Magazine Voir Montréal V01 #08 | Septembre 2016

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MONTRÉAL VO1 #O8 | SEPTEMBRE 2O16 J’AIME HYDRO OLIVIER KEMEID & FRÉDÉRIC DUBOIS LES CHIENS DE NAVARRE ROBERT MAPPLETHORPE ANDRÉ FORCIER JOHN WATERS ALACLAIR ENSEMBLE POP MONTRÉAL QUÉBEC REDNECK BLUEGRASS PROJECT AVEC PAS D’CASQUE RED BULL MUSIC ACADEMY VALAIRE OMNIVORE FRANÇOIS CHARTIER

KROY


Le 1er octobre 2016

Venez dĂŠcouvrir la ville transformĂŠe par des artistes

Du coucher au lever du soleil



V

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O1 O8 MONTRÉAL | SEPTEMBRE 2016

RÉDACTION

Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Chef de section musique: Valérie Thérien / Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen / Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnatrice des contenus: Alicia Beauchemin / Correctrice: Mélanie Jannard

COLLABORATEURS

Catherine Genest, Patrick Baillargeon, Réjean Beaucage, Christine Fortier, Ralph Boncy, Nicolas Gendron, Céline Gobert, Julie Ledoux, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Alexandre Taillefer, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Eric Godin

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Directeur adjoint aux ventes: Jean Paquette / Ventes régionales: Céline Lebrun Représentantes aux ventes nationales: Isabelle Lafrenière, Nathalie Rabbat Représentants: Catherine Charbonneau, Antonio Genua

OPÉRATIONS / PRODUCTION

Directrice du marketing et des communications: Sylvie Chaumette Coordonnatrice marketing et projets spéciaux: Danielle Morissette / Directeur du développement web: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeurs et intégrateurs web: Emmanuel Laverdière, Martin Michaud Développeur web: Maxime Larrivée-Roy / Commis de bureau: Frédéric Sauvé Chef d’équipe administration: Céline Montminy / Contrôleur (administration): Patrice Sorrant Coordonnateur service à la clientèle: Maxime Comeau / Service à la clientèle: Sophie Privé Chef de service, production: Julie Lafrenière / Directeur artistique: Luc Deschambeault Infographie: René Despars / Impression: Imprimerie Chicoine

PHOTO COUVERTURE John Londoño | leconsulat.ca

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COMMUNICATIONS VOIR

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ALORS QUE LE DUO MILK & BONE EST SUR UNE BONNE LANCÉE DEPUIS PLUS D’UN AN, CAMILLE POLIQUIN LANCE LE PREMIER ALBUM DE SON PROJET SOLO. Photo | John Londoño Maquillage | Léonie Lévesque Stylisme | Frédérique Légaré Assistants | Vassili Schneider & Maxime St-Jean Retouche | Victoria Lord Production | Eliane Sauvé (Consulat)

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SCÈNE

J’aime Hydro Olivier Kemeid et Frédéric Dubois Les chiens de Navarre

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MUSIQUE

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CINÉMA

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ART DE VIVRE

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LIVRES

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ARTS VISUELS

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QUOI FAIRE

POP Montréal Alaclair Ensemble Red Bull Music Academy Avec pas d’casque Québec Redneck Bluegrass Project Valaire André Forcier Rétrospective John Waters Omnivore François Chartier Sur la route Robert Mapplethorpe

CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p18) Monique Giroux (p40) Normand Baillargeon (p50) Alexandre Taillefer (p66)

ABONNEMENT (P35)


6 CHRONIQUE VOIR MTL

VO1 #O8

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

SOUVENIRS DE VACANCES Ça m’est apparu comme ça, il y a quelques mois, un soir où nous allions souper chez les beaux-parents. Comme d’habitude, je cuisine avec Roger, le beaupère. Les filles, sœurs de ma blonde, discutent avec Henriette, leur mère. Le temps de se remettre à jour dans les nouvelles. Les dernières vacances, le boulot, les aventures du quotidien. Roger, lui, aime cuisiner et causer politique. Tous les beaux-pères du monde qui souhaitent gueuler un peu ont besoin d’un beau-fils qui va souper de temps en temps. Je joue ce rôle depuis vingt ans avec intérêt et bonhomie. J’apporte tout ce qu’il faut dans ma glacière: le repas à cuisiner, le pinard, mes ustensiles et quelques bons sujets polémiques que je peux mettre sur la table comme apéritifs. De quoi nous mettre en appétit. – Hey les gars, chicanez-vous pas! – On se chicane pas, on discute. À un moment donné, une fois ces discussions épuisées et le repas prêt à servir, il faut mettre la table. Roger sort un de ses souvenirs de voyage. Une nappe achetée au Mexique à l’époque où il vivait à l’année dans un motorisé. Car Henriette et Roger, ce sont des aventuriers. Sa carrière de pharmacien, il l’a passée en ski-doo à faire la tournée des dispensaires sur la CôteNord, là où il n’y a pas de route. Ensuite, ce fut la BaieJames. Toujours sur la route. Au moment de prendre leur retraite, comme lieu de repos, ils ont choisi la route, encore. Un gros motorisé qu’ils habitaient toute l’année en sillonnant l’Amérique. Cette nappe, c’est un souvenir immobile de cette vie en mouvement que mon beau-père ressort pour l’occasion. C’est à ce moment qu’Henriette prend part à notre conversation. – Wow, Simon! Tu as aussi apporté cette belle nappe! C’est ben gentil! Roger sourcille, le regard silencieux.

– C’est à toi, cette nappe mon minou. Tu l’as achetée au Mexique. – Ah oui? En tout cas, elle est très belle! On dépose les couverts, on place les verres. Rebelote pour la nappe qui séduit Henriette à nouveau. – Elle est vraiment belle cette nappe que tu as apportée, mon beau Simon! C’est super! Roger, solide, ne tangue même pas un peu. – Henriette, c’est à toi la nappe, on l’a achetée ensemble au Mexique. C’était connu. On en avait parlé à plusieurs reprises. Elle en perdait des bouts. Des petits bouts, au début, et des bouts de plus en plus gros, par la suite. Des plages horaires complètes s’effaçaient. Là, c’était la nappe, le Mexique, les voyages. En mangeant les petits fours, quelques minutes plus tard, elle allait aussi oublier qu’une serviette de table, ça ne se mange pas. Elle la croquait comme si c’était un canapé au fromage. – Hey, Henriette, mange pas ta napkin là! À ces épisodes anodins s’en ajoutaient d’autres, plus sombres. Comme la fois où elle a cru que Roger, qui vit avec elle depuis des siècles, était en fait un surintendant. Comme toutes les fois où elle faisait ses valises le matin pour les poser sur le pas de la porte, convaincue qu’elle et Roger n’habitaient cet appartement que temporairement et qu’ils devaient retourner à la maison. Va savoir pourquoi, mais c’est ce qu’elle croyait. Roger a la chance d’avoir cinq filles, dont deux qui habitent à quelques pas de la maison et qui peuvent lui donner un coup de main. C’est beaucoup pour un seul homme, une amoureuse qui oublie. À chaque moment, chaque seconde, il peut se passer quelque chose d’imprévu. Je me disais, à la blague, que ceux qui n’ont plus de souvenirs peuvent s’étonner de tout

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constamment. Mais ce n’est pas drôle, car l’étonnement se transforme souvent en stupéfaction, en consternation ou pire, en terreur. Va savoir ce qu’elle va te sortir d’un jour à l’autre. D’autant plus qu’elle oublie même qu’elle oublie. Si vous lui posez la question, pour elle, tout va bien: «Mais non, je n’ai pas oublié, de quoi vous me parlez?» Tout ça pour dire qu’il a bien fallu aller chercher de l’aide et envisager de trouver un domicile où elle pourrait être encadrée par des professionnels. C’est une phrase bien jolie pour dire qu’il fallait «la placer» dans un CHSLD. Vaut mieux ne pas trop lire les journaux lorsqu’on entrevoit cette option. Ce n’est pas Versailles, pour dire les choses simplement. Tout ça avec le sentiment d’échec qui vient avec, le sentiment qu’on n’est plus capables, qu’on ne sait pas comment, qu’on n’a pas les ressources ou les moyens, malgré les promesses de toute une vie. Devant la personne qui oublie, c’est le futur qu’on voudrait effacer pour ne jamais l’affronter. Un paradoxe effrayant.

Il a fallu envisager le scénario des vacances. Une place a été trouvée dans un centre de répit, un service d’hébergement temporaire pour des personnes en perte d’autonomie. Roger et ses deux filles sont allés la reconduire, laissant entendre que c’était comme un voyage, un hôtel, un centre de ressourcement, quelque chose du genre. Ça devait durer quelques jours, pour faire un premier essai et permettre à Roger de se ressaisir. C’était mal connaître Henriette. Quelques heures plus tard, elle avait aussi oublié qu’elle était en vacances. Ils ont rappelé pour qu’on retourne la chercher. Elle tentait de se sauver par la fenêtre. Ils ont dû refuser. Si des professionnels ne pouvaient pas la calmer et s’en occuper, que pourrait donc faire la famille avec une Henriette complètement désemparée? Elle est donc restée là. Avec de l’aide, elle a fini par se calmer. On verra pour la suite. On nous dit qu’elle va mieux. Il n’y a pas de morale à cette histoire. Pas de fin non plus. On ignore aussi, d’ailleurs, comment elle a commencé. Le temps passe, comme d’habitude. Restent les fragiles souvenirs de vacances. y sjodoin@voir.ca


8 scène VOIR MTL

VO1 #O8

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Maître chez elle christine Beaulieu présente J’AIME HYDRO, une pièce qui enquête sur les rapports qu’entretiennent les quéBécois avec hydro-quéBec. MOTS | JÉRÉMY LANIEL

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Il y a quatre ans, Christine Beaulieu se frottait pour la première fois à la dramaturgie d’Annabel Soutar avec la pièce Grain(s). Mise en scène par le Torontois Chris Abraham et traduite par Fanny Britt, la pièce permettait aussi à l’actrice de plonger dans le théâtre documentaire, qui a fait la marque de la compagnie de théâtre Porte-parole, fondée il y a maintenant plus de 15 ans par Soutar et son collègue Alex Ivanovici. Quelques années plus tard, cette même dramaturge allait approcher Beaulieu avec un projet d’une ampleur considérable qui allait mener l’actrice du OFFTA au FTA, en passant par la Romaine et Shawinigan, avant d’aboutir au théâtre La Licorne où la pièce prend actuellement l’affiche jusqu’au 10 septembre. Retour sur une épopée qui n’est toujours pas sur ses derniers milles. Prenant les planches pendant plus de deux heures, J’aime Hydro emmène le spectateur dans les méandres d’une enquête citoyenne sur le rapport des Québécois envers Hydro-Québec, une enquête qui désire sonder l’effritement du lien fort unissant la société d’État et les Québécois. Au-delà des hausses de tarifs qui font souvent grincer les contribuables dans leurs chaumières, il s’agit aussi, et surtout, de réfléchir aux politiques énergétiques d’HydroQuébec, qui ne cesse de (sur)produire de l’électricité avec le harnachement de nouvelles rivières comme la Romaine. Questionnant les acteurs principaux, tant du côté d’Hydro-Québec que du côté des fondations s’opposant à certains projets – dont la Fondation Rivières –, J’aime Hydro vise, selon l’actrice et l’idéatrice du projet, «[…] à débraquer les parties en place. Créer un réel dialogue. Les solutions pour notre avenir sont là et elle est là, la

force du théâtre d’Annabel Soutar. Ne jamais être dans un camp ou dans l’autre, mais errer dans la nuance à la recherche de solutions.» Lorsque Annabel Soutar a inclus Christine Beaulieu dans ce projet, jamais l’actrice n’aurait cru s’y plonger à ce point. Pour celle qui n’avait jamais mené ce genre d’enquête, il s’agissait en quelque sorte d’un saut dans le vide, mais elle se voyait mal refuser cette offre de la dramaturge. «Annabel, c’est une fille pour qui j’ai beaucoup de respect, beaucoup d’admiration, cette fille-là m’anime. [… ] C’est un gros projet, parfois je trouve ça gros, si gros que ça m’effraie.» Pour une première fois, elle interprétera son propre rôle, celui de Christine Beaulieu, une actrice issue d’une famille indépendantiste qui, poussée par le zèle d’une amie dramaturge, se retrouve au cœur d’une immense enquête. «C’est très dur comme posture, j’y suis très vulnérable. Je sais que je suis le plus honnête possible quant à ma démarche; après, c’est aux gens de voir, ils pensent bien ce qu’ils veulent de moi.» Les raisons pour lesquelles Annabel a préféré diriger Christine dans ce projet plutôt que de le mener elle-même sont multiples. Lorsqu’on pose la question à l’actrice, elle cite aussitôt un passage de la pièce où son collègue de scène, Mathieu Gosselin, analyse la dramaturge: «Pour moi, une femme anglophone élevée à Westmount par un économiste conservateur serait la bonne personne pour faire une enquête citoyenne sur une société qui a rendu le peuple québécois francophone maître chez lui! Are you fucking kidding me, Christine?» Pas besoin d’en rajouter.


Et comme chaque projet vient parfois avec son lot de chance, ni la dramaturge ni l’actrice n’avaient prévu que l’élaboration de l’enquête allait se faire au même moment où le gouvernement du Québec allait revoir sa politique énergétique pour les 15 prochaines années, donnant ainsi l’occasion à Christine Beaulieu de se présenter lors des consultations publiques aux quatre coins du Québec. C’est à travers cette implication citoyenne qu’elle a réalisé la portée du projet: «De voir comment une citoyenne qui part de zéro réussit à se débrouiller pour comprendre un dossier de notre société qu’elle trouve important de saisir. De voir à quel point c’est compliqué, de voir quelles sont les structures en place dans notre démocratie pour permettre à une

citoyenne de s’impliquer et de comprendre. De voir comment ça marche, comment parvenir à avancer là-dedans. Et finalement, de voir le chemin parcouru et de se demander si une citoyenne peut vraiment influencer des décisions gouvernementales.» La pièce est mise en scène par Philippe Cyr, Christine Beaulieu partage la scène avec Mathieu Gosselin qui interprète, à lui seul, près d’une quinzaine d’intervenants différents dans l’enquête, alors que Mathieu Doyon s’occupe des différentes projections. Dès le départ, Soutar et Beaulieu ont voulu penser la pièce comme un podcast, inspirées par le succès de Serial; elles se sont rapidement rendu compte que le projet devenait trop gros, qu’il devait avoir une pérennité

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Le NTE présente

sounjata DU 20 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE 2016

« Ah ! le voyage ! Quel vertige... »

Texte et mise en scène PHOTO | PORTE PAROLE

ALEXIS MARTIN Conception des marionnettes

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YAYA COULIBALY

à l’extérieur du théâtre même, dans l’optique simple de rejoindre le plus de monde possible, car la question fondamentale du projet rejoint la majeure partie des Québécois. Déclinant les trois premiers épisodes de ce théâtre-podcast, ce projet a déjà réussi à créer des ponts: «Quand on s’est rendu compte, le soir de la première, que les gens de la Fondation Rivières et les gens d’Hydro-Québec se retrouvaient dans la même salle, à la même heure, dans la même rangée pour voir le même spectacle, on a réalisé qu’on avait créé cette rencontre-là, et ça, c’est galvanisant.»

Avec : Yaya Coulibaly, Habib Dembélé, Mamadou Koné, Steve Laplante et Karine St-Arnaud

L’enquête en soi n’est pas terminée. La pièce reprend les planches de La Licorne avec les trois premiers épisodes pour poursuivre le dialogue, et ainsi ajuster la suite des choses. À bord d’une auto électrique, l’équipe prendra la route cet automne pour se rendre à la Romaine et poursuivre sa démarche. C’est en avril 2017 que les deux derniers épisodes de J’aime Hydro seront présentés à l’Usine C pour clore le projet qui les anime depuis près de trois ans. Voir le théâtre comme un espace de création et de dialogue, comme un légitime lieu de questionnements démocratiques et comme le point de chute d’une démarche citoyenne, c’est un peu tout ça J’aime Hydro. y J’aime Hydro au Théâtre de la Licorne du 30 août au 10 septembre

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FRÉDÉRIC DUBOIS, PHOTO | STÉPHANE BOURGEOIS


13 scène VOIR MTL

VO1 #O8

À la recherche de l’aBsolue nécessité ces deux hoMMes issus du Milieu théâtral quéBécois ont été noMMés réceMMent À la tête de deux institutions iMportantes. rencontre avec deux esprits créatifs qui devront désorMais ajouter des outils de gestion À leur inspiration Bouillonnante. MOTS | JÉRÉMY LANIEL

Frédéric Dubois et Olivier Kemeid ont œuvré sur Five Kings pendant plus de cinq ans. Débroussailler les textes de Shakespeare, les réécrire, les adapter, mettre sur pied une distribution de plus d’une dizaine d’acteurs pour monter un spectacle de plus de cinq heures. Au détour d’un projet si gargantuesque, ils ont réfléchi à leur vision du théâtre et de son marché, à leurs réflexes et à leurs mauvais plis. Ils ont maintenant été respectivement nommés à la tête de l’École nationale de théâtre et du Théâtre de Quat’Sous. On les a rencontrés pour un entretien croisé. Attablé au Byblos, rue Laurier, je leur demande d’entrée de jeu ce que Five Kings a changé dans la perception du théâtre et du milieu, et qu’est-ce que ce projet va apporter à leurs postes de direction artistique. Pour Olivier Kemeid, le premier réel constat est arrivé lorsqu’ils ont décidé de prendre un acteur dans la quarantaine – en l’occurrence Patrice Dubois – pour jouer Richard III, car c’est l’âge que les rois avaient à l’époque. Il réalisait par le fait même qu’il exerçait le métier depuis plus d’une quinzaine d’années, qu’il n’était plus de la relève depuis un certain temps et qu’il faisait partie

intégrante de ce milieu théâtral. «Qu’on le veuille ou non, les rois, c’est nous. […] On ne peut pas uniquement se draper dans une posture où le pouvoir, c’est les autres. Non, le pouvoir, c’est nous. Et ça ne veut pas dire de faire taire la révolte en nous, de tuer la rébellion, mais bien d’apprendre à jongler avec tout ça.» Pour Frédéric Dubois, la méthode de travail autour de Five Kings a été des plus inspirantes, car pour une fois, ce n’était pas le cadre qui définissait le projet, mais bien le projet qui créait son propre cadre. «On devait nourrir le projet avec ce dont il avait besoin, plutôt que de faire le contraire. On se faisait dire qu’un spectacle de cinq heures avec quatorze acteurs c’était tout simplement impossible, et pourtant, notre méthode de travail insufflait une nouvelle vision du théâtre et nous amenait à briser nos réflexes de création classique.» Rappelons que Dubois avait justement créé sa propre compagnie de production – le Théâtre des Fonds de Tiroirs – alors qu’il commençait à peine son cursus au Conservatoire d’art dramatique de la ville de Québec. Sans nécessairement l’avoir créé en opposition avec sa formation classique, il s’est créé un espace de

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O9 / 2O16


LIEU CULTUREL POUR TOUS LES MONTRÉALAIS

TÊTES D’AFFICHES

MARIE-NICOLE LEMIEUX L’INVITATION AU VOYAGE – 4 octobre

OLIVIER KEMEID, PHOTO | DAVID OSPINA

MARIE-JOSÉE LORD, SOPRANO FEMMES 20 octobre

liberté qu’il trouvait essentiel d’entretenir. «S’il y a bien une école qui ne doit pas répondre à une logique de marché, c’est assurément une école de théâtre. Elle est là pour réfléchir, créer, “débraquer” les discours et proposer des espaces de liberté.»

LEWIS FUREY BRAHMS LIEDER 1er, 10 et 11 novembre pO

MICHEL CUSSON SOLO 19 novembre

PIERRE FLYNN SUR LA TERRE 9 décembre pO : petit Outremont

LETS INFO ET BIL

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Pour celui qui était à la tête du Périscope à Québec pendant les cinq dernières années, c’est dans cette optique qu’il envisage son rôle à l’École nationale de théâtre, avec cette volonté de ne pas seulement former des gens capables de répondre à un marché et à un milieu théâtral, mais aussi capables de réfléchir au théâtre et de l’interroger. Pour ce faire, il faut bien le connaître. «L’École doit arriver à dicter des tendances plutôt que de simplement répondre à des critères. […] Le mandat de l’École est clair, même 60 ans après sa fondation, l’utopie est la bonne, les moyens pour s’y rendre ont changé.» Celui qui succédera à Denise Guilbault a pris connaissance des nouvelles réalités des étudiants; bien que l’École soit prenante en soi, la bonne majorité travaille pour payer loyer et frais de scolarité. En ce qui concerne Olivier Kemeid, une de ses phrases a retenu notre attention dans le communiqué de presse soulignant sa nomination à la tête du Quat’Sous: «[J]e ne souhaite programmer que ce qui relève de l’absolue nécessité, ce qui est en phase avec les soubresauts, les tremblements du monde.» Questionné sur les tenants et aboutissants de cette «absolue nécessité», le principal intéressé s’explique: «Il s’agit simplement d’être alerte dans une société qui a besoin de voir des choses sur scène.» Ce dernier désire mettre un comité d’artistes en place, question d’échanger des lectures pertinentes et de créer le dialogue autour de différents textes, le tout dans l’optique de trouver les projets les plus porteurs pour ce théâtre qu’on désire ancré dans la cité.


15 scène VOIR MTL

VO1 #O8

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> Lorsqu’on aborde la question des programmations, rapidement la discussion glisse sur le rapport qu’entretient le milieu avec son public. Pour Olivier Kemeid, c’est plutôt clair: «Le milieu est tout simplement plus frileux que le public.» Chacun trouve que trop souvent, on propose des programmations complaisantes se drapant derrière le classique: «Oui, mais c’est mon public qui veut ça!» C’est le genre de phrase qui agace Frédéric Dubois au plus haut point; lorsqu’on sousestime le public, c’est le théâtre qui perd de sa pertinence. Il semble clair pour eux que le dialogue entre le spectateur et une proposition artistique se fait dans un respect intellectuel, visant assurément une élévation du discours plutôt qu’un abrutissement de l’auditoire. C’est une relation de confiance qui se tisse entre un théâtre et sa communauté, entre une école et ceux qui la fréquentent.

Ensemble, ils ont longuement discuté de l’importance d’un théâtre qui occupe le territoire, qui circule à travers la province, sortant par le fait même de ses œillères urbaines dont il s’éprend parfois trop. Ils ont évoqué la nécessité de voir ce théâtre se promener outre-frontière, d’errer dans les festivals à la rencontre d’autres publics et d’autres esthétiques. Ils ont rêvé d’une vraie réciprocité à l’international, d’un engagement clair à programmer des spectacles d’ailleurs, à inviter des metteurs en scène de partout à créer avec des artistes d’ici, le temps d’une production. Ils ont discuté, ils ont évoqué, ils ont rêvé: soudainement, l’entretien n’existait plus, mais un monde était à refaire, à revoir, à recréer, à repenser. Un matin d’août, le domaine du possible s’ouvrait devant eux et le théâtre y occupait une place nécessaire, essentielle. y

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l’aMour au teMps des chiens pour une troisièMe année consécutive, les chiens de navarre prendront d’assaut les planches de l’usine c À l’autoMne. forte du succès des spectacles QUAND JE PENSE QU’ON VA VIEILLIR ENSEMBLE et RACLETTE, présentés en 2014 et en 2015, la troupe s’aMène avec son nouveau spectacle, les arMoires norMandes, présenté du 21 au 23 septeMBre. MOTS | JÉRÉMY LANIEL

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


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Passée maître dans l’art du spectacle vivant, la troupe du metteur en scène Jean-Christophe Meurisse a maintenant huit spectacles à son actif. Raclette, premier spectacle créé en 2009, ne cesse de tourner et fut son ticket d’entrée un peu partout dans la francophonie. La pièce est simple: un groupe de voisins – tantôt ils seront des amis, tantôt des intellectuels désirant refaire le monde – s’attablent pour manger une raclette. Le repas chaud est servi à même la scène et la discussion part dans tous les sens. Voilà l’une des forces de ces Chiens de Navarre. C’est que la plupart du temps, le quotidien peut partir en couille. L’irrévérence est toujours au rendez-vous, ils n’hésitent jamais à pousser la blague ou le constat un peu plus loin que tout le monde. Avec eux, aucun texte n’est nécessaire. Les acteurs sont tous les auteurs des pièces qu’ils ont créées, alors que pendant le processus de création, une réelle écriture de plateau s’installe. Sans texte, l’improvisation est donc souvent de mise, les canevas pour les différents sketchs sont bien placés, mais après, qui sait où cela nous mènera? Fondé un peu à la manière d’un groupe rock, Les Chiens de Navarre sont d’abord l’idée de Jean-Christophe Meurisse qui, à sa sortie de l’École régionale d’acteurs de Cannes, ne trouvait pas son pied dans le milieu théâtral qu’il a sillonné quelque temps avant de créer sa compagnie. Au fil du temps, huit mauvais compagnons l’ont accompagné dans l’aventure. Leur plus récent succès fut la pièce Quand je pense qu’on va vieillir ensemble, inspirée d’abord du livre Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de l’auteur suédois Stig Dagerman. Il s’agit là du premier spectacle présenté par la troupe en sol québécois en 2014. Dans cette pièce par sketchs, l’Homme est décliné dans ses habits les plus grotesques: tantôt en entretien d’embauche, tantôt dans une séance de croissance personnelle; on désire toujours montrer le mariage entre l’instinct animal et les bassesses humaines. Avec leur huitième production, Les armoires normandes, Les Chiens de Navarre quittent les grandes tablées et les dynamiques de groupe pour sonder le plus intime: l’amour. Ce spectacle qui tourne depuis 2015 en France est un franc succès; leur analyse grotesque de la filiation amoureuse dans tous ses états n’est rien d’autre qu’un miroir de notre propre relation aux autres. Avec eux, le rire n’est jamais anodin. Bien qu’il puisse sembler trash, jaune, forcé ou un peu facile, force est de constater qu’on est tous un peu dans le coup, qu’aussi ridicule que puisse être la représentation, il y a un peu de nous là-dedans. Elle est justement là, la force de ces Chiens: ramener à la comédie et au théâtre le scalpel social. Courues à Montréal depuis deux ans et vues comme un secret bien gardé, les représentations des Chiens de Navarre ne s’éternisent jamais sur les planches de l’Usine C. Il y a là quelque chose comme un rendez-vous, presque un incontournable de la rentrée théâtrale. Ces Armoires normandes en première nordaméricaine devraient nous faire pleurer de rire, ou rire à en pleurer. Chose certaine, les Chiens déboulonneront rapidement et avec humour le peu de candeur et d’innocence que l’amour abritait encore. y

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18 chronique VOIR MTL

VO1 #O8

O9 / 2O16

éMilie duBreuil SALE TEMPS POUR SORTIR

le caucheMar haBite la porte d’À côté J’avais peur, j’étais anxieuse, il me faisait des menaces, il me traitait de christ de folle. Je ne me sentais jamais en sécurité à la maison. L’enfer. Ça m’a pourri la vie pendant des années. Il y a, dans notre existence ici-bas, toute sorte de loteries: l’amour, la santé, l’argent. On peut tirer le bon ou le mauvais numéro. Nos vies sont tissées de hasards. Dans la série des plaies d’Égypte aléatoires, il y a le tirage du voisin pénible, harcelant, malveillant. Un mal répandu contre lequel on n’a pas trouvé de traitement, pour lequel il n’y a pas de thérapies de groupe. Et pourtant… J’étais complètement désemparée. Je ne savais quoi faire, qui appeler, je me sentais toute seule dans cette galère, m’explique une lointaine cousine qui s’était acheté un appartement dans le Plateau Mont-Royal et qui vient de le vendre à perte avant de devenir folle. Je préférais perdre des sous que perdre la tête. Dès que je faisais du lavage, mon voisin venait cogner à la porte pour m’invectiver. Il trouvait que ma machine était trop bruyante. Il voulait que j’en achète une autre. Ça a commencé comme ça. Après, il s’est mis à dire que je ne devais pas marcher dans mon appartement après 11h, que je marchais trop fort! J’étais comme une femme battue. Quand des gens venaient chez moi, j’avais tellement peur qu’il fasse une scène, que je suppliais mes invités de ne pas faire de bruit, de fermer les portes avec délicatesse. Si je prenais une douche le soir, il faisait venir la police. Quand je le croisais, il me traitait d’éléphant. Moi aussi, j’ai commencé à faire venir la police, et puis j’ai pris un avocat. On a envoyé une mise en demeure qui n’a rien changé à l’affaire. Mon avocat m’a dit qu’un

procès me coûterait 25 000$. Je me suis dit: la vie est trop courte. J’abandonne. J’ai laissé cet appartement que j’adorais. Des histoires comme celle de cette cousine, j’en ai entendu tellement. Pourtant, on n’en parle pas souvent. C’est rare que ces petites misères, petits faits divers et petits drames fassent les manchettes s’il n’y pas de sang versé. Ce sont des histoires perdantes, parce que le méchant a le plus souvent gain de cause. Il gagne à la fin. Et on aime bien se faire raconter des histoires où le persécuté finit par triompher du mal. Or, ces récits cauchemardesques nous racontent l’histoire d’une société où ça, ce n’est pas vrai: où le gentil perd, où l’impunité règne et où la justice est parfois, surtout, au service de gens malveillants. Il y a quelques années, une de mes amies achète, à l’Île-des-Soeurs, l’appartement dont elle a toujours rêvé. Un soir, elle me demande si je suis libre pour souper. Au restaurant, elle me dit qu’elle est contente que j’aie accepté l’invitation. Elle ne veut pas rentrer chez elle avant 20h. Son voisin, me dit-elle, a une entreprise avec une dizaine d’employés qui travaillent de 8h à 19h30, au-dessus de chez elle. Il y a pas mal de bruit associé aux activités commerciales de l’endroit. L’entreprise a un site Internet et annonce ses services et la localisation de ses bureaux. Ma copine leur a d’abord parlé gentiment dans le corridor. Pourriez-vous s’il vous plaît baisser le niveau de bruit? C’est un immeuble résidentiel… Elle s’est plainte à la copropriété. Les autres voisins ont aussi déposé une plainte au propriétaire de l’entreprise. Résultat: ces derniers ont poursuivi l’agent d’immeuble en disant qu’il ne

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leur avait pas dit que l’immeuble était résidentiel. Ils ont aussi poursuivi la copropriété pour harcèlement, prétextant qu’il y avait un traducteur et un écrivain dans l’immeuble qui y travaillaient aussi. Je ne vous donne pas la fin de l’histoire. Cela pourrait révéler l’identité des personnes en cause. Et si je ne nomme pas de noms, ne donne pas de détails, c’est que les victimes de ces voisinages toxiques sont craintives. Les gens qui contournent la loi, qui intimident les autres, semblent toujours si bien s’en sortir. Ils distillent la crainte autour d’eux. On écœure le voisin, et puis? Et puis pas grand-chose. L’impunité. Il y a ce couple de retraités que je connais. L’automne, ils ramassent les feuilles sur leur terrain et, au printemps, ils plantent des géraniums. Les géraniums, ils sont de la même couleur que les volets de leur maison. C’est une jolie maison, toute coquette. Une fermette en zone verte. Le rang sur lequel ils habitent tombe sous la juridiction de la Commission du territoire agricole. Et, en principe, on ne fait pas ce que l’on veut en territoire agricole. Le nouveau voisin qui a acheté, ça doit faire deux ans,

«les règles, les lois, le respect des autres ne sont-ils faits que pour les petites gens?» s’est fait un site Internet et il loue la maison pour des évènements. Bals de finissants, mariages, etc. Des trucs qui impliquent de la musique jusqu’aux petites heures du matin, des cris, des feux d’artifice. Au début, le couple croyait que le nouveau voisin célébrait un truc spécial puis, les semaines passaient et, naïvement, ils se sont dits: il a une grosse famille qui vit beaucoup de chose cet été. Puis ils ont pitonné l’adresse sur Google. Pour se rendre compte que cette adresse était commerciale. Ils ont contacté le ministère du Tourisme. Le propriétaire de cette maison a-t-il un permis pour faire ça? Non. Ils ont contacté la Commission du territoire agricole, la municipalité, et ils ont attendu et enduré les grandes fêtes de l’été en se demandant s’ils allaient vendre leur propriété où ils n’étaient plus du tout bien et où le mot paisible s’évanouissait de façon récurrente. Il y a quelques semaines, vers minuit, ils ont téléphoné à la police. Ils ont fait une plainte officielle. La police leur a dit: On va émettre un constat, mais ça nous étonnerait que ça change quelque chose. Les règles, les lois, le respect des autres ne sont-ils faits que pour les petites gens? y

Le Royaume des animaux Du 6 septembre au 1er octobre 2016 Une coproduction du Théâtre de Quat’Sous et de LA FABRIK

Une comédie cruelle sur le déclin de l’Art et la déchéance des rapports humains. Texte Roland Schimmelpfennig Traduction Angela Konrad et Dominique Quesnel Mise en scène Angela Konrad Avec Eric Bernier, Philippe Cousineau, Alain Fournier, Marie-Laurence Moreau, Gaétan Nadeau, Lise Roy Concepteurs Loïc Bard, Juan Mateo Barrera Gonzalez, Angelo Barsetti, Catherine Béliveau, Carol-Anne Bourgon-Sicard, Linda Brunelle, Cédric Delorme- Bouchard, William Durbau, Simon Gauthier, Anick La Bissonnière, Marie-Audrey Jacques et Kenny Lefebvre

L’heure du conte

Les noctambules

Dimanche 18 septembre Pendant la représentation Activité gratuite pour les enfants des spectateurs avec Eve Landry. Réservation requise

Jeudi 15 septembre Après la représentation Discussion animée et chaleureuse avec le public. Entrée libre

Partenaire famille

THÉÂTRE DE QUAT'SOUS

100 avenue des Pins Est, Montréal Billetterie 514 845-7277 | quatsous.com

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Douloureuse cohérence Alors que le Duo électropop qu’elle forme Avec lAurence lAfonD-BeAulne, milk & Bone, est sur une Bonne lAncée Depuis plus D’un An, cAmille poliquin lAnce ce mois-ci le premier AlBum complet De son projet solo kroY. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTO | JOHN LONDOÑO (CONSULAT)

Scavenger est un disque chanté dans la langue de Shakespeare. La musicienne y explore bien les possibilités de l’électropop en s’aventurant parfois vers quelque chose de plus dance ou encore vers la ballade vaporeuse. Camille Poliquin nous explique que le disque représente bien sa recherche de cohérence chez KROY: dans le look (toujours du noir), dans les textes (souvent la mort et la douleur), dans les titres (toujours qu’un seul mot), etc.

Il suffit de regarder ses photos de presse et ses vidéoclips pour comprendre l’importance de la facture visuelle chez KROY. «Quand j’ai du temps, je regarde In Residence – une série de vidéos sur des architectes ou des designers qui nous montrent leur maison. C’est quelque chose que je voulais rendre aussi dans ce que je fais; que ce soit intéressant musicalement, mais que les gens se sentent interpellés visuellement.»

«C’est important d’avoir un rapport avec la qualité dans ce que je fais pour montrer que je ne m’en fous pas. Y a des projets qui appellent à être ben relax et les gens qui écoutent ça aiment le rapport relax qui vient avec, mais moi j’ai envie que ce soit bien mis et léché dans toute l’esthétique du projet.»

Temps mort La musique sur Scavenger est tout aussi soignée, Camille et ses réalisateurs Marc Bell et Pascal Shefteshy s’étant payé le luxe de prendre leur temps. Lorsqu’une chanson était sur les rails, les trois créateurs pouvaient parfois prendre des semaines avant de se revoir afin de bien la digérer. «C’est important d’avoir un temps mort dans le processus créatif pour s’assurer qu’on aime ça», explique la principale intéressée. «On est vraiment allés en profondeur, plus que sur le EP sorti il y a deux ans, poursuit-elle. On avait des soft synths et là c’est quasiment juste du synthé analogue. On a travaillé sur les textures. C’était le fun d’en beurrer trop et trois mois après d’enlever plein de couches pour amortir à sa simplicité.» Les textes assez sombres, parfois très imagés de Scavenger évoquent surtout les relations et les amours. Les paroles sont nées naturellement, avec le temps. Quand elle se sentait un peu déréglée,

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Comprends canneberges et figues séchés, et 8 grains biologiques.

LE PAIN MUESLI, COMPLICE DE VOTRE PETIT DÉJEUNER !

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Camille devait mettre ses pensées en chanson. «Tu sais, au primaire, t’apprends que ça prend un élément déclencheur et des péripéties, etc. pour faire une histoire. Pour écrire mes chansons, y a tout le temps quelque chose qui tombe, ce qui fait que mon bien-être est juste un peu off et si j’écris pas cette chanson-là, je ne pourrai pas me ramener droite. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu à provoquer ça, c’est juste arrivé.» Toujours dans un souci de cohérence, le titre de l’album est une bonne indication du matériel de Scavenger. En français, le mot désigne charognard. «Ce sont des animaux ou insectes qui sont souvent seuls et qui attendent la mort. C’est très imagé et ça peut décrire plein d’affaires qui peuvent se passer dans un contexte de relation. J’ai un vocabulaire qui tend vers ce genre de choses. Y a comme un spectre de la mort qui règne sur mes chansons en général!» Si Camille Poliquin cite l’album Third de Portishead comme grande inspiration musicale, on l’entend surtout sur l’excellente Days, une espèce de conte vampirique trip-hop. Autrement, la chanteuse marie sa voix douce et quelque peu enfantine à des ambiances électroniques très actuelles, recherchées. C’est le genre d’album où à chaque nouvelle écoute, on détecte de nouveaux détails. L’écho américain Alors que KROY présentera les chansons de Scavenger sur scène cet automne et cet hiver, on aura droit à un nouveau spectacle plus vitaminé, avec l’ajout d’un batteur et d’autres instruments. «Ces derniers mois, je ne voulais pas trop modifier le spectacle avant d’arriver l’album parce que je trouve ça le fun de donner aux gens une genre d’exclusivité, un spectacle qui n’a jamais été présenté. On veut monter un spectacle qui est en cohésion avec l’album.» Ce spectacle, elle souhaite le présenter partout en Amérique du Nord. Les États-Unis sont définitivement dans sa mire et il y a déjà de l’écho. Elle a fait un concert là-bas il y a quelques mois – la première partie de Cœur de pirate à Brooklyn – et elle vient tout juste de signer un contrat avec le label new-yorkais Honeymoon, qui chapeaute également Milk & Bone. Pour l’instant, travailler sur deux projets au grand potentiel en parallèle n’effraie pas Camille Poliquin. «Je tiens aux deux groupes énormément. On a décidé que je lançais mon album à l’automne alors que notre tournée se termine tranquillement et qu’on rentre en écriture pour Milk & Bone, pour un

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nouvel album possiblement l’année prochaine. Donc c’est super. Ça va me donner aussi le temps de voir où je suis capable d’aller avec KROY – essayer d’aller dans d’autres territoires – sans me mettre des bâtons dans les roues en ayant 12 tournées avec Milk & Bone et lancer mon album un peu dans le vide. C’est exactement ça que je voulais éviter.» y Scavenger (Dare To Care Records) Disponible le 23 septembre En concert le 23 septembre à Artgang

PETIT QUESTIONNAIRE POUR MIEUX CONNAÎTRE

KROY Quel est ton instrument de prédilection?

«Le synthétiseur. Ce que j’aime du synthé, c’est l’apprentissage. Quand je suis rendue au stade où je connais un synthé, j’en ai un autre qui devient mon synthé de prédilection. C’est une éternelle évolution.» Qui est ton idole musicale?

«Grimes, pas parce que j’ai envie de faire ce qu’elle fait, mais parce qu’elle est elle-même à 100%. La raison pour laquelle elle a tellement une place importante dans la musique et qu’elle a un impact chez les gens, c’est parce qu’elle assume complètement ce qu’elle fait. Elle a jeté un album au complet parce qu’elle a voulu faire quelque chose qui lui ressemblait plus.» Quelles sont les chansons de ta jeunesse?

«Wake Me Up When Septembre Ends (Green Day), My Immortal (Evanescence) et I Will Follow You Into the Dark (Death Cab for Cutie). Juste pour que les gens sachent à quel point je suis triste!»

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le côté oBscur De pop montréAl Au-Delà De l’étiquette inDie-rock qu’on lui colle à lA peAu encore AujourD’hui, le festivAl pop montréAl est un réel joYAu pour les mélomAnes Avertis puisqu’il réussit à Amener en ville Des légenDes DAns l’omBre et à créer De réels moments musicAux inouBliABles. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

En jasant avec Dan Seligman, directeur artistique de POP Montréal, on se remémore des concerts assourdissants, suants, brillants. Alors que le festival est né en plein cœur de la fameuse vague indie-rock où Montréal brillait à l’international grâce à Arcade Fire et à Wolf Parade, entre autres, POP Montréal s’est solidifié une réputation et est reconnu aujourd’hui davantage pour deux choses: présenter des genres musicaux qui n’ont autrement pas beaucoup de visibilité dans les festivals, ainsi qu’inviter chaque année des légendes musicales obscures qui ont influencé les plus grands. «Pour moi, personnellement, c’est toujours un défi de trouver des artistes calypso ou dancehall ou d’autres genres musicaux et de les mêler à la programmation de façon quasiment éducative en disant: ‘‘écoutez, la musique c’est bien plus que quatre gars blancs qui jouent de la guitare’’. C’est important de créer une ouverture d’esprit chez les gens par rapport aux différents styles de musique et d’avoir des groupes de partout dans le monde.» Aujourd’hui, POP fête ses 15 ans d’existence en présentant de la musique, oui, mais aussi des films avec sa branche Film POP, ses expositions et son incontournable foire artisanale, Puces POP. Parmi les 450 concerts cette année, il y a des dizaines de groupes émergents d’ici et d’ailleurs à découvrir, mais aussi des légendes musicales méconnues, qui représentent les plus grosses prises du festival. Wally Badarou, par exemple, est un musicien et réalisateur né en France ayant collaboré avec Grace Jones et travaillé aux fameux studios de reggae Channel One en Jamaïque. «Dans certains milieux, il est une légende, mais 99,9% des gens ne le con-

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

naissent pas, dit Dan Seligman. Je pense que POP a la réputation d’être avant-gardiste et d’aller chercher ces artistes obscurs qui ont beaucoup d’importance sous la surface de la musique populaire. Pour chaque David Bowie ou Prince – qui sont génies et ont été catapulté vers un succès grand public –, il y a tous ces génies qui font de la musique stimulante progressive vraiment intéressante dans l’underground et ils ont un impact sur cette scène.» POP Montréal se doit d’être davantage créatif au niveau de sa programmation puisque l’événement n’a pas les budgets des gros festivals de Spectra ou d’evenko. Ça prend souvent quelques années de négociation et bien des appels pour que les légendes de l’underground acceptent de participer à POP Montréal. Après des offres infructueuses il y a trois ou quatre ans, le membre fondateur de The Velvet Underground John Cale sera du festival cette année. «Il est totalement brillant et a fait des tonnes d’albums vraiment cool», commente Dan Seligman. En 2011, grâce à une bourse du gouvernement américain, POP Montréal organisait une soirée avec The Velvelettes et Ralph «Soul» Jackson. Il s’agissait d’un hommage au festival Ponderosa Stomp à la Nouvelle-Orléans qui met en lumière les légendes vivantes du rock n’ roll, du blues, du soul, du reggae. La grande guitariste texane Barbara Lynn n’avait pu être de cette soirée magique, mais quatre ans plus tard (l’année dernière), elle répondait positivement à l’offre de POP Montréal. «C’était le genre de truc qui se concrétise enfin après des années de travail. Elle est septuagénaire, n’a pas beaucoup d’argent et n’est plus habituée à voyager

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DAN SELIGMAN

pour faire des concerts alors elle était nerveuse, mais son spectacle était incroyable et elle a été si gentille.» Dans ce genre de cas, les artistes n’ont pas nécessairement une tournée planifiée autour de leur apparition à POP Montréal et le processus peut donc être plus complexe. «C’est un peu un travail d’enquêteur parfois. Quand les artistes n’ont pas d’agents ou quoi, tu dois prendre le téléphone et les convaincre. Une fois que c’est fait, il faut s’assurer que la personne a un passeport valide et tout.» Mais si ces artistes sont méconnus, est-ce le boucheà-oreille qui amène du public aux concerts? «Y a des mélomanes qui connaissent ces artistes qui sont excités de les voir à Montréal, ou encore des journalistes et des gens de l’industrie de la musique. Et puis, espérons-le, puisque c’est notre 15e année, nous sommes rendus au point où les gens se disent:

«‘‘Oh, POP Montréal est un super festival de musique, je devrais peut-être prendre une chance et aller voir quelques concerts.’’» Dan Seligman, qui a un excellent flair pour les talents de la scène locale, espère, encore cette année, vous faire découvrir des artistes jeunes et moins jeunes. «C’est ce qui est merveilleux en musique: y a toujours quelque chose à découvrir, même si c’est un band qui existe depuis 20 ans. J’espère que c’est ça l’essence de POP Montréal, découvrir un nouveau groupe cool du Mile End ou bien une légende qui a eu une influence majeure sur la musique pop comme John Cale.» y POP Montréal Du 21 au 25 septembre popmontreal.com


AtterrissAge De lA nAvette hABituellement Animé pAr l’explorAtion onDoYAnte sAns limites préDéfinies, le vAisseAu gAlActique AlAclAir ensemBle se pose sur un Astre DAvAntAge circonscrit Avec les frères cueilleurs. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | JERRY PIGEON


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«C’est l’album le plus rap d’Alaclair», admet Ogden, rejoint dans un mini-parc du Plateau avec ses collègues KNLO et Maybe Watson. «Pour nos deux derniers albums, on se permettait d’emprunter plein de directions. Là, on a voulu switch up la dynamique.» Initiatrice de l’étiquette post-rigodon, qui lui a servi de terrain de jeu et de rempart pour expérimenter moult alliages musicaux depuis ses tout débuts, la troupe qui regroupe également Vlooper, Claude Bégin et Eman assume davantage ses racines hip-hop sur ce quatrième album. Bref, plus que jamais, Alaclair Ensemble s’impose comme un groupe plutôt qu’un collectif étoile. «Quand tu regardes le overall picture et que t’écoutes nos projets solos, c’est facile de penser qu’Alaclair, c’est juste le croisement de nos univers complètement différents», explique Watson. «Mais on est vraiment un groupe de musique, une unité. Le dernier disque, c’est entièrement Vlooper qui l’a réalisé.» «Ça a été lui, le capitaine de l’équipe de basketball», image Ogden. «Dans une game, y a souvent un des gars qui la feel plus et qui est partout à la fois sur le terrain. Cette fois, Vlooper avait envie de tout niquer.» «C’est probablement l’œuvre du Saint-Esprit», blague KNLO. En vase clos Fruit de deux sessions d’enregistrement dans un chalet, l’une en juillet 2015 et l’autre en janvier 2016, Les Frères cueilleurs a profité d’une intense période de création en vase clos. Depuis la création des Maigres blancs d’Amérique du Noir en 2013, cette méthode de travail sert plutôt bien les membres d’Alaclair Ensemble, autrement impliqués dans une horde de projets. «Là-bas, t’as rien d’autre à faire que ça», relate Ogden. «T’as pas de rendez-vous de prévu, t’as pas d’Internet, t’as pas de blonde à aller voir...» «La productivité est exponentielle», confirme KNLO. Ainsi imposée, la bulle créative donne lieu à de multiples «brainstorms spontanés», souvent initiés par des anecdotes intestines. Fondateur de la ligue de street impro Le Punch Club, Ogden compare ces moments à la célèbre catégorie «fantasme de joueur», qui donne l’occasion à un improvisateur de réaliser «un vieux rêve de joueur» sur scène. La conclusion de l’album, DWUWWYL (acronyme signifiant Do What U Want With Your Life), en est un bon exemple. «On était dans un club relativement vide, pis il y avait un gros beat uptempo qui jouait dans la place», se rappelle KNLO. «Wats pis moi, on a commencé à délirer en chantant à répétition le refrain de la track. C’est ça qu’on a voulu reproduire.»

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Exilé en Ontario, le producteur Mash (omniprésent sur le classique premier album du groupe 4,99) a lui aussi laissé sa trace sur Les Frères cueilleurs, même s’il n’a pas pris part aux retraites de création dans les chalets. Son expression fétiche a inspiré ses six acolytes à créer une chanson en son hommage. «Mash vit dans le anglo side, et il répète toujours qu’il fait ses choses comme un humble French Canadien» raconte KNLO, sourire en coin. «On a adapté son expression à notre sauce. Quand tu veux un bon repas et une bonne bière, t’es juste un humble French Canadien.» Structure plus organisée Le groupe poursuit avec ingéniosité sa relecture loufoque et conceptuelle de l’histoire canadienne, et il en développe d’ailleurs de nouvelles facettes sur cet album, notamment par l’entremise du titre qui renvoie directement à la chimie fraternelle des membres. «C’est un hommage aux Frères chasseurs», explique Ogden, à propos de cette organisation paramilitaire fondée par son alter ego Robert Nelson en 1838. «C’est ça qui a permis aux patriotes de faire une vraie tentative de révolution. Avant ça, leur structure était trop désorganisée. Près de 200 ans plus tard, nous, on reprend ça parce que, comme eux, on recherche la bonne fibre alimentaire et monétaire. Par contre, on sait assurément qu’en 2016, les Frères chasseurs seraient devenus des vegans… et donc des Frères cueilleurs!» Le titre témoigne également de la structure maintenant plus organisée du Alaclair High. Signé sous l’étiquette 7e Ciel, le supergroupe fait paraître pour la première fois un album en magasin. «Il y a des notions très pratiques qui ont expliqué notre fonctionnement dans le passé», explique Ogden. «Sortir 4,99 gratuitement sur Bandcamp, c’était une décision très spontanée. Pour les autres albums, on a fait la même chose parce que c’était juste plus simple comme ça. Mais après plus de cinq ans d’existence, la dynamique change. Comme un couple, on a passé la pure excitation du début, et fallait faire des ajustements pour être heureux. On a donc mis à jour l’infrastructure bas-canadienne.» Plus fixe et ordonné, le vaisseau des Frères cueilleurs a désormais tout en son pouvoir pour mener la révolution qu’il a en partie instaurée sur la scène hip-hop québécoise, au tout début de la décennie. y Alaclair Ensemble Les Frères cueilleurs Disponible le 2 septembre Lancement le 16 septembre au Club Soda

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stimulAtion créAtive iggY pop serA à montréAl ce mois-ci. l’énergique sexAgénAire ne vient pAs en ville pour fAire un concert, mAis Bien une conférence. pour qui? pourquoi? pour lA reD Bull music AcADemY. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTO | DAN WILTON / RED BULL CONTENT POOL

L’événement principal dure plus d’un mois et est composée de concerts inédits, d’expositions ainsi que d’ateliers et de conférences autour de la création musicale. À l’année longue, la RBMA propose aussi plein d’événements secondaires à travers le monde ainsi qu’une radio qui diffuse des entrevues et des festivals musicaux, par exemple. En quelque sorte, l’événement est en deux temps: ça se passe de soir, les concerts ouverts au public cette année, on présente la première collaboration de Tanya Tagaq et A Tribe Called Red sur scène, par exemple - et de jour - des ateliers et conférences, aux quartiers généraux du Centre Phi.

Puisque la RBMA se veut tout d’abord être un lieu d’apprentissage – d’où Academy –, les conférences et ateliers sont réservés aux participants de l’événement (à quelques exceptions près, dont, heureusement pour vous, la conférence d’Iggy Pop!). Ceux-ci sont des dizaines de jeunes artistes provenant d’un peu partout dans le monde et qui œuvrent pour la plupart en musique électronique. Pendant deux semaines, une première cohorte de participants prend part à l’événement, puis la deuxième cohorte y participe les semaines suivantes. Les participants passent leurs journées en «classe»: ils écoutent des conférences et ont des ateliers. La liste de conférenciers est assez exceptionnelle à la RBMA.


Dans le passé, on y a vu Brian Eno, Nile Rodgers, Kim Gordon, Erykah Badu et James Murphy, par exemple. Puisque ces conférences durent plus d’une heure, les conversations sont loin d’être qu’en surface. Bref, les étudiants de la RBMA sont appelés à écouter les conseils des grands et à les mettre en pratique lorsqu’ils se sentent inspirés. Pour ce faire, ils ont accès à des studios à la fine pointe de la technologie – présentement en construction au Centre Phi. C’est cette idée d’offrir à la relève les outils et les idées nécessaires pour stimuler la création qui a été l’élément déclencheur de l’institution qu’est devenue la RBMA. Si l’on revient à la fin des années 90, Torsten Schmidt était alors éditeur d’une publication à Berlin. À l’époque, il y avait un mouvement où les jeunes prenaient d’assaut les rues pour faire la fête ou encore faire des compétitions de breakdance, par exemple. Intrigués par ce mouvement de rue, des dirigeants de Red Bull ont voulu mettre sur pied un événement qui mettrait en valeur ces jeunes créatifs (leur public cible) et ont approché Torsten Schmidt pour ce faire. L’événement original serait présenté par Red Bull, mais mis sur pied et dirigé par des acteurs de la scène berlinoise pour la scène berlinoise. Réalisant le manque flagrant de «vraie» éducation pour les jeunes musiciens en électro à cette époque, Torsten Schmidt a proposé le concept original qu’est devenu la RBMA. «Internet était assez lent à l’époque et il n’y avait pas vraiment de littérature adéquate, nous a-t-il expliqué alors qu’il était de passage en ville en février dernier. Si tu voulais apprendre la culture pop dans une université allemande, tu en apprenais davantage à propos des citations de Deleuze qu’à propos de la vraie culture du moment. Il y avait un manque: les écoles d’ingénieurs sonores étaient très mauvaises et les écoles de DJ étaient encore pires. Nous nous sommes dit: ‘‘Ok, il y a clairement un vide à combler, pourquoi ne pas donner la chance aux jeunes de vraiment prendre le temps de discuter de musique, de méthodes et d’approche créative avec des artistes?’’» Les premières années de la RBMA ont été déterminantes. À la toute première édition à Berlin en 1998, les participants étaient tous locaux, mais dès l’édition suivante, les étudiants provenaient de huit pays différents. Torsten Schmidt et son cofondateur Mani Ameri ont alors remarqué que les gens de pays étrangers se mêlaient bien aux autres. En 2000, la RBMA s’installait à Dublin et a ainsi débuté le cycle nomade de la RBMA où les participants s’imbibent de différentes cultures. Pour les participants, les conférences de la RBMA (en général deux par jour d’une durée de 90 minutes) permettent de vivre des moments inoubliables. Les artistes invités à faire les conférences sont parfois des légendes vivantes comme Giorgio Moroder ou des musiciens chevronnés comme la percussionniste Sheila E. (musicienne de Prince et de Lionel Richie, entre autres). À Paris, lors de l’édition 2015, cette dernière et Torsten Schmidt (à l’animation) ont su retracer ses influences grâce à l’écoute attentive d’extraits musicaux créoles et latins. La musicienne a alors compris avec nous comment elle est arrivée du point A au point B: les liens entre son héritage latin et ses fous solos de batterie. «Il y a de bonnes chances que, en tant que jeune musicien, tu n’oublies pas ce genre de moment et que tu te comprennes l’importance d’inclure dans ta musique tout ce qu’il y a dans ta vie, parce que ça te suivra dans ta carrière.» Les participants de la RBMA 2016 s’imbiberont de Montréal et des artistes invités dès le 24 septembre. y La RBMA s’installe au Centre Phi du 24 septembre au 28 octobre 2016.

Des concerts et événements sont prévus un peu partout en ville. redbullmusicacademy.com


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en pAix Avec pAs D’cAsque De retour sur Disque Avec effets spéciAux, le groupe folk montréAlAis Avec pAs D’cAsque tente une Approche vers lA lumière. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

«On a vraiment un public réceptif et attentif. Y a eu un moment récemment où on jouait sur scène et j’étais intimidé. Agréablement intimidé, là!», lance Joël Vaudreuil, batteur de la formation Avec pas d’casque. L’effet apaisant du folk du quatuor montréalais se vit mieux en formule intimiste, dans de petites salles où il y a davantage une communion entre le groupe et le public. Ou bien «dans la nature jusqu’au cou», à l’Anse à la barque à Tadoussac ou au Quai de Baie-Saint-Paul, par exemple. Idéalement, il faut que la scène et l’espace rendent bien la magie sereine que dégage la musique d’Avec pas d’casque.

PHOTO | JÉRÔME GUIBORD

«Ça ne nous servirait à rien de devenir un groupe qui joue dans des immenses salles où on est loin du public», ajoute Joël, également illustrateur et cinéaste, qui a appris à jouer de la batterie au sein de ce groupe formé au début des années 2000. Le premier album d’Avec pas d’casque chez son label Grosse boîte, Trois chaudières de sang, était lo-fi pas à peu près. Stéphane Lafleur, chanteur, guitariste et parolier du groupe, s’étouffe dans son café quand on mentionne qu’on a réécouté cet album récemment. «On l’avait fait dans mon salon avec


> deux micros très cheap, dit-il. C’était ça, les moyens à ce moment-là, et c’était ça l’esthétique qui venait avec l’inexpérience. Avec le temps, on fait semblant qu’on sait ce qu’on fait. On le sait un peu plus à chaque fois. Mais y a aussi une part d’improvisation et d’essais-erreurs.» Au fil des années, d’album en album, le public québécois s’est accroché de plus en plus à la poésie éloquente de Stéphane Lafleur et à la finesse des musiques qui l’entoure. Astronomie, sorti en mars 2012, a eu un succès d’estime important (remportant entre autres le Félix du Prix de la critique cette année-là), sa durée de vie a été plus longue que ses prédécesseurs et son impact a été faste. Le public s’est senti interpellé par les textes d’Astronomie qui, quoique écrits bien avant le Printemps érable, ont eu une forte résonance dans ce contexte social particulier. Cet album aura donc permis à Avec pas d’casque de monter quelques marches. «On a toujours fonctionné par bouche-à-oreille et, inévitablement, depuis le début, je vois une croissance organique qui n’est pas rapide, mais qui est plus naturelle et gérable», dit Stéphane, avant que Joël ajoute: «C’est pas comme si on était allés jouer en région dans une salle où y avait cinq personnes et la fois suivante c’était 5000. En général, y a six personnes de plus à chaque fois!» On arrive donc à ce quatrième effort, Effets spéciaux, mis en place une fois de plus avec les musiciens Nicolas Moussette (lap-steel, basse) et Mathieu Charbonneau (claviers, baryton). Ce dernier, qui a joint les rangs d’APDC il y a quelques années, prend plus de place cette fois-ci. «Il est arrivé par la porte d’en arrière à la fin de la tournée de Dans la nature jusqu’au cou (album sorti en 2008). Sur Astronomie, il est là beaucoup, mais de façon discrète. Là, on voulait que le clavier soit assumé, que ce soit pas juste des synthétiseurs en arrière qui accompagnent, mais plutôt des vraies partitions.» Si l’on retrouve sur Effets spéciaux ce rythme lent qui caractérise si bien le groupe, il y a aussi sur l’album quelques éclats plus «exotiques» – si l’on peut dire – alors que débarquent, par exemple, des bols tibétains sur l’un des titres. «On a exploré pour le fun, dit Joël. Nicolas a amené les bols tibétains. On a essayé et c’était parfait pour la chanson.» Puis, à un autre moment, ce sont les congas qui résonnent sur Derviches tourneurs, le premier extrait du disque lancé en mai, et sur un autre titre. En Europe, derviche tourneur désigne un membre de l’ordre musulman Mevlevi qui danse la Sama’, performance lors de laquelle il tourne en rond à la manière d’une toupie. «J’en ai vu en Turquie, précise Stéphane. Quand tu vois ce genre de spectacle, t’es étourdi pour eux. Ils tournent et tournent sur place pendant une heure. Et c’est un peu comme ça que je me sentais au moment d’écrire la chanson! Ça représente le moment quand la tête arrête de tourner.» S’il dit ne pas avoir eu d’agenda ou d’objectif précis pour la confection de ce nouvel album, Stéphane Lafleur dévoile qu’il y a une constante dans son désir d’évoquer le paisible, la lenteur, la paix d’esprit. «Ce qui planait au-dessus des chansons, c’est plus une thématique autour de ‘‘trouver une tranquillité’’. Les mots lumière et lentement reviennent pas mal.» «C’est mieux que mort et sang!», lance Joël, faisant référence au fameux Trois chaudières de sang. Allez en paix avec pas d’casque. y Effets spéciaux (Grosse boîte) Disponible le 2 septembre



33 musique VOIR MTL

VO1 #O8

De Brosse en Brosse à BorD De leur vAn juDicieusement nommée l’émeute, les quAtre AlcoolYtes De quéBec reDneck BluegrAss project pArcourent lA province De long en lArge Depuis le DéBut De l’été. le foie pAré à toutes intempéries, l’équipe Du voir s’est jointe à l’Aventure, le temps D’un mémorABle Aller-retour à vAl-DAviD Aux épisoDes progressivement flous. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

Jeudi 11 août en milieu d’après-midi, Nick The Flame (alias Capitaine Cool) nous attend dans l’escalier de son appart du Plateau. Seul membre du groupe saguenéen à habiter la métropole, le mandoliniste multiplie les périples illogiques depuis le début du Réguine Tour. «Là, on s’en va dans les Laurentides, mais faut d’abord qu’on passe par Joliette pour rejoindre la van. On s’entend que ça a pas vraiment de sens!», admet-il, en riant. «Ça a l’air con de même, mais c’est là qu’on joue samedi, et vu que la van retourne toujours au Saguenay, j’ai pas ben ben le choix.» Jusqu’à maintenant, l’été 2016 est un feu roulant de kilomètres, de musique et de houblon pour le groupe, complété par la violoniste Madeleine Bouchard, le contrebassiste Frank Gaudreault ainsi que le chanteur et guitariste JP «Le Pad» Tremblay. Uniquement entre le 28 juillet et le 8 août, QRBP a sillonné la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay– Lac-Saint-Jean et la Baie James. «À la Baie, c’était malade! Il y avait à peu près 35 personnes dans la salle, mais on a donné un show comme si on était au Rockfest», raconte Nick, actionnant du même coup une playlist trash metal.

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«En plus, c’tait un lundi soir, fait que les travailleurs avaient toutes la tête dans le cul le lendemain matin. Frank pis moi, on les saluait en buvant de la bière dehors.» Avec des titres de chansons comme Chu ben plus cool su’a brosse, L’cœur su’a main, l’foie dans l’autre et Je r’lève de brosse, QRBP cultive son image de groupe de party avec constance, redoublant d’ardeur en spectacle grâce à une formule fougueuse et simple, au croisement du punk, du trad et du bluegrass. Si les dérapages sont moins nombreux qu’avant (Frank aurait soi-disant cessé de «s’endormir sur sa basse»), ils alimentent encore le côté mythique du groupe. En Gaspésie, lors du Festival western de Bonaventure, le quatuor a donné raison d’être au nom de sa van. «Ça a super ben viré…», relate le mandoliniste, aussi sarcastique qu’amusé. «L’affaire, c’est que là-bas, y a ben des bagarreurs pis des cowboys. Pas trop loin, à Paspébiac, ils disent que si t’as toutes tes dents dans yeule, t’es soit un peureux, soit une femme… Bref, nous autres, on commence à jouer vers minuit et demi dans une grosse crisse de grange, alors que tout le monde est pas mal déjà ben

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chaud. Dès qu’on part, ça se met Ă se taper la yeule. Ă€ plusieurs reprises, JP arrĂŞte de jouer pour dire aux gens de se calmer. Au climax, quand on part Chu ben plus cool su’a brosse, les agents dĂŠcident qu’ils en ont assez pis ils coupent le son. La foule a complètement pĂŠtĂŠ les plombs‌ Quelques-uns ont commencĂŠ Ă arracher la rampe de sĂŠcuritĂŠ pour venir sur le stage avec nous finir la toune a capella. Les agents perdaient totalement le contrĂ´le! Il y a quatre chars de police qui sont dĂŠbarquĂŠs pour vider la place. Nous, on capotait de voir Ă quel point c’Êtait ĂŠpique.Âť S’amorçant Ă Kunming en Chine il y a près d’une dĂŠcennie, l’ÊpopĂŠe QRBP carbure aux histoires abracadabrantes. Alors qu’on se bute Ă un autre incomprĂŠhensible bouchon de l’heure de pointe au sortir de l’Île de MontrĂŠal, Nick raconte la genèse rocambolesque du projet: ÂŤMoi et Charles Hudon, l’un des membres fondateurs, on est partis en voyage pendant trois ans après le cĂŠgep. On est arrivĂŠs en Chine quelque part en 2004 et on a vraiment tripĂŠ. Après ça, on s’est inscrits Ă l’UniversitĂŠ de MontrĂŠal en sciences politiques et on s’est dĂŠgotĂŠ des bourses pour retourner lĂ bas. C’est lĂ qu’on a rencontrĂŠ Didier Dessureault, un autre membre fondateur, avec qui on voulait se partir un band. C’est lui qui nous a mis en contact avec JP. Ă€ ce moment-lĂ , il ĂŠtait aux Philippines, mais il s’est fait convaincre de venir Ă Kunming parce que la bière ĂŠtait pas chère.Âť

9RXV YLYUH] XQH H[SĂ„ULHQFH LQRXEOLDEOH

DĂŠcembre 2006, le groupe se forme et, rapidement, le cĂ´tĂŠ exotique de ces crazy French Canadians interpelle les ÂŤexpat et les ChinoisÂť. ÂŤOn s’est construit une rĂŠputation de partyÂť, poursuit notre chauffeur. ÂŤOn avait cinq-six bookers indĂŠpendants qui nous bookaient des shows, autant des gros stages extĂŠrieurs devant 8000 personnes que des shows corpos comme le Salon de l’automobile. Nous, on n’avait pas peur de faire des fous de nous autres. Souvent, les compagnies pensaient mĂŞme qu’ils nous faisaient venir du Canada, alors elles sortaient le gros cash.Âť ArrivĂŠs au Sim’s Irish Pub de Joliette, on aperçoit L’Êmeute – radieuse, tel que prĂŠvu. Mais le dĂŠpart n’est pas pour tout de suite. Bien assis dans le bar devant un rack d’ailes de poulet, JP, Madeleine, Frank et leur roadie Victor terminent une pinte de bière. ÂŤOn a-tu le temps d’en prendre une autre?Âť, demande Nick. ÂŤBen oui, c’est juste Ă une heure et quart de routeÂť, rĂŠpond JP, sourire en coin. Il est actuellement 17h15, et le test de son a lieu Ă Val-David Ă 18h. C’est ce qui s’appelle avoir le sens des prioritĂŠs. y La suite du pĂŠriple sur voir.ca

TWG (WNNWO /QPVTĂ…CN YYY NGRGVKVDKUVTQ EC


2016-06-29 9:36 AM Page 1

MONTRÉAL VO1 #O1

2016-08-19 3:16 PM Page 1

MONTRÉAL VO1 #O6 | JUILLET 2O16

LA QUESTION RACIALE AU THÉÂTRE FRANCOUVERTES HIP-HOP QUÉBÉCOIS MONTRÉAL EN LUMIÈRE L’ENTOMOPHAGIE RAGNAR KJARTANSSON CINÉMA ÉROTIQUE DOSSIER: MÉDIAS LOCAUX VS GÉANTS MONDIAUX

OFF-FESTIVALS OSHEAGA NUITS D’AFRIQUE ZOOFEST ZONE HOMA BROMANCE AU CIRQUE RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE EN GASPÉSIE FEUILLES MORTES DU POTAGER À L’ASSIETTE CE QUE MANGENT (VRAIMENT) LES CHEFS DOSSIER VIE DE TOURNÉE

CHARLOTTE CARDIN

KING DAVE

2016-07-13 2:51 PM Page 1

MONTRÉAL VO1 #O8 | SEPTEMBRE 2O16

MONTRÉAL VO1 #O7 | AOÛT 2O16

J’AIME HYDRO OLIVIER KEMEID & FRÉDÉRIC DUBOIS LES CHIENS DE NAVARRE QUÉBEC REDNECK BLUEGRASS PROJECT AVEC PAS D’CASQUE RED BULL MUSIC ACADEMY VALAIRE POP MONTRÉAL ALACLAIR ENSEMBLE ROBERT MAPPLETHORPE ANDRÉ FORCIER JOHN WATERS OMNIVORE FRANÇOIS CHARTIER

DOSSIER LES MUSICIENS DU PIXEL LE SANS-ALCOOL DÉBARQUE 3/4 OZ UN HISTOIRE HIPPIE DES FRAISES EN JANVIER MAG(M)A COMPAGNIE BILBOBASSO RIEL BENN KLÔ PELGAG BOB WALSH VIRÉE CLASSIQUE OSM

KROY

MON AMI DINO

CECI EST MON VOIR LIVRÉ POUR VOUS ENCOURAGEZ LA CULTURE D’ICI ABONNEZ-VOUS! TARIFS ABONNEMENT ANNUEL (TAXES INCLUSES) 67,83 $ = 12 NUMÉROS 89,68 $ = 12 NUMÉROS + GUIDE RESTOS 148,31 $ = 12 NUMÉROS + GUIDE RESTOS + VIP 40 % BOUTIQUE VOIR 12 MOIS

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revoir son iDentité ArBorAnt un nouveAu nom qui esquinte le misteur pour ne lAisser que vAlAire, le quintette électro-pop revient Avec un nouvel AlBum influencé pAr le soleil De lA louisiAne, OOBOPOPOP. MOTS & PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Les gars de Valaire (anciennement Misteur Valaire, nous y reviendrons) se passent de présentation. Depuis Mr. Brian, paru en 2005, la bande a accumulé les succès et atteint un sommet de popularité avec l’excellent Bellevue, qui souffle déjà cette année trois chandelles. Alors qu’ils passent leur été à Québec aux côtés de FlipFabrique pour présenter Crépuscule – Raviver les braises, où ils livrent leur musique en direct, les cinq musiciens s’apprêtent également à lancer leur cinquième album studio.

Lorsque questionnés au sujet de leur nouveau baptême, les membres du groupe n’ont pas à chercher bien loin: «On voulait un vent de fraîcheur, un ménage du printemps, m’explique François-Simon Déziel. C’est clair que c’est pas une grosse différence, mais on trouvait ça plus efficace. Dans le contexte d’un nouvel album plus frais, aussi, ça sonne plus direct.» Il faut dire qu’ils portent le Misteur depuis le cégep, et on peut comprendre qu’ils s’en soient lassés. Louis-Pierre Phaneuf, pour sa part, ajoute:


37 musique VOIR MTL

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«Faut dire qu’on va beaucoup jouer dans d’autres pays, et que ça peut devenir compliquer de t’identifier quand il faut constamment que tu épelles le nom de ton band. On pouvait pas changer complètement pour être reconnaissable, alors Valaire est venu tout seul.» Mais qu’en est-il de ce nouveau son plus «frais» aux dires des principaux intéressés? Oobopopop, bien qu’on y reconnaisse immédiatement le style de Valaire, est définitivement un album différent des récents opus de la formation. Voulant créer quelque chose de neuf, les cinq acolytes ont décidé de se faire un vrai road trip de groupe. Quittant les froids glaciaux de notre mois de février, ils ont embarqué leur équipement de studio dans une remorque, ont roulé pendant trois jours d’affilée et se sont installés avec leur réalisateur Loïc Thériault dans une maison qu’ils ont louée en Louisiane pour l’occasion. La chaleur et l’ambiance de cet emplacement ont teinté l’album, c’est indéniable. François-Simon développe: «On a vraiment misé gros sur les cuivres, les percussions, beaucoup de sons plus organiques. On n’a pas laissé de côté l’électro, au contraire, mais il y a quelque chose de plus cru, si on veut.» La pré-

VENEZ P R O F ITE R D E S ACTIVITÉS ARTISTIQUES

AU CAFÉ C E N T R E D ’A R T

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sence répétée du chanteur Alan Prater (The Brooks) rajoute également une touche r’n’b qui ne déplaît pas. «Il y a aussi toute la recherche de vinyles pour le sampling qu’on a faite sur place qui a donné une couleur particulière à l’album, glisse Julien Harbec. En allant chercher des textures là-dedans, c’est certain que ça paraît au final sur l’album.» Pour ce qui est de la composition en soi, chacun apporte son grain de sel, ses idées. C’est un processus qui est complètement collaboratif, par opposition à certains groupes où l’un des membres assure une composition presque fixe à laquelle se greffent les apports des autres membres. Dans leur maison louisianaise, les gars s’envoyaient constamment par Internet des idées qui finirent par construire ce nouvel album. «On était tous juste à côté, mais on se parlait pas, on était ben concentrés sur nos affaires. Un peu comme le groupe Postal Service, mais à un mètre un de l’autre!» y Oobopopop (Indica) Disponible dès le 16 septembre 2016

Lancement le 15 septembre au Blvd44 (Montréal)

PANO RAMA D È S O C TO B R E ,

VO1 #O8

Spectacles intimistes pour un instant découverte

CLA SSI QUE CAFÉ Concerts de musique classique

LES IDÉA

LISTES

Rencontres d’échanges artistiques sur un thème donné

Programmation complète

boucherville.ca/ccart


38

à écouter ★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL

les Deuxluxes SPRINGTIME DEVIL (Bonsound) ★★★★

helenA DelAnD DRAWING ROOM

thee oh sees A WEIRD EXITS

(Chivi Chivi)

(Castle Face)

★★★ 1/2

★★★ 1/2

Encore un album de folk québécois? Oui, mais celui-là est différent. Avec sa voix singulière, si douce et pure, Helena Deland transpercera les cœurs de pierre et les mélomanes blasés à la recherche du prochain projet révolutionnaire. Son instrument qui lui vaudra peut-être des comparaisons avec Feist, surtout sur la pièce titre, insuffle une bonne dose de personnalité à sa pop intimiste sans flafla et ultra sincère. Alors que les quasichuchotements de Baby consolent, la guitare électrique salement sensuelle et aux accents blues de Aix crée un contraste extrêmement riche. On navigue dans ce trop court EP apaisé et content, curieux (aussi!) de voir comment se déploie un pareil don sur une scène. (C. Genest)

solAwA SOLAWA (Malasartes)

Anna Frances Meyer (voix, guitare) et Étienne Barry (batterie, guitare et voix) s’offrent enfin un premier album complet, Springtime Devil, deux ans après la parution de leur EP Traitement Deuxluxe qui les a révélés à la scène montréalaise. Dire que le duo est «explosif» serait un euphémisme, puisque l’auditeur entre dans un univers langoureux, enfumé, tantôt brutal, tantôt sensuel, où cuir et paillettes côtoient talons aiguilles et coiffes de cowboy-girl. Quelque part entre Wanda Jackson, The Pack A.D. et The Detroit Cobras, Les Deuxluxes se dévoilent avec leur tour d’horizon rock aux accents garage, rockabilly et rhythm’n’blues. La voix envoûtante de Meyer, les guitares assurées, la batterie marquant le pas avec retenue, tout est mis en œuvre pour nous guider à travers cette – trop courte! – épopée sur les terrains accidentés du rock. (J. Ledoux)

★★★ 1/2

Aux racines autochtones, québécoises, iraniennes ou argentines, les mondes du quintette Solawa se fusionnent comme par magie dans une musique créative, dépaysante à souhait, mais avec des repères qui célèbrent encore la diversité montréalaise. En espagnol, en cri, en anglais et en français, on entend la captivante Moe Clark, une artiste métisse qui se livre aussi dans un spoken word pertinent et poétique. Pour lui donner la réplique, la voix rocailleuse du saxophoniste Damian Nisenson, un valeureux briscard qui semble avoir bourlingué sur toutes les mers du monde avec son jazz au cœur et, dans son baluchon, des folklores juifs ou latins. Ce premier volume inégal et parfois génial rassemble des éléments hétéroclites comme la contrebasse, la harpe celtique et les percussions persanes. Un hymne au soleil. (R. Boncy)

Le groupe psyché garagepunk remet le couvert avec un 17e effort depuis ses débuts sur disque en 2003. La formation californienne, toujours menée par le guitariste et chanteur John Dwyer, demeure assez fidèle au son qu’elle a toujours préconisé, c’est-à-dire des voix pleines de réverbération et de violentes salves de guitares saturées venant secouer les fondations avant de calmer un peu le jeu pour mieux repasser à l’attaque. Cette fois-ci cependant, le combo, renouvelé depuis le départ de trois membres clés en 2013, bénéficie de l’appui de deux batteurs et c’est une différence qui a du poids. L’accent est mis sur le classique guitare-basse-batterie avec peu de voix et de claviers. A Weird Exits, c’est huit titres oscillants entre de plus ou moins longues envolées lysergiques garage et une poignée de courtes et nettement plus excitantes décharges soniques. (P. Baillargeon)

j hAchA De ZolA PICARO OBSCURO (Indépendant) ★★★★ Deuxième opus pour le chanteur et guitariste originaire du New Jersey J Hacha de Zola. Si le premier (Escape from Fat Kat City) sonnait presque comme un hommage à The Doors, ici, l’influence principale est bien celle de Tom Waits. Mais si de Zola a des influences, il a aussi du talent, et il sait s’entourer; on retrouve parmi la douzaine de collaborateurs qui l’accompagnent deux comparses de Waits, le souffleur Ralph Carney et le multi-instrumentiste David Coulter, de même que des membres du groupe de «psycho-mambo» Gato Loco. Il y a là du country comme on le chante à l’heure du last call, du reggae de New York, un type qui parle dans un mégaphone et, finalement, un personnage à découvrir. (R. Beaucage)


39 Disques VOIR MTL

AlAclAir ensemBle LES FRÈRES CUEILLEURS

D. jAnke/m. fewer CELESTIAL BLUE

(7 e Ciel)

(Centredisques)

★★★★

★★★★

Revitalisés par leurs projets solos et connexes (Rednext Level, Eman X Vlooper), les six acolytes d’Alaclair Ensemble proposent un quatrième album plus cohérent et homogène que le décent mais discordant Toute est impossible paru en 2014. Animé par le groove imparable du soul et du funk, le producteur Vlooper, qui prend ici les commandes de l’essentiel des compositions, s’amuse à déjouer constamment les attentes de l’auditeur avec des structures de chansons irrégulières, menées par des transitions fluides et ingénieuses. Habiles défricheurs de flows, Ogden, Maybe Watson, Eman et KNLO font preuve de théâtralité et de polyvalence au micro, palliant ainsi le manque de refrains accrocheurs et la présence plus effacée de Claude Bégin. (O. Boisvert-Magnen)

Ce ne sont pas des «blues célestes», mais les musiques du pianiste Daniel Janke ont tout de même des racines dans la culture populaire. Elles sont cependant déconstruites, et Janke arrive même à nous présenter un arrangement de V’là l’bon vent qui nous la montre sous un tout nouveau jour! Le compositeur ontarien et le violoniste Mark Fewer, originaire de Terre-Neuve, laissent passer dans leur jeu quelque chose comme un feeling folk qui est, contre toute attente, amplifié par l’utilisation dans certaines pièces d’un piano préparé (superbe Constant Sorrow). L’instrument est d’ailleurs trop peu souvent utilisé autrement qu’en solo, et ce duo prouve bien que c’est une erreur de s’en passer. Un très beau programme qui renouvelle un peu le duo piano-violon. (R. Beaucage)

AliochA SORRY EYES

DArcY jAmes Argue’s secret societY REAL ENEMIES

(Audiogram) ★★★ Idole jeunesse au petit comme au grand écran, Aliocha (Schneider) casse son image proprette avec un premier EP tantôt mordant, d’autres fois carrément poétique et inspiré. Ça commence en force avec la pièce homonyme et les rythmes galopants de l’intransigeante Sorry Eyes qui rappelle The Last Shadow Puppets à bien des égards – cette façon de mordre dans les mots, cet orgue des seventies qui se fraie un chemin à travers les guitares et la batterie. Peu importe la chanson, et même si la très gentille Sarah vient casser l’ambiance dès la deuxième plage, on ne peut nier le charisme de cet artiste multidisciplinaire à qui rien ne semble échouer. Ne reste plus qu’à affiner sa ligne directrice, à choisir entre les balades dylanesque (Flash in the Pan) et le jovialisme folk à la Mumford and Sons, comme sur Into the Wild. N’empêche: tous ces styles lui siéent bien. (C. Genest)

(New Amsterdam) ★★★★ Le Secret Society est un fascinant big band de 18 musiciens basé à Brooklyn et dirigé de main de maître par un compositeur canadien intriguant et iconoclaste du nom de Darcy James Argue. Suite logique aux bien titrés The Infernal Machine et Brooklyn Babylon, leur troisième album Real Enemies est probablement leur meilleur à ce jour. Inspirée d’un bouquin de Kathy Olmstead sur la théorie de la conspiration et autres lubies ésotériques typiquement américaines, cette trame sonore hitchcockienne où pullulent les espions baigne dans l’ère de la suspicion. Un narrateur et des extraits sonores éloquents de JFK, de George W. Bush et de son acolyte Dick Cheney font grimper la paranoïa comme dans un thriller de politique-fiction. Touché! (R. Boncy)

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Devin townsenD project TRANSCENDENCE (HevyDevy Records / Inside Out Music) ★★★★ 1/2 Au cours de sa carrière de plus de 20 ans, Devin Townsend nous a surpris, déconcertés, parfois déçus, mais surtout impressionnés grâce à son insatiable curiosité musicale. Sur Transcendence, le septième album du Devin Townsend Project qui comprend des bons (Addicted, 2009, Epicloud, 2012) et moins bons (Deconstruction et Ghost, 2011) albums, le musicien et chanteur canadien revient en force. Dans la biographie du disque, il explique qu’il a composé Transcendence avec les musiciens du projet parce qu’il avait besoin d’inspiration. Le résultat, qui mélange les influences métal, progressives, symphoniques, mélodiques et ambiantes des précédents disques du DTP (sans oublier les chœurs d’Anneke van Giersbergen), est grandiose. (C. Fortier)


40 chronique VOIR MTL

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monique giroux SUR MESURE

sur un nuAge Récemment, alors que tombaient depuis des temps immémoriaux des trombes d’eau sur le chalet sans radio, sans télé, sans téléphone ni Internet que j’avais loué pour dix longs jours sans fin, je fus prise d’un vertige inédit. J’avais épuisé tous mes sujets de réflexion existentielle, rempli toutes les pages de mon cahier à colorier antistress, pris goût au spritz, regardé toutes les cassettes VHS de films d’auteur disposées dans le bahut rouge de la salle à manger; le chalet appartenait à une cinéaste de grand talent qui avait, comme moi, besoin de silence et de solitude de temps en temps. J’avais lu le dernier D’Ormesson, achevé non sans peine Soumission de Houellebecq, le David Goudreault s’était refermé sur ma frayeur… à ne pas lire au fond des bois… Bref, j’étais sur le point de retrouver ma voix d’enfant pour dire «c’est quand qu’on s’en va?». Mon iPhone qui m’était devenu, dans ces circonstances de retraite estivale et forestière, totalement inutile dormait au fond de mon sac. En le sortant de son tombeau humide, j’ai réalisé que je tenais un bout de ma vie dans ma seule main droite. D’autres, nombreux, ont écrit là-dessus bien avant moi et le sujet est connu, je le sais bien, mais dans le contexte d’isolement qui était le mien, cette effarante constatation prenait des proportions étonnantes. J’ai compté 102 applications diverses et variées en fonction dans le ventre de la bête. Je peux acheter une maison, réserver mes vols, payer mon parco, raconter ma vie à des milliers de gens que je ne connais pas, mais qui me connaissent, savoir à quelle heure la ville déneige mon bord de rue, compléter mes transactions bancaires, démarrer depuis le bout du monde l’enregistrement d’un épisode de la saison six de Homeland, que je ne peux regarder qu’en rafale. J’ai Shazam, Deezer, Apple Music, Spotify, un compte SoundCloud et je ne sais encore combien de liens pour écouter ce qu’une machine à déduction me suggère de découvrir. Voilà ce que je fais depuis 30 ans. Je peux même me réécouter moi-même, ce que je ne fais jamais, rassurez-vous, avec la nouvelle application ICI Musique que je vous recommande tout de même plus que chaudement. TuneIn, ma préférée, me

permet d’écouter les radios de la planète en direct. J’aime la radio. Faire la route Gaspésie-Montréal branchée sur la RTBF, radio publique belge, et entendre le bulletin de circulation de Bruxelles entre Petite et Grande-Vallée permet d’atteindre des sommets psychotroniques inégalés. Ce dimanche-là, j’ai cherché dans ma musique. Ma musique. Celle que j’ai moi-même pris le temps de transférer en engouffrant le CD dans l’ordi, en acceptant l’importation, en attendant le «bip» qui confirmerait la réussite de la manœuvre. Des heures de plaisir. Au fil du temps j’ai transféré plus de 20 000 chansons. À raison de 12 chansons par album, ça signifie 1666 albums, c’est-à-dire seulement 10% de ma discothèque. Dans ma grande candeur, je croyais que j’allais me rendre jusqu’au bout et pouvoir enfin me débarrasser de cet encombrant fardeau. Qui n’a pas déménagé des cartons de 33 tours par dizaines ne sait pas le poids de la nostalgie et l’attachement qui se développe avec ces albums à deux faces qui furent si précieux, qu’on a tant espérés, qui ont accompagné tellement de dimanches pluvieux de notre adolescence et dans lesquels on engouffrait non seulement notre argent de poche, mais aussi tout notre mal de vivre. Un 33 tours coûtait près de 10$ en 1975. Il fallait garder le petit voisin à une piastre de l’heure tous les mardis soir de 7h à 10h pendant trois semaines pendant que sa mère allait jouer aux quilles pour se payer L’Heptade. Je ne vous dis pas non plus qu’il me fallait attendre le vendredi soir, alors que les parents allaient faire l’épicerie chez Steinberg à Saint-Eustache, pour me carapater chez Music Mart en espérant que le dernier d’Harmonium «ne soit pas back order». Assise en Indien sur le lit de ma chambre, les écouteurs vissés sur la tête, je partais, je rentrais dans la musique, m’incrustais dans la pochette. J’en connaissais les moindres détails. J’apprenais le nom de tous ceux qui y étaient cités, qui étaient au son, au mixage, au saxo. J’attendais la sortie du prochain album comme d’autres le Messie. Aujourd’hui, seulement une trentaine d’albums vinyles et quelques centaines de CD habitent chez moi.

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41 Tous les autres vivent en colocation dans un entrepôt du Mile-End. Ils sont de partout. Récupérés de justesse près des poubelles de ma défunte amie Myra Cree, rachetés à la discothèque de Radio-Canada qui se débarrassait de ses doubles et triples exemplaires dans tous les cas préservés de l’oubli avec ma détermination obstinée. Pas très souvent, je leur rends visite. Le temps se fait de plus en plus sentir. Les vieux disques ont une odeur qui leur est propre. Un mélange de grenier, de notes grisonnantes, de carton humide, d’amis pour la vie perdus de vue, de souvenirs surannés. Quand mon iPhone a repris vie ce dimanche de pluie, entre le café et la bougie Myrrhe de Dyptique apportée de la grand-ville et qui me rappelait que je n’étais pas Maria Chapdelaine, j’ai cherché un album à écouter. Par je ne sais quel mystère, la majorité de mes chansons étaient sur un nuage auquel je n’avais pas accès parce que… pas de réseau. Il me restait mes listes de lecture. Quelques vieux succès jazz et disco regroupés parce que c’est toujours chouette dans les anniversaires, une version repas et une version «dance». Et puis mes achats. Je n’ai aucun souvenir d’avoir acheté Tom Odel, überLAB, Elliot Moss, Rhiannon Giddens, Sage Francis – à moins que ne soit le contraire – un album de

24 chansons, Janelle Monaé… un album de 36 chansons… mais pourquoi? Asaf Avidan, je me souviens avoir eu un grand coup de cœur pour lui, il y a un an, mais pour quelle chanson, donc? En un clic et pour 9,99$, j’ai acheté un nombre incalculable d’albums et je n’en ai aucun souvenir. Sans compter qu’on m’a même donné un album de U2 dont je ne voulais pas. À ceux qui seraient tentés de souligner que je ne cite dans ma liste d’achat que des albums en anglais et qui seraient déjà montés au créneau pour décrier cette ignominie, je précise qu’un des grands privilèges de ma situation professionnelle est d’avoir, depuis 1990, gracieusement accès aux albums des artistes francophones. Mon plus grand bonheur est de vous faire entendre le talent de ces oiseaux-là.* Quelle aura été la chanson de l’été? En mai, on prédisait ce destin à J’aime les oiseaux de Yann Perreau. Tiens. *Pour découvrir des chansons et des artistes suggérés par une femme en chair, en os et en voix – ça, c’est moi –, écoutez ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada, le dimanche de 12h à 15h. L’émission a pour titre Chants libres. y chAnsons à écouter TOUTE LA PLUIE TOMBE SUR MOI - SACHA DISTEL BANG BANG - ASAF AVIDAN

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embrasser forcier film d’ouverture du 40e festival des films du monde, EMBRASSE-MOI COMME TU M’AIMES porte la signature inimitable du cinéaste andré forcier, qui célèbre, avec ce 13 e long métrage, ses 50 ans de carrière. beaucoup de chiffres symboliques pour un créateur qui n’a jamais plié sous la logique marchande. MOTS | NICOLAS GENDRON

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Atterrir dans la cour longueuilloise du vétéran André Forcier, c’est s’avancer sur un territoire de souvenirs effervescents, entre la liqueur Corona à cinq cents de son enfance, son entrée dans le monde du 7e art par une punition qui prend la forme d’un cours de cinéma obligatoire, et les 520 piastres gagnées comme «wrapper chez Lasalle, le Walmart des pauvres» afin de payer les frais de développement de son premier court métrage, Chroniques labradoriennes. «J’avais tapoché un prof parce qu’il m’enlevait systématiquement des points pour ma calligraphie, avoue Forcier, sans gêne. Et on m’a imposé un cours de cinéma.» Quand il décroche la note parfaite pour une critique du Terre sans pain de Buñuel, il prend goût à l’écriture et collabore au collectif La mort vue par… Il a été remarqué par un certain Gilles Carle, qui lui donnera accès à des chutes de pellicule et à des salles de montage la nuit venue. «Chroniques labradoriennes s’est retrouvé dans la sélection du Pavillon de la jeunesse à l’Expo 67. Je n’avais pas l’âge de boire, alors j’ai dû demander la permission pour aller à la première de mon film!» Cinquante ans plus tard, Forcier s’est inspiré entre autres de son paternel pour accoucher de sa nouvelle offrande. «Mon père est vraiment devenu policier parce qu’il ne voulait pas aller à la guerre. Et je lui ai toujours reproché de ne pas avoir combattu les nazis», ceux-là mêmes «qui chient dans le lit de la démocratie», comme l’illustre un des personnages. Campé en 1940, à

Montréal, Embrasse-moi… n’en est pas pour autant un film sur la guerre. «Ce qui m’intéresse, c’est la dialectique d’un gars qui veut aller au front, mais qui doit occulter son idéal pour s’occuper de sa sœur infirme, comme leur mère souffre d’arthrose.» Sous le regard aveugle de cette dernière (la muse Céline Bonnier), les deux jumeaux Pierre (Émile Schneider) et Berthe (Juliette Gosselin) développent une relation fraternelle presque charnelle. «Je n’avais jamais traité de l’inceste comme tel, précise le cinéaste, et je voulais l’aborder d’une façon originale. Je n’ai pas d’approche morale, mais c’est un phénomène plus fréquent que l’on croit. Même l’Allemagne veut légaliser la cohabitation des frères et sœurs qui tombent en amour.» Cette attirance envers Berthe finit par troubler Pierre au point qu’il est incapable d’embrasser une femme sur la bouche sans qu’une vision de sa sœur lui apparaisse, au grand dam de la jolie Marguerite (Mylène Mackay). «Mais ce sont deux entités différentes. L’apparition est sensuelle, provocante; elle a d’ailleurs toujours ses jambes, tandis que Berthe est une infirme possessive et cruelle.»



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Embrasse-moi… évoque bien sûr au passage la religion, même si Forcier s’est «fait un devoir de ne pas mettre de crucifix sur les murs», en plus de réserver aux initiés un beau clin d’œil à son premier long métrage, avec «la sérénade des gars callés» du Retour de l’Immaculée Conception. Mais par-dessus tout refait surface un motif absolu: «mourir d’amour», récurrent dans sa filmographie, de Night Cap à Kalamazoo, sans oublier La Comtesse de Baton Rouge. «Il y a des choses qui relèvent de l’inconscient, admet Forcier. Je me suis aperçu hier que la mère de Berthe lui volait son chum Elio (Tony Nardi), comme dans Une histoire inventée et Le vent du Wyoming… Je n’ai même pas voulu me copier! N’empêche que l’histoire diffère, et je suis content d’avoir

trouvé l’idée du fantasme qui veille au grain sur l’amour de Pierre et de Berthe. Même si je sais bien qu’on va me le reprocher.» Au fil des ans, Forcier s’est toujours montré d’une franchise désarmante, en même temps qu’il ne semble rien calculer. «Je ne m’amuse pas à dérouter les gens, mais j’haïs les films où je peux tout prévoir. Ça ne m’intéresse pas de tout dire.» Ainsi en va-til de la relation ambiguë de Pierre avec la putain Mignonne (Catherine De Léan), qu’il protège de la pluie, mais aussi de toutes les traces de fantaisie poétique que l’artiste sème ça et là dans le réel, et qui font le secret de ses œuvres singulières. «C’est moi, ça. Je n’essaie pas de doser quoi que ce soit.


La métaphore, c’est l’instrument du cinéma. Il n’y a rien de mieux pour exprimer la jalousie de Berthe que de la voir manger la lettre que Marguerite a écrite à son frère. On a déjà dit que je donne dans le réalisme magique, mais ce serait prétentieux de m’en revendiquer.» Avec son allié des premières heures, le scénariste et comédien Jacques Marcotte (Bar salon, L’eau chaude, l’eau frette), disparu l’automne dernier alors qu’ils flirtaient avec l’idée de retravailler ensemble, ils se faisaient d’ailleurs un devoir de se laisser guider par la nécessité de leurs personnages, comme la Léopoldine d’Au clair de la lune, qui crève des pneus par amour filial et non pour distordre le réel d’un scénario. Dans l’ombre se profilent de vieux complices, dont la coscénariste Linda Pinet, le monteur François Gill et le directeur photo Daniel Jobin. À l’instar de ses plus récents opus, Je me souviens et Coteau Rouge, le cinéaste compose une fresque touffue qui lui permet entre autres de renouer

«gilles carle me disait: “andré, il faut faire des films en largeur. la profondeur viendra après.”» avec des acteurs chouchous (France Castel, Roy Dupuis, Rémy Girard). Il souligne aussi le talent des nouveaux venus, dont Schneider (Le rang du lion, Là où Atilla passe…). «Émile est souvent casté comme un bum, mais je savais qu’il pouvait faire de Pierre un vrai gentleman. C’est difficile de jouer un gars low profile sans être plate et il le rend très bien!» Denys Arcand se glisse même sous les traits d’Édouard Montpetit, et il a fait à André Forcier la fleur du compliment suivant: «Il ne se fait rien de tel ni au Québec, ni dans le monde.» On ne saurait le contredire, tant Forcier est unique dans le paysage cinématographique. Mais n’est-ce pas étourdissant, tout ce beau monde dans un seul film? «Gilles Carle me disait : ‘‘André, il faut faire des films en largeur. La profondeur viendra après.’’ Il y a des personnages satellites, comme dans n’importe quel film, mais pour l’essentiel, ils sont au service du triangle amoureux de Berthe, Pierre et Marguerite», de résumer l’homme derrière Les Films du paria. Paria, vraiment? «Ça veut dire hors caste, surtout.» Dans le bon sens, naturellement. «J’espère», conclut Forcier, avec ce sourire amusé de celui qui a vu neiger. y Embrasse-moi comme tu m’aimes En salle le 16 septembre 2016



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trash et politique dans le cinéma de john Waters, le mauvais goût et le trash servent la critique acerbe d’une amérique blanche et banlieusarde, dont la conformité apparente dissimule en réalité les pires déviances et laideurs. le 24 septembre prochain, le cinéaste viendra discuter de son œuvre avec son public montréalais. MOTS | CÉLINE GOBERT

La particularité du cinéma de John Waters est d’utiliser l’humour et la satire, très souvent jusqu’à leur point de rupture, pour exposer une société américaine malade et hypocrite qui derrière le vernis de ses belles banlieues artificielles n’est pas jolie à voir: drogues, pornographie et adultère dans Polyester (1981), meurtres en série et hystérie dans Serial Mom (1994), racisme dans Hairspray (1988) ou encore puritanisme dans A Dirty Shame (2004). Le 24 septembre prochain, le cinéaste originaire de Baltimore, ville qu’il utilise en toile de fond de ses films, sera à Montréal dans le cadre du festival POP Montréal pour présenter son one-man-show This Filthy World et revenir sur une filmographie aussi délurée que politique. «Je suis tellement heureux d’aller à la rencontre des personnes qui m’ont permis de vivre de mon art!, lance le cinéaste, enthousiaste. Ce sera une version de mon show complètement différente de celle sortie en DVD ou présentée ailleurs. Nouvelle, mais aussi plus rock n’roll!» Chez John Waters, ce sont les marginaux, freaks et autres weirdos qui sont les sains d’esprit, et le reste du monde qui ne tourne pas rond! Tout particulièrement les représentants de cette Amérique qu’il abhorre: arrogante, lisse, bon chic bon genre, où pullulent ménagères pincées et intolérants névrosés.

PHOTO | GREG GORMAN

Pour illustrer ce rejet de la norme et de tous les diktats de bienséance sociale, ses films sont bâtis sur un choc entre deux mondes: les «outsiders» y sont forcés de combattre ceux qui s’autoproclament «normaux», voire fièrement «ordinaires». Dans Cry-Baby (1990) avec Johnny Depp, probablement son film grand public le plus connu, les «coincés» vont à l’École du savoir-vivre et s’en prennent à ceux qu’ils jugent «délinquants»: les tatoués, les gars aux cheveux longs, les jeunes filles enceintes, les moches, les Noirs, les gais. C’est le conservatisme et le désir vicié de conformité que refuse Waters qui trouve chez ses marginaux de véritables alter ego. Ainsi, il n’est pas rare de croiser dans ses films des couples homosexuels, mixtes, et de façon générale, des protagonistes à l’identité – qu’elle soit sexuelle ou sociale – libre et fluide. «Tous mes films partagent les mêmes valeurs. Le politiquement correct, c’est: “Occupe-toi de tes affaires”, “Ne juge pas les autres tant que tu ne connais pas toute l’histoire” et “Exagère ce que les gens appellent tes faiblesses pour en faire ton style et vaincre!”», nous confie-t-il. Profondément exaspéré «par la stupidité, le sexisme et le racisme» qui gangrènent la société, son cinéma envoie tout valser dans un joyeux festival queer à tendance grotesque, anti-bourgeoisie, anti-Hollywood,

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ou encore anti-«mauvais cinéma», dixit le personnage-titre de Cecil B. Demented (2000), réalisateur anarchico-extrémiste qui refuse l’avènement des studios américains et des multiplexes aseptisés. Surnommé le «Pape du trash» par l’écrivain William S. Burroughs, John Waters s’avoue amateur des films d’Harmony Korine, de Bruno Dumont ou encore de Gaspard Noé qui regorgent de protagonistes sombres et de mêmes enjeux de représentation des marginaux. «Il est plus difficile de surprendre le public que de le choquer», affirme celui qui déploie, à l’instar des cinéastes cités, un cinéma avant tout politique, et ce, depuis ses premiers courts métrages du début des années 60 (Hag in a Black Leather Jacket, Eat Your Makeup, The Diane Linkletter Story), qui annonçaient déjà un univers déstabilisant et décalé. Depuis, Waters a souvent utilisé les codes d’un genre particulier pour mieux les transgresser et en faire jaillir le potentiel subversif. Dans A Dirty Shame, son

«il est plus difficile de surprendre le public que de le choquer» dernier film, il reprend les codes de la comédie américaine de bas étage et l’humour sous la ceinture des teen movies. «Mes films font la satire d’un genre cinématographique particulier: Multiple Maniacs était un film d’horreur; Hairspray, une comédie musicale; Serial Mom, un drame policier; A Dirty Shame, un film de sexploitation», indique-t-il. Enfin, l’une des particularités de l’œuvre de John Waters, qui offre


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ainsi une belle réplique à l’individualisme prôné par la triste Amérique, est la récurrence d’un groupe d’amis solidaires, qui assument et revendiquent leurs différences avec fierté et provocation. Waters en avait d’ailleurs un vrai à lui tout seul: les Dreamlanders, une troupe fidèle de comédiens et de techniciens qui l’entouraient pour la plupart depuis ses débuts. Parmi eux, évidemment, il y avait Divine… Impossible de parler de Waters sans évoquer l’iconoclaste Divine, la drag queen déjantée que l’on retrouve dans tous les films les plus trash du début de la carrière de Waters: Mondo Trasho (1968), Multiple Maniacs (1970), Pink Flamingos (1972) ou encore Female Trouble (1974), dans lesquels il est question de viols, d’amputations, de drogues ou de fétichisme. Ils tourneront six films ensemble avant la mort de l’acteur en 1988. Ce décès coïncide avec le virage plus grand public négocié par Waters dès Hairspray (son dernier film avec Divine) et Cry-baby. Même s’il a su garder son venin provo-

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cateur et son ton outrancier, sa deuxième partie de carrière s’avère plus accessible et lui permet de se faire connaître hors des circuits underground. Force est d’admettre que c’est à Divine que l’on doit quand même les séquences les plus cultes et folles du cinéma de John Waters, à l’image de cette scène dans Pink Flamingos où, présentée comme «l’être le plus obscène au monde», Divine mange des excréments de chien. Toutefois, bien que l’œuvre de Waters renferme bon nombre de séquences aussi choquantes que jubilatoires, il ne faudrait surtout pas la réduire à un freak show. Car, sous l’avalanche de déviances et de comique sale qui a composé son œuvre, Waters n’a jamais cessé de clamer une chose: la liberté, voire même le devoir de n’être rien d’autre que ce que l’on est. C’est dire si l’on a encore besoin de cinéastes comme lui… y This Filthy World Le 24 septembre à 20h au Théâtre Rialto dans le cadre de POP Montréal

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normand baillargeon PRISE DE TÊTE

un discours inaugural Il existe dans le monde anglo-saxon une tradition qui consiste à demander à une personnalité de prononcer, au début de l’année académique et devant la communauté universitaire assemblée, un discours appelé inaugural. Ce discours est l’occasion pour cette personne de parler d’éducation, de développer des idées à propos de l’université, de prodiguer conseils et encouragements et de partager des expériences personnelles – tranches de vie et humour souvent compris. Certains de ces discours sont devenus fameux, par exemple celui que prononça John Stuart Mill à l’Université StAndrews en 1867. Plus près de nous, Steve Jobs (Université Stanford, 2005) et J.K. Rowling (Université Harvard, 2008) ont livré des discours inauguraux stimulants et remarqués. En ce début d’année universitaire, je me suis demandé ce que j’aurais aimé entendre dans un discours inaugural qui serait prononcé dans une université québécoise. On y entendrait ceci – je vous laisse y ajouter conseils, tranches de vie et humour. Précieuse université Une université est, ou du moins devrait être, une institution où s’accomplit «la vie de l’esprit de ces êtres humains qui […] sont portés vers la recherche et l’étude» – pour reprendre les mots de Wilhelm von Humboldt (1767-1835). Elle est donc définie par les valeurs que cela implique, et qu’elle incarne dans des activités où se conjuguent de manière originale enseignement et recherche. Une mesure significative du degré d’avancement d’une civilisation se trouve dans le fait qu’elle permette à une telle institution d’exister et dans le degré de liberté qu’elle lui raccorde. Historiquement, cet idéal n’a jamais été pleinement réalisé, mais on s’en est plus ou moins approché, selon les cas. Un des obstacles rencontrés est bien entendu qu’il arrive que les valeurs internes de l’université entrent en tension

avec celles de la société qui l’abrite, d’autant que celle-ci a souvent envers elle des exigences qui peuvent entrer fortement en conflit avec les valeurs académiques de la recherche et de l’enseignement. Quand cela arrive, il est du devoir de la communauté universitaire de réaffirmer et de préserver jalousement ce qui la définit. On a de bonnes raisons de penser que nous vivons un tel moment. Périls Si on devait pointer la principale de ces menaces, on nommerait cette exigence de rentabilité économique, à court terme qui semble devenir hégémonique. Cela ne va pas sans heurter de plein fouet certaines des normes internes de l’université. On assiste ainsi à un certain délaissement de l’enseignement, particulièrement au premier cycle, les professeurs se livrant plus volontiers à de la recherche subventionnée qui leur permet de se dégrever d’enseignement. C’est dangereux et déplorable. C’est qu’une université, on l’a vu, veut conjuguer harmonieusement ses deux fonctions: sans l’enseignement, elle est un institut de recherche, et sans la recherche, elle est un centre de formation professionnelle. Cette centration sur la recherche subventionnée comme seule avenue de vie intellectuelle est d’autant inquiétante que certains subventionnaires en viennent à vouloir déterminer les objets de recherche en exigeant des retombées immédiates et à vouloir s’en approprier les résultats, par exemple sous la forme de brevets, et aussi à contrôler leur diffusion. À ce propos, il faut s’inquiéter des coûts de plus en plus faramineux associés à la publication et à l’accès aux publications. Un nouveau mode de gestion se met d’ailleurs en place, de plus en plus semblable à ce qui peut-être vaut pour une organisation, salaires et primes injustifiables compris,


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mais qui sied bien mal Ă une institution – ce qui nous dit peut-ĂŞtre que cette institution est en passe de devenir une organisation. Une anecdote me semble ĂŠdifiante: on me rapporte le cas d’un administrateur accueillant cette annĂŠe les nouveaux professeurs en leur disant que les deux plus grands ennemis de leur carrière sont l’enseignement et les services Ă la collectivitĂŠ. Ă€ la dĂŠfense de l’universitĂŠ Ce que l’universitĂŠ et la sociĂŠtĂŠ espèrent aujourd’hui de chacun de vous qui composez la communautĂŠ universitaire, c’est que vous dĂŠfendiez l’idĂŠe d’universitĂŠ, ses normes internes, ses valeurs propres, lĂ et partout oĂš elles sont menacĂŠes. Et cela sans oublier qu’elles le sont aussi de l’intĂŠrieur de l’universitĂŠ, lorsque des normes qui lui sont ĂŠtrangères ou qui sont en tension avec les siennes propres, sont intĂŠriorisĂŠes par des membres de la communautĂŠ universitaire. Il n’est pas difficile de donner des exemples de ce que cela peut signifier. On devrait par exemple se porter Ă la dĂŠfense de la recherche libre, lĂ oĂš elle est pertinente, et mĂŞme rĂŠclamer le droit de ne pas faire de recherche subventionnĂŠe, encore moins sur commande. On devrait aussi dĂŠfendre l’importance que certains se livrent Ă des travaux de synthèse normative plutĂ´t qu’à des recherches poin-

tues. Un choc des idĂŠes, parfois virulent, pourrait en rĂŠsulter ici et lĂ : il faudra alors rappeler que l’universitĂŠ est justement le lieu oĂš peuvent et doivent avoir lieu de tels chocs des idĂŠes, de toutes les idĂŠes. On devrait encore rappeler l’importance impossible Ă minorer de l’enseignement, y compris au premier cycle. On devrait aussi rappeler avec force que subventionnĂŠe par la collectivitĂŠ, l’universitĂŠ a le devoir d’entretenir des liens avec toutes ses composantes (et pas seulement ou prioritairement avec les milieux financiers ou d’affaires, par exemple) et qu’elle est vraiment dĂŠmocratique Ă proportion qu’elle le fait. On devrait enfin rappeler combien il est souhaitable pour ceux et celles qui le peuvent et en sont capables d’intervenir, oĂš et comme ils le veulent, avec leur savoir, leurs compĂŠtences propres, dans les enjeux de sociĂŠtĂŠ, et que cette part de leur travail devrait ĂŞtre reconnue Ă sa juste valeur dans l’Êvaluation de leurs rĂŠalisations. La prĂŠservation d’une institution cruciale pour la vie dĂŠmocratique et pour la vie des idĂŠes passe ces temps-ci par l’accomplissement de ces tâches et les universitaires sont les mieux placĂŠs pour les accomplir. Ne pas le faire serait gravement dĂŠmĂŠriter de la sociĂŠtĂŠ qui permet Ă la communautĂŠ universitaire d’exister et de la ÂŤvie de l’esprit de ces ĂŞtres humains qui [‌] sont portĂŠs vers la recherche et l’ÊtudeÂť. y

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OMNIVORE

MONTRÉAL LA CRÉATIVE DU 16 AU 19 SEPTEMBRE, MONTRÉAL SERA SOUS LES PROJECTEURS ALORS QU’ELLE ACCUEILLERA L’ÉDITION QUÉBÉCOISE DU FESTIVAL INTERNATIONAL CULINAIRE OMNIVORE. AU PROGRAMME: SOUPERS À QUATRE MAINS, RENCONTRES OU ENCORE MASTER CLASS AVEC DES CHEFS. ET LES INVITÉS INTERNATIONAUX D’OMNIVORE SONT UNANIMES: ILS ADORENT MONTRÉAL... MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | OMIVORE

«On est là pour rester!», a déclaré le fondateur d’Omnivore, Luc Dubanchet, la première année où il est venu au Québec. Cinq ans plus tard, c’est pari gagné. Et cette année, il y aura quelques changements, à commencer par la gratuité des master class. «Je veux que le festival soit plus à la croisée des chemins avec le public», justifie Luc. Et puis il y aura une nouvelle scène, la Scène Sourceur, qui met en avant producteurs et éleveurs. «On ajoute d’autres participants, ceux sans qui la cuisine n’existerait pas. Les chefs au Québec sont bien conscients de l’importance du produit…»

sur sa cuisine, ses étoiles… J’espère que Montréal sera épargnée par ça et que les créateurs continueront à créer.» Même son de cloche chez Julien Burlat, l’un des invités. Lors de son premier passage à Montréal, le chef du restaurant Le Dôme, en Belgique, a été subjugué: «Les chefs ne se prennent pas la tête et sont vraiment libres. On ne sent pas autant de sérieux qu’en Europe, mais beaucoup d’amusement! Il y a moins de copie aussi… J’ai découvert une vraie identité culinaire.»

Cette édition montréalaise était attendue. C’est que le fondateur d’Omnivore a un attachement particulier pour la ville: «Ça bouge beaucoup, plus que jamais même, à Montréal, la cuisine. Jamais eu autant d’ouvertures, jamais eu autant d’engouement. […] On fête les cinq ans d’une relation passionnante, enamourée avec Montréal.» Pourquoi tant d’amour? Parce que la ville assume complètement sa diversité, selon Luc, depuis ses influences européennes ou nord-américaines, mais aussi asiatiques, jusqu’à une cuisine très expérimentale. «Son spectre culinaire est formidable. Charles-Antoine Crête, par exemple, arrive à faire de la cuisine brasserie façon diner… Une cuisine entre Montmartre et le Midwest!»

Le chef se dit très inspiré par la cabane à sucre du Pied de Cochon, originale et impressionnante. Et puis il y a le Montréal Plaza: «Ça a été une grosse baffe. Dans l’assiette, c’était vraiment CharlesAntoine Crête». Selon Julien Burlat, Montréal est réputée dans le milieu de la restauration comme la ville où l’on s’amuse, où ça se passe. «À Paris, tout le monde parle de Montréal!» Même les chefs locaux le disent, comme John Winter Russell, du Candide: «Je lis souvent que Montréal est la meilleure ville en Amérique du Nord pour manger. Et je le pense! C’est une ville qui est très variée en cuisine. Il n’y a plus que le Joe Beef ou le Toqué!… Ici, les gens ne font pas les choses pour être tendance, mais parce qu’ils aiment ça, parce que ça goûte bon.»

Le fondateur du festival loue aussi la facilité dans le service des Québécois, qui gardent une belle aisance tout en restant professionnels. «Quelle différence par rapport à la France, qui se pose plein de questions

Montréal, la ville où l’on s’amuse

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S’il participe de nouveau Ă Omnivore cette annĂŠe, c’est parce qu’il apprĂŠcie le cĂ´tĂŠ humain du festival. Lors de sa première participation, le chef du Candide avait notamment fait un souper Ă quatre mains avec celui qui est devenu son ami, Giovanni Passerini, un Italien qui Ĺ“uvre Ă Paris. ÂŤC’est un de mes chefs prĂŠfĂŠrĂŠs, confie John. On parle la mĂŞme langue en cuisine, mĂŞme si on fait des choses diffĂŠrentes‌ Les gens d’Omnivore s’assurent de dĂŠvelopper les relations entre les participants, et maintenant quand je les retrouve on se fait des becs sur le front!Âť Idem pour Julien Burlat, qui parle du festival comme d’un lieu de rencontres: ÂŤOn croise des gens du monde entier. On dĂŠcouvre une ville par l’intermĂŠdiaire des chefs, et quand on voyage on est reçus comme des rois chez eux.Âť L’autre atout d’Omnivore, c’est aussi son rĂ´le de dĂŠnicheur de talents. ÂŤOmnivore est devenu un passage obligĂŠ pour les chefs locaux, pense Luc Dubanchet. Et le festival a placĂŠ MontrĂŠal sur la mappe en la choisissant comme invitĂŠe d’honneur de l’Êdition parisienne.Âť

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Concepts et producteurs un peu hors norme Omnivore, c’est aussi le premier festival qui rĂŠunit des chefs de diffĂŠrentes gĂŠnĂŠrations: ÂŤParmi nos participants, on veut trouver un ĂŠquilibre entre la famille et les petits nouveaux, explique le fondateur. Mais on veut des nouveaux qui s’inscrivent dans la longĂŠvitĂŠ, on n’aime pas les one-shots‌ RĂŠsultat: de jeunes chefs ĂŠnergiques qui cuisinent depuis dix ou vingt ans maximum, et qui n’intimident pas le public. ÂŤOn partage nos connaissances, mais aussi nos manques de connaissancesÂť, indique John Winter Russell. Le festival mène une rĂŠflexion autour de la jeune cuisine et va chercher des concepts et producteurs un peu hors norme partout dans le monde. C’est cette jeunesse qui plaĂŽt au MontrĂŠalais: Ça met en valeur des chefs ou restos hors de la haute cuisine, et tant mieux car il n’y avait avant pas ĂŠnormĂŠment d’espace pour les plus petits restos, ceux qui font des cuisines diffĂŠrentes. Notamment Ă Paris, oĂš ça a donnĂŠ un nouveau souffle pour ces chefs qui ne travaillaient pas dans de grandes maisons.Âť John Winter Russell retrouvera par ailleurs le Français Guillaume Foucault, du restaurant Pertica, pour un souper Ă quatre mains. De son cĂ´tĂŠ, Julien Burlat collaborera avec Charles-Antoine CrĂŞte. Pour la dĂŠmonstration culinaire, il verra selon son inspiration au MarchĂŠ Jean-Talon... ÂŤCharles-Antoine, c’est une vraie rencontre. La barre est très haute au niveau de la folieÂť, confie le chef français. C’est qu’au milieu de la plĂŠthore des festivals culinaires en tout genre qui ont lieu de nos jours, il faut frapper fort. ÂŤMon souhait: que tous ceux qui sont des amoureux des restos et de la cuisine viennent Ă Omnivore, conclut le fondateur du festival, pressĂŠ d’arriver au QuĂŠbec. On se retrouve en famille‌ Chaque retour Ă MontrĂŠal est particulier.Âť y Omnivore Du 16 au 19 septembre 2016 www.omnivore.com

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Quand il n’est pas en cuisine avec des chefs ou en Europe à travailler ses vins, ce sommelier touche-à-tout poursuit ses recherches moléculaires, dont il a compilé les résultats dans son dernier livre, L’essentiel de Chartier – L’ABC des harmonies aromatiques à table et en cuisine. En plus d’avoir une vingtaine de cuvées différentes sur le marché, François Chartier vient de signer la carte des vins du restaurant montréalais Tapas 24. Entretien avec cet électron libre qui a fait entrer le Québec dans le monde du vin.

cuisines des restos au Québec. Mais il y a quinze ans, tout le monde restait dans son coin. Sommellerie, cuisine, etc., ne se mélangeaient pas. C’est pourtant essentiel d’être multidisciplinaire pour créer à sa façon. L’atout de Juli Soler, par exemple [ndlr: ancien chef du resto catalan elBulli, nommé meilleur restaurant du monde à cinq reprises], c’est d’être allé voir ailleurs... Il y a encore du chemin à faire aujourd’hui, mais on voit une vraie évolution.

VOIR: On vous a décerné en mai le prix du Meilleur livre de cuisine au monde aux Gourmand World Cookbook Awards 2016 pour votre dernier ouvrage. C’est la quatrième fois que vous recevez ce prix…

Elle a changé. Il y a beaucoup de jeunes, plus détendus et plus confiants, qui créent des cartes des vins avec des identités propres. Mon prix de 1994 nous a encouragés à croire en nous, et plein de générations de sommeliers québécois ont suivi. L’«écurie» de la sommellerie québécoise se porte aujourd’hui très bien, et elle est crainte à l’étranger. Ça fait quatre fois que des Québécois gagnent des prix d’Amérique! Et on a toujours des compatriotes dans le top 10 mondial.

François Chartier: Oui, c’est assez fou! Je suis très touché d’être dans la catégorie «Innovation», et d’autant plus pour un livre de cuisine, car ça montre que je suis reconnu au-delà de mon étiquette de sommelier. Mon travail est allé ailleurs: j’ai compris dès les années 90 qu’il fallait aussi étudier la cuisine et qu’on ne pouvait pas faire d’harmonies sans la connaître. Ce livre, c’est un résumé de mes recherches des six dernières années sur l’harmonie moléculaire, en plus accessible. Comment est née l’harmonie moléculaire? Je suis un curieux et je veux comprendre mon travail; comprendre ce qu’on fait permet d’aller plus loin dans la créativité. J’ai toujours été intéressé par la gastronomie moléculaire et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de recherche dans le domaine des harmonies mets-vins, et qu’il n’y avait donc pas d’explication scientifique sur leur fonctionnement. Je suis parti de mon nez, au lieu de me baser sur l’acidité, le sucré, salé, etc., comme on nous l’apprend. J’ai fait un lien entre les sciences et l’œnologie en associant les mets et les vins en fonction de leurs molécules. Quand on fait les bons accords, c’est magique: 1+1=3. C’est-à-dire? Il y a des alliances qu’on fait naturellement depuis des siècles. Mais qui aurait pensé à associer champignon et lavande avec un Riesling? Ou framboise et algue nori avec un Merlot? Essayez, c’est incroyable! L’harmonie moléculaire est une science, on n’est pas dans la poésie; je suis un grand sensible, mais avec l’harmonie moléculaire, il faut laisser de côté l’émotion. Mais même si tout ça est appuyé sur la science, ça reste riche en passion. Un terrain de jeu extraordinaire s’est alors ouvert à moi. Parce qu’au-delà des quatre saveurs, il y a des milliers d’arômes, et j’en ai pour le restant de mes jours à les étudier… Sciences, œnologie et gastronomie: vous êtes à la croisée de plusieurs domaines… J’ai un peu bousculé l’ordre établi. Mais il y a eu plus de réticences face à mes recherches sur les harmonies moléculaires autant chez les sommeliers établis que chez les chefs; «L’essentiel de Chartier» est aujourd’hui dans la plupart des

La sommellerie québécoise, elle va bien?

Comment se situent la province et ses consommateurs dans le monde du vin? Le Québec est devenu une porte d’entrée en Amérique du Nord quant à la qualité des produits et à la qualité des consommateurs. Depuis 1999, les consommateurs de vin ont vraiment changé: ils ont appris à questionner, à déguster… Avant 1994, la majorité des gens ne savaient pas ce qu’était un sommelier! Per capita, on connaît mieux le vin ici qu’en France. Comme on n’a pas de grands producteurs, on est plus curieux, on a moins d’œillères – en France, les gens ont la faiblesse d’être moins ouverts sur l’international, car l’impact régional est plus fort. On est devenus des infidèles au Québec! On veut tout goûter. Qu’est-ce qui explique cette évolution selon vous? Le premier déclencheur a été L’Expo 67, qui nous a montré qu’il y avait une culture extraordinaire dans le reste du monde, notamment une culture gastronomique. De nombreux Européens sont ensuite venus s’installer au Québec et ont ouvert des restos... Dans les années 2000, on a aussi vu émerger de nombreuses émissions de cuisine – aujourd’hui, on en dénombre 39 produites au Québec! Tous les chefs du monde veulent venir en vacances à Montréal, ou alors y vivre quelques années. Montréal a la cote, notamment au niveau du rapport qualité-prix. Il y a une belle créativité dans une ambiance unique… Votre créativité à vous, elle se consacre à quoi en ce moment? Je travaille actuellement en neurogastronomie sur les liens entre mémoire et olfaction, pour donner les bases d’un questionnement scientifique. On sait que l’odorat est très lié à la mémoire, et les odeurs pourraient ainsi raviver les souvenirs. Par exemple, pour moi, le parfum des roses séchées me ramène toujours à ma grand-mère, qui en avait dans sa chambre. Bref, il y a de quoi faire en sciences… y


MOTS | FRANCO NUOVO

PHOTO | ORIENTALY, DREAMSTIME.COM


59 LIVRES VOIR MTL

Comme dans la chanson des Trois Accords, j’aurais pu enfiler «mon corps de jeune fille» et devenir «La jeune épouse» d’Alessandro Baricco. J’aurais pu quitter l’Argentine pour l’Italie à une époque pas trop lointaine et rejoindre un monde étrange, une famille dont le fils égaré en Angleterre et qui tarde à arriver doit épouser la fameuse jeune épouse. J’aurais pu, mais je n’ai pas quitté Buenos Aires, j’ai quitté Montréal pour traverser l’Amérique, dévorer du bitume, voir, regarder, m’éblouir et retrouver l’amour. Je reviendrai sur les États-Unis et leurs routes de velours. Bien sûr, je ne suis pas La jeune épouse. Je ne suis pas le personnage de l’auteur de Soie et de Novecento. D’ailleurs, si on retrouve dans ce plus récent ouvrage de Baricco cette même écriture légère et sensuelle, on découvre, ce qui est moins courant chez lui, un érotisme ouvert, sans réserve et dépourvu de vulgarité. Une famille étrange, dis-je, dans laquelle personne n’a de nom ni de prénom, qui accueille à bras ouverts cette jeune fille d’à peine 18 ans sans expérience de vie et encore moins amoureuse. Aussi, de façon impromptue, a-t-elle droit à une initiation sexuelle. La fille, la mère et même le père contribuent à son éducation. On lui apprend le plaisir, mais surtout, le désir. Et c’est là qu’excelle Baricco, parce que s’il est plus aisé de décrire les étapes du plaisir, il est beaucoup plus difficile d’évoquer la sophistication du désir et son ascension vers l’extase: «Car lorsqu’un homme est en toi et que tu t’agites sur lui, tu peux lire toute sa vie sur son visage, de l’enfant jusqu’au vieillard moribond, c’est un livre qu’en pareil moment il ne peut refermer.» On lui apprend aussi à lécher, «un geste servile et généreux, un geste d’asservissement et de possession, indigne et courageux.» Et dans cette quête du désir, il y a bien sûr «l’amour, une tentative incessante de trouver une position dans laquelle se perdre en l’autre… une position qui n’existe pas alors que sa recherche existe, elle, et que savoir chercher est un art.»

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Je me suis décidé en un jour. C’était d’abord l’attrait de cette foutue Route 66 dont il ne reste pratiquement plus rien sinon des miettes d’histoire qui, comme les cailloux du Petit Poucet pour ne pas oublier, jonchent le territoire de l’Illinois à la Californie, en passant par le Missouri, le Texas, le Nouveau-Mexique et l’Arizona. La chaleur. Excessive, la chaleur. Des paysages changeants. Du vert, des déserts, des canyons, des plaines. Une remontée vers le Dakota du Sud, Deadwood, cette ville sortie du Far West qui a inspiré la série, Sturgis, où chaque mois d’août a lieu le plus grand rassemblement de motards au monde, le Crazy Horse Memorial, non terminé, et les têtes des présidents sculptées dans le roc du mont Rushmore. Un pays étonnant de beauté quand on ne le survole pas, habité par le paradoxe humain et qui repose sur des idéologies oscillant entre une liberté troublante et un obscurantisme affolant. Les panneaux qui bordent les routes en témoignent. «L’avortement: un vrai meurtre», «Vente d’armes»; le darwinisme rayé parce que Dieu est le seul créateur, un Trump qui rendra sa grandeur à l’Amérique et une Hillary qui mérite la prison. En dépit de la beauté qui les entoure, les Américains ne sont pas heureux. Ils hésitent. Ils ont peur. Ils se noient dans leurs valeurs. Ces milles et ces milles, surtout vers Denver, m’ont bien sûr fait penser à Kerouac. Toutes les routes qu’on avale, surtout dans cette Amérique profonde, font penser à Kerouac. Or, je n’ai pas relu On The Road pour la centième fois. Je suis allé vers plus simple: La Carrière du mal de Robert Galbraith qui, pour ceux qui ne seraient pas au fait, n’est nul autre que J. K. Rowlings, mais donnant dans un genre policier mettant en scène l’enquêteur Cormoran Strike, ancien militaire rentré d’Afghanistan une jambe en moins, et son assistante Robin Ellacot. Ça accroche. J’avais déjà lu d’elle, dans la même série, L’appel du coucou. Rien pour se creuser la tête, mais ça accroche, dis-je, parce que cette J. K. devenue Robert écrit drôlement bien les histoires policières où évoluent des personnages pas seulement colorés, mais étoffés. On est bien loin de l’univers de Harry Potter, mais la qualité de la plume y est. Ça fait du bien, aussi, dans ces États-Unis si beaux mais si ternes, de faire un saut dans les pubs de Londres. y

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Pour une carrière...

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OWEN HOPKINS, ESQUIRE SIMON ROY Les éditions du Boréal, 2016, 248 pages Simon Roy est arrivé dans le paysage littéraire avec une offrande on ne peut plus atypique. Son Ma vie rouge Kubirck, mélange de fiction, d’essai et de biographie, a créé un réel raz-de-marée dans le milieu, l’année de sa publication, et a remporté le Prix des libraires du Québec. Livre poignant et coup de poing à la fois, puisant sa force dans un savant mélange d’écriture du nécessaire et de fictionnalisation du terrible, Simon Roy avait su, par son écriture fragmentaire, marquer les esprits et déstabiliser le moindre lecteur. Après ce genre d’entrée fracassante en littérature, il nous revient deux ans plus tard avec un roman, Owen Hopkins, Esquire, où il sonde la figure du père et la mythomanie. Owen Hopkins se meurt quelque part en Angleterre. Son fils, Jarvis, quittera Montréal pour aller passer quelques jours à son chevet avant que ce dernier trépasse. Hopkins n’a fait que passer dans la vie de Jarvis, père sur la route, tantôt roadie, tantôt agent d’artiste, mais surtout menteur compulsif. La vie d’Owen Hopkins, Esq. est digne d’un film ou d’un roman, bien que ses proches aient l’habitude de rouler des yeux lorsque celui-ci ouvre la bouche. Plus on avance dans le processus de deuil de Jarvis, plus on s’enfonce dans le tissu de mensonges qu’est la vie de son père, défrichant lentement vers un drame ayant jeté l’opprobre sur Hopkins et l’ayant emmené à fuir Montréal pour son Angleterre natale. Alors que l’auteur abordait, dans son premier livre, la figure maternelle par la lorgnette de sa propre fascination pour Kubrick, ici, il déboulonne le mythe du père. Cherchant à démystifier le recours compulsif au mensonge et la nécessité à s’inventer à l’extérieur du réel et à berner famille et proches. Encore servi par l’écriture fragmentaire, inventive, voire parfois anecdotique, de Simon Roy, le livre trouve rapidement son rythme. Le principal problème, c’est que ce deuxième opus souffre de la comparaison avec un premier livre d’une charge brutale et, force est de le constater, inégalée. Reste que nous assistons là à la naissance d’un écrivain, à la découverte même de l’urgence d’écrire et du plaisir de raconter. On a la vague impression qu’en quelques années, Simon Roy fut happé par la nécessité littéraire. (Jérémy Laniel)


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TOUTE LA CULTURE QU’ON PEUT SOUHAITER Sur les rayons

I LOVE DICK CHRIS KRAUS

30 septembre, 1er et 2 octobre 2016 #Jdelaculture journeesdelaculture.qc.ca

Éditions Flammarion, 277 pages I love Dick fut publié pour une première fois en 1997. Le succès confidentiel de ce livre vers la fin du XXe siècle ne l’a pas empêché de s’enraciner de plus en plus dans la culture populaire au fil des ans, de trouver de nouveaux éditeurs pour en faire de plus grands tirages et continuer son chemin avec cette proposition on ne peut plus déroutante. Publié l’année dernière en Grande-Bretagne, voici enfin que l’éditeur Flammarion décide d’en publier une traduction, près de vingt ans après sa publication d’origine. I love Dick de l’écrivaine Chris Kraus est un livre important, déstabilisant et jouissif. Le livre se déplie en deux parties. D’abord, Scène d’une vie conjugale nous lance dans un journal intime, s’ouvrant sur un dîner entre Chris Kraus, l’auteure du livre, Sylvère Lortinger, son mari, et un certain Dick. De ce souper aux sushis naîtra une fascination de l’auteur pour ce Dick en question, un intellectuel et critique d’art, bon ami de son conjoint. Plus on avance dans le bouquin, plus on perçoit cette fascination s’agrandir chez l’auteure, résultant à un projet entre elle et son mari: celui d’adresser des lettres à Dick. S’ouvre ainsi la deuxième partie du bouquin, Toute lettre est une lettre d’amour, dans laquelle Chris Kraus pourra déposer toutes ses idées et ses réflexions sur l’art, l’amour, les relations de couple et la composition de soi dans ce milieu alors qu’elle est toujours considérée comme la femme de Sylvère Lortinger. Avec elle, on plonge dans le fantasme, le désir, l’autre, la connexion intellectuelle et la nécessité d’être soi. Dans la lignée de Comment devenir quelqu’un de Sheila Heti, I love Dick de Chris Kraus est une livre dérangeant par son jeu sur le réel. Tout au long du livre, la fiction se joue du vrai, les personnages n’en sont pas et les sentiments sont concrets et menaçants. Avec ce roman, Chris Kraus livre un important plaidoyer sur l’affirmation de soi et le pouvoir de la littérature, tout en décrivant, sans acrimonie aucune, le combat des femmes évoluant dans un monde patriarcal et un milieu misogyne. Sa puissance réside dans la simplicité avec laquelle Kraus élabore à la fois son histoire et son argumentaire, signant probablement le livre le plus intéressant et foisonnant sur les relations interpersonnelles. (Jérémy Laniel)

Grands partenaires

Partenaires associés


ANDY WARHOL, 1986 ÉPREUVE À LA GÉLATINE ARGENTIQUE IMAGE / 48,9 × 48,9 CM © ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION.

MELODY (SHOE), 1987 ÉPREUVE À LA GÉLATINE ARGENTIQUE IMAGE / 48,9 × 49,2 CM © ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION.

KEN AND LYDIA AND TYLER, 1985 ÉPREUVE À LA GÉLATINE ARGENTIQUE IMAGE / 38,4 × 38,2 CM © ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION.

LEATHER CROTCH, 1980 ÉPREUVE À LA GÉLATINE ARGENTIQUE IMAGE / 35,2 X 35 CM © ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION.


63 ARTS VISUELS VOIR MTL

VO1 #O8

CLASSICISME

PORNO

GRAPHIQUE GRAND PHOTOGRAPHE AMÉRICAIN DÉCÉDÉ TROP TÔT, ROBERT MAPPLETHORPE FAIT L’OBJET D’UNE EXPOSITION AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL JUSQU’EN JANVIER. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

Ses œuvres dérangeaient, mais au-delà des controverses, il y avait sa volonté de mettre en images une communauté en marge, la sienne. Parmi les grands thèmes de la carrière de Robert Mapplethorpe, il y a les relations homosexuelles sadomasochistes, qu’il photographiait sans détour dans une Amérique alors républicaine et censurée. Focus: Perfection - Robert Mapplethorpe est l’exposition que lui consacre ce mois-ci le Musée des beaux-arts de Montréal. L’événement est une exposition itinérante née à la suite d’une donation importante de la Fondation Robert Mapplethorpe (créée par le photographe peu avant sa mort afin de protéger son œuvre et de poursuivre sa vision artistique) au Los Angeles County Museum of Art et au musée JP Getty (également à Los Angeles). En regroupant 250 œuvres de Robert Mapplethorpe, l’exposition révèle toutes les thématiques de son grand corpus. Robert Mapplethorpe a produit beaucoup de portraits, d’autoportraits, de natures mortes, et bien plus. Ses œuvres confirment un réel dévoue-

ment pour son art et le définissent comme un jeune photographe en pleine possession de ses moyens. La photographie lui aura permis de se découvrir en tant qu’humain et artiste. «La recherche faite par les deux musées à Los Angeles et l’exposition permettent d’ancrer Robert Mapplethorpe comme un très grand photographe, mais aussi de le contextualiser à travers ses méthodes de travail et les gens qu’il a rencontrés, explique Diane Charbonneau, conservatrice des arts décoratifs modernes et contemporains et de la photographie au Musée des beaux-arts de Montréal. C’est quelqu’un qui a vécu sa passion pour l’art et sa passion pour la vie de la même façon. À travers l’exposition, on comprend bien ses deux passions et on comprend comment elles se rejoignent pour faire le personnage qu’était Mapplethorpe.»

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Après des ĂŠtudes en arts graphiques Ă la fin des annĂŠes 60 Ă New York, Robert Mapplethorpe s’installe avec sa grande amie Patti Smith et s’Êduque lui-mĂŞme sur l’art de la photographie et du portrait. Peu Ă peu, après quelques annĂŠes Ă produire des Ĺ“uvres d’art mixtes et des collages, il aiguisera son Ĺ“il et deviendra maĂŽtre de la photographie. ÂŤSa formation a ĂŠtĂŠ plutĂ´t en sculpture, en peinture et en arts graphiques, prĂŠcise Diane Charbonneau. La photo, il l’a apprise Ă travers les livres, en regardant la collection du Metropolitan Museum of Art. Il s’est formĂŠ un Ĺ“il en regardant les grands classiques de la photographie moderne et historique. Le regard de Mapplethorpe est donc vraiment très classique. Ses compositions sont très serrĂŠes, cadrĂŠes et gĂŠomĂŠtriques, et sa signature est la photographie en noir et blanc, en format carrĂŠ.Âť Ambitieux, Robert Mapplethorpe a ĂŠmulĂŠ le modèle d’Andy Warhol et il a rĂŠussi Ă faire parler de lui avec du matĂŠriel choquant, Ă la limite de la pornographie. Mais malgrĂŠ la nature controversĂŠe de ses Ĺ“uvres oĂš il traite de sadomasochisme et oĂš tire des portraits d’hommes noirs nus, la volontĂŠ du photographe ĂŠtait avant tout de crĂŠer dans le respect de l’art et de son sujet.

PATTI SMITH, 1978. ÉPREUVE Ă€ LA GÉLATINE ARGENTIQUE IMAGE / 35,3 Ă— 35 CM Š ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION.

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65 ARTS VISUELS VOIR MTL

ÂŤC’est toujours dans une cĂŠlĂŠbration du corps, croit madame Charbonneau. Ses nus sont aussi irrĂŠvĂŠrencieux qu’on peut imaginer parce que ses classiques, c’est Michel-Ange et ĂŠventuellement Rodin. C’est le nu sculpture. Sa façon de travailler est très formelle, que ce soit par sa façon d’utiliser l’Êclairage ou bien ses sessions excessivement longues. Il est très exigeant pour avoir la meilleure image possible. C’est toujours dans cette notion de perfection, peu importe la photo: que ce soit la fleur, la bite ou le portrait.Âť Les photos plus crues de Robert Mapplethorpe seront exposĂŠes dans une partie de l’une des salles du MusĂŠe des beaux-arts de MontrĂŠal et il y aura une affiche annonçant le contenu graphique. Ça reste dĂŠrangeant pour plusieurs alors il faut respecter ça. Ce n’est pas pour tout un chacunÂť, indique madame Charbonneau.

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MĂŞme si une partie de son Ĺ“uvre ne pourra jamais ĂŞtre montrĂŠe ouvertement au grand public, Mapplethorpe a dĂŠfinitivement sa place dans les grands musĂŠes du monde puisqu’il a su photographier une communautĂŠ alors invisible et qu’il a poussĂŠ les limites de l’art. ÂŤCe sont des sujets qui n’avaient jamais ĂŠtĂŠ abordĂŠs et c’Êtait important de les faire avancer, indique Diane Charbonneau. Robert Mapplethorpe se sentait très Ă l’aise parce que lui aussi vivait dans cette marginalitĂŠ et pour lui c’Êtait important qu’elle soit reconnue. On ne parle pas de militant, mais son geste peut ĂŞtre vu comme tel. Il a marquĂŠ son ĂŠpoque.Âť Et puisque le photographe est mort si jeune, Ă 42 ans en 1989, c’est Ă se demander ce qu’il aurait mis en images ces jours-ci. y Focus: perfection - Robert Mapplethorpe Du 10 septembre 2016 au 22 janvier 2017 Au MusĂŠe des beaux-arts de MontrĂŠal

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66 CHRONIQUE VOIR MTL

VO1 #O8

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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

BONHEUR INTÉRIEUR BRUT: TROQUER LE PIB POUR LE BIB L’argent ne fait pas le bonheur, mais y contribue bien entendu. Comme le rappelait déjà Yvon Deschamps en 1969 dans son fameux monologue justement intitulé L’argent, «mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade». Mais tout n’est pas que financier. On se rend de plus en plus compte de la limite du PIB pour qualifier intelligemment un pays. C’est une mesure importante, mais elle camoufle de nombreuses failles, notamment les inégalités sociales et l’écart croissant entre les riches et les pauvres. Elle élude aussi tous les aspects moins tangibles qui font qu’il fait mieux vivre dans un pays plutôt que dans un autre. Alors, comment évaluer une société? Qu’est-ce qui fait qu’un citoyen est heureux? De nombreux sociologues et psychologues se sont penchés sur ces questions. Le bonheur serait créé par plusieurs facteurs. La très sérieuse ONU les a classés en six grandes catégories afin d’évaluer chaque pays, dans une étude intitulée World Happiness Report.

La durée de vie qualitative. L’accès à des soins de santé physique et mentale efficaces, bien entendu, mais aussi à des programmes de prévention et d’éducation, à du soutien en fin de vie, à l’amélioration de la place des aînés dans la société. L’accès à la culture, à des infrastructures sportives, à la nature. À un environnement non pollué. La capacité de faire des choix. Une liberté démocratique. Des structures politiques légales qui permettent une vie remplie de possibles et des chartes des droits de la personne pour s’assurer que tous y ont droit. Savoir que travailler fort peut apporter des résultats, que des sacrifices faits aujourd’hui pourront permettre aux prochaines générations de mieux vivre. Savoir que nos choix religieux, nos valeurs et notre héritage seront respectés.

En sus du volet économique, les cinq autres catégories qu’il faut inévitablement considérer sont les suivantes:

La générosité. Parce que donner, c’est recevoir. C’est gratifiant de participer à la vie civile, de sentir que son implication fait une différence, qu’on peut influencer la société par ses actions tout en donnant un sens à sa vie afin de répondre à la grande question: Quelle est ma place ici?

Le support social. L’accès pour tous à un filet social riche permettant de vivre – pas de survivre! Parce qu’on ne sait jamais ce qui va nous arriver et qu’on ne voudrait pas être laissé pour compte si on ne gagnait pas à la loto génétique ou si le malheur venait à frapper.

La confiance. La confiance en soi, celle envers les autres, celle envers nos institutions. C’est la catégorie qui m’a fait le plus réfléchir, qui m’a le plus surpris. La revue Globeco, qui compile chaque année une foule de statistiques afin d’établir l’indice du bonheur

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mondial, risquait dans son rapport 2016 une comparaison entre la France et d’autres pays potentiellement plus heureux. Selon cette étude: «Les Français ne font confiance à rien (gouvernement, entreprises, médias, syndicats, justice) ni à personne. À la question “Est-il possible de faire confiance aux autres?”, près de 80% des Français répondent “non”, alors que 60 à 70% des habitants des pays nordiques disent faire confiance aux autres.» C’est certainement un aspect sur lequel nous devrons nous pencher au Québec. Ce sont en fait tous des facteurs qui permettent le développement d’une société forte, d’une société durable. Quand on détermine un objectif comme le bonheur, il faut s’y engager. Il faut faire en sorte que les ingrédients qui le composent soient bien compris et intégrés dans les politiques, les lois, les règlements. Mais il ne faut pas perdre de vue que le bonheur peut aussi s’enseigner. Cet aspect me semble fort important et on doit impérativement le garder en mémoire.

LIEU CULTUREL POUR TOUS LES MONTRÉALAIS

NOS GRANDES MUSIQUES

YVES DESROSIERS BORDEL DE TÊTE 30 septembre et 1er octobre pO

JACQUES KUBA SÉGUIN LITANIA PROJEKT AVEC LE QUATUOR BOZZINI – 7 octobre

«QUAND ON DÉTERMINE UN OBJECTIF COMME LE BONHEUR, IL FAUT S’Y ENGAGER.» En éducation, il faut absolument miser sur ce volet. Permettre aux gens de découvrir leurs passions en intégrant dans les matières de base actuellement enseignées les outils les mieux adaptés à chacun. Il faut permettre de tâter du théâtre, de la danse, de l’entrepreneuriat, des sciences, des métiers différents et avoir des enseignants heureux, parce que le bonheur est, paraît-il, contagieux. Concernant l’implication sociale, pourquoi ne pas considérer mettre sur pied un service social obligatoire? Six mois d’implication, par exemple, dans un centre pour aînés, dans un centre culturel ou un centre de désintoxication. Pourquoi ne pas mettre nos jeunes au service de la collectivité pour développer leur sentiment d’appartenance, leur compréhension de leur rôle individuel dans le «nous» collectif? D’aucuns ressentent un grand vide. Il semble nous manquer cruellement d’une vision, d’un objectif, d’une destination commune. Est-ce que ça ne pourrait pas simplement être le bonheur? Ne devrait-il pas être l’objectif que l’on donne à nos politiciens et à partir duquel ils devraient être évalués? Le Bhoutan est le premier pays, et le seul à ce jour, à avoir adopté le bonheur comme indicateur privilégié par rapport au PIB. Le bouddhisme l’y aurait amené dès 1972. Inspirant! Visitez le site internet worldhappiness.report pour en savoir plus sur le rapport publié chaque année par l’ONU. y

MAGNETO TRIO SYLVAIN CLAVETTE, RICK HAWORTH, MARIO LÉGARÉ – 2 et 3 novembre pO

MICHEL DONATO SIMPLEMENT JAZZ 25 et 26 novembre pO

L’ORCHESTRE D’HOMMES–ORCHESTRES JOUE À TOM WAITS – 8 avril

YVES LÉVEILLÉ TRIPTYQUE 10, 11 et 12 mai pO pO : petit Outremont

LETS INFO ET BIL

mont.ca theatreoutre 44 #1 514 495-99


QUOI FAIRE 5NE CUISINE CONTEMPORAINE QUI MET EN VALEUR LES PRODUITS QUĂ?BĂ?COIS ET UNE CARTE DE VINS VIVANTS CRĂ?Ă?S PAR DES VIGNERONS RESPECTUEUX DE LA NATURE Ă‹ LA VIGNE COMME AU CHAI

phoTo | john LondoĂąo

MUSIQUE

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LES DEUXLUXES L a TuLipe – 15 sepTembre

Après avoir fait sa marque avec le EP autoproduit Traitement Deuxluxe en 2014, le duo rock n’ roll garage montrĂŠalais s’apprĂŞte Ă faire les choses en grand avec son premier album Springtime Devil, dont la sortie est prĂŠvue pour le 2 septembre sous Bonsound. Il  s’en donnera ensuite Ă cĹ“ur joie sur les scènes du QuĂŠbec.

ANCIENT FUTURE Q u a i d e L’ h o r L o g e - 9 e T 10 s e p T e m b r e Â

Pour sa deuxième ĂŠdition, le festival de musique ĂŠlectronique Ancient Future prĂŠpare un ÂŤvoyage hors du temps oĂš se cĂ´toieront musique, arts visuels et performances multidisciplinairesÂť. Le producteur floridien du label Relief in Abstract, XXYYXX, et la première femme de Brainfeeder, Tokimonsta, s’y produiront, Ă l’instar des rĂŠvĂŠlations locales CRi, Ryan Playground, Robert Robert et Thomas White.

KID KOALA CinQuième saLLe de L a pL aCe des arTs - du 2 au 5 sepTembreÂ

Le compositeur ĂŠlectro montrĂŠalais Kid Koala trimballe son Nufonia Must Fall chez lui, après l’avoir notamment prĂŠsentĂŠ Ă Londres, Ă Groningen et Ă Boston. Adaptation de son roman du mĂŞme nom, ce spectacle ÂŤprend la forme d’un film animĂŠ en direct sur scèneÂť. InterprĂŠtĂŠe par Kid Koala et l’Afiara Quartet, la musique accompagne une distribution de marionnettes et de robots.

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HOLY FUCK T h é âT r e F a i r m o u n T – 22 s e p T e m b r e

Six ans après Latin, le quatuor électro instrumental torontois a redonné signe de vie en mai dernier avec Congrats, un quatrième album. Cette fois, il s’amène chez nous, le temps d’un spectacle à tout casser durant POP Montréal. En première partie, ses concitoyens noise pop Fake Palms et no wave New Fries chaufferont les planches comme il se doit.

FESTIVAL MUSIQUE ÉMERGENTE (FME) r o u y n-n o r a n d a du 1er au 4 sepTembre

Rouyn-Noranda s’apprête à recevoir pour une 14e année consécutive une grande sélection d’artistes qui feront rayonner la région de l’AbitibiTémiscamingue. Aliocha, Avec pas d’casque, Brown, Charlotte Cardin, Samito, Pierre Kwenders et plusieurs autres vous y attendront pour célébrer la musique d’ici.

LES HÔTESSES D’HILAIRE p e T i T C a m p u s – 22 s e p T e m b r e

THE KILLS méTropoLis – 21 sepTembre

La nouvelle légende rock de Moncton déplace beaucoup d’air sur scène. Et tout ça n’aurait sans doute pas le même effet sans l’incroyable prestance énergique du chanteur charismatique Serge Brideau. Toujours prêtes à virer la place à l’envers, Les Hôtesses d’Hilaire donnent de longs spectacles suintants et dynamiques, à l’image de son public.

Le duo anglo-américain au son garage indie rock, a fait paraître son cinquième opus nommé Ash & Ice au début du mois de juin. Celui-ci succède à Blood Pressures paru en 2011, qui marqua aussi un passage remarqué à Montréal cette même année.

GOLD PANDA JESSE MAC CORMACK

T h é âT r e F a i r m o u n T – 1 1 s e p T e m b r e

T h é âT r e r i a LT o – 22 s e p T e m b r e

Guitariste, chanteur et arrangeur de haut vol, le Montréalais Jesse Mac Cormack prépare depuis déjà un bon moment son entrée par la grande porte. En vedette sur l’excellent premier album de Rosie Valland, le poulain de Secret City Records montrera maintenant de quel bois il se chauffe en solo avec la sortie d’un premier EP.

DIET CIG L e r i T z p d b – 24 s e p T e m b r e

Le duo slop pop new-yorkais Diet Cig peut déjà compter sur un engouement de taille, même s’il a uniquement fait paraître un EP (Over Easy, février 2015) et un maxi (Sleep Talk/Dinner Date, septembre 2015). À Montréal, il sera accompagné par le trio rock montréalais Nancy Pants et par le sublime projet pop lo-fi Free Cake for Every Creature.

Cette formation électronique composée exclusivement de Derwin Schlecker sera de passage à Montréal dans le cadre des soirées organisés par I love Neon. Ce concert saura plaire aux fanatiques de musique électro.

FESTIVAL AGRIROCK C e n T r e-v i L L e d e s a i n T-h ya C i n T h e d u 22 a u 25 s e p T e m b r e

Ayant pour but de «promouvoir la scène musicale émergente indépendante de la région de Saint-Hyacinthe», le festival Agrirock revient pour une quatrième année avec une programmation relevée, qui n’a rien à envier à ses nombreux homologues. S’y produiront notamment Fred Fortin, Les Hôtesses d’Hilaire, Bermudes, Brown, Bad Nylon, Mon doux saigneur, Les Deuxluxes et Dead Obies.

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MA(G)MA

TARTUFFE

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T h Ê âT r e d u n o u v e a u m o n d e du 27 sepTembre au 22 oCTobre

CrĂŠĂŠe par le collectif Castel Blast, cette pièce est ÂŤun objet thÊâtral hybrideÂť mĂŠlangeant le thÊâtre, la danse, le chant et la vidĂŠo. Avec 30 interprètes de la relève sur scène, la production questionne ÂŤnotre rapport au groupe, Ă la sexualitĂŠ et au besoin irrĂŠpressible de se doter de nouvelles idolesÂť. Ma(G)ma ouvre la saison 2016-2017 de l’Espace libre.

Le metteur en scène Denis Marleau poursuit son ÂŤcycle MolièreÂť et adapte Tartuffe Ă la RĂŠvolution tranquille, alors que le QuĂŠbec ÂŤabandonne l’orgue pour la guitareÂť. Dans ce climat, le père de famille Orgon (BenoĂŽt Brière) installe chez lui Tartuffe (Emmanuel Schwartz), un misĂŠreux rencontrĂŠ Ă l’Êglise. Ce dernier viendra bousculer les valeurs de sa famille d’adoption.

EN CAS DE PLUIE, AUCUN REMBOURSEMENT

LE ROYAUME DES ANIMAUX

T h Ê âT r e j e a n d u C e p p e d u 7 s e p T e m b r e a u 15 o C T o b r e

Simon Boudreault propose une pièce inspirĂŠe par les univers de Wes Anderson, Maurice Druon et George R. R. Martin. Roi et propriĂŠtaire d’un parc d’attractions, Le King (Raymond Bouchard) doit prendre sa retraite. Pressentie comme hĂŠritière, sa fille (Catherine Paquin BĂŠchard) est toutefois un peu trop irresponsable pour prendre le trĂ´ne.Â

T h ĂŠ âT r e d e Q u aT ’ s o u s dès Le 6 sepTembre

Cette pièce, mise en scène par Angela Konrad, exploite les pans d’une mise en abyme thÊâtrale faisant face Ă un dĂŠclin de l’art et Ă la dĂŠchĂŠance des rapports humains. Écrit par le cĂŠlèbre auteur allemand Roland Schimmelpfenning, cette comĂŠdie satirique ouvre la saison en grand au Quat’Sous.


71 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO1 #O8

O9 / 2O16

LA DÉLIVRANCE

UN TIMIDE À LA COUR

LE BRASIER

T h ĂŠ âT r e d ’ a u j o u r d ’ h u i d è s L e 20 s e p T e m b r e

T h Ê âT r e d e n i s e-p e L L e T i e r d è s L e 28 s e p T e m b r e

T h ĂŠ âT r e d ’ a u j o u r d ’ h u i dès Le 27 sepTembre

La genèse de cette pièce prend racine dans un QuĂŠbec des annĂŠes 80 oĂš s’entremĂŞle un drame familial. L’auteure Jennifer Tremblay ĂŠtale les dĂŠboires d’une famille ĂŠclatĂŠe tentant dĂŠsespĂŠrĂŠment d’obtenir la rĂŠconciliation.Â

Cette pièce, ĂŠcrite en 1611, tout juste cinq an après le cĂŠlèbre Don Quichotte de Cervantes, demeure une Ĺ“uvre important du siècle d’or espagnol, grande pĂŠriode de rayonnement culturel de l’Espagne. La mise en scène est dirigĂŠ par nul autre qu’Alexandre Fecteau.

Ce tableau familial qu’offre le metteur en scène David Paquet oscille entre comĂŠdie noire et drame. Une pièce oĂš trois personnages ressassent de vieux souvenirs d’enfance enfouis bien loin derrière eux.

YO, CARMEN

L’ÉCOLIĂˆRE DE TOKYO

ThÊâTre maisonneuve 29 s e p T e m b r e a u 1 o C T o b r e

T h Ê âT r e d e n i s e- p e L L e T i e r dès Le 6 sepTembre

Ce spectacle ouvrant la saison de Danse Danse est une belle et flamboyante ode Ă la fĂŠminitĂŠ. Comptant 8 danseurs et 7 musiciens sur scène, la chorĂŠgraphe MarĂ­a PagĂŠs, vue comme l’icĂ´ne mondiale du flamenco, offre aux spectateurs une performance hautement rythmĂŠe.

Sam, un jeune QuÊbÊcois, arrive à Tokyo et fait la rencontre fortuite d’un sexagÊnaire qui prÊvoit de se faire un hara-kiri, un rituel de suicide japonais. De cette rencontre naÎtra une envie de fuite et d’errance pour Sam.

SOUNJATA T h Ê âT r e e s pa C e L i b r e d è s L e 20 s e p T e m b r e

Sounjata relate l’histoire d’un couple de passage Ă Bamako qui subit diffĂŠrents changements Ă la suite du contact avec l’ÊpopĂŠe de Soundiata Keita, le fondateur du Mali au XIIIe siècle. Le texte et la mise en scène est signĂŠ par le fabuleux Alexis Martin puis coproduit par le Nouveau ThÊâtre ExpĂŠrimental.

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CINÉMA <

LA PLUS VASTE SÉLECTION DE BIÈRES QUÉBÉCOISES DE LA GRANDE RÉGION DE MONTRÉAL

BALTHAZAR CENTROPOLIS

­ / LeBalthazarCentropolis • 450 682 - 2007

JUSTE LA FIN DU MONDE en saLLe Le 21 sepTembre

Le talentueux Dolan revient à la charge avec ce film où s’entremêlent les tribulations d’un écrivain qui revient après 12 ans d’absence dans son village natal. De charmantes retrouvailles en dents de scie jouées par d’excellents acteurs français.

SNOWDEN e n s a L L e L e 16 s e p T e m b r e

195, promenade du Centropolis Laval, QC H7T 0B3

BALTHAZAR DIX30

­ / LeBalthazarQuartierDix30 • 450 890 - 3927

Le film est basé sur l’histoire d’Edward Snowden qui, engagé par la CIA et la NSA, révéla au monde entier un système d’écoute nommé PRISM. Oliver Stone est de retour sur nos écrans pour un drame qui nous tiendra en haleine.

9180, Boulevard Leduc, suite 210, Brossard, QC J4Y 0L1

CRISE À DEEPWATER HORIZON en saLLe Le 30 sepTembre

En avril 2010, une plateforme pétrolière céda dans le golfe du Mexique, entraînant avec elle son lot de catastrophes écologiques. Ce film relate les faits et met de l’avant le courage des membres présents lors de cette tragédie.


73 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO1 #O8

O9 / 2O16

LIEU CULTUREL POUR TOUS LES MONTRÉALAIS

SÉRIE ON SE LANCE LA REINE-GARÇON en saLLe Le 2 sepTembre

Ce film du réalisateur Mika Kaurismäki est basé sur l’histoire de la reine Christine qui amena la Suède au modernisme durant le XVIIe siècle. Ce long-métrage abordera le sujet de l’homosexualité de cette prospère reine

ISABELLE BLAIS ET PIERRE-LUC BRILLANT COMPLICITÉ VOLONTAIRE – 14 octobre pO

9 - LE FILM en saLLe Le 9 sepTembre

Ce long métrage réalisé par neuf réalisateurs québécois projette neuf histoires satiriques et comiques. On y voit notamment le travail de Marc Labrèche, Ricardo Trogi, Érick Canuel et Éric Tessier pour ne nommer que ceux-ci.

BLANCHE BAILLARGEON PAYSAGES DU JOUR TRANQUILLE – 18 et 22 octobre pO

SULLY en saLLe Le 9 sepTembre

En janvier 2009, un Airbus A320 d’US Airways atterrit d’urgence sur le fleuve Hudson près de la ville de New York. Le pilote de l’appareil, Sully Sullenberger, sauve les 155 passagers et membres de l’équipage. Réalisé par Clint Eastwood et avec Tom Hanks dans le rôle de Sully, ce film donne naissance à un drame grandiose. >

MISSES SATCHMO IS THAT ALL THERE IS 19 octobre pO

CHRISTINE TASSAN ET LES IMPOSTEURES ENTRE FÉLIX ET DJANGO – 4 et 5 novembre pO

JASON ROSENBLATT LA SÉRIE DE L’AVENUE D’OUTREMONT – 18 janvier pO

QUARTOM ACTE III 14 et 24 février pO pO : petit Outremont

LETS INFO ET BIL

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74 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO1 #O8

O9 / 2O16

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Une guerre du Far West Ă l’AmĂŠricaine, voici ce que rĂŠserve ce film du rĂŠalisateur Antoine Fuqua. Sept mercenaires se font la guerre dans l’ouest des États-Unis au tournant du XXe siècle pour venir en aide Ă un village de paysans aux prises avec des voleurs sauvages.

MONTRÉAL ARTS INTERCULTURELS (MAI) L’envers des ÎLes bL anChes 9 a u 17 s e p T e m b r e

Le centre d’art mai prÊsente l’exposition L’envers des Îles blanches de l’artiste multidisciplinaire Claudia Bernal. Les installations-performances de Claudia Bernal abordent des sujets comme l’identitÊ fÊminine, l’errance, la marginalitÊ, l’isolement, la fragilitÊ et la force intÊrieure, avec des ÊlÊments issus de la nature.

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FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA LITTÉRATURE (FIL) Q u a r T i e r d e s s p e C Ta C L e s dès Le 23 sepTembre

Le centre-ville de MontrÊal sera envahi par une grande fête de la littÊrature d’ici et d’ailleurs. Le FIL accueillera plus de 200 Êcrivains et prÊsentera des expositions et des lectures. Des prestations seront aussi de la programmation.

A TALE OF LOVE AND DARKNESS en saLLe Le 2 sepTembre

Dans ce film qui se passe Ă JĂŠrusalem en 1945, Natalie Portman joue le rĂ´le d’une mère israĂŠlienne qui possède un lien très particulier avec son fils. En trame de fond, la guerre qui ĂŠclate et qui blesse. Ce long mĂŠtrage est basĂŠ sur le roman autobiographique du cĂŠlèbre auteur israĂŠlien Amos Oz.

ARTS VISUELS

LES SEPT MERCENAIRES

LITTÉRATURE

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Edmund alleyn À NE PAS MANQUER! JUSQU’AU 25 SEPTEMBRE DANS MON ATELIER, JE SUIS PLUSIEURS. Edmund Alleyn, Mondrian au coucher, 1973 – 1974. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal. Photo : Richard-Max Tremblay

MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL

185, rue Sainte-Catherine Ouest Montréal (Québec) H2X 3X5 Canada Métro Place-des-Arts macm.org


«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»

Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.

Pishier

teomtl.com


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