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La Cosa Nostra ? Le mort se porte comme un charme ... par Antoine Diaz

Chronique d'une mort annoncée « Son futur s'annonce comme obscur et sa survie est en question. ». Même s'il prend quelques précautions d'usage, c'est ainsi que s'exprime lors d'une entrevue donnée en 2004 l'agent Williams, responsable du FBI à Washington en charge de coordonner la lutte contre la Mafia sur le territoire américain. Et ces déclarations d'un haut responsable du Bureau ne sont que le reflet des conclusions d'un très grand nombre d'experts et d'observateurs qui se sont intéressés à l'efficace et intense combat mené par le gouvernement américain contre La Cosa Nostra depuis alors près de trente ans. Se reposant principalement sur la loi RICO, les autorités américaines, par le biais d'une justice à la main de fer ainsi que de forces de police étatales et fédérales à l'action (enfin) coordonnée, auront su, d'après de très nombreux rapports, considérablement affaiblir l'ensemble des Familles mafieuses du pays et les réduire quasiment à néant, tout au plus à ce qu'elles étaient au début du vingtième siècle, du temps de La Mano Nera : des gangs de rue au fonctionnement désordonné manquant d'un leadership compétent leur permettant de peser réellement sur la société, l'économie et la politique. La loi RICO – pour Racketeer Influenced and Corrupt Organizations – fut conceptualisée par l'universitaire Robert Blackey à la fin des années 60 et incluse dans un jeu de lois plus globales voté en 1970 et labellisé Organized Crime Control Act of 1970. À l'époque, par le biais de ses travaux de recherche ayant pour genèse le choquant témoignage de Joseph Valachi1, Blackey avait pris conscience que les outils juridiques alors en cours étaient largement inefficaces dès qu'il s'agissait de s'attaquer à La Cosa Nostra. En effet, ils visaient uniquement les individus directement impliqués dans les crimes et délits desquels ils étaient imputables et ne prenaient pas en compte l'essence fortement structurelle et organisationnelle des Familles mafieuses. De fait, seules les « petites mains » – les associés et les soldats – se trouvant en bas de la pyramide des Familles et en contact direct avec la rue se faisaient inculpées et condamnées, laissant les membres de haut rang – les boss, underboss, consigliere et capi – jouir d'une totale impunité. Accompagné dans sa réflexion par un professeur d'économie, Thomas Schelling, Blackey détermina également que ce qui différenciait la Mafia des autres gangs criminels étaient ses procédés pointus de direction et le découpage rationnel de ses activités, aussi bien illégales que légales, la rendant tout à fait comparable à de grands groupes industriels tels General Motors ou encore Ford2. Surpris par la voracité économique de la Mafia et sa propension à former des monopoles dans la cascade de secteurs 1 Joseph Valachi fût le premier collaborateur de justice aux États­Unis. Ayant le grade de soldat au sein de la Famille Genovese de New York, en 1963, âgé de 59 ans, il témoigna devant la commission d'enquête McLellan en révélant l'existence sur le territoire américain d'une obscure société secrète portant le nom de Cosa Nostra – qui fût rebaptisée de manière inexacte par la suite La Cosa Nostra par le FBI. Il expliqua notamment le mode de fonctionnement de cette mystérieuse entité originaire de Sicile en précisant son nom, son modèle organisationnel, son rite initiatique et son principal commandement : l'Omertà. Littéralement stupéfaits, les membres de la commission d'enquête apprirent comment cette société secrète, structurée en Familles, avait essaimé partout aux États­Unis et pris le contrôle des différentes activités criminelles en exterminant la concurrence, et, plus grave, comment elle avait tissé un vaste maillage corrosif établissant une lourde chape de corruption lui conférant un statut invisible mais de poids dans l'économie légale et le monde de la politique. 2 Un rapport confidentiel du Ministère de la Justice américaine datant du milieu des années 60 estime que les profits générés par la Mafia étaient alors équivalents à ceux combinés des dix plus grands groupes industriels du pays (General Motors, Standard Oil, Ford, General Electric, ...).

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dans lesquels elle était infiltrée, Blackey alla même jusqu'à déclarer : « Elle n'est ni plus ni moins que le parfait reflet du capitalisme américain. ». Armé de ces réflexions, le brillant universitaire imagina donc la loi RICO. Afin de s'attaquer intelligemment à LCN3, Blackey estima à raison qu'il fallait la frapper structurellement. Pour cela, la loi établit que si les forces de l'ordre parvenaient à prouver que des individus étaient liés les uns aux autres, constituant ce qu'elle définissait comme une « entreprise », et que si parmi ces individus, certains se rendaient coupables de délits ou de crimes dont les caractéristiques étaient propres à cette « entreprise », alors, la totalité des individus formant l'« entreprise » devenait coupable devant la loi des délits et crimes relevant de chacun de ses membres. Cette loi astucieuse avait pour objectif d'en terminer avec l'insupportable impunité des membres de haut rang des Familles mafieuses et potentiellement d'éradiquer complètement ces entités en un unique procès. Dans l'optique de contrecarrer l'impressionnant pouvoir financier et économique de la Mafia, cette nouvelle loi prévoyait aussi la saisie par l'État de l'ensemble des demeures, propriétés, comptes bancaires et entreprises appartenant aux mafieux reconnus comme coupables, et ce, à l'unique condition que les forces de l'ordre réussissent à démontrer que leurs actifs étaient le fruit de pratiques criminelles. Enfin, en vue de stopper l'irréfrénable infiltration de La Cosa Nostra dans les divers syndicats de travailleurs, ce qui avait pour inévitable conséquence de renforcer son pouvoir politique, un article permettait de placer sous la tutelle des autorités fédérales toute section syndicale dont il avait été prouvé qu'elle était tombée sous la coupe de mafieux et de destituer sur le champ l'ensemble de ses dirigeants par le biais de procédures judiciaires fortement allégées et simplifiées. Couplée à une autre loi autorisant une surveillance électronique renforcée dès lors qu'il s'agissait d'enquêtes visant le crime organisé – surveillance électronique permettant d'établir des liens entre individus et par là même de définir formellement des « entreprises » – ainsi que par la mise en place d'un programme fédéral de protection des témoins – programme cherchant à détruire l'Omertà et garantissant immunité et protection policière à tout membre de l'« entreprise » décidant de devenir collaborateur de justice, la nouvelle loi imaginée par Robert Blackey ne mît que peu de temps à torpiller la Mafia comme jamais elle ne l'avait été auparavant, la faisant vaciller dans ses fondations et ses convictions les plus profondes et solides. Un des exemples les plus illustres d'utilisation de ces procédures révolutionnaires de lutte anti­ Mafia est certainement le Windows Case du début des années 90. En 1978, le Ministère du Logement et du Développement Urbain américain lança une vaste campagne dans les principales métropoles du pays avec pour objectif de rénover le parc de logements sociaux par l'installation de fenêtres double­vitrages jugées plus modernes et plus confortables pour les locataires. Ce projet, qui devait s'étaler sur plus d'une dizaine d'années, fût confié à New York au New York's Housing Authority, qui fût chargé d'organiser des appels d'offre concernant ce vaste et coûteux marché public. Prenant conscience des millions de dollars en jeu, quatre des cinq Familles mafieuses de la ville4 3 Abréviation généralement utilisée par le FBI pour faire référence à La Cosa Nostra. 4 La ville de New York compte cinq Familles mafieuses : les Genovese, les Gambino, les Lucchese, les Bonanno et les Colombo. Ces entités, indépendamment de leur statut de Familles mafieuses intégrantes de La Cosa Nostra, sont généralement considérées comme les organisations criminelles les plus puissantes d'Amérique du Nord, la Famille Genovese ayant notamment gagné le sobriquet de « Rolls Royce du crime organisé ». Dans le cadre du Windows Case, la Famille Bonanno fût exclue de tout accord en raison de sa mise au ban de la Commission – organe politique mis en place par La Cosa Nostra et regroupant potentiellement l'ensemble des boss du pays – qui jugeait son importante implication dans le trafic de drogue inacceptable, celui­ci ayant été décrété interdit par les boss

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décidèrent de mettre sur pied un cartel. S'appuyant sur le contrôle exercé par la Famille Lucchese sur la section 580 – regroupant les poseurs de fenêtres – du syndicat des ferrailleurs ainsi que sur la possession par les Familles Gambino, Colombo et Genovese d'un certain nombre d'entreprises spécialisées dans la manufacture et l'installation de vitrages, La Cosa Nostra remporta au fil des années les différents appels d'offre du New York's Housing Authority en fixant elle­même les prix à des tarifs deux à trois fois supérieurs à ceux qu'ils auraient dû être s'ils avaient été issus d'une saine concurrence. Il est intéressant de remarquer que le cartel mis en place par la Mafia ne fût pas restreint à ses uniques entreprises, mais également ouvert à tous les entrepreneurs qui acceptaient de payer une « taxe »5 de deux dollars par fenêtre installée, ce qui eût pour conséquence un agrandissement de la « bourgeoisie mafieuse »6 et un renforcement de l'emprise de La Cosa Nostra sur le monde de l'entreprise. Quant aux industriels qui souhaitèrent passer outre le cartel mis en place par les mafieux et présenter leur candidature en toute indépendance, ils eurent la mauvaise surprise de se voir menacer par les syndicalistes de grèves à répétition sur leurs chantiers et reçurent même parfois des visites « musclées ». En se basant sur les bandes audios obtenues à travers Peter Savino7, un associé de la Famille Genovese qui accepta de porter un micro sur lui pendant plus de deux ans en échange de son intégration dans le programme fédéral de protection des témoins, puis plus tard sur son témoignage devant les cours de justice, en mai 1990, les procureurs fédéraux du New York's Eastern District, Charles Rose et Gregory O'Connell, émirent un bulletin d'arrêt basé sur le loi RICO à l'encontre de quatorze mafieux de haut rang 8, ainsi qu'à l'encontre de la quasi­totalité des syndicalistes de la section 580, dont notamment son représentant John Morrissey. Pendant le procès, on apprît ainsi que la cartel mis en place par La Cosa Nostra était tellement efficace, qu'entre 1978 et 1989, sur les 191 millions de dollars investis par le New York's Housing Authority, 151 allèrent directement dans la poche des Familles Lucchese, Genovese, Colombo et Gambino. Si lorsqu'on étudie le crime organisé américain, il y a très certainement un avant et un après RICO, loi qui a fortement contribué à fragiliser l'Omertà mais également la capacité de la Mafia à agir en tant qu'organisation, au début des années 2000, les divers observateurs et experts insistent aussi sur la progressive disparition des enclaves ethniques italo­américaines qui servaient auparavant de refuges aux Familles ainsi que de bassins de renouvellement. L'exemple du Little Italy de Manhattan à New York est l'un des plus flagrants. Il se sera vu au cours des deux dernières décennies du vingtième siècle en grande partie annexer par le Chinatown voisin. Tel un symbole de cette évolution, le Ravenite Social Club, le quartier général à partir duquel le tristement célèbre boss John Gotti dirigeait l'ensemble des activités de la Famille Gambino à la fin des années 80, fût racheté au milieu des années 90 par une immigrante

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de manière collégiale lors de ce qui est connu comme la conférence d'Apalachin de 1957 (le trafic de stupéfiant fût prohibé non pas au regard de considérations morales mais du drastique renforcement des peines de prison encourues suite au vote de la loi Boggs­Daniels Act de 1956). Aux États­Unis, le terme consacré est celui de Mob Tax – l'impôt mafieux. Personnalités politiques, entrepreneurs ou encore professionnels libéraux en accointances avec les mafias et servant de ciment à la greffe de celles­ci à la société, à l'économie et à la politique par le jeu de réseaux de complicité. Cette notion fût formalisée par le sociologue italien Umberto Santino en 1997 et est depuis abondamment reprise, constituant une importante clef dans la compréhension du fonctionnement des mafias et de leur pouvoir (une présentation plus explicite de ce concept peut se trouver sur le site internet de Fabrice Rizzoli, chercheur au Centre Français de Recherche sur le Renseignement et docteur en sciences politiques : Les mafias : analyse au quotidien d'un phénomène complexe, http://www.mafias.fr/ ). Peter Savino était le possesseur de deux sociétés directement impliquées dans le cartel mis en place par la Mafia : Arista Windows et American Aluminium. Lorsqu'en 1987 le FBI parvint à le relier à cinq assassinats ainsi qu'à un vaste trafic de drogue, il accepta de devenir collaborateur de justice dans le cadre du Windows Case. Parmi les mafieux inculpés, on comptait notamment Vincent Gigante (boss de la Famille Genovese), Venero Mangano (underboss de la Famille Genovese), Vittorio Amuso (boss de la Famille Lucchese), Anthony Casso (underboss de la Famille Lucchese), Benedetto Aloi (consigliere de la Famille Colombo) et Peter Gotti (un capo de la Famille Gambino).

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chinoise l'ayant transformé en boutique de prêt­à­porter après que celui­ci ait été saisi par la justice. Enfin, aux prémices du nouveau millénaire, divers rapports policiers mettent en exergue l'émergence de gangs criminels issus de nouvelles vagues d'immigration aux États­Unis, gangs criminels, originaires majoritairement d'Amérique Latine, d'Europe de l'Est et d'Asie, échappant à tout contrôle de la Mafia, qui, affaiblie par la rude répression judiciaire, n'a plus le « muscle » suffisant pour les museler comme elle le faisait par le passé. Au regard de ces éléments, à l'image des déclarations de l'agent Williams, bon nombre d'experts et d'observateurs, relayés en grande pompe par la presse, prévoient alors une mort rapide et certaine de La Cosa Nostra. Pourtant, un certain nombre de marqueurs forts laissent conjecturer que depuis près de neuf ans la Mafia est progressivement en train de récupérer le pouvoir qui était le sien il y a encore une vingtaine d'années, si tant est qu'elle ne l'ait jamais perdu. 11 Septembre 2001, changement de priorité Si on analyse le – prétendu – déclin de LCN au cours de la fin du siècle dernier, celui­ci est avant­ tout dû à la répression, forte et constante sur la durée, exercée par les différents services de police (FBI, DEA, NYPD, ...), traduisant par l'action un message politique ferme et clair : la tolérance zéro et la priorité absolue donnée à la lutte anti­Mafia. Les tragiques attentats du 11 septembre 2001 auront contribué à changer cette réalité. Immédiatement après ces derniers, comme cela fût confirmé en mai 2002 par Robert Mueller, le directeur du FBI d'alors, la lutte contre le terrorisme devint la première préoccupation du Bureau. Dans la ville de New York, qui comptait au cœur des années 90 quelques 350 agents fédéraux pour près de 100 inspecteurs de police travailler à plein temps sur les cinq Familles mafieuses de la ville au sein de Mafia Task Forces9, les effectifs alloués à la lutte anti­Mafia furent réduits aux deux­tiers à l'horizon 2005 en comparaison à cette époque, suivant une constante diminution depuis 2001. En parallèle, plusieurs des meilleurs éléments de ces Task Forces, dont certains vétérans à l'expérience précieuse et irremplaçable, furent transférés de la lutte contre le crime organisé à l'anti­terrorisme. Diluant encore un peu plus l'attention prêtée à La Cosa Nostra, le FBI renomma la Organized Crime Section, sa branche de Washington qui supervisait et coordonnait précédemment aux États­Unis l'ensemble des enquêtes menées contre la Mafia, en Transnational Criminal Enterprise Section, étendant son champ de responsabilités à d'autres organisations criminelles considérées comme émergentes. Cet état de fait a d'ores et déjà plusieurs conséquences directes. Retour aux sources Si l'on poursuit avec l'exemple new­yorkais, les effectifs des cinq Familles mafieuses sont en perpétuelle augmentation depuis que l'étau s'est desserré10. À ce titre, le témoignage de l'ancien agent du 9 Dans la ville de New York, la lutte anti­Mafia s'articule autour de cinq Task Forces, chacune d'entre­elles dédiée spécifiquement à une Famille mafieuse donnée. On distingue ainsi la Gambino Squad, la Genovese Squad, la Lucchese Squad, la Bonanno Squad et la Colombo Squad. 10 Un rapport publié par une commission d'enquête du New Jersey en mai 2004 fait état de 250 à 300 membres initiés pour la Famille Genovese (complétée par environ 1 000 associés), de 150 à 200 membres initiés pour la Famille Gambino (complétée par 1 500 à 2 000 associés), de 110 à 140 membres initiés pour la Famille Lucchese (complétée par environ 1 100 associés) et de 112 membres initiés pour la Famille Colombo (complétée par environ 500 associés). Ces chiffres sont sans doute des estimations basses, des éléments récents permettant d'affirmer qu'un certain nombre de mafieux passent sous

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FBI Joaquin Garcia est révélateur. Cet ancien G­man11 n'est que le second agent du Bureau ayant été infiltré dans une Famille mafieuse12, et comme l'avoue lui­même ce fils d'immigrés cubains, ce fût la mission la plus éprouvante de sa carrière. Au début des années 2000, il infiltra un crew13 de la Famille Gambino opérant principalement dans le nord du Bronx et dont les activités allaient de l'organisation de réseaux de paris clandestins au trafic de drogue, en passant par le jeu, la contrebande de cigarettes, l'attaque de transports de fret et le piratage d'appels d'offre concernant les marchés publics liés au domaine de la construction. Sous la fausse identité de Jack Falcone, l'agent infiltré parvint à gagner la confiance du capo de ce crew, un mafieux de plus de soixante­dix ans du nom de Gregory DePalma. Devenu le chauffeur et le garde du corps de ce dernier, Joaquin Garcia put avoir une vision globale du fonctionnement actuel de la Mafia dans la rue. Sa mission, qui permit aux autorités de monter une procédure RICO à l'encontre de trente­deux mafieux, mît en lumière que la Famille Gambino est actuellement constituée d'au moins vingt­six crews, et non pas d'un peu moins d'une vingtaine, comme le pensait la Gambino Squad. Plus grave, le nombre de crews de cette Famille mafieuse serait déjà supérieur à celui qu'il était à la fin des années 80 14, à une époque où la lutte contre La Cosa Nostra était encore considérée comme prioritaire aux yeux du gouvernement américain. Suivant une politique d'enfouissement un peu similaire à celle mise en place par Cosa Nostra en Sicile lors des années 90, sous l'impulsion du capo di tutti capi Bernardo Provenzano, LCN s'est placée derrière un épais nuage de fumée depuis quelques années en Amérique du Nord. Interrogé sur la manière dont Gregory DePalma dirigeait son crew, les propos de Joaquin Garcia sont les suivants : « Greg avait organisé son crew en plaçant les soldats sous sa direction dans des cellules bien cloisonnées, ces derniers formant avec leurs associés respectifs des sortes de petites unités terroristes, si vous voulez. Un groupe ne savait jamais ce que faisait un autre, ni même qui était dans les autres groupes. Seul Greg savait qui faisait quoi et avec qui, et il le gardait exclusivement pour lui dans un coin de sa tête. ». De manière stupéfiante, l'ancien agent infiltré révèle aussi que le vieux capo rencontrait ses soldats non pas dans des social clubs – foyers de quartier qui ont servi jusqu'au cœur des années 90 de lieux de rencontre privilégiés pour les mafieux américains15 – mais dans la chambre d'hôpital de son propre fils, plongé dans le coma, au United Hebrew Geriatric Center à New Rochelle, dans la grande banlieue new­yorkaise.

les radars des différents services de police américains. 11 Sobriquet donné aux agents du FBI aux États­Unis. 12 Le premier étant Joseph Pistone, qui infiltra au cours des années 70 la Famille Bonanno sous la fausse identité de Donnie Brasco. 13 Dans la structure des Familles mafieuses américaines, les crews – que l'on traduit par « équipes » – sont les piliers de base. Chaque crew est dirigé par un capo – également appelé captain ou skipper – qui a sous sa direction directe entre cinq et dix soldats, chacun d'entre eux étant à la tête d'un gang d'associés. Si à l'image des boss, underboss, et consigliere – qui constituent le comité de direction des Familles et supervisent les capi – les capi et soldats sont des membres initiés de la Mafia, ce n'est pas le cas des associés, ce qui se traduit notamment par le fait que ces derniers peuvent ne pas être de sang italien. Certains crews – notamment dans les villes de New York et Chicago, les deux principaux pôles mafieux aux États­Unis – peuvent compter plus d'une centaine d'individus. 14 Selon le témoignage de Salvatore Gravano, ancien underboss de la Famille Gambino devenu collaborateur de justice en 1991, la Famille Gambino était à cette époque structurée en vingt­et­un crews. 15 Systématiquement situés dans des quartiers à haute densité mafieuse, ces social clubs étaient devenus au fil des années une cible de choix pour les Mafia Task Forces, qui les truffaient régulièrement de micros et prenaient en photo quiconque s'y rendait. En majeure partie sous l'impulsion de Joseph Massino, alors le boss de la Famille Bonanno, les mafieux cessèrent progressivement de s'y rendre à partir de la seconde moitié des années 90.

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Joaquin Garcia, qui n'était pas autorisé à accompagner Gregory DePalma dans la chambre d'hôpital lorsque celui­ci s'entretenait avec d'autres membres initiés, se contentant de monter la garde discrètement devant la porte, s'y précipita néanmoins une fois lorsqu'il entendit le mafieux septuagénaire hurler fou de rage et proférer des insanités. S'inquiétant pour sa santé, l'agent fédéral se vu répondre par le capo hors de lui : « Ce suceur de queues de Joe Blow me doit de l'argent ! Jackie Boy, je veux que tu ailles tirer dans les rotules de cet enculé ! ». À ce moment­là, Gregory DePalma était en pleine réunion avec Neil Delieto, un membre de son crew impliqué dans le domaine de la construction. Quant à Joseph Blow, il s'agissait d'un entrepreneur du BTP en relation avec Neil Delieto et ne payant visiblement pas en temps et en heure. C'est tout de moins ce que suppose Joaquin Garcia, car, comme il le dit lui­même : « les associés ne sont pas autorisés à poser des questions aux membres de haut rang. ». Cette nouvelle stratégie d'invisibilité – qui détonne avec ce qui s'était observé dès la fin des années 80 et au début des années 9016 – s'étend également aux hautes sphères. À ce titre, une récente affaire mérite que l'on s'y intéresse. Le 17 décembre 2009, le procureur de l'état du Massachusetts, Carmen Ortiz, accompagnée du procureur de l'état de l'Arkansas, Jane Duke, ainsi que des responsables des branches du FBI de Boston et de Little Rock, Warren Bamford et Thomas Browne, annoncent l'inculpation d'un individu de soixante­six ans répondant au nom de Ralph DeLeo. Présenté comme le street boss17 de la Famille Colombo de New York, il vivait paisiblement à Sommerville dans le Massachusetts, ville à partir de laquelle il aurait supervisé les activités criminelles d'un petit groupe d'individus. Si cette enquête est visiblement un succès ayant en outre permis la saisie d'un véritable arsenal de guerre , certains éléments peuvent paraître surprenants après réflexion. 18

On peut tout d'abord se pencher sur le passé de Ralph DeLeo. Ce supposé mafieux a dans les années 70 longtemps fréquenté la prison d'État de Walpol, purgeant une peine d'emprisonnement agrémentée d'un seuil de sûreté de vingt­cinq ans suite à un braquage à mains armées et à un enlèvement. S'évadant en 1977, il retourne en prison la même année et voit sa peine prolongée de quinze ans, étant jugé coupable du meurtre d'un médecin commis durant sa fuite. Finalement libéré en 1997, après avoir été gracié par le gouverneur du Massachusetts en 1991, il avait dès lors cessé d'avoir affaire à la justice. Ce parcours est étonnant, car s'il est semblable à celui d'un criminel endurci, il n'est pas caractéristique de celui d'un mafieux. Plus stupéfiant encore, en se référant aux bases de données des différents services de police, on ne trouve aucun lien entre Ralph DeLeo et la Famille Patriarca de Boston, ville dont il est pourtant originaire. Jusqu'à récemment, il ne semble donc n'avoir eu ni lien ni contact avec la Mafia. Au regard des éléments de l'enquête, il ne se serait pas non plus comporté comme un street boss. En effet, il est accusé par les autorités d'avoir directement financé un trafic de drogue en s'appuyant sur des individus n'ayant pas de sang italien – et qui ne peuvent donc pas être des membres initiés de LCN – actifs principalement 16 En 1986, le célèbre Time Magazine fît sa première page de John Gotti, le boss de la Famille Gambino. Dessiné par Andy Warhol, le portrait du « parrain » était affublé du titre évocateur de Crime Boss et se faisait l'écho de la volonté du mafieux d'assumer son statut au grand jour. 17 Le terme de street boss – équivalent à celui de acting boss – correspond au grade de l'individu chargé d'administrer les affaires d'une Famille mafieuse lorsque le boss est incarcéré. Nommé directement par ce dernier, le street boss jouit de son autorité auprès de l'underboss, du consigliere et des capi. Si tel un boss il peut siéger à la Commission, deux droits ne lui sont pas accordés et restent du ressort exclusif du boss : introniser de nouveaux mafieux et valider l'assassinat d'un membre initié. 18 147 armes à feu, plus de 80 000 munitions et cinq silencieux.

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sur Boston et sa périphérie, violant de facto l'autorité territoriale de la Famille Patriarca. Par le passé, de tels comportements ont toujours été sanctionnés par une peine de mort immédiate votée par la Commission. Enregistrée en mars 2009 par le FBI, une conversion téléphonique entretenue entre Ralph DeLeo et sa sœur est également évocatrice : « Ils me prêtent trop d'attention, tu sais, trop d'embrassades et tous ces trucs. Ils m'ouvrent la portière de la voiture, ils m'ouvrent les portes, toutes ces conneries­là, tu vois. Et moi je ne suis pas ce genre de type, moi je suis, tu sais, moi je suis un gars normal. Pour eux je suis quelqu'un, mais moi je ne me sens pas comme celui qu'ils croient que je suis ... Tu vois ce que je veux dire, ils font comme dans Les Sopranos19 ... Ils me prêtent trop d'attention. ». Dans cette conversation, on semble avoir affaire à un homme hagard subissant les évènements, à un homme pour qui il y a un « je » et un « ils », et non pas un « nous », comme cela devrait être le cas. On semble aussi avoir affaire à un homme manipulé et servant à attirer sur lui l'attention des divers services de police. Pourquoi ? Sans doute pour laisser dans l'ombre le véritable pouvoir, que ce soit au sein de la Famille Colombo à New York, ou bien au sein de la Famille Patriarca à Boston20. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer qu'aucune arrestation ne s'est déroulée à New York dans le cadre de cette enquête. Cependant, tandis que le procureur du Massachusetts Carmen Ortiz se félicitait des « immenses progrès faits dans la lutte contre La Cosa Nostra », pour le FBI, avant son arrestation, Ralph DeLeo était considéré comme « le membre initié de la Famille Colombo au rang le plus élevé encore en liberté ». Docteur Jeckyll et Mister Hide Comme ceci a été évoqué précédemment, le programme fédéral de protection des témoins est une des mesures phares que le gouvernement américain mit en place dans sa lutte anti­Mafia dans les années 70. Parmi tous les collaborateurs de justice en ayant bénéficié, Salvatore Gravano est sans conteste le plus célèbre. Au début des années 90, le témoignage de l'ancien underboss de la Famille Gambino permit la condamnation de plus de quarante mafieux de haut rang – dont le célèbre boss John Gotti – et de comprendre le fonctionnement de la Mafia dans ses plus hautes sphères. Son choix de devenir collaborateur de justice, ainsi que ses brillantes prestations lors des procès auxquels il prît part en tant que témoin, furent unanimement salués. On loua alors la précision de ses propos, son comportement mesuré, sa politesse ou bien encore son respect des juges et des divers participants. Salvatore Gravano avait certes reconnu avoir commis dix­neuf assassinats, mais comme il le disait lui­même, dans le monde de La Cosa Nostra, un mafieux ne doit pas poser de questions lorsque sa 19 Série américaine créée et produite par David Chase. Ayant pour personnage principal Anthony Soprano, un mafieux du New Jersey dépressif, la série fût diffusée aux États­Unis entre 1999 et 2006 et connut un fort succès, aussi bien nationalement qu'internationalement. 20 Le boss officiel de la Famille Colombo demeurerait encore aujourd'hui Carmine Persico. Purgeant une peine de 139 ans d'emprisonnement depuis 1986, il maintiendrait depuis lors son autorité depuis sa cellule. Longtemps incarcéré au sein la prison de Lampoc en Californie – et ce afin de l'éloigner le plus possible de New York – il a été de nouveau reconnu coupable en 1998 de conspiration en vue de commettre cinq assassinats : ceux de Rudolph Giuliani, le procureur général lors du Commission Case de 1985 et ancien maire de New York, de Aaron Marcu et Bruce Baird, anciens procureurs s'étant attaqués à la Famille Colombo, et enfin de Damon Taylor et Denis Maduro, respectivement un ancien chef et un ancien membre de la Colombo Squad. S'appuyant sur le témoignage de Michael Lloyd, un ancien braqueur de banques et codétenu de Carmine Persico, le procès mit en lumière la vaste chape de corruption mise en place par le mafieux au sein de la prison de Lampoc. Se voyant accorder de nombreuses faveurs par des gardiens dont il avait acheté le silence, il continuait à superviser l'ensemble des opérations menées par la Famille Colombo au travers d'avocats par qui il faisait transiter ses ordres dans des enveloppes cachetées contenant divers messages codés. Après ce nouveau procès, Carmine Persico fut transféré au sein d'un nouveau pénitencier et vu ses conditions d'incarcération renforcées tandis que le témoin de la défense Michael Lloyd fut placé sous protection.

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direction lui demande de s'acquitter de cette basse besogne consistant à prendre la vie d'un autre homme. On apprécia également ses positions quant au trafic de stupéfiant : « Je suis personnellement contre la drogue. Je n'ai jamais pris part à son trafic d'une manière ou d'une autre. ». On estima aussi sa lucidité quant à la réalité d'une vie dans la Mafia : « Je veux que mes enfants vivent du côté de la légalité, je préférerais mourir plutôt que de les voir suivre mes pas. ». Finalement, le 26 septembre 1994, le juge Leo Glasser le condamna à cinq ans de prison, justifiant une peine d'emprisonnement si courte en déclarant que Salvatore Gravano était « le témoin le plus important qu'il y ait eu dans l'histoire du crime organisé. ». Une fois sa peine purgée, l'ancien mafieux se verrait alors placer dans le programme fédéral de protection des témoins et pourrait redémarrer paisiblement une nouvelle vie. Salvatore Gravano, un homme enfin apaisé, était devenu l'icône du succès de la lutte anti­Mafia. Le 24 février 2000, un vaste réseau de trafiquants d'ecstasy se fait démanteler en Arizona. Les trente­six individus inculpés, quasiment tous membres d'un gang de rue italo­américain baptisé The Devil Dogs, sont soupçonnés d'écouler environ 25 000 pastilles d'ecstasy par semaine sur Phœnix et sa périphérie, pour un chiffre d'affaire mensuel estimé à plus de deux millions de dollars. À la tête de ce réseau se trouve un homme dont les papiers d'identité indiquent le nom de James Moran. Installé dans la ville de Tempe depuis 1995, il gère avec sa femme, son fils, sa fille et son beau­fils une entreprise spécialisée dans l'installation de piscines, Creative Pools, une entreprise de BTP, Marathon Development, ainsi qu'un restaurant appelé Uncle Sal Italian Ristorante. C'est par le biais de son fils Gerard qu'il a fait la connaissance de Michael Papa, jeune voyou d'une vingtaine d'années et chef de The Devil Dogs. Bien que le casier judiciaire de James Moran soit absolument vierge, il a un lourd passé criminel derrière lui. Sous son influence, The Devil Dogs vont devenir les plus gros trafiquants de drogue du sud­ouest des États­Unis, zone géographique où le crime organisé est traditionnellement peu développé. Un inspecteur de police chargé de l'enquête déclara ceci au regard de l'évolution de ce gang de rue : « Ils étaient devenus beaucoup plus agressifs, n'hésitant pas à faire usage d'une très grande violence. En même temps, ils étaient beaucoup mieux organisés. C'était comme si quelqu'un était en train de les former. ». Sur les écoutes téléphoniques, le nom de James Moran n'est jamais prononcé. Il est toujours fait référence à un « grand homme », avec des phrases telles : « le grand homme a dit de faire ceci, le grand homme a dit de faire cela. ». Le « grand homme » est finalement lui aussi appréhendé lors du coup de filet policier du 24 février 2000. Ainsi que tous les membres de sa famille, qu'il avait mêlés au trafic de drogue qu'il administrait, trafic de drogue qui n'avait, d'après les conclusions de l'enquête, aucun secret pour lui. En plus d'être un entrepreneur avisé, un trafiquant de drogue patenté n'ayant pas hésité à associer sa famille à ses activités criminelles, James Moran est un assassin confirmé. Il l'a prouvé à de nombreuses occasions par le passé. Parmi tous les assassinats qu'il a commis figure entre autres celui de son beau­ frère, dont il découpa le cadavre en plusieurs morceaux avant de l'éparpiller en plusieurs endroits différents. Durant le mois de juin 2000, un autre membre de The Devil Dogs, Philip Pascucci, se fait arrêter au Texas. Durant sa garde à vue, le gangster révèle que James Moran lui avait confié une mission très spéciale : enlever un avocat portant le nom de Ron Kuby et le lui livrer à San Antonio, où le « grand homme » avait prévu de l'assassiner, comme il l'a fait tout au long de sa vie avec les personnes avec lesquelles il était en conflit. 8


Si le casier de James Moran est vierge, c'est que l'individu portant ce nom a par le passé eu une autre identité. Dans sa vie précédente, il s'appelait Salvatore Gravano. Ironie du sort, en septembre 1999, soit à peine quelques mois avant son arrestation, Salvatore Gravano fut une des personnalités invitées par la branche du FBI de Phœnix, qui organisait en ses locaux une conférence nationale sur le fonctionnement du crime organisé21. Ce scandale qui éclata en l'an 2000 fut une véritable gifle au visage des autorités ainsi qu'une remise en cause totale de la moralité du programme fédérale de protection des témoins aux yeux de l'opinion publique. Cette dernière commença à se demander, à juste titre, comment la justice de son pays pouvait accorder une quasi­immunité ainsi que la promesse d'une nouvelle vie à des assassins, qui s'ils étaient certes devenus des collaborateurs de justice, étaient loin d'être des repentis. Cette affaire permit aussi d'observer une face sombre du système judiciaire américain, qui voyait en Salvatore Gravano un parfait étendard dans sa lutte contre le crime organisé et le défendit bec et ongles en n'hésitant pas à ignorer de flagrantes réalités. Selon de nombreux observateurs, la condamnation du boss John Gotti du 2 avril 1992 aurait pu être obtenue sans le témoignage de celui qui était surnommé Sammy The Bull – Sammy Le Taureau, mais uniquement à partir des centaines d'heures d'enregistrement obtenues grâce à des micros cachés par le FBI au domicile de Little Italy d'une personne âgée prénommée Nettie Cirelli, qui mettait à disposition du boss son appartement lorsque celui­ci souhaitait discuter avec son underboss Salvatore Gravano ainsi qu'avec son consigliere Frank Locascio. Balayant d'un revers de la main toute voix s'élevant contre la crédibilité de son témoin, dont par exemple celle du détective privé John McNally qui affirma avoir de solides preuves permettant d'impliquer Salvatore Gravano dans quarante­quatre assassinats et non seulement dans dix­neuf comme celui­ci le reconnaissait, le justice américaine fît la sourde oreille, voulant obstinément en faire un symbole fort dans sa lutte contre La Cosa Nostra. Les conséquences de ce séisme sont peut­être déjà observables : si au cours des années 90 l'utilisation de collaborateurs de justice comme témoins était synonyme de condamnation pour les prévenus, de récentes affaires remettent en cause ce postulat22. Une étonnante capacité d'adaptation Si Cosa Nostra de Sicile est une enfant des champs, La Cosa Nostra d'Amérique est une enfant des villes. Jusqu'à la fin des années 80, la Mafia s'est développée et s'est enracinée dans les quartiers originels 21 Notons également que Peter Gotti, le frère de John Gotti, a été reconnu coupable le 22 décembre 2004 par un jury new­ yorkais d'avoir conspiré afin d'assassiner Salvatore Gravano. Quelques jours avant l'arrestation de ce dernier en février 2000, Peter Gotti, considéré actuellement par le FBI comme le boss de la Famille Gambino, aurait envoyé une hit team – une équipe de tueurs – en Arizona afin de supprimer l'ancien underboss, dont la trace venait d'être retrouvée. 22 Le 1 décembre 2009, un jury new­yorkais a acquitté John Gotti Jr de l'ensemble des chefs d'accusation – incluant huit assassinats – qui pesaient contre lui. Le fils de l'ancien boss encourait la prison à vie et comptait pour ce procès plusieurs témoins à charge, dont John Alite, un de ses amis d'enfance. Ce dernier, qui a reconnu avoir commis deux homicides, prétend avoir fait parti d'un crew de la Famille Gambino basé en Floride et ayant pour capo John Gotti Jr. Suite à la prononciation du verdict, « le juré n°5 » a déclaré à la presse : « Leurs témoins n'étaient pas crédibles. Ces procès sont très coûteux, le gouvernement ne devrait pas faire appel. » alors que « le juré n°8 » a lui affirmé « Assez, c'est assez, ça devient de la persécution ! ». Tandis que John Gotti Jr affirme vouloir mettre son passé de côté et se consacrer à l'écriture, le FBI a annoncé qu'il ne ferait pas appel.

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où s'étaient établis les premiers immigrants italiens – en immense majorité siciliens – au début du siècle précédent. Dans ces Little Italy, qu'on retrouvait dans les centre­villes de la plupart des grandes métropoles de la côte Est des États­Unis, les Familles mafieuses avaient su tirer parti du repli ethnique, religieux et culturel afin de se tapir dans l'ombre, de s'organiser puis de se déployer. Ces zones largement paupérisées servaient également de bassins naturels de recrutement et de renouvellement pour LCN. Dès le dernier quart du vingtième siècle, la nature de ces enclaves ethniques commença à changer. Suivant une amélioration des conditions de vie socio­économiques de la population italo­américaine ainsi qu'une importante politique de rénovation urbaine des centre­villes menée par les différents gouvernements s'étant succédés, les principaux Little Italy originels perdirent peu à peu leur nature et leurs caractéristiques. L'exemple du Little Italy de Manhattan à New York en est la parfaite illustration. Au fil des années, dépeuplé par ses habitants, il se sera fait annexer progressivement par le Chinatown voisin, allant même jusqu'à devenir aujourd'hui un point de passage obligé pour les nombreux touristes visitant la ville, ne ressemblant plus en aucun point au ghetto qu'il était il y a cent ans. S'appuyant sur cet état de fait, de nombreux observateurs avaient prédit, à défaut d'une mort due à la répression policière néanmoins plus que probable, une mort naturelle pour la Mafia, privée de ses sanctuaires et victime de l'éparpillement de la population italo­américaine. Qu'en est­il réellement ? Malgré son ancienneté et ses traditions moyenâgeuses, la Mafia a toujours su s'adapter aux changements et aux défis posés par la modernité avec une surprenante réactivité. La disparition de ses bastions historiques – tout du moins les plus symboliques – fait partie de ces défis, mais ce serait une erreur de jugement que de tirer des conclusions de l'effacement de ces enclaves dans lesquelles s'installèrent les premiers immigrants italiens venus vivre au Nouveau Monde. Deux faits sont à considérer : la réalité de la disparition et du changement de ces quartiers n'est pas nouvelle, et, contrairement à sa génitrice sicilienne, la Mafia américaine n'est pas figée dans l'espace. Tout d'abord, très rapidement, les Little Italy historiques ne furent que des points de passage pour les populations italo­américaines et non des points d'ancrage. S'ils restèrent pendant longtemps densément peuplés, ce ne fût qu'artificiellement par le biais des différentes vagues d'immigration successives, les précédentes fuyant dès qu'elles le pouvaient des conditions de vie précaires ainsi que des taux de criminalité élevés23. À New York, certains quartiers, principalement dans le Bronx et à Brooklyn24, devinrent dès les premières décennies du siècle précédent des « Little Italy » officieux. Si les populations italo­américaines qui s'installèrent à Bensonhurst à Brooklyn ou bien encore à Arthur Avenue dans le Bronx furent sans doute ravies d'y trouver des logements plus décents ainsi que des rues mieux entretenues, la Mafia les accompagna dans leur emménagement.

23 Une ancienne enclave italienne dans le North Side de Chicago était connue aussi bien sous le sobriquet de Little Sicily que de Little Hell – le « petit enfer ». Dans les années 60, la ville de Chicago, confrontée aux importants taux de criminalité dans ce quartier ainsi qu'à une population aux conditions de vie extrêmement précaires, décida finalement de raser les anciens logements vétustes de la zone pour les remplacer par de petits immeubles destinés à abriter des logements sociaux, provoquant par la même occasion un éparpillement des anciens habitants. 24 La ville de New York compte cinq arrondissements : le Bronx, Brooklyn, Manhattan, le Queens et Staten Island.

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De même, dans les années 50 et 60, de nouveaux mouvements de populations entraînèrent à leur tour un re­déploiement de La Cosa Nostra. On peut par exemple ici citer l'exemple d'un crew de la Famille Gambino qui avait à cette époque pour capo Carmine Fatico et était basé dans la section East New York de Brooklyn. Jusqu'au début des années 60, ce quartier, composé de petites maisons ainsi que de blocs d'appartements à taille humaine, était principalement peuplé par une population italo­américaine. Cependant, dès que la population afro­américaine devint majoritaire, Carmine Fatico ferma l'ensemble des établissements qu'il possédait et déménagea son quartier général à South Ozone Park dans le Queens, où il ouvrit un foyer de quartier portant le nom de The Bergin Hunt and Fish Club25. Quartier ouvrier possédant une population quasi­exclusivement blanche et en majorité italo­américaine, South Ozone Park présentait alors des caractéristiques optimales pour que la Mafia puisse s'y fondre. De manière semblable, au tournant des années 80, lorsque le quartier de East Harlem à Manhattan devint majoritairement hispanique, Liborio Bellomo26, alors un influent capo de la Famille Genovese dont le crew était très impliqué dans les secteurs de la construction et du ramassage des ordures, transféra l'ensemble de ses activités dans le nord du Bronx, zone traditionnellement à forte concentration italo­ américaine. On le voit par ces exemples, La Cosa Nostra a parfaitement su gérer l'ensemble des changements démographiques s'étant produits dans ce qui est le pays le plus cosmopolite au monde, et ce, sans en être véritablement affectée. Plus récemment encore, après avoir essaimé par le passé à partir du Little Italy de Manhattan vers le Bronx et Brooklyn, puis vers le Queens, on peut observer depuis une quinzaine d'années que la Mafia s'établit à présent à Staten Island et en proche banlieue new­yorkaise. Et qu'elle adopte en ses nouveaux domaines les mêmes caractères qui ont toujours été sa marque de fabrique : le 2 juillet 2009, le corps sans vie baignant dans une marre de sang d'Anthony Seccafico est découvert près d'un abris de bus, à Staten Island. Selon le FBI, l'homme était un soldat de la Famille Bonanno appartenant au crew du capo Patrick DeFilippo. Les sept balles en ayant fini avec la vie du mafieux, membre officiel de la section 79 du syndicat des travailleurs du bâtiment, pourraient être la conséquence d'une enquête fédérale l'ayant visé. Peu après le drame, un habitant du quartier, souhaitant garder l'anonymat, consentait juste à convenir qu'il avait entendu des « bang, bang, bang, bang! », sans néanmoins n'apercevoir personne. Plus d'un an plus tard, l'enquête est au point mort. LCN en oublie­t­elle pour autant ses anciens fiefs ? Il semblerait que non, comme en atteste cet élément mis en lumière par le procès du boss de la Famille Bonanno, Joseph Massino, tenu en 2004. On y apprit ainsi que Perry Criscitelli, un restaurateur du Little Italy de Manhattan possédant le Da Nico et président du comité de la populaire et célèbre fête de San Gennaro, était en fait un soldat de la Famille Bonanno. La vie ayant plus d'un tour dans son sac, Rudolph Giuliani, l'homme qui devait débarrasser New York de la Mafia, était un habitué de l'établissement, qu'il recommandait régulièrement à ses amis politiciens afin d'y tenir la fête annuelle du Parti Républicain. 25 Sans doute par nostalgie, il est probable que Carmine Fatico baptisa ce social club par ce nom en référence à la rue Bergin Street de la section East New York de Brooklyn à partir de laquelle il dirigeait précédemment l'ensemble des opérations menées par son crew. 26 Originaire du village de Corleone en Sicile, Liborio Bellomo serait selon un certain nombre de spécialistes le nouveau boss de la Famille Genovese de New York, considérée comme la plus puissante Famille mafieuse d'Amérique du Nord. Fils d'un important trafiquant d'héroïne sicilien s'étant installé à East Harlem dans les années 50, du temps où ce quartier était encore surnommé The Italian Harlem, Liborio Bellomo serait devenu un membre initié de La Cosa Nostra alors qu'il n'était pas encore âgé de vingt ans et un capo avant d'avoir atteint la trentaine, faisant de lui une des « étoiles montantes » de la Mafia américaine. Sorti de prison en juillet 2008 après avoir été acquitté d'une charge d'assassinat qu'il aurait, d'après l'accusation, commandité depuis sa cellule en 1998, plusieurs observateurs voient en lui le successeur logique de Vincent Gigante, qui fît de lui son acting boss au cours des années 90.

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Une main de fer dans un gant de velours Nous pouvons à présent en venir l'émergence d'organisations criminelles s'étant établies ou ayant déployé leurs réseaux en Amérique du Nord au cours des trente ou quarante dernières années. Qui ne se souvient pas des sanglants cartels colombiens qui avaient fait des États­Unis la principale destination à la cocaïne produite dans les Andes dès les années 70 ? Qui n'a jamais entendu parler des dangereux mafieux russes s'étant installés au début des années 80 dans le quartier de Brighton Beach à Brooklyn ou bien encore sous le soleil californien de Los Angeles ? Plus récemment, quels journaux ne se sont pas faits l'écho des puissantes ramifications que possèdent les cartels mexicains chez leur voisin du nord ou bien des gangs albanais pratiquant l'ultra­violence, et qui, tels une traînée de poudre, auraient franchi l'Atlantique après s'être installés en Europe de l'Ouest ? Ces groupes, adeptes des démonstrations de force brutes et spectaculaires – avec souvent l'usage d'armes de guerre au cours de leurs règlements de compte – inspirent­ils la crainte chez les membres initiés de la Mafia, qui ne seraient plus capables de défendre leur territoire ni d'assurer le contrôle de leurs activités ? Ces nouveaux syndicats du crime ont­ils dépassé La Cosa Nostra aux États­Unis ? Encore une fois, le témoignage de l'ancien agent du FBI Joaquin Garcia est éloquent à ce sujet. De part ses origines cubaines et sa parfaite maîtrise de la langue espagnole, ce courageux G­man spécialisé dans l'infiltration travailla une grande partie de sa carrière à la lutte contre le trafic de drogue. Entre 1999 et 2004, participant au programme Operation Reciprocity organisé conjointement par la FBI, la DEA et le NYPD, il permit entre autres le démantèlement de l'un des plus importants réseaux que le cartel mexicain de Ciudad Juarez27 possédait aux États­Unis, ce qui se traduisit notamment par l'arrestation du responsable de cette branche du cartel, un individu du nom de Martin Manzo, considéré alors comme l'un des principaux trafiquants de cocaïne vivant sur le sol américain. Lorsqu'il commença à préparer l'infiltration de la Famille Gambino, Joaquin Garcia fût surpris par l'étonnante complexité de la tâche. Lui qui ne connaissait la Mafia qu'au travers le prisme déformant de films – aux antipodes de la réalité – tels Le Parrain, jamais au cours de son infiltration il ne fût confronté à cette image folklorique que donne parfois certains médias : des criminels d'« honneur » déphasés de leur temps et bâtissant leur empire criminel aux marges de la société en se reposant exclusivement sur les liens du sang. Contrairement à la représentation qu'il s'en faisait, il intégra une société secrète fortement institutionnalisée et codifiée, structurellement imperméable à toute forme d'infiltration sérieuse et profonde : « Ils ne parlent qu'entre membres initiés, jamais aux étrangers »28. 27 Fondé dans les années 70 par Rafael Aguilar Guajardo, le cartel de Ciudad Juarez connut une rapide expansion au cours des années 90 sous l'impulsion d'Amado Carillo Fuentes. À la mort de ce dernier en 1997, son frère Vicente Carillo Fuentes reprit le flambeau et continua à faire prospérer les intérêts de l'organisation criminelle. Traduisant la position dominante prise par les cartels mexicains dans le narcotrafic international au cours de ces vingt dernières années, selon Andres Lopez Lopez, ancien représentant du cartel colombien Norte Del Valle à Miami devenu collaborateur de justice après son arrestation sur le sol américain, Vicente Carillo Fuentes fut un « juge de paix » dans le sanguinaire conflit qui éclata au début des années 2000 au sein de ce qui est considéré comme le dernier véritable cartel basé en Colombie, depuis scindé en différents « cartelitos ». 28 On peut noter que dans la Mafia américaine, la notion de famille biologique n'a que peu d'importance, ou, tout du moins, est secondaire en comparaison à l'allégeance faite à La Cosa Nostra. À titre d'exemple, le 5 août 1993, Michael Ciancaglini, âgé de 29 ans et membre initié de la Famille de Philadelphie, est abattu en pleine rue alors qu'il se promène en compagnie de Joseph Merlino, qui souhaitait alors – et qui prendra par la suite – le pouvoir au sein de la Famille mafieuse de cette ville. Cet assassinat aurait été validé par Joseph Ciancagliani, un capo proche de John Stanfa, un boss à l'autorité de plus en plus contestée par la jeune garde emmenée par Joseph Merlino. Depuis sa cellule de prison, le père aurait ainsi autorisé l'assassinat de son propre fils.

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De même, différemment de ce qu'il avait pu observer lors de ses précédentes missions d'infiltration à l'intérieur de réseaux de narcotraficants cubains, colombiens ou mexicains, réseaux composés d'individus particulièrement violents vivant aux marges de la société et n'ayant aucune emprise sur celle­ci – tout du moins aux États­Unis, au contact des mafieux, il put se rendre compte d'une réalité différente : la Mafia est un rouage même de l'économie américaine parfaitement intégrée socialement et possédant une capacité de corruption insoupçonnée s'étendant à l'ensemble des institutions d'État29. Cette caractéristique différencie totalement La Cosa Nostra de l'ensemble des organisations criminelles évoquées plus haut. Alors qu'il était connu sous l'identité de Jack Falcone, il fut également le témoin privilégié d'un conflit survenu au début des années 2000 qui opposa la Mafia à l'un de ces groupes criminels émergeant en Amérique du Nord. Au cours des années 90, des gangs albanais commencèrent à se développer aux États­Unis. La plupart d'entre eux étaient – et sont toujours – spécialisés dans le trafic de drogue, la contrebande de cigarettes, les enlèvements, l'extorsion ainsi que le cambriolage. N'hésitant pas à faire preuve d'une très grande violence, ils inspirèrent en peu de temps une certaine peur auprès d'autres organisations criminelles. Parmi ces nouveaux gangs originaires des Balkans, le plus puissant d'entre eux était dirigé à New York par Alex Rudaj, qui était à la tête d'une quarantaine de gangsters réputés pour être des tueurs de sang froid. Longtemps associée à la Famille Gambino par le biais d'un soldat portant le nom de Phil Loscalzo, la Corporation – nom qui fut associé par le FBI à ce gang – servit pendant longtemps de main d'œuvre à la Mafia à New York, qui lui sous­traitait un certain nombre de ses actions violentes30. Néanmoins, au début des années 2000, les relations se dégradèrent entre les gangsters originaires des Balkans et les mafieux, qui se servaient d'eux comme hommes à tout faire. Alex Rudaj se mit à développer des activités criminelles sur le territoire des Familles mafieuses, notamment dans le nord du Bronx ainsi que dans le Queens, sans demander aucune permission et en ne reversant aucun tribut à ses anciens employeurs. Sur des écoutes FBI, on entend ainsi le chef de la Corporation discuter avec ses principaux lieutenants de prendre le contrôle de l'ensemble des opérations de paris clandestins et de jeu possédées par la Famille Lucchese dans le quartier d'Astoria dans le Queens. Selon Joaquin Garcia, un certain nombre de rencontres, qui deviendront de plus en plus 29 Devenu le garde du corps et le chauffeur de Gregory DePalma, Joaquin Garcia révéla comment de nombreux secteurs économiques étaient grandement influencés par La Cosa Nostra. Concernant le monde du bâtiment – le ciment étant référencé comme « l'or italien » dans les rues new­yorkaises – il fut surpris de remarquer l'important nombre d'entrepreneurs légaux qui venaient demander des faveurs aux mafieux et comment ces deux mondes cohabitaient en parfaite harmonie. Victime d'une malaise cardiaque au cours de son infiltration, il rapporta également comment il fut sans doute mieux soigné en tant que Jack Falcone, individu peu recommandable gravitant dans l'entourage de la Famille Gambino, qu'il l'aurait été sous sa véritable identité de Joaquin Garcia, honorable agent du FBI : grâce à la « bourgeoisie mafieuse » de La Cosa Nostra, il eu accès aux meilleurs soins et fut traité en priorité par les meilleurs spécialistes. Enfin, il permit également l'arrestation d'une brigade complète de police corrompue et qui se croyait à la solde de la Famille Gambino. Manipulés par le G­man, quatre policiers de la police de Hollywood en Floride furent interpellés alors qu'ils convoyaient de l'héroïne entre Miami et New York. En 2007, le responsable de cette brigade de police, Kevin Companion, condamné à une peine de quatorze ans d'emprisonnement, déclara à l'issu du verdict : « J'ai pendant longtemps été un bon policier et un homme bon. Je ne suis plus policier mais je suis toujours un homme bon. ». 30 Joaquin Garcia révélera par la suite que Gregory DePalma avait coutume de dire : « Si on a un problème, on a juste à aller demander aux albanais de s'en occuper. ».

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« musclées » au fil du temps, se seraient alors déroulées entre les deux parties. Des écoutes téléphoniques du FBI viennent renforcer les propos de l'agent infiltré. Sur l'une d'entre elles, on entend ainsi Prenka Ivezaj, un des principaux dirigeants de la Corporation, évoquer une « visite de courtoisie » donnée par les mafieux aux gangsters albanais dans un des bars tenus par ces derniers : « Si les italiens avaient sorti leurs flingues, tout le monde serait mort, je te le garantis. Personne n'en serait sorti vivant, ni eux, ni nous. ». La réputation d'extrême violence émanant des groupes criminels albanais n'impressionnait visiblement pas les membres initiés de La Cosa Nostra outre mesure31. Joaquin Garcia fait ainsi référence à une « visite » que rendit Gregory DePalma aux gangsters albanais dans leur quartier général, Café Dion, un bar sordide situé dans le Bronx. Inquiet pour la sécurité du mafieux septuagénaire dont il devait servir de garde du corps en tant que Jack Falcone, l'agent fédéral se vit répondre que sa présence était inutile. Reconnaissant avoir été impressionné par l'absence totale de peur du capo, Joaquin Garcia déclarera plus tard d'un ton bonhomme : « Je dois admettre que Greg avait des couilles. Dans son esprit il représentait La Cosa Nostra, et les albanais devaient se plier et obéir aux ordres. Il ne se dégageait de lui absolument aucune peur. ». Gregory DePalma entra la tête haute et seul dans le Café Dion, dans ce qui risquait d'être son tombeau selon l'agent infiltré. Il en sortit également le tête haute et seul. Sans absolument aucune égratignure. La dernière rencontre entre les mafieux et les gangsters albanais eut lieu dans une station service du New Jersey. Alex Rudaj était présent, accompagné de six hommes parmi son gang d'une quarantaine d'individus. Arnold Squitieri, l'acting boss de la Famille Gambino, avait lui aussi fait le déplacement, protégé par une vingtaine de soldats. Selon l'agent fédéral, le ton monta rapidement entre les deux parties, lourdement armées l'une comme l'autre. Toujours d'après ses dires, largement en infériorité numérique et menacés de manière extrêmement claire et explicite par Arnold Squitieri, les gangsters albanais furent les premiers à céder dans le rapport de force qui avait été entrepris et ne purent quitter les lieux qu'après avoir menacé d'ouvrir le feu sur les conteneurs à gaz et à essence. « Ils étaient largement en infériorité à la station service et ils ont sans doute compris à ce moment­là que la Famille Gambino était beaucoup trop puissante pour qu'ils continuent à jouer au con avec. ». Les membres de haut rang de la Famille Gambino avaient perdu patience et durci leur position vis­à­vis de leurs anciens allégés. Aussi violents que soit la quarantaine de gangsters fédérés par Alex Rudaj, ils ne pouvaient constituer une concurrence durable et sérieuse à une Famille mafieuse forte de près de deux mille hommes tout aussi impitoyables qu'eux. D'après Joaquin Garcia, suite à l'incident, les gangsters albanais cessèrent d'interférer dans les opérations menées par La Cosa Nostra à New York. Interrogé sur le « peu » d'assassinats commis par la Mafia américaine depuis une dizaine d'années et pour savoir si elle n'était plus capable de se défendre, Carmine Esposito, un ancien soldat de la Famille Genovese, déclara ceci : « Vous voulez que je vous dise, quand Vincent32 était le boss, il aurait pu 31 Dans l'histoire du crime organisé américain, les tueurs de la Mafia sont sans conteste les plus féroces et les plus sanguinaires. À titre d'exemple, dans les années 70 et 80, un crew de la Famille Gambino ayant gagné le sobriquet évocateur de The Murder Machine est soupçonné par le FBI d'avoir assassiné un minimum de 200 personnes. Emmené par un mafieux du nom de Roy DeMeo, cette équipe de tueurs avait l'habitude d'entraîner ses victimes dans un bar de Brooklyn appelé Gemini Lounge, où ces dernières, après avoir été assassinées, étaient vidées de leur sang dans des baignoires, découpées en morceaux puis éparpillées dans diverses zones de la région new­yorkaise. Cette méthode, baptisée dans La Cosa Nostra comme The DeMeo Method, serait encore en cours aujourd'hui. 32 Inconnu du grand public, Vincent Gigante, boss de la Famille Genovese jusqu'à son décès en prison le 19 décembre 2005, est pourtant à classer dans la même catégorie de mafieux tels Lucky Luciano, Joseph Bonanno ou encore Carlo Gambino au regard de l'influence qu'il aura eu sur l'ensemble de la Mafia américaine du début des années 80 jusqu'à la date de sa mort. Pendant près de vingt ans, il passa sous l'ensemble des radars des différents services de police en se faisant passer pour fou, se baladant dans la rue en robe de chambre avec un air débonnaire ou encore prenant une douche protégé d'un parapluie, comme le surprirent une fois des agents du FBI venus l'appréhender. Comme de nombreux mafieux siciliens, il vécut l'ensemble de sa vie sans exhiber quelconque forme de richesse et probablement en ne s'étant jamais éloigné de plus de

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déclencher un millier de fusillades dans la rue s'il l'avait voulu, et vous seriez bien naïf de croire le contraire. ». Selon l'agent du FBI Gerald Conrad, spécialisé dans le crime organisé, le peu de violence – apparente – dont ferait preuve la Mafia actuellement serait plutôt à interpréter comme une constituante même de la stratégie d'invisibilité qu'elle aurait mise en place, et non comme un quelconque déclin ou avis de faiblesse. Aujourd'hui comme hier Peter Savino, le témoin­clef lors du Windows Case évoqué précédemment, disait ceci : « Ma Famille tire sa richesse du jeu, mais son véritable pouvoir réside dans les syndicats. Si on le voulait, on pourrait paralyser l'économie new­yorkaise, et même de ce pays en entier. ». Les propos de cet ancien associé de la Famille Genovese sont extrêmement lucides quant à ce qui constituait alors le véritable terreau du pouvoir politico­économique de la Mafia aux États­Unis. Qu'en est­il vingt ans plus tard ? En 1990, une enquête de terrain menée dans les états de New York, du New Jersey et du Connecticut avait permis d'estimer les bénéfices des cinq Familles de New York résultant des paris clandestins à un milliard de dollars par an, et ce, uniquement concernant la Super Bowl National Football League. À cette époque, on découvrit ainsi qu'un impressionnant réseau de bookmakers mis en place par la Famille Gambino et exploité par l'un de ses capi, John Giordano, permettait à lui seul de dégager près de trois cent millions de dollars de bénéfices nets chaque année. Systématiquement couplés à des circuits d'usuriers, ces réseaux de bookmakers exploitaient le vice de joueurs compulsifs jusqu'à la lis, ces derniers, en cas de dettes, souscrivant auprès de la Mafia des prêts dont le taux d'intérêt pouvait atteindre dans certains cas la barre des 200%. Lorsque ces joueurs lourdement endettés étaient des chefs d'entreprises, néanmoins, les mafieux acceptaient généralement d'effacer l'ardoise. Mais ceci avait un prix : le conseil d'administration se voyait alors augmenter de mystérieux et encombrants « consultants », disposant de contrats à toutes épreuves, et payés à prix d'or. Bien entendu, leurs nouveaux collègues n'avaient jamais la (mal)chance de pouvoir discuter avec eux, puisqu'ils ne se rendaient jamais à leurs bureaux. Quel est aujourd'hui le poids de La Cosa Nostra dans l'industrie du jeu et des paris ? Intéressons­ nous un instant à l'enquête de police, baptisée Operation Heat, qui déboucha en mai 2010 sur l'inculpation de trente­quatre membres et associés de la Famille Lucchese à New York, dans le New Jersey et à Las Vegas33. Le communiqué de la juge chargée de l'affaire, Paula Dow, et du responsable de la Justice Criminelle ayant traité le dossier, Stephen Taylor, se passe de commentaires : « L'enquête a permis de démanteler un réseau international de paris illégaux, concernant principalement des évènements sportifs, qui, d'après les éléments en possession du Ministère de la Justice, a vu transiter approximativement 2,2 milliards de dollars sur une période de quinze mois. ». Selon les conclusions de l'enquête, le réseau mis en place par la Famille Lucchese s'appuyait sur une myriade de sites internet protégés par des mots de passe et dont les données étaient stockées sur des serveurs informatiques basés au Costa Rica. D'après les éléments possédés par le parquet de justice, ce serait l'un des crews que disposerait cette même Famille mafieuse dans le New Jersey qui aurait été en charge de superviser l'ensemble des opérations et de collecter les dettes des débiteurs, en faisant usage de menaces et de violence lorsque nécessaire. Parmi les principaux individus appréhendés, on compte ainsi cinquante kilomètres de son lieu de naissance, le quartier de Greenwich Village à Manhattan. Interrogé sur la simplicité de sa vie au regard de son statut dans La Cosa Nostra, Ronald Goldstock, ancien responsable du New York State Organized Crime Task Force, dira : « Il est difficile de trouver quels autres plaisirs il éprouvait à part celui d'être un boss mafieux. Sa vie entière tournait autour de l'immense pouvoir qu'il exerçait. ». 33 Dans son entrevue accordée en 2004, l'agent Williams insistait sur le fait que la Mafia n'était plus active et ne disposait plus d'aucun intérêt à Las Vegas.

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Ralph Perna, âgé de soixante­quatre ans et le capo du crew d'après divers services de police, trois de ses fils, Joseph Perna, âgé de quarante ans, John Perna, âgé de trente­deux ans, et Ralph Perna Jr, âgé de trente­huit ans, tous des membres initiés et des soldats de la Famille Lucchese, ainsi que Nicodemo Scarfo Jr34, membre initié âgé de quarante­quatre ans disposant d'un statut inconnu des enquêteurs au sein de la Famille mafieuse. Comme par le passé, couplés à ces opérations de bookmaking, l'enquête a permis de détecter des circuits de prêts usuriers : près 900 000 dollars auraient ainsi été obtenus par ce biais par Joseph Perna et à sa femme Roseanna sur la période de quinze mois concernée, le couple étant de plus accusé d'évasion fiscale. On le voit, près de vingt ans après le Windows Case et les déclarations de Peter Savino, le jeu demeure encore et toujours une des principales « vaches à lait » de la Mafia américaine, qui dispose en ce début de vingt­et­unième siècle d'un quasi­monopole dans ce secteur en Amérique du Nord. À ce sujet, remarquons également que ce juteux marché, largement entré dans les mœurs de l'américain moyen35, s'est vu renforcer au cours de la décennie passée par la démocratisation de l'internet et représente aujourd'hui, plus que jamais sans doute, un chiffre d'affaire de plusieurs milliards de dollars chaque année pour La Cosa Nostra36. Venons­en à présent à l'infiltration de la Mafia au sein des institutions d'État et des syndicats en s'intéressant à deux individus également impliqués dans l'Operation Heat que l'on vient d'évoquer : Joseph DiNapoli et Matthew Madonna. Âgés de soixante­quatorze ans tous les deux, ils sont décrits dans le rapport d'enquête comme « contrôlant toutes les opérations de jeu ainsi que l'ensemble des autres activités criminelles développées par la Famille Lucchese à New York ». Considérés comme faisant partis du triumvirat de direction de cette Famille mafieuse, sans que leurs statuts à l'intérieur de celui­ci aient pu être déterminés précisément, ils auraient touché le « tribut »37 de la part du crew du New Jersey dirigé par le supposé capo Ralph Perna. Devant faire face dans cette affaire à un chef d'accusation leur attribuant le statut de « boss du crime organisé », les deux hommes, en compagnie de vingt­neuf autres personnes, ont été reliés le 1 octobre 2009 à un vaste scandale de corruption dans le domaine de la construction. À la fin de l'année passée, près d'une trentaine de personnes liées à la Famille Lucchese étaient ainsi inculpées pour des chefs d'accusation portant sur la corruption, l'extorsion, le trafic de drogue, le trafic d'armes et la promotion de paris clandestins. Parmi ces individus, certains avaient un profil un peu particulier, puisqu'ils occupaient ou avaient occupé des postes de responsables au sein du New York City 34 Il est intéressant de remarquer que si Nicodemo Scarfo Jr est un membre initié de la Famille Lucchese de New York, son père, Nicodemo Scarfo Sr, est un ancien boss de la Famille mafieuse de Philadelphie, parfois référencée comme la Famille Bruno / Scarfo – le nom Bruno fait écho à Angelo Bruno, également un ancien boss de cette Famille mafieuse. Encore une fois, cet exemple illustre parfaitement la scission existant dans la Mafia américaine entre famille biologique et Famille criminelle. 35 Dans le cadre de l'enquête Old Bridge, qui permit en 2008 l'arrestation de soixante­deux membres et associés de la Famille Gambino, Raymond Kelly, commissaire au NYPD, se lamentait notamment de la position de « toutes ces personnes qui ne voient rien de mal à placer des paris chez des bookmakers affiliés à la Mafia. ». 36 Selon le journaliste américain Joseph Menn, qui a récemment écrit le livre Fatal System Error s'intéressant à l'implication du crime organisé dans la cybercriminalité, la Mafia américaine, ainsi qu'un certain nombre de groupes criminels basés en Europe de l'Est, serait très active dans ce secteur et aurait saisi la balle au vol au tournant des années 2000. 37 Dans la Mafia américaine, les mouvements de capitaux s'opèrent de la base vers le sommet de la pyramide. Ainsi, chacun des crews constituant une Famille mafieuse doit régulièrement faire parvenir à sa direction un certain pourcentage des bénéfices qu'il dégage. Ce pourcentage, fixé par le boss, est variable selon les Familles mafieuses, les crews, ainsi que les activités développées. À titre d'exemple, si l'on se base sur le témoignage de Salvatore Gravano, John Gotti, alors le boss de la Famille Gambino, pouvait exiger dans les années 80 jusqu'à 80% des bénéfices dégagés par certains de ses crews.

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Departement of Buildings, structure ch argée de superviser le bon déroulement des chantiers de onstruction relevant de marchés publics. Selon l'accusation, six anciens responsables de cette institution – Frank Francomano, Carmine Francomano Jr, Thomas Masucci, Earl Prentice, Angel Luis Aviles et Exel Plass – auraient utilisé leurs statuts afin, selon les cas, de « faciliter » le déroulement des travaux d'entrepreneurs liés à la Famille Lucchese38, ou bien, dans le cas contraire, de contraindre au paiement d'un « impôt mafieux » des entrepreneurs « non protégés ». Si cette affaire, ayant permis en outre une saisie record de plus de quatre cent millions de dollars appartenant à la Famille Lucchese39, n'a pas encore été jugée et est trop récente pour des conclusions puissent en être tirées, le juge chargé du déroulement du futur procès, Robert Morgenthau, déclarait il y a trois mois : « Cette enquête de deux ans nous rappelle que la menace du crime organisé traditionnel40 n'est pas un vestige du passé. Non satisfaite d'être impliquée dans des activités comme le trafic de drogue et le jeu, la Famille criminelle Lucchese avait infiltré une agence gouvernementale et cherché à influencer son fonctionnement. Très clairement, nous devons nous montrer vigilant devant la gravité de tels faits. ». Les institutions d'État toujours aussi friables à la pénétration de la Mafia, il en est de même des syndicats une décennie après le début de ce nouveau millénaire. C'est ainsi qu'un communiqué du Ministère de la Justice datant du 1 février 2008, faisant suite à l'enquête de police baptisée Operation Old Bridge, annonçait l'arrestation de « soixante­deux individus associés aux Familles mafieuses Gambino, Genovese et Bonanno de La Cosa Nostra, à des entreprises du monde de la construction ainsi qu'à des syndicats de travailleurs. ». Principale cible des arrestations, la Famille Gambino est décrite dans ce rapport comme « contrôlant et coordonnant le racket de dizaines d'entreprises privées appartenant au monde de la construction. ». Également en lien avec ce vaste coup de filet policier, le communiqué du Ministère du Travail est froid et lucide : « Les arrestations d'aujourd'hui constituent un important message adressé au crime organisé, avec pour objectif d'éradiquer ce racket impliquant plusieurs des plus importantes entreprises de construction à New York, qui appartenaient, étaient contrôlées ou bien influencées par la Famille du crime Gambino. Plusieurs de ces sociétés payaient un « impôt mafieux » en échange d'une « protection » et pour obtenir la permission de travailler. Par le biais du contrôle de ces compagnies, la Famille Gambino a pu infiltrer le syndicat des camionneurs41, dont elle a pillé les fonds de pension et d'assurance santé, mettant en danger le futur d'un grand nombre de travailleurs. ». Commentant à son tour cette affaire, le FBI prévient que : « ce serait mentir que d'affirmer que La Cosa Nostra ne constitue plus une menace » et met en garde l'opinion publique contre une quelconque acceptation de la présence de la Mafia, dont l'image édulcorée et trompeuse donnée par certains films et médias endort parfois les foules : « l'idée selon laquelle les victimes de la Mafia sont uniquement des mafieux est fausse, trois des personnes assassinées répertoriées dans le cadre de cette affaire n'avaient absolument aucun lien avec le crime organisé. ». Chronique d'une renaissance inattendue À l'horizon 2010, au lieu d'un enterrement en bonne et due forme de La Cosa Nostra en Amérique 38 39 40 41

Cinq entreprises sont visées par l'enquête. 411 773 536,80 dollars exactement. Appellation parfois utilisée pour désigner la Mafia. Parmi les sections syndicales concernées, on compte notamment la section 282 du célèbre International Brotherhood of Teamsters.

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du Nord, comme le prédisaient de nombreux experts et observateurs relayés massivement par la presse, plusieurs indicateurs forts laissent suggérer au contraire une renaissance. Ayant tirés les leçons des erreurs commises par leurs prédécesseurs, les nouvelles générations de membres initiés de la Mafia sont retournées dans l'ombre, fuyant la lumière et le clinquant. Cette stratégie d'invisibilité est favorisée par la torpeur d'une opinion publique qui ne voit LCN qu'au travers un prisme déformant ainsi que par un changement de la politique sécuritaire américaine, dont le crime organisé n'est plus une priorité et qui a placé la Mafia au même niveau que d'autres organisations criminelles, qui pourtant, incontestablement, sont loin de disposer du même impact sur les plans économiques, politiques et sociaux. Prenant à contre­pied l'idée selon laquelle la disparition des enclaves ethniques italo­américaines originelles allait inévitablement annoncer sa décrépitude, les effectifs de La Cosa Nostra seraient en hausse constante depuis dix ans, et, certaines Familles mafieuses, considérées pourtant comme moribondes et quasi­inactives par les divers services de police, ont refait parler d'elles ces dernières années et se seraient en grande partie reconstituées42. Le jeu et l'usure, aujourd'hui comme hier, continuent à soutenir l'incroyable santé financière de la Mafia, qui se sera vue doper depuis le début du millénaire par l'avènement de l'internet, média qui lui a donné l'opportunité d'étendre comme jamais son terrain d'action et d'augmenter considérablement ses sources de revenus. Loin d'avoir abandonné d'autres activités criminelles comme le trafic de drogue, dont elle reste un des acteurs majeurs en Amérique du Nord43, La Cosa Nostra n'a en rien perdu son pouvoir de corruption lui conférant la capacité d'infiltrer les institutions d'État ainsi que les divers syndicats de travailleurs, ce qui continue de lui assurer une dangereuse emprise sur des pans entiers de l'économie44. Frappé par cette réalité, Andrew Maloney, procureur ayant suivi la condamnation du boss John Gotti au début des années 90, déclarait récemment ceci à propos de la Mafia, dépité : « Elle ressemble à un vampire, ce n'est pas tout de la tuer, il faut lui enfoncer un pieu dans le cœur, et ceci n'a pas été fait. ». Comment La Cosa Nostra se porte­t'elle à l'horizon 2010 ? Le mort se porte comme un charme ... Le 5 août 2010 Bibliographie Ouvrages : En langue française : [1] Jacques Berlioz­Curlet. FBI, histoire d'un empire. Éditions Complexe, 2005. [2] Fabrizio Calvi et David Carr­Brown. FBI, l'histoire du Bureau par ses agents. Fayard, 2009. [3] Philip Carlo. Confessions d'un tueur à gages, l'histoire vraie de Richard Kuklinski, alias « The Ice Man ». K&B, 2008. [4] Éric Frattini. Cosa Nostra, un siècle d'histoire. Flammarion, 2003. [5] Jean­François Gayraud. Le monde des mafias, géopolitique du crime organisé. Odile Jacob, 2005. 42 La Famille mafieuse de Philadelphie est un exemple parmi d'autres. 43 Un rapport publié pour l'année 2009 par une commission d'enquête gouvernementale s'étant intéressée aux organisations criminelles se livrant au narcotrafic aux États­Unis plaçait La Cosa Nostra au même degré d'implication que les cartels colombiens, dont le trafic de drogue peut pourtant être considéré comme l'exclusive activité concentrant tous leurs efforts. 44 Malgré les déclarations de Rudolph Giuliani qui annonçait la fin de l'influence de la Mafia sur le monde de la construction suite au Commission Case datant du milieu des années 80, aujourd'hui encore, La Cosa Nostra continue de constituer un véritable cartel du béton à New York.

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En langue anglaise : [6] Philip Carlo. Gaspipe : Confessions of a Mafia boss. Harper Collins, 2008. [7] Philip Carlo. The butcher : Anatomy of a Mafia psychopath. Harper Collins, 2009. [8] Jeff Cœn. Family secrets : The case that crippled the Chicago Mob. Chicago Review Press, 2009. [9] Joaquin Garcia et Michael Levin. Making Jack Falcone : an undercover FBI agent takes down a Mafia family. Simon & Schuster, 2008. [10] Peter Maas et Salvatore Gravano. Underboss : Sammy the bull Gravano's story of life in the Mafia. Harper Collins, 1997. [11] Joseph Menn. Fatal System Error : The hunt for the new crime lords who are bringing down the internet. Public Affairs, 2010. [12] Gene Mustain et Jerry Capeci. Mob star : The story of John Gotti. Alpha Books, 2010. [13] Gene Mustain et Jerry Capeci. Murder Machine : A true story of murder, madness, and the Mafia. Onyx Books, 1998. [14] Selwyn Raab. Five Families : the rise, decline, and resurgence of America's most powerful Mafia empires. Thomas Dunne Books, 2006. En langue espagnole : [15] Andres Lopez Lopez. El cartel de los sapos. Editorial Planeta Colombiana, 2008. Presse : En langue française : [16] Agence France Presse. [17] Courier International. [18] Le Figaro. [19] L'Express. [20] Libération. [21] Le Monde. [22] Le Nouvel Observateur. [23] Le Point. [24] Marianne. En langue anglaise : [25] Arizona Republic. [26] Chicago Sun Times. [27] Chicago Tribune. [28] Los Angeles Times. [29] New York Daily News. [30] New York Post. [31] Philadelphia Daily News. [32] Philadelphia Inquier. [33] The Boston Globe. [34] The New York Times. [35] The New Yorker. En langue espagnole : [36] El Mundo. [37] El Universal. [38] La Cronica de Hoy. [39] La Jornada. 19


[40] La Razon. Sites internet : En langue française : [41] Fabrice Rizzoli. Les mafias : Analyse au quotidien d'un phénomène complexe. http://www.mafias.fr/ En langue anglaise : [42] Jerry Capeci. Gang Land News : The nation's foremost expert on the American Mafia. http://www.ganglandnews.com/ [43] Rick Porello. American Mafia. http://www.americanmafia.com/ Sites gouvernementaux américains : [44] Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives. http://www.atf.gov/ [45] Departement of Justice. http://www.justice.gov/ [46] Drug Enforcement Administration. http://www.justice.gov/dea/index.htm [47] Federal Bureau of Investigation. http://www.fbi.gov/ [48] National Drug Intelligence Center. http://www.justice.gov/ndic/ [49] The state of New Jersey, office of the Attorney General. http://www.nj.gov/oag/ [50] The state of New York, office of the Attorney General. http://www.ag.ny.gov/ [51] The state of Illinois, office of the Attorney General. http://www.illinoisattorneygeneral.gov/ [52] The state of California, office of the Attorney General. http://www.ag.ca.gov/

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