QUÉBEC VO1 #O4 | MAI 2O16 JOËL POMMERAT PEEPSHOW LE PUNCH CLUB L’OPÉRA À QUÉBEC SAMITO FESTIVALS MUSICAUX LE QUÉBEC À CANNES SOCIOPOLITIQUE DU SURHOMME BGL GASPILLAGE ALIMENTAIRE GORGONA
LE SON DU ROC
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RÉDACTION
Rédacteur en chef national: Simon Jodoin / Coordonnatrice à la rédaction et journaliste: Catherine Genest Chef de section musique: Valérie Thérien / Chef des sections scène et cinéma: Philippe Couture Chef de section restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris / Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau / Correctrice: Marie-Claude Masse
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LE SON DU ROC / LES ARTISTES FRANCOPHONES TALENTUEUX SONT DE PLUS EN PLUS NOMBREUX DANS LE «REST OF CANADA». Photo | Jocelyn Michel / Consulat Assistante | Stéphanie Davis Maquillage / coiffure | Laurie Deraps Styliste accessoiriste | Taos-Daphné Houasnia Production Consulat | Sébastien Boyer Décor | Télé Ciné Montréal
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SCÈNE
Joël Pommerat Peepshow Le Punch Club
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MUSIQUE
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CINÉMA
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ART DE VIVRE
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LIVRES
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ARTS VISUELS
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QUOI FAIRE
L’opéra à Québec Samito Festivals musicaux Cuvée québécoise à Cannes Sociopolitique du surhomme Gaspillage alimentaire Gorgona, le vin qui sort de prison Tout est histoire de cul... enfin presque BGL
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Monique Giroux (p26) Mickaël Bergeron (p36) Normand Baillargeon (p46) Alexandre Taillefer (p64)
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
QU’ILS MANGENT DE LA BRIOCHE C’est si mauvais que ça Les échangistes à Radio-Canada? Au point d’en faire tout un fromage? Plus plate encore que Stéréo Pop dont on a soudainement entendu parler depuis que Pierre Lapointe a pété sa coche à Tout le monde en parle? Je me demande parfois si vous ne parlez pas de météo, comme ce mois d’avril qui était vraiment le plus moche de tous les mois d’avril, comme tous les mois d’avril depuis la chute hors de l’Éden. J’aimerais dire, d’abord, que je suis radio-canadien depuis mon enfance. Je vais même vous avouer qu’on m’engage assez souvent à la radio de Radio-Canada et que j’en suis plutôt fier. Dans ce magazine, il y a aussi quelques Radio-Canadiens que j’aime beaucoup. Donc, ça m’agace un peu quand on parle de RadioCanada au grand complet, mur à mur, avec une scie à chaîne. Il y a, à la radio de Radio-Canada, en tout cas, ce qui se fait de mieux dans les médias. Je pense à Désautels le dimanche, meilleur magazine de société au pays, Les années lumière de l’excellent Villedieu, C’est fou... avec Jean-Philippe Pleau et Serge Bouchard, La librairie francophone qui nous décoince de la belle province littéraire qui pue trop souvent du nombril. Franco Nuovo, le dimanche matin. OK, il m’invite Franco, donc j’ai l’air de sucer un peu, mais quel autre morning man invite un philosophe, un linguiste et une historienne pour vous réveiller? Je ne vous parle pas de La soirée est (encore) jeune. Ils sont très bons, mais chaque fois qu’on prononce le nom de l’émission, je crains qu’on demande le lendemain à Wauthier d’animer la soirée électorale et les Olympiques. Tout n’est pas si pire qu’on le dit, mais oui, il y a cette fameuse télé de Radio-Canada, ce vaisseau amiral de cette flotte parfois un peu éparpillée. On ne fait pas que nous gaver de divertissement sucré à la télé de Radio-Canada. Il y a du bon. Du très bon. Mais quand même, du gâteau au fromage, il y en a beaucoup,
non? Je ne vais pas vous faire la liste au grand complet, vous le savez. On est quand même pas mal divertis, vous ne trouvez pas? Ça nous fait tout un bagage de variétés. J’ai beau parcourir cette grille horaire au gré des saisons, il manque quelque chose. Je lis les descriptions des émissions – on parle de «concepts» en langage médiatique – et si je vous mets tout ça bout à bout, ça donne une sorte de pain très moelleux. Un pain aux raisins. De la brioche. À la fois divertissante et indiscrète, la nouvelle Caméra 360i dévoile tout ce qui se passe autour de la table. Dans une atmosphère conviviale, deux équipes s’affrontent dans une variété de jeux intelligents et amusants. Une nouvelle émission quotidienne qui traite de la vie de tous les jours. Le public présent sera chouchouté. Un rendez-vous divertissant pour faire le point dans votre journée et traiter d’une multitude de sujets qui animent votre quotidien. Ti-Mé et son comparse Pogo continuent d’alléger les vendredis soirs. Un moment donné, ça ne peut pas être une simple question de compressions budgétaires et de pressions politiques. Ça ne peut pas être toujours la faute de Harper qui n’est même plus là. Il y a des gens qui prennent des décisions et qui, visiblement, aiment manger moelleux. OK, Marina Orsini ou Entrée principale, mettons. Qu’elles chouchoutent le public et se touchent le quotidien léger une fois par jour, ces émissions, ce n’est pas illégal. Mais est-ce qu’on est vraiment obligé de me les servir en reprise après le bulletin de nouvelles de 22 heures? Ça, c’est limite immoral, quand on a les mains dans l’eau savonneuse pour terminer la vaisselle, de nous forcer à chercher la télécommande en panique. Est-ce que ça coûterait si cher d’aller poser deux ou trois caméras dans un théâtre de temps en temps? Il y a une foule de pièces qui se jouent toutes les saisons au Québec. Nous payons collectivement le travail de ces artistes. Il est bien amusant et divertissant Fabien Cloutier.
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Est-ce qu’on aurait pu aller filmer, par exemple, sa pièce rude et tragique Pour réussir un poulet qu’il présentait en 2014? Il s’agissait de filmer cinq comédiens sans trop d’effets spéciaux. Un plan fixe aurait pu faire l’affaire. C’est un exemple qui me vient à l’esprit, mais il y a en a mille. Qui a pu voir le spectacle coup-de poing Mommy – non, ce n’est pas du Dolan – d’Olivier Choinière, un auteur incontournable de ma génération? Et Philippe Ducros – mon ami –, qui proposait L’affiche il y a quelques années à l’Espace libre et au Périscope, une pièce saluée par la critique sur le conflit israélo-palestinien? Pas si acrobatique, il me semble. On filme deux soirs et c’est emballé. Un petit montage, et hop! allez, on diffuse. Les technologies agiles et légères dont nous disposons désormais ne permettent aucune excuse. Trop compliqué? OK. Allons en coulisse alors! Discutons avec les auteurs, les comédiens, les metteurs en scène. Voyons leur travail en répétition. En décembre 2015, ARTV présentait en grande pompe Les Morissette en coulisse. Oui, ces Morissette-là, le couple Véronique Cloutier et Louis Morissette. «Un des spectacles les plus attendus des dernières années», disait-on. Une émission produite par, je vais vous étonner... la boîte de Louis Morissette! Qui d’autre a-t-on pu voir en coulisse à part ces deux-là? Quelle autre production théâtrale a eu droit à une telle forme de promotion? Je voudrais entendre des dizaines de noms. Ce mois-ci, ce sera le Carrefour international de théâtre à Québec et le FTA à Montréal. Des événements phares pour les arts de la scène au Québec. Qui le saura? Qui sera averti? Qui pourra voir?
Ce n’est quand même pas si exotique d’espérer que, parfois, en soirée, après les nouvelles du sport et la météo, on nous documente un peu sur ce qui se passe dans la tête de tous ces créateurs qu’on n’invite jamais dans les jeux télévisés. Et hormis ces productions théâtrales, de la même manière, il n’y aurait pas un petit spectacle de musique à filmer dans une petite salle quelque part? Au Divan orange ou au Cercle? Des musiciens à découvrir? Une visite dans leur local de répétition? Et qu’en est-il de la vie intellectuelle? Les discussions abondent dans toutes les sphères des sciences sociales. Depuis quelques années, des bataillons de jeunes intellectuels et auteurs publient des essais, des ouvrages collectifs, créent des débats. Nous payons collectivement des chercheurs dans les universités. Il n’y a même pas une petite heure et demie pour une discussion toute simple? Pas besoin de bancs qui tournent, de centaines d’écrans interactifs accrochés sur les murs, d’applications mobiles pour voter et choisir son angle de vue, de campagnes publicitaires qui valent plus cher que nos maisons imaginées par un stratège dans une agence de pub. Juste une discussion. Juste de la culture. Ce serait vraiment si compliqué? Inabordable pour un diffuseur public? Allons. Je n’y crois pas.Pas une seconde. y sjodoin@voir.ca
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cendrillon, cette endeuillée cendrillon n’est pas qu’une jeune fille se nourrissant de rêves de princesse. dans la vision du grand maître français joël pommerat, en visite au carrefour international de théâtre, c’est surtout une enfant heurtée par le deuil et la culpabilité. MOTS | PHILIPPE COUTURE
Toutes les scènes du monde se l’arrachent. Au moment où nous l’attrapons pour une discussion téléphonique, Joël Pommerat est dans un restaurant de Pékin, venu dans l’Empire du Milieu pour négocier une collaboration avec la troupe du Grand Théâtre national de Chine. Partout, son esthétique sophistiquée de sons et d’ambiances cinématographiques est applaudie, comme ses savants clairsobscurs et ses ellipses faisant mystérieusement apparaître et disparaître des personnages écorchés. Ses acteurs fabuleux, de leurs voix erraillées, évoquent des vies banales qui prennent un tournant tragique, dans un écrin théâtral qui prend peu à peu l’ampleur d’un grand film. Mais le théâtre de Pommerat est aussi et surtout une affaire d’écriture: des montées dramatiques puissantes et des dialogues intelligents, animés par un regard humaniste et philosophe sur les grands combats de l’homme. Que son écriture de plateau se mette au service du théâtre jeune public ou du théâtre «adulte», c’est du pareil au même. Cendrillon fait partie de sa trilogie de contes, avec Le petit chaperon rouge et Pinocchio: des spectacles destinés aux enfants mais conçus à la manière Pommerat, sans infantilisation aucune. Ils ont d’emblée intéressé tout le monde, rallié tous les publics. «J’ai fait cette trilogie en pensant aux enfants, tient-il à préciser. Mais la vérité, c’est qu’en jouant ces spectacles, quelque chose s’est passé avec le public: les adultes ont reçu ces spectacles d’une manière que je n’avais pas soupçonnée. Il y a eu un glissement; les théâtres qui accueillent les spectacles se sont mis à parler de ce travail comme d’un théâtre tout public. Je n’ai pas contesté ça, car j’ai
PHOTOS | CICI OLSSON
voulu parler aux enfants, mais j’ai aussi voulu ne pas me trahir moi-même comme adulte par rapport à ce que je ressens. Je ne parle pas aux enfants très différemment qu’aux adultes, au fond.» Analyste attentionné et éclairé des relations humaines, Pommerat a décortiqué le couple (La réunification des deux Corées), les relations de travail ou l’influence du commerce sur les interactions (Les marchands; La grande et fabuleuse histoire du commerce), puis les tractations politiques (Ça ira (1) Fin de Louis).
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Avec Cendrillon, il ancre son regard dans une famille cruelle, explorant la méchanceté intrinsèque de l’homme et son besoin de dominer l’autre, mais il s’interroge surtout sur les conséquences du deuil, de la douleur de la perte. «Au-delà de son aspect féérique et romantique, Cendrillon est une œuvre sur la mort. Si Cendrillon accepte les humiliations, ce n’est pas parce qu’elle est gentille en soi. Personne d’ordinairement constitué ne peut accepter qu’on lui fasse endosser physiquement et moralement autant de brimades. Je pense qu’elle accepte à ce point la violence des autres parce qu’elle est en état de choc. Elle est dans une phase de traumatisme et de culpabilité. Ces sentiments-là sont par ailleurs fortement ressentis par cette enfant, car elle n’a aucune expérience de la vie, aucune clé de compréhension de la mort. Le deuil est une expérience qu’elle ne sait pas décoder.»
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La perspective est singulière. Le célèbre psychanalyste Bruno Bettelheim a contribué à ancrer dans nos imaginaires l’idée que Cendrillon soit surtout un récit de rivalité fraternelle. Or Pommerat ne s’intéresse que très peu à cette vision canonique de l’œuvre, réfléchissant à l’absence maternelle comme moteur des comportements de Cendrillon. «Soudainement dépourvue de mère, arrachée brutalement à la relation fondatrice qu’elle entretenait avec sa mère, Cendrillon se retrouve en pleine quête d’identité, en quête d’elle-même. Mais ce n’est pas une quête qui s’articule dans la stricte intériorité du personnage. Je suis toujours davantage intéressé par la psyché à partir de la manière qu’ont les personnages de se situer par rapport aux autres, à travers leurs difficultés relationnelles et interactionnelles.» C’est aussi dans le réconfort de la rencontre avec celui qui vit une situation similaire que se joue cette histoire de deuil: Cendrillon trouve son prince et partage avec lui la douleur de la perte du parent. «Ma mère est morte», dit-elle à son nouveau chéri. «Et tu sais moi aussi faut que j’arrête je crois de me raconter des histoires, me raconter qu’elle va peut-être revenir un jour ma mère, si je pense à elle continuellement par exemple, non! Elle est morte et c’est comme ça! Elle va pas revenir ma mère! Et elle est morte! Comme la tienne! Et rien ne pourra y changer? Non rien.» La pièce, portée par une délicate narration en voix hors champ, puise aussi autant chez les frères Grimm que chez Perrault, cherchant le meilleur des deux mondes. «Je me sens en général plus proche de Grimm que de Perrault, précise Pommerat. Il est plus moderne, plus shakespearien, plus apte à dépeindre la cruauté des hommes et leur violence. Je trouve Perrault bien plus moralisateur. Mais ma version de Cendrillon est proche de Perrault dans la structure narrative, qui demeure assez traditionnelle et qui respecte l’histoire canonique, que tout le monde peut reconnaître. Cette pièce a été pour moi le chantier d’une importante réflexion sur le récit.» y Du 24 au 26 mai au Théâtre de la Bordée Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec
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dans la spirale honorée de suivre les traces de l’incontournable marie brassard en reprenant l’un de ses plus marquants solos, la comédienne monia chokri tente l’aventure excentrique, sensuelle et spiralée de peepshow. MOTS | PHILIPPE COUTURE
PHOTO | MAUDE CHAUVIN
À l’étranger, le travail de Marie Brassard est considéré comme emblématique de la scène québécoise dans ce qu’elle a de meilleur, un théâtre de recherche qui utilise la technologie comme un vaste champ de possibles et qui agit sur tous les plans: narrativité puissante, force de l’image, mystère de l’inconscient, frisson du corps. On ne voit pourtant pas assez son travail à Québec, sinon trop brièvement. C’est en partie pour cette raison, mais aussi par désir de transmission et de collaboration avec Monia Chokri, qu’elle a décidé de lui offrir son marquant solo. Elles ont travaillé ensemble sur le spectacle La fureur de ce que je pense, d’après les textes de Nelly Arcan, et se sont découvert des affinités nombreuses. «J’aime les artistes inclassables, dit Monia Chokri. Et Marie est tout à fait iconoclaste. C’est l’ultime rêve de chaque artiste de développer son propre langage et Marie est de celles qui ont inventé une esthétique incomparable en travaillant le son et le jeu d’une manière spiralée qui ouvre le champ des possibles et multiplie les niveaux de réel. Quand je l’ai vue sur scène la première fois, c’était dans La noirceur en 2003 et j’étais fascinée.»
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Théâtre Beaumont St-Michel
À la fois ancrée dans la figure du petit chaperon rouge et dans un monde onirique qui fait apparaître plusieurs personnages, Peepshow utilise des technologies d’amplification et de modification de la voix pour faire coexister dans le même corps une multitude d’âmes et évoquer une infinité de récits. «Marie se sert aussi du conte du petit chaperon rouge pour raconter l’histoire de quelqu’un qui désobéit, qui va dans la forêt même si c’est interdit, qui fait ce qu’il ne faut pas faire. C’est un hommage à la liberté, mais aussi à l’excentricité, à la différence, à ce qui sort des normes.» Or le petit chaperon rouge, souvent analysé comme objet de désir, permet aussi une forme de parcours sensuel. «Ce n’est pas le centre du spectacle, précise Chokri, mais la psychanalyse a effectivement vu dans le petit chaperon rouge une fable d’éveil sexuel et le texte s’y aventure un peu, de façon sensuelle et jamais violente.» Jouer du Brassard n’est pas une mince tâche. L’œuvre emprunte une pensée en spirale, glisse subrepticement d’un récit à l’autre et d’un personnage à l’autre. «On est complètement happés par ça, dit Chokri. Et c’est le fun de déjouer le spectateur, de l’amener là où il ne nous attend pas. Marie ne prend jamais le spectateur pour un con.» Le spectacle créé à l’Espace GO cet automne est aussi une recréation: chaque concepteur, notamment le musicien Alexander McSween, a retravaillé sa partition et tenté de bousculer ses propres perspectives. «Avec Marie, c’est toujours vraiment un travail de recherche.» y Les 1er et 2 juin au Grand Théâtre Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec
PHOTO | CAROLINE LABERGE
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coup de poing théâtral ça pourrait se jouer dans une ruelle un peu louche derrière un conteneur que ça pognerait quand même. la street impro du punch club est à la fois populaire et élitiste, dans le bon sens. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
La file s’allonge à la porte, peu importe la ville. À Montréal, à Québec, certes, mais aussi à HavreSaint-Pierre, Baie-Comeau et Matane. Il faut dire que l’alliance liberté sur scène + calibre supérieur séduit. «Le Punch Club est né d’un brainstorm sur ce que serait notre fantasme de spectateur, à Dominic Lapointe, Karl-Alexandre Jahjah et moi-même», raconte le maître de cérémonie et cofondateur, Ogden Ridjanovic. Le rappeur aka Robert Nelson (Alaclair Ensemble, Rednext Level), qui a fait de l’impro par le passé, rêvait de concentrer le talent sur scène. «C’est classique en impro: tu vas voir un match, tu accroches sur un ou deux joueurs qui se démarquent pis tu te dis: “Messemble que je prendrais un show avec juste ceux-là!”» Élitiste, Le Punch Club? Ogden le confirme sans gêne: «On le dit, on veut les meilleurs. Je l’ai déjà entendu chez certains spectateurs: “C’est nice, y a pas le joueur moins bon dans l’équipe!”» Pas de tabou avec lui: il veut carrément «professionnaliser l’impro», et ça passe par payer les joueurs. Le but n’est pas d’éliminer les autres formes d’improvisation, mais bien d’offrir quelque chose de différent, de complémentaire. «L’impro gagne à être représentée de façons diverses. Son rôle communautaire est super important, ça permet de tisser des liens, de donner la chance à tout le monde, un peu comme une ligue de garage au hockey. Par contre, y a des gens qui ont développé une expertise là-dedans et c’est intéressant de jouer avec la notion de perfor-
PHOTO | CLAUDY RIVARD
mance, de donner un spectacle de façon professionnelle. Tsé, dans la Ligue de hockey junior majeur, y a pas un gars qui est là juste parce qu’il est smatte! Même chose au Punch Club.» Des visages bien connus du milieu se retrouvent sur scène pour inventer un nouveau show chaque soir: Anne-Élisabeth Bossé, Frédéric Barbusci, Salomé Corbo, Tammy Verge, Florence Longpré, Réal Bossé, Nicolas Tondreau, Marie-Soleil Dion, Patrick Guérard, Édith Cochrane, Anaïs Favron... la liste de superstars à jouer au Punch Club est longue! Pour pousser ces joueurs étoiles à donner le meilleur d’eux-mêmes, il y a bien sûr les trois p’tits bruns distribués à l’équipe gagnante («c’est comme un gig en musique, quand t’en fais un, t’as un cachet, même si c’est pas beaucoup»), mais aussi la liberté donnée par la simplification de la formule et l’absence de règles. Les matchs se jouent à trois contre trois, en trois rounds, pas d’arbitre, pas de catégorie, pas de pénalité, avec un claviériste qui s’en mêle quand il en a envie. Un ajout: le cypher, une idée tirée de la culture rap, alors que des membres du public (souvent issus de ligues d’impro locales, qui rentrent d’ailleurs gratos) se massent sur la scène autour des joueurs. «Avec le public directement dans ta face, tu peux jouer plus subtilement ou plus gros, tu peux niaiser avec lui», explique la comédienne Eve Landry (qui a marqué les esprits avec sa Jeanne d’Unité 9).
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«Au Punch Club, je peux explorer d’autres affaires, jouer mon côté salace, alors que je me garde une gêne partout ailleurs. Perso, je sais que je performe 100 fois mieux quand j’ai l’impression qu’on me fait confiance. Le club, c’est notre récréation, notre terrain de jeu. Les gens viennent pour s’en faire mettre plein la gueule, c’est comme entre aller voir un show d’Isabelle Boulay ou des Dead Obies! On est plus rentre-dedans, il n’y a pas de censure. Mon petit côté baveux ressort 1000 fois plus que d’habitude.» Alors, deuxième question brûlante: vulgaire, Le Punch Club? «C’est la meilleure impro qui gagne, pas la plus trash! Le joueur qui cabotine le fait en toute connaissance de cause, c’est son choix
en tant que créateur, sauf que le public a son mot à dire. Être particulièrement vulgaire n’est pas forcément payant», modère Ogden. La comédienne renchérit: «Le public s’attend à voir de l’impro de qualité. C’est une tape dans le dos. Même si on boit de la bière sur le banc, il faut donner un bon show! » Au Punch Club, il y a autant de «une ligne, un punch» que de joueurs en finesse. «On fait le mixed martial arts de l’impro!» lance Ogden en riant. Pas fou comme comparaison, car ça se ramasse parfois en bobettes sur la scène. Un peu comme dans une arène de UFC, quoi. y 21 mai à 21h À l’Impérial Bell
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Floraison lyrique Morosité éconoMique, productions onéreuses, public vieillissant. alors que les Maisons d’opéra d’aMérique Mangent leur pain noir, québec échappe MiraculeuseMent à la dégringolade. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTOS | LOUISE LEBLANC
Doubler le taux de fréquentation en pleine crise c’est, grosso modo, l’exploit accompli par Grégoire Legendre, le directeur général et artistique de l’Opéra de Québec. «Il y a des compagnies qui ont fermé aux États-Unis et même au Canada, notamment à Ottawa et Hamilton. Ici, on dirait qu’on est arrivés au bon moment avec le festival, ça nous a donné une belle visibilité.» Un événement qui, depuis sa création en 2011, comble un vide dans une ville plongée en état d’hibernation artistique entre le FEQ et la rentrée, une période presque morte en musique comme au rayon scène – les quatre théâtres étant fermés de juin à septembre, de la fin du Carrefour au début de la saison régulière. La soliste de renommée internationale Marianne Fiset croit cependant que le festival ne doit pas exclusivement son succès à son positionnement stratégique dans le calendrier. «Le Festival d’Opéra de Québec se compare facilement avec ce qui se fait en Europe et qui est traditionnel à leur culture. […] On est chanceux d’en avoir un à Québec d’aussi grande qualité que les événements de France, d’Autriche, de Belgique. Je pense que Grégoire Legendre est un visionnaire, il a beaucoup de flair.» L’estimé administrateur, autrefois chanteur, a luimême tracé son chemin jusqu’à la maison rouge de la rue Taché, quartier général de l’Opéra de Québec, avec un parcours académique sur mesure: études supérieures au Conservatoire, maîtrise en musique et baccalauréat en administration des affaires. La tête bourrée d’idées, il entre en poste en 1994, d’abord aux côtés du directeur artistique Bernard Labadie. C’est sous leur règne conjoint que démarre le concept de générales publiques ouvertes aux élèves des écoles secondaires de la région. Une formidable façon de faire du «développement de public», pour reprendre une expression du jargon de l’industrie du spectacle. Joseph Rouleau, patriarche de l’opéra canadien, n’avait lui aussi que de bons mots à l’endroit de Grégoire Legendre, celui à qui il a, en quelque sorte, passé le flambeau. «J’avais créé le Mouvement d’action pour
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«La compagnie la plus solide depuis Champlain» L’histoire locale de l’art lyrique remonte à bien avant l’Opéra de Québec (fondé en 1983), l’Opéra du
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Québec (1971-1975), la Société lyrique d’Aubigny (fondé en 1968) et le Théâtre lyrique de NouvelleFrance des années 1960. Les recherches du musicologue Bertrand Guay l’ont fait remonter jusqu’en 1782. Cette année-là, on présentait The Padlock de Charles Dibdin, «un opéra anglais qui n’avait rien à voir avec les grands opéras de Mozart ou Verdi». Puis, viendra 1853 et l’inauguration d’une salle importante, communément appelée L’Académie Saint-Louis (bien que ledit nom ne fut jamais officialisé), située sur la rue homonyme, à l’actuel emplacement de la Galerie d’art inuit Brousseau et Brousseau. «C’était l’une des plus belles salles d’Amérique, semble-t-il. J’ai vu quelques photos de l’extérieur et une gravure de l’intérieur et c’était
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(CI-CONTRE) POWDER HER FACE
l’art lyrique du Québec en 1976, alors que j’habitais encore à Londres. J’ai fondé ça en ayant trois objectifs: la création d’une compagnie d’opéra à Montréal, la création d’une compagnie d’opéra à Québec et la création d’une école supérieure d’opéra au Québec.» Trois missions concrétisées dans les années 1980 et un pas de géant pour le milieu d’alors, économiquement instable mais peuplé de chanteurs comme M. Rouleau et Richard Verreau qui brillaient déjà à l’international.
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effectivement magnifique, très moderne pour l’époque. […] À partir de là, on a commencé à recevoir les grandes troupes d’opéra des ÉtatsUnis, surtout, mais aussi de l’Angleterre et d’ailleurs.» La fin sera néanmoins abrupte pour le lieu de diffusion puisque – coup de théâtre! – la bâtisse sera la proie des flammes en 1900. Dès lors, le maire Simon-Napoléon Parent propose de construire une nouvelle salle et c’est ainsi que, trois plus tard, on inaugure le Théâtre de l’Auditorium rebaptisé Capitole de Québec quelques décennies plus tard. En l’an de grâce 1903, justement, M. Guay estime qu’un opéra est présenté un jour sur trois dans la capitale. «L’activité musicale était riche, mais souvent mal structurée. Il n’y avait pas d’organisme de production, c’était surtout les directeurs de théâtre qui engageaient [les troupes]. […] Il ne faut pas oublier que l’OSQ et le Club musical ont respectivement été fondés en 1902 et 1891. Les compagnies d’opéra ici ont longtemps été très éphémères. L’Opéra de Québec est probablement la compagnie la plus solide depuis Champlain!»
son hypothèse. «Y en a des dizaines et c’est quand même assez particulier, compte tenu de la population. On a une bonne tradition vocale dans l’enseignement, des bons professeurs, des bonnes institutions… Mais je me suis toujours demandé si ce n’était pas en lien avec notre accent. C’est une théorie personnelle, mais je trouve que notre façon de parler est déjà très ouverte, plus large, contrairement par exemple aux Français qui parlent plus pointu. Peut-être que ça nous prédispose à former un son plus naturel pour l’opéra!» y La Bohème de Puccini (Avec Marianne Fiset) Les 14, 17, 19 et 21 mai au Grand Théâtre de Québec
Une puissance mondiale Joseph Rouleau découvre sa voix à 17 ans, et par pur hasard, alors qu’il faisait ses études classiques au Collège Jean-de-Brébeuf. Ce sportif aux ambitions d’avocat ou d’ingénieur était bien loin de se douter que son don lui servirait de passeport, lui permettrait de faire le tour du monde bien des fois et même d’endisquer avec des super-vedettes comme Maria Callas. C’est dans les concours amateurs que le jeune basse fera ses dents avant de remporter le Prix Archambault en 1949, prestigieux honneur d’autrefois qui l’amènera à côtoyer Wilfrid Pelletier. «Il m’a dit: “Mais mon p’tit, d’où venez-vous?” J’ai dit que je venais de Matane et que j’étais à Brébeuf, pour ensuite aller à l’université. Il m’a répondu: “Mais faut venir au Conservatoire!” Moi, je savais même pas où c’était.» Son diplôme en poche, le BasLaurentien entame des études en Italie avant d’auditionner pour le Covent Garden. «J’ai chanté trois airs puis le directeur s’est avancé et il m’a dit: “My boy, est-ce vous désirez joindre le Covent Garden de Londres?” J’ai failli perdre mes pantalons.» Il y restera pendant 30 ans. Marianne Fiset, comme bien d’autres, fait partie de ce groupe de chanteurs à la voix d’or qui marchent dans les pas de M. Rouleau et qui ont eu la chance de le croiser alors qu’il était président (lire: mentor) des Jeunesses musicales du Canada. Marie-Nicole Lemieux, Frédéric Antoun, Marc Hervieux, Julie Boulianne, Éric Laporte… Le Québec est réellement une puissance mondiale en chant lyrique. Mais comment expliquer pareille éclosion? La soprano a
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(HAUT) THE TEMPEST, (BAS) TOSCA
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Métissage naturel saMito s’inscrit dans une vague récente de Musiciens Fusionnant des sonorités électroniques et traditionnelles. il Finalise actuelleMent son preMier albuM hoMonyMe pour le sortir à la Mi-Mai, alors qu’il devait initialeMent paraître en 2015. aux côtés d’artistes tels que pierre Kwenders et King abid, il Fait partie d’un Métissage Musical assuMé Mais en aucun cas Forcé. MOTS & PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
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C’est au Studio La Traque, en plein enregistrement, que je rencontre le sympathique Mozambicain d’origine. Alors qu’il roule sa bosse dans le paysage musical québécois depuis maintenant 11 ans (notamment avec Radio Radio et Nom de Plume), Samito sera son premier album solo. Puisant tout autant dans la musique plus traditionnellement africaine que dans un électro moderne, Samito se veut un digne représentant d’une nouvelle école de pensée que l’on pourrait presque qualifier de post-world. Les savants mélanges musicaux ont le vent dans les voiles ces temps-ci, si l’on se fie aux succès récents d’autres artistes œuvrant dans la même veine. Pour lui, la fusion entre world et musique électronique n’était pas un but en soi, mais bien une évolution naturelle: «Historiquement, on a souvent séparé la musique ethnique et le reste, mais je pense qu’on est rendus à un endroit où tout ça est tellement accessible, il n’y a plus de barrières précises.» Les notions qu’il soulève sont rudement intéressantes; l’époque actuelle est fortement marquée par un accès universel à des ressources et à de l’information venant de partout. C’est donc inévitable que des styles que l’on concevait anciennement comme hétérogènes finissent par se combiner pour créer de nouvelles classifications. Alliage cohérent C’est une chose de mélanger des genres musicaux, mais c’en est une autre d’y arriver avec brio et de percer l’industrie musicale saturée de la scène québécoise. Selon Samito, ce n’est pas par pur hasard que sa musique et celle de Kwenders charment: «Déménager à Montréal m’a amené à l’endroit où je devais être, selon moi. C’est une ville où le multiculturalisme est partout, et ma musique répond d’une façon à ce que je vois et ce qui m’entoure, je crois. Même ailleurs au Québec, l’accueil est chaleureux, et ça se sent dans la réception de notre musique, à mon avis.» Mais le passé musical de notre province n’est pas non plus étranger à l’acceptation à bras ouverts de cette world revisitée.
Bien que les traditionnels chansonniers s’accompagnant à la guitare acoustique et les quatuors rock standards aient marqué le public québécois, Samito cite plutôt l’influence qu’ont eue des groupes comme Les Colocs ou Dobacaracol sur celui-ci. «C’est sûr que leurs mélanges étaient plus près d’un mix ethnique très traditionnel comme on le concevait dans les années 1990 et au début des années 2000, mais on ne peut pas ignorer que ces groupes-là ont eu assez de succès pour ouvrir des portes. Nous, on arrive au bon moment, l’Afrique commence à être vue comme plus cool, on parle de tissus africains, de l’art de ce continent… On est chanceux d’être ici à ce moment précis.» Lorsque questionné sur le retard inusité qui fait que l’on attend encore son opus initial, Samito l’explique en ces termes: «Le processus du premier album a été assez long. J’ai commencé à travailler dessus il y a cinq ans avec un autre réalisateur, et ça a été très formateur. Mais rendu à la fin, j’étais carrément dans une autre zone. L’album était fini, et on le lancera peut-être d’une autre façon, mais on a décidé de changer de direction l’an passé juste avant la date prévue initialement. Je venais de retrouver Benoît Bouchard, qui réalise maintenant... On a travaillé sur quelques chansons et c’était vraiment plus la direction que je visais. Au même moment, Costume Records a montré son intérêt pour moi, alors c’était comme le parfait timing pour repartir sur des bases neuves.» Au bon endroit au bon moment, cet album initiateur pour Samito fera certainement des vagues. Espérons que cette tendance de mixologie musicale ne s’essoufflera pas et que l’on aura droit à de nombreux métissages inusités dans le futur. y L’album Samito sera disponible dès le 27 mai 2016.
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Ça vaut le déplaceMent la haute saison des Festivals s’aMorce le Mois prochain, Mais on vous propose ici trois Festivals qui valent la peine de prendre la route en Mai. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
FiMav
Fhosq
FgMat
19 au 22 mai, Victoriaville
19 au 22 mai, Sherbrooke
28 mai au 4 juin, Rouyn-Noranda
Le Festival de musique actuelle de Victoriaville est un vrai trésor pour les mélomanes avertis. La musique alternative est reine le temps d’un week-end autour du boulevard Jutras. On peut voir au FIMAV autant des légendes méconnues que des groupes émergents au grand potentiel. L’année dernière, par exemple, le multi-instrumentiste Jean Derome célébrait ses 45 ans de carrière au FIMAV lors de la soirée d’ouverture et, quelques jours plus tard, on pouvait y voir sur scène la puissante collaboration art-rock entre Jerusalem in My Heart et Suuns. Cette année, côté légendes, le FIMAV présente le trio italien Musica Elettronica Viva qui, 50 ans après sa création, tripe encore à faire de l’improvisation au piano et aux claviers. La lauréate du prix Polaris 2014 Tanya Tagaq y sera également, accompagnée d’une chorale expérimentale. Côté découvertes: les mondes enivrants de Fet.Nat (Hull) et Big Brave (Montréal). Une chose est certaine: si vous passez du temps au FIMAV, vous allez être subjugués par l’offre musicale. fimav.qc.ca
Grand événement annuel, le Festival des harmonies et orchestres symphoniques du Québec s’installe en Estrie. Chaque année, des harmonies, des orchestres symphoniques, des ensembles à cordes, des stages bands, des drumlines, des ensembles vocaux et des ensembles de guitares convergent sur le campus de l’Université de Sherbrooke pour participer à cet événement dont l’histoire est très riche. En 1929, le premier festival est mis sur pied à Sherbrooke par l’Association des fanfares amateurs de la province de Québec, mais à l’époque c’est un festival itinérant. En 1950, les organisateurs de l’événement réalisent que l’avenir est dans la préparation des jeunes musiciens et décident de miser davantage sur les formations juniors (il y en a près de 200 qui y participent cette année). Depuis 1988, le FHOSQ est installé définitivement à Sherbrooke et présente aussi une série OFF: des concerts extérieurs autour du lac des Nations. festivaldesharmonies.com
Le 12e Festival des guitares du monde en Abitibi-Témiscamingue prendra d’assaut la capitale nationale du cuivre ce mois-ci. Le FGMAT a une très bonne réputation auprès des artistes, ce qui lui permet d’avoir des invités des quatre coins de la planète. Le guitariste des Eagles Don Felder y était en 2013, tout comme Michel Rivard, l’Australien Kim Churchill, Benoit Charest (Triplettes de Belleville) et le maestro québécois de la six cordes, Steve Hill. Celui-ci y revient cette année, à l’occasion de ses 25 ans de carrière et de la sortie du troisième et dernier album de sa série Solo Recordings vol. 3. Daniel Lanois, producteur d’albums de U2, Peter Gabriel, Bob Dylan et Neil Young, et qui a une carrière solo plus qu’enviable, sera aussi du festival en cette 12e édition, tout comme le Torontois Jesse Cook, l’incomparable guitariste américain Steve Vai et le grand chanteur innu Florent Vollant. fgmat.com
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à écouter ★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL
plants and aniMals WALTZED IN FROM THE RUMBLING
little screaM CULT FOLLOWING (Dine Alone Records) ★★★★ Le nom de scène que s’est donné Laurel Sprengelmeyer a encore plus d’écho sur ce second album: dans la délicatesse surgit l’éclat. On sent sur ce disque toute la force tranquille qui habite la chanteuse américaine établie à Montréal. Créé en étroite collaboration avec Richard Reed Parry (Arcade Fire), le disque, à la fois féérique et inquiétant, est une évolution parfaite de la pop-rock ouatée et céleste de son premier album. Épaulée par de nombreux collaborateurs hors pair (Sufjan Stevens, Sharon Van Etten), la musicienne mise aussi sur de subtiles touches de blues et de gospel. La voix chaleureuse et éthérée est parfois emportée dans un chaos d’instruments qui grondent, mais la cohue est toujours parfaitement contrôlée. Un disque chargé, somme toute, mais qui séduit. (V. Thérien)
bernhari ÎLE JÉSUS
(Secret City Records)
(Audiogram)
★★★★
★★★ 1/2
Très séduisante nouvelle parution que ce quatrième album du combo rock montréalais Plants and Animals. Dans la création, les musiciens ont pleinement fait confiance à leur instinct. En résulte un album avec de petites failles assumées, mais qui est délectable dans ce sentiment de liberté totale des musiciens. On retient surtout à quel point les instruments et les voix ont toujours l’espace pour respirer, comme une grande valse collective. À écouter immédiatement: la chanson au titre français Je voulais te dire, une vraie perle menée au piano, apaisante comme tout. Mais comme la plupart des chansons ici, elle vire vers autre chose plus tard, s’envolant dans deux ou trois directions. C’est néanmoins toujours un bonheur de se perdre dans l’univers de Plants and Animals. Encore et toujours l’un des meilleurs groupes à Montréal. (V. Thérien)
chaMpion BEST SELLER (Bonsound) ★★★ 1/2
Champion sort d’un silence (sur disque) de presque trois ans avec ce nouvel opus, où il renoue assurément avec ses premières amours. Les chansons sont presque toutes composées de lignes de guitare jouées en boucles qui s’empilent pour finalement créer un tout cohérent et inventif. L’ajout de la voix profonde et sensuelle de la chanteuse Lou Laurence sur le titre Life Is Good est plus qu’appréciable, son timbre complétant l’ensemble avec sensibilité. On est dans le dansant d’un bout à l’autre, mais jamais dans la facilité. Les loops sont parfois extrêmement décalées, à la limite de la dissonance, particulièrement sur la lancinante Yeah-Eah et la très digitale Money Money Money. Champion signe un disque qui le place, une fois de plus, sur le trône de la musique électronique façonnée par la «six cordes». (A. Bordeleau)
Avec ses ambiances texturées, des guitares parfois bien acidulées, des claviers envoûtants, Bernhari propose un album pop-rock orchestré magistralement, tout en élévation, où c’est en survolant le commun des mortels que la vie prend vraiment son sens et que la musique progresse vers des expériences grandioses. Là où Bernhari excelle avec la création de paysages sonores progressifs et d’une grandiloquence assumée, il pourrait aussi se décomplexer, ses textes demeurant sages et simples, et dont l’expression n’atteint jamais le niveau de celui de ses musiques. Reste que ce deuxième album plaît (Lanaikea [Les yeux], Néroli, Les années dix), colle à la peau, et évoque des amours perdues, les écorchés vifs d’une génération, la solitude et une île Jésus enchanteresse. (J. Ledoux)
constantinople et ablaye cissoKo LES JARDINS MIGRATEURS (Ma case) ★★★ 1/2
S’il est vrai que la musique adoucit les mœurs, elle permet surtout des voyages inédits… en classe économique. Comme celui-ci, où la tradition persane profane rencontre un vrai griot sénégalais investi de sa haute mission. Les membres de la formation montréalaise Constantinople, munis seulement d’un setar, d’un tombak et d’une viole de gambe, entourent ici la kora et la voix d’Ablaye Cissoko qui chante l’aube et la pluie, le pays de l’eau, le fleuve Saint-Louis, les grandes traversées et les amours compromises par la distance. Musique ni gaie ni vraiment triste, mais quelque part sereine et contemplative de la beauté profuse et intemporelle qu’elle engendre. Le flux rythmique du morceau Lountang nous ramène de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à Cuba et le texte bref qui présente cet ouvrage parle d’une rencontre «entre les mystiques du désert et les poètes des anciens empires». Planant à souhait. (R. Boncy)
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ryMz PETIT PRINCE
phobocosM BRINGER OF DROUGHT
(Silence d’or)
(Dark Descent Records)
★★★ 1/2
★★★ 1/2
Trop longtemps ignoré par les médias québécois, malgré un imposant bassin de fans, le rappeur Rymz aura sans doute l’attention qu’il mérite avec Petit Prince, un saisissant deuxième album qui fait suite à Indélébile (2014), vendu à près de 6000 exemplaires. Déchiré par l’amour et les «mirages» qui se profilent à l’horizon (l’argent, l’alcool et la drogue en tête de liste), le rappeur au flow polyvalent y expose ses réflexions franches et intègres sur les idées préconçues de la vie, remettant en question ses réflexes troubles et ses habitudes de «voyou» avec une puissante poésie imagée. Même si certains refrains plus kitsch agacent (Des kilomètres et des ennuis, Uno Primo, Cicatrices), Rymz se tient majoritairement loin du format pop consensuel et signe ainsi une réalisation remarquable, appuyée par les compositions à la fois moroses et caustiques du talentueux Gary Wide. (O. Boisvert-Magnen)
anohni HOPELESSNESS (Rough Trade/Secretly Canadian) ★★★ 1/2
L’artiste transgenre Antony Hegarty a délaissé ses Johnsons et opté pour le nom de plume Anohni. Sous ce nouveau vocable, la chanteuse britannique opère un changement de cap, s’orientant vers une chanson beaucoup plus électronique, tout aussi intimiste que lors de son épopée avec les Johnsons mais avec un angle peut-être plus social et conscientisé. Sur Hopelessness, le ton est souvent grave, le constat est sévère, les propos sont parfois durs. Un regard cru et honnête sur une réalité qu’Anohni affronte de face. Appuyé par une trame sonore subtilement épurée dans la forme mais dense dans le fond, la voix d’Anohni domine, pure, limpide, pleine de soul et d’émotion, aussi belle qu’elle l’a toujours été, remarquable entre mille. Réalisé par Hudson Mohawke, Oneohtrix Point Never et Anohni, Hopelessness est un disque d’une sombre beauté qui rend le désespoir un peu plus joli. (P. Baillargeon)
Difficile de trouver meilleure description que celle proposée par le groupe montréalais pour décrire l’atmosphère qui se dégage de la musique de Phobocosm: chaos, noirceur et douleur. Ces trois ingrédients composaient la trame musicale de Deprived (2014) et ils sont encore bien présents sur Bringer of Drought, même si cette fois-ci le groupe, qui comprend des membres de Vengeful, Obsolete Mankind et Akurion, a davantage misé sur la noirceur pour déployer son mélange de death métal et de doom sur quatre morceaux oppressants et hypnotisants. Ça donne un deuxième disque techniquement irréprochable qui évoque l’image d’un rouleau compresseur qui écrase lentement tout sur son passage. (C. Fortier)
christine tassan et les iMposteures ENTRE FÉLIX ET DJANGO
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enseMble dal niente & deerhooF BALTER/ SAUNIER (New Amsterdam/Naxos) ★★★★
(PDI-Select) ★★★ 1/2
Avis à tous ceux qui l’ignoraient: les musiciens Leclerc et Reinhardt ont vraiment été voisins de palier dans un hôtel de Saint-Germain-des-Prés, en l’an de grâce 1951. Comme il n’y avait à l’époque ni MP3 ni portable intelligent, l’Histoire n’a rien retenu de cette rencontre providentielle. Christine Tassan et ses copines Les Imposteures s’amusent donc ici à imaginer la trame sonore de cette brève amitié en jumelant deux par deux les plus grands succès des incomparables compères. Aucune arnaque: elles ont tout bon. L’humour et le swing font vraiment bon ménage dans cet album-concept (on disait ça dans l’temps) qui devrait permettre à ce très sympathique quatuor féminin d’atteindre enfin la notoriété qu’il mérite. «Maintenant Félix et Django, entre Paname et Montréal dans un sentier, près d’un ruisseau, font des chansons sous les étoiles», fredonne Christine. C’est joli, non? (R. Boncy)
On a pu voir le quatuor de San Francisco Deerhoof et son très exubérant batteur Greg Saunier lors du Festival international de musique actuelle de Victoriaville en 2015, et on retrouve ici l’un et l’autre dans un projet étonnant, qui les voit se mêler à l’ensemble instrumental Dal Niente, de Chicago. Tous ensemble, ils interprètent une œuvre du compositeur brésilien Marcos Balter spécialement composée pour leur rencontre; on est loin du feu d’artifice rock de Deerhoof en concert, mais plus près d’un jazz contemporain mêlé de passages vocaux qui rappellent étrangement le Tehillim de Steve Reich, mais avec la voix de Satomi Matsuzaki. Saunier offre quant à lui des Deerhoof Chamber Variations qui puisent dans le catalogue du quatuor, dans un arrangement pour l’ensemble. Réjouissant. (R. Beaucage)
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Monique giroux SUR MESURE
pour pouvoir dire pourquoi j’existe J’aurais voulu être un artiste pour pouvoir dire pourquoi j’existe, chantait Claude Dubois dans le rôle de Zéro Janvier dans l’opéra rock Starmania créé en 1978. Cette œuvre a mis sur la mappe de la chanson un nombre impressionnant de succès: Le monde est stone, Les uns contre les autres, Le blues du businessman, Ce soir on danse à Naziland, Les adieux d’un sex-symbol, S.O.S. d’un Terrien en détresse, etc. Mais que sait-on de sa trame si on n’a pas vu le fameux opéra rock? Starmania est le titre d’une émission télédiffusée sur les ondes de Télé-Capitale au cours de laquelle un inconnu peut devenir une star en 15 minutes. Starmania, émission aux cotes d’écoute pharaoniques, est animée par une jeune vedette prénommée Crystal. Les Étoiles noires, groupe terroriste dirigé par Johnny Rockfort et sa complice transgenre Sadia, kidnappent l’animatrice et fomentent la destruction de Naziland, discothèque très fréquentée et sise au 100e étage d’un édifice qui est la propriété de Zéro Janvier, où il célèbrera son mariage avec une star de cinéma décatie, Stella Spotlight. La noce de vitrine qui doit servir à mousser la campagne électorale du businessman risque d’être explosive. Ziggy, le DJ gay de Naziland, fait battre le cœur de Marie-Jeanne, la serveuse automate de l’Underground Café, quartier général des Étoiles noires. Zéro Janvier, très riche homme d’affaires à l’ego démesuré, brigue la présidence de l’Occident dont la capitale est Monopolis. Crystal tombe amoureuse de Johnny, son ravisseur. Sadia, jalouse, dénonce le plan des Étoiles noires. L’histoire, on s’en doute, finit mal. Oufff… Les chansons de Starmania ont été écrites et composées par Luc Plamondon et Michel Berger avant 1978, alors que la destruction d’un édifice de 100 étages par des terroristes était de la pure fiction et que le mariage d’un politicien avec une vedette du cinéma ou de la chanson n’était pas si fréquent non
plus. Quant à l’ascension fulgurante d’un inconnu au sommet de la notoriété et du succès grâce à une émission de télé qui rive un québécois sur deux à son écran de télé, ce n’était guère plus courant. Les plus vieux diront qu’il y avait bien quelques concours de la chansonnette à CKVL. Ma propre mère a déjà concouru contre une jeune Ginette Raynault qui raflait toujours tout. Mais la moitié de la planète n’assistait pas en direct à la déconvenue de ma mère et encore moins à l’enlèvement d’une animatrice de l’émission. Quant aux Jeunes Talents Catelli que présentait le Canal 10, le TVA des années 1960, ils mettaient en scène des enfants de 4 à 15 ans à qui on ne promettait rien, si ce n’était une notoriété aussi furtive que locale. Si j’aborde l’œuvre de Plamondon et Berger aujourd’hui, c’est que je suis circonspecte et inquiète de constater que la projection presque divinatoire des auteurs prend, presque 30 ans après la création de Starmania, des proportions vraiment extraordinaires et confirme que la réalité dépasse parfois la fiction. Tous les intervenants du milieu de la musique, artistes et producteurs de tous pays confondus, s’interrogent sur les chances de survie du marché. On ne vend plus de disques, les sites de musique en streaming ne rétribuent pas correctement les ayants droit (et ça, c’est quand ils les rétribuent), on pirate, on pille, on copie, bref, ça va mal. Mais qu’est-ce qui va mal? Certainement pas la création. On ne vit plus de la chanson, mais de la chanson il en pleut. Nous avons des dizaines de milliers de titres dans nos iPhone, mais à quel rythme les écoute-t-on? J’ai dû faire des listes, ce printemps, devant la somme des artistes tout neufs dont on n’a pas encore entendu parler, ou si peu, qui lancent un album de chansons tout aussi neuves. Nous sommes,
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mes collègues et moi, sur le point d’atteindre un niveau de saturation inédit. On ne fournit plus à la tâche de tout écouter. Encore s’il ne s’agissait que d’écouter, mais il faut découvrir le parcours de l’artiste, ses références, ses intentions, lire ses textes. Je ne suis pas parvenue dans le but de cet article à colliger la liste exhaustive des artistes québécois ayant fait paraître un album francophone ces dernières semaines. En voici un aperçu: Aude Rey, Mélissa Ouimet, Benjamin Goron, Edouard Landry, Geneviève Binette, Antoine Lachance, Pier-Carl, MarieClaire, Fred Labrie, Portage, Fantômes, Bronswsick, Mathieu Bérubé, Jean-François Poulin, Jean-Fréderic Lafaille, Charles Robert, Saratoga, Catherine Servedio. Et je ne parle pas de Steve Veilleux de Kain qui propose un album solo, tout comme Marie-Annick Lépine des Cowboys fringants, Viviane Roy des Hay Babies, devenue Laura Sauvage en solo, Fréderic Giroux de Mes Aieux, Marie-Eve Roy des Vulgaires Machins, Laurence Nerbonne d’Hôtel Morphée. Et non plus de ceux qu’une notoriété précède comme Philippe Brach, Sarah Toussaint-Léveillée, ou de ceux qui ont déjà un ou quelques albums au compteur comme Moran, Fanny Bloom, Jason Bajada, Ariane Brunet, Geneviève Racette. Et je ne parle pas de Richard Séguin et Yann Perreau... D’ici les FrancoFolies qui seront présentées du 9 au 18 juin, Claude Vallières, Sylvie Paquette, Bernhari, Guillaume Arsenault, Joseph Edgar, Maryanne Côté, David Thibault, Claudelle, Amilye, Alexe Gaudreault, Boom Desjardins et Pépé lanceront un nouvel album comme le feront Daniel Lavoie et Luc De Larochellière dans les prochains mois. Faut suivre avec vigilance pour ne rien échapper. Et puis, dans cette longue liste, je ne crois pas avoir inscrit un des nouveaux talents de La Voix 2016 (jusqu’alors inconnus pour un bon nombre), dont l’album figure en première position des ventes depuis plusieurs semaines. Ne portons pas ici de jugement sur la valeur des œuvres, l’ampleur du talent des uns et des autres ou la qualité des chansons. Interrogeons-nous seulement sur la viabilité du nombre. Comment peut-on espérer, mathématiquement, que tous ces artistes qui ont besoin de dire pourquoi ils existent puissent, justement, exister, vivre de ce métier, se faire entendre, sortir du lot? J’aurais voulu être un artiste Pour avoir le monde à refaire Pour pouvoir être un anarchiste Et vivre comme... un millionnaire… Là, la fiction va l’emporter sur la réalité. Le titre suggéré ce mois-ci: Faut pas se fier aux apparences, de Yann Perreau y
Lisa LeBLanc
29 LE SON DU ROC VOIR QC
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LE QUÉBEC un passage oBLigé? DE PONTEIX AUX HÔTESSES D’HILAIRE EN PASSANT PAR PANDALÉON, ARTHUR COMEAU ET MCLEAN, LES ARTISTES FRANCOPHONES TALENTUEUX SONT DE PLUS EN PLUS NOMBREUX DANS LE «REST OF CANADA» (ROC). AFIN DE POURSUIVRE LEUR ASCENSION, CEUX-CI DOIVENT-ILS, UN JOUR OU L’AUTRE, S’EXPATRIER AU QUÉBEC? SI LA RÉPONSE SEMBLAIT UNANIMEMENT POSITIVE IL Y A PLUS D’UNE DÉCENNIE, ELLE PARAÎT UN PEU PLUS NUANCÉE AUJOURD’HUI. mots | oLivier Boisvert-magnen
photo | JoceLyn micheL (consuLat)
Natif du tout petit village ontarien de SaintBernardin, le trio post-rock Pandaléon n’a pas du tout l’intention de déménager à Montréal, même si son rayonnement en Ontario reste somme toute modeste. «Il y a plein de gens qui nous disent d’aller à Montréal parce que ce serait supposément là que ça se passe. Nous, on ne croit pas à ça», indique le chanteur Frédéric Levac. «En ce moment, ça se passe partout, la musique. Des frontières, il n’y en a plus. Si les gens trippent sur ce que tu fais, ils s’en foutent d’où tu peux bien venir.» Des cas de figure de la sorte, il y en a plein dans le ROC. Et c’est particulièrement le cas en Acadie, là où plusieurs artistes (notamment Joey Robin Haché, Simon Daniel, Cy, Les Hôtesses d’Hilaire et Arthur Comeau) choisissent délibérément de rester fidèles à leur terre d’origine. «Ce sont des gens très attachés à leur région», résume Carol Doucet, gérante d’artistes installée à Moncton et directrice de la boîte Le Grenier musique. «Pour eux, venir s’installer au Québec n’est pas un gage de réussite.» Directrice de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), qui travaille à «l’épanouissement de la chanson et de la musi-
que francophones de l’Ontario et de l’Ouest canadien», Nathalie Bernardin remarque également un changement de paradigme: «Il y a 20 ans, le Québec était un passage obligé. Je pense, entre autres, aux filles de Hart rouge, qui avaient dû partir de leur communauté fransaskoise pour aller s’essayer à Montréal. Mais, depuis l’arrivée des nouvelles technologiques, qui a permis la démocratisation de la musique, il n’y a plus nécessairement de point central. Ça permet, par exemple, à un groupe comme Pandaléon de pouvoir vivre de sa musique tout en restant dans son patelin.» Résultat: l’industrie musicale francophone se développe plus largement dans certaines autres provinces canadiennes. «Ça a des effets directs sur les professions complémentaires, comme les gérants, les relationnistes et les producteurs. Il y en a maintenant beaucoup plus qu’avant en Ontario et au Nouveau-Brunswick», observe Nathalie Bernardin. «Généralement, la production musicale francophone est aussi plus stable partout au Canada. Il y a cinq ans, je l’aurais décrite comme cyclique et ponctuée de hauts et de bas. Maintenant, elle se nourrit d’elle-même. Les artistes qui restent dans leur communauté deviennent, en quelque sorte, des mentors pour la relève.»
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Loin de rester enfermés dans leur coin de pays, certains artistes sillonnent de long en large les nombreux marchés francophones canadiens, notamment grâce au programme Vitrines musicales de MusicAction, qui favorise la circulation des artistes de minorité francophone en leur permettant de réduire considérablement les coûts de leurs déplacements.
chose. Autant j’aimais le Nouveau-Brunswick, autant j’avais besoin de faire un gros move qui allait me déstabiliser», se souvient la chanteuse acadienne. «Je ne crois pas que c’est une obligation de venir s’installer à Montréal, mais pour moi, c’était quelque chose de très naturel. Il fallait que je le fasse.»
Ainsi, il semble souvent plus simple pour un artiste francophone du ROC d’aller jouer dans une autre province que le Québec, souvent considéré comme un marché plus difficile d’accès. «Les alliances et les liens entre les diffuseurs et les gérants sont relativement étroits entre les autres provinces. L’APCM, par exemple, a des liens privilégiés avec des organisateurs de festivals des Maritimes», remarque Samuel Perreault, chroniqueur web à l’émission franco-ontarienne BRBR. «Au Québec, c’est différent puisque la compétition est déjà très forte. C’est un écosystème en soi.»
Signée sous l’étiquette montréalaise Bonsound, Lisa LeBlanc retourne tout de même souvent dans son patelin, ne serait-ce que pour prendre des vacances ou pour s’inspirer de nouvelles chansons. Son exode à Montréal lui facilite les choses de manière administrative et lui permet d’avoir un rayonnement plus large.
Montréal, l’écosystème C’est d’ailleurs pour cette raison précise que JeanÉtienne Sheehy, également chroniqueur à BRBR, croit que, dans la majorité des cas, les jeunes artistes franco-canadiens ont tout intérêt à venir s’installer dans un écosystème musical aussi vivant que Montréal. «Ça leur permet d’être à l’affût de ce qui se fait de bon sur la plus grosse scène musicale francophone du pays», fait-il remarquer. «Dans leur village, ils sont parfois uniquement exposés à ce que leurs amis font. C’est souvent pour ça qu’après, ça devient difficile de percer le marché québécois.» Pour le groupe indie rock fransaskois Ponteix, qui s’est rendu jusqu’en demi-finales aux Francouvertes 2016, l’expatriation montréalaise est une option de plus en plus tentante. «Il y a quelque chose à Montréal qui m’attire, qui m’excite. C’est sûr que c’est ici qu’on veut faire de la musique», admet le chanteur Mario Lepage. «Chez nous, il n’y a pas beaucoup de gens et encore moins de jeunes qui écoutent de la musique en français. Ça devient difficile de rejoindre notre public cible.» C’est également dans le but d’agrandir son auditorat que Lisa LeBlanc a, il y a cinq ans, fait le saut officiel dans la métropole québécoise, tout comme l’ont fait Damien Robitaille, Radio Radio et, plus récemment, Joseph Edgar. Le moins qu’on puisse dire, c’est que, pour Lisa, le jeu en a valu la chandelle. «Après avoir fait Granby, je savais qu’il fallait que je décolle et que je fasse autre
La clé: un pied-à-terre au Québec?
«Je ne crois pas que Lisa aurait eu la même visibilité si elle n’avait pas fait paraître son premier disque sous une étiquette québécoise», projette JeanÉtienne Sheehy. «En fait, dans tous les cas, les artistes franco-canadiens ont tout à gagner d’avoir un pied-à-terre au Québec.» Respectivement installés à Clare (Nouvelle-Écosse) et à Moncton (Nouveau-Brunswick), les artistes acadiens Arthur Comeau et Les Hôtesses d’Hilaire ont compris cette réalité. Alors que le premier est signé sous l’étiquette de Québec P572, le deuxième fait affaire avec la boîte de développement culturel montréalaise Let Artists Be (L-A Be). À l’instar de Pandaléon (signé sous Audiogram), ce «pied-à-terre» leur permet d’avoir un rayonnement médiatique notable à travers la province québécoise, sans avoir à déménager. «C’est avec des exemples de la sorte qu’on se rend compte que, oui, le Québec est encore un passage obligé, mais plus nécessairement de la même façon», analyse Samuel Perreault. «Avant, fallait partir de son village pour s’installer à Montréal et essayer de s’insérer dans le réseau montréalais. Maintenant, on peut rester dans sa ville, profiter des subventions de notre province, puis ensuite tenter d’intéresser le Québec.» Et au-delà du Québec, c’est bien entendu la multiplication des marchés possibles qui, à long terme, est le plus bénéfique. À cet effet, les nombreuses vitrines musicales canadiennes (ROSEQ, Contact ontarois, bourse Rideau, Contact Ouest, Francofête en Acadie) se présentent comme des lieux de rencontres incontournables pour tout artiste francocanadien désirant accumuler les spectacles partout au Canada et, parfois même, se faire repérer par un diffuseur français, belge ou suisse. y
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L’ACADIE DANS LES PROVINCES DE L’EST, LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES SONT PLUS VOLUMINEUSES QUE DANS L’OUEST DU PAYS. IL Y A BEAUCOUP DE VARIÉTÉ CHEZ LES ARTISTES ACADIENS FRANCOPHONES, LE PUBLIC EST LÀ POUR EUX ET ILS PEUVENT PROFITER DES NOMBREUSES RESSOURCES EFFICACES À LEUR DISPOSITION. PETIT TOUR D’HORIZON SUR LA DIFFUSION DE LA MUSIQUE FRANCOPHONE EN ACADIE. mots | vaLérie thérien
Le Nouveau-Brunswick a plusieurs avantages à cet égard: c’est la seule province officiellement bilingue au Canada (donc il y a beaucoup plus de francophones), c’est à proximité des grands réseaux au Québec, mais il y a beaucoup de mouvements du côté de la Nouvelle-Écosse également. Autour de la baie Sainte-Marie, par exemple, on retrouve le quatuor de folk traditionnel Cy – participant aux 20es Francouvertes récemment – ainsi qu’Arthur Comeau (ex-Radio Radio, maintenant en solo). Son travail dans la communauté est notable puisqu’il est devenu en quelque sorte un mentor. «Avec son projet la Tide School [un projet de label qui regroupe des artistes acadiens de la NouvelleÉcosse comme Young Corleone et Denzel Subban], Arthur Comeau est allé recruter plein d’artistes émergents de la baie Sainte-Marie, explique JeanÉtienne Sheehy, journaliste à BRBR. C’est inspirant de voir ça, puisqu’en quelque sorte, il redonne à la communauté.» De l’entraide, il y en a chez les Acadiens. Avant de remporter le Festival de la chanson de Granby en 2010 à 20 ans et d’avoir tout le succès qu’on lui connaît, Lisa LeBlanc était imbibée de culture acadienne dans son village de Rosaireville au NouveauBrunswick. C’est l’appui de sa communauté qui l’a poussée vers les sommets des palmarès. «Ce qui est vraiment cool du Nouveau-Brunswick, c’est que les gens vont te faire jouer jusqu’à ce que tu aies une base, aussitôt que tu commences à faire de la musique, dit-elle. Un des premiers trucs que j’ai faits, c’est Accros de la chanson, un genre de Secondaire en spectacle pour auteur-compositeurinterprète en band ou solo [les Hay Babies et Caroline Savoie y ont également fait leurs dents]. C’est une première formation musicale pour les
Les hôtesses d’hiLaire
écoles francophones du Nouveau-Brunswick. Si tu fais les finales, tu fais un démo avec un réalisateur dans les studios de Radio-Canada à Moncton, t’as des formations, tu joues des shows et souvent t’as des prix associés à ça. C’est pas long que tu commences à jouer beaucoup. J’ai eu la chance d’avoir été bien entourée et de faire des shows dans des super salles au début de ma carrière. La communauté est forte à la base, au Nouveau-Brunswick, et la communauté en musique est extraordinaire. Y a tellement du bon monde qui travaille là-dedans. C’est comme une seconde nature d’aider, parce que tu veux que le talent se multiplie.»
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La communauté est tissée serré, les radios communautaires et les festivals locaux diffusent des artistes émergents et les concours les propulsent. Il y a plusieurs organismes comme La Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick qui soutiennent aussi la relève. Carol Doucet fait partie de ces acteurs du milieu qui se consacrent à l’émergence acadienne, elle qui a notamment été gérante pour Lisa LeBlanc. «La meilleure organisation de musique francophone – après le Québec – est au Nouveau-Brunswick parce qu’on a tout ce qu’il faut: des réseaux de tournées, un très bon distributeur de disques (Distribution Plages), des grands événements comme la Francofête et beaucoup d’équipes. Dans les autres communautés francophones, les artistes ont des réseaux, mais c’est moins organisé, il n’y a pas beaucoup de labels ou de distributeurs. Nous, on a vraiment une industrie. On a des acteurs de l’industrie de la musique et l’industrie fonctionne.» Le succès n’est pas garanti pour tout le monde, bien sûr, mais on sent qu’il y a de la place pour toutes sortes de genres musicaux en Acadie. Si Lisa LeBlanc est l’emblème du folk-country qui a du
chien, Radio Radio l’est du côté du rap en chiac. Et aujourd’hui, Les Hôtesses d’Hilaire et leur rock psychédélique savoureux font rage. Quand la carrière des groupes est sur de bonnes bases, ils peuvent ensuite trouver les réseaux où ils pourront évoluer, que ce soit au Québec ou en Ontario ou encore dans les provinces de l’Est. Si Lisa LeBlanc est installée à Montréal, elle sera toujours Acadienne, et son public acadien qui la suit depuis ses débuts ne la lâchera pas de sitôt. Son conseil pour les artistes de la francophonie hors Québec? «Allez voir les gens dans les organismes et les gens du milieu qui diffusent la musique locale et posez des questions, parce que leur job c’est d’aider et ils sont super contents de le faire. Il faut aller voir des shows et connaître sa scène aussi. Si tu viens de l’Ontario, c’est qui les artistes ontariens? Connais-tu leur musique? C’est cool de commencer localement avant de voir le “big picture”. Tout le monde a sa façon de faire, mais moi j’ai commencé par ça. T’as tellement de bons groupes de soutien quand tu viens de minorités francophones. Y a des ressources, donc utilisez-les parce qu’elles sont là pour ça.» y
L’ONTARIO UNE DÉCENNIE APRÈS L’ÉCLOSION DE DAMIEN ROBITAILLE, LA SCÈNE MUSICALE FRANCO-ONTARIENNE SE PORTE PLUTÔT BIEN. SI, À ELLES SEULES, LES SUBVENTIONS GOUVERNEMENTALES NE PEUVENT GARANTIR UNE CARRIÈRE FLORISSANTE POUR LA GRANDE MAJORITÉ DES ARTISTES ONTAROIS, ELLES PERMETTENT, À TOUT LE MOINS, LEUR SURVIVANCE. mots | oLivier Boisvert-magnen
Le journaliste gatinois Samuel Perreault s’intéresse tout particulièrement à ce qui se passe de l’autre côté de la rivière des Outaouais. «Depuis cinq ans, il y a vraiment beaucoup de bon stock franco-ontarien qui sort. Je pense entre autres à McLean, Yao, Mehdi Cayenne Club, Pandaléon… » énumère-t-il. Gagnant de trois statuettes au gala des prix Trille Or 2015 (l’équivalent ontarois du Gala de l’ADISQ), Pandaléon est sans doute l’un des principaux leaders de cette scène revigorée.
Le chanteur du groupe Frédéric Levac a, lui aussi, remarqué un certain boom musical dans la province où il habite. «Les productions sont beaucoup plus nombreuses qu’avant. Je dirais même qu’on commence à avoir une certaine stabilité en terme de quantité», remarque-t-il. «Disons qu’on est loin des méchants trous noirs des années 1990, durant lesquels il se passait pratiquement rien.» Si l’énorme succès d’un Damien Robitaille a potentiellement influencé les jeunes Franco-Ontariens à choisir de chanter dans leur langue maternelle,
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il faut regarder dans les coulisses pour constater les principales raisons de cet essor. L’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) joue un rôle prédominant sur son territoire. En plus de contribuer à l’organisation de Contact ontarois, un événement incontournable pour les arts de la scène francophone en Ontario, c’est elle qui organise les prix Trille Or, le festival Quand ça nous chante! (s’adressant aux jeunes musiciens des écoles secondaires franco-ontariennes), ainsi que la résidence artistique Rond Point, destinée aux musiciens émergents de l’Ontario. Les avantages de l’Ontario Aussi variées soient-elles, ces initiatives n’ont qu’un seul et même but: donner de la visibilité aux artistes franco-ontariens. «On veut donner le goût aux musiciens d’ici de faire de la musique, tout en nourrissant leur amour pour la langue française», résume Nathalie Bernardin, directrice de l’APCM. Et signe que les résultats sont de la partie: c’est l’ancêtre de Rond Point, Ontario Pop, qui a été la rampe de lancement de Pandaléon en 2011. «C’est lorsqu’on a gagné ça que ça a véritablement commencé», se souvient Frédéric Levac, comparant le défunt événement à La Brunante, un concours provincial qui a lieu à Sudbury depuis 1983. Honnête, le chanteur est toutefois très conscient que ce sont majoritairement les bourses qui ont permis l’éclosion de son groupe, maintenant signé sous l’étiquette québécoise Audiogram. «En Ontario, c’est quand même simple d’aller chercher de l’argent puisqu’il y a beaucoup de subventions pour un nombre tout de même minime d’artistes», admet-il, citant majoritairement le Conseil des arts de l’Ontario. «Le revers de la médaille de ça, c’est qu’il y a certains artistes qui ont des subventions même si leur projet artistique n’est pas prêt. On verrait jamais des choses comme ça au Québec, par exemple.» Sillonnant les routes du Canada depuis environ cinq ans, Frédéric Levac remarque également qu’il est souvent plus gagnant pour son groupe de jouer dans sa province qu’au Québec. «Vu qu’il y a moins d’offres francophones en Ontario, la valeur des shows est souvent plus grande. On peut pandaLéon, photo | JuLien Lavoie
parfois vendre notre show trois fois plus cher à Ottawa qu’à Montréal», dit-il, comparant notamment le Festival franco-ontarien aux FrancoFolies. Certains programmes gouvernementaux permettent également à des groupes de faire la tournée d’une partie des écoles secondaires francophones de l’Ontario, que Nathalie Bernardin dénombre à environ 400. Le groupe métal alternatif AkoufèN a d’ailleurs fait cette tournée en 2012, à l’instar du mythique groupe pop-trad Deux Saisons, une décennie plus tôt. «C’est vraiment génial comme initiative», croit JeanÉtienne Sheehy. «Ça permet aux artistes de prendre de l’expérience sur scène et, surtout, d’être ensuite mieux outillés pour développer des plus gros marchés.» Deux choix pour évoluer Reste que, généralement, les occasions de jouer sont beaucoup moins nombreuses en Ontario qu’au Québec, même pour un groupe qui profite d’un engouement de plus en plus généralisé comme Pandaléon. «Nos prix Trille Or et notre passage à Contact ontarois, ça nous a donné à peu près cinq dates de show en tout», explique le chanteur et claviériste. «C’est là qu’on voit la différence entre vivre de la musique et en survivre. En tant qu’artiste franco-ontarien, même avec des subventions, tu peux pas survivre à long terme avec ta musique, sauf si tu vises un autre marché ou que tu commences à passer dans les radios.» Cette dernière option a notamment fonctionné pour Damien Robitaille et, plus récemment, pour Swing. Après avoir connu un succès imposant partout en Ontario francophone, le duo ottavien a réussi à obtenir une rotation radio considérable sur les ondes commerciales québécoises. Pour Pandaléon, cette option radio n’est toutefois pas envisageable. «On ne fait pas de la musique assez pop pour ça. Les diffuseurs ne voudront jamais jouer du post-rock comme le nôtre», croit Frédéric Levac. «Je crois qu’on a plus un style qui pourrait résonner dans les marchés anglophones. C’est ça qu’on vise prochainement parce que, même en incluant le Québec, le marché franco-canadien est trop petit.» y
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L’OUEST LES ARTISTES FRANCOPHONES ŒUVRANT ENTRE LE MANITOBA ET LE YUKON SONT CONFINÉS DANS DE TOUT PETITS MARCHÉS. MAIS POUR LES JEUNES ARTISTES QUI N’ONT PAS PEUR DE LA ROUTE OU DE L’AVION, IL Y A MOYEN DE S’ENVOLER VERS DE NOUVELLES SCÈNES GRÂCE AUX BOURSES ET AUX RÉSEAUX. mots | vaLérie thérien
Les communautés francophones de l’ouest du pays sont nombreuses, mais somme toute assez petites. En Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, les Canadiens francophones sont situés surtout autour des grandes villes puisque les ressources pour eux (les centres francophones, par exemple) y sont. Si l’on regarde la diffusion de la culture francophone dans ces provinces et territoires, on note en premier lieu le fameux quartier Saint-Boniface à Winnipeg, où se tient chaque année le Festival du Voyageur, dédié à la culture francophone et à l’histoire de la francophonie. Son directeur artistique, Julien Desaulniers, nous donne tout d’abord quelques jeunes artistes à découvrir, qui travaillent fort en français dans leur communauté: Marijosée, Kelly Bado, Jocelyne Baribeau, Shawn Jobin, Rayannah, Mario Lepage. «Ma priorité est d’engager des groupes francophones hors Québec, explique-t-il. Outre le Manitoba, on travaille beaucoup avec l’Acadie et la Saskatchewan. Il y a beaucoup de bonne musique qui sort de la Saskatchewan en ce moment. Je pense que ça va bien et que les artistes commencent à réaliser qu’il faut traiter leur art comme une business et postuler pour les bourses qui sont là.» S’il y a présentement une vague d’artistes émergents excitants dans le centre et l’Ouest canadien, Julien Desaulniers croit toutefois que tout n’est pas
gagné pour ceux-ci, mais que dès qu’ils auront un peu percé, les bourses (de Musicaction et de Manitoba Music, par exemple) leur permettront de se payer quelques billets d'avion et, ainsi, de diffuser leur musique ailleurs. Mario Lepage, qui évoluait sous son nom jusqu’à l’année dernière, a la chance de pouvoir faire un genre de 2 en 1 – si on veut – en accompagnant le rappeur Shawn Jobin en tournée au Canada tout en faisant des spectacles et des vitrines pour son projet encore très émergent, Ponteix, dont les Francouvertes, où il s’est rendu en demi-finales cette année. Le chanteur et guitariste, qui s’entoure de musiciens anglophones dans cette nouvelle aventure, a déjà les yeux rivés sur Montréal puisqu’il ne voit pas assez d’opportunités dans son coin de pays. «La population de Saskatchewan, c’est un million de personnes, donc c’est pas beaucoup. On pourrait jouer plus souvent, mais on ne le fait pas parce que ce serait trop saturé.» Même son de cloche du côté de Julien Desaulniers: il n’y a pas beaucoup d’opportunités de concerts pour les groupes de ces régions parce qu’il n’y a pas assez de population. «S’ils jouent trop, les gens n’iront plus les voir. Il n’y a pas assez de monde pour aller voir des spectacles tous les mois, donc il faut penser à s’exporter. C’est pas seulement un problème francophone, c’est aussi le cas pour la population anglophone. Les groupes finissent par aller à Vancouver ou Toronto, par exemple. C’est la réalité de vivre dans une métropole de moins de 750 000 personnes.»
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ponteix, photo | amBer BuchhoLz
Il y a tout de même des options aussi pour des artistes qui désirent rester à la maison tout en continuant de faire des spectacles dans leur région. «Le Réseau des grands espaces, par exemple, donne une chance aux artistes de faire des concerts de maison. C’est juste 20 ou 30 personnes, mais ça donne quand même l’opportunité aux artistes de faire des spectacles à l’extérieur de leur communauté», explique Steve Marcoux de Coup de cœur francophone, dont le Réseau Coup de cœur permet la circulation des artistes de la francophonie. L’organisation a un partenaire culturel dans chaque province ou territoire qui s’engage à accueillir au moins trois spectacles en trois soirées avec au moins deux artistes qui ne sont pas de leur province. «Ça favorise la circulation des artistes du Québec, mais aussi interprovinciale. En Saskatchewan, ça permet d’accueillir un artiste du Manitoba ou de l’Ontario parce qu’ils ont une certaine proximité. Y a cette capacité-là du Réseau Coup de cœur à travailler, justement, en réseau. Au Canada, on fonctionne plutôt bien grâce à cet engagement.» Si le Réseau des grands espaces tire un peu plus de la patte que ses homologues en Ontario ou en Acadie, selon Steve Marcoux, c’est une question de petitesse des marchés et des ressources de diffuseurs qui changent souvent. «Le marché est adapté aux réalités des artistes dans l’Ouest, mais l’organisation du spectacle, la masse critique de public qui peut soutenir une diffusion assez constante, est peut-être moins développée.» y
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MICKAËL BERGERON rouLette russe
LE MYTHE DU MÉRITE L’automne dernier, Donald Trump s’est vanté d’être un self-made-man. Il ne serait parti de rien. À NBC, il déclarait: «Rien n’a été facile pour moi. Mon père m’a fait un petit prêt d’un million de dollars.» J’imagine que lorsque nous sommes le fils d’un milliardaire, on perd la notion des grandeurs. Vous me direz que ce n’est pas sa seule connerie, mais ça résume bien ce que je pense du mythe de la personne qui dompte son destin.
Des exemples? Mère alcoolique. Père violent. Oncle agresseur. Tu n’es pas Caucasien. Tu n’es pas un homme. Maladie mentale, chez toi ou ta famille. Laideur. Dyslexie. Bégaiement. Pauvreté. Aucun mentor. Incendie. Accident. Maladie infantile. Naître dans un bidonville. Un vol. La liste pourrait continuer sur des pages.
Le mythe du milliardaire disant n’être parti de rien m’irrite plus qu’il ne suscite mon admiration. En fait, ça m’emmerde royalement. Son opposé, le mythe du pauvre créateur de sa propre misère m’énerve tout autant.
Devoir vivre avec ça ne freine pas nécessairement tout. Mais tu pars avec des prises. Certaines personnes ne connaîtront aucun de ces événements et ne deviendront pas pour autant des Trump ou des Zuckerberg. Nul besoin d’en subir un, non plus, pour tomber dans la pauvreté. Ce sont des facteurs, pas des lois de la physique.
Je trouve ça insultant pour tous ceux et celles qui travaillent fort, mais qui ne récoltent pas autant, voire rien. Comme lorsqu’on dit qu’une personne a gagné son combat contre le cancer, comme si on guérissait du cancer de la même manière que Rocky mettait quelqu’un au tapis, comme si guérir n’était qu’une question de volonté.
Selon le Collectif pour un Québec sans pauvreté, seule une personne sur dix sur l’aide sociale est réellement apte à retourner au travail rapidement. Toujours selon lui, en 2015, pour un emploi disponible il y avait cinq personnes en recherche d’emploi. Les cinq pourraient être des Donald Trump en puissance, il n’y en aura toujours bien qu’un engagé.
Il y a tellement de facteurs qui font en sorte que ta détermination, ton talent, ton intelligence ou ta résilience feront ou ne feront pas une différence. Ces mêmes facteurs, exponentiels et incontrôlables, feront en sorte que tes défauts te nuiront, ou pas.
J’ai été à deux reprises sur l’aide sociale. Une fois pendant trois mois, une autre pendant sept ou huit mois. La plus courte a été dans un contexte où je n’avais pas eu droit à du chômage, et l’autre, à la suite d’un échec professionnel qui avait mis mon moral à terre.
L’effet papillon n’a pas juste son importance dans les voyages temporels, c’est aussi là, tous les jours, dans tout ce que l’on fait. Plein de facteurs extérieurs peuvent être des freins à des talents. Tellement que, parfois, tu ne sauras même pas que tu avais un talent pour quelque chose, parce que tu n’as jamais pu l’essayer.
Ce qui me fait penser à un autre mythe qui me gosse. On le retrouve plus dans les films ou la littérature, mais il contribue à l’image de self-mademan. Dans cet imaginaire, quand une personne vit une crise existentielle, elle se paie alors des vacances. Un tour du monde. Un séjour en Italie où elle se
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loue une dÊcapotable. Ou une virÊe à Las Vegas, question de sortir le mÊchant. La majoritÊ des gens vivent de paie en paie et n’ont pas de coussin financier. Si le moral ou le revenu lâche, ils sont juste coincÊs. Ce n’est pas vrai qu’il suffit de vouloir aller se changer les idÊes quelques semaines pour remordre dans la vie. La rÊalitÊ est que, bien souvent, tu es pris la face ÊcrasÊe contre des contraintes financières, sous un stress lourd comme un ÊlÊphant. Tu cherches ton air et tu grattes le sol. Il ne suffit pas de se lever un matin en se disant: Ça suffit la pauvretÊ! Je mets mon plus beau complet, ma plus belle cravate et je m’en vais serrer des mains avec plein de vigueur et de confiance en moi! D’autant plus que plus tu es pauvre longtemps, moins tu as des atouts pour t’en sortir. La pauvretÊ est un stress malsain qui te ronge l’intÊrieur. Ta confiance rouille sous la pauvretÊ. Et tu n’as pas les moyens de faire un traitement antirouille.
LE PROJET DE LOI 70 A VISIBLEMENT ÉTÉ PRÉPARÉ PAR DES PERSONNES N’AYANT JAMAIS ÉTÉ SUR L’AIDE SOCIALE. Les emplois les moins bien payÊs ne sont Êvidemment jamais accompagnÊs d’avantages sociaux. Tu n’as pas de vraies vacances – tu n’aurais pas les moyens de t’en payer, de toute façon. Tu n’as pas les moyens de voir un psychologue. De voir un dentiste, même si tu as une dent fêlÊe ou besoin d’un traitement de canal, ce qui t’empêche de dormir. T’as même pas les moyens d’aller chez le coiffeur. Tu passes en mode survie. Le pire, c’est que même lorsque tu rÊussis à sortir la tête de l’eau, le boulet de la pauvretÊ ne te lâche pas immÊdiatement. Tu le traÎnes longtemps, parce que tu as tellement de trucs à rattraper. Respirer à nouveau, refaire ta garderobe, restabiliser tes finances, te dÊrouiller, te rÊparer. Et tout ça est fragile. Un petit accident, une petite erreur, et tu replonges. MalgrÊ tout ça, le gouvernement Couillard souhaite punir les bÊnÊficiaires de l’aide sociale, au lieu de mieux les soutenir. Punir au lieu d’encourager. Le projet de loi 70 a visiblement ÊtÊ prÊparÊ par des personnes n’ayant jamais ÊtÊ sur l’aide sociale. Je les regarde aller et c’est comme s’ils me regardaient faire une crise d’asthme et qu’ils me disaient: MickaÍl, tu as deux poumons, sers-t’en, respire, aide-toi un peu! y
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XAVIER DOLAN
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Faste cuvée québécoise à cannes en mai, la planète cinéma ne vit que pour cannes. ce sera une année plutôt Faste pour le cinéma québécois, avec Xavier Dolan en compétition oFFicielle, Kim nguyen à la quinzaine Des réalisateurs et François Jaros à la semaine De la critique. coup D’œil. MOTS | PHILIPPE COUTURE
À quelques jours de l’annonce de la sélection officielle du Festival de Cannes, le suspense n’était pas bien grand au sujet de Juste la fin du monde, premier film de Xavier Dolan avec une distribution française étoilée, les Gaspard Ulliel, Léa Seydoux et Marion Cotillard trônant au sommet de l’affiche dévoilée au début avril. Le film commençait à se dévoiler doucement aux médias, signe que son montage a été terminé à temps pour Cannes et qu’il avait de bonnes chances d’être en compétition, vu l’amour que porte le festival à Dolan depuis ses débuts. Notre cinéaste prodige veut sa Palme d’Or et ne s’en est jamais caché, mais la compétition sera féroce avec, en lice, les nouveaux longs métrages des frères Dardenne (La fille inconnue), de Jim Jarmusch (une comédie cynique intitulée Paterson) ou de Pedro Almodóvar (Julieta). On a bien hâte de voir comment Dolan s’appropriera Juste la fin du monde, une pièce de Jean-Luc Lagarce qui raconte le retour au bercail d’un écrivain (Ulliel) venu annoncer à sa famille sa mort imminente. Peu connu au Québec, Lagarce est une étoile de la dramaturgie française des années 1980 et 90 qui figure encore, 20 ans après que le sida lui eut arraché la vie, parmi ceux dont l’œuvre est la plus jouée sur les scènes françaises. Artiste entier dont le théâtre intimiste était aussi et surtout un théâtre de langue et de non-dits, Lagarce a consacré ses dernières pièces (dont Juste la fin du monde) à la cellule familiale
PHOTOS | SHAYNE LAVERDIÈRE
et à des personnages partis au loin qui reviennent vers le berceau pour vivre leur drame final. Pas étonnant que Dolan s’y soit retrouvé, lui qui consacre une bonne partie de sa jeune œuvre à la famille et particulièrement à la relation mère-fils. Mais contrairement aux dialogues flamboyants de Dolan, l’écriture de Lagarce est hachurée, pétrie de silences et d’incapacités de dire. Louis, en débarquant dans le salon familial, se trouve plongé dans une série d’interactions laborieuses, qui achoppent presque continuellement. Une pièce sur l’incommunicabilité profonde d’un clan jadis tissé serré. «Toute la pièce, lit-on dans un essai d’Elisabeth Richard et Claire Doquet sur les représentations de l’oral chez Lagarce, met en scène les interactions difficiles entre les différents membres de cette famille, qui tout à la fois ont tant et rien à se dire mais qui ne se (re)connaissent pas. Le texte joue de l’immédiateté des interactions, sur un fond de déjà-dit, déjà-su, qui dispense de l’explicite.» «C’est pour moi un film qui, esthétiquement, n’a rien à voir avec les autres», a confié le cinéaste à La Presse. On s’attend assurément à une direction photo et à un montage moins frénétiques, mais surtout à une direction d’acteurs plus cérébrale, vu les particularités de la langue de Lagarce. Une chose est sûre, le Québec et la France auront les yeux rivés sur Dolan sur la Croisette.
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Kim Nguyen filme le Grand Nord Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, Two Lovers and a Bear est le premier film en anglais de Kim Nguyen, également la première œuvre lui valant une invitation à Cannes. On ne sait pas encore grandchose de ce film hivernal, en partie tourné dans la région d’Iqaluit, dans des conditions difficiles. Le réalisateur du Marais et de Rebelle a insisté pour tourner dans le Grand Nord cette histoire d’amour mettant en vedette l’acteur américain Dane DeHaan et l’actrice canadienne Tatiana Maslany, d’après un scénario inspiré de souvenirs de voyages nordiques de Louis Grenier, fondateur des vêtements Kanuk.
santes. Un film qui scrute l’inconscient et se drape d’onirisme, invitant les spectateurs à des interprétations diverses. La comédienne Karelle Tremblay, récemment vue dans Les êtres chers, d’Anne Emond, évolue doucement dans cette semi-pénombre, dans un film qui s’annonce impressionniste à souhait. Mentionnons aussi que, comme d’habitude, Téléfilm Canada débarque à Cannes au Marché du film avec quelques films dans sa besace. y
«Le film se déroule dans une ville contemporaine d’à peine 200 habitants, annonce Nguyen par voie de communiqué. Dans une zone arctique aux élans lunaires, là où la température tombe souvent sous les moins cinquante degrés. Ici, les routes ne font que s’effacer dans l’infini blanc. C’est dans ce décor extra-terrestre que Roman et Lucy, deux âmes torturées, sont tombés en amour. Mais Lucy garde un secret douloureux: un fantôme du passé la hante, la détruit. Elle doit le fuir, ou elle brûlera de l’intérieur. Ensemble, ces amants décident de fuir leurs démons, décident de prendre la route vers de meilleurs horizons. Ils foncent vers les espaces infinis de glace, où l’étrangeté peut parfois donner l’impression que le voyage est un voyage vers l’intérieur de soi-même.» Déjà applaudi sur la scène internationale grâce à Rebelle, qui s’est rendu jusqu’aux Oscars, Kim Nguyen change de ton dans ce film qui flirte aussi un peu avec le fantastique, faisant notamment d’un ours polaire un personnage parlant… Un mystérieux court métrage de François Jaros Au Gala du cinéma québécois, François Jaros a déjoué tous les pronostics en remportant deux années consécutives le prix du meilleur court métrage, d’abord pour le ludique et syncopé Toutes des connes (un scénario de Guillaume Lambert, également acteur-vedette du film), puis pour Maurice, un film plus calme qui raconte la lente acceptation de la mort par un homme d’âge mûr, atteint de la maladie de Lou Gehrig. Deux tons, deux rythmes, mais dans les deux cas, une signature forte et un humour intelligent: Jaros est issu de la pub et propose jusqu’à maintenant un cinéma accessible et efficace. Mais son nouveau film sélectionné à la Semaine de la critique, Oh What a Wonderful Feeling, semble se ranger du côté d’une plus grande étrangeté, cultivant le mystère et les ambiances nocturnes angois-
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KIM NGUYEN, PHOTO | PHILIPPE BOSSÉ
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sociopolitique Du surhomme la sortie De CAPTAIN AMERICA: CIVIL WAR est imminente. loin D’être un Film De superhéros comme les autres, ce nouvel opus marvel présente un schisme au sein même De la communauté Des surhumains, un combat iDéologique qui n’est pas sans rappeler la guerre que se livrent les DeuX principauX partis politiques américains en ce moment même. Devant ce constat, nous nous DemanDons: le Film De superhéros serait-il un reFlet Du conteXte sociopolitique qui le voit naître? MOTS | ANTOINE BORDELEAU
Dans les dernières années, les amateurs de comics ont été plus que servis au cinéma. Marvel et DC semblent vouloir bombarder le public de bandesannonces et de nouvelles sorties sans relâche, le style ayant fait ses preuves comme une vache à lait cinématographique efficace. Bien qu’il y ait eu de nombreux cafouillages par le passé (on n’a qu’à penser au désastreux Green Lantern), les cinéastes derrière ces blockbusters ont raffiné la recette au point
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où certains de ces films sont non seulement satisfaisants pour les fanatiques, mais aussi encensés par une critique somme toute néophyte en matière de comics. Pour quelqu’un n’ayant jamais lu un traître phylactère de Batman ou de Wolverine, l’attrait d’un tel film peut être au départ plus que mitigé. Comment expliquer, alors, le succès retentissant et l’engouement hors du commun que suscitent les X-Men et autres Iron Man? Une piste de réponse pourrait se trouver du côté de notre réalité sociale et politique. En effet, bien que les histoires dont ces films sont tirés proviennent des pages colorées publiées chaque semaine chez DC et Marvel, les adaptations cinématographiques de celles-ci pigent également dans des événements bien réels. L’explication en est simple: de tout temps, le cinéma a été une façon pour ses créateurs de refléter certaines facettes de la «vraie vie», de passer un message. Il en va de même tout autant pour les récits réalistes que pour les aventures rocambolesques de science-fiction ou de fantaisie. Le film de superhéros n’échappe pas à cette règle, et les studios savent pertinemment que ce qui fait vendre un film plutôt qu’un autre, c’est la réponse émotionnelle immédiate qu’il suscite chez le public. La notion d’une catastrophe meurtrière devant laquelle l’humain moyen est impuissant – pratiquement une constante dans le genre – vient faire vibrer la corde sensible de tout un chacun. Ce n’est donc probablement pas par pur hasard que l’on retrouve des scènes rappelant une actualité plus ou moins récente dans presque chacun des films qui mettent en vedette ces personnages surpuissants.
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BERNARD TURCOTTE, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
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Ressemblances consensuelles Dans le cas qui nous prÊoccupe, est-ce que la rÊbellion de Captain America, symbole ultime de la toute-puissance des États-Unis, pourrait reprÊsenter un sentiment de grogne prenant de plus en plus de place au sein de la sociÊtÊ amÊricaine? Bernard Turcotte, propriÊtaire de la librairie Les Bons DÊbarras et fanatique de comics, pense qu’il pourrait y avoir un certain rapprochement à faire: Quand l’histoire originale a ÊtÊ Êcrite, en 2006, c’Êtait en plein dans les annÊes Bush. Le monde commençait à voir que la guerre en Irak Êtait un peu n’importe quoi, et il y avait un genre de mÊpris grandissant du public face à la classe politique. L’auteur Mark Millar en Êtait certainement conscient. D’un autre côtÊ, la position de Captain America dans la bande dessinÊe aurait pu aller plus loin. Il y a un conflit à savoir si on veut travailler avec le gouvernement ou pas, mais ça demeure en surface. Selon lui, ce n’est pas sans une volontÊ implicite des gros studios qui les produisent que ces films s’axent souvent autour d’ÊvÊnements proches de ceux qui se dÊroulent dans le monde rÊel: Faut pas oublier qu’ils sont là pour vendre. On est tout le temps dans le consensuel, on ne veut pas lancer de grands dÊbats, même si ça pourrait être un bel endroit pour le faire. L’industrie a peur de prendre des risques, elle veut nous montrer quelque chose qu’on a dÊjà vu. Elle veut nous montrer ce qu’elle pense qu’on veut voir, c’est donc naturel que ce qu’on y retrouve soit parfois très facile à associer à l’actualitÊ. Un peu comme le film catastrophe en pÊriode post-9/11, le genre du superhÊros serait donc plus liÊ à la rÊalitÊ pour vendre que pour faire rÊflÊchir, selon lui. Coïncidences profitables
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Une autre thÊorie vaut toutefois la peine d’être approfondie. Plutôt que d’influencer directement les crÊateurs dans leurs œuvres, l’actualitÊ rÊcente pourrait plutôt
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amener le public lui-même à s’intéresser particulièrement à un scénario qui y est analogue par pure coïncidence. Effectivement, les calendriers de production de ces méga-productions hollywoodiennes étant planifiés des années à l’avance, il serait très difficile pour un réalisateur de faire des choix en se basant sur les nouvelles des dernières semaines, hormis aux toutes dernières étapes du montage. En discutant avec Benoit Mercier et Gauthier Langevin, respectivement réalisateur et chroniqueur du podcast dédié à la culture geek Les Mystérieux Étonnants, nous approfondissons cette idée. «Le titre le dit, c’est Civil War, explique Mercier. C’est à l’intérieur même du peuple qu’il y a des enjeux, des oppositions de valeurs profondes. Il y a des schismes incroyables au sein de la population mondiale en ce moment, et j’ai l’impression que le film est un peu la résonance de ça, ou plutôt qu’il risque vraiment d’en profiter d’une certaine façon.» Langevin enchaîne: «Je trouve que Civil War représente bien le flou dans lequel on vit en ce moment. L’histoire montre une communauté de superhéros, qui normalement
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travaillent tous pour le bien de l’humanité, mais qui tout d’un coup s’opposent. On ne sait plus qui est 100% bon ou méchant… Il y a là quelque chose de proche de ce qu’on peut voir en politique, quand il y a un changement de parti. Ils sont tous censés être là pour faire avancer la société, mais ils ne s’entendent pas toujours sur les manières d’y arriver.» Au final, deux visions s’opposent. Que ce soit des choix conscients des créateurs qui attirent les gens en salle ou plutôt le contexte sociopolitique luimême qui pousse le public à apprécier un film, le constat est le même: le film de superhéros vit une sorte d’âge d’or en ce moment. Avec plus de 30 films prévus d’ici 2020 si on combine les univers de DC et Marvel, il sera intéressant de voir si la prochaine élection américaine aura une incidence sur le genre, ou si l’affluence en salle se verra affectée par cette passation de pouvoirs des plus importantes. y Captain America : Civil War sera en salle partout dès le 7 mai prochain.
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comment vraiment se salir les mains L’action politique exige parfois de faire des accrocs à ses convictions. Quand on l’a noté, on est sensible à l’argument qui souligne que les commentateurs, les intellectuels, les journalistes, les philosophes l’ont facile en jouant la carte de la pureté, eux qui ne sont pas dans l’action, laquelle exige souvent, comme le disait déjà Machiavel, des compromis, des calculs et même des mensonges. En un mot: de se salir les mains. L’actualité politique nous fournit d’ailleurs bien des exemples de ce salissage de mains donné pour nécessaire. Voyez plutôt. Des exemples La ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, sait bien, on peut le présumer, qu’il faut lutter, et rapidement, contre les changements climatiques. Mais elle vient de consentir à l’accroissement de la production de pétrole albertain, de ce pétrole sale dont la communauté scientifique nous dit qu’il doit rester sous terre. Elle ne ferme pas non plus la porte aux projets de pipeline, invoquant chaque fois tous ces emplois qu’on ne peut se permettre de perdre. La ministre dirait probablement qu’elle est une politicienne, pas une moraliste, et qu’à ce titre elle doit, conformément à ce que réclame l’action, se salir les mains et poser parfois des gestes qui vont à l’encontre de ses propres convictions. Le gouvernement Trudeau avait promis de mettre fin aux subventions au secteur des énergies fossiles. Il n’en a rien fait dans son premier budget: cela se fera, dit-on, mais sur une plus longue période. Cette fois encore, les exigences de l’action sont invoquées pour justifier ces décisions.
La France vient tout juste de faire Grand Officier de la Légion d’honneur le prince saoudien Mohammed Ben Nayef. L’homme sera sans doute le prochain roi et on a, semble-t-il, jugé important de renforcer sa stature internationale et ses liens avec la France – et donc de se salir les mains en faisant pareil honneur à un homme qui sera possiblement demain chef d’un pays au si déplorable bilan en matière de droits de la personne. Mains salies par «éthique de la conviction responsable» De son côté, Stéphane Dion vient de confirmer qu’il maintient la décision du gouvernement Harper de vendre, durant une décennie et plus, des véhicules militaires canadiens à l’Arabie saoudite – une transaction de quelque 15 milliards de dollars. Or ce pays est non seulement une horreur absolue en matière de droits de la personne, mais il finance aussi à tour de bras le terrorisme islamique que nos gouvernements disent combattre. Tout cela répugne certainement à M. Dion, à toutes les personnes qui ont voté pour lui et plus généralement à la majorité des Canadiennes et des Canadiens. S’inspirant d’une distinction entre éthique de la conviction (celle de la pureté et des principes) et éthique de la responsabilité (celle qui considère les conséquences possibles d’une action pour décider ce qu’il est souhaitable de faire), M. Dion justifie sa décision en créant un néologisme: il invoque une «éthique de la conviction responsable». En son nom, il se salit les mains. Mais que penser de cette invocation de la nécessité de se salir les mains ou de cette «conviction responsable» qui la justifie?
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Il me semble qu’on ne peut les prendre au sÊrieux qu’à certaines conditions qui feraient en sorte que l’on n’invoque pas n’importe quand et à tout propos l’obligation de se salir les mains (ou d’être un homme de conviction responsable), ce qui reviendrait hypocritement à justifier tout et n’importe quoi – et le lendemain son contraire. Ce que se salir les mains devrait signifier Pour commencer, qui dit devoir se salir les mains doit être placÊ devant un vÊritable dilemme: je dois faire ceci ou ne pas le faire; je dois faire ceci ou cela. De plus, ce dilemme ne laisse pas le luxe d’attendre et de reporter la dÊcision. Enfin, l’un des deux termes me rÊpugne, mais je dois m’y rÊsoudre en vertu d’une Êvaluation des consÊquences qui montre que si j’agis selon mes valeurs, je causerai du tort, tandis que si je me salis les mains, je causerai du bien et même beaucoup de bien. Cette conclusion me dÊsole, mais je me rÊsous à agir selon ce que demande ce calcul. Revenez sur les rÊcents exemples que je citais. Je soutiens que ces conditions ne sont pas rÊunies dans ces cas et me risque à avancer qu’elles ne le sont que rarement quand on invoque les exigences de l’action devant des choix indÊfendables, de sorte que les invocations de la nÊcessitÊ d’agir par nos politiciens ne sont trop souvent que couverture hypocrite pour justifier des choix faits pour des raisons qu’on ne dÊvoile pas, mais qui ont certainement beaucoup à voir avec les intÊrêts Êconomiques dominants qu’ils et elles servent. Bref: l’Êthique de la conviction responsable ne me convainc pas vraiment. Allons plus loin. Imaginons que pareils calculs aient ÊtÊ invoquÊs contre la dÊcision autrefois prise par l’Angleterre – mais Êconomiquement coÝteuse – de mettre fin à l’esclavage‌ Inutile de souligner oÚ le progrès moral et l’Histoire pointaient: dans la même direction qui nous commande aujourd’hui de ne pas vendre d’armes à des pays comme l’Arabie saoudite, qui nous rappelle que rien ne nous y contraint; dans la même direction qui nous commande, comme nous le rappelle le consensus scientifique, de laisser dans le sol le pÊtrole albertain; dans la même direction qui nous commande de commencer à entrer dans l’ère de l’après-pÊtrole. Posons maintenant qu’un politicien, en toute bonne foi, nous avoue ne pas avoir eu le choix de se salir les mains, de poser des gestes qui rÊpugnent à sa conscience et à la nôtre. Qu’estce qui devrait s’ensuivre? J’avais posÊ la question à Michael Walzer, un philosophe qui a Êcrit un article fameux sur les mains sales en politique. Il m’avait rÊpondu que nous voulons que ces gens sachent que nous les jugeons moralement rÊprÊhensibles et que nous ne voulons pas qu’ils agissent trop souvent de la sorte; que nous voulons qu’ils posent ces gestes, mais aussi qu’ils ressentent du repentir pour les avoir commis et qu’ils cessent de les poser dès que cela est possible.
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À moins d’une formidable mais improbable pression populaire, je pense qu’il est illusoire d’attendre de nos politiciens qu’ils se repentent vÊritablement d’avoir vendu des armes à des États ignobles, couronnÊ leurs dirigeants et accÊlÊrÊ l’arrivÊe de ce moment oÚ il deviendra bien difficile de mener une vie dÊcente sur Terre ou de prÊserver ce qu’il y restera de civilisation. y
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GASPILLAGE ALIMENTAIRE SUIVONS LES CHEFS? ALORS QUE PLUS DE 1,3 MILLIARD DE TONNES DE NOURRITURE PAR AN SONT PERDUES DANS LE MONDE, DE PLUS EN PLUS DE CHEFS LANCENT DES INITIATIVES CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE; LES PROFESSIONNELS DU MILIEU SERAIENT UN FACTEUR D’INFLUENCE IMPORTANT SUR LE CHANGEMENT DES MENTALITÉS. ET LES CITOYENS S’Y METTENT AUSSI. SERAIT-ON (ENFIN) SUR LA BONNE VOIE? MOTS | MARIE PÂRIS
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«Rien ne se perd, tout se récupère.» Cet adage copié sur la célèbre phrase du chimiste Lavoisier donne bien le ton: même dans l’alimentation, il est possible de recycler des produits et de les faire durer plus longtemps. Car jeter des aliments à la poubelle reste un réflexe assez prégnant dans nos sociétés. Au Canada, selon les données du Conseil national Zéro déchet, le gaspillage alimentaire annuel équivaut à des pertes de 31 milliards de dollars – soit 2% du produit intérieur brut… C’est en constatant le volume d’aliments jetés dans l’hôtel où il travaillait que le chef Jean-François Archambault a décidé de créer La Tablée des Chefs, un organisme qui a pour mission d’éduquer la population sur le gaspillage et de nourrir les plus démunis grâce à des surplus alimentaires. Il a mis en place un système de récupération dans sa cuisine, avant de l’étendre à d’autres hôtels; aujourd’hui, une vingtaine d’établissements sont concernés. Au Centre Bell, par exemple, ce ne sont pas moins de 60 000 portions alimentaires par an qui sont récupérées et redistribuées.
Le but de La Tablée des Chefs est ainsi de mobiliser les acteurs du secteur de l’alimentation et de les sensibiliser au gaspillage alimentaire. Parce que dans les restos, les poubelles sont vite pleines... «On utilise beaucoup d’aliments transformés; il en résulte par exemple des quantités de pelures de légumes jetées», acquiesce Daniel Vézina, chef du Laurie Raphaël. «La plupart des chefs ne respectent pas leurs produits, regrette Antonio Park, à la tête du restaurant montréalais Park. S’ils cuisinent du poisson, ils vont jeter les arêtes, la tête ou les parties internes, alors que ça peut servir pour un bouillon…» Ça gaspille dans les familles Mais il y a des chefs modèles en la matière: «Massimo Bottura, cite Antonio Park. Il joue un grand rôle dans le monde de la cuisine et il est un exemple à suivre contre le gaspillage.» Justement, le chef italien sera à l’honneur fin mai au Centre Phi, où une série d’événements contre le gaspillage alimentaire seront organisés – notamment des
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démonstrations culinaires orchestrées par Antonio Park et Massimo Bottura. Et puis, il y a les jeunes: «La relève en restauration a vraiment à cœur de faire attention à l’environnement», indique Patrick Emedy, chef formateur à la Tablée des Chefs, qui cite en exemple les Montréalais Jonathan LapierreRéhayem du Laloux ou Étienne Huot et Denis Vukmirovic de La Récolte – Espace local. Si un tiers des aliments produits finissent à la poubelle, les statistiques montrent que le plus gros du gaspillage se passe chez les gens. «Le travail de sensibilisation est plutôt à faire sur le grand public, pense Patrick Emedy. Les professionnels de la restauration peuvent avoir un grand pouvoir de persuasion, c’est à travers eux que peut passer la prise de conscience.» Avec son programme d’éducation, la Tablée s’adresse ainsi à des ados de 12 à 17 ans, qui seront bientôt responsables de leur épicerie. Pendant les Brigades culinaires – des cours de cuisine donnés au secondaire –, les chefs évoquent
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produit, on devient créatif, et finalement on met de l’originalité dans les plats en maximisant les aliments, raconte-t-il. Si j’achète du céleri, avec les feuilles je fais de l’huile, du pesto, du beurre...» Le plus difficile dans tout ça, c’est de changer nos habitudes, dans une société où on nous incite à acheter beaucoup trop. «Ça demande de réfléchir, de s’organiser et de planifier plus en cuisine, et, oui, c’est du temps en plus, reconnaît le chef. Mais c’est aussi un gain financier.» Et finalement, on revient aux techniques de nos grand-mères... Mais Québec est à la traîne par rapport aux autres provinces du Canada, regrette Daniel Vézina. «C’est une grande roue qui a besoin d’être poussée, notamment par nous les chefs. On est au début de ce mouvement, on est encore dans un discours avant-gardiste, mais que les gens sont prêts à entendre.» En effet, ça bouge aussi hors de la restauration. Ainsi, le quartier montréalais de Rosemont a accueilli en avril dernier un frigo où les
«IL FAUT REMETTRE EN AVANT LA NOTION DE TEMPS DANS NOTRE ALIMENTATION.» la pêche durable, les conséquences de la surconsommation de viande rouge ou encore le développement durable. Lutter contre le gaspillage passe aussi par de petits gestes simples. Comme rédiger sa liste d’épicerie en amont pour n’acheter que ce dont on a besoin pour ses plats et faire attention au roulement – «la marche en avant», comme on l’appelle en restauration –, en cuisinant d’abord les produits les plus vieux. Et puis, il y a le «savoir quoi faire» aux fourneaux: «Avoir des habiletés en cuisine permet de savoir comment recycler ses ingrédients pour les garder plus longtemps, leur donner une autre durée de vie. Il faut remettre en avant la notion de temps dans notre alimentation...», souligne Patrick Emedy. Un discours avant-gardiste Dans son dernier livre, La cuisine réfléchie, Daniel Vézina donne des techniques pour récupérer les aliments, en ciblant notamment des périodes de l’année où on en jette le plus (Halloween et les citrouilles). «Quand on essaie de récupérer un
passants peuvent laisser leurs restes du restaurant ou de garde-manger, pour nourrir les plus démunis au lieu de jeter les aliments. Citons aussi Eatizz, cette nouvelle application lancée par un jeune diplômé de HEC Montréal qui localise les épiceries offrant des rabais sur les produits proches de la date de péremption ou moins frais. Suivant cet élan, certaines lois évoluent pour permettre aux magasins d’éviter le gaspillage forcé par les normes réglementaires. Ainsi, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec va changer le texte classant les produits selon leur apparence, permettant aux chaînes d’alimentation de vendre des récoltes «horsnorme» (soit actuellement les fruits et légumes présentant une longueur ou grosseur supérieure au standard ou plus de 5% d’altérations sur la surface). Et à Sherbrooke, la Ville a appuyé une proposition du Conseil national Zéro déchet de faire un crédit d’impôt aux entreprises faisant don d’aliments invendus. Le Québec à la traîne? Patrick Emedy est optimiste: «J’ai l’impression qu’on va dans le bon sens...» y
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LE VIN ITALIEN QUI SORT DE PRISON CE CRU QUI COMPTE MAINTENANT QUATRE MILLÉSIMES A UNE HISTOIRE PARTICULIÈRE: IL EST PRODUIT PAR DES DÉTENUS SUR LA DERNIÈRE ÎLE-PRISON DE L’ITALIE… MOTS | MARIE PÂRIS
Le Gorgona vient d’arriver dans les SAQ Signature: un vin blanc riche, avec un côtÊ beurrÊ mais une note très fraÎche, des arômes d’agrumes et de thÊ vert. Il provient du Marchesi de’ Frescobaldi, un des plus vieux vignobles d’Italie – la maison familiale existe depuis le 14e siècle. Le vin tire son nom de la petite Île oÚ il est produit, au large de la Toscane, une Île dont il est difficile de s’Êchapper à moins d’être un très bon nageur..., sourit Stefano Benini, directeur de l’exportation chez Frescobaldi. C’est que Gorgona abrite une prison depuis 1869. En 2012, à la suite d’un rapport du ministère de la Justice italien sur le taux de rÊcidive des anciens dÊtenus et leur difficultÊ à se rÊinsÊrer dans la sociÊtÊ, le domaine viticole dÊcide de se lancer dans un projet social: former des prisonniers à la viticulture pour soutenir leur rÊhabilitation. C’est ainsi que des professionnels de la maison sont arrivÊs avec leurs Êquipements sur l’Île de Gorgona, oÚ deux hectares de vignes avaient ÊtÊ plantÊs en 1999. Les conditions dans les prisons italiennes sont souvent dÊplorables‌ Le taux de rÊcidive atteint 60% après la sortie, indique Stefano Benini. Il est donc très important de bien prendre en charge les dÊtenus. Frescobaldi s’est ainsi mis au dÊfi d’apprendre aux prisonniers les techniques de vinification, sous la supervision d’œnologues et de vignerons.
Vignerons sobres Et ça marche: les dĂŠtenus ont produit cette annĂŠe le quatrième millĂŠsime de Gorgona – en agriculture biologique s’il vous plaĂŽt. Ils travaillent les cĂŠpages vermentino et ansonica, très caractĂŠristiques des vins de la rĂŠgion. ÂŤTravailler la vigne, collaborer avec les agronomes et les Ĺ“nologues, constater le succès du projet et du produit final a crÊÊ un enthousiasme Ênorme chez les prisonniers, qui sont très heureux d’avoir pris part Ă un projet pareilÂť, assure Santina Savoca, la directrice de l’Êtablissement carcĂŠral de Gorgona. Mais s’ils produisent du vin, les dĂŠtenus n’ont pas l’autorisation de boire de l’alcool en prison – on les autorise quand mĂŞme Ă goĂťter. Comme ils n’avaient pas de rĂŠfĂŠrences en matière de vin leur permettant de comparer arĂ´mes et parfums, Frescobaldi leur a organisĂŠ une petite formation d’œnologie pour leur apprendre Ă parler du vin. ÂŤVoulant dĂŠcrire l’amertume, un des prisonniers a dit: “C’est amer comme la vieâ€?, se souvient Stefano Benini. Il ĂŠtait en prison depuis 15 ans dĂŠjĂ ...Âť
#LUB 3ANDWICH
Parmi les dÊtenus, se trouverait notamment l’assassin de Maurizio Gucci – de la maison de couture. Certains ont fait des choses terribles. Mais rien en rapport avec la mafia, soutient le directeur de l’exportation, il s’agit plus souvent de crimes
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passionnels...» En attendant, le projet fonctionne, et 3 des 50 détenus ont déjà trouvé du travail dans l’industrie du vin, dont un chez Frescobaldi. Œnologie et crimes passionnels «La possibilité de récidiver est très élevée, surtout dans les prisons très dures où il n’y a pas de possibilité de travailler, indique Santina Savoca. Le travail donne une responsabilité aux détenus, et leur inculque aussi le respect de certaines règles. Sur l’île, tous les prisonniers travaillent et sont très respectueux des horaires; c’est selon nous la meilleure façon de les préparer à se réinsérer dans la société civile. Le projet a été un vrai outil, car il a aidé à l’éducation et à la préparation de prisonniers moins dociles, et qui se sont bien comportés une fois sortis de prison.» De son côté, la ministre de la Justice italienne pense que ce programme pourrait être copié dans d’autres prisons. L’initiative de Frescobaldi, qui a signé avec le centre pénitentiaire un partenariat de 15 ans, lui a en tout cas valu de passer dans de nombreux médias, attirant jusqu’au New York Times dans son vignoble. Alors, gros coup de pub ou vraie initiative sociale? Sans doute un peu des deux. En attendant, si 3656 bouteilles du dernier millésime ont été produites (dont 90 sont en vente au Québec), la maison réfléchit à agrandir le vignoble de Gorgona. Et elle aurait un autre projet du même acabit au sud de l’île d’Elbe; avec ses 220 km, il y aurait de quoi embouteiller… y
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LE PIED BLEU 179, rue Saint-Vallier Ouest, Saint-Sauveur 418 914-3554 Vous aimez les abats? Ce restaurant est pour vous. Estomacs de bœuf, cervelle, tripes, poumons ou rognons sont préparés au Pied bleu avec un savoir-faire indéniable. Pour l’entrée, on se sert dans des saladiers qui se promènent entre les tables, avant de commander un mijoté, un poisson ou le fameux boudin maison. La carte des vins propose principalement des crus du Beaujolais et des environs, à choisir grâce aux conseils avisés de l’équipe de service. En dessert, un buffet propose pâtisseries et douceurs faites maison, avant le moment du digestif, où s’alignent les bouteilles devant les clients. Au Pied bleu, on reprend le concept français du bouchon lyonnais, mais à la québécoise. À noter: on peut aller y bruncher les fins de semaine...
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GRAFFITI 1191, avenue Cartier
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418 529-4949 Cette institution de l’avenue Cartier sert une cuisine de type bistronomie d’inspiration française et italienne, sous la houlette du nouveau chef Yannick Fortin arrivé en septembre dernier. Au menu, des classiques bien maîtrisés comme des risottos, des pâtes, des salades, des escalopes de veau, des tartares ou des ris de veau, mais toujours rehaussés par une pointe de créativité et d’innovation. On peut aussi s’évader du côté de la table d’hôte avec, par exemple, la morue norvégienne au beurre blanc vanillé servie avec un risotto au fenouil. Une riche carte des vins – récompensée notamment par le Wine Spectator – accompagne les plats dont l’offre est très variée, même à midi. Si le Graffiti reste attaché à certaines vieilles valeurs de la restauration, on y aime les plats de type comfort food, et bonne humeur et légèreté sont de mise dans son décor coloré.
AU BONNET D’ÂNE 298, rue Saint-Jean 418 647-3031 Ce resto de quartier propose une carte riche en options: burgers, pâtes, pizzas, poutines en tout genre (on y trouve notamment une carbonara), grilled-cheese aux fromages d’ici, lapin braisé, bavette de bœuf, salade de canard confit et fruits séchés… Vous avez très faim? Optez pour la table d’hôte, en quatre ou sept services. Le resto propose en outre des promotions différentes tous les jours dès 16h. Si le Bonnet d’âne est réputé pour ses brunchs – et sa croustade aux pommes –, c’est aussi un endroit de choix pour le midi, le soir ou les cinq à sept. Le mobilier de bois rend l’ambiance chaleureuse et accueillante. En été, on profite notamment de la belle terrasse sur la rue Saint-Jean.
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TOUT EST HISTOIRE DE CUL... ENFIN PRESQUE mots | fraNco Nuovo
Nous avons été critiqués, attaqués, blâmés, dénoncés, incriminés, accusés de tous les maux et de tous les problèmes de la terre, inculpés la plupart du temps par les générations subséquentes, surtout celle qui nous a emboîté le pas et qu’on a baptisée X, telle une génération sans nom, sans identité, inconnue au bataillon. Sommes-nous vraiment coupables, votre honneur? Il m’est arrivé, à la suite de toutes ces récriminations et de la lecture de tous ces pamphlets qui réclament notre tête, d’avoir envie de crier: «Baby-boomers de tous les pays, unissez-vous». De lever le poing bien haut. De scander: «Arrêtez de nous emmerder». Or ce poing, on l’a déjà assez levé et, après toutes ces années, le garder si haut fait mal au bras et à l’épaule. Coupables de quoi d’abord? Jean-Marc Piotte, professeur émérite du Département de science politique à l’UQAM, vient d’écrire un essai * des plus instructifs traitant de la révolution des mœurs qui «est le fait des baby-boomers» et de la Révolution tranquille, ici, au Québec, dont ils ne sont pas tout à fait
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> responsables, puisqu’«elle a été animée principalement par des acteurs provenant des mouvements de l’Action catholique à partir et au cours de la Seconde Guerre mondiale». Sur les rayons
LE CONTINENT DE PLASTIQUE DaviD turgeoN Le Quartanier, 312 pages Avec ses deux premiers romans, Les bases secrètes et La revanche de l’écrivaine fantôme, l’auteur et bédéiste David Turgeon nous avait déjà démontré un désir littéraire éclatant des cadres, s’inspirant au passage de Calvino et Borges. Avec son nouvel opus, Le continent de plastique, Turgeon nous livre ici son roman le plus linéaire, qui n’en est pas moins étrange. Dans une ville fictive avec un personnage sans nom, le lecteur suivra les tergiversations d’un universitaire. Lorsqu’il devient l’assistant d’un écrivain célèbre, au succès tant critique que populaire, il laissera lentement se transformer ses volontés d’écriture en simples velléités. Incursion dans un milieu tant littéraire que d’initiés. Chaque chapitre s’articulant autour d’une parution du maître, ces avancées littéraires nous seront livrées par son assistant, nous guidant à travers maints digressions et changements de cap, accompagné par ses amis universitaires – modestement surnommés les cavaliers de l’apocalypse–, qui eux-mêmes tenteront de trouver leur place dans ce milieu littéraire. Avec Turgeon, rien n’est jamais simple. Les petites histoires forment la grande: celle d’un homme heureux dans un certain anonymat. Délaissant sa copine pour une exilée allemande, il ne cessera de s’interroger sur le seul milieu dans lequel il semble se trouver une pertinence. Bien que certains des pans narratifs de Turgeon peuvent sembler parfois bancals, parfois banals, il n’en reste pas moins qu’il dresse au détour de ce livre un portrait tantôt cinglant, tantôt cynique, d’une faune littéraire tant fantasmée que bien près du réel. Que ce soit dans ses digressions – qui peuvent se perdre en longueur – ou à même sa trame narrative, il lance des regards, si ce n’est des flèches, à ses contemporains. Du manifeste Reality Hunger de David Shields, remettant en question l’utilité du roman, en passant par le destin tragique de Nelly Arcan, les clins d’œil sont tantôt subtils, tantôt évidents. Un roman comme un continent de plastique, où s’agglutinent dans une marée littéraire différents mensonges, réflexions, digressions, histoires, vérités, formant un tout à la fois homogène et hétéroclite, conséquence inhérente à notre modernité. Et l’assistant de répondre: «[…] je pense qu’il faut revenir à l’essai. À tout le moins à une forme hybride en essai et fiction. Il faut se mesurer à la réalité en éliminant les filtres narratifs. Autrement on n’arrive à rien.» (Jérémy Laniel)
On se rend compte plus que jamais dans le livre de Piotte que les révolutions s’entrecroisent, mais surtout à quel point le Québec, tout en faisant partie d’un mouvement international, est depuis toujours une société distincte. Je dis distincte parce qu’outre les enjeux des mœurs à l’échelle de la planète, il y avait en plus l’affranchissement du clergé, l’identité nationale, l’éducation, la langue, etc. Dans ce sens, l’ouvrage de Jean-Marc Piotte est une réflexion, un cours d’histoire, portant sur notre transformation sociale autant que sur ce qu’on a appelé les «trente glorieuses». C’est fou comme on oublie vite, probablement est-ce dû à l’âge qui nous a rattrapés, eh oui, même nous. Alors, coupables de quoi? D’être nés de plus en plus nombreux au lendemain de la guerre jusqu’à la fin des années 1960? D’avoir inventé le rock’n’roll, la Beatlemania et la minijupe dont certains donnent le crédit à Mary Quant et d’autres à Courrèges? D’avoir admiré Twiggy? D’avoir cessé de danser en couple pour enfin danser seul et libre se privant ainsi quand même de quelques plaisirs démodés? D’avoir été les enfants gâtés du système? D’avoir fait mai 1968 en cherchant sous les pavés la plage? D’avoir pris et occupé tous les jobs ouvrant la porte à la précarité d’emploi? D’avoir laissé derrière nous des dettes et un monde plus pauvre? D’avoir donné à manger au monstre capitaliste? D’avoir engendré ce que certains ont appelé le Baby Bust en raison du faible taux de natalité? Eh oui! Nous avons fait tout ça. Coupables, votre honneur! Mais qu’est-ce qu’on s’est marrés! Et ne me traitez pas d’individu sans morale. Boomer entre les boomers, je reconnais avoir vécu avec mes pairs les plus belles années de l’histoire de l’humanité. Avoir, dans notre soif de liberté, fait sauter la serrure des plaisirs. Avoir expérimenté l’interdit, les mondes parallèles, ceux de Castaneda tout comme ceux de Timothy Leary. Et surtout, surtout, avoir fait exploser les tabous en déverrouillant les cadenas de la sexualité. On parle ici de la vraie liberté, celle qui a affranchi les femmes de l’esclavage «sans être contraintes à la maternité et sans s’assujettir à un homme par le mariage». La liberté qui a débouché sur un féminisme affirmé, surtout chez nous, celui de Québécoises deboutte! avec ce qu’il a eu de bon et de moins bon.
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Et comme l’explique Piotte dans son ouvrage, le legs principal des baby-boomers reste justement «la sexualité, la révolution sexuelle que les femmes ont poussé plus loin et qui a remis en question les rapports inégaux [...] l’acceptation de l’homosexualité même au point de vue juridique [...] aux devoirs préconisés par leurs parents, dit-il, les baby-boomers ont opposé leur droit de vivre librement [...] » Voilà l’héritage. Vous voyez, tout est histoire de cul. Les rêves des babyboomers se sont donc presque tous écroulés sauf cette liberté sexuelle dont profite toujours les générations subséquentes, X, Y et Z. Tout est une histoire de cul. Ouais. Nous nous sommes éclatés, faisant du même coup éclater règles et traditions. Bien. Or nous sommes tout de même coupables. Coupables d’avoir, dans le plus grand paradoxe, prôné une idéologie collectiviste et inventé dans le même élan la société de consommation et le marketing dont nous sommes devenus les premières victimes. Nous avons troqué nos idéaux de solidarité sociale pour un individualisme gangrené, nos joints de hasch pour des grands crus millésimés et nos t-shirts du Che pour une Mercedes de l’année. Votre honneur, nous plaidons coupables, mais dans un cas, du moins, avec circonstances atténuantes. Et je cite encore notre avocat, maître Piotte, qui s’élève quand X, Y ou Z nous accusent aujourd’hui de nous asseoir sur nos acquis. «C’est vrai de toutes les générations, plaide-t-il, qui en vieillissant deviennent plutôt conservatrices. Ce n’est donc pas l’effet baby-boomer, malheureusement. C’est l’effet du vieillissement.» Alors, tout est peut-être histoire de cul… Enfin presque. y *
LA RÉVOLUTION DES MŒURS: COMMENT LES BABY-BOOMERS ONT CHANGÉ LE QUÉBEC jeaN-marc piotte Québec Amérique, 120 pages
Sur les rayons
DE LA NATURE DES DIEUX aNtóNio Lobo aNtuNes Christian Bourgois, 528 pages Jamais la littérature n’est aussi loin du divertissement que lorsqu’elle émane de la plume de l’écrivain et psychiatre lisboète António Lobo Antunes. Depuis son entrée dans le monde des lettres, au tournant des années 1980, le Portugais martèle une langue complexe, inquiétante et dérangeante, cherchant à circonscrire la violence des hommes et la noirceur du monde en quelque 25 romans, tous abordant le thème de la filiation ainsi qu’une société bourgeoise portugaise révolue ou presque. Avec De la nature des dieux, titre emprunté à Cicéron, il poserait, semble-t-il, la dernière brique de son édifice littéraire. Et disons-le, le romancier de 73 ans s’est assuré de terminer en beauté. Il y a d’abord Fatima, libraire dans une bourgade pas très loin de Lisbonne, qui doit, semaine après semaine, aller porter des livres chez une femme habitant seule – malgré une horde de serviteurs – une immense propriété. Ces visites ne sont que prétextes pour discuter longuement avec cette libraire des chemins parcourus l’ayant menée à cette amère solitude. Il y a bien sûr cette femme, Madame, fille d’un richissime homme d’affaires aux mœurs douteuses, pour qui tout se monnaye. S’ensuivront divers monologues de serviteurs et compagnons de ce véreux patriarche, Monsieur, qui tantôt déverseront leur fiel, tantôt raconteront honteusement comment ils ont plié l’échine face à l’argent et au pouvoir, dont Monsieur était le seul fournisseur. Et il y aura cette danseuse de fado, qui, de par son innocence, est peut-être à l’origine du monde. Mais il y a surtout cette langue et cette verve, propres à Antunes, qui happent le lecteur dès les premières pages, comme un flot incessant de pensées, de réflexions, de haines et d’humanité. Ici, les voix luttent, crient, se croisent, chuchotent, s’entrecroisent, se répètent, mais jamais ne se taisent. La ponctuation n’existe pas, ou si peu. Non pas sans rappeler la fresque romanesque entamée en 1996 par Marie-Claire Blais avec Soifs, l’œuvre du psychiatre romancier portugais en est une totale, sans demi-mesure; des livres comme des performances, demandant abandon et confiance. Et si un lecteur ose se prêter au jeu, s’il ose s’y plonger au risque de s’y noyer, eh bien, il y découvrira une œuvre aussi grandiose que complexe, auscultant la violence inhérente au choc de nos passés et de nos présents, car chez Antunes, tout est multiple. (Jérémy Laniel)
InstallatIon réalIsée pour le pavIllon du Canada lors de la 56e exposItIon InternatIonale d’art – la BIennale dI venezIa. photos | paolo pellIon dI persano, aveC l’autorIsatIon de BGl, de la parIsIan laundry, Montréal, et de la dIaz ConteMporary, toronto
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Meilleurs aMis pour toujours enseMble depuis l’iMberbe adulescence, jas, seb et nic brillent sur la scène de l’art conteMporain tel un boys band qu’on adule presque. entrevue avec trois sculpteurs qui vivent le rêve. Mots | CatherIne Genest
Sapés comme des cartes de mode, les trois gars nous ont donné rendez-vous au Ciel, resto de leur bon chum David Forbes niché au 28e étage du Concorde. Ça tourne, le vin coule à flots, les assiettes sont colorées, appétissantes. C’est l’abondance. La vie est bonne pour BGL, et si Christian Bégin n’avait pas éculé le mot, on les présenterait d’emblée comme des épicuriens. Demandez-leur ce qui les soude depuis 20 ans, pour voir. Ils vous parleront immédiatement de plaisir, du gros fun qu’ils ont ensemble. Naviguer dans le Triangle des Bermudes le temps d’un repas ne se fait pas sans quelques bourrasques de rires, de turbulences joyeusement grivoises et autres blagues lancées du tac au tac. Anticonformistes jusqu’à revoir un petit pan de la tradition journalistique, ils tiennent à être cités en groupe, répondant en chœur de la bouche de leur acronyme à la consonance corpo. Un nom trouvé dans l’urgence, par ailleurs, au moment de produire le carton d’invitation de leur première exposition, «en haut du Subway, juste à côté de l’École des arts visuels» dans un Saint-Roch pas mal moins hip qu’aujourd’hui. Au moment de présenter Déchet d’œuvres (oui, c’est un jeu de mots) à la mi-avril 1996, ils étaient tous trois sur les bancs de l’Université Laval. «On a loué ce local-là et, spontanément, on s’est mis à transformer le lieu à trois et à
inventer quelques nouvelles œuvres. On a construit un cabanon en polythène pour ce qui était individuel et on a foutu ça dedans.» Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière habitent toujours Québec. De leur quartier général, rue Hermine dans un SaintSauveur bien différent de celui de la p’tite Robi, ils construisent des décors déstabilisants comme leur dépanneur (nous y reviendrons) ou À l’abri des arbres, œuvre qui les a consacrés au Musée d’art contemporain de Montréal en 2000. Leur commissaire occasionnelle, la réalisatrice du documentaire BGL: Canadassimo et historienne de l’art Marie Fraser, se rappelle. «Ça a été un choc pour à peu près tout le monde qui a vu ça! […] Cette façon d’intégrer le spectateur à l’intérieur même de leur art, c’est très caractéristique de l’art contemporain, c’est très singulier à BGL aussi.» La «période bois» Peu anoblissent les déchets et propulsent la scrap au rang des beaux-arts comme BGL. Avec ses influences extérieures limitées, le web étant ce qu’il était en 96, le collectif s’est forgé une identité visuelle racée et forte comme en quasihuis clos, sous l’effet d’aucune mode. Rapidement, et dès leur première expo professionnelle
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à l’Œil de Poisson, Mme Fraser remarque chez eux une signature assez unique. «C’était de tout jeunes artistes qui travaillaient le bois et qui s’intéressaient au vernaculaire québécois. Je n’en croyais pas mes yeux! Je trouvais ça tellement original!» De cette époque naîtront des œuvres comme Perdus dans la nature (1998), diptyque composé d’une voiture et d’une piscine hors terre, ainsi que les cabines téléphoniques de Rejoindre quelqu’un installées aux quatre coins de Saint-Jean-Port-Joli en 1999. Des œuvres de jeunesse acquises par le MNBAQ et précieusement stockées dans la réserve muséale. Viendront ensuite leurs premières installations immersives, À l’abri des arbres et Need to Believe (2005), pour ne nommer qu’elles, œuvres ultra réalistes à faire pâlir d’envie n’importe quel scénographe. Sans parler de leurs œuvres publiques comme La vélocité des lieux (2015), titanesque grande roue qui trône sur Montréal-Nord, ou encore Le dernier étage (2014), stationnement accidenté et enfumé créé pour la troisième mouture du parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant...? Indomptables touche-à-tout, les gars sont même allés
«on s’en va vers la fin du capitalisMe, c’est sûr, c’est un échec total. on est les enfants de ça et ça teinte évideMMent notre travail.» jusqu’à détourner les codes du bobsleigh avec Rapide et dangereux (2005), folle performance impliquant une moto et des patins à roues alignées dans les côtes vertigineuses des quartiers centraux. Et encore là: ce n’est qu’un mince échantillon de leur portfolio de «has-been», titre dont ils se coiffent depuis l’annonce de l’exposition De Ferron à BGL présentée dès cet été dans le nouveau Pavillon Pierre-Lassonde. «Ça donne un statut particulier qui nous a rendus un peu mal à l’aise au début... Finalement, on s’est dit: “C’est correct! On a influencé plein de jeunes.” Et puis, en même temps, c’est sûr que c’est flatteur.» Venise-en-Québec De tout temps, ou presque, Bilodeau, Giguère et Laverdière ont été présentés par la presse comme de fins critiques de la société de consommation. Mais est-ce vraiment la pierre angulaire, comment dire, de leur démarche d’artistes? «Ça, c’est ce que les journalistes ont voulu retenir et avant, c’était le mot écologique qui revenait tout le temps. On pense que ça vient essentiel-
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lement du fait quâ&#x20AC;&#x2122;on rĂŠcupère beaucoup. [â&#x20AC;Ś] On sâ&#x20AC;&#x2122;en va vers la fin du capitalisme, câ&#x20AC;&#x2122;est sĂťr, câ&#x20AC;&#x2122;est un ĂŠchec total. On est les enfants de ça et ça teinte ĂŠvidemment notre travail.Âť Canadassimo, lâ&#x20AC;&#x2122;ambitieuse installation en quatre sections prĂŠsentĂŠe Ă la Biennale de Venise lâ&#x20AC;&#x2122;an dernier, tĂŠmoigne forcĂŠment de leur rĂŠflexion sur le système ĂŠconomique et pas seulement en raison des cannes de conserves peintes puis placĂŠes en ĂŠquilibre les unes contre les autres. Lâ&#x20AC;&#x2122;une des pièces, assurĂŠment la plus marquante, ĂŠtait en fait la rĂŠplique parfaite dâ&#x20AC;&#x2122;un dĂŠpanneur quĂŠbĂŠcois. Une proposition ancrĂŠe dans ÂŤla vraie vieÂť, identitaire et tout sauf prĂŠtentieuse, qui a marquĂŠ plus dâ&#x20AC;&#x2122;un insulaire italien. ÂŤLĂ , on ĂŠtait les reprĂŠsentants du Canada et fallait pas manquer notre shot! Fallait faire notre petite blague et câ&#x20AC;&#x2122;est venu tout seul. [â&#x20AC;Ś] On est des ĂŠlectrons libres. On a un mĂŠtier qui permet ça!Âť y
JasMIn BIlodeau, sÊBastIen GIGuère, et nIColas laverdIère, perdu dans la nature (la voIture), 1998. BoIs de GranGe et BoIs peInt, 122 x 435 x 158 CM. ColleCtIon du MnBaQ.
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De Ferron Ă BGL Dès le 24 juin 2016 Exposition permanente au MNBAQÂ
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alexandre taillefer de la MaIn GauChe
Merci isabelle Ce mois-ci, je me suis demandé si j’avais envie d’être chroniqueur. En avril, j’ai accepté de parler du suicide de notre fils à Tout le monde en parle, devant plus d’un million de personnes. Je suis amoché, frappé dans le plus profond de ce que j’ai, envahi par une tempête médiatique qui a entraîné beaucoup d’encouragements, de commentaires positifs, de compréhension, mais aussi beaucoup de haine, de messages violents. J’ai beau dire «ça fait même pas mal», des fois ça fait mal quand même. Mais c’est injuste. L’important, ce ne sont pas les grands titres et les querelles qui font la manchette. Ce sont les petits messages. J’en ai reçu des centaines. Donc ce mois-ci, je ne serai pas chroniqueur. Je serai le correspondant d’Isabelle, qui m’a écrit le lundi 18 avril. Des mots qu’on ne lit pas dans les journaux, mais ce sont eux qui valent le plus cher. Merci Isabelle.
de: IsaBelle À: alexandre taIllefer sujet: vous n’êtes pas responsaBle du suICIde de votre fIls Bonjour, Votre passage à Tout le monde en parle hier m’a émue, mais surtout interpellée. Votre question «Pourquoi? » m’a semblé un cri du cœur. Je ne sais pas ce qu’a vécu votre fils, mais si cela peut vous aider, je peux vous dire ce qui se passait dans ma tête dans ces moments-là. J’ai commencé ma dépression à peu près au même âge que lui. Je ressentais un mal de vivre incompréhensible. Je broyais du noir, au point de songer à la mort tous les jours, toutes les heures, voire chaque minute. Avant l’époque d’Internet, j’ai lu tous les romans d’horreur disponibles à la bibliothèque. J’ai découvert la mort sous toutes ses coutures, froidement étalée en toutes lettres. J’avais même étudié différentes méthodes, choisissant les plus expéditives. Me réveiller à l’hôpital constituait ma plus grande peur. Je ne voulais surtout pas rater mon coup.
En effet, je refusais de partager mes sentiments. J’avais honte de me sentir ainsi. Après tout, j’avais tout pour me sentir heureuse: une famille aimante, un petit ami, ma propre chambre. Première de classe, je ne fumais pas et ne consommais ni drogue ni alcool. Adolescente parfaite, n’importe quel parent aurait voulu m’avoir comme enfant. Je réussissais tout dans la vie. Demander de l’aide représentait un échec, et ça, c’était inacceptable. On peut dire que ça ne tournait pas rond dans ma tête. Je pleurais tous les jours et m’endormais chaque nuit en espérant ne pas me réveiller le lendemain. Je me sentais tellement mal que la mort me semblait la seule issue. Mes parents étant préoccupés par l’achat d’un commerce, je me disais que de disparaître ne pouvait qu’être une libération pour eux. Pourtant, je les aimais et m’entendais plutôt bien avec eux, comme avec mes frères plus âgés. Je ne vivais de conflits d’aucune sorte. Je n’avais tout simplement aucune raison de me sentir ainsi. Je crois que c’est ce qui m’a sauvée, en fin de compte. Si j’avais vécu la moindre contrariété, je serais passée à l’acte. J’ai eu de la chance. J’avais choisi de ne laisser aucune lettre. Pourtant, j’aime bien prendre la plume, mais dans ce cas-ci, je n’avais rien à mettre sur papier. Aucune cause extérieure ne semblait responsable de ce qui m’arrivait. Quant aux causes intérieures, je ne les comprenais pas moi-même, incapable donc de les exprimer. J’ai vécu ainsi près d’un an, à jouer mon rôle à la perfection. Personne ne s’en est rendu compte. Il ne le fallait surtout pas. Je n’ai jamais consulté, puis j’ai pris conscience que je ne pouvais continuer ainsi. Je ne sais pas ce qui a été l’élément déclencheur. J’ai décidé de m’en tirer toute seule. Ça m’a pris trois ans après cette décision avant de sortir du tunnel. Au début de la vingtaine, je me suis demandé ce qui m’était arrivé. Je suis tombée sur un article qui expliquait que les suicidaires avaient un débalancement chimique au cerveau. Certains ne réagissent à aucun traitement et refusent toute aide.
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Bonjour Isabelle, Merci du fond du cœur pour votre témoignage très émouvant. Il m’a fait beaucoup de bien. Ce mal terrible que l’on évite d’aborder est tellement triste. Ce vide se soigne s’il est diagnostiqué. Thomas a comme vous décidé de ne pas nous en parler. Nous nous doutions bien que tout n’allait pas, mais jamais au point de choisir le suicide. Tout lui était possible. Il était beau, intelligent, avait de la répartie, rêvait de science et d’ingénierie. J’aimerais, si vous le permettez, en retirant toute référence qui pourrait vous identifier, publier ce témoignage important. J’ai
Il y a quelques années, il en aurait été autrement. Je ne sais même pas si j’aurais réagi, tant c’était profondément enfoui en moi. Pendant près d’une décennie, mon conjoint m’a pressée d’écrire notre histoire (nous avons une façon différente d’expérimenter la vie, si je puis dire…). J’ai abordé la rédaction comme une autobiographie. J’ai bien sûr sauté ce passage, mais j’ai rapidement frappé un mur. Je tournais en rond et finalement, j’ai craché le morceau en quelques lignes. Subitement, tout coulait de source. J’ai pris conscience à quel point cet épisode avait façonné ma vie d’une manière tout à fait positive! En effet, la démarche utilisée pour m’en sortir a transformé ma vision du monde et ma façon de l’aborder. Écrire m’aura aussi servi de thérapie. Même si je pense toujours à cette époque avec émotion, parce que je me rappelle bien la douleur que je ressentais, maintenant, je perçois cette dépression de façon plus sereine. Cela m’aura bien pris 30 ans, mais au moins me voilà prête pour le partager.
BA
C
NOUVEAU! R
S
Q
UE
UTERIES
de: alexandre taIllefer À: IsaBelle sujet: vous n’êtes pas responsaBle du suICIde de votre fIls
Bonjour Alexandre, Je suis heureuse que mon témoignage vous ait fait du bien. Je l’espérais. Comme je vous l’ai mentionné, j’ai vraiment ressenti votre entrevue comme un appel du cœur. Pour une fois, je ne pouvais pas rester muette. Vous pouvez utiliser mon texte si ça peut aider d’autres parents.
T RE S E HUÎ T
RC
Isabelle
de: IsaBelle À: alexandre taIllefer sujet: vous n’êtes pas responsaBle du suICIde de votre fIls
À
A
Je suis désolée pour votre perte et vous souhaite bon courage.
Merci, merci, merci
R
A
Ne revenez pas en arrière sur une hypothétique chicane ou mésentente. Le problème est beaucoup plus profond. Si mes parents l’avaient appris, je me serais probablement enfuie au plus vite. Je n’aurais pas eu le courage de leur faire face. S’il vous en avait voulu, il vous aurait laissé une lettre pleine de fiel. Il arrive parfois qu’il n’y ait juste pas d’explication.
Sentez-vous bien à l’aise bien entendu, quelle qu’elle soit, je respecterai votre décision.
4B
Le message que j’aimerais vous laisser est que vous n’êtes absolument pas responsable de ce qui est arrivé. Personne ne l’est en fait. Votre fils avait sa personnalité propre, mais surtout une vision du monde temporairement déformée. Je peux vous assurer que cette vision nous paraît bien réelle.
tellement reçu de messages de parents qui cherchent aussi à comprendre, qui veulent de l’aide.
H
L’adolescence représente une période difficile pour plusieurs personnes: changements hormonaux, sociaux. Certains d’entre nous semblent moins bien armés que d’autres. Je ne comprenais toujours pas trop ce qui m’était arrivé, mais ça me rassurait de savoir qu’il y avait une composante chimique, indépendante de ma volonté.
CON
FOR
N TU
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LE PREMIER BAR À COCKTAILS EN VILLE !
Toutes mes pensées vont vers vous et votre famille. Isabelle
B I S T R O L’AT E L I E R 624, GRANDE ALLÉE EST 418 522-2225 BISTROLATELIER.COM
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QUOI FAIRE
photo | Christine Grosjean
MUSIQUE
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FANNY BLOOM t h é ât r e p e t i t C h a m p l a i n – 2 6 m a i
L’ex-Patère Rose et auteure-compositrice-interprète Fanny Bloom viendra présenter son plus récent opus à Québec, album essentiellement composé de réarrangements de ses chansons passées mais aussi de somptueuses reprises de Barbara et… Martine St-Clair! Un récital qui promet déjà d’être assez exceptionnel.
67 QUOI FAIRE VOIR QC
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photo | Christian Faustus
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ISLANDS l e C e r C l e – 18 m a i
Né des cendres du mythique et regretté groupe montréalais The Unicorns, Islands donne dans le art rock mélodique depuis plus de 10 ans maintenant. Sur scène: deux guitares, une basse, de la batterie, deux violons et un clarinettiste. Une formation indie rock tout sauf banale qui continue d’émerveiller.
EAGLES OF DEATH METAL ET DEATH FROM ABOVE 1979 i m p é r i a l B e l l – 8 m a i
Pour ce premier arrêt au Québec depuis les attentats au Bataclan, le groupe garage rock californien Eagles of Death Metal assurera la première partie du duo dance-punk torontois Death from Above 1979. L’événement qui promet déjà d’être mémorable sera rehaussé par la présence du groupe montréalais Yardlets.
MAMMIFEST s a l l e m u lt i d e m é d u s e – 7 m a i
THE FLESHTONES l’ a n t i – 1 9 m a i
Recréer l’ambiance frivole du Festival OFF un soir de printemps, c’est ce à quoi s’affaireront Medora, Harfang et De La Reine dans le cadre du premier Mammifest. Aussi invités au party: les Manitobains de Royal Canoe, le duo bidisciplinaire Organ Mood et Floes, le nouveau projet de Samuel Wagner (Harfang), Pier-Philippe Thériault et Simon Tam de PopLéon.
Le mythique groupe new-yorkais The Fleshtones poursuit sa route comme bon lui semble, sans égard aux modes et aux tendances qui tendent parfois à surplomber le style garage rock qu’il défend depuis maintenant 40 ans. La bande à Peter Zaremba donne donc rendez-vous aux mélomanes de la capitale pour un spectacle incontournable à L’Anti.
photo | pierre dury
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JEAN-PIERRE FERLAND
JEAN LELOUP
C a p i t o l e d e Q u é B e C – d u 19 a u 2 1 m a i
G r a n d t h é ât r e d e Q u é B e C 27 et 28 mai
Officiellement sorti de sa retraite depuis plus de six ans, le défricheur en chef de la musique pop québécoise renoue avec la scène du Capitole pour trois spectacles en trois soirs. À quelques semaines de son 82e anniversaire, Ferland fait plaisir à ses nombreux fans avec une interprétation de ses plus grands succès.
Après avoir envoûté à de nombreuses reprises la Place des Arts à Montréal, le maître incontesté de la chanson québécoise Jean Leloup ramène son spectacle solo, Le fantôme de Paradis City, au Grand Théâtre, quelques mois après l’avoir présenté au même endroit. L’artiste iconoclaste y présentera son univers éclaté, alternant entre succès et délires de mise en scène.
BERNHARI le CerCle – 21 mai
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Paru en 2014, le premier album du très talentueux chanteur et musicien Bernhari s’est rapidement imposé comme un incontournable de la scène locale, comme en témoignent ses nominations au Gala de l’ADISQ 2015 et sa victoire de l’album indie rock de l’année au GAMIQ. Le Montréalais revient, à peine deux ans plus tard, avec une nouvelle offrande plus qu’attendue.
TRIFOLIA ET LES VIOLONS DU ROY pa l a i s m o n t C a l m – 2 j u i n
La pianiste Marianne Trudel et ses collègues du trio jazz Trifolia s’associent aux Violons du Roy. Le programme est printanier à souhait: Les Quatre Saisons de Vivaldi, Ruisseau, rivière et fleuve de Denis Gougeon et une composition toute fraîche de Trudel elle-même.
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AUTHENTIQUE.
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INCONTOURNABLE. LES BREASTFEEDERS
p a l a i s m o n t C a l m – 31 m a i
l’ a n t i – 3 j u i n
Incomparable dans son style, la soprano Marie-Josée Lord mélange à bon escient les arias et les chansons populaires. Chaleur et légèreté, le spectacle qu’elle présente au Palais Montcalm, est un récital qui revisite Granados, Bernstein, De Falla et Satie, notamment.
Même si leur dernier album (Dans la gueule des jours) remonte à une demi-décennie, Les Breastfeeders n’ont rien perdu de leur mordant et promettent une performance des plus explosives lors de leur passage à Québec. En première partie, les punk rockeurs montréalais de Barrasso.
THUS OWLS
DEMAIN
l ’ a n t i – 26 m a i
dès le 27 mai
Porté par l’engouement autour de son troisième album Turning Rocks, qui a reçu une mention sur la longue liste du prix Polaris en 2014, le duo canado-suédois Thus Owls s’amène à Québec avec son indie pop aussi accrocheur qu’expérimental. Le couple Angell profitera probablement de son passage pour jouer les chansons de son plus récent maxi Black Matter.
Connue comme comédienne mais surtout pour son remarqué long métrage Respire, Mélanie Laurent se lance avec le réalisateur Cyril Dion dans une aventure documentaire dans 10 pays pour comprendre les crises écologiques, économiques et sociales que traverse notre planète, mais surtout pour identifier les solutions qu’inventent chaque jour, partout, des enthousiastes qui veulent changer le monde. Pas une mince tâche.
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photo | sara arnald
L’UNIQUE BISTRO DU VIEUX-PORT DEPUIS 1984.
CINÉMA
MARIE-JOSÉE LORD
418.692.1299 echaude.com 73, rue S ault-au-M ate lo t, Vieu x-Port, Qué be c
70 QUOI FAIRE VOIR QC
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SNOWDEN
GREEN ROOM
d è s l e 13 m a i
dès le 6 mai
Réalisé par Oliver Stone, Snowden revient sur les révélations faites à propos des programmes de surveillance américains et britanniques par l’informaticien américain, désormais réfugié en Russie, Edward Snowden. Mettant en vedette Joseph GordonLevitt, Shailene Woodley, Tom Wilkinson, Melissa Leo et Nicolas Cage, Snowden promet de faire couler beaucoup d’encre, tout particulièrement chez nos voisins du sud.
Réalisé par le talentueux Jeremy Saulnier, ce thriller d’épouvante prend place au fin fond de l’Oregon, alors qu’un groupe de punks, The Ain’t Rights, se retrouve piégé par une bande de skinheads violents. Après un désastreux spectacle, le groupe arrive nez à nez avec un cadavre et doit composer avec un patron qui veut éliminer tout témoin.
LA LOI DU MARCHÉ d è s l e 13 m a i
MOUNTAINS MAY DEPART dès le 27 mai
Très attendu auprès des cinéphiles, le nouveau film du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, auteur du marquant Touch of Sin présenté à Cannes l’an dernier, oscille «entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure». Le cinéaste y suit le parcours hachuré de Tao, une jeune fille écartelée entre l’amour de deux hommes.
Primé par le Prix d’interprétation masculine à Cannes 2015 et par le César du meilleur acteur, ce film met de l’avant le talent inestimable de l’acteur Vincent Lindon, dans la peau d’un quinquagénaire qui, après 15 mois de chômage, se retrouve face à un dilemme moral. Réalisé par Stéphane Brizé, La loi du marché est un percutant drame social.
71 QUOI FAIRE VOIR QC
VO1 #O4
O5 / 2O16
LES VOISINS 2
FUCK TOUTE
d è s l e 20 m a i
m a i s o n d e l a l i t t é r at u r e du 5 au 7 mai
Après un premier volet en 2014, Seth Rogen, Rose Byrne et Zac Efron reprennent du service. Prêts à déménager ensemble en banlieue, Mac et Kelly Radner voient leurs plans chamboulés lorsqu’une bande d’étudiantes néo-féministes prennent la place de l’ancienne fraternité de Teddy. Le couple n’aura ainsi guère d’autre choix que de faire appel à son ancien ennemi.
La comédienne, poète, un peu danseuse et politicienne brûlante Catherine Dorion s’associe au musicien Mathieu Campagna pour un spectacle inclassable bâti sur un fond de pure exaspération. Un pot-pourri de textes anonymes pigés sur la blogosphère et de mots écrits sur-mesure par madame.
X-MEN: APOCALYPSE d è s l e 27 m a i
ASSUME t h é ât r e p e t i t C h a m p l a i n – 21 m a i G r a n d t h é ât r e d e Q u é B e C – 27 m a i
L’auteur, acteur et metteur en scène Fabien Cloutier a rangé le costume du chum à Chabot et sillonne maintenant le Québec tout entier pour présenter du nouveau matériel livré en son nom. Un monologue qui grafigne, chargé d’ironie et qui s’intitule Assume. À bas les masques!
Épaulé par une brochette d’acteurs de calibre, notamment Michael Fassbender, Jennifer Lawrence et Oscar Isaac, ce nouvel épisode de la série de superhéros X-Men revisite le personnage d’Apocalypse, premier de tous les mutants, qui se réveille dans les années 1980. Après avoir recruté quatre cavaliers, il voit se dresser sur son passage Raven et sa toute nouvelle équipe de mutants.
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5N VÏRITABLE INCONTOURNABLE Ë ,ÏVIS
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AVENUE "ÏGIN ,ÏVIS
72 QUOI FAIRE VOIR QC
VO1 #O4
O5 / 2O16
$Ă?JEUNERS TOUS LES JOURS 0ROMOTIONS TOUS LES JOURS ,E CAFĂ? BISTRO DU &AUBOURG 3AINT *EAN "APTISTE DEPUIS ANS
photo | Catherine Genest
&ISH #HIPS 4ARTARES "URGERS 0OUTINES
3TEAK FRITES 0Ă&#x160;TES ET PIZZAS 3ALADES ETC
ARTS DE LA SCĂ&#x2C6;NE
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OĂ&#x2122; TU VAS QUAND TU DORS EN MARCHANTâ&#x20AC;Ś? d u 2 6 m a i a u 11 j u i n
DivisĂŠe en cinq tableaux et lieux distincts, la quatrième mouture du spectacle dĂŠambulatoire du Carrefour international de thÊâtre fera retomber en enfance nâ&#x20AC;&#x2122;importe quel vieux grincheux. Une grande fĂŞte baroque gratuite conçue, en partie, par Alexandre Fecteau, Doyon-Rivest et le ThÊâtre Rude IngĂŠnierie. Â
EMMANUEL BILODEAU s a l l e a l B e r t-r o u s s e a u â&#x20AC;&#x201C; 1 1 m a i
Dernier tour de piste pour le One Manu Show, premier stand-up comique du comĂŠdien Emmanuel Bilodeau. Un spectacle hybride, un mĂŠlange de contes, de faits vĂŠcus et de personnages, qui charme les foules du QuĂŠbec depuis un an et demi. Â
NAPOLĂ&#x2030;ON VOYAGE lâ&#x20AC;&#x2122; a n G l i C a n e â&#x20AC;&#x201C; 19 m a i
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34 *%!. 15Âł"%# !5"/..%4$!.% #/-
Le ÂŤone-man-show touristiqueÂť NapolĂŠon voyage sâ&#x20AC;&#x2122;amène Ă LĂŠvis après avoir gĂŠnĂŠrĂŠ un buzz plus que respectable sur la toile avec un improbable pastiche des pubs tĂŠlĂŠ de Trivago. Sur scène, le comĂŠdien Jean-Philippe Lehoux fera lâ&#x20AC;&#x2122;inventaire de ses drĂ´les dâ&#x20AC;&#x2122;histoires de voyages aux quatre coins du monde.
73 QUOI FAIRE VOIR QC
VO1 #O4
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GALA t h Ê ât r e d e l a B o r d Ê e - 31 m a i e t 1 e r j u i n
Avec Gala, le rĂŠputĂŠ chorĂŠgraphe français JĂŠrĂ´me Bel recrute une quinzaine de danseurs amateurs â&#x20AC;&#x201C; et de QuĂŠbec sâ&#x20AC;&#x2122;il-vous-plaĂŽt! Un pari risquĂŠ, mais qui sâ&#x20AC;&#x2122;est avĂŠrĂŠ payant depuis sa crĂŠation dans les vieux pays lâ&#x20AC;&#x2122;an dernier. Qui sait, peut-ĂŞtre verrez-vous votre voisin sur la scène?
MURMURES DES MURS
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t h Ê ât r e d e l a B o r d Ê e - d u 9 a u 11 j u i n
Après un fâcheux accident qui avait fait avorter la première Ă QuĂŠbec lâ&#x20AC;&#x2122;an dernier, Murmures des murs revient en ville pour un deuxième tour de piste quâ&#x20AC;&#x2122;on espère sans heurts pour lâ&#x20AC;&#x2122;interprète AurĂŠlia ThierrĂŠe. Un spectacle multidisciplinaire onirique, ÂŤtissĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtoffe des rĂŞvesÂť, pour reprendre les mots de la brochure.
PHIL ROY EN RODAGE t h Ê ât r e p e t i t C h a m p l a i n - 27 e t 28 m a i
DiplĂ´mĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;cole nationale de lâ&#x20AC;&#x2122;humour en 2011, Phil Roy sâ&#x20AC;&#x2122;est rapidement taillĂŠ une place parmi la relève humoristique quĂŠbĂŠcoise, grâce Ă son style dâ&#x20AC;&#x2122;humour mordant, autant destinĂŠ au grand public quâ&#x20AC;&#x2122;aux fans dâ&#x20AC;&#x2122;humour un peu plus champ gauche. Ă&#x20AC; plusieurs mois de ses avant-premières du mois de janvier 2017, lâ&#x20AC;&#x2122;humoriste montrĂŠalais prĂŠsente son premier one-man-show en rodage. >
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Â&#x2122;ä£]Ă&#x160;Ă&#x20AC;Ă&#x2022;iĂ&#x160;,Â&#x153;Ă&#x17E;>Â?i]Ă&#x160;/Ă&#x20AC;Â&#x153;Â&#x2C6;Ă&#x192;Â&#x2021;,Â&#x2C6;Ă&#x203A;Â&#x2C6;mĂ&#x20AC;iĂ&#x192; nÂŁÂ&#x2122;Ă&#x160;Ă&#x2C6;Â&#x2122;Ă&#x17D;Â&#x2021;Ă&#x2021;Ă&#x201C;Ă&#x2021;Ă&#x201C; Ă&#x153;Ă&#x153;Ă&#x153;°Ă&#x20AC;iĂ&#x192;Ă&#x152;>Ă&#x2022;Ă&#x20AC;>Â&#x2DC;Ă&#x152;Ă&#x203A;Â&#x2C6;ViĂ&#x203A;iĂ&#x20AC;Ă&#x192;>°VÂ&#x153;Â&#x201C;Ă&#x160;Ă&#x160;Ă&#x160;Ă&#x160;Ă&#x160;Ă&#x160;
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ARTS VISUELS
TAPAS
KORALIA MACIEJ e n G r a m m e – d u 7 m a i a u 12 j u i n
Inspirée par l’architecture industrielle, l’artiste écossaise d’origine polonaise Koralia Maciej est de passage à Québec pour présenter une installation intitulée Empire. Une expo rendue possible grâce à l’échange entre Engramme et la Society of Scottish Artists.
DOYON-RIVEST G a l e r i e 3 – d u 1 3 m a i a u 12 j u i n
Après avoir vandalisé la façade du Grand Théâtre de Québec du mot «liberté» et bâti un ciné-parc au parc de l’Artillerie, le duo Doyon-Rivest retourne en galerie pour présenter une série d’œuvres conçues dans ses ateliers. Des photographies et des sculptures promises comme élégantes et rigolotes – une description qu’on ne remet pas en doute.
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«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»
Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.
Iris Boudreau
teomtl.com