QUÉBEC VO1 #O8 | SEPTEMBRE 2O16 ALAN LAKE ROBERT LEPAGE FRÉDÉRIC DUBOIS ALACLAIR ENSEMBLE QUÉBEC REDNECK BLUEGRASS PROJECT CHLOÉ ROBICHAUD / FCVQ ANDRÉ FORCIER JOHN WATERS FRANÇOIS CHARTIER ANNIE BAILLARGEON
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O1 O8 QUÉBEC | SEPTEMBRE 2016
RÉDACTION
Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Coordonnatrice à la rédaction et journaliste: Catherine Genest / Chef de section musique: Valérie Thérien / Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris / Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Coordonnatrice des contenus: Alicia Beauchemin / Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Correctrice: Mélanie Jannard
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Patrick Baillargeon, Réjean Beaucage, Mickaël Bergeron, Caroline Décoste, Christine Fortier, Ralph Boncy, Nicolas Gendron, Céline Gobert, Julie Ledoux, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Alexandre Taillefer, Franco Nuovo, Normand Baillargeon, Eric Godin
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OPÉRATIONS / PRODUCTION
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COMMUNICATIONS VOIR
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ALORS QUE LE DUO MILK & BONE EST SUR UNE BONNE LANCÉE DEPUIS PLUS D’UN AN, CAMILLE POLIQUIN LANCE LE PREMIER ALBUM DE SON PROJET SOLO. Photo | John Londoño Maquillage | Léonie Lévesque Stylisme | Frédérique Légaré Assistants | Vassili Schneider & Maxime St-Jean Retouche | Victoria Lord Production | Eliane Sauvé (Consulat)
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SCÈNE
Alan Lake Robert Lepage Frédéric Dubois
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MUSIQUE
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CINÉMA
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ART DE VIVRE
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LIVRES
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ARTS VISUELS
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QUOI FAIRE
Alaclair Ensemble Québec Redneck Bluegrass Project
Chloé Robichaud André Forcier Rétrospective John Waters
François Chartier
Sur la route
Annie Baillargeon
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p16) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p44) Alexandre Taillefer (p56)
ABONNEMENT (P27)
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
SOUVENIRS DE VACANCES Ça m’est apparu comme ça, il y a quelques mois, un soir où nous allions souper chez les beaux-parents. Comme d’habitude, je cuisine avec Roger, le beaupère. Les filles, sœurs de ma blonde, discutent avec Henriette, leur mère. Le temps de se remettre à jour dans les nouvelles. Les dernières vacances, le boulot, les aventures du quotidien. Roger, lui, aime cuisiner et causer politique. Tous les beaux-pères du monde qui souhaitent gueuler un peu ont besoin d’un beau-fils qui va souper de temps en temps. Je joue ce rôle depuis vingt ans avec intérêt et bonhomie. J’apporte tout ce qu’il faut dans ma glacière: le repas à cuisiner, le pinard, mes ustensiles et quelques bons sujets polémiques que je peux mettre sur la table comme apéritifs. De quoi nous mettre en appétit. – Hey les gars, chicanez-vous pas! – On se chicane pas, on discute. À un moment donné, une fois ces discussions épuisées et le repas prêt à servir, il faut mettre la table. Roger sort un de ses souvenirs de voyage. Une nappe achetée au Mexique à l’époque où il vivait à l’année dans un motorisé. Car Henriette et Roger, ce sont des aventuriers. Sa carrière de pharmacien, il l’a passée en ski-doo à faire la tournée des dispensaires sur la CôteNord, là où il n’y a pas de route. Ensuite, ce fut la BaieJames. Toujours sur la route. Au moment de prendre leur retraite, comme lieu de repos, ils ont choisi la route, encore. Un gros motorisé qu’ils habitaient toute l’année en sillonnant l’Amérique. Cette nappe, c’est un souvenir immobile de cette vie en mouvement que mon beau-père ressort pour l’occasion. C’est à ce moment qu’Henriette prend part à notre conversation. – Wow, Simon! Tu as aussi apporté cette belle nappe! C’est ben gentil! Roger sourcille, le regard silencieux.
– C’est à toi, cette nappe mon minou. Tu l’as achetée au Mexique. – Ah oui? En tout cas, elle est très belle! On dépose les couverts, on place les verres. Rebelote pour la nappe qui séduit Henriette à nouveau. – Elle est vraiment belle cette nappe que tu as apportée, mon beau Simon! C’est super! Roger, solide, ne tangue même pas un peu. – Henriette, c’est à toi la nappe, on l’a achetée ensemble au Mexique. C’était connu. On en avait parlé à plusieurs reprises. Elle en perdait des bouts. Des petits bouts, au début, et des bouts de plus en plus gros, par la suite. Des plages horaires complètes s’effaçaient. Là, c’était la nappe, le Mexique, les voyages. En mangeant les petits fours, quelques minutes plus tard, elle allait aussi oublier qu’une serviette de table, ça ne se mange pas. Elle la croquait comme si c’était un canapé au fromage. – Hey, Henriette, mange pas ta napkin là! À ces épisodes anodins s’en ajoutaient d’autres, plus sombres. Comme la fois où elle a cru que Roger, qui vit avec elle depuis des siècles, était en fait un surintendant. Comme toutes les fois où elle faisait ses valises le matin pour les poser sur le pas de la porte, convaincue qu’elle et Roger n’habitaient cet appartement que temporairement et qu’ils devaient retourner à la maison. Va savoir pourquoi, mais c’est ce qu’elle croyait. Roger a la chance d’avoir cinq filles, dont deux qui habitent à quelques pas de la maison et qui peuvent lui donner un coup de main. C’est beaucoup pour un seul homme, une amoureuse qui oublie. À chaque moment, chaque seconde, il peut se passer quelque chose d’imprévu. Je me disais, à la blague, que ceux qui n’ont plus de souvenirs peuvent s’étonner de tout
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constamment. Mais ce n’est pas drôle, car l’étonnement se transforme souvent en stupéfaction, en consternation ou pire, en terreur. Va savoir ce qu’elle va te sortir d’un jour à l’autre. D’autant plus qu’elle oublie même qu’elle oublie. Si vous lui posez la question, pour elle, tout va bien: «Mais non, je n’ai pas oublié, de quoi vous me parlez?» Tout ça pour dire qu’il a bien fallu aller chercher de l’aide et envisager de trouver un domicile où elle pourrait être encadrée par des professionnels. C’est une phrase bien jolie pour dire qu’il fallait «la placer» dans un CHSLD. Vaut mieux ne pas trop lire les journaux lorsqu’on entrevoit cette option. Ce n’est pas Versailles, pour dire les choses simplement. Tout ça avec le sentiment d’échec qui vient avec, le sentiment qu’on n’est plus capables, qu’on ne sait pas comment, qu’on n’a pas les ressources ou les moyens, malgré les promesses de toute une vie. Devant la personne qui oublie, c’est le futur qu’on voudrait effacer pour ne jamais l’affronter. Un paradoxe effrayant.
Il a fallu envisager le scénario des vacances. Une place a été trouvée dans un centre de répit, un service d’hébergement temporaire pour des personnes en perte d’autonomie. Roger et ses deux filles sont allés la reconduire, laissant entendre que c’était comme un voyage, un hôtel, un centre de ressourcement, quelque chose du genre. Ça devait durer quelques jours, pour faire un premier essai et permettre à Roger de se ressaisir. C’était mal connaître Henriette. Quelques heures plus tard, elle avait aussi oublié qu’elle était en vacances. Ils ont rappelé pour qu’on retourne la chercher. Elle tentait de se sauver par la fenêtre. Ils ont dû refuser. Si des professionnels ne pouvaient pas la calmer et s’en occuper, que pourrait donc faire la famille avec une Henriette complètement désemparée? Elle est donc restée là. Avec de l’aide, elle a fini par se calmer. On verra pour la suite. On nous dit qu’elle va mieux. Il n’y a pas de morale à cette histoire. Pas de fin non plus. On ignore aussi, d’ailleurs, comment elle a commencé. Le temps passe, comme d’habitude. Restent les fragiles souvenirs de vacances. y sjodoin@voir.ca
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Au sous-sol du cœur le chorégrAphe creuse là où çA fAit mAl Avec son nouveAu spectAcle IN SITU, un dépArt cAnon pour lA sAison de dAnse à Québec. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTO | MATHIEU DOYON
Reconnu jusque dans la métropole pour son approche pluridisciplinaire alliant la vidéo et les arts plastiques au mouvement, Alan Lake se démarque aussi par la gestuelle intensément athlétique qu’il impose à ses interprètes. Exiger le meilleur des danseurs et repousser les limites de leurs corps est pour lui une marque de respect, un gage de confiance. Dans ses œuvres, les protagonistes sont équitablement mis en valeur. «Cette fois, c’est trois hommes, une femme. Il y a un rapport différent entre ces êtres, mais de toute façon, pour moi, l’homme et la femme sont égaux. […] Je ne dirais pas que ma danse est féministe, mais elle est certainement égalitaire. Je suis vraiment quelqu’un qui respecte beaucoup les femmes. Elles portent la vie, elles accouchent, et ce, depuis le début du monde. Ce n’est pas un poing levé ou un sujet de ma danse, mais toute femme qui danse avec moi est [dépeinte de façon] forte.» Cette dame, cette fois-ci, c’est la captivante Esther Rousseau-Morin. Une complice de longue date d’Alan que ce dernier admire pour sa virtuosité et son charisme, qualités qu’il perçoit aussi chez David Rancourt (un autre collaborateur régulier), Louis-Elyan Martin et Nicolas Labelle.
Par ailleurs, tous seront amenés à apporter de l’eau au moulin, au-delà de la simple reproduction du geste et des émotions suggérées. Les caveaux est une œuvre aussi sombre qu’introspective qui sera teintée par leurs idées ainsi que leur bagage sentimental. «On va aller dans les replis de nos peurs, celles des interprètes, pour qu’ils puissent les démanteler. […] Ça leur appartient totalement.» Plutôt que de dépeindre une tempête métrologique, comme c’était le cas dans Ravages, Lake explore cette fois l’idée du cataclysme intérieur. Les personnages descendront en eux, vers des territoires sombres et froids, émotifs et effrayants.
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ALAN LAKE, PHOTO | CATHERINE GENEST
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En terrain inconnu Le public aura, lui aussi, à sortir de sa zone de confort, en se laissant guider par le personnel de La Rotonde vers un mystérieux endroit désaffecté hors du centre-ville de Québec. Un bus viendra chercher les détenteurs de billets à l’arrière de la Bibliothèque Gabrielle-Roy, devant la future Maison pour la danse, pour les ramener au point ralliement initial à la fin de la soirée. Le trajet sera de 15 minutes, une demi-heure pour l’aller et le retour. Cette fois, le spectacle ne sera pas précédé par un film, aucun long métrage ne sera présenté dans le premier acte. Alan Lake a choisi de briser le moule et les projections feront plutôt corps avec la chorégraphie dans «un étrange ailleurs» vétuste aménagé spécialement pour l’occasion. L’expérience globale, comme récepteur, en sera forcément bonifiée. «À chaque fin de tournage, j’ai toujours rêvé d’amener les gens dans le lieu source pour qu’ils vivent le processus premier, l’influence première. […] Là, mon souhait se réalise enfin.» Un nouveau cadre onirique, presque cauchemardesque, lui permettra de vivre ses fantasmes scénographiques aux côtés de l’éclairagiste Bruno Matte. «Là, je vais avoir le droit d’exagérer la matière, explique le polyvalent chorégraphe. J’ai voulu reproduire l’expérience de théâtre dans un
autre lieu, mais en me détachant du parcours déambulatoire. C’est une œuvre in situ dans un lieu secret, un lieu insolite et intérieur. […] Les spectateurs sont assis et sont partie prenante de ce décor-là.» Le site se transformera, se magnifiera et se sculptera pour accueillir 100 personnes à chaque représentation et sera, au préalable, investi par toute l’équipe de création pour une résidence de six semaines. Un blitz, un saut sans filet, une course contre la montre pour la distribution de danseurs et le compositeur Antoine Berthiaume qui partagera cette singulière scène avec eux. Une rencontre entre divers modes d’expressions, du cinéma à la musique en passant par les arts visuels et la danse, le travail d’Alan Lake et la campagne. Son environnement de prédilection. «Je me laisse constamment influencer par cette nature… mais pas par le côté bucolique! C’est davantage les éléments, comment tout se fusionne ensemble, du lichen à la décomposition, de l’éclosion à la sédimentation. La nature est une source d’inspiration première pour moi.» y Du 11 au 15 octobre Départ de la Maison pour la danse à 19h Une coproduction et coprésentation de La Rotonde
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lA renAissAnce renouAnt Avec le solo intimiste et AutobiogrAphiQue, robert lepAge retrouve l’inspirAtion dAns 887, un spectAcle Qui rAppelle lA gloire de ses meilleures Années et suit les trAces de LA FACE CACHÉE DE LA LUNE en mêlAnt petite et grAnde histoire Avec mAestriA. CRITIQUE | PHILIPPE COUTURE
PHOTOS | ERICK LABBÉ
C’est dans la forme autofictionnelle que Robert Lepage excelle, visiblement. Ses spectacles, quels qu’ils soient, continuent d’attirer des foules avides de se laisser impressionner par ses machineries technologiques et son théâtre qui flirte avec les identités et les continents. Mais il faut bien admettre que sa récente trilogie autour des jeux de cartes ou ses récents spectacles Le dragon bleu ou Eonnagata n’avaient pas la force dramaturgique ni la richesse émotive de ses solos autobiographiques
mythiques comme La face cachée de la lune ou Les aiguilles et l’opium. Or, il faudra marquer la date au fer rouge: le spectacle 887 à l’affiche au Théâtre Trident ces jours-ci nous le ramène au sommet de cette forme intimiste dont il a le secret, liant brillamment petite et grande histoire; racontant la cellule familiale intime mais aussi l’histoire du Québec des années 1970. Et ce, dans un dispositif scénographique et technologique
> qui reconstitue un immeuble à logements recelant portes et cachettes. En surgiront des merveilles. Pas de machinerie laborieuse comme celle de Lipsynch en 2009, laquelle tuait la magie de l’illusion, mais un espace unique de représentation et de projection qui se transforme allègrement et avec fluidité. Dans 887, Lepage renoue avec un théâtre de métamorphoses scénographiques condensées dans une structure mobile aux imbrications nombreuses et étonnantes, jouant de la multiplicité des cadres et ainsi de la multiplicité des sens. Cet immeuble dans lequel Lepage anime toute une galerie de personnages, jouant avec les spectres de ses voisins d’enfance comme avec des figurines, sera graduellement éventré pour laisser voir des environnements variés. Il se déplie et se recompose, se dévoilant en plusieurs couches. Les perspectives sont multiples, à l’image du récit de Lepage, qui va de l’enfance à l’âge adulte en un tournemain, ou qui navigue, en quelques détours, du Limoilou ouvrier des années 1960 jusqu’au Montréal artistique des années 2010. Lepage, pourtant, ne se donne pas particulièrement le beau rôle. Se dépeignant en artiste bourgeois et narcissique, trop préoccupé par la biographie que le Téléjournal prépare sur lui, il apparaît tout de même plus sympathique à mesure que cet égocentrisme s’arrime à une quête authentique (et ardue) du souvenir, à un parcours dans la mémoire familiale et collective. La face cachée de la lune était un hommage à la mère; 887 est une ode au père. Homme de cœur et d’ouvrage, chauffeur de taxi allongeant les heures de travail pour subvenir aux besoins de la famille, mais homme d’idées dans une société changeante, il apparaît un peu magnifié par les aléas de la mémoire, ou parfois diffus dans ce même souvenir. Les volutes de fumée de la cigarette que Lepage lui fait fumer à l’avantscène, en une image forte, symbolisent cette mémoire qui s’épaissit puis s’envole. Pendant que la famille Lepage cherche à améliorer sa condition et que le petit Robert rêve d’entrer dans une école prestigieuse, le Québec francophone est aussi en quête d’émancipation et va bientôt en vivre les contrecoups des épisodes d’Octobre 70. Lepage entrecroise ainsi, sans relâche, intimité et politique. Comme partout dans son œuvre, il raconte un peuple écartelé entre les langues et les identités, également imprégné d’une profonde américanité même si celle-ci est constamment remise en question. Ici, notamment, l’appartenance à l’Amérique s’exprime par la voix de Nancy Sinatra, qui accompagne sereinement quelques-unes des plus belles scènes du spectacle. He wore black and I wore white / He would always win the fight / Bang Bang / En parallèle du souvenir familial, Lepage revisite l’héritage intellectuel des années 1970 par l’entremise du mythique poème Speak White, de Michèle Lalonde, qu’il peine à mémoriser mais qu’il finira par interpréter puissamment, dans un moment de théâtre mémorable. y Au Théâtre du Trident du 13 septembre au 8 octobre 2016
retour sur les bAncs d’école frédéric dubois est une figure mArQuAnte du théâtre à Québec. depuis près de vingt Ans, sA polyvAlence et son AudAce ont rythmé lA scène théâtrAle de lA vieille cApitAle. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTO | STÉPHANE BOURGEOIS
Après avoir été coordinateur artistique du Périscope pendant cinq ans, il quitte l’avenue Salaberry pour se diriger à l’École nationale de théâtre du Canada, où il a été nommé directeur artistique de la section française un peu plus tôt cette année. Retour sur un parcours épatant avec le principal intéressé. Lorsque qu’on jette un coup d’œil à la feuille de route de Frédéric Dubois, on a peine à croire qu’il est seule-
ment au seuil de la quarantaine, tant ses projets sont multiples et diversifiés. Alors tout juste au début de son parcours au Conservatoire d’art dramatique de Québec, il a fondé en 1997 la compagnie du Théâtre des Fonds de Tiroirs. Il n’a jamais hésité à se frotter à de grands textes; on pense rapidement à son Zazie dans le métro de Raymond Queneau ou encore à son Vie et mort du roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard, spectaclefleuve de 8h dans les rues de Limoilou. Il fut l’un des
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15 plus jeunes metteurs en scène à occuper les planches d’un théâtre institutionnel, le Trident, quand il a monté HA ha! de Réjean Ducharme, alors qu’il était âgé 25 ans. Il sait à quel point Québec lui a fourni une liberté et un espace de création fertile pendant toutes ces années. «Quand j’étais à l’école, j’étais le seul à être resté à Québec. À mon époque, le monde qui partait travailler à Montréal ne revenait pas. Alors que moi, si je n’avais pas travaillé dans le terreau que m’offrait Québec, jamais je n’aurais pu travailler si rapidement.» Quand Marie-Thérèse Fortin lui ouvre les portes du Trident, il va y chercher une expérience de travail unique. «Quand t’as 25 ans et que tu travailles avec Lorraine Côté pour monter un Ducharme au Trident et qu’à la suite d’une proposition elle te dit: “Non, je ne fais pas ça“, le moins qu’on puisse dire, c’est que tu apprends ton métier!» Bien que celui qui a remporté le prix John-Hirsh en 2008, remis par le Conseil des arts du Canada pour un début de carrière prometteur, n’a jamais été à court de projets, il croit bon de souligner qu’il faut toujours demeurer ouvert. «J’ai eu une formation classique, mais il a fallu que je touche à pas mal d’affaires. Les gens me trouvent chanceux parce que je travaille du métier, que je fais du théâtre et que je ne fais que ça. Oui, mais j’ai fait de la grosse compagnie, de la petite compagnie, de la mini production, de l’enfant, du TNM, du Music-Hall, de l’enseignement, du fond de ruelles, etc. Il a fallu que je m’investisse, que je sois près à tout, à toutes les aventures, je ne me suis pas niché. Moi, très vite j’ai compris qui si je ne m’y mettais pas, personne n’allait venir me chercher. Et ça, je pense que j’ai ça en moi.» Lorsqu’on questionne son ami Olivier Kemeid, le dramaturge derrière leur immense projet Five Kings, les mots viennent aisément pour souligner le travail et l’importance de Dubois à Québec. «Frédéric est l’un des premiers de sa génération à avoir développé le métier de metteur en scène de façon à la fois ambitieuse et précise. Il est de ceux qui ont décidé de se consacrer à la mise en scène et de se frotter à de grands textes du répertoire. Il s’est fait les dents sur du Ionesco, du Ducharme, du Queneau et compagnie.» Celui qui fut l’un des plus jeunes dirigeants de théâtre de Québec alors qu’il fut nommé au Périscope en 2011 souligne l’importance de cette expérience pour la suite des choses à l’École nationale de théâtre. «Je pense que je vais être un meilleur directeur à l’école parce que j’ai passé par le Périscope. Parce que j’ai passé par un chemin où j’ai dû constamment me rappeler que je ne peux pas être le centre, que je ne suis pas le centre, que les choses ne m’appartiennent pas, mais que ça n’enlève pas les possibilités de travailler, les possibilités d’insuffler une personnalité. J’ai la preuve par mille que c’est possible de faire ça et de transmettre ça.» Lorsqu’on lui demande si ses années à Québec laisseront une trace, bien qu’il continuera de faire de la mise en scène, il prend le temps d’y réfléchir. «Pour répondre bien honnêtement à la question, je crois que mon legs est un legs d’ouverture. Je pense que l’avenir du théâtre au Québec repose là-dessus en ce moment. Il faut qu’on occupe le territoire, et pas simplement à Québec et à Montréal. C’est plus facile d’aller faire la première résidence de Five Kings à la Chartreuse d’Avignon qu’à Baie-Comeau.» Occuper le territoire, théâtralement parlant, comme la seule vraie façon de créer le dialogue, de bâtir des ponts, d’aller à l’autre, comme Dubois l’a toujours fait et le fera toujours. Loin d’une finalité, sa nomination à l’École nationale de théâtre s’inscrit dans la continuité pour Frédéric Dubois, cette flamme incandescente du milieu théâtral québécois. y
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mickAël bergeron ROULETTE RUSSE
l’usure des jours J’étais couché sur le gazon, à un pied du canal Lachine à Montréal, quand le paysage a déposé un motton dans ma gorge. Ce qui reste de l’ère industrielle, comme le chemin de fer et le canal, se mêle aux tours modernes qui, elles-mêmes, se mêlent aux bâtiments du quartier ouvrier qu’était SaintHenri. Une image magnifique où le temps se fait sentir. On pourrait même dire qu’il est en vedette. Les traces du temps m’émeuvent. Les rides sur un visage. Une guitare usée. Un poteau rouillé. Ça vient profondément me chercher. Mais je ne veux pas vivre que dans du vieux pour autant. Je suis encore plus ému quand l’usagé rencontre le neuf et qu’une relation se crée. C’est comme un voyage dans le temps. C’est comme un sage qui s’adresse à un enfant ou une main tendue à la relève. Des fois, j’ai peur de Régis Labeaume. J’ai peur de son appétit pour le moderne. Souvenez-vous comment il ne voulait plus de l’étiquette «Vieille Capitale». On regarde ensuite certains dossiers reliés au patrimoine comme l’œuvre Dialogue avec l’histoire, tout le dossier du Patro Saint-Vincent-de-Paul ou celui du Centre Vidétron et on n’est pas rassuré. On rase le vieux pour faire place au neuf. Peu de dialogues avec l’histoire, justement. En 2014, le Comité citoyen de Saint-Roch (CCSR) a répertorié 34 immeubles abandonnés dans SaintRoch seulement. Tous ces immeubles n’ont pas un caractère patrimonial, mais ce sont des dossiers que la ville laisse traîner et, pendant ce temps, ces immeubles pourrissent, même ceux qui mériteraient d’être préservés. Selon Luc Nicole-Labrie, historien, conférencier et guide-interprète qui a raconté la Vieille Capitale à des milliers de touristes, «Québec est un symbole important et ses défis [patrimoniaux] sont énor-
mes.» Plus souvent que d’autres, la capitale a à jongler avec son histoire. De son côté, le professeur de l’Université Laval spécialisé en histoire de l’architecture et membre du CCSR Marc Grignon considère que Québec tient pour acquis son histoire et son patrimoine. «Québec, dit-il, gère bien son quartier historique à l’intérieur des murs, mais semble se reposer sur d’autres instances pour le reste de la ville, comme Parcs Canada. On perd nos faubourgs.» Le Petit Champlain et la nouvelle Maison de la littérature sont, selon Luc, des exemples de conservation réussie. Le Petit Champlain a été réapproprié, revalorisé, préservé et, surtout, demeure ce qu’il était: un quartier habité et vivant. Sa voisine, Place Royale, par exemple, est plus un musée à ciel ouvert qu’un quartier dynamique comme elle l’a déjà été. Elle est maintenant figée dans le temps. Sa personnalité a été lobotomisée. Et c’est dommage. «C’est important de se rappeler, explique Luc Nicole-Labrie, mais c’est aussi important que les gens se servent du patrimoine; la génération actuelle, mais aussi les prochaines. Si le bâtiment ne sert pas, si on n’arrive pas à le valoriser, il faut alors se demander pourquoi on le garde.» Toujours selon lui, l’idée de garder pour garder ne peut se défendre que par un caractère exceptionnel d’un édifice ou d’un lieu. Pas juste par l’attachement qu’on éprouve envers celui-ci. Ça ne veut pas dire qu’on peut tout détruire ce qui ne sert plus, mais qu’il faut se poser les bonnes questions. Luc Nicole-Labrie répète que le patrimoine n’est pas quelque chose qui doit rester figé dans le temps et encore moins vivre sous une cloche de verre. «Le patrimoine doit servir, être utile, être vivant, pas juste paraître», insiste-t-il.
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Marc Grignon déplore, par exemple, la brisure créée par la tour Fresk, sur la rue Saint-Joseph. La place Jacques-Cartier était la première place publique de Québec et cette vocation publique était maintenue avec la bibliothèque et l’amphithéâtre qui, lui, a été détruit pour laisser place à la tour. C’est maintenant un endroit privé. «Une place publique n’est pas un terrain vacant, avertit le professeur, c’est important de les protéger.» Pour Luc Nicole-Labrie, le patrimoine est un difficile équilibre entre ce qu’on était, ce qu’on est aujourd’hui et ce que l’on veut devenir. C’est justement l’avenir du quartier Saint-Roch qui inquiète le CCSR. En plus des immeubles, il faut aussi préserver l’esprit des quartiers, croit Marc Grignon. Le nombre d’immeubles abandonnés dans Saint-Roch et le prochain Programme particulier d’urbanisme (PPU) lui font peur. Pourra-t-on préserver l’esprit du quartier Saint-Roch? Est-ce que tous ces immeubles deviendront des tours à condos?
«rAser du vieux juste pour mettre du neuf, c’est stupide. préserver du vieux juste pour le regArder, c’est Aussi stupide.»
UN REGARD NEUF
2016 6 - 2017
13 septembre au 1er octobre
DOGGY DANS GRAVEL Par le Théâtre Kat a 11 au 29 octobre
STOCKHOLM, LE SYNDROME Par le Chien sourd 1er au 5 novembre
ENVIES Par le Théâtre esc arpé Hors les murs Lieu : bar Le Sinatra, 1096, 3 e Avenue
15 au 19 novembre
PARFOIS, LA NUIT, JE RIS TOUT SEUL Par le Théâtre de la Marée Haute 24 novembre au 3 décembre
FUCK TOUTE Par Catherine Dorion et Mathieu Campagna Présenté les jeudis, vendredis et samedis Toutes les représent ations sont à 20 h.
9, 10, 15 et 16 décembre à 20 h 10, 11, 17 et 18 décembre à 16 h et à 20 h
«Je n’ai rien contre les immeubles modernes ni les condos, enchaîne le professeur, mais le tout doit s’intégrer dans le quartier et créer une rétention, pas seulement augmenter la densité, d’autant plus que Saint-Roch est déjà l’un des plus denses.» Si aucune famille ne reste parce qu’il manque de service ou parce qu’il manque une diversité de logements, quelle qualité de vie restera-t-il dans le quartier? «Cette idée de moderniser Québec revient souvent», relate Marc. Imaginez si Lord Dufferin n’avait pas réussi à convaincre les élus que Québec devait préserver ses fortifications plutôt que les détruire, que viendraient voir les touristes? Il y a eu un compromis entre l’histoire et la modernité (les voitures), en adaptant les portes. Raser du vieux juste pour mettre du neuf, c’est stupide. Préserver du vieux juste pour le regarder, c’est aussi stupide. Laisser pourrir un édifice pendant des années parce qu’on refuse de le rénover, c’est fourbe, mais là, c’est un autre débat. Je ne sais toujours pas quoi penser de tous ces immeubles abandonnés, mais je retiens que le patrimoine doit vivre. Et la vie est belle lorsqu’elle donne des rides. y
LES CONTES À PASSER LE TEMPS Par la Vierge folle Hors-série Lieu : La Maison Chevalier 50, rue du Marché-Champlain
870, avenue De Salaberry premieracte.ca - 418 694-9656
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Douloureuse cohérence Alors que le Duo électropop qu’elle forme Avec lAurence lAfonD-BeAulne, milk & Bone, est sur une Bonne lAncée Depuis plus D’un An, cAmille poliquin lAnce ce mois-ci le premier AlBum complet De son projet solo kroY. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
PHOTO | JOHN LONDOÑO (CONSULAT)
Scavenger est un disque chanté dans la langue de Shakespeare. La musicienne y explore bien les possibilités de l’électropop en s’aventurant parfois vers quelque chose de plus dance ou encore vers la ballade vaporeuse. Camille Poliquin nous explique que le disque représente bien sa recherche de cohérence chez KROY: dans le look (toujours du noir), dans les textes (souvent la mort et la douleur), dans les titres (toujours qu’un seul mot), etc.
Il suffit de regarder ses photos de presse et ses vidéoclips pour comprendre l’importance de la facture visuelle chez KROY. «Quand j’ai du temps, je regarde In Residence – une série de vidéos sur des architectes ou des designers qui nous montrent leur maison. C’est quelque chose que je voulais rendre aussi dans ce que je fais; que ce soit intéressant musicalement, mais que les gens se sentent interpellés visuellement.»
«C’est important d’avoir un rapport avec la qualité dans ce que je fais pour montrer que je ne m’en fous pas. Y a des projets qui appellent à être ben relax et les gens qui écoutent ça aiment le rapport relax qui vient avec, mais moi j’ai envie que ce soit bien mis et léché dans toute l’esthétique du projet.»
Temps mort La musique sur Scavenger est tout aussi soignée, Camille et ses réalisateurs Marc Bell et Pascal Shefteshy s’étant payé le luxe de prendre leur temps. Lorsqu’une chanson était sur les rails, les trois créateurs pouvaient parfois prendre des semaines avant de se revoir afin de bien la digérer. «C’est important d’avoir un temps mort dans le processus créatif pour s’assurer qu’on aime ça», explique la principale intéressée. «On est vraiment allés en profondeur, plus que sur le EP sorti il y a deux ans, poursuit-elle. On avait des soft synths et là c’est quasiment juste du synthé analogue. On a travaillé sur les textures. C’était le fun d’en beurrer trop et trois mois après d’enlever plein de couches pour amortir à sa simplicité.» Les textes assez sombres, parfois très imagés de Scavenger évoquent surtout les relations et les amours. Les paroles sont nées naturellement, avec le temps. Quand elle se sentait un peu déréglée,
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Camille devait mettre ses pensées en chanson. «Tu sais, au primaire, t’apprends que ça prend un élément déclencheur et des péripéties, etc. pour faire une histoire. Pour écrire mes chansons, y a tout le temps quelque chose qui tombe, ce qui fait que mon bien-être est juste un peu off et si j’écris pas cette chanson-là, je ne pourrai pas me ramener droite. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu à provoquer ça, c’est juste arrivé.» Toujours dans un souci de cohérence, le titre de l’album est une bonne indication du matériel de Scavenger. En français, le mot désigne charognard. «Ce sont des animaux ou insectes qui sont souvent seuls et qui attendent la mort. C’est très imagé et ça peut décrire plein d’affaires qui peuvent se passer dans un contexte de relation. J’ai un vocabulaire qui tend vers ce genre de choses. Y a comme un spectre de la mort qui règne sur mes chansons en général!» Si Camille Poliquin cite l’album Third de Portishead comme grande inspiration musicale, on l’entend surtout sur l’excellente Days, une espèce de conte vampirique trip-hop. Autrement, la chanteuse marie sa voix douce et quelque peu enfantine à des ambiances électroniques très actuelles, recherchées. C’est le genre d’album où à chaque nouvelle écoute, on détecte de nouveaux détails. L’écho américain Alors que KROY présentera les chansons de Scavenger sur scène cet automne et cet hiver, on aura droit à un nouveau spectacle plus vitaminé, avec l’ajout d’un batteur et d’autres instruments. «Ces derniers mois, je ne voulais pas trop modifier le spectacle avant d’arriver l’album parce que je trouve ça le fun de donner aux gens une genre d’exclusivité, un spectacle qui n’a jamais été présenté. On veut monter un spectacle qui est en cohésion avec l’album.»
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qu’on rentre en écriture pour Milk & Bone, pour un nouvel album possiblement l’année prochaine. Donc c’est super. Ça va me donner aussi le temps de voir où je suis capable d’aller avec KROY – essayer d’aller dans d’autres territoires – sans me mettre des bâtons dans les roues en ayant 12 tournées avec Milk & Bone et lancer mon album un peu dans le vide. C’est exactement ça que je voulais éviter.» y Scavenger (Dare To Care Records) Disponible le 23 septembre En concert le 23 septembre à Artgang
PETIT QUESTIONNAIRE POUR MIEUX CONNAÎTRE
KROY Quel est ton instrument de prédilection?
«Le synthétiseur. Ce que j’aime du synthé, c’est l’apprentissage. Quand je suis rendue au stade où je connais un synthé, j’en ai un autre qui devient mon synthé de prédilection. C’est une éternelle évolution.» Qui est ton idole musicale?
Ce spectacle, elle souhaite le présenter partout en Amérique du Nord. Les États-Unis sont définitivement dans sa mire et il y a déjà de l’écho. Elle a fait un concert là-bas il y a quelques mois – la première partie de Cœur de pirate à Brooklyn – et elle vient tout juste de signer un contrat avec le label new-yorkais Honeymoon, qui chapeaute également Milk & Bone.
«Grimes, pas parce que j’ai envie de faire ce qu’elle fait, mais parce qu’elle est elle-même à 100%. La raison pour laquelle elle a tellement une place importante dans la musique et qu’elle a un impact chez les gens, c’est parce qu’elle assume complètement ce qu’elle fait. Elle a jeté un album au complet parce qu’elle a voulu faire quelque chose qui lui ressemblait plus.»
Pour l’instant, travailler sur deux projets au grand potentiel en parallèle n’effraie pas Camille Poliquin. «Je tiens aux deux groupes énormément. On a décidé que je lançais mon album à l’automne alors que notre tournée se termine tranquillement et
«Wake Me Up When Septembre Ends (Green Day), My Immortal (Evanescence) et I Will Follow You Into the Dark (Death Cab for Cutie). Juste pour que les gens sachent à quel point je suis triste!»
Quelles sont les chansons de ta jeunesse?
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AtterrissAge De lA nAvette hABituellement Animé pAr l’explorAtion onDoYAnte sAns limites préDéfinies, le vAisseAu gAlActique AlAclAir ensemBle se pose sur un Astre DAvAntAge circonscrit Avec les frères cueilleurs. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
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«C’est l’album le plus rap d’Alaclair», admet Ogden, rejoint dans un mini-parc du Plateau avec ses collègues KNLO et Maybe Watson. «Pour nos deux derniers albums, on se permettait d’emprunter plein de directions. Là, on a voulu switch up la dynamique.» Initiatrice de l’étiquette post-rigodon, qui lui a servi de terrain de jeu et de rempart pour expérimenter moult alliages musicaux depuis ses tout débuts, la troupe qui regroupe également Vlooper, Claude Bégin et Eman assume davantage ses racines hip-hop sur ce quatrième album. Bref, plus que jamais, Alaclair Ensemble s’impose comme un groupe plutôt qu’un collectif étoile. «Quand tu regardes le overall picture et que t’écoutes nos projets solos, c’est facile de penser qu’Alaclair, c’est juste le croisement de nos univers complètement différents», explique Watson. «Mais on est vraiment un groupe de musique, une unité. Le dernier disque, c’est entièrement Vlooper qui l’a réalisé.» «Ça a été lui, le capitaine de l’équipe de basketball», image Ogden. «Dans une game, y a souvent un des gars qui la feel plus et qui est partout à la fois sur le terrain. Cette fois, Vlooper avait envie de tout niquer.» «C’est probablement l’œuvre du Saint-Esprit», blague KNLO. En vase clos Fruit de deux sessions d’enregistrement dans un chalet, l’une en juillet 2015 et l’autre en janvier 2016, Les Frères cueilleurs a profité d’une intense période de création en vase clos. Depuis la création des Maigres blancs d’Amérique du Noir en 2013, cette méthode de travail sert plutôt bien les membres d’Alaclair Ensemble, autrement impliqués dans une horde de projets. «Là-bas, t’as rien d’autre à faire que ça», relate Ogden. «T’as pas de rendez-vous de prévu, t’as pas d’Internet, t’as pas de blonde à aller voir...» «La productivité est exponentielle», confirme KNLO. Ainsi imposée, la bulle créative donne lieu à de multiples «brainstorms spontanés», souvent initiés par des anecdotes intestines. Fondateur de la ligue de street impro Le Punch Club, Ogden compare ces moments à la célèbre catégorie «fantasme de joueur», qui donne l’occasion à un improvisateur de réaliser «un vieux rêve de joueur» sur scène. La conclusion de l’album, DWUWWYL (acronyme signifiant Do What U Want With Your Life), en est un bon exemple. «On était dans un club relativement vide, pis il y avait un gros beat uptempo qui jouait dans la place», se rappelle KNLO. «Wats pis moi, on a commencé à délirer en chantant à répétition le refrain de la track. C’est ça qu’on a voulu reproduire.»
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Exilé en Ontario, le producteur Mash (omniprésent sur le classique premier album du groupe 4,99) a lui aussi laissé sa trace sur Les Frères cueilleurs, même s’il n’a pas pris part aux retraites de création dans les chalets. Son expression fétiche a inspiré ses six acolytes à créer une chanson en son hommage. «Mash vit dans le anglo side, et il répète toujours qu’il fait ses choses comme un humble French Canadien» raconte KNLO, sourire en coin. «On a adapté son expression à notre sauce. Quand tu veux un bon repas et une bonne bière, t’es juste un humble French Canadien.» Structure plus organisée Le groupe poursuit avec ingéniosité sa relecture loufoque et conceptuelle de l’histoire canadienne, et il en développe d’ailleurs de nouvelles facettes sur cet album, notamment par l’entremise du titre qui renvoie directement à la chimie fraternelle des membres. «C’est un hommage aux Frères chasseurs», explique Ogden, à propos de cette organisation paramilitaire fondée par son alter ego Robert Nelson en 1838. «C’est ça qui a permis aux patriotes de faire une vraie tentative de révolution. Avant ça, leur structure était trop désorganisée. Près de 200 ans plus tard, nous, on reprend ça parce que, comme eux, on recherche la bonne fibre alimentaire et monétaire. Par contre, on sait assurément qu’en 2016, les Frères chasseurs seraient devenus des vegans… et donc des Frères cueilleurs!» Le titre témoigne également de la structure maintenant plus organisée du Alaclair High. Signé sous l’étiquette 7e Ciel, le supergroupe fait paraître pour la première fois un album en magasin. «Il y a des notions très pratiques qui ont expliqué notre fonctionnement dans le passé», explique Ogden. «Sortir 4,99 gratuitement sur Bandcamp, c’était une décision très spontanée. Pour les autres albums, on a fait la même chose parce que c’était juste plus simple comme ça. Mais après plus de cinq ans d’existence, la dynamique change. Comme un couple, on a passé la pure excitation du début, et fallait faire des ajustements pour être heureux. On a donc mis à jour l’infrastructure bas-canadienne.» Plus fixe et ordonné, le vaisseau des Frères cueilleurs a désormais tout en son pouvoir pour mener la révolution qu’il a en partie instaurée sur la scène hip-hop québécoise, au tout début de la décennie. y Alaclair Ensemble Les Frères cueilleurs Disponible le 2 septembre Lancement le 9 septembre au Cercle
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De Brosse en Brosse À BorD De leur vAn juDicieusement nommée l’émeute, les quAtre AlcoolYtes De quéBec reDneck BluegrAss project pArcourent lA province De long en lArge Depuis le DéBut De l’été. le foie pAré À toutes intempéries, l’équipe Du voir s’est jointe À l’Aventure, le temps D’un mémorABle Aller-retour À vAl-DAviD Aux épisoDes progressivement flous. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
Jeudi 11 août en milieu d’après-midi, Nick The Flame (alias Capitaine Cool) nous attend dans l’escalier de son appart du Plateau. Seul membre du groupe saguenéen à habiter la métropole, le mandoliniste multiplie les périples illogiques depuis le début du Réguine Tour. «Là, on s’en va dans les Laurentides, mais faut d’abord qu’on passe par Joliette pour rejoindre la van. On s’entend que ça a pas vraiment de sens!», admet-il, en riant. «Ça a l’air con de même, mais c’est là qu’on joue samedi, et vu que la van retourne toujours au Saguenay, j’ai pas ben ben le choix.» Jusqu’à maintenant, l’été 2016 est un feu roulant de kilomètres, de musique et de houblon pour le groupe, complété par la violoniste Madeleine Bouchard, le contrebassiste Frank Gaudreault ainsi que le chanteur et guitariste JP «Le Pad» Tremblay. Uniquement entre le 28 juillet et le 8 août, QRBP a sillonné la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay– Lac-Saint-Jean et la Baie James. «À la Baie, c’était malade! Il y avait à peu près 35 personnes dans la salle, mais on a donné un show comme si on était au Rockfest», raconte Nick, actionnant du même coup une playlist trash metal. «En plus, c’tait un lundi soir, fait que les travail-
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
leurs avaient toutes la tête dans le cul le lendemain matin. Frank pis moi, on les saluait en buvant de la bière dehors.» Avec des titres de chansons comme Chu ben plus cool su’a brosse, L’cœur su’a main, l’foie dans l’autre et Je r’lève de brosse, QRBP cultive son image de groupe de party avec constance, redoublant d’ardeur en spectacle grâce à une formule fougueuse et simple, au croisement du punk, du trad et du bluegrass. Si les dérapages sont moins nombreux qu’avant (Frank aurait soi-disant cessé de «s’endormir sur sa basse»), ils alimentent encore le côté mythique du groupe. En Gaspésie, lors du Festival western de Bonaventure, le quatuor a donné raison d’être au nom de sa van. «Ça a super ben viré…», relate le mandoliniste, aussi sarcastique qu’amusé. «L’affaire, c’est que là-bas, y a ben des bagarreurs pis des cowboys. Pas trop loin, à Paspébiac, ils disent que si t’as toutes tes dents dans yeule, t’es soit un peureux, soit une femme… Bref, nous autres, on commence à jouer vers minuit et demi dans une grosse crisse de grange, alors que tout le monde est pas mal déjà ben chaud. Dès qu’on part, ça se met à se taper la yeule. À plusieurs reprises, JP arrête de jouer pour dire aux
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SAISON 2016 -2017
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> Direction générale et artistique Grégoire Legendre
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S’amorçant à Kunming en Chine il y a près d’une décennie, l’épopée QRBP carbure aux histoires abracadabrantes.
Suor Angelica
PUCCINI
Gianni Schicchi
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Le barbier de Séville
ROSSINI 13 16 18 20 mai 2017 O
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gens de se calmer. Au climax, quand on part Chu ben plus cool su’a brosse, les agents décident qu’ils en ont assez pis ils coupent le son. La foule a complètement pété les plombs… Quelques-uns ont commencé à arracher la rampe de sécurité pour venir sur le stage avec nous finir la toune a capella. Les agents perdaient totalement le contrôle! Il y a quatre chars de police qui sont débarqués pour vider la place. Nous, on capotait de voir à quel point c’était épique.»
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Présenté par
Alors qu’on se bute à un autre incompréhensible bouchon de l’heure de pointe au sortir de l’île de Montréal, Nick raconte la genèse rocambolesque du projet: «Moi et Charles Hudon, l’un des membres fondateurs, on est partis en voyage pendant trois ans après le cégep. On est arrivés en Chine quelque part en 2004 et on a vraiment tripé. Après ça, on s’est inscrits à l’Université de Montréal en sciences politiques et on s’est dégoté des bourses pour retourner làbas. C’est là qu’on a rencontré Didier Dessureault, un autre membre fondateur, avec qui on voulait se partir un band. C’est lui qui nous a mis en contact avec JP. À ce moment-là, il était aux Philippines, mais il s’est fait convaincre de venir à Kunming parce que la bière était pas chère.» Décembre 2006, le groupe se forme et, rapidement, le côté exotique de ces crazy French Canadians interpelle les «expat et les Chinois». «On s’est construit une réputation de party», poursuit notre chauffeur. «On avait cinq-six bookers indépendants qui nous bookaient des shows, autant des gros stages extérieurs devant 8000 personnes que des shows corpos comme le Salon de l’automobile. Nous, on n’avait pas peur de faire des fous de nous autres. Souvent, les compagnies pensaient même qu’ils nous faisaient venir du Canada, alors elles sortaient le gros cash.» Arrivés au Sim’s Irish Pub de Joliette, on aperçoit L’émeute – radieuse, tel que prévu. Mais le départ n’est pas pour tout de suite. Bien assis dans le bar devant un rack d’ailes de poulet, JP, Madeleine, Frank et leur roadie Victor terminent une pinte de bière. «On a-tu le temps d’en prendre une autre?», demande Nick. «Ben oui, c’est juste à une heure et quart de route», répond JP, sourire en coin.
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Il est actuellement 17h15, et le test de son a lieu à Val-David à 18h. C’est ce qui s’appelle avoir le sens des priorités. y La suite du périple sur voir.ca
En spectacle avec Les Hôtesses d’Hilaire 10 septembre 2016 - Le Cercle Dans le cadre du festival Envol et Macadam
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MONTRÉAL VO1 #O1
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MONTRÉAL VO1 #O6 | JUILLET 2O16
LA QUESTION RACIALE AU THÉÂTRE FRANCOUVERTES HIP-HOP QUÉBÉCOIS MONTRÉAL EN LUMIÈRE L’ENTOMOPHAGIE RAGNAR KJARTANSSON CINÉMA ÉROTIQUE DOSSIER: MÉDIAS LOCAUX VS GÉANTS MONDIAUX
OFF-FESTIVALS OSHEAGA NUITS D’AFRIQUE ZOOFEST ZONE HOMA BROMANCE AU CIRQUE RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE EN GASPÉSIE FEUILLES MORTES DU POTAGER À L’ASSIETTE CE QUE MANGENT (VRAIMENT) LES CHEFS DOSSIER VIE DE TOURNÉE
CHARLOTTE CARDIN
KING DAVE
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MONTRÉAL VO1 #O8 | SEPTEMBRE 2O16
MONTRÉAL VO1 #O7 | AOÛT 2O16
J’AIME HYDRO OLIVIER KEMEID & FRÉDÉRIC DUBOIS LES CHIENS DE NAVARRE QUÉBEC REDNECK BLUEGRASS PROJECT AVEC PAS D’CASQUE RED BULL MUSIC ACADEMY VALAIRE POP MONTRÉAL ALACLAIR ENSEMBLE ROBERT MAPPLETHORPE ANDRÉ FORCIER JOHN WATERS OMNIVORE FRANÇOIS CHARTIER
DOSSIER LES MUSICIENS DU PIXEL LE SANS-ALCOOL DÉBARQUE 3/4 OZ UN HISTOIRE HIPPIE DES FRAISES EN JANVIER MAG(M)A COMPAGNIE BILBOBASSO RIEL BENN KLÔ PELGAG BOB WALSH VIRÉE CLASSIQUE OSM
KROY
MON AMI DINO
CECI EST MON VOIR LIVRÉ POUR VOUS ENCOURAGEZ LA CULTURE D’ICI ABONNEZ-VOUS! TARIFS ABONNEMENT ANNUEL (TAXES INCLUSES) 67,83 $ = 12 NUMÉROS 89,68 $ = 12 NUMÉROS + GUIDE RESTOS 148,31 $ = 12 NUMÉROS + GUIDE RESTOS + VIP 40 % BOUTIQUE VOIR 12 MOIS
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À écouter ★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL
les Deuxluxes SPRINGTIME DEVIL (Bonsound) ★★★★
helenA DelAnD DRAWING ROOM
thee oh sees A WEIRD EXITS
(Chivi Chivi)
(Castle Face)
★★★ 1/2
★★★ 1/2
Encore un album de folk québécois? Oui, mais celui-là est différent. Avec sa voix singulière, si douce et pure, Helena Deland transpercera les cœurs de pierre et les mélomanes blasés à la recherche du prochain projet révolutionnaire. Son instrument qui lui vaudra peut-être des comparaisons avec Feist, surtout sur la pièce titre, insuffle une bonne dose de personnalité à sa pop intimiste sans flafla et ultra sincère. Alors que les quasichuchotements de Baby consolent, la guitare électrique salement sensuelle et aux accents blues de Aix crée un contraste extrêmement riche. On navigue dans ce trop court EP apaisé et content, curieux (aussi!) de voir comment se déploie un pareil don sur une scène. (C. Genest)
solAwA SOLAWA (Malasartes)
Anna Frances Meyer (voix, guitare) et Étienne Barry (batterie, guitare et voix) s’offrent enfin un premier album complet, Springtime Devil, deux ans après la parution de leur EP Traitement Deuxluxe qui les a révélés à la scène montréalaise. Dire que le duo est «explosif» serait un euphémisme, puisque l’auditeur entre dans un univers langoureux, enfumé, tantôt brutal, tantôt sensuel, où cuir et paillettes côtoient talons aiguilles et coiffes de cowboy-girl. Quelque part entre Wanda Jackson, The Pack A.D. et The Detroit Cobras, Les Deuxluxes se dévoilent avec leur tour d’horizon rock aux accents garage, rockabilly et rhythm’n’blues. La voix envoûtante de Meyer, les guitares assurées, la batterie marquant le pas avec retenue, tout est mis en œuvre pour nous guider à travers cette – trop courte! – épopée sur les terrains accidentés du rock. (J. Ledoux)
★★★ 1/2
Aux racines autochtones, québécoises, iraniennes ou argentines, les mondes du quintette Solawa se fusionnent comme par magie dans une musique créative, dépaysante à souhait, mais avec des repères qui célèbrent encore la diversité montréalaise. En espagnol, en cri, en anglais et en français, on entend la captivante Moe Clark, une artiste métisse qui se livre aussi dans un spoken word pertinent et poétique. Pour lui donner la réplique, la voix rocailleuse du saxophoniste Damian Nisenson, un valeureux briscard qui semble avoir bourlingué sur toutes les mers du monde avec son jazz au cœur et, dans son baluchon, des folklores juifs ou latins. Ce premier volume inégal et parfois génial rassemble des éléments hétéroclites comme la contrebasse, la harpe celtique et les percussions persanes. Un hymne au soleil. (R. Boncy)
Le groupe psyché garagepunk remet le couvert avec un 17e effort depuis ses débuts sur disque en 2003. La formation californienne, toujours menée par le guitariste et chanteur John Dwyer, demeure assez fidèle au son qu’elle a toujours préconisé, c’est-à-dire des voix pleines de réverbération et de violentes salves de guitares saturées venant secouer les fondations avant de calmer un peu le jeu pour mieux repasser à l’attaque. Cette fois-ci cependant, le combo, renouvelé depuis le départ de trois membres clés en 2013, bénéficie de l’appui de deux batteurs et c’est une différence qui a du poids. L’accent est mis sur le classique guitare-basse-batterie avec peu de voix et de claviers. A Weird Exits, c’est huit titres oscillants entre de plus ou moins longues envolées lysergiques garage et une poignée de courtes et nettement plus excitantes décharges soniques. (P. Baillargeon)
j hAchA De ZolA PICARO OBSCURO (Indépendant) ★★★★ Deuxième opus pour le chanteur et guitariste originaire du New Jersey J Hacha de Zola. Si le premier (Escape from Fat Kat City) sonnait presque comme un hommage à The Doors, ici, l’influence principale est bien celle de Tom Waits. Mais si de Zola a des influences, il a aussi du talent, et il sait s’entourer; on retrouve parmi la douzaine de collaborateurs qui l’accompagnent deux comparses de Waits, le souffleur Ralph Carney et le multi-instrumentiste David Coulter, de même que des membres du groupe de «psycho-mambo» Gato Loco. Il y a là du country comme on le chante à l’heure du last call, du reggae de New York, un type qui parle dans un mégaphone et, finalement, un personnage à découvrir. (R. Beaucage)
29 Disques VOIR QC
AlAclAir ensemBle LES FRÈRES CUEILLEURS
D. jAnke/m. fewer CELESTIAL BLUE
(7 e Ciel)
(Centredisques)
★★★★
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Revitalisés par leurs projets solos et connexes (Rednext Level, Eman X Vlooper), les six acolytes d’Alaclair Ensemble proposent un quatrième album plus cohérent et homogène que le décent mais discordant Toute est impossible paru en 2014. Animé par le groove imparable du soul et du funk, le producteur Vlooper, qui prend ici les commandes de l’essentiel des compositions, s’amuse à déjouer constamment les attentes de l’auditeur avec des structures de chansons irrégulières, menées par des transitions fluides et ingénieuses. Habiles défricheurs de flows, Ogden, Maybe Watson, Eman et KNLO font preuve de théâtralité et de polyvalence au micro, palliant ainsi le manque de refrains accrocheurs et la présence plus effacée de Claude Bégin. (O. Boisvert-Magnen)
Ce ne sont pas des «blues célestes», mais les musiques du pianiste Daniel Janke ont tout de même des racines dans la culture populaire. Elles sont cependant déconstruites, et Janke arrive même à nous présenter un arrangement de V’là l’bon vent qui nous la montre sous un tout nouveau jour! Le compositeur ontarien et le violoniste Mark Fewer, originaire de Terre-Neuve, laissent passer dans leur jeu quelque chose comme un feeling folk qui est, contre toute attente, amplifié par l’utilisation dans certaines pièces d’un piano préparé (superbe Constant Sorrow). L’instrument est d’ailleurs trop peu souvent utilisé autrement qu’en solo, et ce duo prouve bien que c’est une erreur de s’en passer. Un très beau programme qui renouvelle un peu le duo piano-violon. (R. Beaucage)
AliochA SORRY EYES
DArcY jAmes Argue’s secret societY REAL ENEMIES
(Audiogram) ★★★ Idole jeunesse au petit comme au grand écran, Aliocha (Schneider) casse son image proprette avec un premier EP tantôt mordant, d’autres fois carrément poétique et inspiré. Ça commence en force avec la pièce homonyme et les rythmes galopants de l’intransigeante Sorry Eyes qui rappelle The Last Shadow Puppets à bien des égards – cette façon de mordre dans les mots, cet orgue des seventies qui se fraie un chemin à travers les guitares et la batterie. Peu importe la chanson, et même si la très gentille Sarah vient casser l’ambiance dès la deuxième plage, on ne peut nier le charisme de cet artiste multidisciplinaire à qui rien ne semble échouer. Ne reste plus qu’à affiner sa ligne directrice, à choisir entre les balades dylanesque (Flash in the Pan) et le jovialisme folk à la Mumford and Sons, comme sur Into the Wild. N’empêche: tous ces styles lui siéent bien. (C. Genest)
(New Amsterdam) ★★★★ Le Secret Society est un fascinant big band de 18 musiciens basé à Brooklyn et dirigé de main de maître par un compositeur canadien intriguant et iconoclaste du nom de Darcy James Argue. Suite logique aux bien titrés The Infernal Machine et Brooklyn Babylon, leur troisième album Real Enemies est probablement leur meilleur à ce jour. Inspirée d’un bouquin de Kathy Olmstead sur la théorie de la conspiration et autres lubies ésotériques typiquement américaines, cette trame sonore hitchcockienne où pullulent les espions baigne dans l’ère de la suspicion. Un narrateur et des extraits sonores éloquents de JFK, de George W. Bush et de son acolyte Dick Cheney font grimper la paranoïa comme dans un thriller de politique-fiction. Touché! (R. Boncy)
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Devin townsenD project TRANSCENDENCE (HevyDevy Records / Inside Out Music) ★★★★ 1/2 Au cours de sa carrière de plus de 20 ans, Devin Townsend nous a surpris, déconcertés, parfois déçus, mais surtout impressionnés grâce à son insatiable curiosité musicale. Sur Transcendence, le septième album du Devin Townsend Project qui comprend des bons (Addicted, 2009, Epicloud, 2012) et moins bons (Deconstruction et Ghost, 2011) albums, le musicien et chanteur canadien revient en force. Dans la biographie du disque, il explique qu’il a composé Transcendence avec les musiciens du projet parce qu’il avait besoin d’inspiration. Le résultat, qui mélange les influences métal, progressives, symphoniques, mélodiques et ambiantes des précédents disques du DTP (sans oublier les chœurs d’Anneke van Giersbergen), est grandiose. (C. Fortier)
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monique giroux SUR MESURE
sur un nuAge Récemment, alors que tombaient depuis des temps immémoriaux des trombes d’eau sur le chalet sans radio, sans télé, sans téléphone ni Internet que j’avais loué pour dix longs jours sans fin, je fus prise d’un vertige inédit. J’avais épuisé tous mes sujets de réflexion existentielle, rempli toutes les pages de mon cahier à colorier antistress, pris goût au spritz, regardé toutes les cassettes VHS de films d’auteur disposées dans le bahut rouge de la salle à manger; le chalet appartenait à une cinéaste de grand talent qui avait, comme moi, besoin de silence et de solitude de temps en temps. J’avais lu le dernier D’Ormesson, achevé non sans peine Soumission de Houellebecq, le David Goudreault s’était refermé sur ma frayeur… à ne pas lire au fond des bois… Bref, j’étais sur le point de retrouver ma voix d’enfant pour dire «c’est quand qu’on s’en va?». Mon iPhone qui m’était devenu, dans ces circonstances de retraite estivale et forestière, totalement inutile dormait au fond de mon sac. En le sortant de son tombeau humide, j’ai réalisé que je tenais un bout de ma vie dans ma seule main droite. D’autres, nombreux, ont écrit là-dessus bien avant moi et le sujet est connu, je le sais bien, mais dans le contexte d’isolement qui était le mien, cette effarante constatation prenait des proportions étonnantes. J’ai compté 102 applications diverses et variées en fonction dans le ventre de la bête. Je peux acheter une maison, réserver mes vols, payer mon parco, raconter ma vie à des milliers de gens que je ne connais pas, mais qui me connaissent, savoir à quelle heure la ville déneige mon bord de rue, compléter mes transactions bancaires, démarrer depuis le bout du monde l’enregistrement d’un épisode de la saison six de Homeland, que je ne peux regarder qu’en rafale. J’ai Shazam, Deezer, Apple Music, Spotify, un compte SoundCloud et je ne sais encore combien de liens pour écouter ce qu’une machine à déduction me suggère de découvrir. Voilà ce que je fais depuis 30 ans. Je peux même me réécouter moi-même, ce que je ne fais jamais, rassurez-vous, avec la nouvelle application ICI Musique que je vous recommande tout de même plus que chaudement. TuneIn, ma préférée, me
permet d’écouter les radios de la planète en direct. J’aime la radio. Faire la route Gaspésie-Montréal branchée sur la RTBF, radio publique belge, et entendre le bulletin de circulation de Bruxelles entre Petite et Grande-Vallée permet d’atteindre des sommets psychotroniques inégalés. Ce dimanche-là, j’ai cherché dans ma musique. Ma musique. Celle que j’ai moi-même pris le temps de transférer en engouffrant le CD dans l’ordi, en acceptant l’importation, en attendant le «bip» qui confirmerait la réussite de la manœuvre. Des heures de plaisir. Au fil du temps j’ai transféré plus de 20 000 chansons. À raison de 12 chansons par album, ça signifie 1666 albums, c’est-à-dire seulement 10% de ma discothèque. Dans ma grande candeur, je croyais que j’allais me rendre jusqu’au bout et pouvoir enfin me débarrasser de cet encombrant fardeau. Qui n’a pas déménagé des cartons de 33 tours par dizaines ne sait pas le poids de la nostalgie et l’attachement qui se développe avec ces albums à deux faces qui furent si précieux, qu’on a tant espérés, qui ont accompagné tellement de dimanches pluvieux de notre adolescence et dans lesquels on engouffrait non seulement notre argent de poche, mais aussi tout notre mal de vivre. Un 33 tours coûtait près de 10$ en 1975. Il fallait garder le petit voisin à une piastre de l’heure tous les mardis soir de 7h à 10h pendant trois semaines pendant que sa mère allait jouer aux quilles pour se payer L’Heptade. Je ne vous dis pas non plus qu’il me fallait attendre le vendredi soir, alors que les parents allaient faire l’épicerie chez Steinberg à Saint-Eustache, pour me carapater chez Music Mart en espérant que le dernier d’Harmonium «ne soit pas back order». Assise en Indien sur le lit de ma chambre, les écouteurs vissés sur la tête, je partais, je rentrais dans la musique, m’incrustais dans la pochette. J’en connaissais les moindres détails. J’apprenais le nom de tous ceux qui y étaient cités, qui étaient au son, au mixage, au saxo. J’attendais la sortie du prochain album comme d’autres le Messie. Aujourd’hui, seulement une trentaine d’albums vinyles et quelques centaines de CD habitent chez moi.
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Tous les autres vivent en colocation dans un entrepôt du Mile-End. Ils sont de partout. Récupérés de justesse près des poubelles de ma défunte amie Myra Cree, rachetés à la discothèque de Radio-Canada qui se débarrassait de ses doubles et triples exemplaires dans tous les cas préservés de l’oubli avec ma détermination obstinée. Pas très souvent, je leur rends visite. Le temps se fait de plus en plus sentir. Les vieux disques ont une odeur qui leur est propre. Un mélange de grenier, de notes grisonnantes, de carton humide, d’amis pour la vie perdus de vue, de souvenirs surannés. Quand mon iPhone a repris vie ce dimanche de pluie, entre le café et la bougie Myrrhe de Dyptique apportée de la grand-ville et qui me rappelait que je n’étais pas Maria Chapdelaine, j’ai cherché un album à écouter. Par je ne sais quel mystère, la majorité de mes chansons étaient sur un nuage auquel je n’avais pas accès parce que… pas de réseau. Il me restait mes listes de lecture. Quelques vieux succès jazz et disco regroupés parce que c’est toujours chouette dans les anniversaires, une version repas et une version «dance». Et puis mes achats. Je n’ai aucun souvenir d’avoir acheté Tom Odel, überLAB, Elliot Moss, Rhiannon Giddens, Sage Francis – à moins que ne soit le contraire – un album de
24 chansons, Janelle Monaé… un album de 36 chansons… mais pourquoi? Asaf Avidan, je me souviens avoir eu un grand coup de cœur pour lui, il y a un an, mais pour quelle chanson, donc? En un clic et pour 9,99$, j’ai acheté un nombre incalculable d’albums et je n’en ai aucun souvenir. Sans compter qu’on m’a même donné un album de U2 dont je ne voulais pas. À ceux qui seraient tentés de souligner que je ne cite dans ma liste d’achat que des albums en anglais et qui seraient déjà montés au créneau pour décrier cette ignominie, je précise qu’un des grands privilèges de ma situation professionnelle est d’avoir, depuis 1990, gracieusement accès aux albums des artistes francophones. Mon plus grand bonheur est de vous faire entendre le talent de ces oiseaux-là.* Quelle aura été la chanson de l’été? En mai, on prédisait ce destin à J’aime les oiseaux de Yann Perreau. Tiens. *Pour découvrir des chansons et des artistes suggérés par une femme en chair, en os et en voix – ça, c’est moi –, écoutez ICI Musique, la radio musicale de Radio-Canada, le dimanche de 12h à 15h. L’émission a pour titre Chants libres. y chAnsons À écouter TOUTE LA PLUIE TOMBE SUR MOI - SACHA DISTEL BANG BANG - ASAF AVIDAN
Pas besoin de s’y connaître pour l’apprécier.
Fabien Gabel
directeur musical
63 musiciens pour vous... Nicolas Ellis
assistant chef en résidence Partenaire de saison
Partenaire majeur de concerts
osq.org 418 643.8131
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Les prémices du paysages après Le briLLant parcours de SARA PRÉFÈRE LA COURSE, premier Long métrage qui a amené La réaLisatrice sur La croisette cannoise, chLoé robichaud présentera coup sur coup son deuxième fiLm en première mondiaLe au festivaL internationaL du fiLm de toronto ainsi qu’en première québécoise au festivaL de cinéma de La viLLe de québec Lors du prochain mois. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTOS | COURTOISIE FCVQ
Lorsqu’on s’attable dans un café avec la jeune réalisatrice, elle est sans nul doute fébrile. C’est la première fois qu’elle aborde son film dans les médias et peu de personnes ont eu l’occasion de le voir. La pression peut-être lourde lorsque notre premier film (Un certain regard) fut une sélection officielle au Festival de Cannes. Pays, deuxième long métrage écrit et réalisé par Chloé Robichaud, est une œuvre de fiction s’inspirant de faits réels. Dans le pays insulaire fictif de Besco, au large du Canada, trois femmes issues du milieu politique se rencontreront pendant une négociation autour de l’exploitation minière par une firme étrangère (canadienne) sur l’île. La présidente de Besco (Macha Grenon), une jeune députée canadienne (Nathalie Doummar) ainsi qu’une médiatrice internationale (Emily VanCamp) sont les trois personnages centraux de cette histoire qui n’a de politique que le contexte. Comme dans Sara préfère la course, où la course n’était qu’une prémisse pour un film au spectre beaucoup plus large, dans Pays, la réalisatrice aborde une question politique des plus actuelles, soit le développement durable dans le domaine de l’extraction minière, tout en s’intéressant d’abord aux histoires humaines que sous-tendent les grands conflits politiques. «J’aime les contextes qui nous sortent de notre zone de confort et qui me permettent de mettre à l’écran des personnages atypiques. En plus, en tant que citoyenne, j’ai des questions sur les enjeux et ça me permet d’amorcer des réflexions.»
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En plongeant dans le film politique, elle sait pertinemment qu’il s’agit d’un terrain casse-gueule, comme elle sait tout aussi pertinemment que son film ne sera pas que politique. «J’ai énormément de respect pour les politiciens, même si je ne partage pas les valeurs de tous, on sait clairement qu’ils ne font pas ça pour les sous. En faisant mes recherches, j’ai compris tout le poids que ces genslà portaient. C’est un peu le sacrifice que je voulais aborder à l’écran.» N’en reste-t-il pas moins que ce n’est pas le fruit du hasard si les trois personnages principaux de ce film sont des femmes; la réalisatrice désirait sonder les mœurs changeantes, bien qu’encore très machistes, d’un milieu qui était jusqu’à tout récemment fort masculin. «Le but, c’est un peu de dire que j’espère qu’on va vivre dans un monde où on ne fera pas de la politique à la façon des hommes ou à la façon des femmes, mais bien à notre façon. Moi, la question des genres, j’y suis un peu allergique.» Elle désire souligner qu’elle n’a pas voulu tomber dans l’opposition à travers ce film, les personnages masculins ayant été créés tout en nuances – on pense notamment au ministre de l’Environnement de Besco interprété par Yves Jacques –, pour refléter le plus concrètement possible ce milieu politique. Les trois femmes de ce film vivent toutes, d’une façon ou d’une autre, leur désenchantement politique. Une présidente est prise avec une crise économique où la relance promise par une compagnie minière étrangère ne semble pas cadrer avec les valeurs du parti. Une jeune députée se rend compte rapidement qu’elle fut invitée à intégrer une délégation bien plus par parure qu’autre chose. Alors qu’une médiatrice internationale tente tant bien que mal de maintenir une vie familiale à distance. Toutes réaliseront le sacrifice constant auquel elles consentent. Cette conciliation à l’écran fut l’un des réels défis du film. «Ça a été le conflit constant de ce scénario-là, de calibrer le politique et le personnel, pour s’assurer d’avoir les deux à l’écran pour qu’on puisse y croire.» L’entièreté des rencontres politiques du film se déroulent dans une école primaire, permettant à la réalisatrice de jouer sur les doubles discours qui émanent souvent des milieux qu’on mythifie. «On se fait parfois une idée glam de certains milieux, alors que souvent, la réalité est tout autre. Je trouvais intéressant de déjouer ces codes.» Tout au long du film, une musique jazz entraînante accompagne les joutes oratoires politiques, et les quelques pièces de musique qui parsèment le film sont toujours d’une indéniable pertinence. Il y a notamment l’inoubliable scène où Félixe, interprétée par Nathalie Doummar – réelle révélation pour un premier rôle à l’écran –, entonne Une sorcière comme les autres d’Anne Sylvestre. «Quelques semaines
avant de tourner, Nathalie faisait un cabaret de chant et je l’ai vue chanter et elle chantait excessivement bien. Sur un coup de tête, je lui ai demandé de faire une prise où elle chante à la caméra. Ce fut un moment magique sur le plateau, je crois que toute l’équipe de tournage l’a ressenti.» Tourné à Terre-Neuve, le paysage est un personnage en soi pour Robichaud, alors qu’elle crée un rythme entre les scènes politiques statiques et l’esthétique dudit paysage. «C’était le danger d’étouffer le spectateur dans une joute oratoire, le paysage pouvait nous libérer de ça, surtout qu’il est un personnage en soi, car tout le film est autour de comment nous allons l’exploiter, ce paysage.» Celle pour qui les titres arrivent bien souvent avant les projets explique qu’elle est consciente que celui-ci est dur à porter, Pays, un mot on ne peut plus lourd de sens, surtout au Québec. «Pour moi, le pays, c’est le citoyen, chaque personne veut et va prendre sa place. On a tous nos propres règles, nos propres lois, nos propres limites, et chacun se définit soimême, créant par le fait même un collectif.» Comme toujours avec Chloé Robichaud, les apparences sont trompeuses, l’évidence n’est souvent que prémisse, alors que ses propositions cinématographiques continuent de s’enraciner dans l’imaginaire collectif. y Le film Pays sera présenté en ouverture officielle du Festival de Cinéma de la Ville de Québec, le 14 septembre 2016 au Palais Montcalm.
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embrasser forcier fiLm d’ouverture du 40e festivaL des fiLms du monde, EMBRASSE-MOI COMME TU M’AIMES porte La signature inimitabLe du cinéaste andré forcier, qui céLèbre, avec ce 13e Long métrage, ses 50 ans de carrière. beaucoup de chiffres symboLiques pour un créateur qui n’a jamais pLié sous La Logique marchande. MOTS | NICOLAS GENDRON
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Atterrir dans la cour longueuilloise du vétéran André Forcier, c’est s’avancer sur un territoire de souvenirs effervescents, entre la liqueur Corona à cinq cents de son enfance, son entrée dans le monde du 7e art par une punition qui prend la forme d’un cours de cinéma obligatoire, et les 520 piastres gagnées comme «wrapper chez Lasalle, le Walmart des pauvres» afin de payer les frais de développement de son premier court métrage, Chroniques labradoriennes. «J’avais tapoché un prof parce qu’il m’enlevait systématiquement des points pour ma calligraphie, avoue Forcier, sans gêne. Et on m’a imposé un cours de cinéma.» Quand il décroche la note parfaite pour une critique du Terre sans pain de Buñuel, il prend goût à l’écriture et collabore au collectif La mort vue par… Il a été remarqué par un certain Gilles Carle, qui lui donnera accès à des chutes de pellicule et à des salles de montage la nuit venue. «Chroniques labradoriennes s’est retrouvé dans la sélection du Pavillon de la jeunesse à l’Expo 67. Je n’avais pas l’âge de boire, alors j’ai dû demander la permission pour aller à la première de mon film!» Cinquante ans plus tard, Forcier s’est inspiré entre autres de son paternel pour accoucher de sa nouvelle offrande. «Mon père est vraiment devenu policier parce qu’il ne voulait pas aller à la guerre. Et je lui ai toujours reproché de ne pas avoir combattu les nazis», ceux-là mêmes «qui chient dans le lit de la démocratie», comme l’illustre un des personnages. Campé en 1940, à
Montréal, Embrasse-moi… n’en est pas pour autant un film sur la guerre. «Ce qui m’intéresse, c’est la dialectique d’un gars qui veut aller au front, mais qui doit occulter son idéal pour s’occuper de sa sœur infirme, comme leur mère souffre d’arthrose.» Sous le regard aveugle de cette dernière (la muse Céline Bonnier), les deux jumeaux Pierre (Émile Schneider) et Berthe (Juliette Gosselin) développent une relation fraternelle presque charnelle. «Je n’avais jamais traité de l’inceste comme tel, précise le cinéaste, et je voulais l’aborder d’une façon originale. Je n’ai pas d’approche morale, mais c’est un phénomène plus fréquent que l’on croit. Même l’Allemagne veut légaliser la cohabitation des frères et sœurs qui tombent en amour.» Cette attirance envers Berthe finit par troubler Pierre au point qu’il est incapable d’embrasser une femme sur la bouche sans qu’une vision de sa sœur lui apparaisse, au grand dam de la jolie Marguerite (Mylène Mackay). «Mais ce sont deux entités différentes. L’apparition est sensuelle, provocante; elle a d’ailleurs toujours ses jambes, tandis que Berthe est une infirme possessive et cruelle.»
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Embrasse-moi… évoque bien sûr au passage la religion, même si Forcier s’est «fait un devoir de ne pas mettre de crucifix sur les murs», en plus de réserver aux initiés un beau clin d’œil à son premier long métrage, avec «la sérénade des gars callés» du Retour de l’Immaculée Conception. Mais par-dessus tout refait surface un motif absolu: «mourir d’amour», récurrent dans sa filmographie, de Night Cap à Kalamazoo, sans oublier La Comtesse de Baton Rouge. «Il y a des choses qui relèvent de l’inconscient, admet Forcier. Je me suis aperçu hier que la mère de Berthe lui volait son chum Elio (Tony Nardi), comme dans Une histoire inventée et Le vent du Wyoming… Je n’ai même pas voulu me copier! N’empêche que l’histoire diffère, et je suis content
d’avoir trouvé l’idée du fantasme qui veille au grain sur l’amour de Pierre et de Berthe. Même si je sais bien qu’on va me le reprocher.» Au fil des ans, Forcier s’est toujours montré d’une franchise désarmante, en même temps qu’il ne semble rien calculer. «Je ne m’amuse pas à dérouter les gens, mais j’haïs les films où je peux tout prévoir. Ça ne m’intéresse pas de tout dire.» Ainsi en va-til de la relation ambiguë de Pierre avec la putain Mignonne (Catherine De Léan), qu’il protège de la pluie, mais aussi de toutes les traces de fantaisie poétique que l’artiste sème ça et là dans le réel, et qui font le secret de ses œuvres singulières. «C’est moi, ça. Je n’essaie pas de doser quoi que ce soit.
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La métaphore, c’est l’instrument du cinéma. Il n’y a rien de mieux pour exprimer la jalousie de Berthe que de la voir manger la lettre que Marguerite a écrite à son frère. On a déjà dit que je donne dans le réalisme magique, mais ce serait prétentieux de m’en revendiquer.» Avec son allié des premières heures, le scénariste et comédien Jacques Marcotte (Bar salon, L’eau chaude, l’eau frette), disparu l’automne dernier alors qu’ils flirtaient avec l’idée de retravailler ensemble, ils se faisaient d’ailleurs un devoir de se laisser guider par la nécessité de leurs personnages, comme la Léopoldine d’Au clair de la lune, qui crève des pneus par amour filial et non pour distordre le réel d’un scénario. Dans l’ombre se profilent de vieux complices, dont la coscénariste Linda Pinet, le monteur François Gill et le directeur photo Daniel Jobin. À l’instar de ses plus récents opus, Je me souviens et Coteau Rouge, le cinéaste compose une fresque touffue qui lui permet entre autres de renouer avec des acteurs chouchous (France Castel, Roy Dupuis, Rémy Girard). Il souligne aussi le talent des nouveaux venus, dont Schneider (Le rang du lion, Là où Atilla passe…). «Émile
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est souvent casté comme un bum, mais je savais qu’il pouvait faire de Pierre un vrai gentleman. C’est difficile de jouer un gars low profile sans être plate et il le rend très bien!» Denys Arcand se glisse même sous les traits d’Édouard Montpetit, et il a fait à André Forcier la fleur du compliment suivant: «Il ne se fait rien de tel ni au Québec, ni dans le monde.» On ne saurait le contredire, tant Forcier est unique dans le paysage cinématographique. Mais n’est-ce pas étourdissant, tout ce beau monde dans un seul film? «Gilles Carle me disait : ‘‘André, il faut faire des films en largeur. La profondeur viendra après.’’ Il y a des personnages satellites, comme dans n’importe quel film, mais pour l’essentiel, ils sont au service du triangle amoureux de Berthe, Pierre et Marguerite», de résumer l’homme derrière Les Films du paria. Paria, vraiment? «Ça veut dire hors caste, surtout.» Dans le bon sens, naturellement. «J’espère», conclut Forcier, avec ce sourire amusé de celui qui a vu neiger. y Embrasse-moi comme tu m’aimes En salle le 16 septembre 2016
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trash et poLitique dans Le cinéma de john Waters, Le mauvais goût et Le trash servent La critique acerbe d’une amérique bLanche et banLieusarde, dont La conformité apparente dissimuLe en réaLité Les pires déviances et Laideurs. Le 24 septembre prochain, Le cinéaste viendra discuter de son œuvre avec son pubLic montréaLais. MOTS | CÉLINE GOBERT
La particularité du cinéma de John Waters est d’utiliser l’humour et la satire, très souvent jusqu’à leur point de rupture, pour exposer une société américaine malade et hypocrite qui derrière le vernis de ses belles banlieues artificielles n’est pas jolie à voir: drogues, pornographie et adultère dans Polyester (1981), meurtres en série et hystérie dans Serial Mom (1994), racisme dans Hairspray (1988) ou encore puritanisme dans A Dirty Shame (2004). Le 24 septembre prochain, le cinéaste originaire de Baltimore, ville qu’il utilise en toile de fond de ses films, sera à Montréal dans le cadre du festival POP Montréal pour présenter son one-man-show This Filthy World et revenir sur une filmographie aussi délurée que politique. «Je suis tellement heureux d’aller à la rencontre des personnes qui m’ont permis de vivre de mon art!, lance le cinéaste, enthousiaste. Ce sera une version de mon show complètement différente de celle sortie en DVD ou présentée ailleurs. Nouvelle, mais aussi plus rock n’roll!» Chez John Waters, ce sont les marginaux, freaks et autres weirdos qui sont les sains d’esprit, et le reste du monde qui ne tourne pas rond! Tout particulièrement les représentants de cette Amérique qu’il abhorre: arrogante, lisse, bon chic bon genre, où pullulent ménagères pincées et intolérants névrosés.
PHOTOS | GREG GORMAN
Pour illustrer ce rejet de la norme et de tous les diktats de bienséance sociale, ses films sont bâtis sur un choc entre deux mondes: les «outsiders» y sont forcés de combattre ceux qui s’autoproclament «normaux», voire fièrement «ordinaires». Dans Cry-Baby (1990) avec Johnny Depp, probablement son film grand public le plus connu, les «coincés» vont à l’École du savoir-vivre et s’en prennent à ceux qu’ils jugent «délinquants»: les tatoués, les gars aux cheveux longs, les jeunes filles enceintes, les moches, les Noirs, les gais. C’est le conservatisme et le désir vicié de conformité que refuse Waters qui trouve chez ses marginaux de véritables alter ego. Ainsi, il n’est pas rare de croiser dans ses films des couples homosexuels, mixtes, et de façon générale, des protagonistes à l’identité – qu’elle soit sexuelle ou sociale – libre et fluide. «Tous mes films partagent les mêmes valeurs. Le politiquement correct, c’est: “Occupe-toi de tes affaires”, “Ne juge pas les autres tant que tu ne connais pas toute l’histoire” et “Exagère ce que les gens appellent tes faiblesses pour en faire ton style et vaincre!”», nous confie-t-il. Profondément exaspéré «par la stupidité, le sexisme et le racisme» qui gangrènent la société, son cinéma envoie tout valser dans un joyeux festival queer à tendance grotesque, anti-bourgeoisie, anti-Hollywood,
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ou encore anti-«mauvais cinéma», dixit le personnage-titre de Cecil B. Demented (2000), réalisateur anarchico-extrémiste qui refuse l’avènement des studios américains et des multiplexes aseptisés. Surnommé le «Pape du trash» par l’écrivain William S. Burroughs, John Waters s’avoue amateur des films d’Harmony Korine, de Bruno Dumont ou encore de Gaspard Noé qui regorgent de protagonistes sombres et de mêmes enjeux de représentation des marginaux. «Il est plus difficile de surprendre le public que de le choquer», affirme celui qui déploie, à l’instar des cinéastes cités, un cinéma avant tout politique, et ce, depuis ses premiers courts métrages du début des années 60 (Hag in a Black Leather Jacket, Eat Your Makeup, The Diane Linkletter Story), qui annonçaient déjà un univers déstabilisant et décalé. Depuis, Waters a souvent utilisé les codes d’un genre particulier pour mieux les transgresser et en faire jaillir le potentiel subversif. Dans A Dirty Shame, son dernier film, il reprend les codes de la comédie américaine de bas étage et l’humour sous la ceinture des teen movies. «Mes films font la satire d’un genre cinématographique particulier: Multiple Maniacs était un film d’horreur; Hairspray, une comédie musicale; Serial Mom, un drame policier; A Dirty Shame, un film de sexploitation», indique-t-il. Enfin, l’une des particularités de l’œuvre de John Waters, qui offre ainsi une belle réplique à l’individualisme prôné par la triste Amérique, est la récurrence d’un groupe d’amis solidaires, qui assument et revendiquent leurs différences avec fierté et provocation. Waters en avait d’ailleurs un vrai à lui tout seul: les Dreamlanders, une troupe fidèle de comédiens et de techniciens qui l’entouraient pour la plupart depuis ses débuts. Parmi eux, évidemment, il y avait Divine… Impossible de parler de Waters sans évoquer l’iconoclaste Divine, la drag queen déjantée que l’on retrouve dans tous les films les plus trash du début de la carrière de Waters: Mondo Trasho (1968), Multiple Maniacs (1970), Pink Flamingos (1972) ou encore Female Trouble (1974), dans lesquels il est question de viols, d’amputations, de drogues ou de fétichisme. Ils tourneront six films ensemble avant la mort de l’acteur en 1988. Ce décès coïncide avec le virage plus grand public négocié par Waters dès Hairspray (son dernier film avec Divine) et Cry-baby. Même s’il a su garder son venin provocateur et son ton outrancier, sa deuxième partie de carrière s’avère plus accessible et lui permet de se faire connaître hors des circuits underground. Force est d’admettre que c’est à Divine que l’on doit quand même les séquences les plus cultes et folles du cinéma de John Waters, à l’image de cette scène dans Pink Flamingos où, présentée comme «l’être le
plus obscène au monde», Divine mange des excréments de chien. Toutefois, bien que l’œuvre de Waters renferme bon nombre de séquences aussi choquantes que jubilatoires, il ne faudrait surtout pas la réduire à un freak show. Car, sous l’avalanche de déviances et de comique sale qui a composé son œuvre, Waters n’a jamais cessé de clamer une chose: la liberté, voire même le devoir de n’être rien d’autre que ce que l’on est. C’est dire si l’on a encore besoin de cinéastes comme lui… y This Filthy World Le 24 septembre à 20h au Théâtre Rialto dans le cadre de POP Montréal
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normand baiLLargeon PRISE DE TÊTE
un discours inauguraL Il existe dans le monde anglo-saxon une tradition qui consiste à demander à une personnalité de prononcer, au début de l’année académique et devant la communauté universitaire assemblée, un discours appelé inaugural. Ce discours est l’occasion pour cette personne de parler d’éducation, de développer des idées à propos de l’université, de prodiguer conseils et encouragements et de partager des expériences personnelles – tranches de vie et humour souvent compris. Certains de ces discours sont devenus fameux, par exemple celui que prononça John Stuart Mill à l’Université StAndrews en 1867. Plus près de nous, Steve Jobs (Université Stanford, 2005) et J.K. Rowling (Université Harvard, 2008) ont livré des discours inauguraux stimulants et remarqués. En ce début d’année universitaire, je me suis demandé ce que j’aurais aimé entendre dans un discours inaugural qui serait prononcé dans une université québécoise. On y entendrait ceci – je vous laisse y ajouter conseils, tranches de vie et humour. Précieuse université Une université est, ou du moins devrait être, une institution où s’accomplit «la vie de l’esprit de ces êtres humains qui […] sont portés vers la recherche et l’étude» – pour reprendre les mots de Wilhelm von Humboldt (1767-1835). Elle est donc définie par les valeurs que cela implique, et qu’elle incarne dans des activités où se conjuguent de manière originale enseignement et recherche. Une mesure significative du degré d’avancement d’une civilisation se trouve dans le fait qu’elle permette à une telle institution d’exister et dans le degré de liberté qu’elle lui raccorde. Historiquement, cet idéal n’a jamais été pleinement réalisé, mais on s’en est plus ou moins approché, selon les cas. Un des obstacles rencontrés est bien entendu qu’il arrive que les valeurs internes de l’université entrent en tension
avec celles de la société qui l’abrite, d’autant que celle-ci a souvent envers elle des exigences qui peuvent entrer fortement en conflit avec les valeurs académiques de la recherche et de l’enseignement. Quand cela arrive, il est du devoir de la communauté universitaire de réaffirmer et de préserver jalousement ce qui la définit. On a de bonnes raisons de penser que nous vivons un tel moment. Périls Si on devait pointer la principale de ces menaces, on nommerait cette exigence de rentabilité économique, à court terme qui semble devenir hégémonique. Cela ne va pas sans heurter de plein fouet certaines des normes internes de l’université. On assiste ainsi à un certain délaissement de l’enseignement, particulièrement au premier cycle, les professeurs se livrant plus volontiers à de la recherche subventionnée qui leur permet de se dégrever d’enseignement. C’est dangereux et déplorable. C’est qu’une université, on l’a vu, veut conjuguer harmonieusement ses deux fonctions: sans l’enseignement, elle est un institut de recherche, et sans la recherche, elle est un centre de formation professionnelle. Cette centration sur la recherche subventionnée comme seule avenue de vie intellectuelle est d’autant inquiétante que certains subventionnaires en viennent à vouloir déterminer les objets de recherche en exigeant des retombées immédiates et à vouloir s’en approprier les résultats, par exemple sous la forme de brevets, et aussi à contrôler leur diffusion. À ce propos, il faut s’inquiéter des coûts de plus en plus faramineux associés à la publication et à l’accès aux publications. Un nouveau mode de gestion se met d’ailleurs en place, de plus en plus semblable à ce qui peut-être vaut pour une organisation, salaires et primes injustifiables compris,
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mais qui sied bien mal à une institution – ce qui nous dit peut-être que cette institution est en passe de devenir une organisation. Une anecdote me semble édifiante: on me rapporte le cas d’un administrateur accueillant cette année les nouveaux professeurs en leur disant que les deux plus grands ennemis de leur carrière sont l’enseignement et les services à la collectivité. À la défense de l’université Ce que l’université et la société espèrent aujourd’hui de chacun de vous qui composez la communauté universitaire, c’est que vous défendiez l’idée d’université, ses normes internes, ses valeurs propres, là et partout où elles sont menacées. Et cela sans oublier qu’elles le sont aussi de l’intérieur de l’université, lorsque des normes qui lui sont étrangères ou qui sont en tension avec les siennes propres, sont intériorisées par des membres de la communauté universitaire. Il n’est pas difficile de donner des exemples de ce que cela peut signifier. On devrait par exemple se porter à la défense de la recherche libre, là où elle est pertinente, et même réclamer le droit de ne pas faire de recherche subventionnée, encore moins sur commande. On devrait aussi défendre l’importance que certains se livrent à des travaux de synthèse normative plutôt qu’à des recherches poin-
tues. Un choc des idées, parfois virulent, pourrait en résulter ici et là: il faudra alors rappeler que l’université est justement le lieu où peuvent et doivent avoir lieu de tels chocs des idées, de toutes les idées. On devrait encore rappeler l’importance impossible à minorer de l’enseignement, y compris au premier cycle. On devrait aussi rappeler avec force que subventionnée par la collectivité, l’université a le devoir d’entretenir des liens avec toutes ses composantes (et pas seulement ou prioritairement avec les milieux financiers ou d’affaires, par exemple) et qu’elle est vraiment démocratique à proportion qu’elle le fait. On devrait enfin rappeler combien il est souhaitable pour ceux et celles qui le peuvent et en sont capables d’intervenir, où et comme ils le veulent, avec leur savoir, leurs compétences propres, dans les enjeux de société, et que cette part de leur travail devrait être reconnue à sa juste valeur dans l’évaluation de leurs réalisations. La préservation d’une institution cruciale pour la vie démocratique et pour la vie des idées passe ces temps-ci par l’accomplissement de ces tâches et les universitaires sont les mieux placés pour les accomplir. Ne pas le faire serait gravement démériter de la société qui permet à la communauté universitaire d’exister et de la «vie de l’esprit de ces êtres humains qui […] sont portés vers la recherche et l’étude». y
FRANÇOIS CHARTIER
PARTICULES ÉLÉMENTAIRES RÉCIPIENDAIRE DU PRIX WORLD BEST SOMMELIER EN 1994, FRANÇOIS CHARTIER EST LE PÈRE DE L’HARMONIE MOLÉCULAIRE, QUI PERMET DE FAIRE DES ACCORDS PARFAITS ENTRE ALIMENTS ET VINS. MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTOS | DANIEL ROBILLARD
47 ART DE VIVRE VOIR QC
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Quand il n’est pas en cuisine avec des chefs ou en Europe à travailler ses vins, ce sommelier touche-à-tout poursuit ses recherches moléculaires, dont il a compilé les résultats dans son dernier livre, L’essentiel de Chartier – L’ABC des harmonies aromatiques à table et en cuisine. En plus d’avoir une vingtaine de cuvées différentes sur le marché, François Chartier vient de signer la carte des vins du restaurant montréalais Tapas 24. Entretien avec cet électron libre qui a fait entrer le Québec dans le monde du vin.
cuisines des restos au Québec. Mais il y a quinze ans, tout le monde restait dans son coin. Sommellerie, cuisine, etc., ne se mélangeaient pas. C’est pourtant essentiel d’être multidisciplinaire pour créer à sa façon. L’atout de Juli Soler, par exemple [ndlr: ancien chef du resto catalan elBulli, nommé meilleur restaurant du monde à cinq reprises], c’est d’être allé voir ailleurs... Il y a encore du chemin à faire aujourd’hui, mais on voit une vraie évolution.
VOIR: On vous a décerné en mai le prix du Meilleur livre de cuisine au monde aux Gourmand World Cookbook Awards 2016 pour votre dernier ouvrage. C’est la quatrième fois que vous recevez ce prix…
Elle a changé. Il y a beaucoup de jeunes, plus détendus et plus confiants, qui créent des cartes des vins avec des identités propres. Mon prix de 1994 nous a encouragés à croire en nous, et plein de générations de sommeliers québécois ont suivi. L’«écurie» de la sommellerie québécoise se porte aujourd’hui très bien, et elle est crainte à l’étranger. Ça fait quatre fois que des Québécois gagnent des prix d’Amérique! Et on a toujours des compatriotes dans le top 10 mondial.
François Chartier: Oui, c’est assez fou! Je suis très touché d’être dans la catégorie «Innovation», et d’autant plus pour un livre de cuisine, car ça montre que je suis reconnu au-delà de mon étiquette de sommelier. Mon travail est allé ailleurs: j’ai compris dès les années 90 qu’il fallait aussi étudier la cuisine et qu’on ne pouvait pas faire d’harmonies sans la connaître. Ce livre, c’est un résumé de mes recherches des six dernières années sur l’harmonie moléculaire, en plus accessible. Comment est née l’harmonie moléculaire? Je suis un curieux et je veux comprendre mon travail; comprendre ce qu’on fait permet d’aller plus loin dans la créativité. J’ai toujours été intéressé par la gastronomie moléculaire et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de recherche dans le domaine des harmonies mets-vins, et qu’il n’y avait donc pas d’explication scientifique sur leur fonctionnement. Je suis parti de mon nez, au lieu de me baser sur l’acidité, le sucré, salé, etc., comme on nous l’apprend. J’ai fait un lien entre les sciences et l’œnologie en associant les mets et les vins en fonction de leurs molécules. Quand on fait les bons accords, c’est magique: 1+1=3. C’est-à-dire? Il y a des alliances qu’on fait naturellement depuis des siècles. Mais qui aurait pensé à associer champignon et lavande avec un Riesling? Ou framboise et algue nori avec un Merlot? Essayez, c’est incroyable! L’harmonie moléculaire est une science, on n’est pas dans la poésie; je suis un grand sensible, mais avec l’harmonie moléculaire, il faut laisser de côté l’émotion. Mais même si tout ça est appuyé sur la science, ça reste riche en passion. Un terrain de jeu extraordinaire s’est alors ouvert à moi. Parce qu’au-delà des quatre saveurs, il y a des milliers d’arômes, et j’en ai pour le restant de mes jours à les étudier… Sciences, œnologie et gastronomie: vous êtes à la croisée de plusieurs domaines… J’ai un peu bousculé l’ordre établi. Mais il y a eu plus de réticences face à mes recherches sur les harmonies moléculaires autant chez les sommeliers établis que chez les chefs; «L’essentiel de Chartier» est aujourd’hui dans la plupart des
La sommellerie québécoise, elle va bien?
Comment se situent la province et ses consommateurs dans le monde du vin? Le Québec est devenu une porte d’entrée en Amérique du Nord quant à la qualité des produits et à la qualité des consommateurs. Depuis 1999, les consommateurs de vin ont vraiment changé: ils ont appris à questionner, à déguster… Avant 1994, la majorité des gens ne savaient pas ce qu’était un sommelier! Per capita, on connaît mieux le vin ici qu’en France. Comme on n’a pas de grands producteurs, on est plus curieux, on a moins d’œillères – en France, les gens ont la faiblesse d’être moins ouverts sur l’international, car l’impact régional est plus fort. On est devenus des infidèles au Québec! On veut tout goûter. Qu’est-ce qui explique cette évolution selon vous? Le premier déclencheur a été L’Expo 67, qui nous a montré qu’il y avait une culture extraordinaire dans le reste du monde, notamment une culture gastronomique. De nombreux Européens sont ensuite venus s’installer au Québec et ont ouvert des restos... Dans les années 2000, on a aussi vu émerger de nombreuses émissions de cuisine – aujourd’hui, on en dénombre 39 produites au Québec! Tous les chefs du monde veulent venir en vacances à Montréal, ou alors y vivre quelques années. Montréal a la cote, notamment au niveau du rapport qualité-prix. Il y a une belle créativité dans une ambiance unique… Votre créativité à vous, elle se consacre à quoi en ce moment? Je travaille actuellement en neurogastronomie sur les liens entre mémoire et olfaction, pour donner les bases d’un questionnement scientifique. On sait que l’odorat est très lié à la mémoire, et les odeurs pourraient ainsi raviver les souvenirs. Par exemple, pour moi, le parfum des roses séchées me ramène toujours à ma grand-mère, qui en avait dans sa chambre. Bref, il y a de quoi faire en sciences… y
MOTS | FRANCO NUOVO
PHOTO | ORIENTALY, DREAMSTIME.COM
49 LIVRES VOIR QC
Comme dans la chanson des Trois Accords, j’aurais pu enfiler «mon corps de jeune fille» et devenir «La jeune épouse» d’Alessandro Baricco. J’aurais pu quitter l’Argentine pour l’Italie à une époque pas trop lointaine et rejoindre un monde étrange, une famille dont le fils égaré en Angleterre et qui tarde à arriver doit épouser la fameuse jeune épouse. J’aurais pu, mais je n’ai pas quitté Buenos Aires, j’ai quitté Montréal pour traverser l’Amérique, dévorer du bitume, voir, regarder, m’éblouir et retrouver l’amour. Je reviendrai sur les États-Unis et leurs routes de velours. Bien sûr, je ne suis pas La jeune épouse. Je ne suis pas le personnage de l’auteur de Soie et de Novecento. D’ailleurs, si on retrouve dans ce plus récent ouvrage de Baricco cette même écriture légère et sensuelle, on découvre, ce qui est moins courant chez lui, un érotisme ouvert, sans réserve et dépourvu de vulgarité. Une famille étrange, dis-je, dans laquelle personne n’a de nom ni de prénom, qui accueille à bras ouverts cette jeune fille d’à peine 18 ans sans expérience de vie et encore moins amoureuse. Aussi, de façon impromptue, a-t-elle droit à une initiation sexuelle. La fille, la mère et même le père contribuent à son éducation. On lui apprend le plaisir, mais surtout, le désir. Et c’est là qu’excelle Baricco, parce que s’il est plus aisé de décrire les étapes du plaisir, il est beaucoup plus difficile d’évoquer la sophistication du désir et son ascension vers l’extase: «Car lorsqu’un homme est en toi et que tu t’agites sur lui, tu peux lire toute sa vie sur son visage, de l’enfant jusqu’au vieillard moribond, c’est un livre qu’en pareil moment il ne peut refermer.» On lui apprend aussi à lécher, «un geste servile et généreux, un geste d’asservissement et de possession, indigne et courageux.» Et dans cette quête du désir, il y a bien sûr «l’amour, une tentative incessante de trouver une position dans laquelle se perdre en l’autre… une position qui n’existe pas alors que sa recherche existe, elle, et que savoir chercher est un art.»
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Je me suis décidé en un jour. C’était d’abord l’attrait de cette foutue Route 66 dont il ne reste pratiquement plus rien sinon des miettes d’histoire qui, comme les cailloux du Petit Poucet pour ne pas oublier, jonchent le territoire de l’Illinois à la Californie, en passant par le Missouri, le Texas, le Nouveau-Mexique et l’Arizona. La chaleur. Excessive, la chaleur. Des paysages changeants. Du vert, des déserts, des canyons, des plaines. Une remontée vers le Dakota du Sud, Deadwood, cette ville sortie du Far West qui a inspiré la série, Sturgis, où chaque mois d’août a lieu le plus grand rassemblement de motards au monde, le Crazy Horse Memorial, non terminé, et les têtes des présidents sculptées dans le roc du mont Rushmore. Un pays étonnant de beauté quand on ne le survole pas, habité par le paradoxe humain et qui repose sur des idéologies oscillant entre une liberté troublante et un obscurantisme affolant. Les panneaux qui bordent les routes en témoignent. «L’avortement: un vrai meurtre», «Vente d’armes»; le darwinisme rayé parce que Dieu est le seul créateur, un Trump qui rendra sa grandeur à l’Amérique et une Hillary qui mérite la prison. En dépit de la beauté qui les entoure, les Américains ne sont pas heureux. Ils hésitent. Ils ont peur. Ils se noient dans leurs valeurs. Ces milles et ces milles, surtout vers Denver, m’ont bien sûr fait penser à Kerouac. Toutes les routes qu’on avale, surtout dans cette Amérique profonde, font penser à Kerouac. Or, je n’ai pas relu On The Road pour la centième fois. Je suis allé vers plus simple: La Carrière du mal de Robert Galbraith qui, pour ceux qui ne seraient pas au fait, n’est nul autre que J. K. Rowlings, mais donnant dans un genre policier mettant en scène l’enquêteur Cormoran Strike, ancien militaire rentré d’Afghanistan une jambe en moins, et son assistante Robin Ellacot. Ça accroche. J’avais déjà lu d’elle, dans la même série, L’appel du coucou. Rien pour se creuser la tête, mais ça accroche, dis-je, parce que cette J. K. devenue Robert écrit drôlement bien les histoires policières où évoluent des personnages pas seulement colorés, mais étoffés. On est bien loin de l’univers de Harry Potter, mais la qualité de la plume y est. Ça fait du bien, aussi, dans ces États-Unis si beaux mais si ternes, de faire un saut dans les pubs de Londres. y
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— Québec en toutes lettres. 7 e festival — une édition noire 29 septembre — 9 octobre
Spectacles
Sur les rayons
OWEN HOPKINS, ESQUIRE SIMON ROY
Gilles Archambault et Stanley Péan : à voix basse. Les écrivains et le jazz
Les éditions du Boréal, 2016, 248 pages
29 septembre
Simon Roy est arrivé dans le paysage littéraire avec une offrande on ne peut plus atypique. Son Ma vie rouge Kubirck, mélange de fiction, d’essai et de biographie, a créé un réel raz-de-marée dans le milieu, l’année de sa publication, et a remporté le Prix des libraires du Québec. Livre poignant et coup de poing à la fois, puisant sa force dans un savant mélange d’écriture du nécessaire et de fictionnalisation du terrible, Simon Roy avait su, par son écriture fragmentaire, marquer les esprits et déstabiliser le moindre lecteur. Après ce genre d’entrée fracassante en littérature, il nous revient deux ans plus tard avec un roman, Owen Hopkins, Esquire, où il sonde la figure du père et la mythomanie.
Nuit au cimetière 30 septembre
Sur la piste de Maud Graham 1er et 2 octobre
Plus haut que les flammes + Cristal automatique 1er octobre
Love is in the Birds : un spectacle francophone sans boule disco 2 octobre
Adieu Sherlock ! 3 octobre
Crimes à la bibliothèque 4 octobre
En prison avec SK 5 octobre
Brouillet et Michaud : modus operandi 6 octobre
Œuvres de chair : Tête-à-tête éclairs et Rendez-vous clandestins 8 octobre
Expositions — Tables rondes et rencontres Activités jeunesse — Films noirs Lectures musicales — Conférences
Billets — informations 418 641-6797
quebecentouteslettres.qc.ca #QCenTL
Owen Hopkins se meurt quelque part en Angleterre. Son fils, Jarvis, quittera Montréal pour aller passer quelques jours à son chevet avant que ce dernier trépasse. Hopkins n’a fait que passer dans la vie de Jarvis, père sur la route, tantôt roadie, tantôt agent d’artiste, mais surtout menteur compulsif. La vie d’Owen Hopkins, Esq. est digne d’un film ou d’un roman, bien que ses proches aient l’habitude de rouler des yeux lorsque celui-ci ouvre la bouche. Plus on avance dans le processus de deuil de Jarvis, plus on s’enfonce dans le tissu de mensonges qu’est la vie de son père, défrichant lentement vers un drame ayant jeté l’opprobre sur Hopkins et l’ayant emmené à fuir Montréal pour son Angleterre natale. Alors que l’auteur abordait, dans son premier livre, la figure maternelle par la lorgnette de sa propre fascination pour Kubrick, ici, il déboulonne le mythe du père. Cherchant à démystifier le recours compulsif au mensonge et la nécessité à s’inventer à l’extérieur du réel et à berner famille et proches. Encore servi par l’écriture fragmentaire, inventive, voire parfois anecdotique, de Simon Roy, le livre trouve rapidement son rythme. Le principal problème, c’est que ce deuxième opus souffre de la comparaison avec un premier livre d’une charge brutale et, force est de le constater, inégalée. Reste que nous assistons là à la naissance d’un écrivain, à la découverte même de l’urgence d’écrire et du plaisir de raconter. On a la vague impression qu’en quelques années, Simon Roy fut happé par la nécessité littéraire. (Jérémy Laniel)
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Sur les rayons
I LOVE DICK CHRIS KRAUS Éditions Flammarion, 277 pages I love Dick fut publié pour une première fois en 1997. Le succès confidentiel de ce livre vers la fin du XXe siècle ne l’a pas empêché de s’enraciner de plus en plus dans la culture populaire au fil des ans, de trouver de nouveaux éditeurs pour en faire de plus grands tirages et continuer son chemin avec cette proposition on ne peut plus déroutante. Publié l’année dernière en Grande-Bretagne, voici enfin que l’éditeur Flammarion décide d’en publier une traduction, près de vingt ans après sa publication d’origine. I love Dick de l’écrivaine Chris Kraus est un livre important, déstabilisant et jouissif. Le livre se déplie en deux parties. D’abord, Scène d’une vie conjugale nous lance dans un journal intime, s’ouvrant sur un dîner entre Chris Kraus, l’auteure du livre, Sylvère Lortinger, son mari, et un certain Dick. De ce souper aux sushis naîtra une fascination de l’auteur pour ce Dick en question, un intellectuel et critique d’art, bon ami de son conjoint. Plus on avance dans le bouquin, plus on perçoit cette fascination s’agrandir chez l’auteure, résultant à un projet entre elle et son mari: celui d’adresser des lettres à Dick. S’ouvre ainsi la deuxième partie du bouquin, Toute lettre est une lettre d’amour, dans laquelle Chris Kraus pourra déposer toutes ses idées et ses réflexions sur l’art, l’amour, les relations de couple et la composition de soi dans ce milieu alors qu’elle est toujours considérée comme la femme de Sylvère Lortinger. Avec elle, on plonge dans le fantasme, le désir, l’autre, la connexion intellectuelle et la nécessité d’être soi. Dans la lignée de Comment devenir quelqu’un de Sheila Heti, I love Dick de Chris Kraus est une livre dérangeant par son jeu sur le réel. Tout au long du livre, la fiction se joue du vrai, les personnages n’en sont pas et les sentiments sont concrets et menaçants. Avec ce roman, Chris Kraus livre un important plaidoyer sur l’affirmation de soi et le pouvoir de la littérature, tout en décrivant, sans acrimonie aucune, le combat des femmes évoluant dans un monde patriarcal et un milieu misogyne. Sa puissance réside dans la simplicité avec laquelle Kraus élabore à la fois son histoire et son argumentaire, signant probablement le livre le plus intéressant et foisonnant sur les relations interpersonnelles. (Jérémy Laniel)
«LES FRINGALES», 2016. IMPRESSION JET D'ENCRE / AQUARELLE, 60 POUCES X 60 POUCES.
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NATURES PAS SI MORTES À LA FAÇON D’UN MILLEFEUILLE SURRÉALISTE, L’ARTISTE MULTIDISCIPLINAIRE ANNIE BAILLARGEON SUPERPOSE PERFORMANCE, PHOTOGRAPHIE ET PEINTURE POUR CRÉER DES NATURES MORTES PLEINES DE VIE. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
Au milieu d’une clairière au plancher végétal en décomposition, en plein champ de citrouilles ou sur un tapis de branches et de mousse, l’artiste se met en scène, parfois de façon multipliée, dans des décors inquiétants qu’elle magnifie avec la peinture. «Je veux recréer des univers plus près de la peinture que du dessin ou de la photo. En retravaillant les dimensions, je sors un peu de la réalité», explique Annie Baillargeon. Tout comme son œuvre, sa démarche additionne les couches, ce qui peut donner une impression de doux vertige. «Je commence par faire un repérage des lieux, comme en cinéma. Le boisé chez mes parents, le champ de citrouilles d’un ami... Puis, je fais un sketch des actions prévues, tout en me laissant de la latitude pour improviser sur place. Arrivée sur place, je n’utilise pas de trépied, j’engage plutôt un photographe, car mon travail est à la base une petite performance.» Son cycle Les natures mortes: épisodes de petits déclins est le fruit de ce travail multidisciplinaire aux thèmes surréalistes, alors que l’artiste explore l’ambivalence entre beauté et laideur dans un esprit rappelant le rêve ou la fête. «Je suis partie de l’idée de la nature morte, fanée, pour présenter une réflexion globale sur la façon dont on se nourrit, ce qui inclut aussi l’alimentation psychique.»
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UN TREMPLIN POUR LES CRÉATEURS DES BOURSES ADAPTÉES AUX BESOINS DE LA RELÈVE MUSIQUE / CIRQUE THÉÂTRE / ARTS MULTI PATRIMOINE / DANSE ARTS LITTÉRAIRES ARTS MÉDIATIQUES ARTS VISUELS MÉTIERS D’ART
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D’abord exposé à la Galerie D’Este à Montréal l’automne dernier, ce cycle d’une vingtaine d’œuvres est repris en partie à la Galerie 3 de Québec en septembre, incluant quatre nouvelles créations. Ces scènes de rituels, intitulées Les fringales ou Les récoltes, sont fortes de symbolisme et proposent plusieurs lectures. «Je réfléchis à comment le corps réagit à son habitat, à comment il absorbe son environnement. J’appellerais ça la “coquille confrontée”. C’est très onirique, ce sont des scènes de rêves, avec beaucoup de mise en scène.» Rencontrée dans son atelier du quartier Saint-Sauveur, Annie Baillargeon s’attelle déjà à son prochain cycle, qui sera présenté à l’hiver au centre d’art et d’essai Occurrence, à Montréal. «C’est drôle, c’est carrément l’inverse des grands paysages! Cette fois-ci, je mets le corps pris dans de petits petits environnements, comme des boîtes. » Le thème du corps exploité et déconstruit sous tous ses angles est omniprésent dans le travail de l’artiste, et ce, depuis près de 15 ans. Que ce soit dans l’une de ses expos solos à Montréal (Maison de la culture Frontenac, Galerie d’art d’Outremont), à Québec (L’Oeil de Poisson, Centre VU) ou ailleurs au Canada, ou avec ses performances (on l’a connue comme cofondatrice des Fermières Obsédées, groupe d’art action à l’esprit postpunk, et elle s’active maintenant au sein du collectif B.L.U.S.H.), Annie Baillargeon s’attarde à une «représentation exaltée et transgressive du corps», pour reprendre textuellement sa démarche. Pour Norbert Langlois, copropriétaire de la Galerie 3, le travail d’Annie est un coup de cœur, tout simplement, et a assurément son importance dans l’art contemporain. «Annie a une grande sensibilité; il n’y a pas une œuvre d’elle que je n’ai pas aimée. Sa marque est faite dans le milieu de l’art québécois.» Le galeriste est plus qu’enthousiaste à l’idée de présenter pour la première fois à la Galerie 3 une exposition solo de l’artiste. «Le fait qu’elle puisse faire de la performance, de la photo et de la peinture de cette qualité démontre l’étendue de son talent. Intervenir à la main sur une photo, ça peut tellement mal virer! dit-il en riant. Mais pas avec Annie: ça ajoute une tout autre dimension à son œuvre. » Le galeriste, qui est aussi collectionneur d’art depuis plus de vingt ans, poursuit sur sa lancée. «Avec ses Natures mortes, Annie a trouvé quelque chose de simple qui renouvelle son travail, qui est conséquent avec son œuvre. Elle crée des tableaux troublants, qui ont quelque chose de la fête foraine, quelque chose de beau, mais en même temps d’inquiétant. L’interprétation qu’on peut en faire est extrêmement large, et ça, c’est fort! Annie se met elle-même en scène: sa photo est une performance et dans la multiplication de son corps, il y a quelque chose de beau et de généreux.» C’est ainsi à un grand pique-nique imaginaire, qui remet en question les nourritures terrestres (pour emprunter à André Gide), que le spectateur est invité. y Les natures mortes: épisodes de petits déclins Annie Baillargeon Galerie 3 Du 23 septembre au 23 octobre 2016
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«LES EMBAUMEMENTS», 2015. IMPRESSION JET D'ENCRE / AQUARELLE, 61 POUCES X 42 POUCES.
UN MOMENT PRIVILÉGIÉ À S’OFFRIR UNE VÉRITABLE OASIS DE DÉTENTE CONTEMPORAINE AU CŒUR D’UN SITE NATUREL EXCEPTIONNEL...
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56 CHRONIQUE VOIR QC
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
BONHEUR INTÉRIEUR BRUT: TROQUER LE PIB POUR LE BIB L’argent ne fait pas le bonheur, mais y contribue bien entendu. Comme le rappelait déjà Yvon Deschamps en 1969 dans son fameux monologue justement intitulé L’argent, «mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade». Mais tout n’est pas que financier. On se rend de plus en plus compte de la limite du PIB pour qualifier intelligemment un pays. C’est une mesure importante, mais elle camoufle de nombreuses failles, notamment les inégalités sociales et l’écart croissant entre les riches et les pauvres. Elle élude aussi tous les aspects moins tangibles qui font qu’il fait mieux vivre dans un pays plutôt que dans un autre. Alors, comment évaluer une société? Qu’est-ce qui fait qu’un citoyen est heureux? De nombreux sociologues et psychologues se sont penchés sur ces questions. Le bonheur serait créé par plusieurs facteurs. La très sérieuse ONU les a classés en six grandes catégories afin d’évaluer chaque pays, dans une étude intitulée World Happiness Report.
La durée de vie qualitative. L’accès à des soins de santé physique et mentale efficaces, bien entendu, mais aussi à des programmes de prévention et d’éducation, à du soutien en fin de vie, à l’amélioration de la place des aînés dans la société. L’accès à la culture, à des infrastructures sportives, à la nature. À un environnement non pollué. La capacité de faire des choix. Une liberté démocratique. Des structures politiques légales qui permettent une vie remplie de possibles et des chartes des droits de la personne pour s’assurer que tous y ont droit. Savoir que travailler fort peut apporter des résultats, que des sacrifices faits aujourd’hui pourront permettre aux prochaines générations de mieux vivre. Savoir que nos choix religieux, nos valeurs et notre héritage seront respectés.
En sus du volet économique, les cinq autres catégories qu’il faut inévitablement considérer sont les suivantes:
La générosité. Parce que donner, c’est recevoir. C’est gratifiant de participer à la vie civile, de sentir que son implication fait une différence, qu’on peut influencer la société par ses actions tout en donnant un sens à sa vie afin de répondre à la grande question: Quelle est ma place ici?
Le support social. L’accès pour tous à un filet social riche permettant de vivre – pas de survivre! Parce qu’on ne sait jamais ce qui va nous arriver et qu’on ne voudrait pas être laissé pour compte si on ne gagnait pas à la loto génétique ou si le malheur venait à frapper.
La confiance. La confiance en soi, celle envers les autres, celle envers nos institutions. C’est la catégorie qui m’a fait le plus réfléchir, qui m’a le plus surpris. La revue Globeco, qui compile chaque année une foule de statistiques afin d’établir l’indice du bonheur
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mondial, risquait dans son rapport 2016 une comparaison entre la France et d’autres pays potentiellement plus heureux. Selon cette étude: «Les Français ne font confiance à rien (gouvernement, entreprises, médias, syndicats, justice) ni à personne. À la question “Est-il possible de faire confiance aux autres?”, près de 80% des Français répondent “non”, alors que 60 à 70% des habitants des pays nordiques disent faire confiance aux autres.» C’est certainement un aspect sur lequel nous devrons nous pencher au Québec. Ce sont en fait tous des facteurs qui permettent le développement d’une société forte, d’une société durable. Quand on détermine un objectif comme le bonheur, il faut s’y engager. Il faut faire en sorte que les ingrédients qui le composent soient bien compris et intégrés dans les politiques, les lois, les règlements. Mais il ne faut pas perdre de vue que le bonheur peut aussi s’enseigner. Cet aspect me semble fort important et on doit impérativement le garder en mémoire. En éducation, il faut absolument miser sur ce volet. Permettre aux gens de découvrir leurs passions en intégrant dans les matières de base actuellement enseignées les outils les mieux adaptés à chacun. Il faut permettre de tâter du théâtre, de la danse, de
l’entrepreneuriat, des sciences, des métiers différents et avoir des enseignants heureux, parce que le bonheur est, paraît-il, contagieux. Concernant l’implication sociale, pourquoi ne pas considérer mettre sur pied un service social obligatoire? Six mois d’implication, par exemple, dans un centre pour aînés, dans un centre culturel ou un centre de désintoxication. Pourquoi ne pas mettre nos jeunes au service de la collectivité pour développer leur sentiment d’appartenance, leur compréhension de leur rôle individuel dans le «nous» collectif? D’aucuns ressentent un grand vide. Il semble nous manquer cruellement d’une vision, d’un objectif, d’une destination commune. Est-ce que ça ne pourrait pas simplement être le bonheur? Ne devrait-il pas être l’objectif que l’on donne à nos politiciens et à partir duquel ils devraient être évalués? Le Bhoutan est le premier pays, et le seul à ce jour, à avoir adopté le bonheur comme indicateur privilégié par rapport au PIB. Le bouddhisme l’y aurait amené dès 1972. Inspirant! Visitez le site internet worldhappiness.report pour en savoir plus sur le rapport publié chaque année par l’ONU. y
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QUOI FAIRE
PHOTO | RICHMOND LAM
MUSIQUE
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AMYLIE & JASON BAJADA Le CeRCLe – 14 sePTeMbRe
La talentueuse Amylie orchestera avec sa fraîche musique la première partie de la soirée. Suivra ensuite le charmant Jason Bajada, avec ses balades mielleuses, qui présentera son tout nouvel album paru l’hiver dernier, intitulé Volcano.
FJORD L e C e R C L e – 21 s e P T e M b R e
Formé par Thomas Casault et Louis-Étienne Santais, ce duo de Québec au son électro très rafraîchissant offrira un spectacle avec invités. Rappelons-nous que leur collaboration avec Claude Bégin pour la chanson Blue leur a valu un succès à l’international.
SAFIA NOLIN M O u L I N D u P O R TA g e – 9 s e P T e M b R e
Il s’est écoulé un an depuis la sortie de Limoilou, son tout premier album, mais il semble que cela fait une éternité. La sympathique Safia sera de retour dans la région de Québec après avoir parcouru beaucoup de chemin.
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60 QUOI FAIRE VOIR QC
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PHOTO | Le PeTIT Russe
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LAURA SAUVAGE Lâ&#x20AC;&#x2122; A N T I â&#x20AC;&#x201C; 8 s e P T e M b R e
Laura Sauvage, Vivianne Audet de son vrai nom, est aussi connue pour ses performances de guitariste au sein de la formation acadienne Les Hay Babies. Signé avec Simone Records, ce projet solo emprunte le chemin du folk et de lâ&#x20AC;&#x2122;acoustique.
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PAUL PICHÉ T H é âT R e P e T I T C H A M P L A I N – 16 e T 1 7 s e P T e M b R e
C’est un rendez-vous intimiste auquel vous convie Paul Piché, auteur-compositeur-interprète incontournable de l’histoire musicale québécoise. Avec sa guitare pour seule arme, il nous livrera ses nouvelles pièces, mais aussi les chansons plus anciennes qui ont fait sa renommée.
FESTIVAL MUSIQUE ÉMERGENTE (FME) R O u y N- N O R A N D A – D u 1 e R A u 4 s e P T e M b R e
Rouyn-Noranda s’apprête à recevoir pour une 14e année consécutive une grande sélection d’artistes qui feront rayonner la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Aliocha, Avec pas d’casque, Brown, Charlotte Cardin, Samito, Pierre Kwenders et plusieurs autres vous y attendront pour célébrer la musique d’ici.
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AveC PAs D’CAsque, PHOTO | jéRôMe guIbORD
PHOTO | LIAM McCRAe
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KAYTRANADA IMPéRIAL beLL – 16 sePTeMbRe
Ce jeune prodige de la scène électro montréalaise présentera un spectacle de son premier album 99.9% sorti en mai dernier. Le succès de cet enregistrement ainsi que ses nombreuses collaborations avec des artistes renommés lui ont permis de gravir rapidement les échelons du paysage électro.
ÉRICK D’ORION L e C e R C L e – 24 s e P T e M b R e
Cet artiste autodidacte connu dans le domaine de l’art audio roule sa bosse depuis 1993. Il expérimente entre autres les installations électros, pour un résultat qui se rapproche étroitement de ce que l’on qualifie de musique noise.
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LA RUÉE VERS L’OR P A L A I s M O N T C A L M – 23 s e P T e M b R e
L’Orchestre symphonique de Québec et le Festival de cinéma de la ville de Québec s’unissent pour la projection du film La ruée vers l’or, chef-d’œuvre de Charlie Chaplin. Un visionnement rythmé par les musiciens de l’orchestre.
IBRAHIM MAALOUF P A L A I s M O N T C A L M – 22 s e P T e M b R e
Il a collaboré avec Lhasa de Sela, Sting, Grand Corps Malade et tellement d’autres. Cet automne, le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf débarque à Québec armé de ses compositions personnelles, pièces instrumentales qui lui ont valu un prix aux Victoires de la musique en 2014.
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PHOTO | DeNIs ROuvRe
LES HÃ&#x201D;TESSES Dâ&#x20AC;&#x2122;HILAIRE L e C e R C L e â&#x20AC;&#x201C; 10 s e P T e M b R e
La nouvelle légende rock de Moncton déplace beaucoup dâ&#x20AC;&#x2122;air sur scène. Et tout ça nâ&#x20AC;&#x2122;aurait sans doute pas le même effet sans lâ&#x20AC;&#x2122;incroyable prestance énergique du chanteur charismatique Serge Brideau. Toujours prêtes à virer la place à lâ&#x20AC;&#x2122;envers, Les Hôtesses dâ&#x20AC;&#x2122;Hilaire donnent de longs spectacles suintants et dynamiques, à lâ&#x20AC;&#x2122;image de son public.
BERNARD ADAMUS Lâ&#x20AC;&#x2122; A N g L I C A N e â&#x20AC;&#x201C; 1 7 s e P T e M b R e
«Hola les lolos!» Lâ&#x20AC;&#x2122;incorrigible mais follement attachant Bernard Adamus sera en concert à Lévis pour présenter Sorel Soviet So What, son dernier opus en date. Un récital qui sâ&#x20AC;&#x2122;annonce déjà décoiffant. >
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PHOTO | jIMMI fRANCOeuR
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PHOTO | jOHN LONDOñO
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C O C K TA I L S BOUFFE
Bar à LES DEUXLUXES
HUITRES
Le CeRCLe – 1eR OCTObRe
Après avoir fait sa marque avec le EP autoproduit Traitement Deuxluxe en 2014, le duo rock n’ roll garage montréalais s’apprête à faire les choses en grand avec son premier album Springtime Devil, dont la sortie est prévue pour le 2 septembre sous Bonsound. Il s’en donnera ensuite à cœur joie sur les scènes du Québec.
VIEUX FARKA TOURÉ L e C e R C L e – 24 s e P T e M b R e
GRANDE ALLÉE,
L’artiste d’origine africaine mélange le moderne avec les rythmes traditionnels de son continent natal. Vieux Farka Touré provient d’une descendance de guerriers maliens, chose qui est peu ordinaire. Ce musicien a su se forger au fil du temps une place à l’international.
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PHOTO | LAuReNCe POIRIeR
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MAUVES sCèNe exTéRIeuRe – 17 sePTeMbRe
Dans le cadre de Saint-Roch expérience, le quator de Limoilou se produira sur la scène extérieure. Ayant deux albums à leur actif, ce groupe local continue de monter en flèche dans l’univers musical québécois.
JESSE MAC CORMACK D I s T R I C T s A I N T-j O s e P H – 16 s e P T e M b R e
Guitariste, chanteur et arrangeur de haut vol, le Montréalais Jesse Mac Cormack prépare depuis déjà un bon moment son entrée par la grande porte. En vedette sur l’excellent premier album de Rosie Valland, le poulain de Secret City Records montrera maintenant de quel bois il se chauffe en solo avec la sortie d’un premier EP.
ABAKOS Lâ&#x20AC;&#x2122; A N T I â&#x20AC;&#x201C;Â 17 s e P T e M b R e
Abakos, sâ&#x20AC;&#x2122;avère le tout nouveau projet des MontrĂŠalais dâ&#x20AC;&#x2122;origine congolaise Pierre Kwenders et Ngabonziza Kiroko. Les deux comparses unissent leurs forces pour crĂŠer un univers musical qui parle dâ&#x20AC;&#x2122;amour et de tendresse tout en gardant le rythme africain des mĂŠlodies. Une formule accrocheuse et intĂŠressante.
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GLOUCESTER L A bORDĂŠe â&#x20AC;&#x201C; Du 20 sePTeMbRe Au 15 OCTObRe
Câ&#x20AC;&#x2122;est une crĂŠation complètement dĂŠjantĂŠe que nous proposent les auteurs Simon Boudreault et Jean-Guy Legault. Un dĂŠlire shakespearien avec 82 personnages, une fresque dĂŠlirante mise en scène par la ricaneuse Marie-JosĂŠe Bastien.
DREAMLAND T H ĂŠ âT R e P ĂŠ R I s C O P e â&#x20AC;&#x201C; D u 2 0 s e P T e M b R e A u 8 O C T O b R e
Le ThÊâtre Rude IngĂŠnierie prĂŠsente Dreamland au ThÊâtre PĂŠriscope, une pièce inspirĂŠe par le Coney Island new-yorkais et marquĂŠe par une scĂŠnographie aussi immersive quâ&#x20AC;&#x2122;artisanale.Â
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DOGGY DANS GRAVEL T H é âT R e P R e M I e R A C T e – D u 13 s e P T e M b R e A u 1 e R O C T O b R e
Primé au Fringe l’an dernier, Doggy dans gravel d’Olivier Arteau-Gauthier sera enfin présenté dans la ville natale de l’auteur et metteur en scène. Un texte qui grafigne, dépeignant l’adolescence de façon crue, mais réaliste.
VOTRE PARTY DE BUREAU EST UN CLASSIQUE. PAS NOTRE MENU. SURPRENEZ TOUT LE MONDE.
SIMON LEBLANC T H é âT R e P e T I T C H A M P L A I N – 24 e T 30 s e P T e M b R e
Conteur hors pair, mais surtout captivant, l’humoriste Simon Leblanc marche dans les pas de Michel Barrette. Il nous présente Tout court, son premier one-man-show. >
BIEN ENTENDU.
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SNOWDEN e N s A L L e L e 16 s e P T e M b R e
Le film est basĂŠ sur lâ&#x20AC;&#x2122;histoire dâ&#x20AC;&#x2122;Edward Snowden qui, engagĂŠ par la CIA et la NSA, rĂŠvĂŠla au monde entier un système dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcoute nommĂŠ PRISM. Oliver Stone est de retour sur nos ĂŠcrans pour un drame qui nous tiendra en haleine.
JUSTE LA FIN DU MONDE eN sALLe Le 21 sePTeMbRe
Le talentueux Dolan revient Ă la charge avec ce film oĂš sâ&#x20AC;&#x2122;entremĂŞlent les tribulations dâ&#x20AC;&#x2122;un ĂŠcrivain qui revient après 12 ans dâ&#x20AC;&#x2122;absence dans son village natal. De charmantes retrouvailles en dents de scie jouĂŠes par dâ&#x20AC;&#x2122;excellents acteurs français.
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CRISE Ă&#x20AC; DEEPWATER HORIZON e N s A L L e L e 30 s e P T e M b R e
En avril 2010, une plateforme pĂŠtrolière cĂŠda dans le golfe du Mexique, entraĂŽnant avec elle son lot de catastrophes ĂŠcologiques. Ce film relate les faits et met de lâ&#x20AC;&#x2122;avant le courage des membres prĂŠsents lors de cette tragĂŠdie.Â
LES SEPT MERCENAIRES e N s A L L e L e 23 s e P T e M b R e
Une guerre du Far West Ă lâ&#x20AC;&#x2122;AmĂŠricaine, voici ce que rĂŠserve ce film du rĂŠalisateur Antoine Fuqua. Sept mercenaires se font la guerre dans lâ&#x20AC;&#x2122;ouest des Ă&#x2030;tats-Unis au tournant du XXe siècle pour venir en aide Ă un village de paysans aux prises avec des voleurs sauvages.
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9 - LE FILM eN sALLe Le 9 sePTeMbRe
Ce long métrage réalisé par neuf réalisateurs québécois projette neuf histoires satiriques et comiques. On y voit notamment le travail de Marc Labrèche, Ricardo Trogi, Érick Canuel et Éric Tessier pour ne nommer que ceux-ci.
LA REINE-GARÇON eN sALLe Le 2 sePTeMbRe
Ce film du réalisateur Mika Kaurismäki est basé sur l’histoire de la reine Christine qui amena la Suède au modernisme durant le XVIIe siècle. Ce long-métrage abordera le sujet de l’homosexualité de cette prospère reine.
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A TALE OF LOVE AND DARKNESS eN sALLe Le 2 sePTeMbRe
Dans ce film qui se passe Ă JĂŠrusalem en 1945, Natalie Portman joue le rĂ´le dâ&#x20AC;&#x2122;une mère israĂŠlienne qui possède un lien très particulier avec son fils. En trame de fond, la guerre qui ĂŠclate et qui blesse. Ce long mĂŠtrage est basĂŠ sur le roman autobiographique du cĂŠlèbre auteur israĂŠlien Amos Oz.
SULLY eN sALLe Le 9 sePTeMbReÂ
En janvier 2009, un Airbus A320 dâ&#x20AC;&#x2122;US Airways atterrit dâ&#x20AC;&#x2122;urgence sur le fleuve Hudson près de la ville de New York. Le pilote de lâ&#x20AC;&#x2122;appareil, Sully Sullenberger, sauve les 155 passagers et membres de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠquipage. RĂŠalisĂŠ par Clint Eastwood et avec Tom Hanks dans le rĂ´le de Sully, ce film donne naissance Ă un drame grandiose.
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PORTe Du jARDIN, PIeRRe bONNARD
ARTS VISUELS
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PIERRE BONNARD M N b A q â&#x20AC;&#x201C; D u 6 O C T O b R e A u 15 j A N v I e R 2 0 17
Une exposition rĂŠtrospective est consacrĂŠe Ă lâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre immense de Pierre Bonnard, affichiste français aux rĂŠalisations (pensons Ă Â France Champagne, 1891) hyper cĂŠlèbres et reproduites sur une myriade de sous-verres en bordure de la tour Eiffel.
RESILIĂ&#x160;NCIA M u s ĂŠ e D e L A C I v I L I s AT I O N â&#x20AC;&#x201C; D è s L e 2 1 s e P T e M b R e
Cette exposition dâ&#x20AC;&#x2122;une profonde humanitĂŠ prĂŠsente des tĂŠmoignages contemporains de BrĂŠsiliens qui observent les changements de leur pays. OrchestrĂŠ comme un parcours dĂŠambulatoire, une panoplie de vidĂŠos dâ&#x20AC;&#x2122;une durĂŠe de 15 Ă 20 minutes chacun sont accessibles.
BOULEVARD "ASTIEN 1UĂ?BEC
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«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»
Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.
Pishier
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