backyard at history and traditions to go forward, we can also look downward to go upward»1 Les auteurs le mentionnent clairement, ils étudient une méthode pas sa transcription architecturale. Ils n’émettent pas de jugement de valeur sur le mode d’urbanisation de Las Vegas. Leurs recherches transcrivent une analyse de chaque élément architectural, synthétisée par des dessins, schémas ou plans.
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1 Robert venturi, denis Scott Brown, Steven Izenour, Learning from Las Vegas, 1972
«Architects who can accept the lessons of primitive vernacular architecture, so easy to take in an exhibit like «Architecture without Architects,» and of industrial, vernacular architecture, so easy to adapt to an electronic and space vernacular as elaborate neo-Brutalist or neo-Constructivist megastructures, do not easily acknowledge the validity of the commercial vernacular.»1 Strip de Las Vegas, Learning from Las Vegas
On retrouve ici un des thèmes évoqués par Bernard Rudofski. L’architecture du logement est considérée comme ordinaire et celle des monuments comme plus noble digne d’être prise pour modèle. Ici c’est l’image négative de l’architecture commerciale et publicitaire considérée comme vulgaire qui est analysée. Ils s’intéressent ainsi à la ville telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être. Les auteurs ont choisi de communiquer cette analyse grâce à des représentations éloignées du plan, plutôt des tableaux, schémas; représentations que je qualifierai de plus «mobiles». Elle semble mieux représenter la complexité des architectures observées. L’architecte archéologue est transposé dans le présent, il mène l’enquête pour comprendre des mécanismes présents encore en mouvement. Plus que la forme, c’est la quête du sens de la ville. Learnin from Las Vegas tend vers une compréhension plus globale des effets de la culture populaire sur la planification de l’espace. Cette vision moins passéiste du vernaculaire, nous amène à le comprendre comme un processus «compréhensif» sous-jacent à la construction du phénomène urbain. Ce genre vernaculaire en prise directe avec le phénomène urbain, nous ramène à nos villes et nos mégacités. Il peut composer avec la ville existante en imposant une manière de faire. Il s’agit de l’opérationnalisation du genre vernaculaire dans nos mégacités, soumises aux pressions démographiques, en proposant un mode de développement humain durable adaptable à la ville informelle. Si l’on connaît les effets de la manière de faire vernaculaire sur une communauté, l’enjeu pour les mégacités est de proposer un cadre politique permettant la mise en place de la méthodologie de conception vernaculaire à l’échelle de la ville, durablement et démocratiquement. Déjà mis en exergue par Challenge of Slums, il faut déjà reconnaître le lien entre pauvreté urbaine donc sousdéveloppement et les bidonvilles pour élaborer des politiques efficaces. 46
Développement durable et «empowerment» des pauvres : les limites de la «Good governance» Entre crise écologique et croissance exponentielle de la pauvreté urbain, les gouvernenements et organismes transnationaux se sont emparés du concept de développement. Durable, économique ou humain, il doit s’opérer dans un cadre politique appelé gouvernance. Il s’agit dans cette partie de comprendre comment le concept de développement durable est né ainsi que l’outil politique qui le soutient. Il est à noter que l’échelle de mise en place de ces politiques de développement et de gouvernance est aussi significative que leur contenu même. Petite histoire du développement durable et de la «good governance» Le concept de développement durable est apparu il y a déjà une trentaine d’années, mais il se fait de plus en plus présent. Il est invoqué face à la crise écologique, mais il est parfois eclipsé par des chiffres comme + 2°C maximum. La première prise de conscience a lieu en 1972 avec la publication de Halte à la croissance ? : Rapport sur les limites de la croissance. Commandé par le Club de Rome à une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT), il est aussi appelé rapport Meadows et fut rédigé par Donella Meadows, Dennis Meadows et Jorgen Randers. A la fin des années 1960, époque florissante pour les pays industriels, les auteurs, accompagnés du Club de Rome, s’intéressent aux causes et conséquences à long terme de la croissance sur les ressources mondiales. Selon eux, au même rythme, l’épuisement des ressources aurait lieu avant 2100. L’accroissement de la population et le développement de l’économie mènent à l’augmentation de la demande en nourriture et de la consommation des matières premières et d’énergie. De la même façon, nous nous retrouvons face à une quantité de déchets et une pollution toujours plus importantes. Cet accroissement est-il sans limite? Mais surtout produisons-nous un mode de vie soutenable pour les générations futures? Produit-on en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de tous? Les auteurs souhaitent nous confronter au «dépassement»1. «Depuis la fin des années 1980, les hommes puisent trop dans la production annuelle de ressources de la Terre pour que celleci puisse, dans le même temps, régénérer ses ressources»1. Il s’agit de souligner une situation d’urgence mais qui peut être attenuée grâce à une politique adaptée. Véhiculant l’idée que notre mode de vie est soutenable indéfiniment, les gouvernements et autres institutions sont montrés du doigt. La croissance exponentielle est mise en cause concernant le phénomène de dépassement. L’ouvrage appelle les citoyens à prendre conscience que celle-ci n’est pas synonyme de l’augmentation du bien-être surtout à long terme. La Terre a bien des limites finies. Pour atteindre un développement durable, il est nécessaire de réduire l’empreinte écologique en diminuant la consommation ou en utilisant des technologies plus économes en ressources. L’objectif pointé par les auteurs est de rester «en dessous de la biocapicité de la Terre».1
47
1 Denis et Fiona Meadows, Jorgens Randers, William Berhens, Halte à la croissance?, Le Club de Rome, Rapport Meadows, Paris, Fayard, 1972.
Pour les auteurs, cet ouvrage est aussi l’occasion de promouvoir le modèle World 3. C’est un modèle dynamique systémique destiné à connaître les interactions entre l’empreinte écologique humaine, la population, la pollution résultante et les ressources mondiales. Ce modèle permet d’appréhender le système qui régit le processus de la croissance et ses limites. Le modèle World 3 a été critiqué notamment sur le fait qu’il a sous-estimé l’impact de l’évolution technologique ou encore l’adaptabilité de l’économie de marché. Le rapport Meadows est en somme un appel à la «Révolution de la durabilité»1. Il ne prône pas une oposition à la croissance mais une différenciation des types de croissances associés au développement. C’est le début d’une longue série de conférences ou autres sommets. Certains marqueront des progrès indéniables pour la promotion de modes de vie soutenables, d’autres furent le théatre d’accords fantôches. On décernera la palme au refus du président Bush de ratifier le protocole de Kyoto en juillet 2005. On soulignera le succès en demi teinte de la COP21. World Model
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1972
Rapport Meadows (UICN) Union internationale pour la conservation de la nature - première utilisation du terme
1980
«Sustainable Development» ou développement durable Rapport Brundtland - définition du développement durable: « un développement qui répond
1987
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » Sommet de la Terre Rio - Adoption de la convention de Rio et naissance de l’Agenda 21.
1992
Modification de la définition de Brundtland. Sont mentionnés les « trois piliers » qui doivent être conciliés dans une perspective de développement durable : le progrès économique, la justice sociale, et la préservation de l’environnement. Protocole de Kyoto - accord international visant à la réduction des émissions de gaz à effet
1997
2016
de serre - 84 États signataires
COP21
Les principes du développement durable communément admis peuvent être résumés par un schéma simple basé sur les «trois piliers» que sont les dimensions, sociale, économique et environnementale. L’objectif du développement durable est de trouver un équilibre entre ces trois enjeux sachant qu’à ceux-ci s’ajoute la notion de gouvernance qui sera détaillée plus loin. Si le développement durable est porté par trois piliers, il se joue dans un triangle d’acteurs : les acteurs du marché soit les entreprises, les autorités publiques ainsi que la société civile. Autant d’intérêts et d’échelles d’actions différentes , qui rendent le concept de gouvernance indispensable à l’opérationnalisation du développement durable.
Société
équitable
Économie
DURABLE vivable
Environnement 49
viable
«Good governance» ou bonne gouvernance En évolution depuis 1972, le développement durable aussi conceptuel soit-il est toujours soutenu par une politique. Dans les pays développés, comme en voie de développement, croissance et développement durable sont cadrés par le modèle de la «Good Governance». Concept créé en 1989 par la Banque Mondiale, c’est un modèle de gestion publique destiné à l’ouverture de l’économie de marché dans les pays en voie de développement, une adaption de la gestion des stratégies néolibérales de développement. Il est défini de différentes manières selon les institutions: - selon le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : «remodelage des politiques de gestions publiques en vue de faire face au défi du développement»1 - selon l’Agence Canadienne de développement , la gouvernance, elle seule, étant définie comme “l’ensemble des établissements, des procédés et des traditions qui dictent l’exercice du pouvoir, la prise de décision et la façon dont les citoyens font entendre leur voix.’’ 2 L’Etat et les administrés sont donc concernés par la problématique de la gouvernance. - selon la Banque Mondiale: “La bonne gouvernance est la manière avec laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion publique des ressources économiques et sociales en vue du développement.’’3 - Selon la Coopération pour l’Aide au Développement (CAD) et l’Organisation de Coopération pour le Développement Économique (OCDE): ‘‘ la bonne gouvernance est l’exercice du pouvoir politique ainsi que d’un contrôle dans le cadre de l’administration des ressources de la société aux fins de développement économique et social’’4.
D’après le PNUD le concept de bonne gouvernance repose sur ces sept caractéristiques principales :
- légitimité politique et imputabilité
- liberté d’association et la participation
- existence d’un système judiciaire fiable
- responsabilisation des bureaucraties
- liberté d’information et d’expression
- gestion efficace et efficiente du secteur public
- coopération avec les organisations de la société.
Voici les trois dimensions de la Good Governance:
- réduction des dépenses étatiques
- responsabilité du secteur public
- transparence fiscale passant par une privatisation des services publics.
1 PNUD, Bonne gouvernance et croissance économique, http://www.imf.org/external/country/civ/ rr/2007/102207.pdf 2 Agence Canadienne de Développement International, mars 1997 3 World Bank, Managing Developpement – the governance Dimension, Washington, 1996) 4 Orientations du CAD sur le développement participatif et la bonne gestion des affaires publiques, paris 50 1993
Confronté à l’endettement de plusieurs pays, notamment d’Afrique Subsaharienne, dans les années 70, le FMI et la Banque Mondiale lancent une politique d’ajustement structurel. Face à l’inefficacité de ces programmes de réformes économiques, les Etats vont commencer à soutenir le marché. C’est ainsi qu’apparaît le concept de bonne gouvernance sur une publication de la Banque Mondiale dans le rapport sur l’Afrique Sub-Saharienne en 1989. Les limites de la bonne gouvernance La bonne gouvernance a été pensé par les pays développés pour les pays en voie de développement. Or pour qu’elle soit efficace, elle nécessite une certaine efficacité institutionnelle et une stabilité politique dans les pays où elle est mise en place.En réalité elle est liée à une politique néolibérale, d’ouverture des marchés. Quelle est-donc la validité de ce type de gouvernance, dans un contexte d’inégalité de développement d’un État à l’autre, les droits de l’Homme et le développement sont-ils compatibles avec l’ouverture des marchés? N’oublions pas quels sont les organismes à l’origine de la gouvernance. En dehors d’être un principe occidental pensé pour les pays en voie de développement d’une culture différente, la Banque Mondiale et le FMI sont bien des institutions économiques dont la notion de développement est loin de l’écosophie. Le fond monétaire international (FMI) est un organisme international de coopération monétaire et financière, fondé le 27 décembre 1945 en application des accords de Bretton Woods. (conférence monétaire et financière des Nations Unies en juillet 1944 tenue à Bretton Woods) Initialement chargé de veiller au bon fonctionnement du système monétaire international, et en particulier d’assurer la surveillance des politiques de change (stabilisation des changes et convertibilité des monnaies), le FMI a de plus en plus joué le rôle d’organisme prêteur de devises aux pays membres pour régler la facture de leur importations et, depuis 1996, de “prêteur en dernier ressort” à destination des pays pauvres les plus endettés. Il a son siège à Washington et regroupe 187 États en 2011. La Banque Mondiale (BM) est un ensemble de cinq organisations internationales qui apportent une assistance technique et financière aux pays en développement: - la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), créée en 1946 à la suite des accords de Bretton Woods, consacre tous ses concours aux pays en développement, grâce à des prêts d’une durée de 15 à 20 ans qu’elle leur octroie afin de finacer des projets sectoriels. Son siège principal est à Washington. Avec le temps, elle d’intéresse de plus en plus à l’environnement politique ou macroéconomique des projets afin de leur assurer une plus grande viabilité. - l’Association internationale de développement (AID), créée en 1960, accorde des crédits remboursables sur une durée de 30 à 40 ans, sans intérêts. - la Société financière internationale (SFI), créée en 1956, a pour objet la promotion du secteur productif privé, par des prêts à des entreprises ou des prises de participation dans leur capital. 51
- le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé en 1966, a pour mission la médiation et conciliation dans le cadre des différends liés à l’investissement entre les gouvernements et les investisseurs privés étrangers. - l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI), créée en 1988, a pour principale mission d’encourager les investissements favorisant le développement économique de ses pays membres.5 Coopération monétaire, politiques de change, prêts, programmes de médiation entre gouvernements et investisseurs étrangers, nous sommes bien en présence de deux organismes économiques. Bien sûr la croissance économique participe à l’augmentation du niveau de vie des populations, mais le lien au développement humain au sens écosophique paraît saugrenu. Selon le FMI les institutions publiques doivent être contrôlées et responsables de leurs actions. L’État doit assurer la stabilité des marchés grâce à une politique monétaire et fiscale. De même les institutions doivent attirer des investisseurs privés. Le FMI pointe des objectifs de développements économiques et non pas sociaux ou culturels. La mise en place de la bonne gouvernance se fait au travers des institutions. Donc on peut se demander ce qu’il advient d’elle lorsque qu’elle est mise en place dans des pays en voie de dévelopement dont les institutions sont encore fragiles. On dénombre trois grandes catégories d’institutions:
«- Les institutions politiques et juridiques s’intéressent à la promotion de l’Etat de droit
et de la democratie, au respect des règles et principes, à l’accès des populations à la justice et la sécurité
- Les institutions économiques dont l’objectif est d’assurer le fonctionnement efficace et
efficient de l’activité économique et la gestion optimale des ressources économiques
- Les institutions sociales et communautaires qui favorisent l’amélioration de la qualité
de la santé et de l’éducation des populations ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement.6»
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5 Définitions du dictionnaire Larousse 6 PNUD, Bonne gouvernance et croissance économique, http://www.imf.org/external/country/civ/ rr/2007/102207.pdf
Ainsi même selon le PNUD, ce sont les institutions sociales et communautaires, que je qualifierai de locales, qui demeurent les plus proches de la population. Il semble logique qu’elles soient plus capables de prendre en compte les besoins des populations, et d’analyser la situation sur le terrain. Si la bonne gouvernance pratique une sorte de décentralisation réduisant le pouvoir étatique, elle donne du pouvoir aux sociétés privées pour modeler la ville. Selon le PNUD, le développement est intrinséquement lié à «une croissance rapide et soutenue»7. C’est donc la croissance, une donnée mathématique, une formule, qui régit la notion de développement. Cela met en exergue l’intérêt économique et non social à l’origine de la bonne gouvernance. L’ouverture des marchés aux investisseurs, la privatisation, et la réduction des dépenses étatiques, semblent des notions incompatibles au développement humain, du moins dans les pays en voie de développement. Ce sont ces mêmes pays qui sont confrontés à un afflux de population et qui sont le théâtre d’inégalités grandissantes. Dans de tels contextes, la bonne gouvernance s’est déjà avérée inefficace. Le développement humain va évidemment de pair avec le développement économique mais un autre modèle de gouvernance qui ferait de la population elle-même un moteur de développement serait plus adapté à l’«empowerment» des populations les plus vulnérables. Si la bonne gouvernance semple plutôt rattachée à la dimension économique du développement, il semble normal qu’elle s’avère inefficace dans certains États. La «good governance» ne prend donc pas en compte l’écosystème global dans laquelle elle est mise en place. À l’échelle des politiques de la ville ou du projet d’architecture, le vernaculaire se veut une méthode compréhensive des données sociales, économiques et environnementales de l’écosystème dans lequel il s’implante. Il propose une méthode globale, une philosophie de projet, proche de l’écosophie.
53
7 PNUD, Bonne gouvernance et croissance économique, http://www.imf.org/external/country/civ/ rr/2007/102207.pdf
Écosophie de projet Le terme est inventé en 1989 par Félix Guattari. Dans son oeuvre Les Trois écologies, il dénonce une époque de non-sens où l’accroissement des ressources technico-scientifiques s’accompagne d’une diminution des progrès sociaux. Ce même accroissement de ressources créé des déséquilibres écologiques et un changement du mode de vie des populations. Guattari pointe l’inéfficacité des institutions face à ces problèmes alors que selon lui, «seule, une articulation éthico-politique - l’écosophie- entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine, serait suceptible d’éclairer convenablement ces questions.»1 L’écosophie serait une réponse à la crise écologique opérationnelle à l’échelle mondiale et locale dans le but d’une autre existence humaine, de «reconstruire l’ensemble des modalités de l’êtreen-groupe».1 L’écosophie tend à orienter les progrès des sciences et des techniques vers des objectifs plus humains. Les lois du marché ne peuvent régir le développement humain. Les dogmes de la science doivent laisser place à la subjectivité sans tenter de l’expliquer. À la technocratie et la science trop zélée, Félix Guattari préfère ici l’autodétermination, appelée subjectivisation ou singularisation. Il s’agit de laisser place à la sensibilité et l’intelligence créative pour mieux satisfaire les objectifs de développement humain. Ce concept n’est pas sans rappeler le dynamisme des mouvements sociaux urbains dans certains quartiers pauvres.
Écologie mentale
Subjectivité
Écologie sociale
ÉCOSOPHIE HUMAIN
Subjectivité
Subjectivité Écologie
environnementale
Ce concept de subjectivité, faisant référence à la connaissance, la culture, la sensibilité, la sociabilité, pourrait être remplacer par la notion plus accessible d’épanouissement. Si les trois écologies s’approchent clairement du concept de développement durable, l’écosophie met en exergue la donnée centrale du système: l’humain. La crise écologique s’accompagne en effet d’une détérioration du mode de vie concernant les besoins matériels mais aussi parfois la psychée. Bien que ma vision du mode de vie actuel soit bien plus nuancée que celle de Guattari, je m’accorde avec lui sur la perte de sens. Pourquoi une croissance exponentielle marginalisante pour une partie de la population, si elle ne peut pas satisfaire ne serait-ce que les besoins vitaux du plus grand nombre? L’écosophie serait donc un système de penser notre environnement plus globalisant que celui rattaché au concept de développement durable. Elle illustre directement la méthodologie de conception vernaculaire, évolutive, adaptable, attentive aux ressources environnementales, humaines disponibles sur le site. 54
1 Felix Guattari, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989
Écosystème de projet: Carin Smuts Restons dans l’hémisphère Sud afin de découvrir une architecte Sud-africaine, Carin Smuts. Elle consacre une part de son travail à des projets dans les townships mais ce sont ses projets plus «communs» qui permettent de financer ces interventions. Elle s’attache à connaître les besoins mais aussi la culture des usagers et des habitants. Elle sait prendre en compte la force de travail ainsi que les matériaux disponibles au niveau local. Le projet doit être à l’origine d’un éco-système social intégré au site. Il est une occasion de créer des emplois pour une main d’oeuvre peu ou pas qualifiée. En dehors des bienfaits économiques de ce système qui évite le recours au crédit, chaque projet donnant lieu à des consultations, c’est une manière de mettre l’habitant au coeur du processus. Les habitants du township s’approprient le projet avant même son existence et encore plus au moment du chantier qui devient un temps d’échange. La force du projet réside dans cette appropriation collective. « Le centre communautaire ou l’école, discutés avec les habitants, doivent les concerner pendant le chantier. La construction ne doit pas venir de l’extérieur. le meilleur moyen que j’ai trouvé est de recruter les ouvriers dans un rayon de 2km.»1 Le travail de Carin Smuts est l’exemple type de l’opérationnalisation du vernaculaire dans la ville. C’est un système de projet compréhensif des données sociales et économiques, des dynamiques territoriales et recourant aux ressources disponibles au niveau local. Centre Guga S’Thebe, Captown
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1 Ré-enchanter le monde. L’architecture et la ville face aux grandes transitions. Sous la direction de MarieHélène Contal, Galimard, Collections Alternative, 2014.
Le Temps, Le Vernaculaire et L’Architecte Pastiche - divertissement
Architecte metteur en scène
1889
Exposition Universelle de Paris
1964
Architecture without architect
1972
Rapport Meadows
Relève d’un savoir-faire localisable,
Learning from Las Vegas
dans l’espace et dans le temps.
1983
Ivan Illich Genre Vernaculaire
1987
Rapport brundtland -
définition du développement durable
Architecte archéologue
Culture transdisciplinaire adaptable et évolutive véhiculée par l’Homme hors
1989 Écosophie
de la loi du marché
«good governance»
Architecte ethnologue 1992
Sommet de la Terre Rio
Processus 1997
Protocole de Kyoto
1999
Guga S’thebe centre communautaire
Carin Smuts
2016
COP21
«com-préhensif»
sous-
jacent à la construction du phénomène urbain
Architecte enquêteur
Pratiques collectives, collaboratives et démocratiques, intégrées au système socio-économique du lieu.
? 56
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Architecte anthropologue, coordinateur
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Synthèse Au fil du temps on a vu le vernaculaire évoluer, se transfigurer. D’une source de divertissement pour bourgeois vers une méthodologie de conception durable, écosophique, c’est naturellement que le vernaculaire est apparu comme un mode de conception pertinent face à la crise écologique actuelle. C’est au filtre du vernaculaire qu’on a pu requestionner le rôle de l’architecte. Mais qu’est l’architecte seul? Nous devons travailler entre sociétés, société civile, et gouvernements locaux pour un rééquillibrage dans la planification de la ville et pour une amélioration des conditions de logements. Le vernaculaire est une méthode de conception collaborative et démocratique qui remet les habitants au centre du processus de production de l’espace. Il serait néanmoins complètement utopique de pouvoir mettre un tel processus sans une réelle volonté politique soutenue par les gouvernements locaux et organismes nationaux. Si la «bonne gouvernance» s’avère inefficace car inadaptée aux gouvernements instables, la notion de gouvernance est bien le point clé pour l’opérationnalisation du vernaculaire à grande échelle ayant pour but le développement humain et urbain au sens écosophique.
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III - Vernaculaire Urbain Connecté Échelles Échelle du projet d’architecture et échelle de la gouvernance La méthodologie de conception vernaculaire étendue à l’échelle urbaine, étant un processus collaboratif reposant sur la société civile, le niveau de gouvernance apte à la réguler et la rendre efficiente ne peut être nationale. La ville, lieu d’enjeux, souvent moteur pour toute une région, semble être le niveau de gouvernement le plus adapté pour la planification de la ville. Envisager une gouvernance urbaine cadre structurel du vernaculaire urbain, c’est amener l’architecte à non plus être seulement un coordinateur ou médiateur, mais l’instigateur de politique de la ville. L’enjeu n’est plus uniquement de construire, mais bien de penser des montages fonciers permettant une planification de la ville plus démocratique. La ville de demain n’est pas seulement plus démocratique, elle est aussi plus intelligente. À celui d’ «intelligent», je préfèrerai le terme de «connecté». Aujourd’hui nous sommes innondés par les flux d’informations, utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sans arrêt dans notre vie quotidienne. Trés largement répandues, elles pourraient permettre la mise en place de la méthodologie vernaculaire connectée à grande échelle:
VUC Vernaculaire Urbain Connecté
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1 - Ville vernaculaire et politique Teddy Cruz : Mise en récit du lieu et de ses ressources
Je me suis intéressée au travail de l’architecte Teddy Cruz. Architecte américain d’ ori-
gine guatémaltèque, il s’est penché entre autres sur la zone frontalière entre San Diego et Tijuana, lieu d’inégalités, de ségrégations et d’échanges. Ce territioire est en total déséquilibre entre enclaves de richesse au Nord et concentration de pauvreté au Sud. Le conflit intrinsèque à la zone a aussi marqué l’urbanisme: tissu pavillonnaire lâche au Nord et quartier informels pauvres au Sud. Ces lieux qu’il qualifie d’ «archipel de division»1 sont le théâtre de tensions économiques, sociales, politiques et juridiques et questionnent par exemple le droit à la propriété. S’ il décrit un lieu de conflits, c’est aussi un lieu d’échanges. Alors qu’un flux de population continuel va vers le Nord, ce sont les déchets de San Diego qui refluent vers Tijuana, créant un «urbanisme de seconde-main»1 Au delà de regarder le lieu, on comprend grâce à ces représentations graphiques qu’il cherche à montrer les échanges traversants le site, l’économie sociale, les microsocialités, les ressources matérielles et immatérielles. La représentation devient plus complexe, plus riche. Teddy Cruz nous amène à prendre conscience des dynamiques socio-économiques qui façonnent la ville, il questionne le rôle du public, du citoyen. La population peut constituer l’amature d’une stratégie de durabilité si l’on encourage son intelligence créatrice. Il qualifie ce dynamisme par la notion de «valeur cachée». Elle regroupe les échanges informels de la population, elle traduit une densité d’activités. Cette donnée peut devenir un levier pour une réforme des institutions et une évolution des espaces urbains. Pour faire de l’habitant un décideur, Teddy Cruz prône un nouveau mode de propriété. Les habitants deviennent co-propriétaires et co-gérant des infrastructures du quartier. «Il apparaît que l’avenir de la ville ne doit pas être encadré par de nouvelles constructions, mais par la réorganisation fondamentale des rapports socio-économiques, et que les architectes ont un rôle à jouer dans la conception de protocoles institutionnels alternatifs.»1 L’architecte doit être un médiateur du débat public entre les citoyens et les institutions et en dehors de ses propres connaissances, il s’appuie sur l’expérience citoyenne des espaces concernés. Un architecte citoyen pour des citoyens architectes. Le but est de créer des «processus et systèmes politiques et économiques conduisant vers une démocratisation du développement.»1 Un quartier pour son propre moteur de développement. L’architecte est com-préhensif2, citoyen, politique, médiateur. Il est aussi archéologue du présent, et met le doigt sur la donnée centrale du lieu, ses habitants, ses passants. Il cherche à comprendre la «culture» d’un quartier, d’un lieu. Il nous transmet un récit. Ce qui est appréciable chez Teddy Cruz c’est cette mise en récit accessible à tous. Loin d’une poétique abstraite, il communique des histoires de vie qui dessinent des espaces spécifiques. Ses représentations graphiques permettent de «vulgariser» l’analyse de l’espace ainsi que les logiques d’actions de la pratique architecturale. 1 Ré-enchanter le monde. L’architecture et la ville face aux grandes transitions. Sous la direction de MarieHélène Contal, Galimard, Collections Alternative, 2014. 2 R. Buckminster Fuller, Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial « Terre », Lars Muller publisher, 60 1969
Portrait : Teddy Cruz « the informal: not its image but its procedures »
Il étudie la zone frontalière entre San Diego Tijuana, zone complexe, de flux et d’échanges. En collaboration avec une ONG locale, il réalise de nombreux projets dans le quartier de San Ysidro, révélant la « valeur cachée des activités de ces communautés ».Digne d’un travail de reporter, de journaliste embarqué, Teddy Cruz a su comprendre les dynamiques sociales, économiques et humaines qui façonnent et transforment le territoire pour produire une architecture en phase avec le lieu. Il utilise la méthodologie de conception vernaculaire pour créer de nouveaux processus institutionnels afin de faire des habitants les moteurs de développement de leur quartier.
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Gouvernance urbaine La gouvernance urbaine est fondée sur un jeu triangulaire d’acteurs, les institutions, le secteur privé et la société civile. Elle sert une stratégie de développement économique, de solidarité sociale et de participation politique. Cette méthode s’adapte à la ville dans laquelle elle s’implante, elle connaît son gouvernement et sa population, c’est une manière de «faire avec la ville» promulgant la concertation avec les habitants et les méthodes collaboratives. Elle peut constituer le cadre d’action de la méthodologie de conception vernaculaire. En 2000 Jan Neverdeen Pieterse définit la gouvernance urbaine comme un «processus planificateur des mécanismes de décision et de leur mise en oeuvre pour coordonner les efforts spécifiques du gouvernement local, des organisations de la société civile et du secteur privé en vue d’un développement urbain durable et d’une démocratie locale.»1 Selon UN-habitat (2009) la gouvernance urbaine est définie par l’«ensemble des approches par lesquelles les individus et les institutions publiques et privées planifient et gèrent les affaires communes de la cité. C’est un processus continu traversé par des intérêts conflictuels et différents qui peuvent se résoudre dans des actions de coopération. Elle comprend les institutions formelles ainsi que les arrangements informels et le capital social des citoyens»2 La campagne pour la gouvernance urbaine a débuté en 1999. Le programme de gestion urbaine (PGU) cite la gouvernance urbaine participative comme un de ses trois objectifs depuis 1996. Elle a donné lieu à des consultations urbaines par exemple en Afrique, en Asie, ou encore en Amérique Latine. Elle est promue par la Banque Mondiale dès 2000 pour favoriser l’inclusion et l’empowerment des pauvres. Ces consultations urbaines promues par le PGU mettent en avant la participation dans la gestion des villes dans le but d’améliorer leur aménagement en incluant tous les acteurs concernés. Elle fait figure de médiateur dans le dialogue entre autorités locales et les autres acteurs. Elle est considérée comme catalyseur de la fabrication de la ville élaborée grâce à des partenariats entre les secteurs publics, privés et la société civile. Il existe plusieurs types de gouvernance urbaine. Isabelle Hillenkamp est enseignante-chercheure au sein de l’Institut de socioéconomie de l’université de Genève. Elle met en exergue deux tendances qui existent indépendemment ou peuvent se compléter :3 La première désigne une gouvernance appliquée à la ville considéreé comme nouvel acteur des transformations du système économique. Elle admet la ville comme un moteur de l’essor économique et de mutations des relations entre les acteurs publics et privés. La seconde tendance est fondée sur les études urbaines et admet la gouvernance urbaine comme un mécanisme de coordination entre les différents acteurs et le territoire. Elle donne ainsi une place aux mouvements sociaux urbains. 1 Jan Nederveen Pieterse, After Post-development, Third World Quarterly, Vol,n°2 (April 2000) 2 UN-Habitat, Planning Sustainable Cities: Global Report on Human Settlements 2009 3 Isabelle Hillenkamp, la gouvernance urbaine du Nord au Sud: acceptations, hybridations, ambiguïtés. 62 Editeur genève: Institut universitaire d’études du développement 2007, collection études courtes.
Une autre gouvernance urbaine correspondant aux deux précédentes aprroches combinées a été théorisée par Bernard Jouve en 2008 comme «un processus mettant en place progressivement un rééquilibrage dans l’exercice du pouvoir urbain au détriment des gouvernements locaux et des institutions urbaines et au profit des acteurs issus de la société civile. La fragmentation du gouvernement des villes, la mondialisation des échanges, l’imprévisibilité de l’avenir, la déconnexion entre autorités politiques et citoyens, les fractures et désappartenances sociales expliqueraient la défaillance des modèles traditionnels d’actions publiques. En effet les processus de fragmentation touchent à la fois l’espace urbain, les groupes sociaux, les activités, et ils se rencontrent à toutes les échelles spatiales de la ville.»1 La ville est aujourd’hui considéréé comme le territoire des déséquillibres entre densité au centre et étalement dans les périphéries. La superposition d’acteurs qu’elle accueille, associations, institutions ou citoyens, rend visible les maux de la société d’une manière exacerbée. Perdus dans le système globalisé des villes et face à une «crise du politique», les citoyens prennent conscience qu’ils ont un rôle à jouer dans les prises de décisions les concernant. Le partenariat, l’association ou encore la collaboration s’affichent comme de nouvelles logiques démocratiques de gouvernance de la ville destinées à servir l’intérêt public. De la même manière que la good governance fut exportée au Sud dans des pays en voie de développement, la gouvernance urbaine prend le même chemin. Dans cette diffusion de la gouvernance urbaine au Sud, il est à noter le double rôle des villes. Elles sont le lieux du pouvoir local urbain qui a été reconnu pendant le Sommet des villes d’Istanbul en 1996. Comme je l’ai déjà mentionné en première partie, elles sont au coeur de la réalité démographique de ce 21ième siècle. En effet la ville est le théâtre de l’explosion démographique. C’est aussi le lieu de production de pollutions, de risques industriels et sanitaires, d’exclusion et de conflits. Paul Virilio appelait notre siècle celui des catastrophes. Mais la ville, lieu d’enjeu actuel et à venir, est aussi un espace économique moteur, de diversité et de politiques sociales. Elle est le laboratoire des pratiques démocratiques et écosophiques de demain. La gouvernance urbaine est multiple selon les interprétations, appropriations, logiques des acteurs et cadre institutionnel. Elle est spécifique à chaque situation urbaine. Elle traduit une mutation des faits publics, entre logique globalisante et empowerment de la société civile. Elle met en jeux une nouvelle organisation des instances décisionnaires au profit des mouvements sociaux urbains et des autorités locales. C’est décentraliser pour mieux répondre au problématique locale. En mettant en oeuvre un triangle d’acteur incluant la société civile, à une échelle plus humaine, celle de la ville, la gouvernance urbaine semble plus à même à mettre en oeuvre des solutions vernaculaires, urbaines et écosophiques adaptées aux citoyens.
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1 Bernard Jouve, La gouvernance urbaine : vers l’émergence d’un nouvel instrument des politiques ? Revue internationale des sciences sociales 2007/3 (n° 193-194)
Curitiba : Gouvernance urbaine interactive En ce moment même ont lieu des manifestations dans plusieurs villes du Brésil. On a pu voir l’ avenida Paulista, la plus grande artère de Sao Paulo bondée, toute de jaune, bleu et vert vêtue scander «Fora Dilma!», littéralement dehors Dilma. D’après la Folha de Sao Paulo, 77% des manifestants ont bénéficiés de l’enseignement supérieur. La foule qui déambulait sur la Paulista n’est donc pas réprésentative de la population brésilienne pour qui l’accès à l’éducation est réservé à une élite. Le mouvement s’étend cependant petit à petit aux populations moins éduquées1. Ces manifestations posent la question du rôle de la société civile. Dans quels lieux, et quels évènements sont les plus à même à s’adresser à toutes les couches de populations? La gouvernance urbaine doit être capable de proposer des temps de médiations entre société civile, gouvernement local et les professionnels de l’espace. Au Brésil avec une décentralisation forte du pouvoir, les municipalités représentent un acteur politique essentiel. Dans ce cadre, la démocratie délibérative de Jürgen Habermas, et de la démocratie dialogique de John Dryzek, concepts fondés sur la communication entre acteurs, permettent d’imaginer un rôle plus fort dans les prises de décisions pour la société civile. Selon Habermas la communication trés présente dans la société actuelle, peut permettre une fortification de la démocratie et des actions solidaires. Quant à Dryzek, en dehors de mener à des accords communs, «l’agir communicationnel» est le plus efficace pour traiter des problèmes sociaux complexes, capable de dépasser les hiérarchies pour dépasser notamment la coruption des institutions brésiliennes.2 À ces concepts de démocraties délibératives et dialogiques s’ajoute celui de la gouvernance urbaine interactive. Il complète les deux précédents. Dans l’idée d’une gouvernance partagée et démocratique, les institutions publiques doivent gérer les intéractions entre les divers acteurs sociaux. La gouvernance urbaine interactive peut être définie comme « un système de dispositifs et de modes d’action qui associe aux institutions des représentants de la société civile, pour élaborer et mettre en œuvre les politiques et les décisions publiques »3 Dans la lignée des budgets participatifs de Porto Alegre et sous l’égide de ces trois concepts, Curitiba a su utiliser la méthode participative pour la planification et la gestion écologique de la ville. Curitiba est la capitale de l’État du Paraná, elle compte 1,7 millions d’habitants. Connue comme la «capitale écologique» du Brésil dans les années 90, en 2000 elle débute un processus d’ouverture de son système institutionnel au profit de la société civile réunie en quartier ou communautés. Ce système de planification et de gestion est appelé modèle collaboratif. Il s’inspire du « néo-urbanisme, intégrant les nouveaux modèles de productivité et de gestion, les apports des sciences des organisations, des technologies de l’information et de la communication»2 L’objectif de la mairie est d’introduire la notion de «co-responsabilité»3 et de citoyenneté pour de meilleures conditions de vie de la communauté.
1 Le mouvement de contestation a ajourd’hui abouti sur l’éviction de Dilma Roussef, après un vote à la chambre des députés à Brasilia. 2 Démocratie participative et gouvernance interactive au Brésil : Santos, Porto Alegre et Curitiba Espaces et sociétés 2006/1 (no 123) Pages : 209 ISBN : 9782749204550 DOI : 10.3917/esp.123.0099 Éditeur : ERES 64 3 Ascher, F. 2004. Les nouveaux principes de l’urbanisme, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube.
Les innovations participatives sont guidées par la volonté d’inclure les acteurs de la société civile en tant que collaborateurs dans les processus d’opérationnalisation des politiques publiques et des projets urbains. Ainsi dans les quartiers les plus dévaforisés de Curitiba ont été mis en place plus de cinquante groupes d’actions liés à des problématiques variées telles que la prévention de la violence, l’amélioration des services de santé, d’éducation..etc. Ces divers processus ont créé une augmentation de la demande de participation avec notamment l’apparition de conseils de développement local. Les formes de particpations évoluent en fonction des objectifs et du public, application de la gouvernance intéractive. Le vernaculaire urbain ne peut exister sans une réelle politique associée. L’enjeu de la ville vernaculaire de demain serait de créer de nouveaux mécanismes institutionnels, participatifs, collaboratifs et démocratiques. assurant une meilleure planification de la ville. Le pari est de connecter les habitants d’une même ville, d’un quartier afin de créer des groupes de décision. La gouvernance urbaine interactive fondée sur un renforcement des gouvernements locaux et du pouvoir décisionnel de la société civile semble le modèle de gouvernance le plus proche des aspirations écosophiques du vernaculaire urbain. Estaçao de Onibus, Curitiba, Brasil
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2 - Vernaculaire connecté San Isidro, Teddy Cruz
Songdo, Smartcity, Corée
ll est diffcile de faire le lien entre un vernaculaire urbain et les hautes technologies qui
s’infiltrent dans la planification des villes et l’architecture. À l’évocation des thèmes «nouvelles technologies» et «architecture», on pense domotique, villes intelligentes, gestion et production d’énergie propre au sein des bâtiments etc... Quel est donc le lien entre ces deux villes? Que l’on soit à Tijuana dans un quartier pauvre ou dans une tour intelligente de Songdo en Corée, nous sommes tous reliés à nos amis, voisins, familles ou connaissances grâce à nos ordinateurs ou smartphones.Si nous sommes devenus une civilisation urbaine, nous sommes aussi la civilisation de la communication. C’est pourquoi le nouveau vernaculaire urbain est intrinséquement lié aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. (NTIC) C’est l’obsolescence de la smart city, un produit livré à ses habitants sans mode d’emploi face à la ville vernaculaire de Teddy Cruz à l’épreuve du temps toujours en construction. Le vernaculaire démocratique est la gestion et la planification partagée de la ville.Il est mis en place par un réseau d’acteurs, ce réseau peut être renforcé par les réseaux sociaux. Voilà le lien entre ces deux villes, ses habitants peuvent être reliés entres eux et à la fois au monde. Réseau de partage, communication, voilà les mots clés catalyseurs des pratiques vernaculaires participatives. Hormi la transfiguration du vernaculaire au 21ième siècle, ce mémoire est aussi une occasion de se questionner sur la ville du futur mais plutôt sur le moyen terme. Le vernaculaire urbain connecté est low tech car il se veut démocratique et accessible à tous. Je ne rejette pas le modèle de la smart-city de Songdo. Si ce mode de planification de la ville est criticable et déjà critiqué, les progrès technologiques sont incessants, ils changent et changeront nos sociétés et nos villes. Ce modèle de ville intelligente ne peut être un modèle démocratique que sur le long terme, où chaque citoyen aurait accès à ces hautes technologies. Si la Smart City implique un accès aux hautes technologies pour tous, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le processus «vernaculaire» (regarder et comprendre) peut s’enrichir des technologies plus démocratiques déjà existantes. Il s’agit d’utiliser les nouvelles technologies accessibles à tous pour enrichir le projet d’architecture.
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Extrait de l’intervention du Pr. Carlos Moreno à l’occasion du Forum Smart City du Grand Paris :1 Carlos Moreno, spécialiste de la vile intelligente, : la smart city n’est pas une vie atomisée et déshumanisée , mais un lieu d’espoir et de partage… C’est une ville vivante. «La massification du numérique au XXIe siècle souligne sa puissance par sa capacité à pénétrer nos vies sous ses multiples formes. Science et outil, le numérique est néanmoins un moyen et non une fin en soi. Pour la smart city, la ville devient « intelligente ». Mais quelle ville ? Une ville désinvestie de l’humain et de son urbanisme où son QI est proportionnel au silicium déployé ? Une ville technocentrique, algorithmique, qui méconnaît sa complexité, sa diversité intrinsèque, ses quartiers, ses fractures sociales, économiques, culturelles, écologiques ? Nous proposons de l’aborder en tant que « ville vivante », territoire de vie, de brassage, d’espoir. Fluidifier les relations sociales Un enjeu majeur est de réinventer la ville comme lieu de partage. C’est crucial, car il s’agit de fluidifier les relations sociales existantes, d’en développer d’autres d’un nouveau type, mais aussi de transformer de façon cohérente les relations entre les citoyens, la ville et son environnement. Polymorphe, diversifiée, complexe, la ville est avant tout un lieu de vie qui a besoin d’une métamorphose permanente pour créer une qualité de vie et une attractivité, essentielles : la rendre respirable, récupérer et réutiliser l’espace public, la décloisonner, l’ouvrir à l’expression ludique, détourner l’usage de ses rues, places, murs, encourager de nouvelles pratiques sociales, développer les jardins collaboratifs, les zones piétonnes de découverte, etc. Vulnérabilité de la ville À l’âge de la multitude, en ces temps ubiquitaires, s’imbriquent l’histoire de la ville, sa gouvernance et son rôle face aux États. Mais il faut tenir compte de la vulnérabilité de la ville, des mutations du tissu urbain et de l’environnement socioterritorial. Dans la ville vivante, nous nous intéressons à son identité, ses traits socioéconomiques, culturels, écologiques propres, et les exigences de plus en plus fortes des citoyens vis-à-vis de leur gouvernance : mobilité, sécurité, logement social, enjeux énergétiques, foncier, réseaux, infrastructures, espaces publics, économie de proximité, culture, loisirs, fiscalité. Les décisions prises chaque jour dans les villes concernent notre avenir et celui des générations futures, demain et après demain, quand, en 2050, 70 % de la population mondiale sera urbanisée. La ville intelligente humaine, la ville vivante, sera celle qui saura comprendre l’importance clé de sa vulnérabilité et mettra en oeuvre la convergence sociale, urbaine et technologique pour construire, chaque jour, son identité, sa mémoire, sa résilience.»
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1 disponible sur : http://www.moreno-web.net/la-ville-vivante-une-cite-humaniste/
Smart city, la ville vivante Sans parler des innovations technologiques qui ont fait naître des villes intelligentes comme Songdo, nous vivons déjà dans une ville numérique, si ce n’est «intelligente». À ce sujet William Mitchell1, disait dès 1999: «Nous sommes moins les usagers de terminaux technologiques que les habitants d’un écosystème médiaté par l’électronique» Cette circulation d’information incessante, cette communication en temps réel, transforme les relations humaines, et les espaces de la ville. La révolution du temps réel, de l’immédiateté marque une importante évolution de notre société. Paul Virilio s’interrogait sur la « démocratisation de la vitesse absolue » « Les multimédias nous mettent face à une question : pourrons-nous trouver une démocratie du temps réel, du live, de l’immédiateté et de l’ubiquité ? Je ne le pense pas, et ceux qui s’empressent de dire oui ne sont pas très sérieux »2 La Smart city est digitale, connectée, sensée ou sensible, senseable3 pour le MIT ou encore «cybernétique» si on force son trait politique. Elle traite les multiples datas pour optimiser l’utilisation de son territoire et de ses infrastructures. Elle produit, gère sa consommation énergétique parfois même se prend au jeu de l’évitement criminel. L’information et la communication sont aujourd’hui devenues des flux urbains comme les autres comme le trafic, les fluides (énergie, déchets, eau). Les technologies de l’information et de la communication font partie de l’écosystème de la ville. Ville radicante, ville vivante Mais ces flux numériques créént aussi de vraies communautés, sorte de bassin collaboratif en prise avec les mouvements sociaux urbains favorisant un dialogue horizontal. On s’approche du concept de ville radicante de Jana Revedin4. La méthodologie de conception radicante repose sur les concepts suivants: répondre à la sollicitation d’une communauté, filtrer ses besoins par une analyse urbaine interdisciplinaire de long terme, installer des laboratoires de conception participatifs, transmettre et adapter les résultats et les catalyser vers des économies circulaires. «Les processus radicants pourraient, lentement mais sûrement, et en partant d’en bas - du sol naturel, des gens - supprimer les doctrines autocratiques d’un schéma directeur imposé d’en haut, du simple fait que tout développement interviendrait à l’intérieur d’un lieu donné et par lui-même, créant une économie circulaire par son propre potentiel».5 En se rassemblant grâce aux TIC la société civile créé un bien commun, l’espace de la ville, du quartier, une sorte de « souveraineté collaborative »6 s’alliant à la gouvernance urbaine.
1 William Mitchell a été le doyen du Laboratoire d’Architecture et d’Urbanisme du MIT. 2 Paul Virilio, Cybermonde la politique du pire, Textuel, Paris, 1996 3 Senseable City Lab, Urban imagination and social innovation through design & science, MIT 4 Jana Revedin la ville radicante, Réenchanter le monde sous la direction d eMarie-Hélène Contal 5 Jana revedin, la ville rebelle, démmocratiser le projet urbain, Editions Gallimard, collections alternatives,2015 6 Bruno Marzloff,Ville data, ville média dans Ville, architecture et communication, sous la direction de 68 thierry Pacquot, Les Essentiels d’Hermès, CNRS Éditions
Ainsi un tissu numérique invisible plane au dessus de la ville vivante. Il réagence les espaces de la ville autant qu’il marque une évolution des interactions sociales. Du hardware au software, l’individu a le pouvoir de vivre sa ville. Seul avec son smart-phone on peut maximiser les possibilités de la ville, choisir ses interactions, c’est voir la ville comme un lieu d’exploration et d’improvisation, l’espace du choix et de la trajectoire collective ou individuelle. Les NTIC permettraient d’atteindre une sorte de synergie avec la ville. On pourrait imaginer le rôle des NTIC dans la méthodologie de conception vernaculaire pour connecter les acteurs du quartier mais aussi comme un outil pour les architectes avant, pendant et après la construction de projets. La connectivité avec l’espace entraîne paradoxalement une dématérialisation, quel type d’espace réel peut abriter ces sociabilités fragiles? Si la mise en réseau augmente, alors les face-à-face entre internautes devraient augmenter. À l’échelle du quartier ou de la ville vont naître des «agoras augmentées» destinées à abriter ces nouvelles sociabilités. Mais ce tissu numérique vernaculaire est fait de data ayant aujourd’hui une incroyable valeur marchande. Peut-on réellement contrôler nos datas?
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Portrait : Jana Revedin
Architecte - Docteur en architecture Enseignante Déléguée de l’UNESCO à la Commission d’éducation et de recherche de l’Union internationale des architectes. Directrice du Concours étudiant européen d’architecture durable Gaudi (2005-2012) Co-créatrice du Global Award for Sustainable Architecture en 2006 Auteure “Sustainable Design II: Towards a New Ethics for Architecture and the City”, Actes Sud, Arles 2011 “Sustainable Design I: Towards a New Ethics in Architecture and Town Planning», with a foreword by Thomas Herzog, Birkhäuser, Berlin/Bale/Boston 2009 Jana Revedin, “The Radicant City: Why Sustainable Living Space grows Like Ivy”, in: “Re-enchanter le Monde: L´architecture et la ville face aux grandes transitions”, Gallimard Collection Manifesto, Paris 2014 “Sustainable Design III: Towards a New Ethics for Architecture and the City”, with a foreword by Christopher Alexander, Gallimard Editions Alternatives, Paris 2014 “Rebel Cities: Radicant Design through Civic Engagement”, in: “La Ville Rebelle: démocratiser le Projet Urbain”, with a foreword by Yona Friedman and an epilogue by Christopher Alexander, Gallimard Collection Manifesto, Paris 2015 Quelques ouvrages de Jana Revedin
À propos de la méthodologie de conception radicante: « L’analogie que j’ai choisie pour définir cette forme de croissance autonome est celle des plantes radicantes. Cette métaphore lie la conception architecturale à la botanique. Les plantes radicantes - lierre, fraisier, glycine - grandissent selon une morphologie en «oeuvre ouverte» convaincante. Elles ont des racines multiples, terriennes et aériennes, et, de ce fait, s’adaptent intelligemment aux changements de milieu. Elles peuvent croître dans un sol inhospitalier, malsain et même 70
toxique en formant des rhizomes. Leur régime de croissance relève d’un ordre compliqué, non linéaire - à la façon dont notre inconscient constitue notre mémoire individuelle et collective.»
Stratégies vernaculaires urbaines et connectées Les NTIC : empowerment de la société civile dans la planification des villes S’il est vrai que nous vivons dans un monde plus «atomisé», à la faveur d’internet ou des NTIC, on assiste à l’émergence de sociabilités nouvelles gravitant autour de nombreux réseaux, sociabilités à distance, virtuelles, mais mobiles et choisies. En somme, l’ére numérique n’a pas réduit à néant l’être social comme on aurait pu le croire. Elle a transformé la nature et les formes de sociabilités contemporaines en multipliant les possibilités d’interaction entre les individus. La sociabilité s’est affranchie de l’espace et du temps. On constate en parallèle un désintérêt pour la «chose urbaine»1, se traduisant par l’exclusion des habitants de toutes les décisions concernant leur cadre de vie. Il est vrai que la fabrique de la ville est souvent une affaire d’État, des firmes du BTP, des professionnels de l’espace, (architectes, urbanistes, paysagistes), et des élus, pas toujours au fait des bonnes conditions d’usage des lieux publics ou du logement. Les NTIC peuvent être un levier pour aider la société civile à reprendre part aux «affaires de la ville». C’est l’anti république de Platon, qui prône que l’équilibre de la cité réside dans la spécialisation intellectuelle. Chacun devrait accomplir la tâche incombant à sa catégorie sociale, sans se mêler du reste. La classe délibérante étant seule maîtresse des affaires de la ville. L’utilisation des NTIC n’a bien sûr pas vocation à éradiquer la ségrégation sociale, mais elles peuvent être les alliées des mouvements sociaux urbains, en facilitant l’auto-détermination, en encourageant les prises de décisions communautaires. Un réseau social est plus qu’un réseau social. Par exemple blablacar repose sur la logique des réseaux sociaux et il propose un vrai service bouleversant complètement les codes du transport. De la même manière l’opérationnalisation des TIC dans les processus vernaculaires de conception de la ville et de l’architecture pourraient bien bouleverser la fabrique de la ville.
Classe délibérante
gouvernement local
société civile Professionnels de l’espace + TIC Gens d’affaires artisans commmerçants
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Auxiliaires gardiens de la cité, guerriers
secteur privé
1 Ville, architecture et communication, sous la direction de thierry Pacquot, Les Essentiels d’Hermès, CNRS Éditions
Le vernaculaire urbain doit utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, pour solidifier ses bases; renforcer son réseau d’acteurs, notamment à l’échelle effective du quartier, pour montrer son existence dans les villes, rallier d’autres morceaux de villes et communiquer avec les autorités locales. Si les hautes technologies révolutionnent la conception architecturale, en améliorant sans cesse les performances énergétiques et leur «gestion intelligente», elles peuvent aussi être un booster des relations humaines, maillon essentiel de la production d’une architecture vernaculaire connectée
VUC
Vernaculaire Urbain Connecté
Processus «Mid-tech» , connecté, démocratique en «oeuvre ouverte», utilisant les TIC, visant à promouvoir un développement urbain vernaculaire porté par la société civile, appuyé par les gouvernements locaux, les professionnels de l’espace ainsi que les acteurs privés de la ville. Connectivité
Réseaux
Communication
Partage
À l’échelle de la ville: - la ville du choix, de l’improvisation, de la trajectoire - créer des synergies entre utilisateurs des médias numériques et l’espace de la ville, du quartier- stratégie de communication
avec les autorités locales
étendre le réseau vernaculaire
- réseaux de communication et de collaboration entre quartiers ou entre villes
À l’échelle du projet d’architecture - avant la réalisation : mieux comprendre la ville, ses dynamiques pour requaliifier ses besoins. - moment du procédé participatif comme plateforme d’échanges - post esquisse pour stimuler la mémoire collective - chantier ouvert - démocratiser la production
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VUC à l’échelle la ville: Savoir-faire spécifiques du quartier mêlés aux NTIC Extrait de l’intervention de la sociologue Saskia Sassen lors de la session Live in a Living City organisée par le Pr. Carlos Moreno lors d’ICS à Toulouse1 : « il s’agit, pour revenir au thème de l’espace urbain, de développer des technologies qui conçoivent l’espace urbain comme un espace open-source. Je pense notamment à la notion de quartier, qui est la plus représentative. Car le quartier est en quelques sortes un espace modeste, qui ne donne pas lieu à des innovations majeures. Le quartier est un espace où l’on croise des enfants, des grands-parents, des personnes sans abris, le « fou du quartier », etc. Ces personnages ne concordent pas avec la notion de ville ultra-moderne telle qu’on se l’imagine. Mais la plupart des espaces d’une grande ville sont en réalité des quartiers comme ceux-là, même s’ils ne correspondent pas toujours à la description exagérée que j’utilise parfois lorsque j’évoque la notion de quartier. Ma question est la suivante : comment peut-on y déployer les technologies ? Et je pense tout particulièrement aux TIC, technologies de l’information et de la communication, comment peuton déployer de telles technologies pour faire de la ville un espace mieux aménagé ? Un espace conçu comme une toile reliant plusieurs endroits entre eux. Une toile qui regorge d’applications de toutes sortes lui donnant vie. Je pense notamment à une manière de « démocratiser » ces espaces afin que la grand-mère du quartier, par exemple, ne se sente pas exclue, mais qu’au contraire elle sente qu’elle en fait pleinement partie et, pourquoi pas, qu’elle y passe plus de temps que tout autre citoyen. Donc, est-il possible de rendre les quartiers plus open-source et qu’est-ce que cela signifie ? Laissez-moi expliquer ce point en évoquant deux problématiques. L’une d’elle concerne le centre-ville et la connaissance codifiée du centre. Les experts, le gouvernement, les institutions spécialisées, tous les spécialistes, etc. Je n’ai bien entendu rien contre eux. Ma première question est la suivante : comment faire entrer ce savoir de quartier dans le centreville, où le savoir est codifié ? Cela voudrait dire qu’il faut démanteler ce savoir du centre-ville, même partiellement, et mieux l’aménager au sein de l’espace. Cela voudrait dire aussi qu’il faut inventer des applications d’un nouveau genre afin de moderniser les foules, mais je pense également au quartier comme source d’apprentissage, dont les différents acteurs – en fonction de leurs activités et de leurs intérêts – prendraient part à la réalisation de ces nouvelles applications, permettant ainsi aux quartiers de mieux s’intégrer à la communication des grandes agglomérations. Quand je m’imagine un quartier, je l’imagine comme un espace doté de savoirs bien particuliers, avec des besoins bien à lui, avec ses propres curiosités, mais aussi ses problèmes, pour lesquels il souhaiterait trouver des solutions, bref, tout un imaginaire auquel ne conviendrait qu’un nombre limité d’applications techniques. Ces problèmes existent également dans les centres-villes. Mais les quartiers sont différents et, même considérés dans leur globalité, les quartiers sont différents du centre-ville.
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1 disponible sur : http://www.moreno-web.net/parole-saskia-sassen-sociologue-specialiste-mondialisation-du-phenomene-urbain/
Le quartier est un espace réduit, façonné par ses habitants, moins uniformisé et moins sujet à l’intervention d’architectes brillants, de designers connus, etc. C’est pour cela que je me demande comment faire pour apporter dans le centre-ville tout le savoir, les pratiques, l’imaginaire et les désirs qui font vivre un quartier ; les seuls vecteurs qui me viennent à l’esprit sont le savoir et l’information qui en émanent. Il existe des exemples très simples qui illustrent très bien cela et peuvent servir de modèles adaptables à des ensembles plus complexes. L’un d’eux est une application téléphonique que nous connaissons tous et qui sert à signaler les « nids de poule » que l’on croise sur la route. Vous le signalez sur l’application et, où que vous soyez, le bureau de la mairie en est immédiatement informé. C’est tout simple mais cela permet de recueillir un nombre extraordinaire d’informations utiles. Sans cela, comment ferait la commune pour identifier tous ces nids de poule ? Elle devrait envoyer plusieurs personnes pour recueillir ces informations tous les jours alors que des gens tombent spontanément dessus et peuvent le signaler simplement eux-mêmes. C’est un exemple tout simple, mais qui illustre parfaitement le type de contributions que peut apporter le savoir local. Comment peut-on tirer parti de ce savoir pour que le quartier et toute la complexité qu’il recouvre puissent participer au fonctionnement des grands espaces ?» Elevador Lacerda, Salvador, Brésil
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Senseable City, Laboratoire de recherche au MIT (Massachussets Institute of Technology) «La ville en temps réel est réelle! De nouvelles approches pour l’étude de l’environnement bâti émergent. La façon dont nous décrivons et comprenons les villes est radicalement transformée, tout comme les outils que nous utilisons pour les concevoir. La mission du Laboratoire Senseable City à l’Institut de Technologie du Massachusetts-est d’anticiper ces changements et de les étudier à partir d’un point de vue critique. Ne se cantonnant pas aux méthodes d’un seul domaine, le laboratoire se caractérise par une approche omni-disciplinaire: il parle le langage des concepteurs, planificateurs, ingénieurs, physiciens, biologistes et spécialistes des sciences sociales. Senseable travaille aussi couramment avec les partenaires de l’industrie, les gouvernements métropolitains, les citoyens et les communautés défavorisées. Grâce à la conception et à la science, le laboratoire développe et déploie des outils pour en apprendre davantage sur les villes, afin que les villes puissent en apprendre davantage sur nous.»1 Senseabale City travaille ainsi sur le thème de la ville augmentée. Grâce l’utilisation des TIC, on pourrait optimiser les possibilités que la ville donne aux citoyens, en matière de divertissements, de services ou bien de mobilités. EN 2012, au cours du workshop Digital City Design, des étudiants ont travaillés sur les questions liées à la mobilité dans la région métropolitaine de Rio de Janeiro.
Processus OpenRio
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1 http://senseable.mit.edu
Processus Open Rio, Afian Anwar Coordonner la mobilité 50% des voyages dans la ville sont effectués en transports en commun. Bien qu’il y ait des niveaux élevés d’utilisation des transports en commun, l’utilisation de l’automobile privée est également en croissance rapide. De nouvelles formes de coordination entre les nombreuses façons de se déplacer sont nécessaires pour améliorer les ressources. À cet égard, Rio a récemment introduit le système de carte à puce ‘Bilhete Unico »qui réduit les obstacles au voyage intermodal. Transitions Les projets devraient se concentrer sur les «zones de transition» entre le formel et informel, que ce soit des colonies, le transport, ou des groupes socio-économiques. Raccordement entre les informations numériques et physiques du tissu urbain Le projet a pour but d’améliorer l’accès à l’information en utilisant des technologies numériques largement accessibles, pour mieux partager des connaissances entre les citoyens, les autorités, les systèmes de mobilité et les infrastructures urbaines. Ainsi les étudiants ont développé une série de systèmes urbains adaptatifs qui amènent de nouvelles opportunités de mobilité à Rio. OpenRio, Afian Anwar Open Rio c’est permettre aux gens de partager avec des inconnus une sorte de trace digitale de leur trajet à Rio afin d’encourager les autres à les suivre. C’est rendre la ville plu sûre grâce aux TIC, savoir que quelqu’un est déjà passer par là peut nous encourager à explorer ce même chemin. Ce projet est l’exemple parfait que les TIC, en dehors de créer des sociabilités dites faibles, peuvent permettre de redécouvrir la ville physique grâce aux données numérique en libre accès. Processus OpenRio
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À l’échelle du projet d’architecture, mémoire collective et open-source L’utilisation des NTIC et plus particulièrement des réseaux sociaux questionne la notion de bien commun. Quand Facebook devient une plateforme de communication et de collaboration, l’histoire d’un projet d’architecture s’infiltrant dans l’imaginaire et la mémoire collective avant même sa construction... C’est l’expérience de l’architecte Marc Kushner narrée dans la Conférence TEDex : Why the building of the future will be shaped...by you. Associé de HWKN studio d’architecture new yorkais et co-fondateur de Architizer, Marc Kushner a bien compris le déficit de popularité des architectes et le manque d’intérêt de la société civile pour la profession. Son but affiché est de faire «aimer» l’architecture, de créer des connections émotionnelles entres les humains et l’architecture. Dans cette bataille il s’est accompagné des réseaux sociaux meilleurs alliés qui incluent les populations dans la conception architecturale. Il raconte comment les nouveaux médias peuvent participer aux processus de conception de l’architecture pour le rendre plus accessible au grand public et donc participatif. « architecture is not about zoning»1 Spécialistes ou non, nous sommes tous en contact perpétuel avec l’architecture. Nous reconnnaissons naturellement ses typologies ou ses modèles. À la simple vu d’un bâtiment, nous pouvons savoir s’il s’agit d’une gare ou d’une mairie. Nous avons donc un lien émotionnel avec les formes, elles sont ancrées dans la mémoire collective. Marc kushner prend l’exemple simple d’une bibliothèque d’une petite ville américaine livingstone, et la nouvelle bibliothèque de Seattle. Construite à la même période avec un même programme l’une s’inspire de la force et de la stabilité formelle des temples grecs, l’autre est un bâtiment moderne habillé de verre qui traduit la façon contemporaine que l’on a de consommer les médias. À lépoque du numérique la bibliothèque de Seattle devient un nouveau type d’espace public, lieu de partage pour la ville. Alors comment expliquer ce décalage formel, quel procédé permet de faire accepter de nouvelles formes dans nos villes? On s’accorde à dire que le guggenheim de Bilbao fut le premier édifice sur lequel la critique le public et les élus sont tombés d’accord. Le rôle des médias a été très important dans ce processus d’acceptation. Les médias numériques ont augmenté la vitesse à laquelle, on consomme les informations et on peut dire, qu’ aujourd’hui nous sommes tous des photographes d’architecture. Pour expliquer le processus de conception, Kushner utilise le pendule: l’architecte oscille sans cesse entre innovation et les symboles. Les performances des médias numériques permettent aujourd’hui aux architectes une symbiose des deux états, une adéquation entre innovation et l’ancrage dans la mémoire collective.
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1 Marc Kushner, Why the building of the future will be shaped...by you, Conférence TEDex 2014
Le temps de l’architecture est long ainsi la notion de feed back n’avait jamais été utilisée en architecture. Aujourd’hui La vitesse de la communication a rattrappé la vitesse de l’architecture et l’on peut présenter en temps réel l’évolution d’un projet, le faire aimer, le promouvoir, le laisser à la critique. «L’architecture est à l’aube d’une révolution média.»1 Vitesse, innovation, Feed back
Le projet est simple. Il s’agit de remplacer un bâtiment qui a été brûlé dans une station balnéaire de l’état de new york appelée the pines. Le studio de Marc Kushner propose un bâtiment tout à fait moderne, différent, audacieux inhabituel. ils ont ensuite postés des perspectives réalistes du projet fini sur facebook ou instagram. Ils ont laissé les gens faire, partager, commenter, liker ou critiquer, donc deux ans avant même que le bâtiment ne fut construit il faisait déjà parti de la communauté «ainsi lors du premier été quand les gens ont commencé à partager des images et vidéos sur les réseaux sociaux, il a cessé d’être un simple édifice pour devenir un véritable média»2. The Pines Project on Instagram
L’utilisation des réseaux sociaux a créé une sorte de court-circuit dans la mémoire collective et ce bâtiment vu nulle par ailleurs sans référence antique est devenu un symbole. «nous n’avons plus besoin des grecs pour nous dire quoi penser de l’architecture, on peut le partager entre nous. Les médias numériques n’ont pas seulement changé les relations entre individus, ils ont aussi changé les relations entre les individus et les bâtiments» Les médias numériques comme les réseaux sociaux peuvent donc être intégrés au processus de conception vernaculaire urbain connecté. Ils sont des outils démocratiques qui vont galvanisés les interactions au sein de la communauté et faire entrer les projets du quartier ou à plus grande échelle, dans la mémoire collective. Il y a donc potentiellement dans chacun d’entre nous un promoteur de la nouvelle architecture. Si les architectes ne sont pas de bons communicants pour l’instant, la société civile peut s’en charger. Au delà- de cette utilisation trés fine des médias numériques, Marc kushner est un défenseur des architectes, pour l’ouverture de la profession au grand public qui a su saisir l’importance de la participation citoyenne dans le processus de conception. «architects are waiting for you» 78
2 Marc Kushner, Why the building of the future will be shaped...by you, Conférence TEDex 2014
Avec l’apparition des médias numériques est né le concept d’open source. Une base de données gratuite et libre d’accès sur internet. Si l’on connaît bien certaines des applications de ce concept comme wikipédia, l’encyclopédie libre, l’architecture se voit elle aussi, contaminé par le phénomène. Alastair Parvin fait un premier constat : les architectes projettent pour environ 1% de la population de la planète, les plus riches. En dehors du fait d’être antidémocratqiue, les architectes se voient renoncer à un marché énorme, construire pour la population. Alors comment peut-on construire pour les 99% restants? «Don’t build»1 Si le sens du mot architecture communément admis est de construire des bâtiments, Parvin considère que les architectes sont plus que des constructeurs. L’architecture, c’est se poser les bonnes questions, et les réponses efficaces ne sont pas toujours des éléments construits. Nous pouvons livrer autres choses que des produits finis. «go small»1 Nous nous sommes enfermés dans cette idée du 20ième siècle que l’architecture c’est construire d’immenses bâtiments très coûteux.Ces mêmes bâtiments destinés à de grandes compagnies ou organisations, découpent le foncier, et transforment nos villes en champ de monolithes. On pourrait imaginer une ville construite par plus de personnes avec moins d’argent. Cela pose la question de la planification des villes et de comment on finance leur développement. Que signifierait pour nos sociétés démocratiques de laisser le droit aux citoyens de construire leur ville et quels sont les moyens disponibles? «go amateur»1 Tout l’enjeu de la question est de créer une économie sociale de l’architecture, c’est ce que l’on voit apparaître grâce à l’open source. Il existe des outils extraordinaires comme l’imprimante 3D ou machine CNC. L’usine est partout, aujourd’hui on peut tous potentiellement contrôler les moyens de production, cela augure de grands changements pour l’architecture. Machine CNC
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1 « Vernacular construction and Open source construction? The only difference is a web connection» Alastair Parvin,conférence TEDex (Wikihouse, Open Source Construction System) 2014
Wikihouse, système de construction open source est un projet proposé par Wikihouse Foundation, start-up à but non lucratif, fondée à Londres. L’idée est de rendre accessible à tous et gratuitement une bibliothèque de modèles 3D qui peuvent être téléchargés et adaptés avec sketchup (logiciel gratuit et facile à utiliser). En un clic on peut générérer un ensemble de plans et coupes qui permettent d’imprimer les parties d’une maison avec une machine CNC sur des feuilles standard comme du contreplaqué. Les parties sont toutes numérotées, il suffit simplement de les assembler: «vous obtenez un énorme kit IKEA» Cela se monte sans boulon, on assemble les parties entres elles avec des chevilles et des cales. Elle peut être construite par une équipe de 2ou 3 personnes sans connaissance particulière concernant la construction. Sans utiliser d’outils électriques elle peut être construite en environ une journée. Vous obtenez le châssis de la maison il faut ensuite y ajouter fenêtres, isolation, revêtement extérieur équipements sanitaires etc. La maison n’est pas un produit fini. On peut imager construire d’autres éléments avec la machine CNC. Ce modèle de développement open-source correspond à un modèle de développement urbain mené par les citoyens. «la seule différence entre l’architecture vernaculaire et la construction open-source c’est la connexion internet».2 Même si c’est «en ligne», il s’agit de partager un savoir-faire avec une communauté. «Est vernaculaire, tout ce qui est hors du marché», livrer un savoir-faire plutôt qu’un produit fini, c’est rendre à la société civile un pouvoir décisif. Les citoyens bénéficient alors d’un autre statut que celui de consommateur. Si le 20ième siècle fut celui de la démocratisation de la consommation, le 21ième sera celui de la démocratisation de la production. WikiHouse
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2 « Vernacular construction and Open source construction? The only difference is a web connection» Alastair Parvin,conférence TEDex (Wikihouse, Open Source Construction System) 2014
Agora augmentée et lutte pour les datas Les NTIC pour relier les individus, afin de créer des lieux qui relieront à leur tour les individus, qui se rencontreront pour créer de nouveaux espaces où se rencontreront de nouveaux individus qui crééront de nouveaux lieux... L’agora augmentée est le lieu qui lie proximité de quartier et réseau. Elle est le support des «sociabilités diffuses»1 nées de la société numérique. Ces lieux reflètent les relations horizontales s’opérant sur les réseaux sociaux. Ce lieu est hors du temps de la ville sinon celui de la ville numérique qui ne dort jamais. C’est un lieu flexible. On peut y être tout le temps sans y être vraiment, on peut l’emmener avec soi. Il est plastique, extensible. Sa mixité fonctionnelle s’adapte au besoin en temps réel. Espace civique acommercial, apolitique. Un espace global connecté, connecté avec son environnement proche. Un espace local disposant d’une connectivité globale. Il s’agit d’un espace capable d’abriter une communauté non normée. Plus qu’une maison de quartier c’est un lieu pour la société civile, le gouvernement local, et les acteurs privés de la ville. Cet espace paraît proche des espaces de co-working toujours plus nombreux chaque jour, sorte de Starbucks, ou incubateur google. Mais il ne s’agit pas de créer un espace producteur de richesses commerciales mais bien d’un catalyseur de réseaux destiné à discuter les affaires de la ville. Il s’agirait de reprendre aux multinationales le monopole de création de ces lieux pour le laisser à la société civile, ou comment les agoras augmentées peuvent remplacer les Starbucks.
« À l’heure du numérique, la ville vibrionne d’e-amils, de textos et autres tweets rebondissant en échos à l’infini depuis des téléphones mobiles, alimentant les réseaux sociaux et transitant dans les nuages. Les mêmes terminaux ouvrent par ailleurs les portes des métros et les tiroirs caisse, abandonnant à l’occasion leurs données à tout vent. La donnée circule, l’information se recompose, des formes inédites d’éditorialisation de la ville surgissent. L’enjeu «média» de la ville est celui de ses nouveaux fluides (les datas), de ses réseaux (les réseaux techniques et les réseaux sociaux) et des services qu’ils fabriquent. Ainsi, une autre ville se façonne qui interroge le sens de ces intelligences et leur souverainetés: qui gouverne la data, ses algorithmes et leurs produits?»2 Plus les réseaux sont solides plus ils créent des datas et celles-ci sont souvent reléguées au rang de marchandises. L’agora augmentée, lieu de partage et de débat des affaires de la ville, pourrait vite être asujettie au rôle de laboratoire pour les entreprises, bassin d’affinage des études de marché.
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1 Denis Delbaere : La fabrique de l’espace public. Ville, paysage et démocratie Paris, Ellipses, Coll. La France de demain, 2010 2 Bruno Marzloff, Ville data, ville média Ville, architecture et communication, sous la direction de thierry Pacquot, Les Essentiels d’Hermès, CNRS Éditions
3 - le vernaculaire opérationnel et l’architecte Com-préhensif « La vérité est que l’ «expert » est un dupe. »1 Face à cette démocratisation de la production, à l’empowerment de la société civile dans les méthodologies de conception radicantes et participatives pour la planification de la ville, quelle est le rôle de l’architecte avec sa formation technique et créative? L’étude de la transformation du vernaculaire à travers le travail de nombreux architectes, m’a amenée à déceler une évolution du rôle de l’architecte. Nous ne sommes ni anthropologue, ni sociologue, ni ingénieur spécialisé dans le numérique, ni professionel de la communication. Mais nous savons projeter. Le terme «com-préhensif» est emprunté à Buckminster Fuller dans son ouvrage Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial Terre publié en 1969. Entre science et architecture, au grès d’histoire de navigation, Fuller explique la construction du monde. Ainsi ceux qui, les premiers ont dominé le monde, sont ceux qui en avaient la conscience. Appelés par Fuller les «Grands Pirates» les premiers capitalistes, étaient les navigateurs, ayant découvert d’autres continents, ils ont accédé à la conscience planétaire et furent ainsi capable de quantifier et de localiser les ressources. Seuls détenteurs de ces informations, il fut alors aisé de créer l’offre et la demande. Pour garder un monopole il leur fallut ensuite attribuer une tâche précise à chacun afin de rester les seuls pocesseurs d’une vision globale. La compréhension est l’antithèse de la spécialisation et la spécialisation intellectuelle doit être à l’opposé du concept d’architecte. Evolution
Architecte citoyen de plus en plus Com-préhensif Définition du genre vernaculaire
Rôle de l’architecte
relève d’un savoir-faire localisable, dans l’espace et dans le temps
architecte archéologue
processus «compréhensif» sous-jacent à la construction du phénomène urbain
architecte enquêteur
culture transdisciplinaire adaptable et évolutive véhiculée par l’Homme hors de la loi du marché
architecte ethnologue
système compréhensif des données sociales et économiques, des dynamiques territoriales et
architecte journaliste
recourant aux ressources disponibles au niveau local pratiques collectives et démocratiques, intégrée au système socio-économique du lieu
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1 R. Buckminster Fuller, Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial « Terre », Muller publisher, 1969
architecte anthropologue, coordinateur
«L’examen com-préhensif des données de son expérience rassemblées avec intelligence amène à la conscience des principes généraux.»1 La spécificité de l’architecte réside dans son anti-spécialisation. Le projet c’est se poser la bonne question et la réponse n’est pas forcément de construire. De la même façon si l’architecte est un maître d’oeuvre il peut aussi être un médiateur. Répondre aux besoins de la société civile, s’adapter à notre société numérique, et encourager le dialogue entre les différents acteurs. Tel est le rôle des architectes engagés dans la méthodologie de conception vernaculaire. « Les architectes et les urbanistes, surtout ces derniers, même s’ils sont classés comme spécialistes, ont une vision légèrement plus large que les autres professionnels. Ce sont aussi des humains qui ont souvent à combattre les vues étroites des spécialistes -en particulier, leurs clients-, des politiciens, et de tous les héritiers financiers et légaux de ce qui reste des prérogatives des Grands pirates.»1 Communicant L’architecte souffre de son image et la profession traverse une crise. On se dispute des marchés publics, on se brade. L’architecte passe à côté du marché des particuliers, incapable d’adapter sa communication à ce marché voir même réticent car parfois considéré comme de basses oeuvres. Pour faire face à la crise, nous devons «construire pour les 99% restants». En dehors des réticences de certains architectes, comment endiguer le déficit de popularité de la profession? Aujourd’hui les NTIC peuvent devenir les meilleurs alliés des architectes. Il s’agit de communiquer sur les projets réalisés, en cours et à venir. L’enjeu sous-jacent est bien de démocratiser l’architecture, l’accès à l’architecte. Luciana Ravanel, fondatrice d’Ante Prima consultants : «Il fut une époque où l’on comptait onze ministères constructifs. Aujourd’hui, il n’en reste plus que deux : la Culture et la Justice», estime-t-elle. Autrement dit, à l’heure où la commande publique se raréfie, l’architecte a intérêt à faire entendre sa voix via plusieurs médias. «A l’époque, il suffisait d’envoyer un beau dossier même dénué de références et les concours suivaient. Aujourd’hui, cela ne suffit plus ; les concours sont moins nombreux et la commande est moins claire : il y a désormais différentes façons de choisir un architecte. Ce dernier doit donc diversifier ses outils pour accéder à la commande».2 Com-préhensif et communicant, l’architecte pratiquant la méthodologie de conception vernaculaire connectée doit s’adapter. À l’image du genre vernaculaire qui a su évoluer avec son époque en prise avec les lieux où il est mis en place, l’architecte doit montrer son adaptabilité, son antispécialisation.
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2 luciana Ravanel, dans Quoi ma com’, qu’est-ce qu’elle a ma com’ ? http://www.lecourrierdelarchitecte. com/article_3536
Synthèse Sous l’égide de la gouvernance urbaine interactive, le VUC n’est plus qu’une utopie, mais bien un mode de fabrication d’espace opérationnel. Le Vernaculaire devient urbain, politique, connecté. À l’ère de la globalisation, il est invoqué pour ses principes écosophiques centrés sur l’humain et sa capacité à générer du réseau. Vernaculaire et numérique ne sont donc pas incompatibles. Ensemble, ils sont les catalyseurs des pratiques collaboratives en temps réel. Les NTIC pouvant être considérées comme déshumanisantes, affaiblissant les sociabilités, s’avère un formidable outil démocratique. Elles peuvent être un support d’évolution de la profession d’architecte, peu habitué au feed back qui permet d’améliorer la conception. L’architecte «anti-spécialiste» en prise avec le temps réel pourrait s’avérer bien plus com-préhensif du lieu et de ses enjeux. Pour les architectes, assez impopulaires, le risque serait, en gagnant plus de visibilité, de perdre une certaine liberté d’expérimentation.
Société civile Architecte + NTIC
Architecte + NTIC
VUC Gouvernements locaux
Secteur privé
Architecte + NTIC
Planification démocratique et collaborative de nos espaces de vie
Ville 84
Projet d’architecture
Conclusion La ville lieu de toutes les opportunités est aussi un lieu risqué. La ville est un lieu global dont le réseau s’étend aux quatre coins du globe. Mais la ville c’est aussi ses quartiers, ses habitants, et les modes de vie qui y sont rattachés. Longtemps considérées comme lieu de perversion et de danger, on s’accorde aujourd’hui sur le fait que ce sont dans les villes, formidables laboratoires d’expérimentations, que naîtront les solutions pour un mode de vie futur plus durable. Face à cette ruée vers la ville, le bidonville reste le mode d’habiter le plus fréquent au monde. Habitat spontané vernaculaire ou zone de non-droit cristallisant les maux de la ville, il est une réalité avec laquelle les gouvernements doivent composer. Grouillant de vie, toujours agité, le bidonville est depuis toujours une source d’inspiration pour les architectes, les artistes. Ses ruelles étroites, ses façades colorées, ses habitants et petits commerçants sont vecteurs d’un imaginaire fort. Le système D, la survie, y sont élevés au rang d’art. On oublie la notion de choix. La favela faite de bric et de broc par les habitants eux-mêmes reste un processus de conception subi, une œuvre collaborative forcée. Le bidonville est avant tout une zone de non-droit où les habitants abandonnés par le gouvernement local n’ont d’autres choix que celui d’improviser. Ne bénéficiant pas de politiques de la ville, la gestion du bidonville est laissée à ses habitants et aux mouvements sociaux souvent en opposition totale avec la technocratie locale. Comme mis en avant par Challenge of Slums, il est impossible de raser les bidonvilles pour tout recommencer. L’enjeu réside dans la régularisation de ces quartiers pour les intégrer au système de gestion de la ville formelle. Je qualifierai même les bidonvilles d’utiles, ils constituent une sorte d’étape pour primo-arrivant dans la ville. Mais cette régularisation ne sera possible qu’à condition de décentraliser les pouvoirs et de coordonner les différents niveaux de gouvernement évitant la duplication des fonctions. En somme le bidonville a absorbé l’afflux de population vers la ville et les politiques des gouvernements locaux doivent travailler sur une meilleure répartition de la croissance urbaine. Le vernaculaire a décliné ses identités au fil du temps, il a su évoluer, se transfigurer. Il fut naturellement de retour à l’ère du développement durable notamment pour son utilisation raisonnée des ressources environnementales. Ce mémoire est l’occasion de montrer que le vernaculaire est bien plus que cette seule donnée écologique. Il est un genre, une manière de faire, laissant présager une opérationnalisation possible à grande échelle aujourd’hui et dans un futur à moyen terme. Le genre relève de plusieurs disciplines, il est multidimensionnel, transdisciplinaire. Ainsi le vernaculaire : - relève d’un savoir-faire localisable, dans l’espace et dans le temps, - est une culture transdisciplinaire adaptable et évolutive véhiculée par l’Homme hors de la loi du marché, - est un système compréhensif des données sociales et économiques, des dynamiques territoriales et recourant aux ressources disponibles au niveau local, - constitue un ensemble de pratiques collectives et démocratiques, intégrées au système socioéconomique du lieu. 87
C’est à travers ces multiples identités du Vernaculaire, découvertes grâce à des architectes ou bien des ouvrages théoriques, que j’ai pu requestionner le rôle de l’architecte. L’architecte est aujourd’hui un professionnel très isolé. Il doit se rapprocher de la société civile et des gouvernements locaux pour apporter une expertise des espaces de la ville, du quartier et du logement. En sa capacité d’adaptabilité à différentes échelles, la méthode de conception vernaculaire collaborative et démocratique peut être un levier de développement des quartiers les plus précaires et un appui méthodologique pour les architectes. Il est néanmoins utopique d’imaginer l’opérationnalisation d’un tel processus à grande échelle sans un appui politique fort. Dans les mégapoles du Sud, lieu de prédilection pour l’expérimentation du genre vernaculaire, souvent dotées d’institutions instables, la good gouvernance s’est avérée inefficace. Le choix du type et de l’échelle de la gouvernance est une donnée majeure pour le succès d’une telle méthode. Proche des préoccupations écosophiques, la gouvernance urbaine interactive saurait donner un cadre au vernaculaire urbain en guidant ses acteurs, société civile, gouvernement local et secteur privé. Identités durables, urbaines et connectées : le genre vernaculaire est adaptable à chaque lieu et à ses évolutions. Souvent critiqué le numérique est tout de même un outil démocratique. Dans le cadre de la conception vernaculaire urbaine, l’utilisation des NTIC, donc d’un vernaculaire urbain augmenté, peut être un facteur d’intégration des bidonvilles dans la ville formelle. Ne rejetant pas le modèle de la Smart city hautement technologique je lui préfère la ville vernaculaire connectée sur un moyen terme étant donné l’accès répandu aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Si le vernaculaire est local, il a la possibilité d’être global. La globalisation est souvent diabolisée mais on ne peut nier ses effets positifs sur l’accès à la culture, la possibilité de nouer d’autres types de sociabilités. L’utilisation des NTIC peut créer un vernaculaire augmenté et le vernaculaire augmenté peut renforcer les sociabilités diffuses crées par les NTIC. Les identités vernaculaires sont l’occasion de penser la ville de demain et les nouveaux lieux comme l’agora augmentée. Quel est la place de l’individu dans la ville globale et connectée et quels sont les lieux destinés à abriter les sociabilités diffuses? Auparavant rejetant complètement les nouvelles technologies de l’information et de la communication, elles me semblent aujourd’hui une des clés de développement des zones délaissées par les politiques de la ville. Souffrant d’un déficit de popularité, les architectes doivent considérés les NTIC comme un pont entre eux et la société civile pouvant leur permettre de collaborer dans le cadre de la planification des villes de demain. Evoluant parfois dans un vase clos, les professionnels de l’espace, leurs rôles et leurs capacités, sont méconnus du grand public. « Architecte d’intérieur ou d’extérieur ? » C’est une question que j’ai entendu maintes et maintes fois. Au-delà de la notion même de construire, il s’agit de construire une image de la profession qui soit réellement en adéquation avec ses modes d’actions et ses travaux. Les architectes devraient utiliser les NTIC pour se rendre visibles et communiquer sur cette nouvelle place publique que sont les réseaux sociaux. Dans une société du tout spécialisé, l’architecte doit garder une position d’ «anti-spécialiste» prêt à apprendre de la société civile et de ses évolutions. Comme l’évoque Marc Kushner, l’architecte anti-spécialiste et curieux de tout doit sans cesse osciller entre innovation et mémoire collective. Nous pouvons compter sur les NTIC pour installer cet équilibre et rester en phase avec les 88 besoins et les aspirations de la société civile.
Si je tiens à évoquer dans ce mémoire le rôle de l’architecte c’est que dans quelques mois je serais confrontée à ces questions. Quel est mon devoir d’architecte envers la société ? Quelle sera ma manière de faire l’architecture ? Dans quel territoire ? Comme beaucoup, lors des premières séances de mémoire, j’étais traversée par des idées de projets et non pas d’écriture. Ces idées nées de mes expériences ou de découvertes purement graphiques m’ont amenées vers les identités vernaculaires. J’ai eu à cœur de montrer que le vernaculaire n’était pas seulement une petite maison en terre sur de hauts plateaux mais bien un quartier entier à Tijuana. Partie sur les traces des identités vernaculaires, j’ai gardé en tête ces envies de projets. C’est naturellement vers une des ces mégacités du Sud que me portera mon projet de fin d’étude : Rio de Janeiro. Dominant Copacabana et Ipanema, plages mythiques de Rio, se tiennent les favelas Cantagalo, Pavão et Pavãozinho (littéralement : coq qui chante, paon et petit paon). Accrochées au morros, tournées vers l’océan, parfois battues par les pluies, soumises aux glissements de terrains, quelle sera l’identité vernaculaire de cette volière des hauteurs de Rio?
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Bibliographie Pierre Frey, Learning from Vernacular : pour une nouvelle architecture vernaculaire Actes Sud Beaux ArtsHors collection Novembre, 2010 / 19,6 x 25,5 / 176 pages Coédition Ecole polytechnique fédérale de Lausanne Ivan Illich, Œuvres Complètes Volume 2, le genre Vernaculaire, Fayard 2004 Ré-enchanter le monde. L’architecture et la ville face aux grandes transitions. Sous la direction de MarieHélène Contal, Galimard, Collections Alternative, 2014. Felix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie, Éditions Lignes, 2014 Paul Valéry, Eupalinos L’Ame de la danse Dialogue de l’arbre, gallimard collection Poésie, 1945 Mike Davis, Le pire des mondes possibles, de l’explosion urbaine au bidonville global, la Découverte, Paris, 2006 Franco La Cecla, 2010, Contre l’architecture, Arléa, traduit de l’italien par Ida Marsiglio UN-Habitant, The Challenge of the Slums, Global Report on Human Settlements, Sterling, London, 2003 Paul Virilio, Cybermonde la politique du pire, Textuel, Paris, 1996 R. Buckminster Fuller, Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial « Terre », Lars Muller publisher, 1969 Françoise Lieberherr-Gardiol, German Solinis, Quelles villes pour le 21ième siècle ?, Infolio, 2012 Bernard Rudofski, Architecture without architects: a short introduction to Non-Pedigreed Architecture, Doubleday, New York, 1964 Denis et Fiona Meadows, Jorgens Randers, William Berhens, Halte à la croissance?, Le Club de Rome, Rapport Meadows, Paris, Fayard, 1972. Jana revedin, La ville rebelle, démocratiser le projet urbain, Editions Gallimard, collections alternatives,2015 Bruno Marzloff,Ville data, ville média dans Ville, architecture et communication, sous la direction de thierry Pacquot, Les Essentiels d’Hermès, CNRS Éditions Parag Khanna, Connectography: Mapping the Future of Global Civilization, Random House Publishing Group, 2016
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difference is a web connection» Alastair Parvin,TEDex, 2014