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Réinvestir les ruines

La ruine, témoin du palimpseste architectural

L’édifice de Rassuen a été utilisé durant 180 ans, les différentes techniques, matériaux et usages se superposent telles des strates. En parcourant l’édifice, on lit les extensions, où la pierre côtoit le béton, où la trame n’est pas forcément respectée et peut être agrandie par un IPN. Ainsi, ce bâtiment étant une usine, la fonctionnalité et l’usage prime. Comment réhabiliter ces ruines aujourd’hui ?

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Les ruines ne sont finalement que la dernière couche de ce palimpseste. Il est donc possible de les envisager comme étant une trace de son histoire qu’il faut préserver. David Chipperfield dira au sujet du musée Neus Museum à Berlin que les ruines des murs font partie du musée. Ainsi, elle représente des fragments qui auraient survécus et qu’il faut préserver pour leur valeur historique (en l’occurrence la guerre) mais aussi parce qu’une restauration identique semble impossible sans relevé d’époque et ne deviendrait alors que des « pâles copies » (AA, 2015). L’architecte se fait alors archéologue pour comprendre les strates superposées de l’édifice, son essence. Il cherche à révéler l’édifice préexistant en le rendant lisible et donc en le simplifiant parfois, afin que « la beauté de la ruine ne soit pas perdue » (Chipperfield, 2012).

Il peut en effet être nécessaire de démolir afin de rendre la composition compréhensible.« Supprimant la décoration réduire l’architecture à l’expression de la construction et du matériau mais en respectant toujours la composition et l’ordre du bâtiment pour trouver la juste écriture entre l’architecture moderne et ancienne » (Linazasoro, 2013)

Le propre d’une ruine est de ne pas être finie, elle évolue sans cesse, à l’instar de ce bâtiment. La strate supplémentaire créée dans ce bâtiment est lisible et dialogue avec l’existant, en travaillant sur le contexte, les séquences, les proportions et l’entre-deux.

« Le temps comme durée, ajouter reconfigurer de façon différente, accorder l’architecture à d’autres plus anciens et continuer le discours commencé par d’autres. L’objet architectural fini par faire partie d’un paysage où l’œuvre doit compléter un tout en achevant le paysage qui l’entoure. L’homme et la société vivent dans ce paysage qui se renouvelle sans cesse comme un palimpseste. Quand on travaille sur des sites chargés d’histoire il arrive parfois qu’on se confronte à ce qui existe mais aussi avec des traces d’architecture qui ne sont plus présentes mais qui pourtant appartiennent à la mémoire collective. Il s’agit de mettre en lumière cette mémoire, en la réintégrant dans ce système de valeur contemporaine » (Linazasoro, 2013)

Références architecturales s’immisçant dans le patrimoine

Venir s’immiscer dans la ruine

La ruine ne devient pas un décor, les lignes de forces existantes sont prolongées . Un système de module habitable (éclairé, étanché, isolé) plus mince est construit dans la ruine et la recouvre par sa toiture.

MMXVII - I, Maison de vacances, France, Source : Behance

Couvrir les ruines

La ruine pour devenir habitable doit être couverte et fermée. Ainsi la couverture de l’usine de Rassuen, qui avait été ôtée suite aux législations sur l’amiante, permettra de protéger les ruines et de les maintenir dans cet état. Les lacunes du passé restent donc lisibles. Mars, Château de Périgueux, France, Source : Mars Architecture

Constrates de matérialité et d’écriture

Le projet est en bois, un matériau de construction plus soutenable, du mélèze (prélevé dans le Var) afin de créer un contraste remarqué avec l’ancien. La ruine est ainsi visibles et valorisés. La délimitation entre les deux matériaux est franche, matérialisé par un vide qui suit l’existant.

Plan de RDC

Intention architecturale

Entre deux

L’espace d’entre deux est marqué par une même matérialité, le bois, continu, qui se poursuit par un espace végétalisé. Un espace de 3 mètres autour des ruines est préservé, couvert mais extérieur, marquant le seuil entre la ruine et le module habitable, le dedans et le dehors.

Composition

Le plan est composé de 4 rectangles, dont l’un sera le développement futur du projet. La trame existante est maintenu avec la structure porteuse, en portique qui reprend le même écartement, permettant de profiter des ouvertures existantes dans les ruines.

Le système de boîte habitable n’est pas appliqué aux deux entités «fortes» du site, la voûte béton qui reprend sa fonction d’usine pouvant accueillir une vingtaine de travailleurs et le bâtiment donnant sur le salin qui devient une caféteria.

Ces deux volumes sont réhabilités, une toiture et de nouvelles ouvertures leur rendent leurs habitabilités. Un axe fort les sépare, une rue qui relie ces deux entités et qui se poursuit au de là du mur d’enceinte vers le hameau de Rassuen.

Esquisse de coupe sur le bâtiment 6, une même moprhologie, deux écritures

Intention architecturale

Faux jumeaux

Les volumes créés respectent la morphologie de l’existant en reprenant les hauteurs et les toitures à double pente. Ils ne copient pas l’existant mais s’inscrivent dans une logique de composition toujours lisible.

Structure

Le bâtiment créé a une structure bois, arboresecente. Elle reprend les principes structurels des fermes existantes mais en utilisant une écriture plus contemporaine.

La toiture et les parois sont continus afin de former une enveloppe, une double peau en écaille de bois, lisible comme un seul élément.

Les sols sont continus à l’intérieur et extérieur en bois, sur une distance de 3 mètres de par et d’autre.Les ruines servent à faire le tampon étanche entre.

Les volumes existants viennent protéger les ruines afin de les maintenir mais ne les touchent pas. Ces nouveaux volumes sont dotés d’isolation et de ventilation nécéssaires aux nouveaux laboratoires de chimie.

Les fondations sont en micro-pieux pour répondre au sol argileux des salins, et sont similaires à ceux utilisés dans la réhabilitation de l’usine d’osséine en café concert en face.

Le constat de départ est la désindustrialisation autour de l’Etang de Berre ayant pour conséquence le chômage chez les jeunes et la pollution des sites délaissés.

Ce projet propose une solution reproductible sur d’autres sites, dépolluer par les plantes et créer une usine liée à la chimie verte. Le CETI pourra en effet utiliser les sites alentours pour approvisionner l’usine en feuille gorgées de métaux. Cette ancienne usine retrouve ainsi sa fonction initiale, permet de créer une cinquantaine d’emplois et ce, de façon locale.

La réponse architecturale apportée pour la réhabilitation de ce site datant du XIXe siècle est de créer des boites habitables au sein des ruines, sans les toucher. Ces modules en bois venant ainsi lisiblement s’insérer dans les ruines en pierre.

Ce projet rappelle l’importance de la temporalité dans le projet architectural. En effet, le temps a laiss ces marques sur l’édifice délaissé et pour qu’un tel projet soit réalisable, il est nécessaire de penser sur un temps long.

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