Candide

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Etude d’une œuvre intégrale : Candide de Voltaire P ROBLÉMATIQUE

GÉNÉRALE

: LE

LANGAGE EST - IL APTE À REPRÉSENTER LA MONSTRUOSITÉ DE L ’ HOMME

?

Séance 3 : Voltaire, un philosophe des Lumières

I. -

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Repères biographiques

Voltaire (François-Marie Arouet) est né à Paris le 20 février 1694. Fait ses études chez les Jésuites et acquiert une culture classique. Ses maitres forment son esprit à la discussion, à la répartie et font naitre en lui la passion du théâtre. A 20 ans, il fréquente les salons, et cherche à briller dans l’entourage des Princes. Son esprit et son insolence séduisent mais il sera enfermé 11mois à la Bastille à cause de textes satiriques à l’encontre du Régent. Il écrit une tragédie Œdipe en 1718, une épopée La Henriade où il dénonce le fanatisme des guerres de religion. Entre 1720 et 1725, Voltaire connait au théâtre succès et échecs. Il amuse mais inquiète le roi Louis XV devenu roi en 1723. Reçu à la cour où il peut prétendre une carrière de poète officiel mais quelques rebondissements viennent interrompre son ambition : à la suite d’une dispute le chevalier de Rohan qui l’a jugé insolent envers lui le fait enfermer à la Bastille. Un mois plus tard, Voltaire doit quitter la Frace et s’embarque pour l’Angleterre. Ce séjour de 2ans et demi a une grande influence sur son esprit philosophique : il découvre la monarchie parlementaire, la tolérance religieuse, l’esprit d’entreprise. De retour en France, il déploie une activité étonnante malgré sa santé déplorable. En 1732, il écrit Zaïre qui remporte un immense succès. 1734 : il publie les Lettres philosophiques malgré l’interdiction. Il s’exile à Cirey auprès de Madame du Châtelet, mathématicienne. En 1747, il écrit Zadig. En 1749, Voltaire cède aux appels de Frédéric II et part pour la Prusse. Après quelques disputes entre eux, Voltaire part pour la Suisse. Commence à écrire des œuvres pessimistes marquées par les évènements (les guerres, les catastrophes…) dont Candide publié en 1759. En 1760, il devient seigneur de Ferney, un domaine près de Genève. Ses dernières années sont les plus militantes de sa vie : dénonce certaines affaires judiciaires.  Dans le Traité sur la tolérance, il plaide pour l’humanité entière contre le fanatisme et la persécution, répand les idées de liberté et de raison grâce au Dictionnaire philosophique publié en 1764.  Commence également une série de contes : L’Ingénu en 1767 qui entretient la diffusion des idées des Lumières. Il meurt le 30 mai 1778 ; Enterré en Champagne, les funérailles religieuses lui étaient refusées en raison de sa vie que l’Eglise a qualifiée d’impie. En 1791, transféré au Panthéon.

II.

L’écriture de Voltaire

A. Le masque et le déguisement -

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L’écrivain se cache sous de nombreux pseudonymes, par crainte de la censure mais aussi par le gout de mystification. C’est ainsi que les aventures de Candide auraient été trouvées dans la poche d’un certain Docteur Ralph et traduites de l’allemand. L’Ingénu serait une « histoire véritable tirée des manuscrits du père Quesnel… ». Il se défendait d’avoir écrit ces pamphlets et ces cotes, mais le style particulier lui était reconnaissable. Ces prête-noms, cette dissimulation, ces ruses permettent à Voltaire de présenter simultanément différents visages : d’être en même temps dans sa jeunesse l’espoir de la tragédie et l’inventeur de libelles diffamatoires contre le Régent, d’être le poète officiel de Frédéric II…

B. La diversité des formes -

C’est à travers les formes littéraires les plus variées que Voltaire s’est engagé dans les débats et les combats de son siècle. Il se consacre aux sciences, à l’histoire, se passionne pour les théories économiques et sociales, devient spécialiste des questions judiciaires. Il est aussi poète, épistolier, pamphlétaire, auteur tragique, conteur.


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Mais de cette production diversifiée se dégage une profonde unité de pensée. : Voltaire est partout philosophe : s’interroge sur la société, la religion, la destinée, la condition humaine. A travers l’allégorie des contes, il pose les plus graves interrogations : le bonheur dans Zadig, le mal dans Candide, la civilisation dans l’Ingénu : par le dialogue philosophique, paradoxal, drôle et rapide, il en dit plus que ne le ferait un long traité ; Voltaire adopte le genre court : le conte, ‘article de dictionnaire, le pamphlet dans un but de rapidité, d’efficacité. L’écriture pour Voltaire devient une arme redoutable. Le plaisir de conter est inséparable, chez Voltaire, du désir d’éclairer les hommes et de diffuser des idées. C’est pourquoi l’univers fictif du conte est composé de faits bien réels comme la guerre ou l’Inquisition, qui sont condamnées. Les contes sont aussi pour Voltaire le moyen de s’engager dans un débat philosophique que soulignent quelques-uns des sous-titres : Zadig ou la destinée, Candide ou l’optimisme. Le pamphlet désarme et blesse l’adversaire tout en gagnant l’adhésion du lecteur, en emportant sa conviction par la drôlerie. Ces écrits satiriques, inspirés par l’actualité et toujours lancés au bon moment remplissent une double fonction : ils permettent à Voltaire de régler un compte personnel avec sa victime mais lui servent aussi à combattre une erreur, les préjugés, l’intolérance, l’injustice. Toute l’œuvre de Voltaire est une somme de plaidoyers et de réquisitoires. L’ironie et la satire : l’ironie consiste à se moquer en laissant entendre le contraire de ce que l’on dit. Le lecteur averti est alors complice de ce décalage. La satire est une arme plus agressive. Elle souligne les ridicules, grossit les traits. Ces deux procédés comiques expriment toujours par rapport à la réalité une prise de position, une critique, une révolte. Ils visent un objectif : dénoncer, faire prendre conscience, réformer. Ce sont des moyens privilégiés mis au service d’une intention : combattre. L’écriture de Voltaire est inséparable de ce projet. Le philosophe se définissait lui-même en ces termes : « J’écris pour agir. »

Séance 4 : Approche de l’œuvre Lecture analytique du premier chapitre.

Introduction -

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Ce premier chapitre est un incipit au cours duquel l’auteur doit nécessairement obéir à deux exigences : informer et intéresser.  Le romancier doit construire le monde fictionnel du récit. Il est alors du côté de l’informatif, de l’explicatif, du descriptif.  Il faut également intéresser d’entrée de jeu le lecteur, le faire entrer le plus vite possible dans le narratif proprement dit, dans l’histoire.  L’incipit dispose d’éléments qui seront des points de référence, des indices qui seront constamment repris par le récit. En effet, ce premier chapitre est une sorte de prologue à l’œuvre intégrale dans lequel Voltaire énonce les divers ressorts de son conte philosophique. Ce premier chapitre montre bien l’insertion de ce récit dans le genre du conte : le titre du chapitre qui montre la dynamique du récit (le bonheur et le malheur vont s’enchainer en permanence), la formule-type « il y avait » ainsi qu’une présentation des personnages. La progression du texte s’établit par une accumulation de portraits. D’abord celui du personnage principal : Candide puis les portraits esquissés sont introduits dans un ordre hiérarchique : le baron, la baronne, la fille, le fils quelque peu éludé (il s’agit su’ ressort littéraire pour ne pas ennuyer le lecteur avec une galerie trop importante de portraits), le précepteur Pangloss. Outre ces éléments propres aux contes, nous sommes en présence d’une portée philosophique et d’une visée argumentative.  Dans ce conte, voltaire dresse un portrait satirique de la société : d’une part de la famille de « barons » : il s’agit d’une classe sociale qui prétend appartenir à la noblesse. D’autre part, une critique de l’enseignement de Pangloss, symbolisant le philosophe Leibniz et sa philosophie de l’optimisme.  Portrait caricatural de la famille : grossissement des traits, exagérations, hyperboles. Regard critique et ton satirique. Dimension farfelue des personnages. Propres au conte.  Réfutation de la thèse de Pangloss (Leibniz) : moquerie sur l’enseignement. Dimension philosophique propre au conte philosophique. Importance donnée aux noms :  Exagération du nom de famille : très long, stéréotype de la famille noble.  Candide : naïf, découvre le monde et va porter un regard neuf sur celui-ci. Interroge et à travers ses interrogations, va remettre en question et va questionner la société, la justice,…


Pangloss qui signifie « tout-langue » marque bien l’idée d’un « beau-parleur », d’une personne qui parle beaucoup et surtout pour ne rien dire. A des théories sur tout. Parole parfois déraisonnée ou qui repose sur des sophismes et des syllogismes. - Plan du chapitre 1 :

Un incipit de conte

I. a.

Les fonctions de l’incipit i. Informer ii. Intéresser

b.

Les ressorts du conte merveilleux i. Les aventures d’un héros ii. Une galerie de portraits

II.

Vers un conte philosophique a. La satire i. Portraits caricaturaux ii. Usage de l’emphase

b.

Une critique du monde

i. Remises en questions sociales ii. Remise en question philosophique.

I.

Candide : un conte à l’image d’une époque

A. Un conte protéiforme -

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Voltaire multiplie les faux désaveux, heureux de ne pas être cru pour ce Candide ou l’optimisme, traduit de l’allemand de M. le docteur Ralph. Ce docteur Ralph décédé en 1759, précise l’édition de 1761. Candide n’a pas été improvisé. Achevé en octobre 1758 et est publié en janvier 1759. Tous les thèmes de Candide sont présents dans la Correspondance entre 1755 et 1757. Le conte de Voltaire utilise tous les ressorts du conte merveilleux en intégrant des éléments miraculeux :  des personnages apparemment morts mais qui réapparaissent (Cunégonde, Pangloss, le frère).  L’aspect miraculeux passe aussi par les mésaventures de Candide qui se sauve toujours des situations les plus inextricables.  Il y a en permanence un renversement de situation : quand tout est bien, un élément va faire basculer le bonheur dans une mésaventure ; et vice versa, dans une mésaventure ultime, il y a toujours une solution inespérée qui se présente. Voltaire utilise de nombreux procédés et notamment l’enchâssement des récits :  l’histoire de Cunégonde, celles de la vieille et de Giroflée qui sont autant de pauses dans l’enchaînement des aventures.  Se trouve intégrée au centre de l’œuvre : une utopie. Conte philosophique et roman initiatique :  évolution d’un personnage naïf qui évolue spatialement donc qui découvre le monde.  Suite à ses expériences malheureuses vécues et à celles racontées par les personnages, Candide réfléchit sur la nature humaine, la condition humaine.  Si au début, il absorbait les paroles de Pangloss, il va finalement remettre en question cet optimisme que la réalité malheureuse nie.  IL va donc y avoir un discours très théorique qui n’est absolument pas en phase avec la réalité. Deux thèses philosophiques vont s’opposer : l’optimisme démesuré de Pangloss et le pessimisme inégalé de Martin. Candide devra donc trancher après avoir écouté, réfléchi et délibéré. A travers l’initiation de Candide et des choses vues par le personnage, on note une remise en question, une critique sociale, judiciaire, politique et religieuse propres à l’auteur Voltaire. Cependant, le subterfuge du manuscrit trouvé et traduit permet de mettre à distance la personne de Voltaire afin de lui éviter la censure, et l’embastillement. Conte philosophique mais surtout polémique. Candide est une œuvre de refus, une condamnation.  L’arme principale de Voltaire est la dérision et l’ironie qui en découle.  Les personnages sont ballotés au gré de catastrophes et d’injustices ;  leur rencontre avec les absurdités du monde permet à Voltaire de s’en prendre, par la satire, à tout ce qu’il déteste : la bêtise, l’intolérance, le fanatisme.


B. L’itinéraire de Candide -

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Neveu –bâtard- du baron de Thunder-ten-Tronckh, qualifié dès l’incipit d’esprit simple mais droit, a grandi dans le château du baron, en Westphalie, ébloui par la puissance du maître, par les sophismes optimistes du docteur Pangloss, par les rondeurs de sa cousine Cunégonde, et convaincu de l’excellence de la création.  Ses premiers ébats, surpris derrière un paravent, le font chasser de cet éden et est ainsi jeté dans le vaste monde dont il va faire l’expérience. Les aventures de Candide :  Enrôlé de force dans une ville voisine et dressé à la schlague- coups de baguette donnés aux soldats quand ils avaient commis une infraction au règlement- (chapitre 2), il assiste à une boucherie héroïque, il déserte et découvre en Hollande le sectarisme après la guerre (chapitre 3).  Au chapitre 4, il retrouve son ancien précepteur rongé par la vérole, rescapé de la destruction totale du beau château : il apprend que Cunégonde est morte, et qu’elle avait été violée par de soldats.  Au chapitre 5, ils sont recueillis par le bon anabaptiste (protestant) qui les fait travailler à son négoce et les mène avec lui au Portugal. • Candide et Pangloss connaissent une horrible tempête et voient périr leur bienfaiteur ; • ils subissent ensuite un tremblement de terre (référence réelle : le tremblement de terre de Lisbonne).  Au chapitre 6, ils sont déférés à l’Inquisition –tribunal ecclésiastique chargé de réprimer les hérésiespour de discours suspects : Pangloss est pendu et Candide fessé.  Au chapitre 7, Candide fait la connaissance d’une vieille femme qui le soigne et le conduit chez une dame, qui n’est autre que Cunégonde, miraculeusement sauvée.  Au chapitre 8, il s’agit d’un récit inséré : celui de Cunégonde qui raconte son histoire. • On apprend qu’elle est la maitresse d’un banquier juif et du grand Inquisiteur.  Au chapitre 9, Après une querelle, Candide tue ses 2rivaux.  Le chapitre 10 relate la fuite de la vieille, Cunégonde et Candide. • La vieille raconte son histoire sur 2chapitres – 11 et 12- : • évoque ses mésaventures et sa déchéance : fille d’un pape et d’une princesse devenue servante.  Au chapitre 13, arrivés à Buenos Aires, les deux amants sont à nouveau séparés : • Cunégonde reste entre les mains du gouverneur.  Au chapitre 14, Candide fuyant toujours l’Inquisition passe avec son valet Cacambo chez les Jésuites du Paraguay. • Il retrouve le frère de Cunégonde, miraculeusement indemne.  Au chapitre 15, Candide lui apprend son projet d’épouser sa sœur. • Le frère s’oppose à céder la main de sa sœur à un bâtard. Candide le tue.  Le chapitre 16 retrace la fuite de Candide et de Cacambo. • Ils traversent le pays des oreillons.  Les chapitres centraux 17 et 18 retracent leur découverte de l’eldorado, un pays idéal. • Description d’une contrée paradisiaque, utopique. • Ils achèteront un royaume et reprendront Cunégonde.  Chapitre 19 : dans leur route vers Surinam, ils perdent un à un tous leurs moutons qui les avaient accompagnés dans leur périple en Eldorado. • Ils rencontrent ensuite un esclave mutilé. • Ils se séparent : Cacambo va racheter Cunégonde au gouverneur de Buenos Aires et Candide par à Venise l’attendre. • Après avoir été dupé et volé par un négociant, Candide s’embarque pour l’Europe, en compagnie d’un savant pauvre et persécuté à qui il paie son voyage.  Les chapitres 20 et 21 concernent la traversée au cours de laquelle les personnages débattent sur l’ordre du monde, la nature humaine. • Martin s’avère être le contraire de Pangloss puisqu’il pense que le monde va de travers et prône un pessimisme incontesté.  Au chapitre 22, Candide est à Paris : • il trompe Cunégonde avec une fausse marquise puis trompé par une fausse Cunégonde et finit par fuir une arrestation injuste.  Au chapitre 23, Candide assiste à l’exécution d’un amiral.


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Au chapitre 24, Il aborde à Venise avec Martin mais Cunégonde n‘y est pas. • Il retrouve Paquette, ancienne servante de la baronne. • Paquette et Frère Giroflée vont raconter leur histoire et font découvrir les misères cachées. Au chapitre 25, ils rendent visite au seigneur Pococuranté. • Vont s’élaborer de nombreuses réflexions sur l’ennui, le bonheur… Au chapitre 26, au milieu d’un souper de carnaval avec six malheureux rois détrônés et désargentés, Candide voit reparaitre Cacambo. Chapitre 27 : Cunégonde l’attend sur les bords de la Propontide, elle est esclave et enlaidie. • Ils partent vers Constantinople et Candide croit reconnaitre parmi les galériens le docteur Pangloss et le jeune baron : il les rachète au patron du navire. Au chapitre 28 : Pangloss – le sophiste mal pendu- et le frère de Cunégonde – le jésuite mal tuéracontent leurs mésaventures. Au chapitre 29, ils abordent en Propontide. • Candide rachète Cunégonde et la vieille. • Il n’aime plus Cunégonde mais il l’épouse par devoir, malgré le refus réitéré du frère dont Candide se débarrasse en le renvoyant aux galères. Au chapitre 30, Candide achète avec les derniers diamants d’Eldorado, une petite métairie où tous ses compagnons, et Paquette et Giroflée revenus par hasard, sont enfin réunis : ils y vivront passablement, après avoir renoncé aux vaines curiosités métaphysiques, en cultivant en semble leur jardin.

C. Les personnages -

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Pangloss : précepteur de Candide ;  défenseur de l’optimisme.  Sa pensée contraste avec les malheurs qui lui arrivent créant un effet comique et moqueur à son égard.  Caractérisé par un verbiage vain et ridicule. Voltaire oppose la théorie des philosophes et métaphysiciens qui semble parfois inutile à l’action et à la concrétisation. Cacambo : métis d’Amérique du sud.  Serviteur de Candide.  Présent du chapitre 14 au chapitre 19 ; puis du chapitre 26 au chap. 30. Cunégonde : fille du baron ; cousine de Candide.  Amoureuse infidèle de Candide qu’elle force à l’épouser à la fin du récit.  Présente entre les chapitres 7 et 13 puis 29 et 30.  Représentation de la condition féminine : sensuelle et belle au début puis enlaidie et vieillie à la fin.  Comme les femmes du conte, elle ne représente que le corps et non l’esprit ; Elle ne participe jamais aux débats philosophiques et métaphysiques ; Le fils du baron : jésuite et homosexuel.  A failli être tué par Candide. A la fin, il est expulsé et devient un galérien.  Le personnage rejeté en permanence ;  appartient toujours à des minorités : symbolise l’exclusion. Martin : philosophe recueilli par Candide et s’oppose en tous points à Pangloss. La vieille : fille d’un pape, devenue servante de Cunégonde après de nombreuses mésaventures.  Symbolise le malheur de la vie et de la condition féminine.

II.

A. L’optimisme en question -

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L’influence des Lumières

L’optimisme désigne une réponse philosophique et métaphysique à la question du mal sur terre qu’il soit physique (catastrophes, maladies, vieillesse, mort) ou moral (injustice, vice, esclavage, tyrannie). La question métaphysique qui se pose est comment associer l’idée du mal avec celle de Dieu, Tout-Puissant et nécessairement bon ? Comment Dieu peut-il permettre le mal s’il est bon ?  Le mal met donc en cause la Providence. Leibniz : philosophe et mathématicien allemand qui publie en 1710 Essais de Théodicée.  La théodicée concerne une partie de la métaphysique qui justifie Dieu du mal qui pourrait constitue une objection à saboté et à son existence.  Selon Leibniz, Dieu n’a pas crée un monde parfait mais le meilleur des mondes possibles. Le mal provient de l’homme car il est imparfait et limité.


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Pangloss : le représentant de la philosophie de Leibniz.  Si Voltaire se moque de Leibniz, il ne remet pas en cause l’existence de Dieu, ni la justice divine.  Voltaire n’est pas athée mais déiste : il croit qu’une intelligence divine a créé l’univers et toutes les créatures. Il croit en un dieu moral. Il y a d’une part, à travers le portrait satirique de Pangloss, la dénonciation d’un système philosophique mais également l’enseignement et notamment les précepteurs pédants.  Il critique la prétention de la raison humaine qui se prend pour la raison de Dieu, en échafaudant sans cesse des systèmes métaphysiques censés tout expliquer.  La raison humaine est une raison limitée, incapable de répondre aux grandes questions existentielles, et de résoudre les énigmes du monde et de l’univers. Voltaire dénonce les théologiens qui prétendent parler au nom de Dieu et les philosophes qui prétendent connaitre la seule et unique vérité.  Lutte contre la métaphysique : critiquée par le nom de la matière enseignée par Pangloss mais également la fin de l’œuvre montre que les personnages vivent sans métaphysique et chercher à cultiver leur jardin.

B. La religion -

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Les questions religieuses sont au centre du débat philosophique et politique du XVIII°. La France est une monarchie de droit divin dans laquelle le catholicisme est religion d’Etat La remise en cause des institutions atteint la religion : les philosophes lui reprochent certaines formes d’intolérance indissociables du pouvoir politique. Les Jésuites : fondée en 1540 par Ignace de Loyola, la Compagnie de Jésus est un ordre religieux structuré sur le modèle d’une armée.  Cet ordre militant a joué un rôle important dans la lutte contre le protestantisme renaissant ;  Les jésuites attaquent régulièrement les jansénistes. Protégés par le pape et le roi, les jésuites font naitre une hostilité grandissante.  La Compagnie est cassée de France en 1764. Et ne sera rétablie qu’en 1814. Le problème protestant : lutte catholique/ protestants née au XVI renait après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685.  Les philosophes dénoncent l’intolérance et les persécutions effectuées envers les protestants.  Les philosophes, tentent, dans leurs pamphlets et autres réquisitoires de réhabilité les protestants. En 1787, l’édit de Tolérance rétablira les protestants dans leurs droits : état civil, liberté de culte… Le combat pour la tolérance. Malgré la dénonciation de la religion, de nombreux philosophes ne la réfutent pas. Ce qu’ils combattent est surtout le fanatisme ;

C. Les Lumières : la formation d’un esprit critique -

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Au XVIII°, le développement des voyages et les progrès scientifiques déterminent des modes de pensée nouveaux et une remise en question des traditions admises.  Les esprits s’ouvrent sur le monde.  La seconde ouverture sur le monde se fait par la science. Le développement des sciences (astronomie.. ;), les progrès des instruments de recherchent remettent en cause de nombreuses certitudes. Ce nouvel esprit, caractérisé par son exigence critique, l’analyse, l’observation et l’expérimentation et pose comme principe de ne rien accepter sans vérification.  Le maitre mot est : Raison. Le but des Lumières : lutter contre l’ignorance et les préjugés.  C’est en effet l’ignorance qui engendre les idées fausses et des jugements sans fondement.  La raison corrige cette faiblesse en montrant les mécanismes de l’erreur.  L’esprit critique a également comme objectif de venir à bout des superstitions qui répandent des croyances dépourvues de fondements rationnels ou scientifiques. L’homme des Lumières prend conscience de sa force et de sa liberté.  Il n’est plus spectateur de l’histoire mais un témoin actif qui se sent responsable de son devenir et cherche à limiter les effets de l’absolutisme et du fanatisme. Le philosophe du XVIII° est un penseur qui fait de la raison le guide de toute réflexion et de toute démarche intellectuelle.  La raison l’éclaire, l’aide à déterminer le faux du vrai, elle est source de connaissance.  La raison est aussi symbole de modération. Le philosophe est un homme de progrès : ouvert et dynamique, il rejette le principe d’autorité au nom de la liberté de pensée, il récuse les traditions lorsqu’elles constituent un frein au progrès.


La contestation est source de progrès : progrès de l’esprit par la remise en question, progrès des connaissances. Le philosophe : un homme social et sociable  Intégré à la société, le regard ouvert sur son époque et sur ses contemporains, il vit parmi eux, les observe, es écoute et les comprend.  Il fréquente les lieux d’échanges : cafés, salons…  Homme de dialogue : le philosophe entretient une correspondance vairée et abondante avec ses amis proches mais aussi avec les princes et les chefs d’état. Le philosophe : un homme de combat : il se bat pour l’exercice d’une liberté de pensée. Il apparait comme l’exemple même de l’écrivain engagé. C’est un penseur qui diffuse le savoir, n’hésite pas à contester et considère comme de son devoir de participer à tous les combats humanitaires. 

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La religion naturelle


Séance 5 :CH. 3 Un réquisitoire contre la guerre. Lecture analytique du passage Questionnaire préparatoire : 1.

PROBLÉMATIQUE : COMMENT HOMMES ?

Par quels procédés la guerre et ceux qui la font sont-ils particulièrement valorisés ? 2. Comment l’expression « boucherie héroïque » est-elle illustrée dans le texte ? Analysez le réalisme des scènes qui se passent hors du champ de bataille. Sur quoi Voltaire met-il l’accent ? 3. D’où vient l’efficacité de la dénonciation ? Analysez la tonalité générale du texte et le jeu des points de vue. L’ IRONIE , EN TRANSFORMANT LA GUERRE EN SPECTACLE , DÉNONCE - TELLE LA FOLIE DES

Introduction Voltaire consacre le chap.2 au fonctionnement quotidien de l’armée : enrôlement, entraînement des soldats, discipline, sanction… La guerre apparaît au chap.3 et met en valeur la fameuse description des deux armées. Candide va assister à la grande bataille entre le roi de France et le roi de Prusse travestis respectivement en roi des Abares et roi des Bulgares. Alors que ce texte apparaît comme un éloge de l’armée et du combat, l’ironie et le réalisme en font un violent réquisitoire contre la guerre.

I.

Un discours apparemment favorable à la guerre.

A. Un registre épique au service de l’éloge. -

Occurrences en relation avec le héros : « héroïque « ( l. 11), « les héros » (l.25 ), « quelques héros » (l.20) Verbes d’action « renverser (l.4), « ôter (l.5), aller (l.13), gagner (l.15)… Hyperboles chiffrées « six mille » (l.4), « dix mille »(l.6), « quelques milliers » (l.8), « trentaine de mille » (l.9)… + l’utilisation de pluriels + énumérations. Une vision esthétique de la bataille. La guerre assimilée à une parade, à une fête. Termes laudatifs « beau, leste, brillant, ordonné » (l.1) associés à l’intensif « si » de la première phrase. Harmonie auditive : des instruments de musique associés au canon « trompettes, fifres, hautbois, tambour » et « canon » (l.2, 3) Un jeu de quilles ? « Les canons renversèrent » (l.4) peu d’importance accordée à la vie humaine.

B. Justification de la guerre par diverses considérations -

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Morale : terme religieux « Te Deum » la religion est utilisée pour légitimer l’acte guerrier (l.13) Philosophique : le raisonnement accrédite la guerre, reprise d’un terme de la philosophie de Leibniz « la raison suffisante » (l. 7) « des effets et des causes » (l.14) + expression « meilleur des mondes » (l.6) formule de Pangloss. Légale : « droit public » (l.17) l’acte guerrier est une fois de plus légitimé par une référence au droit international qui régit les relations entre les états. Minimisation du caractère meurtrier de la guerre.  Avantages de la guerre : elle nettoie du mauvais. Vocabulaire dépréciatif des victimes « coquins » (l.6) « infecter »(l.7)  Vision de la bataille à travers l’euphémisme « ôta du meilleur des mondes » = Pas de réalité cruelle.

II.

Un discours en réalité accusateur.

A. Un décalage créé par l’ironie. -

Registre épique : démystification du fait guerrier par l’un emploi détourné du registre épique : les héros sont des violeurs, l’action héroïque est en réalité une boucherie (cf. l’oxymore « boucherie héroïque » Antiphrases « si beau, si leste, … » « harmonie » « meilleur des mondes » ( alors qu’il s’agit d’une scène de bataille) Accumulation qui vise le ridicule « si beau, si leste… » un vocabulaire peu approprié à l’armée sur un champ de bataille = ridicule de la situation ( valeur d’antiphrase)


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L’ensemble de ces procédés (basé sur l’antiphrase et l’oxymore) confère au texte un registre ironique qui vise à ridiculiser la situation en « marquant » volontairement l’absurde de la scène.

B. Une satire virulente -

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La représentation macabre et pathétique des victimes (cf. le réalisme) : guerre horrible et absurde. Hyperbole chiffrée : Nombre des tués dans 1er§ : considérable pour l’époque « trentaine de mille » (l.9) ; autant que dans le désastre de Lisbonne. Nature des victimes « femmes, enfants, vieillards » (l. 17, 18) massacre des innocents, victimes les plus vulnérables, Champ lexical de l’horreur, mort + énumération = Cruauté des sévices exercés sur la population civile ; acharnement de détails anatomiques. « criblés de coups »(l.17), « égorgés » (l. 18), « sanglantes » (l.19), « éventrées » (l.19)…Voir aussi champ lexical du corps « cervelles, bras, jambes, mamelles » (l.19, 22) Négation forte « ne…jamais » (l.3) + substantif « enfer » insiste sur le caractère particulièrement meurtrier et violent de la bataille. Vision hyperbolique de la bataille (« enfer ») Satire de la lâcheté de candide et des philosophes / satire des pouvoirs (politiques et religieux). Comparaison « comme un philosophe » (l. 10) vaut comme une antiphrase : le philosophe se définissant par la maîtrise de ses émotions. ( Manque d’engagement des philosophes ?) Parodie de la philosophie par l’emploi des termes spécifiques utilisés dans un contexte qui les dégrade : « meilleur des mondes » est prouvé par un carnage ; « La raison suffisante », principe leibnizien est employé de manière comique, « des effets et des causes » est trivialisé par la baïonnette. (Voltaire a toujours considéré la guerre comme la forme la plus constante du mal sur terre. C’est donc naturellement que Candide rencontre ce fléau dès qu’il quitte le « paradis » (le château). Voir aussi la dénonciation d’un optimisme forcené. Notion d’individualité et non de communauté qui régit les pouvoirs en place : pronom indéfini « chacun » et adjectif possessif « son » (l. 13) = les rois n’œuvrent pas dans l’intérêt commun ni pour le bien du peuple ( pas d’accords possibles, pas de paix) + approximations (l.4,6,8) liées aux pertes humaines « à peu près », « environ », quelques »= pas de considération du peuple Une religion au service de la guerre, qui cautionne, encourage, galvanise les troupes « Te Deum » ( actions qui vont à l’encontre des préceptes religieux : « aimer son prochain », paix)


Séance 6 : Une critique religieuse A la fin du chapitre 5, après le tremblement de terre, Pangloss commente la catastrophe avec son optimisme habituel : « Car, s’il y a un volcan à Lisbonne, il ne pouvait être ailleurs. Car il est impossible que les choses ne soient pas où elles sont. Car tout est bien. » Un officier de l’Inquisition s’oppose à la thèse de Pangloss. S’instaure un minidébat sur la question religieuse : l’officier croit en le péché originel qui induit l’idée de chute et par conséquent défend la thèse que tout pêché doit être puni. Et, Pangloss, considère le mal comme nécessairement bien, sans cause ni conséquences. Le chapitre 6 s’ouvre sur la thématique religieuse avec l’Inquisition et l’autodafé. Ce chapitre fait référence à de nombreux faits réels : le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, les 3auto-da-fés d’octobre 1756, septembre 1757, août 1758. Le titre annonce d’emblée la tonalité du texte : satirique puisque un oxymore « bel autodafé » est explicité dès le titre et sera répété dans le texte. Cet oxymore mêlant l’horreur de la réalité déguisée en spectacle rappelle la critique de la guerre au chapitre 3. Dans quelle mesure l’épisode de l’auto-da-fé est-il un tournant dans l’histoire de du héros ? D’une part, l’épisode narratif permet de remettre en cause la religion et notamment l’Inquisition. D’autre part, cet épisode engendre une prise de conscience ainsi qu’une mise à distance vis-à-vis de l’optimisme.

I.

A. Le spectacle sacrificiel -

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Une remise en cause religieuse

Horreur dissimulée sous le spectacle : « spectacle de quelques personnes brûlées ».  On note également une opposition : « petit feu »/ « grande cérémonie ». Le sacrifice humain devient un spectacle rituel. Champ lexical du spectacle : « procession », « musique », « cadence », « chantait ».  Théâtralisation, dramatisation de la scène : registre pathétique : « sermon très pathétique » : surenchère. Le sacrifice est orchestré de façon spectaculaire : accessoires : le san benito, les mitres. L’horreur est toujours dissimulée. On le voit à travers la litote qui consiste à dire moins pour suggérer plus : « appartements d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil ».  Il s’agit d’un endroit glacial et sombre qui est décrit plutôt positivement.  On peut donc voir à travers ces « appartements » l’image de la prison, de la cellule. Cette volonté de présenter le mal à travers une description positive ou de façon déguisée va de pair avec la philosophie de Pangloss : l’optimisme/ L’optimisme, c’est selon Candide, « la rage de soutenir que tout est bien quand tout est mal ». Thème du sacrifice et du châtiment : cérémonie au cours de laquelle les hérétiques condamnés par l’Inquisition étaient invités à faire acte de foi. Sacrifice par le feu. Les victimes ont commis des fautes « punies » par le christianisme mais il s’agit de pêchés moindres.  On a donc un décalage énorme entre le pêché et la punition. Et c’est ce décalage qui entraine l’idée de révolte. Voltaire cherche à dénoncer les actions de l’Inquisition et faire réfléchir le lecteur et lui faire prendre conscience des dérives de la religion. Champ lexical de la religion et de l’hérésie. Le « san-benito » : le symbole de l’hérétique.

B. Un monde manichéen -

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Diabolisation des sacrifiés : symbole du feu qui est récurrent : thème de l’auto-da-fé mais aussi à travers les flammes présentes sur le san benito de Candide et de Pangloss. L’univers diabolique est présent également par la représentation du diable (queue/griffes). Construction d’un monde manichéen : le bon (justice divine, la religion, le sacrifice-spectacle, la punition, inquisiteurs qui sont des envoyés de Dieu) et le mal (diable, mort, philosophie, métaphysique, hérésie…) Inversion des valeurs : les fautes graves sont passées sous silence et les petits péchés méritent la peine maximale. Transgressions humaines : le thème de l’interdit. Scène carnavalesque. L’inversion des valeurs permet l’indignation et la prise de conscience.

C. Critique des croyances -

Un phénomène absurde : la ponctuation est surprenante : on raconte un fait –les pêchés du biscayen et des portugais- et ensuite on trouve les deux points.  D’ordinaire, les deux points introduisent une explication ou une conséquence. Ici, les deux points sont utilisés à contre-emploi puisqu’après ces deux points, on trouve la punition de Candide. L’absurdité et


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le contre-emploi de l’usage de la ponctuation caractérisent le rituel sacrificiel aussi absurde que mal utilisé.  Usage excessif des deux points. Lutte contre l’ignorance. Idée fausse que pour éviter les catastrophes, il faille faire un sacrifice humain.  Acte qui est justifié dans le texte du fait que la décision soit prise par des « sages ».  On note aussi une certitude dans cette croyance avec le terme « infaillible ».  Il s’agit d’une ancienne croyance donc elle ‘est pas contestable.  Il y a une critique du philosophe des Lumières qui cherchait à tout prix d’expliquer le monde par des faits réels, des expérimentations et non plus sur des croyances ancestrales. L’au-to-da-fé touche seulement les biscayens.  Candide est fessé et Pangloss pendu.  On remarque une remise en question de l’Inquisition et de leur pouvoir arbitraire qui choisit de pendre ou de brûler.  Il y a un phénomène illogique : le sacrifice est nécessairement fait par immolation ; cependant, Pangloss est pendu.  L’idée du châtiment repose sur des croyances antiques, incontestables, codifiées selon un rituel précis. Or la pendaison n’est pas de « coutume » : Voltaire critique alors l’attitude des Inquisiteurs de disposer des êtres humains à leur guise et de leur faire subir le sort de façon totalement arbitraire. La narration du spectacle-sacrifice se termine par un sarcasme de l’auteur montrant l’inutilité du sacrifice et par-là même, la remise en cause des croyances et des préjugés qui ne sont que sources d’erreur. En effet, le sacrifice n’a pas permis ni réparation ni rédemption car « le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable. » Dénonciation de l’horreur d’une part mais aussi de l’intolérance religieuse des Inquisiteurs.

II.

De la critique religieuse à la critique métaphysique

A. Une relation didactique qui s’affaiblit -

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La critique de la métaphysique et la satire de Pangloss sont marquées par l’appellation « Docteur Pangloss ».  Cette exagération permet de tourner en dérision et de se moquer de Pangloss et de sa prétention. On note un parallélisme entre : docteur Pangloss/ disciple candide.  Ce parallélisme permet de rendre compte de la relation didactique qui s’élabore entre les 2 mais également la dépendance de Candide au maître.  Le parallélisme se poursuit à la ligne suivante à travers la description de leurs fautes : « l’un pour avoir parlé, et l’autre pour avoir écouté avec un air d’approbation ». On insiste sur la prise de parole démesurée et permanente de Pangloss et l’attitude passive de candide qui écoute sans réfléchir. Le lien entre les 2 se verra également à travers les accessoires et leur châtiment.  Candide : san benito avec des flammes renversées, un diable sans queue ni griffes.  Par opposition à Pangloss, dont les flammes sont droites, et le diable avec queue et griffe. Celui qui parle, qui agit, est diabolisé : les flammes droites de l’enfer et la représentation du diable avec toutes ses caractéristiques.  Le chiasme permet d’opposer alors les deux personnages tant dans leurs actes que dans leur pensée mais aussi dans la peine infligée : les flammes droites sont le symbole de la peine de mort contrairement aux flammes renversées.. Cette opposition est renforcée par la conjonction « mais ». On peut alors considérer cette opposition comme un début dans l’indépendance de Candide face au maître Cette dépendance de Candide vis-à-vis de Pangloss est visible à la fin dans la mesure où Candide réfléchit par lui-même, constate les horreurs du monde et remet l’optimisme en cause. On assiste alors à une évolution du protagoniste.

B. La mise à mal de l’optimisme par Candide -

Insistance sur le pathétique, voire le tragique. C’est de ses propres lamentations sur son sort, sur le sort de son maitre et de ses compagnons, qui le poussent à réfléchir. Si l’aspect tragique et pathétique n’était pas présent dans la description horrible du sacrifice et dans la représentation de la mort en début de chapitre, cette dimension apparait à la fin avec les lamentations de candide.  On remarque une accumulation qui marque les sentiments de Candide : dans u premier temps, il y a un rythme ternaire « épouvanté, interdit, éperdu » : le personnage est horrifié par ce qu’il vient de subir. ;


dans un second temps, il y a un rythme binaire/parallélisme : « tout sanglant, tout palpitant » qui insiste sur la tonalité tragique. Candide suscite la pitié et devient un personnage marqué par l’horreur. Ce pathétique est renforcé par les apostrophes adressés à ses compagnons perdus : Pangloss, l’anabaptiste, Cunégonde ; qui sont autant d’exclamations marquant à la fois la tristesses, le désespoir et l’indignation. Il remet en cause la philosophie de Pangloss : il n’est pas dans le meilleur des mondes.  S’aperçoit de l’horreur des hommes. Exagération et hyperboles dans le propos lorsqu’il parle de ceux qu’il a perdus : « le plus grand des philosophes »/ « le meilleur des hommes »/ « la perle des filles ».  Reprend les hyperboles optimistes de Pangloss pour dénoncer de façon plus cruelle le monde, le mal, la terreur. La dernière accumulation des adjectifs est ironique : une suite logique centrée sur l’aspect religieux : « prêché, absous et béni ».  Et, dans cette liste, on note également le terme « fessé » qui fait défaut et qui tend à remettre en cause de façon subreptice la religion. 

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Conclusion Le chapitre fait passer le personnage de candide du malheur ultime à un bien possible. En effet, Voltaire utilise les ressorts du conte : le passage du malheur au bonheur retrouvé miraculeusement. La vielle l’emmène et agit comme un personnage adjuvant, qui aide et sauve candide, de son désespoir. Ce chapitre 6 caractérise de façon hyperbolique le malheur humain et le désespoir et l’indignation qu’il entraine chez le protagoniste. Le mal subi fait prendre conscience à Candide de la réalité du monde et le pousse à se questionner sur la société, la religion. On assiste alors à l’initiation du héros.


Séance 7 : les personnages féminins.

Introduction Peu de femmes sont représentées dans l’œuvre : Dès le premier chapitre sont présentes deux figures féminines : La baronne et Cunégonde. La baronne n’est présente qu’à travers un portrait caricatural et ne réapparaitra plus dans le conte puisqu’on apprend au chapitre 3 qu’elle est morte. Cunégonde est également présente d’emblée, elle est celle que Candide recherchera durant toute l’œuvre. Cunégonde est un personnage transitoire, qui est à la fois objet de la quête amoureuse mais également un lien entre les différentes étapes. Sa présence matérielle est fugitive et ponctuelle : passée pour morte, elle réapparait puis est saisie par le gouverneur puis rachetée par Candide. A la fin, elle est épousée par dépit. Après la prise de conscience de Candide sur l’horreur du monde, il rencontre « la vieille », qui apparait comme un personnage adjuvant qui va sortir candide de sa mauvaise passe et va le mener vers Cunégonde. Enfin, le dernier personnage féminin est Paquette qui intervient au chapitre 24 et qui n’est là que pour faire des liens. Les personnages féminins n’ont pas de rôle propre, sont dépourvues de personnalité ou de caractéristiques propres aux héroïnes : elles sont des personnages-relais qui permettent de faire des liens. On peut parler de personnages utilitaires dans la mesure où elles sont utilisées par Voltaire comme des ressorts dans la trame du conte. Les personnages féminins deviennent des narrateurs intradiégétiques qui vont raconter leurs histoires malheureuses.

A. Les malheurs

I.

La condition féminine

1. Cunégonde - Elle incarne la féminité et la sensualité au début du conte. Elle suscite le désir. Mais, cette beauté va rapidement se ternir : évolution decrescendo. « belle Cunégonde », « chère Cunégonde », « Cunégonde » - Au chapitre 8, Cunégonde raconte son histoire : registre tragique, pathétique. Enonce ses malheurs. Reprise des thèmes développés dans le récit premier. 2. La vieille - Apparait comme un personnage qui sauve Candide et devient l’intermédiaire entre lui et Cunégonde. Disparait pendant quelques chapitres puis revient au chapitre 10 : elle embarque avec Candide. Les2 chapitres suivants, devient narrateur de sa propre histoire. Scission entre les 2 chapitres : évolution tragique et pathétique : histoire de la vieille ; les malheurs de la vieille. - Personnage sans nom : anonyme. Neutre : pas de consistance. - Décalage entre les éléments comiques et les titres tragiques. - Le thème du suicide est traité de façon sommaire : il est question d’hommes qui se sont donné la mort dans le récit de la vieille. Le suicide apparait comme un thème important dans la mesure où il suppose la thématique du libre-arbitre chère aux Lumières. Le suicide est un acte réprimé par la religion dans la mesure où l’existence humaine dépend de Dieu. Seul Dieu a le sort de sa créature entre ses mains. Avec le suicide, on réfute cette notion de transcendance : l’homme choisit de sa propre vie et de sa propre mort. 3. Paquette - Chapitre 24 : raconte aussi ses malheurs mais pas dans un récit enchâssé à part. Le discours de Paquette est intégré à l’histoire. Le chapitre n’explicite pas son histoire. - Ce personnage raconte également ses malheurs. Les deux autres personnages féminins ( Cunégonde et la vieille) étaient issues d’un milieu social aisé et ont connu une déchéance contrairement à Paquette qui était une servante et sa situation ne s’est pas détériorée. Comme la vieille, elle représente l’expérience, la sagesse, l’avancée dans l’âge.

B. Le monde féminin : figure du corps -

Les personnages féminins n’ont aucune consistance morale et intellectuelle. Toujours assimilées aux plaisirs du corps ; sont réduites à des objets de plaisir. Femmes asservies. Image d’un physique agréable et parlent toujours de leurs attraits. Ne prennent jamais part aux conversations métaphysiques. Donnent des fait en racontant des histoires mais ne déduisent rien. La beauté féminine éphémère : la femme disparait et n’a aucune prise sur le monde. Sans dimension spirituelle et son physique se dégrade. 2images de vieillesse données de prime abord et décrépitude en marche.


II.

La thématique amoureuse

A. La quête amoureuse de Candide -

La première aventure amoureuse dans le conte apparaît dès l’incipit avec la relation entre le protagoniste et Cunégonde. Et, c’est le baiser entre les deux personnages derrière le paravent qui va attirer les foudres du baron sur Candide. L’amour est d’emblée présenté comme maléfique.

B. L’amour dans le conte -

Ensuite, la jalousie de Candide envers les deux amants de Cunégonde le pousse aux meurtres de ceux-ci. Paquette raconte également ses malheurs liés à la jalousie et à l’amour : maîtresse du médecin qui la soigna, elle s’attira les foudres de la femme de ce dernier et fut battue. - L’amour va de pair avec la sexualité. Et, les personnages féminins sont souvent condamnés à la prostitution. La pureté de Candide va être opposée diamétralement au dévergondage de ces femmes : de là va naitre une opposition essentielle : l’amour sentimental ou spirituel et l’amour physique et charnel. Chapitre 1 : amour spirituel avec le sentimentalisme de Candide ; le baiser fait la transition entre le spirituel et le charnel. (« baiser innocent » : citation au chapitre 7), admiration de Candide pour Cunégonde visible au chapitre 7 : aspect très chaste. - Dans le récit de Cunégonde, on voit la femme représentée comme un objet. Elle n’est qu’un corps dont les hommes abusent. Il y a la dimension physique, corporelle et charnelle qui prime et prend le pas sur la dimension spirituelle et intellectuelle : la femme n’a pas d’esprit et n’est pas dotée de raison. - Dans son récit, la vieille évoque sa jeunesse et se dépeint alors de façon sensuelle et voluptueuse. La femme est alors objet de désir. - Au chapitre 16, la femme est représentée dans sa primitivité : nudité, monde animalisé… Pourtant, la dimension sentimentale n’est pas exclue puisqu’à la mort des singes avec lesquelles elles batifolaient, elles sombrent dans le chagrin et cherchent à venger leurs compagnons. - De même, au chapitre 22 relate essentiellement des moments de séduction : on nous parle de « friponnerie ». Ensuite, le femme invite Candide à être infidèle à Cunégonde : on a donc l’image de la femme pècheresse, la tentatrice (rappelle madame de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses). La femme est nécessairement mauvaise et viciée : sous de belles apparences, elle incarne le Mal. A travers cette femme, c’est la mauvaise vie des Parisiennes qui est ainsi mise en valeur ? La femme est séductrice et s’amuse de la naïveté de Candide. - Le conte au début est présenté de façon merveilleuse : un amour platonique, un bonheur sans failles, des exagérations. Cependant, ce merveilleux a des limites qui sont annoncées dès la chute de Candide à la fin du premier chapitre. Le merveilleux du conte est détourné au profit d’une orale philosophique, d’une remise en cause de la société, des mœurs, de la religion et du pouvoir. On peut parler d’une parodie de conte dans la mesure où les éléments principaux sont repris mai détournés. Il y a également une transgression d’où la dimension carnavalesque de ce conte philosophique. Il s’agit d’un conte philosophique qui s’insère dans le genre de l’argumentation plus que dans la narration pure.


Séance 8 : le mythe du bon sauvage

Introduction Comme l’avait montré Montaigne au XVI°, la sauvagerie est une donnée relative : « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ». A l’instar de Montaigne, Voltaire insiste sur la dimension cosmopolite de l’homme éclairé qui découvre l’Autre monde, l’étranger. Cette nouvelle culture présente dans Candide est présente au chapitre 16 avec les Oreillons. Voltaire intègre les notions de Cannibalisme, d’anthropophagie voire de zoophilie mais aussi la question de l’intolérance et le refus de la différence. Ce chapitre 16 se scinde en deux parties : d’une part, c’est la sauvagerie qui est mise en avant à travers la primitivité humaine. D’autre part, c’est le raisonnement, le pouvoir du langage de l’homme occidental qui est mis en valeur à travers le discours apparemment logique de Cacambo. Comment la structure logique du discours peut-elle prendre le pas sur la véracité ? D’abord, l’auteur cherche à confronter deux univers : celui du sauvage, de l’homme primitif en harmonie avec la nature et celui de l’occidental qui vient dénaturer ce « bon sauvage ». Enfin, Voltaire en confrontant ces deux mondes, cherche à faire une critique de l’ethnocentrisme et une remise en cause de l’intolérance.

I.

Le bon sauvage : un mythe.

A. Le sauvage : un idéal au XVIII -

Un univers paradisiaque : l’exotisme du passage Fusion entre l’homme et la nature. Perversion des sauvages : les agresseurs, en l'occurrence les singes, sont en fait les amants et les pures jeunes filles sont perverses Il y a un décalage absurde entre une vision romanesque et romantique des jeunes filles avec le vocabulaire précieux de l’amour (« qui couraient légèrement, deux demoiselles de condition, embrasser tendrement, fondre en larmes, les cris les plus douloureux, bonté d’âme, les amants ») et leur nature sauvage et perverse (« deux filles toutes nues, singes, mordant les fesses ».)

B. Prise de position contre le mythe du bon sauvage -

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Voltaire fait du sauvage une représentation qui relève du cliché : créature menaçante, nudité, zoophilie, cannibalisme dans la suite du chapitre…Ainsi, il en fait une créature proche de l'animal, sans conscience morale. Prise de position contre le mythe du bon sauvage = attaque contre Rousseau qui en a fait un idéal dans le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes. Il est donc vain de vouloir revenir à l’état de nature et de refuser le progrès, la civilisation. Le mythe du bon sauvage, qui s’est constitué suite à la découverte de l’Amérique, est l’idéalisation des hommes vivant en contact étroit avec la nature. Il répond, entre autres, à la quête de nouvelles valeurs du 18 e siècle ainsi qu’à son fougueux débat opposant « nature » et « culture ». Associé à la période de grands bouleversements de la Révolution industrielle — réorganisation sociale, développement technologique, productivité, propriété privée, etc.… — il représente un havre de paix pour toutes les âmes agitées par un futur incertain. Vivre en d’autres temps, en d’autres lieux où paix et bonheur sont assurés par une Nature bienveillante, voilà ce que propose le mythe du bon sauvage dont l’expression même, très éloquente, mérite qu’on s’y attarde. En effet, qu’est-ce qu’un « mythe »? Mais surtout, qu’est-ce qu’un «bon sauvage» ? Les réponses à ces questions nous permettront de mieux approcher cette utopie des Lumières qui, malgré les siècles passés, fait rêver encore aujourd’hui.

Le « bon sauvage » est le fruit de l’imaginaire de tous les grands lecteurs des récits de voyages qui foisonnent à partir du 16e siècle : il est, en quelque sorte, un personnage composite fait à partir des nombreuses descriptions des hommes primitifs vivant dans un « âge d’or » naturel : Dieu est révélé par la Nature, croyait-on; par conséquent, l’être naturel est foncièrement bon. Mais d’où pouvait donc provenir une telle croyance? Cette vision des « sauvages » a longtemps été nourrie par des explorateurs et des missionnaires encore habités par l’illusion d’un paradis perdu. En effet, nombreux sont ceux qui ont chéri les propos d’Amerigo Vespucchi (1454-1512) sur les Indiens que l’on retrouve, ici, dans sa célèbre lettre intitulée Mundus novus (1503) : Ils n’ont de vêtements, ni de laine, ni de lin, ni de coton, car ils n’en ont aucun besoin; et il n’y a chez eux aucun patrimoine, tous les biens sont communs à tous. Ils vivent sans roi ni gouverneur, et chacun est à lui-même son propre maître. Ils ont autant d’épouses qu’il leur plaît […]. Ils n’ont ni temples, ni religion, et ne sont pas des idolâtres. Que puis-je dire de plus? Ils vivent selon la nature. Libres, sensuels, polygames, communistes et bons, voilà les traits communs, mais combien caricaturaux, des habitants de ce « meilleur des mondes ». Étrangement, les penseurs du XVIIIe siècle se garderont longtemps de vouloir vérifier l’exactitude de ce genre de témoignage, car, on le sait, le « bon sauvage » ainsi présenté sert mieux à réfléchir sur l’homme, sa nature, ses facultés ainsi que sur sa société. Sans nul doute, Jean-


Jacques Rousseau (1712-1778) est reconnu pour celui qui a le plus participé à ce mythe par la défense des idées suivantes qui traversent l’essentiel de son oeuvre: •

« La nature a fait l'homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. »

Dans ses essais philosophiques Discours sur les sciences et les arts (1750) et Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), Rousseau prétend que l’état primitif de l’homme porte celui-ci vers la vertu et le bonheur, car l’ignorance même du mal l’empêche de le répandre. C’est le développement de son intelligence et la recherche du luxe, de la propriété et du pouvoir, lesquels sont encouragés par les institutions sociales, qui a jeté l’homme en dehors d’un paradis possible auprès de la Nature. •

Le luxe conduit à la corruption de l’âme.

Rousseau défend aussi que c’est la notion de propriété qui est responsable du malheur de l’homme. Fondement même de la société civile et moderne, celle-ci conduira toujours l’être humain à défendre son territoire — au besoin par la violence —, pour protéger ses biens accumulés. Plus un homme possède, nous rappelle le philosophe, plus il est riche et considéré : la puissance engendre des rapports de force auxquels doivent remédier les lois qui, à leur tour et bien malgré elles, officialisent un système inégalitaire. Les besoins superflus et irréels sont, pour lui, une des causes principales de la dénaturation de la société. •

L’éducation doit suivre l’exemple de la nature.

Dans l'Émile ou De l’éducation (1762), Rousseau propose une pédagogie naturelle qui répond aux besoins réels de l’enfant. À travers l’histoire du jeune Émile, orphelin élevé par un précepteur bienveillant, il s’appliquera à faire reconnaître non seulement les différences propres à tout enfant, mais le développement psychologique particulier de celui-ci qu’il faudra éviter de brusquer dans un désir de faire de lui un parfait citoyen. Le précepteur, qui servira uniquement de tuteur de croissance, — c’est-à-dire d’organisateur des conditions d’apprentissage—, voudra surtout faire du petit un homme épanoui et libre par le respect des différentes stades d’une éducation dictés par Rousseau : v Dans un premier temps, Rousseau préconise le retrait de la société. Le précepteur doit conduire l’enfant loin de la civilisation en le ramenant à la nature. Là, en dehors des influences de sa famille et de ses amis, sa curiosité et ses talents pourront se manifester librement. La Nature et l’expérience serviront de principaux guides à ses sens qu’il développera jusqu’à l’âge de 12 ans. Le précepteur aura principalement pour tâche de répondre aux questions de l’enfant qui s’éveille au monde. v À douze ans, dans toute sa force physique et cognitive, l’enfant apprendra à faire progresser sa réflexion au gré de ses habiletés et de ses intérêts. Au contact de ce qui l’entoure, il devra se familiariser avec l’astronomie, la géographie et les sciences. Une seule lecture lui est permise, celle de Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe (1660-1731), car auprès du courageux naufragé, le personnage principal du récit, il pourra trouver un précieux exemple. v Aussi, le contact des livres n’est-il permis que vers l’âge de 15 ans. Grâce à la lecture, Émile découvrira les hommes par le biais de l’histoire et de la philosophie — la religion, ou plus précisément l’existence de Dieu, précise-t-il, ne lui sera révélée qu’à l’âge de 18 ans. Son précepteur aura donc le soin de bien veiller au développement de sa sensibilité au contact des hommes. Cette étape est cruciale, car elle assurera sa sociabilité par sa découverte de l’amitié, de la pitié et de la reconnaissance. Il n’est pas étonnant que la défense de ces idées fera de Rousseau un des précurseurs de la pédagogie moderne et de la psychologie de l’enfant. Malheureusement, la pensée de ce philosophe est bien souvent malmenée : en effet, on réduit commodément sa philosophie à quelques caricatures ou citations à l’emportepièce. L’homme « naturellement bon », par exemple, Rousseau le savait chimérique. À preuve, «L’homme, écrivait-il, ne rétrograde pas », voulant ainsi rappeler que l’être humain touché par la civilisation ne peut revenir en arrière. Cette image du bon sauvage lui servira surtout à rappeler aux siens que plus ils s’éloignent de la simplicité de la vie naturelle, plus ils courent à leur perte. Seule une éducation libre, ouverte et naturelle rendra à l’être humain l’état de bonheur et de bonté qu’il doit regretter avoir perdu en rêvant du bon sauvage que lui proposent les utopistes de son époque. -

Il est bien connu que l’homme, foncièrement nostalgique, a toujours eu besoin de retrouver son passé: le mythe du bon sauvage lui propose l’image rassurante d’un primitif heureux qui vit du fond des âges en parfaite harmonie avec la nature. Ainsi, ces séduisantes fantasmagories lui permettront d’échapper au réel en voyageant dans des pays imaginaires exotiques et bienheureux. Offrant d’autres manières de penser et de


vivre, cette utopie chère aux philosophes défend la recherche du bonheur individuel et collectif tout en affirmant déjà les valeurs qui seront proposées quelques années plus tard par la devise même de la Révolution française : «Liberté, égalité et fraternité ». Si elle annonce en quelque sorte le monde rêvé de demain, elle maintient aussi d’anciennes croyances judéo-chrétiennes associées au péché originel : l’homme, rappelle La Bible, aurait connu le paradis, mais l’aurait perdu après avoir croqué la pomme, symbolisant le la connaissance. La chute, associée au mal, se trouve du coup au cœur même du « mythe du bon sauvage » : en effet, l’Européen « perverti », par sa culture énorme et sa quête incessante de savoirs — on n’a qu’à penser à l’entreprise de L’Encyclopédie —, mais aussi par son goût du luxe, aurait donc signé sa propre perte. Insatisfaits de cette vision primitiviste, les penseurs des Lumières cesseront d’apprécier le mythe du bon sauvage pour revenir à l’idée de progrès lorsqu’ils feront la découverte et l’observation d’enfants sauvages tels que Victor de l’Aveyron (vignette à suivre). Ceux-ci firent comprendre définitivement que l’homme, privé de la compagnie des siens, ressemble d’avantage à un animal qu’à l’idéal décrit par les colonisateurs, les missionnaires et les littéraires. Il va sans dire que les voyages et les écrits de nombreux ethnologues de la fin du siècle contribueront aussi à briser cette représentation idyllique. Bref, on aura compris que rien ne pouvait éclipser le Progrès et la Raison, emblèmes tout-puissants de la lutte philosophique de cette période historique éblouissante

Le phénomène d’acculturation A. Dénonciation des préjugés -

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Cacambo se compare à un singe « Ils sont des quarts d'hommes, comme je suis un quart d'Espagnol ». Cacambo étant un métis, Voltaire dénonce ainsi les préjugés. Cacambo, qui dans cette scène apparaît est plus intelligent que Candide est pourtant comparé à un singe en raison de ses origines. Idée choquante : il n'existe pas de quart d'hommes. Voltaire exprime ainsi habilement l'idée de l'égalité entre les hommes et du caractère infondé des préjugés racistes. Topos du conte : le héros qui sauve une jeune fille en détresse. Candide devient l’avatar du héros, du chevalier. Mais, l’exagération mise sur l’acte meurtrier de Candide le place comme héros ridicule. Il y a inversion des valeurs : au lieu d’avoir accompli un acte de bravoure, loyal, il commet en fait un acte de barbarie. Les jeunes filles, au lieu de le remercier, vont chercher à se venger. Voltaire insiste une fois de plus sur la dimension parodique et carnavalesque de ce conte. Il y a un retournement de situation.. cannibal.e : qii mange ses semblables. Anthropophage : qui mange de la chair humaine Préjugés : sauvage = animal ; sauvage = cannibale

B. Une dénonciation des vices humains.

Au passage, il égratigne Rousseau en nous menant chez des sauvages d'Amérique du Sud, les Oreillons. Candide y voit des filles nues qui se font mordre les fesses par des singes. Pour les délivrer, il tue les amants de ces dames, et on veut le manger. Il en réchappera, mais son valet aura eu le temps de démontrer brillamment que la loi de la nature, c'est le meurtre et le cannibalisme.


Séance 9 : Analyse de l’utopie et de sa double visée − − − −

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Le mot « utopie » apparaît pour la première fois avec l’oeuvre de Thomas More intitulé Utopie. L’étymologie du mot « utopie » est double : il vient soit de ou-topos (non-lieu ou lieu qui n’existe pas) soit de eutopos (bon lieu ou lieu où règne le bien, où tout est bien). L’utopie suppose la description d’une cité idéale, d’un Etat parfait où une organisation rationnelle résout les graves problèmes des sociétés réelles. L’utopie oppose au monde réel une construction imaginaire. L’utopie peut prendre plusieurs formes : récits de voyage ( Supplément au voyage de Bougainville de Diderot), roman s)… On peut distinguer deux modes principaux de la narration utopique :  Récit autonome : Thomas More L’Utopie.  Le récit inséré dans une fiction(Gargantua, « l’abbaye de Thélème » de Rabelais. Une utopie est un lieu idéal qui est souvent, de façon implicite, une critique de la réalité dont elle est l’envers. Entrés en Eldorado au chapitre XVIII après un voyage qui rappelle celui des contes initiatiques, Candide et Cacambo découvrent un univers fabuleux qui pourrait bien être « le pays où tout est au mieux ». L’extrait proposé ici, met l’accent sur un certain nombre de caractéristiques du pays : contrée idéalisée qui se présente comme une utopie ou certaines coutumes sont inversées mais aussi description « prétexte » qui met en place ce que Voltaire souhaiterait voir se réaliser en France sur le plan politique et social.

Problématique : comment, en faisant de l’Eldorado un monde à la fois idéal et inversé, Voltaire définit ses propres conceptions politiques et sociales ?

I)

Une utopie traditionnelle

− L’Eldorado offre l’image d’un univers où tout est bien, beau, agréable et où il n’existe aucune trace de conflit,

de problème d’aucune sorte. Monde lisse, et heureux sans hypocrisie ni cruauté, il est une sorte de paradis où tout ce qui fait le charme du monde réel se trouve porté à un degré qui relève de l’imagination.

A. Abondance, luxe, richesse − − − − − −

Superlatifs « supériorité prodigieuse »(l.5) « le plus de … » (l.29) Champ lexical de l’urbanisme ( « palais, portail, fontaines, édifice… ») associé au gigantisme et au luxe « édifices publics élevés jusqu’au nues » (l.22) « galerie de deux mille pas »( l.31) « or, pierreries » (l6) Accumulation ( variété des éléments urbains et raffinement) « fontaines d’eau de rose » « liqueurs de canne à sucre » « places pavées… » (l.21 à 26) Hyperboles chiffrées « 224 pieds de haut et 100 de large » (l.3), « 20 belles filles » (l.7 « 1000 musiciens » (l.11 et 12), « 1000 colonnes » (l.22), « 2000 pas » (l.3) Utilisation du pluriel « officiers, officières (néologisme ) »(l.10), « liqueurs » (l.23), « pierreries » (l.25)… Champ lexical des sens qui insiste sur l’aspect agréable des lieux, notion de plaisir. Vue « beauté et splendeur des marché » (l22) ; odorat « une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle » (l.26) ; goût « fontaines d’eau pure, de liqueurs, d’eau de rose » ( l.24)

B. Relations humaines idéales −

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Effet de décalage marquant l’accueil chaleureux et grandiose :« 20 belles filles, carrosse, bains, tissu de duvet de colibri, au milieu de deux files de 1000 musiciens… » et la phrase conclusive « selon l’usage ordinaire ».  L’accueil semble disproportionné ; cérémonie qui ressemble plus à un protocole qu’à qqchose d’ordinaire, d’habituel. Emploi de négations « ne …point » « ne …jamais » « non » (l.27, 28, 29) les gens vivent dans le respect de la morale : absence de prison et de cour de justice. Superlatifs « toute pleine de… » (l.31) « 2000 pas » (l.30) montrent l’intérêt pour le savoir, la culture et les sciences ( aspect fondamental pour les philosophes des Lumières) Champ lexical de la familiarité qui décrit un monarque accessible, humain et familier « embrasser » ( l.18) « sauter au cou » (l.19) « baiser » (l.18)

Féminisation de certains termes habituellement réserves à la gent masculine « officières » (l.10) des fonctions habituellement réservées aux hommes « garde royale assurée par des filles » (l.7) ce qui démontre une égalité dans cette société idéale.


II)


III)

Mise en place de l’idéal des Lumières

La mise en place de l’idéal des Lumière passe pour Voltaire par le remise en cause du protocole expérimental de l’utopie.

A. Remise en cause de l’utopie Clichés qui surchargent : « les six moutons volaient » (l.1), le protocole de la réception avec une description hyperbolique « deux files de 1000 musiciens » ( l.12) − Interrogations indirectes « Cacambo demanda à un officier si…si…si… » (l. 14 à 17) répétition de si qui insiste sur l’importance absurde accordée aux convenances. − Exagération et grotesque ( ridicule dû à qqchose de contrefait, de déformé, d’extravagant) de la situation avec l’évocation de diverses situations qui « frisent » le burlesque (burla : plaisanterie) interrogations sérieuses sur le fait de saluer le roi « si on se jetait », « si on mettait », « si on léchait » (l. 14 à 16) − Décalage et ironie au service de la remise en cause : insistance sur une perfection exagérée avec effet de redondance « les grands officiers et les grandes officières » (l. 10) ; « fontaines d’eau… » (l.23) ; emploi récurrent de chiffres très élevés « 120 pieds de haut » (l.3) « 100 de large » (l.3) ; « 20 belles filles »(l.7) ; « 1000 musiciens » (l.13)… −

Une fois que l’on « gomme » le caractère exagéré de l’Eldorado, qui est là pour rappeler que ce monde est purement utopique, il reste des idées essentielles pour Voltaire qui définissent un idéal de société et de gouvernement.

B. Idéal des Lumières −

− −

Expression des libertés par l’emploi de négations « ne …point » « ne …jamais » « non » (l.27, 28, 29) les gens vivent dans le respect de la morale : absence de prison et de cour de justice. La société ne connaît ni criminalité ni délinquance. Une monarchie libérale et tolérante qui est proche de ses sujets, cf. termes de la familiarité et de la courtoisie « embrasser » ( l.18) « sauter au cou » (l.19) « baiser » (l.18) « Sa Majesté les reçut avec toute la grâce (…) les pria poliment à souper » (l.19 / 20) Accès à la connaissance avec une allusion implicite à l’Encyclopédie et à la croyance au progrès avec la forme superlative « le plus de plaisir » associé aux termes de « science », mathématique » et « physique » Une civilisation essentiellement urbaine dans laquelle se relève le souci de l’esthétique et de l’urbanisme, cf. le champ lexical de l’urbanisme « palais, portail, fontaines, édifice, colonnes… » (l. 21 à 24) et de la beauté. « beauté et splendeur des marché » (l22)

Sur le plan de l’idéologie voltairienne, l’Eldorado est une manière de jeter les bases d’un monde qui transcrit les option politiques et sociales du philosophe. Le fait que l’Eldorado soit présenté comme une utopie, rappelle que tout se situe dans un contexte idéalisé. Le message est complexe parce qu’il est à prendre sur plusieurs plans. Tout l’art du conteur est d’en faire saisir les moindres nuances.

Ouverture : « L’abbaye de Thélème » dans Gargantua de Rabelais. Utopie de Thomas More.


Séance 10 : la question de l’esclavage VOLTAIRE, Candide ,chapitre 19, Le nègre de Surinam

I. − −

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perroquets", animaux proches de l'homme par divers aspects. 3° § Ce passage dénonce enfin les organisateurs de ce trafic. Les Hollandais sont particulièrement visés :"Vanderdendur" , vendeur à la dent dure et nom… d'un éditeur, Van Düren, qui a spolié Voltaire. Cf. à la fin du chapitre l'allusion aux "libraires hollandais". Anonymat et horreur du "on" (3 fois)

II. −

− − −

Voltaire dénonce le principe de l'esclavage.

1° § Ce passage insiste sur la misérable condition des esclaves. La Misère physique : découverte progressive d'une réalité "horrible" (mot qui encadre le passage) Mutilation : émotion du lecteur et registre pathétique 2° § Voltaire dénonce aussi l'exploitation de l'homme par l'homme. La Misère intellectuelle : inconscience coupable des parents ; phénomène d'acculturation et donc de perte de la culture africaine (langue, religion) ; résignation curieuse, soumission à une "tradition" La Misère morale : nègre trahi par ses "parents" ; On comprend qu'il se dise "mille fois" plus malheureux que les "chiens, les singes et les

Voltaire en profite pour dénoncer, une fois de plus, la philosophie optimiste.

1° § Loin de se trouver dans "le meilleur des mondes possibles", Candide découvre une situation "horrible", une "abomination". .. que l'on pourrait éviter, changer : les responsables existent et ce "jardin" -là peut être "cultivé". Le mal vient ici de la "méchanceté des hommes" et n'est nullement une fatalité:  les Eglises : les "fétiches" et l'hypocrisie de leur "enseignement"  les Européens et leur insouciance coupable : "vous" 2° § On comprend alors la réaction brutale de Candide à la fin de la séquence narrative. Ce problème devient le "sien" ("son nègre") La question naïve de Cacambo ("optimisme" sans article ..) , les antithèses entre le "bien" et le mal", la "rage " et la "maladie" soulignent le caractère absurde de la philosophie optimiste, selon Voltaire. La Colère , puis rage de la définition de l'Optimisme ; mais aussi impuissance : Candide , richissime, ne fait rien pour racheter cet esclave. Peut-être parce que ce geste ne résoudrait en rien le problème de fond …

Conclusion. Une nouvelle étape , mais pas encore décisive dans l'évolution de Candide et le rejet de la philosophie optimiste.


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