MONTRÉAL VO1 #O9 | OCTOBRE 2O16 OLIVIER BERTRAND L’ÉCOLIÈRE DE TOKYO FUCK YOU! YOU FUCKIN PERV! & YUKONSTYLE SARATOGA JESSE MAC CORMACK DOSSIER VIE DE DJ TWO LOVERS AND A BEAR FNC 2016: LES ESSENTIELS LÉGUMES DES MERS MINI-MAISONS BJÖRK DIGITAL
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MARC-ANDRÉ GRONDIN
Le lait bio d’ici, pour le maintien de notre biodiversitÊ.
Solide liquide.
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O1 O9 MONTRÉAL | OCTOBRE 2016
RÉDACTION
Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Chef de section musique: Valérie Thérien / Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen / Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnatrice des contenus: Alicia Beauchemin / Correctrice: Marie-Claude Masse
COLLABORATEURS
Jean-Baptiste Hervé, Patrick Baillargeon, Réjean Beaucage, Christine Fortier, Ralph Boncy, Delphine Jung, Julie Ledoux, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Alexandre Taillefer, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Eric Godin
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Directeur adjoint aux ventes: Jean Paquette / Ventes régionales: Céline Lebrun Représentantes aux ventes nationales: Isabelle Lafrenière, Nathalie Rabbat Représentants: Catherine Charbonneau, Antonio Genua
OPÉRATIONS / PRODUCTION
Directrice du marketing et des communications: Sylvie Chaumette Coordonnatrice marketing et projets spéciaux: Danielle Morissette / Directeur du développement web: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeurs et intégrateurs web: Emmanuel Laverdière, Martin Michaud / Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleur: Patrice Sorrant / Administration générale: Céline Montminy / Commis de bureau: Frédéric Sauvé Coordonnateur service à la clientèle: Maxime Comeau / Service à la clientèle: Sophie Privé Chef de service, production: Julie Lafrenière / Directeur artistique: Luc Deschambeault Infographie: René Despars / Impression: Imprimerie Chicoine
PHOTO COUVERTURE Jocelyn Michel | leconsulat.ca
DISTRIBUTION
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COMMUNICATIONS VOIR
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PP 40010891
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MARC-ANDRÉ GRONDIN MULTIPLIE LES PROJETS, DES FILMS D’AUTEUR AUX SÉRIES TÉLÉVISÉES GRAND PUBLIC EN SE FAUFILANT À L’OMBRE DES TAPIS ROUGES ET DU GLAMOUR. Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière Maquillage | Sophie Parrot
Illustration | Audrey Fortin (wallsofivy.com) Production Consulat | Eliane Sauvé
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SCÈNE
Olivier Bertrand L’écolière de Tokyo En anglais s’il vous plaît
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MUSIQUE
30
DOSSIER
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CINÉMA
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ART DE VIVRE
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LIVRES
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ARTS VISUELS
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QUOI FAIRE
Saratoga Jesse Mac Cormack Vie de DJ
Two Lovers and a Bear FNC 2016: les essentiels Légumes des mers Mini-maisons
En as-tu vraiment besoin? Björk Digital Biennale de Montréal
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Monique Giroux (p28) Émilie Dubreuil (p40) Normand Baillargeon (p50) Alexandre Taillefer (p70)
ABONNEMENT P 45
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO1 #O9
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
IL FAUDRAIT QU’ON LE REDISE Je vous écris du passé. Au moment où vous lirez ces lignes, vous serez à la veille de connaître le dénouement de cette trop longue course à la chefferie du PQ, si vous ne le savez pas déjà. J’espère qu’il vous plaît, en tout cas. Je dis «il», car c’était vraiment un combat de cons, un mot étrangement masculin. J’ai aussi passé la soirée d’hier à écouter le débat entre Hillary Clinton et Donald Trump. De ça, je ne vous dirai rien, sinon que Trump n’est un monstre que parce que la mythologie politique a besoin de ce genre de créature. Il ne ment pas, il invente. Son discours est plus une fabrication qu’une contrefaçon. Le monde a besoin de héros, mais pour avoir des héros, il faut des monstres à abattre. J’allais vous écrire comment je trouve ça plate, la politique. Pas «le» politique... «la» politique. Cet art oratoire plein de sparages, de promesses décourageantes, de mises en scène, de costumes et d’allégories. Comme Lisée, avec sa superbe et ses effets de toge, qui sort un tweet de Charkaoui pour planter Cloutier. Tiens! Un monstre! Laissez-moi saisir mon épée! Ah! ah! Coquin! Viens que je t’assassine! Vois comment je suis fort, moi! La mythologie, encore. J’allais vous parler de tout ça, avec le sentiment de radoter. J’ai certainement dit ça mille fois, que du haut de ces tribunes en carton, ceux qui veulent gagner un concours m’ennuient profondément. J’avais écrit un texte long comme ça, sans doute très plate, lui aussi. Je m’apprêtais à l’envoyer à la correction lorsqu’une nouvelle est apparue dans les grands titres. Quelque chose d’étonnant, enfin: «Gabriel Nadeau-Dubois et Jean-Martin Aussant s’unissent dans un projet politique.» Vous ai-je dit que je trouve, aussi, les grands titres plates? Ce projet est en fait porté par cinq personnes. À ces deux gentlemen, il faut ajouter Claire Bolduc, Maïtée LabrecqueSaganash et Alain Vadeboncœur qui proposeront dans les prochaines semaines une «vaste tournée de consultation
citoyenne sur l’avenir du Québec». Pour le spectacle, on aura choisi les deux noms les plus connus sur l’affiche. Pas leur faute. C’est ainsi qu’elle se fabrique, la mythologie politique, avec des noms de héros. Reste que j’y ai vu une jambette assez amusante. À une semaine de l’élection du chef du PQ, lancer un tel projet, ça ne pouvait pas être un hasard. Une manière de jeter du sable dans l’engrenage déjà rouillé, ou une pelure de banane que le PQ aurait oublié de s’envoyer à lui-même. Au téléphone, Gabriel Nadeau-Dubois n’accepte pas ma théorie du croc-en-jambe: «La plus pure vérité, c’est que c’est un hasard. Nous avions commencé nos rencontres, les cinq, avant que la date de l’élection du nouveau chef au PQ soit annoncée. Nous avons décidé que ça ne nous dérangeait pas. Nous avons choisi de lancer ce projet-là en nous tenant le plus loin possible des sphères partisanes.» Pas de manigances? Allons... Si vous le dites. Mais tout de même… Un bon timing, non? Je ne suis pas complotiste, mais j’ai peine à croire qu’un tel projet ne pouvait pas être lancé à un autre moment. Je ne m’en plains pas, remarquez, mais c’est assez fort de café de vouloir me faire croire à un pur hasard. Vous n’avez quand même pas lancé un dard sur un calendrier avec les yeux bandés. Quoi qu’il en soit, se lancer dans une telle aventure c’est dire que la conversation politique est minée par la partisanerie et que, donc, au sein des partis, on ne peut plus se parler. «Oui, c’est un de nos constats, m’explique Nadeau-Dubois. Trop souvent, avant de parler du projet de société, on est tout de suite empêtrés dans des enjeux partisans. Tous ces débats masquent le vrai problème qui se résume à une question: c’est quoi la proposition globale que les progressistes ont à faire? Je pense qu’il y a plein d’éléments, il y a plein d’idées, mais lorsqu’il s’agit de mettre de l’avant un projet cohérent, je pense qu’on a pas mal de questions et assez peu de réponses pour y parvenir.»
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Ce constat résume une idée qui ne semble pas avoir été suffisamment méditée du côté gauche de la paroisse. Ces dernières années, de l’indignation, on en a eu en masse. Des mouvements comme les camps d’occupation jusqu’à l’encerclement des écoles avec le slogan «Je protège mon école publique» en passant par le printemps étudiant, les multiples oppositions aux projets pétroliers et autres concerts de casseroles. Ajoutons volontiers quelques poings levés au gré de l’actualité. Or malgré tous ces cris indignés, rien ne semble poindre comme projet politique. Une situation qui nous mène à une question un peu embarrassante: se pourrait-il que la gauche progressiste, loin d’être le vecteur de changement qu’elle aimerait être, soit devenue dans les faits un agent d’immobilisme? «Malheureusement, la gauche – qui est ma famille politique –, dans l’esprit de bien des gens, en est venue à incarner le statu quo, la protection des choses telles qu’elles sont, plutôt que de représenter le changement social. Par un revirement de situation que je considère comme absurde, c’est une certaine droite qui s’est approprié le discours du changement social, ce qui place les progressistes dans une position inconfortable, qu’ils ne devraient pas adopter, qui est purement défensive, voire, à certains égards, conservatrice.»
Cette réponse de Gabriel-Nadeau Dubois illustre à la fois le cul-de-sac dans lequel se trouvent les progressistes et le piège que le projet Faut qu’on se parle s’est peut-être tendu à lui-même et duquel il devra inévitablement sortir. Dans le communiqué annonçant le projet, Claire Bolduc souligne que «trop souvent, on entend les mêmes débats entre les mêmes personnes qui s’échangent les mêmes arguments». C’est bien beau de le dire, mais ce n’est certainement pas parce que les arguments exotiques pour la gauche, sur les questions que les protagonistes de ce projet de conversation souhaitent aborder, ne sont pas déjà bien déployés sur la place publique. En somme, s’il faut sortir la gauche progressiste de l’impasse, on aurait peut-être plus besoin de s’écouter que de se parler, pour une énième fois. Sinon, tout ceci pourrait ressembler à une habile opération de relooking, de bonne foi, sans doute, mais avec tout le marketing que cela sousentend pour nous vendre le même produit dans un nouvel emballage. On verra, comme disait un autre qui voulait qu’on se parle, il n’y a pas si longtemps. y sjodoin@voir.ca
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9 SCÈNE VOIR MTL
VO1 #O9
À LA POURSUITE DE L’ÉCLECTISME LA 25E ANNÉE D’EXISTENCE DU THÉÂTRE LA CHAPELLE FUT MARQUÉE PAR UN CHANGEMENT DE GARDE, ALORS QUE JACK UDASHKIN PRENAIT SA RETRAITE ET LAISSAIT COMME HÉRITAGE UNE SCÈNE EFFERVESCENTE, ÉMERGENTE ET MULTIDISCIPLINAIRE. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
C’est en juin de cette même année qu’Olivier Bertrand fut nommé à la tête de l’institution. Après une année de transition, il nous livre sa première programmation cet automne. En provenance de France où il a fait ses marques, ce natif de Grenoble prend les quartiers d’un théâtre qui a toutes les allures d’un terrain de jeu. Pour celui qui a travaillé à la Scène nationale de Dieppe, ainsi qu’au Théâtre de la Bastille et au Théâtre de la Cité internationale à Paris jusqu’à tout récemment, c’était une grande décision que d’investir la scène montréalaise de cette façon. Reste qu’il fut séduit par ce que cette salle avait à offrir. «Autant j’étais prêt à quitter Paris, autant je ne m’attendais pas à atterrir ici. Mais j’ai senti un désir dès le départ parce qu’il s’agit d’un format de théâtre qui me plaît beaucoup, c’est le genre de salle dans laquelle j’aime œuvrer. C’est un format qui permet beaucoup sur l’expérimentation, sur un travail dans le rapport avec les artistes et le public.» Qui dit changement de direction ne dit pas nécessairement grands chamboulements, du moins pas pour Bertrand. «C’est une mission qui m’est donné de suivre, et ce que j’ai fait avant même d’être ici ça été d’être en contact avec ceux qui travaillent depuis un certain temps avec La Chapelle. C’est un changement de direction. Donc, oui, il y aura du changement, mais pour moi il y a une continuité aussi à respecter, une histoire qui se crée à travers
différents artistes qui ont investi ce lieu et qui continueront de l’investir.» On peut voir cette vision se déplier à même les spectacles de cette année avec des artistes tels le chorégraphe Daniel Léveillé ou le metteur en scène Marc Beaupré qui ne fouleront pas ces planches pour la première fois. Avec 18 spectacles programmés, La Chapelle présente encore une fois cette année l’une des saisons les plus éclatées à Montréal, tant sur le fond que sur la forme. S’agissant d’une programmation qui s’inscrit dans la continuité, est-ce qu’Olivier Bertrand désire poursuivre dans cette abondance de propositions? «Comme tout endroit de théâtre et de programmation, on se pose des questions d’équilibre. Il n’est pas question de faire des quotas sur chaque chose, mais il est important d’être proche des artistes et d’écouter les projets. De persister dans la programmation multidisciplinaire qui fait la couleur de La Chapelle, mais peut-être de réduire la nombre de différents spectacles programmés pour accompagner encore mieux les artistes dans la durée.»
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du 25 octobre au 19 novembre 2016
texte traduction adaptation mise en scène
Marta Hillers Françoise Wuilmart Jean Marc Dalpé Brigitte Haentjens
avec Evelyne de la Chenelière Louise Laprade Frédéric Lavallée ESPACE GO une coproduction + THÉÂTRE FRANÇAIS DU CNA
THÉÂTRE ESPACE GO | BILLETTERIE : 514 845-4890 | ESPACEGO.COM PARTENAIRE DE SAISON
Sophie Desmarais Évelyne Rompré + SIBYLLINES
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S’il y a bien un endroit oÚ le directeur artistique dÊsire mettre sa marque, c’est peut-être dans une prÊsence musicale plus grande. Je me permettrais peut-être d’insister sur la musique, ça m’importe de la remettre au cœur de cette scène. Pour celui qui Êtait responsable de la programmation de la musique au ThÊâtre de la CitÊ internationale, tant l’intimitÊ que l’acoustique de cette scène semblent être idÊales pour crÊer des rencontres à Êchelle humaine. Depuis son installation à MontrÊal, il prend le pouls de la vie thÊâtrale de la citÊ, saisissant l’Êcosystème dans lequel La Chapelle s’inscrit. DÊsirant ouvrir le dialogue entre les diffÊrentes salles, il essaie toujours de trouver une façon oÚ tous pourront travailler ensemble sur les aspects communicationnels et artistiques. Il se rend compte que la force du thÊâtre qu’il dirige est l’affranchissement des genres. Je suis à l’aise particulièrement dans cette circulation de genres. À la limite, ce qui m’intÊresse presque c’est d’arriver à ne plus nommer ce qu’est la proposition. Aujourd’hui, les productions sont au carrefour de tant de choses, j’aime quand il devient futile de les Êtiqueter danse, musique ou thÊâtre. J’aime cette circulation sans Êtiquette.
9RXV YLYUH] XQH H[SĂ„ULHQFH LQRXEOLDEOH
Si l’Êvidence est que la nÊcessitÊ de ce thÊâtre est dans son offre alternative et Êclectique, il n’en demeure pas moins que son mandat s’amorce avec un plan bien prÊcis. En 2020, on cÊlÊbrera les 30 ans de La Chapelle et pour les quatre prochaines annÊes on doit rÊflÊchir au renouvellement de l’offre et peut-être à un nouveau lieu. Le directeur artistique se plaÎt lorsqu’il voit l’horizon de possibilitÊs qui s’ouvre dans son aventure montrÊalaise. À voir ses projets, on peut croire sans trop de difficultÊ qu’il s’amusera à Êpouser la mission de La Chapelle, soit celle de surprendre. y
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JEAN-PHILIPPE LAHOUX: «C’EST LA RENCONTRE HUMAINE QUI EST CENTRALE DANS CETTE PIÈCE, MAIS LE CHOIX DU JAPON N’EST PAS ANODIN.»
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JEAN-PHILIPPE LEHOUX, LA PROSE VOYAGEUSE SA PIÈCE L’ÉCOLIÈRE DE TOKYO A OCCUPÉ LES PLANCHES DU THÉÂTRE DENISE-PELLETIER AU MOIS DE SEPTEMBRE, ET SON IRÈNE SUR MARS SERA À L’AFFICHE DU CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI EN MARS PROCHAIN. UNE GRANDE ANNÉE POUR L’AUTEUR, QUI AVOUE AVOIR UNE PETITE OBSESSION POUR LE VOYAGE… MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTOS | LAURENCE DAUPHINAIS
C’est un nom qui revient pas mal dans différents théâtres et festivals du Québec en ce moment. Jean-Philippe Lahoux, directeur artistique du Théâtre Hors Taxes depuis deux ans, est actuellement en résidence au Théâtre La Licorne, en plus d’enseigner à l’École nationale de théâtre et de travailler à côté sur un nouveau spectacle. «En ce moment, c’est un équilibre entre des pièces que j’ai écrites et qui roulent toutes seules et des pièces dans lesquelles je joue», indique Jean-Philippe Lahoux, ravi. Sa pièce du moment, L’écolière de Tokyo, a été un succès. Elle est venue nous surprendre dans la programmation théâtrale de la rentrée; près de cinq ans après que l’auteur a amorcé sa rédaction, c’est la première fois qu’elle est mise en scène. En 2013, Lahoux avait reçu le Prix Gratien-Gélinas de la Fondation du CEAD pour son texte, qui avait été présenté lors d’une lecture publique, dans le cadre de Dramaturgies en Dialogue. «Depuis, le texte traînait dans mes tiroirs, raconte l’auteur. Puis Charles Dauphinais m’a approché pour me proposer de travailler dessus. Il me connaît bien et connaît bien mon univers, alors j’ai dit oui.» Et quelques années après, le regard est un peu différent: «Aujourd’hui je vois les défauts de l’écriture. Je respecte tout à fait ce que j’ai produit, mais je vois certaines lacunes. Je suis malgré tout très satisfait du travail de l’équipe! Ils ont respecté l’équilibre de la pièce… Les acteurs sont formidables et le décor est surprenant, très construit – ce qui est d’ailleurs une des marques de commerce de Loïc (Lacroix Hoy, le scénographe).» «J’aime l’insolite du voyage» L’écolière de Tokyo est un huis clos situé à l’autre bout de la planète. Construite au rythme de leçons de japonais, la pièce confronte Sam, un jeune Québécois consumériste en voyage financé par ses parents, à un de ces concitoyens sexagénaires qui ne trouve plus sa place dans la société occidentale. La conversation avance entre choc des cultures et choc des visions de la vie. «C’est la rencontre humaine qui est centrale dans cette pièce, mais
le choix du Japon n’est pas anodin», assure Lahoux. L’auteur y est allé en 2008, et y a constaté un vrai choc entre tradition et modernité. Le voyage, c’est son truc, à Jean-Philippe Lahoux, de la Syrie à l’Amérique centrale – au moment où on se parle, il revient d’ailleurs tout juste d’un séjour à vélo au Kirghizistan. «J’aime l’insolite du voyage, l’observation que cela permet. Mon regard s’affûte à l’étranger. Le voyage, c’est un sujet dont on ne parle pas si souvent; j’ai créé ma signature à partir de ça.» On pense notamment à sa pièce Comment je suis devenue touriste, produite en août 2012, ou Napoléon voyage, la même année. Et les baroudeurs de L’écolière de Tokyo, c’est un peu de luimême. «Je me retrouve dans les deux personnages principaux, dans l’activité incessante du jeune et dans la fragilité du vieux, reconnaît Lahoux. Mais je ne suis pas un très bon voyageur… Je suis stressé, souvent gêné.» Dans Irène sur Mars, qui se jouera au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en mars prochain, on suit Irène – librement inspirée de la mère de l’auteur –, une femme vieillissante qui décide de s’inscrire dans un programme pour quitter la Terre et coloniser la planète Mars… et qui est sélectionnée. Ce personnage d’Irène et celui du vieux dans L’écolière de Tokyo peuvent se ressembler par leur désir d’exil très fort. «Ce sont des gens qui recherchent leur place. L’idée des personnes âgées et la façon dont on les traite aujourd’hui m’intéressent beaucoup, confie Lahoux. Moi-même, je ne suis pas toujours le fil, et j’ai peur d’être dépassé dans 20 ans…» Le voyage, l’exil, l’âge, autant de thèmes chers à l’auteur et que l’on retrouve en filigrane dans ses différentes pièces. Mais s’il y a en effet des similitudes, elles ne sont pas volontaires, indique Jean-Philippe Lahoux. «Je reviens souvent à certaines choses. Mais j’ai aussi envie d’explorer d’autres thèmes par la suite...» y Irène sur Mars Du 28 février au 18 mars au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
DENIS BERNARD ET LESLIE BAKER
15 SCÈNE VOIR MTL
VO1 #O9
EN ANGLAIS S’IL VOUS PLAÎT ALORS QUE LA SCÈNE THÉÂTRALE MONTRÉALAISE BOURGEONNE D’UN THÉÂTRE À L’AUTRE, PLUSIEURS (ET J’EN SUIS) RESTENT PLUTÔT IGNORANTS DE CE QUI SE TRAME DANS LE MILIEU ANGLOPHONE. EN PLEIN CŒUR DU MOIS D’OCTOBRE, LESLIE BAKER MONTERA SUR LES PLANCHES DE LA PETITE LICORNE POUR PRÉSENTER SON SOLO FUCK YOU! YOU FUCKIN PERV! ALORS QUE LA PIÈCE YUKONSTYLE DE SARAH BERTHIAUME INVESTIRA LE THÉÂTRE LA CHAPELLE. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
Voilà deux propositions aux tons plutôt différents, mais qui, pourtant, ont en commun de prendre d’assaut des théâtres francophones avec des pièces uniquement en anglais. Peut-on réellement parler d’une prise de risque en 2016 ou simplement de gros bon sens? Talisman Theater fut fondé en 2005 par Lyne Paquette et Emma Tibaldo avec pour mission de rendre accessibles des textes québécois francophones au public anglophone de Montréal. Au rythme d’une pièce par an, leurs productions furent montées sur les planches du Centaur, du Centre Segal ainsi qu’au théâtre La Chapelle. Pour Lyne Paquette, qui occupe la direction artistique de la compagnie depuis plus de 10 ans, le choix des textes est la pierre angulaire du projet: «Les textes que je choisis ne sont pas des textes qui visent à plaire au milieu anglophone. Je veux leur montrer ce qui se fait en français; on est dans la même ville et, pourtant, ils n’ont pas accès à ces textes-là.» Bien plus que de conforter un public, on désire ici créer des rencontres, bousculer un ordre établi; quelque chose comme un réel besoin de témoigner de ce qui se fait dans notre cour ou, devrait-on dire, dans notre angle mort. Yukonstyle est la deuxième pièce de Sarah Berthiaume que Talisman Theater décide de monter; autant dire qu’il y a eu un véritable coup de foudre de la direction pour cette jeune dramaturge. Cette dernière réalise
l’importance d’une telle initiative pour la circulation des créations: «C’est toujours fascinant de voir cette transformation-là d’une langue à l’autre. C’est une chance de voir son texte passer à l’anglais, c’est une porte qui s’ouvre sur d’autres marchés et d’autres traductions pour sa pièce.» Celle dont la toute première pièce fut montée en 2010 se rappelle d’une mise en lecture de son texte par des comédiens anglophones où elle fut happée de se rendre compte qu’elle ne connaissait strictement personne. «C’est hallucinant de voir des gens qui vivent de ce métier dans la même ville que moi et de me rendre compte à quel point on vit en parallèle. Ça confirme la beauté de la mission de Talisman Theater de venir chercher des textes francophones pour créer ces ponts-là.» Pour une première fois en 10 ans, on a laissé la mise en scène dans les mains de quelqu’un qui œuvrait principalement dans le domaine francophone: Geneviève L. Blais. Elle avoue qu’à son entrée à l’École nationale de théâtre, elle croyait candidement avoir à faire un parcours bilingue, car l’école l’était. Elle s’est rapidement rendu compte qu’à part la cafétéria, rares étaient les endroits où les deux milieux se côtoyaient à l’intérieur du cadre scolaire. Le privilège que lui amène Yukonstyle est celui d’embrasser un milieu qu’elle connaît trop peu, que ce soit ses artisans ou ses méthodes. «Les formes de travail sont totalement différentes et c’est un beau dépaysagement. Alors que je suis habituée de travailler avec
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Vos prochaines sorties culturelles !
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DES FRAISES EN JANVIER d’Evelyne de la Chenelière
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GROENLAND
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FLIP FABRIQUE I TRANSIT
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7 JOURS EN MAI Mara Tremblay, Michel Rivard, Luc De Larochellière, Éric Goulet, Gilles Bélanger, Mountain Daisies
SARAH BERTHIAUME, GENEVIÈVE L. BLAIS ET LYNE PAQUETTE
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MONSIEUR IBRAHIM ET LES FLEURS DU CORAN d’Éric-Emmanuel Schmitt
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THOMAS HELLMAN RÊVES AMÉRICAINS
450 670-1616
150, rue De Gentilly Est, Longueuil I theatredelaville.qc.ca
ma compagnie sur des spectacles pendant neuf mois, ici on a cinq semaines pour travailler de 9h à 17h sur la pièce. C’est très particulier de travailler des journées complètes, c’est une autre énergie complètement.» Depuis quelques années, le théâtre La Licorne offre des représentations de ses pièces avec surtitres pour le public anglophone. Pour le directeur artistique, Denis Bernard, c’était tout à fait logique qu’une salle avec une forte filiation avec le théâtre anglo-saxon offre ce genre de proposition, même si ce n’est pas sans engranger des coûts. Il n’en reste pas moins que parfois, la bonne volonté ne suffit pas. «La première année qu’on a inauguré les soirées avec les surtitres, je pense qu’il y a deux anglais qui sont venus assister à une représentation. La deuxième année: trois. Troisième année? Quatre.»
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Pour celui qui a convoqué plusieurs artisans du milieu anglophone pour discuter de l’inexistence de ces ponts tant entre les publics qu’entre les créateurs, il s’agit d’une initiative essentielle. «Moi, ce n’est pas tant sur le nombre ou sur la quantité de billets vendus. Je crois que le vivre-ensemble, ça s’opère avec des gestes comme ceux-là. Faut que ça sorte de nos têtes et que ça se passe réellement. Ça coûte des sous, c’est beaucoup de travail, c’est compliqué, mais faut le faire. Il ne faut pas en faire un événement extraordinaire, je veux que ce soit un événement tout ce qu’il y a de plus naturel.» C’est justement en assistant au Wildside Festival au Centaur que Denis Bernard a découvert Leslie Baker. Elle présentait Fuck you! You fucking perv!, un solo éclaté et dérangeant abordant la maladie mentale. Pour lui, c’était important qu’une interprète anglophone puisse présenter ce spectacle; au-delà de la langue, le spectacle devait trouver son public. Ellemême se questionne sur ce mur qui semble, encore aujourd’hui, des plus étanches. «Au-delà d’une question de langage ou de politique, on devrait toujours se questionner sur la proposition artistique», dit-elle.
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Voir ces initiatives fourmiller à Montréal peut être enivrant, mais peut aussi engendrer un certain désœuvrement lorsqu’on se rend compte qu’on en est encore là en 2016. Et si certains semblent trouver le chemin long avant de créer de vrais vases communicants entre ces deux corps de métiers œuvrant en silo fermé, il faut voir l’air confiant de Denis Bernard lorsqu’il parle de son public montréalais. Il faut voir le plaisir avec lequel Lyne Paquette parle des pièces de Sarah Berthiaume ou encore le trac de Leslie Baker qui affrontera le public de La Licorne dans quelques jours. Il suffit d’un peu de tout ça pour se dire qu’on est peut-être loin de la coupe aux lèvres, mais tant que des initiatives comme celleslà poursuivent leurs enracinements, les portes restent grandes ouvertes pour ces rencontres qui devraient être d’un naturel. y
à l’affiche !
tnm.qc.ca
65 ANS SAISON16/17 Une présentation
avec emmanuel schwartz, benoît brière, anne-marie cadieux + carl béchard, violette chauveau, nicolas dionne-simard, annie éthier, maxime genois, rachel graton, denis lavalou, bruno marcil, monique miller, jérôme minière collaboration artistique et conception vidéo stéphanie jasmin assistance à la mise en scène martin émond décor max-otto fauteux costumes michèle hamel éclairages martin labrecque musique originale et environnement sonore jérôme minière accessoires clélia brissaud maquillages et coiffures angelo barsetti perruques rachel tremblay production théâtre du nouveau monde en collaboration avec ubu, compagnie de création
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CE QU’ON A BESOIN SARATOGA, DUO FORMÉ PAR LE COUPLE CHANTAL ARCHAMBAULT ET MICHEL-OLIVIER GASSE, SOUHAITE GARDER SA FORMULE INTIMISTE LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE. mots | Valérie thérien
photo | lepetitrusse
«Nous autres, maudit que ça va ben, mais dans le monde, pas tant que ça. On va-tu vraiment faire un album où on dit qu’on va ben?», lance MichelOlivier Gasse. «On est déjà cutes, là, on va pas se mettre à faire chier avec notre bonheur!» Les voix de Michel-Olivier et de sa compagne Chantal Archambault chantent donc surtout à propos des autres sur le premier album complet du duo qu’ils forment depuis près de deux ans, Saratoga. Sur Fleur, ils relatent doucement des sentiments ou des situations qui font écho dans chacun de nous à travers l’univers folk intimiste qu’on leur connaît. «Y a tellement de richesse dans ce que les gens vivent», dit Chantal, qui sort de son confort avec cet album, en quelque sorte, puisqu’elle chantait à propos de ses sentiments sur ses albums solo précédents. «Ça nous permet de nous plonger dans un univers qui ne nous appartient pas dans le moment, mais qu’on a sans doute vécu. Et comme on parle de gens qui sont proches, ça touche un peu comme si on le vivait par procuration.» Sur l’album, ils nous racontent l’histoire d’un personnage qui a du mal à remonter la pente, d’un autre qui rapetasse sa vie constamment, de celle d’une personne aimée partie trop tôt, une ode à une vie plus reposante, à ralentir le rythme. Malgré leur volonté de garder ça relax, Chantal et Michel-Olivier ont quand même vécu un petit stress alors qu’arrivait la deadline de l’album, réalisé par leur ami Guillaume Bourque. «Saratoga, c’est un projet où les choses se font en temps et lieu; on fait ça pour être bien, on n’est pas pressés – pis on s’est ramassés quand même à vivre ça. Je me disais: “Voyons, y a pas moyen de sortir du moule jamais!”», se remémore Chantal. Mais tout est bien qui finit bien.
Nouvelle maison Fleur surprendra sans doute les fans de Saratoga puisqu’on y entend des clarinettes, des hautbois, et autres instruments qui se fondent dans le décor. «Les gens sur la route nous ont aimés simples, à deux, et nous ont dit: “Ne changez jamais ça”. On avait donc un souci de ne pas trop avoir d’arrangements. Mais on l’a fait parce que l’emballage rend service au disque.» Douillet, l’album Fleur est aussi teinté de nature (ils ouvrent le disque avec l’image d’un lac gelé, par exemple) et de contemplation, puisque le décor de leur quotidien au moment de composer s’y prêtait. «On a écrit l’album à l’hiver dans notre nouvelle maison, dans un village où on connaît personne», précise Michel-Olivier. «L’hiver y a pas un chat, tout le monde est terré dans un abri-tempo. On regardait par la fenêtre et c’est ce qu’on voyait: la rivière, la glace, les oiseaux, de la neige.» En juin dernier, le duo chantait dans l’église de ce village, dans les Laurentides. Le contexte est à l’image de la centaine (et bien plus) de concerts qu’ils ont donnés à la suite de la parution d’un premier EP en 2015. Concerts tout simplement à deux – à moins d’exception –, avec une guitare sèche, une contrebasse, un banjo, et dans de petites salles, là où l’acoustique du huis clos sied bien à l’intimité de la musique. Les débuts de Saratoga étaient très humbles, sans qu’ils aient de réelles attentes à part passer de belles soirées, diffuser leur musique et faire des rencontres. «Au début, on s’était dit: “Au pire, on part sur la route et on joue pour le chapeau”. En Louisiane, on a été inspirés par tous ces gens qui font juste jouer. C’est comme ça qu’ils deviennent meilleurs.» Effectivement, le duo nous confirme que les nombreux concerts de Saratoga ont solidifié leur son, leurs voix et leur aisance sur scène.
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La bulle Saratoga a joué dans des maisons, lors de shows de salon. Une expérience des plus privées et motivantes. Avec une formule qui rend la vie facile aux soundmen de ce monde et qui rend l’expérience précieuse pour le public, chaque concert est un bonheur pour tout le monde. «Le nombre de fois dans tous les shows qu’on a faits où on était avec du monde qui pourrait venir souper à la maison n’importe quand…» relate MichelOlivier. «On rencontre du monde tripant et on se retrouve dans les gens qui viennent nous voir. C’est ce qui fait en sorte que tu finis par avoir une “addiction” à la route parce que t’es un peu chez vous partout.» C’est d’une importance capitale de conserver cette bulle. Pour les deux comparses, pas question de faire de grosses scènes. Mais considérant que leurs affaires vont bon train, de telles offres ne vont sans doute pas tarder. Michel-Olivier: «Ça me chienne un peu ce qui s’en vient parce que ça fait un an qu’on se fait dire: “Vous savez que vous avez quelque chose de spécial, hein?” OK… alors qu’est-ce qui s’en vient? Les Sœurs Boulay disaient que la tournée de leur premier album les avait usées ben raide et elles ont dû prendre un méga recul. On n’a pas 22 ans non plus…» Chantal: «On a la chance d’avoir des portraits de nos amis qui font de la musique – Michel-Olivier a fait beaucoup de tournées avec Vincent Vallières par exemple – et on peut se situer là-dedans. On veut faire des choix éclairés, être à l’écoute de ce qu’on veut et de ce qu’on a besoin. Les gens nous souhaitent le succès et disent: “Ah, pourquoi vous êtes pas connus?” et on se dit: “C’est quoi pour eux le succès et c’est quoi d’être connu?” On se sent vraiment bien où on est, on est parfaitement heureux, on est capables de vivre de notre musique, on est occupés mais pas trop dans l’jus. On se considère vraiment chanceux d’être à 35 et 38 ans plus que d’être à 25 ans et faire: “AH YES, ça pogne!!! Je dis oui à tout!” et se laisser embarquer.» Michel-Olivier: «Un monsieur nous a dit un jour: “Je vous souhaite la pérennité.” Il a tout compris! C’est aussi ce que je me souhaite. Je veux pas que ça pogne en malade, je veux juste faire ça tout le temps et être bien là-dedans encore dans 20 ans.» Et la vie de couple dans tout ça, ça tient le coup? Chantal: «On s’est demandé si ça nuirait à notre couple, mais on a passé le test.» Michel-Olivier: «L’idée c’est de se doser, d’être capable d’être quand même tout seul même si on est tout le temps ensemble. Dans notre village, y a rien, rien! Pas vraiment de place pour s’évader. Elle s’est pogné un kayak solo et je me suis pogné un fat bike! On a nos activités solo pour s’évader un peu.» Chantal: «On est un peu fusionnel. On s’entend tellement ben. On était amis avant d’être en couple donc on se plaisait déjà à être ensemble.» Michel-Olivier: «Ce qui est cool, c’est qu’il y a pas de rancune. Quand y a un fuck, ça dure pas longtemps. Le char reste un lieu idéal pour se pogner. Tu regardes en avant, t’es pas face à face. On s’arrête, on règle, on prend notre gaz et on est correct. Je peux pas imaginer faire ce showlà et faire semblant d’être bien.» Longue vie à Saratoga! y
Fleur (DuPrince) Sortie le 14 octobre
23 MUSIQUE VOIR MTL
VO1 #O9
S’ENFERMER ET FAIRE DES DISQUES SA MUSIQUE FOLK ROCK TEINTÉE DE BLUES RÉSONNE DE PLUS EN PLUS ICI ET AILLEURS. RENCONTRE AVEC JESSE MAC CORMACK, UN GARS QUI NE VEUT PAS SE BRÛLER. mots | Valérie thérien
photos | antoine bordeleau
«Je veux juste faire des tounes!», lance Jesse Mac Cormack. On lui souhaite fort parce que le jeune Montréalais est l’un des chanteurs/musiciens les plus intéressants du moment. Et il semble être pas mal inspiré depuis les deux dernières années. Signé chez Secret City Records (Patrick Watson, The Barr Brothers), il a lancé trois EP entre novembre 2014 et septembre 2016. Il pense maintenant à un long jeu, «mais ce ne sera pas un long disque, dit-il. On a le “swap syndrome” aujourd’hui: quand on en a assez, on passe à autre chose».
Alors que le premier EP Music for the Soul était davantage piano-guitare-voix, le second, Crush, dévoilait Jesse Mac Cormack sous un nouveau jour blues rock. Et le troisième EP tout frais, After the Glow, poursuit dans cette nouvelle énergie. «J’aime vraiment le blues, là! Y a pas grand-chose de plus pur que ça.» Il confiera plus tard: «Ce troisième disque, je me rappelle que je voulais qu’il soit meilleur que l’autre d’avant. J’aime quand même ça me dépasser et je suis exigeant envers moi-même.» La scène est un grand défi en ce moment pour Jesse Mac Cormack. Spectra lui a offert de belles expériences en lui proposant la première partie de Cat Power au Festival international de jazz de Montréal ainsi qu’une tête d’affiche à l’Astral pendant Montréal en lumière. Il a très bien fait. C’était un show
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1O / 2O16
28 SE P TEM B RE A U 2 2 OC T O B R E 2 0 1 6
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«ON PASSE DU TEMPS À SE PERDRE DANS NOS PENSÉES. MAIS ON VEUT ÊTRE MUSICIEN! QU’EST-CE QU’ON ATTEND POUR S’ASSEOIR ET FAIRE QUELQUE CHOSE?» assez intense où les basses grondaient. Mais il désire travailler sur son spectacle pour que le public s’amuse un peu plus. C’est une question de dosage, dit-il, entre des moments énergiques et d’autres plus lourds. «Ce qui est cool en show, c’est quand les gens sont dedans en avant, qu’ils se laissent aller et que l’énergie passe. Après tous les shows et les tournées que j’ai faits, c’est comme: bon, dans le fond ça marche pas ce que je fais. Faudrait faire autre chose. Alors il faut se poser la question: qu’est-ce que tu veux faire? Tu vas voir des shows et tu vois ce que t’aimes et ce qui fonctionne avec les spectateurs et il faut trouver un compromis entre ce qui est agréable pour toi et pour eux, sans dire que ce sera de la pop bonbon.»
DE TIRSO DE MOLINA MISE EN SCÈNE ALEXANDRE FECTEAU Avec Sophie Cadieux, Kim Despatis, Sébastien Dodge, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Roger La Rue, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Éric Paulhus et Simon Rousseau COPRODUCTION LE THÉÂTRE DE LA BANQUETTE ARRIÈRE
A BONN EZ-V OUS
BILLE TTE RI E 5 1 4 25 3 - 8 9 7 4
En Europe, là où le magazine Les Inrocks l’a déclaré «nouveau héros de la folk moderne», il y a fait de petites tournées. Aux États-Unis aussi. Mais l’attention médiatique, bof. «C’est le fun, mais c’est pas important. J’ai des alertes pour les articles qui sortent sur moi sur Internet et je les regarde jamais. J’ai tellement pas de disponibilité d’esprit pour ça. Dans un sens, je suis un peu sauvage. C’est le fun faire des spectacles, qu’il y ait du monde et que ça fonctionne, mais j’y vais vraiment pas en téteux.» Voir: «Si tu pouvais seulement faire de la musique...» Jesse: «C’est ça! C’est ça qui est important! Je parlais de ça avec un ami. On passe du temps à se perdre dans nos pensées. Mais on veut être musicien! Qu’est-ce qu’on attend pour s’asseoir et faire quelque chose? C’est pas important la forme que ça prend. L’important, c’est juste de faire des choses, sans se soucier de l’impact ou pas que ça aura!»
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Son discours de libertĂŠ crĂŠative s’applique aussi Ă la vie de tournĂŠe. Il prĂŠfère moins faire de concerts pour garder toute sa tĂŞte. ÂŤPlus t’en fais, plus tu rĂŠalises c’est quoi la rĂŠalitĂŠ de faire des shows. Tu te dis: “Ah, j’aimerais ça faire le tour du monde!â€? Et tu le fais avec ta guitare et c’est comme: “Tabarnac, chu fatiguĂŠ!â€? C’est quand mĂŞme quelque chose voyager. J’ai fait quelques tournĂŠes cette annĂŠe et quand je reviens Ă MontrĂŠal, je suis tellement soulagĂŠ. On a fait cinq semaines aux États-Unis et – ah, mon Dieu! – je voulais m’arracher les cheveux de la tĂŞte.Âť Voir: ÂŤMais le rythme des tournĂŠes va sans doute s’accentuer pour toi.Âť Jesse: ÂŤJustement, c’est important de se positionner lĂ dedans. C’est pas parce qu’il y a de l’offre qu’il faut que tu y ailles. Je prĂŠfère de loin moins tourner, avoir plus de temps, moins de revenus. C’est sĂťr qu’on aime tous ça avoir de la reconnaissance pour ce qu’on fait, mais Ă un certain niveau, c’est mĂŞme pas important. En ce moment, j’ai juste le goĂťt de m’enfermer, faire un disque, le sortir et en faire un autre après.Âť y After the Glow (Secret City Records) Disponible maintenant
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À ÉCOUTER ★★★★★ classique ★★★★ excellent ★★★ bon ★★ moyen ★ nul
THE PIXIES head carrier
KNLO long jeu (7 e Ciel) ★★★★ L’attente en aura valu la peine. Plus de 15 ans après ses débuts discrets sur la scène rap de Québec, KNLO propose un remarquable premier album officiel, dont il assure lui-même la réalisation et le mixage. Mélomane indéfectible, le rappeur et producteur d’Alaclair Ensemble embrasse les musiques fondatrices du hip-hop (le jazz, le soul, le funk) et flirte avec les éléments qui cisèlent actuellement le style (les basses lourdes, les ambiances psychédéliques, les flows chantés). Prenant du recul sur plusieurs épisodes de sa vie, le Montréalais d’adoption livre des textes impressionnistes qui, au-delà de leur structure désordonnée, portent en eux de judicieuses réflexions sur la pauvreté (Soleil), la drogue (Coquillages), la criminalité (Justeçayinque) et, surtout, «l’inflation sur le prix de la laitue verte» (@ L’église). (O. Boisvert-Magnen)
(Pixiesmusic)
LISA LEBLANC Why you Wanna leaVe, runaWay queen?
★★★ 1/2
(Bonsound)
Ils ont fait paraître une poignée de disques majeurs durant les années 1980 et début 1990, ont influencé un bon nombre de groupes devenus euxmêmes fort influents, se sont séparés en 1993, reformés en 2004, ont changé deux fois de bassiste depuis 2013 pour finalement accoucher d’un nouvel album en 2014, Indie Cindy, 23 ans après le précédent. Comme pour tout groupe sur le retour, les fans ont vite constaté que les belles années étaient loin derrière. Jusqu’à ce Head Carrier qui pourrait bien faire changer d’avis ceux qui ont enterré les Pixies un peu trop vite. Avec ce sixième effort, le premier conçu avec la nouvelle bassiste Paz Lenchantin, Frank Black et sa bande ont semble-t-il renoué avec l’inspiration des débuts. Ce ne sera jamais Surfer Rosa ou Bossanova, mais on retrouve là toute l’essence des Pixies, les sons, les arrangements, les mélodies. OK, Frank Black ne crie plus autant comme un cochon qu’on égorge, c’est peut-être un peu moins intense parfois, mais c’est quand même pas mal crédible dans l’ensemble. (P. Baillargeon)
LUISA MAITA Fio da memoria (Cumbancha) ★★★ C’est un joli coup de la petite étiquette Cumbancha du Vermont d’avoir signé, il y a six ans, cette belle Brésilienne, inconnue au bataillon mais basée à Sao Paolo comme CéU et pouvant plaire au même public. Sauf que cette fois, au lieu de sortir les remix bien après le disque officiel – comme ce fut le cas pour Lero Lero –, la fille se lâche lousse dans la vague low-fi electronica. D’une langueur presque excessive, l’album, sensuel à souhait, se vautre dans un shoegaze vaporeux et parfois très minimaliste. Dixit la principale intéressée: «Ce disque parle de ce qu’est le Brésil aujourd’hui, esthétiquement, dans l’âge de l’électronique.» Dont acte… (R. Boncy)
★★★1/2 De retour avec un nouvel album studio de 12 morceaux solidement réalisés par Joseph Donovan, Lisa LeBlanc plonge tête baissée et avec aplomb dans des compos anglophones, alors qu’elle se fait plus rageuse, tout en s’adonnant aujourd’hui au storytelling moins nombriliste. Si elle offre quelques passages d’un doux folk avec des titres banjo-voix comme I Ain’t Perfect Babe ou 5748 KM, elle balance aussi des mélodies plus rock sur sa guitare électrique avec Could You Wait ’Til I’ve Had My Coffee, City Slickers and Country Boys ou au banjo avec sa reprise de Ace of Spades. Elle change de registre lors d’un western hawaïen sur Dump the Guy ASAP et lors d’une percée progressive avec Why Does It Feel So Lonely (When You Are Around?), mais la production finale reste somme toute un brin formatée, atténuant la spontanéité qu’on lui connaissait. (J. Ledoux)
BRUCE LEVINGSTON dreaming aWake (Sono Luminus/Naxos) ★★★★ Voici une belle sélection d’œuvres pour piano de Philip Glass, interprétées avec tout le romantisme qu’elles commandent. Il y a déjà plusieurs enregistrements des Études de Glass, mais ceux de Bruce Levingston valent le détour pour leur interprétation très juste, d’abord, et pour les pièces qui les accompagnent: The Illusionist Suite, transcrite par le pianiste d’après la partition accompagnant le film; Metamorphosis II, où le style de Glass trouve sa justification dans l’œuvre de Kafka; Dreaming Awake, dont le titre ne saurait être plus approprié; et surtout Wichita Vortex Sutra, où Glass reprend sa collaboration avec Allen Ginsberg par la mise en musique de cette ode contre la guerre datant de 1966, lue ici par un Ethan Hawke traversé par la voix du poète. (R. Beaucage)
27 DISQUES VOIR MTL
SONATA ARCTICA the ninth hour
JAZZAMBOKA jazzamboka
(Nuclear Blast)
(Le Lab / 270 sessions)
★★★1/2
★★★★
C’est après avoir choisi le titre de son neuvième album que le groupe finlandais a réalisé que l’expression The Ninth Hour (dans la Bible, la neuvième heure correspond au moment où Jésus est mort sur la croix) convenait tant au contenu des textes qu’à l’illustration de la pochette signée ToxicAngel (Nightwish, Tarot). On comprend ce lien quand on prête attention aux textes du chanteur Tony Kakko, qui portent sur l’état du monde et de la planète. Leur gravité est atténuée par la belle voix de Kakko et la musique, un mélange de power métal symphonique et de rock progressif aux qualités cinématographiques. Sonata Arctica ne se réinvente pas, mais il a toujours le don de composer des chansons mémorables. (C. Fortier)
Il ne faudrait surtout pas qu’à cause de leur jeunesse, les musiciens de ce nouveau quintette (moyenne d’âge: 24 ans et demi) soient pris pour de quelconques imitateurs, voire des novices de service. Un: ils ont beau clamer ne pas faire de jazz, ils sont tous habités par les démons de l’improvisation et mus par la fièvre des grooves africains. Deux: la grande originalité de ce produit polyrythmique à outrance vient des deux percussionnistes d’origine congolaise. Elli Miller-Maboungou joue de trois tambours ngoma (c’est assez rare dans le jazz, merci!) et l’impressionnant batteur Noel Mpiaza, qui enchaîne les breaks et les changements de rythmes comme un vrai casse-cou, délire au micro un mélange de spoken word, de chant soufi et de fête au village. Écoutez Montreal by Night et dites longue vie à Jazzamboka! (R. Boncy)
PREOCCUPATIONS preoccupations (Jag jaguwar) ★★★1/2 Viet Cong, ça ne passait pas. Les apôtres de la bonne conscience indie se sont indignés. Pop polémique et rectitude rock. À force de se faire pointer du doigt et annuler les concerts, le groupe s’est résigné et a opté pour Preoccupations. Et avec le changement de nom est venu un certain changement de son. Sur ce premier album sous ce nouveau vocable, la formation de Calgary semble avoir un peu perdu de son mordant. Le son est moins agressif, les guitares moins incisives, les rythmiques moins angulaires. Des morceaux comme le sublime Continental Shelf, vous n’en trouverez pas sur Preoccupations. Mais vous trouverez autre chose. Pour ceux qui souhaitaient une démarche un brin plus pop, l’offre est loin d’être négligeable; Preoccupations est plus nuancé, plus poli, plus surprenant parfois (la courte Forbidden) et sans doute plus travaillé que le précédent Viet Cong. Une belle suite logique. (P. Baillargeon)
LUC DE LAROCHELLIÈRE autre monde (Disques Victoire) ★★★1/2 Après un album en duo avec sa conjointe Andrea Lindsay (2012), puis un autre en groupe avec le laboratoire créatif Sept jours en mai (2016), Luc De Larochellière revient avec un 11e album en 30 ans de carrière. Il s’est associé cette fois-ci à Philippe Brault (Salomé Leclerc, Philémon Cimon) afin de livrer un album à la fois onirique et énergique (Naître personne en début de parcours est assez groovy, par exemple). C’est un disque apaisant et surprenant, aux arrangements enchanteurs, à son meilleur sur la pièce titre, où piano et instruments à cordes se marient avec grande classe. Des 12 titres, dont l’énergique premier simple d’État en état sur lequel il compare la vie à un grand voyage, l’auteur-compositeurinterprète nous emporte surtout dans les nuages et dans ses pensées. (V. Thérien)
VO1 #O9
1O / 2O16
WE ARE WOLVES Wrong (Fantôme Records) ★★★ Le trio électrorock We Are Wolves revient pour ce cinquième opus avec quelque chose d’un peu différent, mais qui ne dépaysera absolument pas les amateurs. On y retrouve la fougue initiale mieux canalisée, mieux dirigée. Le travail de sonorités est plus recherché que sur l’album précédent, et les timbres agressants sont utilisés avec brio pour ajouter de l’impact à des compositions bien construites. On y sent toutefois un certain manque d’originalité. Certes, l’album est bon, mais le groupe avait amené quelque chose de plus novateur sur la table avec La Mort Pop Club (2013). Alors que ce sera un peu décevant pour certains, ceux qui désiraient more of the same seront servis. We Are Wolves ne se réinvente pas ici, mais poursuit le raffinement de son identité. (A. Bordeleau)
28 CHRONIQUE VOIR MTL
VO1 #O9
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MONIQUE GIROUX sur mesure
LES TROPHÉES ÇA FAIT PLAISIR, MAIS … La statuette et le dérouleur de tapis rouge se font aller par les temps qui courent. On ne fournit plus en petites bouchées et en tenues de soirée. On s’étale le catalogue des talentueux designers québécois. À la question qui vous habille, j’ai déjà répondu: «Je vous ferais vendre plus de copies si je vous disais qui me déshabille.» L’année suivante, je faisais le tapis rouge au bras de ma blonde. Bon, là n’est pas le propos, bien que le sujet du tapis rouge mériterait une thèse à lui seul. Tous les ans, quand arrive septembre, on n’a pas aussitôt fini d’égrainer le chapelet des événements culturels qu’on se tartine le gala, qu’on se congratule la production de l’année passée et qu’on discourt de remerciements, des sanglots dans la voix. Je suis bon public, espérant toujours passer un pas pire dimanche. Je ne doute pas une seconde de la véritable émotion de Guy A. Lepage alors qu’il dédie son trophée à son père spirituel Jean Bissonnette. Je ne doute malheureusement pas non plus de l’insouciance de certains jeunes artistes qui bientôt iront chercher leur Félix et qui peineront à faire un discours cohérent. Louis-José Houde n’a d’ailleurs pas hésité à dire, sur la scène des Gémeaux de cette année et avec l’humour qu’on lui connaît, que les discours y étaient de haut niveau, ce qui n’était pas toujours le cas dans son gala. «On y travaille», a-t-il ajouté. Je me souviens d’ailleurs de sa tête, à Louis-Josée Houde, quand, en 2014, Klô Pelgag a reçu le Félix Révélation de l’année dans son gala: «Salut, je me sens vraiment drôle, je suis super contente, je fais un sourire pour démontrer mon bonheur, je remercie les gens parce que c’est ça que les gens font, je remercie mes parents d’avoir fait l’amour, j’espère que c’était une bonne fois… je remercie tous les musiciens qui ont travaillé avec moi, merci d’accepter de vous faire pitcher de la sauce St-Hubert
sur la tête pendant les spectacles, j’aime la cuisine. Je remercie Messmer de m’inspirer dans tout… Je vous souhaite le bonheur.» Tous les lauréats, et peu importe le gala, ne doivent pas dans leurs remerciements revendiquer, lever le poing, appeler à la révolution, mais tous devraient consacrer au moins autant de temps à articuler deux phrases qu’à choisir la couleur de leur vernis à ongles ou leur cravate. Celui à qui l’on doit le discours le plus percutant de l’histoire de l’ADISQ, le plus efficace et donc le plus mémorable aussi, c’est Plamondon. 1983, Luc et Robert Charlebois reçoivent le Félix Chanson de l’année pour J’t’aime comme un fou. Plamondon sort de ses gonds: «Les trophées, ça fait plaisir, mais ce qui nous ferait encore plus plaisir, ce serait de gagner des droits d’auteur. Je voudrais profiter de l’occasion, au nom des auteurs-compositeurs du Québec, pour dire à tous les producteurs de spectacles qui sont réunis ce soir ici qu’on a trouvé votre attitude absolument révoltante lors des audiences devant le tribunal d’appel du droit d’auteur en février dernier. Quand le président de l’ADISQ qui est assis ici à côté du ministre des Affaires culturelles ose écrire une lettre contre les créateurs disant qu’on va jeter l’industrie du spectacle par terre si on demande des droits d’auteur, je trouve ça scandaleux, scandaleux. On va le gagner notre combat, on va mettre cinq ans, on va mettre dix ans, mais on va le gagner. On est la matière première de votre industrie, votre industrie n’existerait pas s’il n’y avait pas des chansons, s’il n’y avait pas des auteurs-compositeurs derrière.» Imbattable discours. Le 19 septembre dernier avait lieu la 11e remise des prix de la Fondation SPACQ, la Société professionnelle
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des auteurs et des compositeurs du Québec fondée justement par Plamondon et Diane Juster en 1981 pour mener ce combat. À l’abri des caméras et loin des tapis rouges, une centaine de personnes – auteurs, compositeurs, créateurs de chansons toutes générations confondues, artisans du métier et représentants des entreprises commanditaires – allaient se faire le plus beau de tous les galas. On allait remettre 11 prix assortis d’un chèque et d’une œuvre du peintre Marc Séguin.
Charlebois: «J’ai rencontré Claude Robinson. Il s’est battu pendant 10 ans sans pouvoir dessiner un trait. Je ne veux pas me battre pendant 10 ans pour exister et ne pas pouvoir composer une note ou une ligne de chanson. Victor Hugo disait: “Une bonne idée sans appui financier ne fait qu’élargir les tablettes des œuvres inutiles.”»
Louise Forestier, animatrice de la soirée, a dit en présentation de Diane Dufresne: «Elle a mangé, digéré, craché les chansons, elle les a chantées, mais elle les a surtout partagées.»
En rentrant chez moi, encore émue de ce que nous avions vécu, vu et entendu, je me suis demandé ce qui pouvait bien planer ce soir-là, à ce gala-là, et je me suis dit contre mon gré que c’était peut-être le parfum de la fin d’un monde.
Diane Dufresne salue Lucille Dumont récemment décédée à l’âge de 97 ans, sans que jamais l’ADISQ lui ait rendu hommage: «Lucille Dumont, pour ma mère, c’était la classe, je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais je voulais être comme elle. À 14 ans, j’ai gagné un concours de chant. Le prix, c’était un duo avec Lucille Dumont. Ce soir, je remporte un prix qui porte son nom. Merci pour tout, Madame.» Pagliaro: «Les concours, c’est la loterie, tu prends un ticket, tu gagnes, tu fais un cover, pis tu pars en tournée. Les concours, c’est bien, y en a toujours eu, y en aura toujours, mais les concours, c’est pas la culture. Laissez les artistes travailler.»
Claude Dubois: «Merci à chacun de vous qui encouragez la chanson, elle est l’âme d’une nation.»
Si vous voulez, jeunes artistes qui allez monter sur scène chercher votre Félix cette année, ne pas faire œuvre inutile et participer à enrichir l’âme d’une nation, travailler à sa culture, partager vos chansons, faire tout ça avec classe et qu’un jour peut-être un prix porte votre nom, levez-vous tôt demain matin et attelez-vous à la tâche en pensant avec respect à ceux qui ont battu la terre pour en faire des chemins. y CHANSONS À ÉCOUTER MISS PEPSI, robert charlebois et mouFFe MERCI LUCILLE, louise Forestier, extrait de DEMAIN MATIN, MONTRÉAL M’ATTEND
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30 DOSSIER VOIR MTL
VO1 #O9
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VIEDEDJ
SOUVENT ASSOCIÉE AU PARTY, AU CHAMPAGNE ET AUX AUTRES STÉRÉOTYPES DE LA VIE DE DAVID GUETTA, LA ROUTINE DES DJ A DE QUOI NOUS FASCINER. CUMULANT PLUS DE 10 ANS DE MÉTIER CHACUN, LES MONTRÉALAIS PAOLO ROCCO, POIRIER, MATHIEU BEAUSÉJOUR, MISSTRESS BARBARA, DJ MANIFEST ET TIGA SAVENT TOUTEFOIS QUE LA RÉALITÉ EST FORT DIFFÉRENTE. INCURSION DANS LE QUOTIDIEN DE CES DJ À TEMPS PLEIN. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN ET VALÉRIE THÉRIEN
C’est un jeudi matin inhabituel pour Mathieu Beauséjour. Lève-tard, il a dû faire une exception afin de nous rencontrer en milieu de matinée, tout près de chez lui, dans un café du Village. «Je mixe les mercredis soirs à la Rockette depuis quatre ans. J’me lève plus tôt qu’avant le jeudi, mais disons que ça reste pas mal tout le temps entre 10h et 13h», dit-il, après s’être hâtivement commandé un hot-dog. Moins surchargé qu’avant, le quotidien de Beauséjour se résume actuellement aux jeux vidéo, au cinéma de répertoire et aux découvertes foodies avec sa blonde. «À mes débuts, par contre, je passais mes temps libres à écouter de la musique», nuancet-il. «Quand j’animais à CISM, je m’imposais l’écoute de 60 albums par semaine! Avec toutes ces recherches-là, j’ai fini par avoir un gros bagage rock, punk, post-punk, krautrock, hip-hop… J’écoute encore quelques nouveaux groupes, mais pas tant que ça.»
PHOTO | SATY PRATHA
Reconnu pour son expertise rock rétro implacable, ce qui lui assure des semaines bien chargées depuis une décennie, le DJ peut maintenant se la couler un peu plus douce. Évidemment, la réalité d’une grande majorité de DJ n’a rien à voir avec celle-ci. Figure incontournable de la scène électronique locale, Poirier doit constamment rester à l’affût des nouveautés, qu’elles soient dancehall, hip-hop ou électro. «En une semaine, je dois passer 15 heures à écouter de la musique. La plupart du temps, je finis par inclure environ une chanson de toute cette écoute-là à mes gigs», explique-t-il. Poirier consacre également beaucoup de ses temps libres à l’administration de ses affaires: «Quand je suis à Montréal, je fais beaucoup de job de bureau, notamment de la promo pour mes albums et mes soirées mensuelles. C’est essentiel si je veux que ma musique soit diffusée.»
POIRIER
Si on le connaît davantage pour ses albums et ses remix à saveur soca, reggae ou dancehall, Poirier plonge aussi dans plein d’autres styles musicaux. Il a lancé huit albums de musique originale et a une double vie sous le nom de Boundary, projet plus minimaliste né autour de 2013 et sous lequel il a sorti deux disques dans les dernières années.
On peut le considérer comme un habitué des chaudes soirées mensuelles montréalaises puisqu’il était de Bounce Le Gros (2005-2007), puis Karnival (2009-2012), puis Sud-West – devenu Nord-East à la TOHU cet été. Il y a aussi Qualité Deluxe, qu’il présente tous les mois à Artgang (et à l’occasion à Toronto) avec Kyou et Mr. Touré! «C’est dédié à l’afropop, au soca et au dancehall. Y a beaucoup d’habitués qui reviennent aux soirées. Ça va très bien en ce moment, mais ç’a été une lente progression et là on a une belle vibe. À Montréal, en ce moment, on est dans une belle période où y a plusieurs soirées comme la nôtre qui vont bien et où l’accent est mis sur la musique et pas sur les noms étrangers. C’est pas les invités qui font l’attrait, c’est le lien de confiance établi entre le public et les DJ résidents.» Poirier présentera son spectacle Migration Sound System avec chanteurs et danseurs sur scène, dans le cadre de M pour Montréal en novembre, et souhaite l’emmener en tournée au Québec et en Europe l’été prochain. (V. T.)
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TIGA, PHOTO | FEMME DE $ARKOZY
Actif depuis 1990, le DJ électro Tiga occupe son quotidien montréalais d’une façon similaire à celle de Poirier. «Je m’occupe principalement de ma business et de mon label», dit-il, à propos de Turbo Recordings, fondé en 1998. «Mes journées sont toutes vraiment occupées. Je passe beaucoup de temps à trouver de la musique et à la classifier dans différents dossiers sur mon ordinateur. Parfois, je me sens comme un bibliothécaire.» Misstress Barbara vit une situation semblable avec la musique. Active depuis 1996 dans le nightlife montréalais et à l’international, la mélomane a vu son quotidien changer radicalement dans les dernières années: «Depuis que toute la musique est numérique, ce n’est plus 400 sorties par semaine que je dois surveiller, mais bien 40 000! Je dois recevoir environ 100 MP3 promos par jour dans mes courriels… J’essaie d’en écouter le plus possible pour me faire une idée.» L’Italo-Montréalais Paolo Rocco mène également une vie rangée lorsqu’il est loin des podiums. Ses chansons originales et ses remix étant pressés sur vinyle, le fondateur du collectif électro RAWMoments passe beaucoup de temps chez lui à coordonner tout ça, en plus de composer et de gérer sa boutique en ligne. Autodidacte lui aussi, DJ Manifest divise actuellement son temps entre la production de beats et le défrichage
de nouveaux contrats. Fort de son expérience derrière les platines avec Koriass, ce qui lui a assuré un gagnepain fiable pendant plus de cinq ans, il veut maintenant diversifier son offre. «J’écoute beaucoup de funk, de rock et de reggae. Je tends peu à peu à m’éloigner du rap pour intégrer d’autres milieux», indique celui qui a récemment accompagné la chanteuse pop Liana lors d’une soirée de lancement. Lire la foule Cette ouverture musicale est généralement bénéfique pour tout DJ désirant évoluer longtemps dans le métier. Mélomane sans frontières, Poirier sait qu’il gagne à s’adapter à son public en spectacle. «Souvent, j’essaie d’arriver au moins une heure d’avance afin de me familiariser avec la vibe de la foule», dit-il. «Une fois monté sur scène, je regarde beaucoup les gens devant moi. Ça influence souvent le choix de ma prochaine track.» Mathieu Beauséjour doit constamment s’adonner à cet exercice. Lors de sa résidence du vendredi à la Rockette, il doit même contrôler la foule. «En fin de soirée, quand ça brasse trop et que les gens commencent à briser leurs pintes sur le plancher, je dois calmer le jeu avec une toune plus tranquille», assure-t-il.
33 DOSSIER VOIR MTL
«Tout est très spontané de mon côté. Cinq minutes avant d’embarquer, je ne sais pas quelle sera ma première track», indique Misstress Barbara. «En revanche, tout le travail se fait avant. C’est là que mon bagage musical entre en jeu.» Tout comme Misstress et Poirier, Paolo Rocco se fait un devoir de «lire la foule». «Habituellement, je ne prépare rien avant une gig parce que j’aime bien m’adapter à l’ambiance», explique-t-il. «Je m’arrange aussi pour ne pas accepter n’importe quel contrat. Par exemple, je n’irais jamais jouer au Beachclub avant Hardwell!» Financièrement avantageux, les contrats indésirables font partie intégrante de la vie des DJ. Du lot, les mariages ne sont pas particulièrement appréciés. «J’en ai déjà fait et j’ai trouvé ça difficile. La plupart du temps, on nous impose une liste de chansons», admet DJ Manifest. Souvent appelé à mixer lors d’événements privés, Mathieu Beauséjour a récemment passé un mauvais quart d’heure lors d’un party de la compagnie Frank & Oak. «C’est la pire soirée de toute ma vie! Pendant sept heures, je me suis fait blaster parce que les gens aimaient pas ma musique. J’osais même pu aller aux toilettes!» raconte-t-il. «La seule fois où je suis allé fumer dehors, y a quelqu’un qui est allé déplugger mon gear pour mettre son iPhone. Depuis ce tempslà, j’y pense deux fois avant d’accepter un contrat.»
VO1 #O9
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«À la Rockette, c’est très rare que je bois, mais disons qu’à L’Esco les jeudis, c’est plus difficile, vu que le DJ booth est proche du bar. Faut dire que l’ambiance est vraiment l’fun: c’est comme si j’étais dans mon salon et que je mixais pour mes amis qui m’amènent des shots.» À 42 ans, Tiga a lui aussi récemment diminué le nombre de soirées arrosées. «Pendant 25 ans, mon quotidien se résumait à faire le party, alors à un certain moment, j’ai eu envie de faire différent. J’aime maintenant me lever à sept heures du matin quand je suis chez moi. Je trouve ça exotique!» explique-t-il. Pour DJ Manifest et Poirier, il semble impératif de rester professionnel, peu importe les offres et les tentations. Alors que le premier se fait un devoir de ne jamais se «péter la face en travaillant, que ce soit pendant un gros show ou une gig dans un bar de quartier», le deuxième tente de garder la tête hors de l’eau «dans un milieu d’abus où il y a parfois beaucoup de drogue».
Party, santé
Misstress Barbara garde la même attitude face aux excès: «Le jour où j’ai décidé de devenir DJ, j’ai mis une croix sur le party. Je voulais m’assurer de jouer des tounes qui me donnent des frissons à jeun, et non pas sur l’influence d’une pilule. Par contre, je demande généralement deux bouteilles de champagne dans mon contrat. Ça me donne un pétillant de bonheur, ça me réveille. Je suis parfois pompette, mais ça reste toujours professionnel.»
Pour Beauséjour, l’ambiance est autrement plus agréable et festive lors de ses résidences hebdomadaires. S’il se dit généralement moins porté à faire le party qu’à ses débuts, il admet être enclin à quelques dérapages contrôlés de temps à autre:
Les horaires irréguliers forcent également les DJ à faire des sacrifices en ce qui a trait à leur vie familiale et leur santé. Manifest a toutefois tiré des leçons de ce mode de vie: «Quand mes affaires ont commencé à bien marcher, j’étais tout simplement obsédé par
TIGA Vétéran de la scène techno de Montréal, Tiga amorce sa carrière au début des années 1990 avec des remix fort appréciés, dont Sunglasses at Night, son premier grand succès aux côtés de Zyntherius. Il enregistre trois albums de matériel original entre 2006 et 2015, sur lesquels on peut aussi entendre sa voix. Le 27 octobre prochain, il présentera pour la première fois un grand spectacle qui mêlera la musique live aux arts visuels, un nouveau défi qui lui permettra de revenir sur plusieurs chansons-clés de son répertoire. «Ça fait des années que j’ai en tête de faire un spectacle du genre – ce qui fait changement d’un typique DJ set –, depuis le temps de mon premier album Sexor», dit-il. «Ce n’est qu’en mars ou avril 2015 que j’ai commencé à y travailler sérieusement. Je suis allé en studio et j’ai commencé à construire des versions différentes de mes chansons, à penser à celles que je pourrais inclure. C’est pas tant un concert de mes plus grands hits. Y a beaucoup de musique qui n’a jamais été jouée en live là-dedans.» (V. T.)
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la musique. Je mangeais pas bien, je dormais presque pas, je laissais tomber mes amisâ&#x20AC;Ś Jâ&#x20AC;&#x2122;ai finalement compris que la clĂŠ ĂŠtait dans lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠquilibre. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai rĂŠalisĂŠ que de nĂŠgliger ma santĂŠ, mes amis et ma famille, ça me faisait beaucoup plus de mal Ă long terme que de perdre un contrat.Âť Conscient de la prĂŠcaritĂŠ de son mĂŠtier, Mathieu BeausĂŠjour a gĂŠnĂŠralement de la difficultĂŠ Ă refuser une offre. ÂŤLes mois de mars et dâ&#x20AC;&#x2122;avril sont pas mal tranquilles, alors je ramasse pas mal tous les partys de NoĂŤl quâ&#x20AC;&#x2122;on me propose. Ă&#x2021;a devient fatigant de travailler cinq Ă six soirs par semaine durant cette pĂŠriode-lĂ Âť, admet-il. MĂŞme si le marchĂŠ international sâ&#x20AC;&#x2122;offre Ă eux, Tiga, Misstress Barbara et Paolo Rocco constatent ĂŠgalement lâ&#x20AC;&#x2122;instabilitĂŠ de leur mĂŠtier. La clĂŠ pour perdurer dans ce milieu compĂŠtitif? ÂŤChaque cinq ans environ, il faut renouveler son image et sa musiqueÂť, croit Rocco. ÂŤCâ&#x20AC;&#x2122;est impossible dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvoluer en tant que DJ en faisant toujours la mĂŞme chose.Âť Lâ&#x20AC;&#x2122;assiduitĂŠ est ĂŠgalement très importante. ÂŤSi tu ne tournes pas tout le temps, tâ&#x20AC;&#x2122;es vite mise de cĂ´tĂŠÂť, observe Misstress Barbara. ÂŤTu ne peux pas te permettre de prendre six mois en dehors du circuit parce que la crowd ĂŠlectro est gĂŠnĂŠralement ĂŠphĂŠmère. Le jeune fan de 20 ans qui vient te voir en show, il ne sortira peut-ĂŞtre plus dans deux ans.Âť (O. B-M.)
DJ MANIFEST
VĂŠtĂŠran de la scène hip-hop locale, DJ Manifest met toute son ĂŠnergie au service de la musique depuis près de 20 ans. DĂŠcrochant un emploi Ă lâ&#x20AC;&#x2122;hĂ´pital Saint-Luc au tournant du millĂŠnaire, le MontrĂŠalais nâ&#x20AC;&#x2122;a alors quâ&#x20AC;&#x2122;une seule mission: amasser beaucoup dâ&#x20AC;&#x2122;argent pour sâ&#x20AC;&#x2122;acheter lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠquipement de base du DJ. Souhaitant se faire un nom sur la scène rap montrĂŠalaise, alors en pleine effervescence, il sâ&#x20AC;&#x2122;incruste hebdomadairement Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmission Hip Hop Non-Stop Ă CIBL. ÂŤJâ&#x20AC;&#x2122;allais lĂ seulement pour observerÂť, se souvient-il. ÂŤPeu Ă peu, jâ&#x20AC;&#x2122;ai rencontrĂŠ pas mal tous les acteurs importants de la scène. Ă&#x2021;a mâ&#x20AC;&#x2122;a aidĂŠ Ă avoir ma première chance comme DJ.Âť Obtenant sa première rĂŠsidence au dĂŠfunt bar FĂŠlix, puis au Petit Campus, Manifest fait ensuite graduellement sa marque comme producteur. Dans la deuxième moitiĂŠ de la dĂŠcennie 2000, il compose des chansons pour Lâ&#x20AC;&#x2122;AssemblĂŠe, Dramatik, BBT et Koriass, quâ&#x20AC;&#x2122;il accompagne dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs en spectacle dès 2008.
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Plus que jamais dĂŠcidĂŠ Ă faire sa marque en solo, il dĂŠsire maintenant accumuler les contrats dans les bars et les ĂŠvĂŠnements. ÂŤPendant près de 10 ans, jâ&#x20AC;&#x2122;ai ĂŠtĂŠ vu comme â&#x20AC;&#x153;le DJ de Koriassâ&#x20AC;&#x2122;â&#x20AC;&#x2122;. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai beaucoup aimĂŠ lâ&#x20AC;&#x2122;expĂŠrience, mais lĂ , jâ&#x20AC;&#x2122;approche de la quarantaine et je veux dĂŠvelopper ma carrièreÂť, explique celui quâ&#x20AC;&#x2122;on peut voir mixer occasionnellement au Don B Comber. (O. B.-M.)
MISSTRESS BARBARA
DJ «slash» producteur «Je ne me considère pas avant tout comme un DJ, mais plutôt comme un créateur de musique.» Poirier croit (avec raison) qu’il est important de réitérer les nuances de son métier. Oui, lorsqu’on parle d’un DJ, on parle d’une personne appelée à diffuser et à mixer de la musique pour une foule, mais les pièces choisies ne sont pas toujours la musique des autres. Les rôles de remixeur ou de producteur (ou de compositeur) se greffent souvent à celui de DJ, ce qui fait que la musique originale de l’artiste est également diffusée.
«Pour moi, jouer en DJ, c’est une façon de représenter la musique que je compose et que j’aime, au même titre que les groupes de musique qui vont en tournée pour présenter live la musique qu’ils ont composée», précise-t-il. «Le DJ/producteur, qui est un terme assez commun à présent, est un peu différent du producteur (ou du compositeur) traditionnel parce que les deux choses se nourrissent», explique Tiga. «Ça, c’est absolument mon école: les points forts du travail de composition en studio viennent du DJing. On développe une connaissance de ce qui fonctionne et de ce qui
MISSTRESS BARBARA
Barbara Bonfiglio célèbre cette année ses 20 ans de carrière. Au milieu des années 1990, elle s’est vite imposée sur la scène techno internationale alors qu’il n’y avait pratiquement pas de femmes DJ. «J’ai vite compris que pour me faire respecter, il fallait que je fasse de la musique. Je me suis donc équipée, j’ai commencé mon studio en 1996, et en 1999, j’avais mon label. C’est difficile parce que c’est un milieu très, très gars.»
Il a fallu repousser bien des avances et travailler fort pour se faire respecter. «Le fait d’être une femme, ça m’a ouvert les portes à travers la curiosité, mais y avait de la jalousie tout le temps. Je pense qu’il y a eu de l’évolution parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de femmes DJ.»
Misstress Barbara a également sorti deux albums où elle troquait les platines pour le micro: I’m No Human (2009) et Many Shades of Grey (2012). Dans les prochaines années, elle souhaite poursuivre son travail de DJ tout en continuant à produire de la musique pour le cinéma, la télé et la publicité à travers sa jeune boîte Bon x Papa. «Je développe de plus en plus ma carrière de réalisatrice d’album parce que je pense pas qu’à 60 ans je vais encore être DJ!», dit-elle, en mentionnant qu’elle devra aussi défoncer des portes dans ce métier puisqu’il n’y a pas vraiment de femmes. (V. T.)
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MATHIEU BEAUSÉJOUR, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
ne fonctionne pas, on essaie de comprendre la dynamique de l’énergie et en particulier les arrangements. Y a une confiance qui naît d’une grande exposition aux danceclubs et aux foules.» Alors que Paolo Rocco a débuté en tant que DJ et s’est développé un intérêt pour la production plus tard, Poirier, lui, a fait le parcours contraire. Il a d’ailleurs signé beaucoup plus d’albums de musique originale que le DJ/producteur moyen. «Jouer en DJ, ça me donne une autre compréhension de la musique et ça se reflète après dans la composition. Migration, que j’ai lancé cette année, c’est mon 10e disque de matériel original et je connais pas beaucoup de gens qui ont fait ça. Y en a qui pensent que je suis juste DJ dans la vie et je suis comme: wô, attends minute!»
Toutefois, c’est aussi possible de préférer ne garder qu’un chapeau, question de mieux maîtriser sa force en mixing. Manifest, par exemple, s’est replongé davantage dans son rôle de DJ récemment. «Ce que j’aime le plus en ce moment, c’est mixer. On me voyait beaucoup plus comme producteur, c’était ben à la mode de le mettre en valeur il y a quelques années. Je poussais aussi fort pour avoir des gigs, mais ça se passait pas à mon goût. J’ai un studio, je fais de la musique, je suis ouvert aux rencontres, mais je suis pas le meilleur producteur, tandis qu’en tant que DJ, je suis plus en contrôle.» (V. T.)
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MATHIEU BEAUSÉJOUR
DJ rock notoire de la métropole, Mathieu Beauséjour développe d’abord sa passion sur les ondes de CISM. Animateur des Éboueurs du rock entre 1998 et 2012, le diplômé en communication au Conservatoire Lasalle fait ensuite sa marque comme DJ dans les partys étudiants, avant d’avoir sa vraie chance en résidence au défunt Roy Bar en 2003.
«Après ça, le téléphone s’est mis à sonner», raconte-t-il. «C’est pas mal à ce moment que j’ai réalisé que je pouvais crisser là ma job au centre d’appel pour me concentrer uniquement sur mes contrats dans les bars. J’avais jamais pensé que mon émission de b-sides punk obscurs pourrait m’amener là…» Au milieu de la décennie 2000, Beauséjour décroche des contrats de résidence durables à L’Esco et à la Rockette, là où il mixe encore chaque semaine d’ailleurs.
Spécialiste probant du rock underground et mélomane de haut vol, s’intéressant autant au reggae qu’au hip-hop old school, il obtient sa chance dans plusieurs autres bars maintenant fermés, notamment le Panda Bar, le Salon Officiel et, plus récemment, le Perfecto.
À l’aube de la quarantaine, celui qui multiplie aussi les mariages et les événements corporatifs se questionne: «Je suis pas encore tanné de faire ça, mais je sais pas ce que ça va donner à long terme… Je suis en train de penser à un plan B, peut-être revenir à mes premiers amours de communication.» (O. B.-M.)
Fatigue internationale Un mĂŠtier qui permet de composer, de diffuser de la musique et de voyager, on sâ&#x20AC;&#x2122;entend que câ&#x20AC;&#x2122;est pas mal cool. Mais une chose qui revient, lorsquâ&#x20AC;&#x2122;on discute avec les DJ qui font de la tournĂŠe Ă lâ&#x20AC;&#x2122;international, câ&#x20AC;&#x2122;est que lâ&#x20AC;&#x2122;aspect transport peut ĂŞtre brutal. Câ&#x20AC;&#x2122;est sans doute le gros point nĂŠgatif du mĂŠtier, dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs.
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ÂŤLes gens pensent quâ&#x20AC;&#x2122;il y a pas mal plus de glamour dans la vie de DJ quâ&#x20AC;&#x2122;il y en a rĂŠellementÂť, explique Paolo Rocco. ÂŤIls te voient prendre des avions pour aller jouer dans les clubs et pensent que tu fais des dizaines de milliers de dollars, mais câ&#x20AC;&#x2122;est pas vraiment ça. Parfois, tâ&#x20AC;&#x2122;es dans un vol de merde ou tâ&#x20AC;&#x2122;as une correspondance de 10 heures ou le diffuseur a oubliĂŠ de te rĂŠserver un hĂ´tel. Câ&#x20AC;&#x2122;est pas juste un ciel bleu et des arcs-en-ciel tout le temps!Âť ÂŤJe peux te donner un exemple rĂŠcent, dit Poirier, qui sâ&#x20AC;&#x2122;envole souvent vers lâ&#x20AC;&#x2122;Europe. Je jouais au MĂŠtropolis de 20h30 Ă 21h30; Ă 21h35, jâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtais en route vers lâ&#x20AC;&#x2122;aĂŠroport et jâ&#x20AC;&#x2122;ai pris lâ&#x20AC;&#x2122;avion directement. Je nâ&#x20AC;&#x2122;ai pas vraiment dormi dans lâ&#x20AC;&#x2122;avion, jâ&#x20AC;&#x2122;ai atterri Ă Marseille et jâ&#x20AC;&#x2122;ai pris un train de huit heures pour aller jouer au festival Garorock. Ce sont des choses qui arrivent.Âť Pour sa part, Tiga voyage intensĂŠment en Europe â&#x20AC;&#x201C; tous les week-ends du printemps et de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtĂŠ â&#x20AC;&#x201C;, ce qui crĂŠe de la fatigue mentale et physique. ÂŤCâ&#x20AC;&#x2122;est vraiment plate, mais câ&#x20AC;&#x2122;est une rĂŠalitĂŠ, dit-il. Objectivement, câ&#x20AC;&#x2122;est le meilleur mĂŠtier du monde. Chaque jour est incroyable, tâ&#x20AC;&#x2122;es dans une nouvelle ville, tâ&#x20AC;&#x2122;es bien traitĂŠ, tu te fais payer pour faire jouer de la musique Ă un party. Le seul hic Ă la fin, câ&#x20AC;&#x2122;est que tu peux ne pas dormir pendant trois jours et au lieu de te promener dans les rues de Rome, tu fais une sieste.Âť Ă&#x20AC; ce sujet, Misstress Barbara a ralenti le rythme pour reprendre son souffle et vivre sa vie pleinement, plutĂ´t que de ne vivre que du DJing. ÂŤJe ne tourne pas autant quâ&#x20AC;&#x2122;avant parce quâ&#x20AC;&#x2122;après 20 ans de carrière, jâ&#x20AC;&#x2122;ai besoin de plus de repos après mes week-ends. Jâ&#x20AC;&#x2122;ai une vie plus complète, disons, que juste le travail. Je fais plein de choses: de la voile, du tennis, de la moto. Je suis très heureuse comme ça. (V. T.) y
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PAOLO ROCCO Paolo Rocco est un DJ et producteur italo-montrĂŠalais de 30 ans. Il amorce sa carrière au milieu de la prĂŠcĂŠdente dĂŠcennie, dâ&#x20AC;&#x2122;abord en mixant, puis en produisant sa musique quelques annĂŠes plus tard. ÂŤQuand jâ&#x20AC;&#x2122;ai fait mes dĂŠbuts en DJing, honnĂŞtement câ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait pour lâ&#x20AC;&#x2122;argent, dit-il. Jâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtais assez jeune et jâ&#x20AC;&#x2122;ai commencĂŠ ça plus comme une business. Plus je mâ&#x20AC;&#x2122;y faisais, plus mes goĂťts en musique se dĂŠfinissaient. Ce que jâ&#x20AC;&#x2122;aimais le plus, câ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait la musique house underground, Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpoque une petite clique assez tissĂŠe serrĂŠe qui nâ&#x20AC;&#x2122;acceptait pas souvent de nouveaux joueurs. Je prenais nâ&#x20AC;&#x2122;importe quelle opportunitĂŠ qui venait Ă moi: des gigs de hip-hop, de musique commerciale, de house, etc.Âť Il ĂŠconomise de lâ&#x20AC;&#x2122;argent et lâ&#x20AC;&#x2122;investit dans de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠquipement de production pour crĂŠer ses propres pièces. ÂŤĂ&#x2021;â&#x20AC;&#x2122;a commencĂŠ Ă bien aller en Europe avec quelques tracks et puis la scène montrĂŠalaise sâ&#x20AC;&#x2122;est ouvert les yeux par rapport Ă mon travail. Ă&#x20AC; ce moment-lĂ , jâ&#x20AC;&#x2122;ai commencĂŠ Ă ne faire que la musique que jâ&#x20AC;&#x2122;aimais.Âť Aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui, on peut le voir souvent au rĂŠputĂŠ Stereo. Il a la libertĂŠ de choisir ses gigs et de faire de petites tournĂŠes au Canada ou ailleurs. Outre ses DJ sets, il travaille de jour Ă bâtir RAWMoments, un collectif de passionnĂŠs de musique ĂŠlectronique qui prĂŠsentent frĂŠquemment des soirĂŠes en ville. (V. T.)Â
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Never Apart : Equinox
Une Conversation avec Iggy Pop
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> 24 Sept. > 28 Oct.
Info et billetterie mtl.redbullmusic academy.com
ET LE JOURNALISTE MUSICAL CARL WILSON
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Édition Chicago
Fucked Up & Tanya Tagaq
THE BLACK MADONNA / SADAR BAHAR / PAUL JOHNSON
EMMA-JEAN THACKRAY / THE VENOPIAN SOLITUDE
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Le Fréqulator
Drone Activity In Progress
Super Samedi Soir
EX EYE
DÂM-FUNK / INVISIBLE CITY EDITIONS / THE GOODS / PATRICK MOCAN / CHLOE MARTINI / MODVO
EX EYE (COLIN STETSON, GREG FOX, SHAHZAD ISMAILY, TOBY SUMMERFIELD) / DERADOORIAN / MERK / SOFIE WINTERSON
JUST BLAZE / DJ DEEON / GARY CHANDLER / RIVER TIBER / KUCKA / DRIPPIN / TASKFORCE / KIDÄ / BEATRICE / LOA / OCEANTIED / SAYGE / MIRAC / ISKELETOR / SHAKE IT MASCHINE / SWISHA / RAYRAY
ÂMES SANGLANTES / AWAY / BLACK MECHA / DRAINOLITH / ECHO BEACH / KARA-LIS COVERDALE / MELANIE MONGEON + TOPON DAS / NEIGE ET NOIRCEUR / THISQUIETARMY / TIM HECKER / VENETIAN SNARES / ET PLUS
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Piknic Électronik
Ondulations
Insomnie Collective
THEO PARRISH / UNDERGROUND RESISTANCE PRES. DEPTH CHARGE / BRANKO / RACE BANYON / AAAA / ET PLUS
SUZANNE CIANI / KAITLYN AURELIA SMITH / VERONICA VASICKA / MARIE DAVIDSON / YOUR FRIEND / MALIBU / LAMUSA / JOHAN CAROE / TIDE JEWEL / MIIIN / INVISIBLE CHURCH
Cascades : CFCF et Jean-Michel Blais
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15.1O - 12.11
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Haute Résolution ~ Une Soirée 1080p
Open Ouvert
Exposition Björk Digital
Turbo Crunk
PROJECT PABLO / MAX MCFERREN / RIOHV / ADAM FEINGOLD / RAMZI / KEITA SANO
DÉCOUVREZ LE QUARTIER GÉNÉRAL DE RED BULL MUSIC ACADEMY, SES STUDIOS, L’ÉNERGIE ET L’AMBIANCE CRÉATIVE QU’ON Y TROUVE
UHAHUH / BUEN CLIMA
UNE EXPOSITION IMMERSIVE REGROUPANT NOTAMMENT LES PROJETS DE RÉALITÉ VIRTUELLE DE L’ARTISTE ISLANDAISE
BLACK COFFEE / KARIZMA / PASSARANI / DENIS SULTA / LUNATE
247ESP / ANGO / CLAMS CASINO / DRE SKULL / ECLAIR FIFI / GHOSTBEARD / JACQUES GREENE / JUBILEE / LUNICE / MACHINEDRUM / SUICIDEYEAR / TYGAPAW
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Round Robin
Sampha
Kaléidoscope 1754
IMPROVISATIONS À RELAIS : AUSTIN TUFTS / CRAIG PEDERSEN / D’EON / FOXTROTT / MARK HAYNES / MAURO PEZZENTE / REBECCA FOON / RICHARD REED PARRY / SANDRO PERRI / SARAH NEUFELD / SOCALLED / YOUNG PARIS / ET PLUS
KELSEY LU
RP BOO / JLIN / DORIAN CONCEPT / DJ TAYE / IDGY DEAN / HYROGLIFICS / DAUDI MATSIKO / NIELS BROOS / NICHOLAS G. PADILLA / GHOST WAVVVES / SCHMIEDS PULS / FAZERDAZE / JULIÁN MAYORGA / ET PLUS
Québec Électrique : Montréal Discoville
22.1O
23.1O
23.1O
25.1O & 26.1O
Métriques Synthétiques
Dans les Cieux
Dans les Abysses
PAULINE OLIVEROS « SOUNDING THE STARS » / JOAN LA BARBARA / LUCRECIA DALT / PAN DAIJING
DOPPLEREFFEKT / LORENZO SENNI / DJ STINGRAY JOUE DREXCIYA / JOEL CAHEN / CAO / SELFIR / SIGN LIBRA
La Sélection de Björk
26.1O
27.1O
28.1O
Le Gonzervatoire : En Concert avec Chilly Gonzales
No Fantasy Required
Ce n’est qu’un au revoir
JACQUES GREENE (A/V) / DEADBOY / MICHELE NOX / THINGAMAJICKS / KAMRON SANIEE / ABOUT:BLANK / UNBROKEN DUB / THE SINE PAINTER / ETYEN / OK LOU
CHILLY GONZALES ET SIX ARTISTES DU RBMA 2O16 / SOCALLED
TIGA (LIVE) / THE MARTINEZ BROTHERS / MATIAS AGUAYO / ET PLUS
ROBERT OUIMET – 1972 / MICHEL SIMARD – 1976 / LOST HEROES – 1979 / ALEXANDER ROBOTNICK – LE VISITEUR / FRANCE JOLI / ET PLUS
UN DJ SET PAR UNE FIGURE EMBLÉMATIQUE
#RBMAMTL
40 CHRONIQUE VOIR MTL
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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR
JE NE VEUX PAS MOURIR J’ai 16 ans aujourd’hui. Pourtant, je suis née en 1975. Faites le calcul. Mais je suis amoureuse, et ça me donne envie de lire des poèmes, de téléphoner à mes amies et de leur raconter, pendant des heures, ce qu’il m’a dit et comment il est extraordinaire. J’ai 16 ans allant sur le 42 et j’embrasse tout le ridicule de l’emphase extatique biologiquement explicable de l’amour. Cet après-midi, nous sommes allés aux Tam-tams. Ça faisait 20 ans que je n’étais pas allée aux Tam-tams et, comme l’explique Proust dans le premier tome d’À la recherche du temps perdu, pendant quelques secondes, j’ai retrouvé mon adolescence, par tous les pores de ma peau, par les sens. La mémoire du corps qui organise une blinddate avec les sensations du passé. Les sons, les mêmes, les freaks, les mêmes, j’avais vraiment 16 ans, comme si rien ne s’était passé depuis quoi? 35 ans? La même sensation au pied de la statue de George-Étienne Cartier et de son ange qui semble saluer la montagne. Quand j’étais ado, les Tamtams au pied du mont Royal, c’était un rendezvous. Mes amis et moi, on s’y posait tous les dimanches, c’était le rendez-vous sur les lieux de l’éveil urbain, rendez-vous de la vie adulte qui vibre de toutes ces percussions mystérieuses, un délicieux moment de liberté, de transgression, un rendez-vous dans le ventre vibrant et exaltant de la ville, loin de nos familles, de l’école, de l’ordre ennuyeux des adultes.
Nous nous sommes couchés dans l’herbe, et là, en écoutant les tambours aux rythmes anarchiques, nous avions 16 ans, de nouveau, tous les deux, ensemble. Malgré nos cheveux blancs, nos kilos en trop, nos jobs sérieuses, nos hypothèques et nos REER. Couchés dans l’herbe, nous avons parlé de mariage et nous nous sommes dit oui. Tout simplement. Veux-tu m’épouser? Nous ne sommes pas baptisés ni l’un ni l’autre, enfants de révolutions tranquilles, du divorce, de brisures dans la foi, dans l’amour et dans Dieu. On ne pourrait nommer les noms des douze apôtres ni l’un ni l’autre malgré une solide culture générale; on ne peut, ni l’un ni l’autre, réciter un Notre Père ou un Je vous salue Marie, nous ne sommes allés à l’église que quelques fois dans nos vies, à l’occasion de funérailles. Le rite religieux nous est étranger, il nous est culturel et anachronique et, pourtant, quand il m’a demandé: «Où?», j’ai dit spontanément à l’église de tel village, un village paisible où il y a une église en lattes de bois blanc… et il a dit: «Oui! Oui, c’est là qu’on se marie. C’est là que ça va se passer.» On n’est pas baptisés ni l’un ni l’autre et on a envie de se marier dans une église. Pourquoi? Parce que l’amour tient du miracle, le miracle du divin et le divin du mystère. J’ai eu envie d’une église, pour saluer le mystère, pour saluer le divin, même si je ne suis pas du tout certaine de croire en Dieu, enfant d’une révolte collective contre l’idée de vouer sa vie à un dogme.
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41 CHRONIQUE VOIR MTL
Et puis, couchée dans l’herbe au son des tam-tams, la tête dans le miracle de la rencontre entre deux êtres, j’ai pensé à l’idée de l’église, à la robe blanche et au rituel pour célébrer l’amour... et tout d’un coup, j’ai eu peur de vieillir, de mourir. J’ai eu peur de ne plus pouvoir avoir 16 ans quand ça me chante, que la vie passe et que je me retrouve loin de moi. Comme un gros, gros coup d’angoisse. Et là, couchée sur l’herbe contre mon futur époux, j’ai pensé à Lise Payette, à Léo Ferré et à d’autres. Quel est le rapport? Quelques années avant que Léo Ferré ne quitte notre monde, mon père m’avait amenée voir cet homme dont je connaissais les textes par cœur. Il donnait un concert à la Place des Arts, un concert de trop. Il était pathétique. Trous de mémoire, incohérent, il déparlait un peu sur scène. C’était triste. Et même au cœur de ma prime jeunesse, j’ai compris quelque chose de la difficulté d’accepter le temps qui passe, de quitter la table alors qu’on a été jeune et fantastique pendant si longtemps. Léo Ferré, il chantait Avec le temps et c’était un naufrage sous nos yeux. Ce soir-là, j’ai compris que nous sommes des fleurs qui fanent. J’ai compris que pour les plus grands comme les plus petits, les poètes
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fulgurants comme les anonymes avaient une date de péremption. Quand Lise Payette est sortie publiquement pour parler de son départ du journal Le Devoir, je me suis dit qu’il devait être dur d’être Lise Payette et de ne plus être Lise Payette, d’accepter la mort qui se pointe à l’horizon, d’accepter de disparaître de l’Espace public. J’écoute Guy Chevrette parler du sort des chauffeurs de taxi avec la même sensation. Il doit être difficile d’être Guy Chevrette et de se tourner les pouces à la maison. De quitter la table et d’accepter qu’on n’a plus 20, 30, 40, 50 ans, que les percussions mystérieuses du ventre de la ville font vibrer des plus jeunes et des plus fous et qu’on n’est plus dans le coup, qu’on n’est plus là dans la vie, au cœur de la cité. Et là, aux Tam-tams, alors que j’embrasse un peu le rythme du sens de la vie, je suis prise d’une immense tendresse pour ces Rolling Stones, qui m’ont énervée toute leur vie avec leurs refus de quitter la table, parce que, moi aussi, pour la première fois, je suis prise par le grand vertige, celui de vouloir arrêter le temps. Quand on aime, on ne veut plus mourir. C’est narcissique et c’est con. Mais, j’imagine que c’est ça vieillir. y
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La rumeur du mystère discret, marc-andré Grondin muLtipLie Les projets, des fiLms d’auteur indépendants aux séries téLévisées Grand pubLic en se faufiLant à L’ombre des tapis rouGes et du GLamour. MOTS | SIMON JODOIN
PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)
Pour plusieurs, c’est ce jeune comédien qu’on a découvert en 2005 dans l’objectif de Jean-Marc Vallée alors qu’il tenait le rôle de Zachary Beaulieu dans C.R.A.Z.Y. C’était pourtant, déjà à l’époque, un comédien expérimenté qui avait passé sa vie, depuis sa tendre enfance, sur des plateaux de tournage. Aujourd’hui, une douzaine d’années après cette révélation mémorable, il est toujours là, travailleur patient, sans la grosse tête. Grondin, c’est un gars relax qui garde un regard lucide sur son métier, sur le monde de la production cinématographique et la culture télévisuelle. Alors qu’il vient de terminer le tournage de Goon II (oui, il y aura une suite à cette comédie sportive!), on le retrouve lors d’une rare pause de tournage pour se prêter au jeu d’une séance photo pour la couverture du magazine. Nous regardons l’écran où défilent les clichés de son visage. — Comment tu trouves ça? Ça te plaît? — C’est cool. Mais c’est quand même juste ma face! Il arrive tout juste du coin de Ham-Nord, près d’Asbestos, où il tourne pour le prochain film de Robin Aubert, Les affamés, qui prendra l’affiche en 2017. Un film de peur où des êtres inhumains mangent des humains. «Ce n’est pas un film de zombies, tient-il à préciser, c’est un film d’auteur avec des zombies. Je pense que les amateurs de films de genre vont être contents, mais ça reste un film d’auteur, on a quelque chose à défendre. Il y a toute cette poésie qui est dans l’œuvre de Robin Aubert qui me fait triper.» «Ça fait longtemps que je veux travailler avec lui, comme acteur ou réalisateur. Quand je l’ai rencontré, il m’a envoyé un courriel, pour me dire qu’il avait un rôle à m’offrir, qu’il aimerait ça me rencontrer... Et il commence son courriel: “Bonjour, mon nom est
Robin Aubert, je suis réalisateur...” J’étais comme, man! Je te connais, là! Et quand je l’ai rencontré, il me disait: “Ouais, je sais que t’aimes pas faire de la promo, si tu ne veux pas faire de la promo pour mon film, je comprends ça, là!” J’ai dit: “Ben non, j’en fais de la promo, c’est simplement que ce n’est pas mon trip, je ne vais pas faire de quiz télé, c’est juste ça.” Ç’a bien cliqué dès le départ.» C’est un peu la réputation que Grondin s’est taillée dans le milieu, celle du comédien qui fait profil bas, qui ne court pas sous les projecteurs et qui ne fait pas les couvertures de magazines à potins pour raconter sa vie de couple ou son régime alimentaire. Il garde le cap sur son métier sans snober les productions plus populaires, pour autant qu’il puisse y trouver son compte. Il tient d’ailleurs le rôle principal dans L’imposteur, la série phare de TVA cet automne. Une production diffusée sur un réseau grand public qui offre néanmoins un scénario solide, bien ficelé, qui n’a pas grand-chose à envier aux succès du genre qu’on peut voir depuis quelques années sur Netflix ou HBO. Difficile de parler de cette série sans vendre un punch, car des surprises, il y en a toutes les quinze minutes dans ce scénario. Nous sommes loin du téléroman fleuve et plate. Au moment où vous lirez ces lignes, trois épisodes seront diffusés au gré des cases horaires. Aux côtés de Grondin, il faut mentionner le jeu de Guillaume Cyr qui tient fidèlement la barre dans le rôle de son frère, solide comme un roc. L’action est si intense et l’énigme si imprévisible qu’on se demande même si la télévision demeure le bon véhicule pour de telles productions. Mais qu’avons-nous d’autre pour diffuser du contenu?
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OBTENEZ 25 À 40% DE PLUS THÉÂTRE, HUMOUR, MUSIQUE... PROFITEZ DE LA CULTURE!
THÉÂTRE OUTREMONT
Florent Vollant 29 octobre
Quartom – Acte III 14 au 24 février
Lewis Furey 1 au 11 novembre
L'orchestre d'hommes orchestres joue à Tom Waits 8 avril
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE
Yves Léveillé - Tryptique 8 au 12 mai
Tartuffe 27 septembre au 22 octobre
Allô, on jazz 13 novembre
Sherlock Holmes et le chien des Baskerville 15 février
Pourquoi tu pleures...? 15 novembre au 10 décembre
Michel Cusson - Solo 19 novembre
Emma la clown, Catherine Dolto 2 au 4 mars
Whisky Legs 23 novembre
Pierre et le loup 5 mars
Michel Donato 25 au 26 novembre
Charlot et le cinéma muet 2 avril
Blanche Baillargeon 18 au 22 octobre
Papoul 27 novembre
L'histoire de la musique 9 avril
Misses Satchmo 19 octobre
Pierre Flynn 9 décembre
Albert Millaire 25 au 26 avril
Marie-Josée Lord 20 octobre
Mémoire de Lou 29 janvier
4’SOUS
Piaf! le spectacle 28 octobre
Pierre Calvé 3 au 4 février
Le Joker 7 novembre au 2 décembre
Jacques Kuba Séguin 7 octobre Trio Compagna, Le Blanc, Tougas 8 octobre Série des Mardis métissés 11 octobre Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant 14 octobre Elle & lui 16 octobre Sur les traces de la musique québécoise 16 octobre
Magneto Trio 2 au 3 novembre Christine Tassan et les Imposteures 4 au 5 novembre
La Bonne Âme du Se-Tchouan 17 janvier au 11 février Caligula 14 mars au 8 avril Le Jeu de l'amour et du hasard 25 avril au 20 mai
ESPACE LIBRE Dans la tête de Proust 22 février au 18 mars EXTRAMOYEN, splendeur et misère de la classe moyenne 4 au 29 avril
45 cinéma VOIR MTL
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«On est une société de variétés et de téléromans. C’est dur casser ça. Là, on n’a pas le choix, car la jeune génération commence à prendre le contrôle, mais c’est difficile de casser ce carcan-là. Je ne pense pas qu’on peut concurrencer Netflix, le choix est trop énorme. C’est comme la Toile du Québec contre Google. Mais je pense que c’est possible de lancer une plateforme avec du contenu canadien. Là, Radio-Canada et TVA sortent deux nouvelles séries à 21h, moi, en tant que gars de 32 ans, je m’en !%&?%* que les deux séries jouent à 21h. Je peux en enregistrer une et regarder l’autre, je peux regarder les deux. Les gens qui sont plus jeunes, c’est eux qu’il faut aller chercher. Une concurrence comme ça, entre les réseaux, est un peu inutile. La solution serait une collaboration entre les différents réseaux pour offrir du contenu québécois, à tout le monde, d’une nouvelle façon.» C’est que Grondin connaît les forces et les limites de notre terroir télévisuel. Du haut de ses 32 ans, justement, il a vu neiger. Ces dernières années, il a pu prendre part à des séries à l’étranger, notamment dans Spotless, une production française et anglosaxonne diffusée d’abord sur Canal+ en France et ensuite sur Netflix. Sans qu’on puisse parler d’un succès colossal, l’expérience lui a quand même permis de voir ce qui se fait ailleurs. «Il y a beaucoup de prises de conscience et de solutions à trouver en télévision au Québec, parce qu’il y a de moins en moins d’argent. On fait des séries avec du monde très talentueux, mais tu n’as pas le temps de ne rien vivre, tu n’as pas le temps... J’ai tourné Spotless qui était 10 fois une heure. Ici, pour l’imposteur, j’ai fait 10 fois 44 minutes. Là-bas, c’était en 117 jours, ici, on l’a fait en 53 jours. Il faut que tu sois bon dans la première prise. Tu fais des compromis tout le temps. C’est tough d’avoir une liberté.»
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Mais la contrainte n’est-elle pas, parfois, un gage d’agilité, de débrouillardise et de créativité? Pas toujours. «La contrainte sur un film reste quand même confortable, comparée à la contrainte sur une série. En télé, tu n’as pas de marge de manœuvre, tu as tellement de choses à tourner.» Si on dit parfois que les séries sont les nouveaux lieux de la cinématographie, dans les faits, rien n’est moins sûr. La date de diffusion à la télévision n’attend pas. Lorsque les ententes sont prises avec les diffuseurs, il est presque impossible de reporter la première d’une série sur un grand réseau. Il faut livrer. Le cinéma, lui, peut attendre. C’est ainsi qu’entre tous ces lieux de création, MarcAndré Grondin fonce dans les prochains mois où on pourra voir son nom sur plusieurs affiches: une série grand public à TVA, un film d’auteur indépendant de genre signé par Robin Aubert et une suite pour un film comico-sportif sans autre prétention que de faire rire les foules dans les salles. L’homme aux multiples visages continue toutefois d’entretenir le mystère. S’il n’a pas sa langue dans sa poche lorsqu’on lui parle d’économie culturelle, des chantiers qu’il faudrait entreprendre et des enjeux qui touchent à son métier, il n’est pas pour autant enclin à mettre sa face sur les panneaux-réclames pour la vendre comme on vend des bonbons au rabais. Mystérieux? Vraiment? Pas aussi simple... C’est pour lui un investissement qui lui permet de durer. «Je suis zéro mystérieux! C’est juste que tu ne me vois pas la face partout, tu ne sais pas de quoi ç’a l’air chez nous, tu ne sais pas avec qui je fourre, avec qui je sors, avec qui je suis ami. Je ne suis pas là sur les tapis rouges à faire: “Ahh! Je l’adore ce film-là!” Je suis discret et, à cause de ça, on a l’impression que je suis mystérieux. Mais je pense qu’au final, c’est peut-être payant sur le long terme. Ça me permet de me fondre dans des personnages. Je reste un acteur, et non une personnalité publique.» y
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premier fiLm en anGLais pour L’oscarisé Kim nGuyen, TWO LOVERS AND A BEAR est L’occasion de faire une ride de sKi-doo à vive aLLure et de parLer avec un ours dans une Lumière divine. nous avons rencontré Kim nGuyen pour en discuter. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
«Il a fallu se battre pour filmer à Iqaluit», nous dit Nguyen. «J’ai commencé par visiter Kuujjuaq, puis Puvirnituq pour finalement atterrir sur la terre de Baffin. C’était un univers impossible à recréer en studio et j’aimais le paradoxe de la ville d’Iqaluit en plein Arctique: un aéroport aussi grand que Charles-De-Gaulle pour poster des bombardiers en cas d’attaque soviétique pendant la guerre froide. Je voulais propulser mes personnages dans tous ces paradoxes-là.» Le scénario de Two Lovers and a Bear, sur lequel ont travaillé Denis Villeneuve et Jean-Philippe Duval avant qu’il n’atterrisse entre les mains de Kim Nguyen qui l’a retravaillé, est inspiré par une nouvelle de Louis Grenier, le propriétaire de Kanuk. Fasciné et touché par le Nord, ce dernier adressa alors une longue lettre à ses amis au sujet de ses nombreux voyages et de ses rencontres. C’est de cette missive qu’est née la volonté de faire un film sur le Nord sous l’impulsion du producteur Roger Frappier. L’histoire du film suit la trajectoire de deux amants. Roman mène une existence recluse et discrète, il est l’amant de Lucy, une métisse qui conduit un taxi. Jusqu’au jour où Lucy reçoit la confirmation qu’elle doit partir vivre au Sud. Leur rencontre est le prétexte à une forme d’exorcisme qui se matérialisera par un voyage au cœur du froid arctique en motoneige. «Beaucoup des gens du Sud qui se retrouvent dans le Nord sont des gens mésadaptés qui fonctionnent mieux dans cet univers-là», poursuit le réalisateur. «Il y a quelque chose dans la géographie... il y a une élasticité de l’espace-temps dans l’Arctique. J’utilise souvent cette métaphore de la base lunaire pour décrire mon expérience là-bas. C’est tout à fait unique.» Le cœur de ce film est le voyage qu’entreprennent Lucy et Roman. Un voyage qui nous fait réaliser l’immensité du territoire nordique, une immensité qui semble presque les avaler. Le segment le plus jouissif du long métrage arrive pendant ce
voyage, alors qu’ils doivent affronter un terrible blizzard et trouvent sur leur chemin une station radar abandonnée comme il y a en a tant dans le Nord canadien. Il se crée alors un terrain de jeu pour les amoureux dans ce qui fut alors de véritables stations de surveillance des activités soviétiques. Une complicité évidente est créée à l’écran entre les deux comédiens Dane DeHaan et Tatiana Maslany. «J’avais vu Dane dans The Place Beyond the Pine et il m’avait fasciné. Je pensais qu’il était le produit d’un casting sauvage puis j’ai réalisé qu’il était un comédien de métier, j’ai tout de suite voulu travailler avec lui. Quant à Tatiana, elle fut de loin celle qui s’est imposée à nous lors du casting. Leur couple à l’écran a rapidement fonctionné et c’est dû en grande partie à leur générosité.» Il y a ce couple, mais il y a évidemment, comme le titre l’indique, un ours. Et pour le casting, ce fut tout un défi logistique que de trouver cet ours blanc domestiqué. C’est le seul ours blanc en Amérique du Nord disponible et pendant un moment, la production s’est même demandé si elle ne travestirait pas un ours brun. Puis ils sont tombés sur Haguy, 15 ans de métier et 20 ans d’âge. Haguy avait sa propre loge sur le plateau et était de loin l’acteur le plus exigeant. «Lors des scènes avec les comédiens, c’était tendu. Il y avait constamment un fil électrique entre les comédiens et l’ours. On a dû effacer ce fil en postproduction. C’est très drôle, car à un moment l’entraîneur de l’ours, en voulant nous rassurer, a mis la main sur le fil électrique pour bien nous montrer que ce n’était pas chaud... cela a eu l’effet inverse...» Après avoir tourné au Congo pour Rebelle et sur la terre de Baffin pour ce film-ci, Kim Nguyen complète actuellement un autre film au Maroc. Comme quoi l’inconfort de tourner dans des lieux inconnus peut parfois se transformer en moteur pour la création. En attendant, vous avez un rendez-vous dans la baie de Frobisher un certain soir d’octobre en ouverture du Festival du nouveau cinéma, à Montréal. y
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FNC 2016 Les essentieLs à chaque rentrée, c’est avec impatience que L’on attend La prochaine édition du festivaL du nouveau cinéma, car L’équipe du fnc nous a habitués à une proGrammation dense et oriGinaLe. nous avons séLectionné quatre fiLms québécois des pLus attendus. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
Prank (photo) Une Porsche jaune, un adolescent en plein effort de défécation et un téléphone pour filmer la scène; c’est ce qui ouvre la bande-annonce du premier long métrage du réalisateur et directeur photo Vincent Biron. Tout de suite, nous pensons à une comédie américaine sortie des années 1980 sur fond de campus banlieusard américain, mais le scénario nous réserve plus que cela. «J’aime beaucoup quand le drame du film d’auteur cohabite avec la comédie», nous dit Biron. «Les scénaristes (Alexandre Auger, Éric K. Boulianne, Marc-André Rioux) et moi sommes tous dans une jonction dans notre vie où nous écrivons du film d’auteur plutôt sérieux. Avec Prank, nous avions envie d’une grande respiration. C’est en ce sens qu’un film comme À l’ouest de Pluton a eu une certaine influence sur le film, dans sa qualité d’auteur, mais surtout dans sa volonté de légèreté.» Prank est l’histoire de Stefie, un adolescent dodu qui intègre une bande de jeunes nihilistes se filmant en exécutant des coups pendables de type Jackass. Le film s’intéresse à l’âge ingrat et possède une véritable écriture dramatique, ne se contentant pas bêtement d’une succession de sketchs. «La transition entre l’enfance et l’adolescence est un moment marquant pour n’importe quelle culture. D’emblée, c’est l’idée qui s’est imposée à moi. Un film comme Ratcatcher de Lynne Ramsay ou encore un premier film comme Les 400 coups de Truffaut traite exactement de cet état transitoire. Comme premier film, j’assume le fait d’avoir traité de cet état transitoire.» Assurément un film original qui sort le Québec de son habituel héroïsme noir. Maudite poutine Premier long métrage de l’artiste et cinéaste expérimental Karl Lemieux, qui s’est fait connaître pour ses manipulations de pellicule au sein de l’ensemble
musical apocalyptique GYBE!, Maudite poutine pose son regard sur le territoire d’enfance du cinéaste près de Kingsey Falls, en plein cœur d’une région à haute teneur en THC. «Le film est une fiction, dit le cinéaste, et il tente de rendre compte de l’énergie particulière qui régnait alors chez moi. Il y avait beaucoup de groupes de musique, les gens travaillaient presque tous dans des usines, et à travers tout cela, la drogue occupait aussi une certaine place, la drogue et les organisations criminelles.» Le film raconte la relation tendue entre Vincent (Jean-Simon Leduc) et son frère aîné toxicomane Michel (Martin Dubreuil), alors que Vincent doit rembourser un membre de la pègre locale (redoutable Robin Aubert) pour un vol. Le film est un prétexte pour explorer la relation trouble des deux frères et ce qui agite Vincent entre la shop, le local de répétition et la rencontre fugace d’une possible amoureuse.
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Filmé en 16mm et en noir et blanc, avec un amour évident pour la lumière, la contemplation sourde des paysages et de la machinerie industrielle, ce premier long métrage s’inscrit en accord avec une filmographie québécoise riche de perdants magnifiques qui gardent en eux de fabuleux élans poétiques. Un film au pari formel audacieux et à l’énergie brute et sans concession.
Pour une carrière...
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Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau Le deuxième film de Mathieu Denis et Simon Lavoie arrive six ans après le choc Laurentie. Ce deuxième effort conjoint met en scène quatre activistes dans un Montréal actuel. Ils vivent pour la révolution et sont engagés dans des actions radicales. Ceux qui font les révolutions... est un film total qui utilise les codes du théâtre, de la littérature, de la performance, qui insère des archives du printemps érable et qui se veut un pavé dans la mare de la quiétude libérale et endormie de la Belle Province. Joints alors qu’ils étaient à quelques heures de présenter leur film en première au TIFF, ils nous ont aidés à décoder un brin leurs intentions. «C’est un film qui s’intéresse au sort des engagés du printemps 2012», nous dit Simon Lavoie. «Ceux qui ont cru au grand soir et ont investi tout leur être dans ces quelques mois de soulèvement. Que sontils devenus?» Le projet est porté par une volonté de tout dérégler, comme une véritable œuvre d’art. «Ce n’est pas un film qui a été créé pour être aimé ou plaisant», de conclure Simon Lavoie. Une véritable entreprise de déconstruction identitaire et de réappropriation par l’art. Mes nuits feront écho On a aussi hâte de voir le premier long métrage de Sophie Goyette. La réalisatrice a déjà eu mille vies et est auteure d’une filmographie de cinq courts métrages avec des parcours internationaux exemplaires. Elle qui s’est fait connaître pour son esthétique confidentielle et tout en douceur propose, avec Mes nuits feront écho, un film en trois mouvements, en trois personnages et en trois lieux. Au Québec, au Mexique et en Asie, Éliane (Éliane Préfontaine), Romes (Gerardo Trejoluna) et son père Pablo (Felipe Casanova) posent tous des gestes concrets pour la suite des choses.
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«J’ai tenté de me tenir loin de tout exotisme dans ce film. Je tenais à faire voyager le spectateur d’une autre façon que par une imagerie de carte postale. Je leur offre peutêtre la possibilité d’un voyage intérieur en partageant avec eux certaines émotions.»
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Un voyage que l’on espère plein de rêveries et qui redonnera à la salle de cinéma son plein pouvoir évocateur. y
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normand baiLLarGeon PRISE DE TÊTE
maLaise dans La conversation démocratique Vous l’avez peut-être noté: une nouvelle expression est apparue cet été, celle d’«ère postfactuelle», dans laquelle nous serions entrés. Elle a fait mouche et pour cette raison s’est vite répandue.
n’est ni le mensonge usuel ni non plus l’art de dire des conneries (on a traduit son livre en France sous ce titre), mais plutôt ce qu’on a envie d’appeler le baratin, le boniment, la poutine.
Ce qu’on désigne par là, c’est un certain état de la conversation démocratique dans lequel nous nous retrouverions et qui serait caractérisé par ceci que les faits, et partant la vérité, n’ont plus guère d’importance, voire plus du tout. L’hypothèse est en effet plausible et elle est extrêmement troublante.
La possibilité de clairement distinguer le mensonge (ce qui manifeste tout de même une certaine préoccupation pour la vérité, ne serait-ce que pour l’occulter) du baratin a fait et continuera de faire couler de l’encre.
Bienvenue dans l’ère postfactuelle La campagne de Donald Trump est souvent donnée en exemple: le candidat républicain peut en effet, semble-t-il, lancer une chose un jour et le lendemain son contraire, sans souci aucun ni pour la vérité ni même, ce qui est navrant, pour le souci de la vérité que pourrait éventuellement avoir son auditoire. La campagne pour ou contre le Brexit aurait donné un autre exemple notoire de ce qui rend notre époque postfactuelle. Comme c’est souvent le cas, un philosophe avait pressenti tout cela. En 1986, Harry Frankfurt a en effet publié un article qui, repris en livre, deviendra un best-seller en 2005, sous le titre Bullshit. En gros, ce qui caractérise la bullshit, dit Frankfurt, comme l’ère postfactuelle, ce
Mais quoi qu’il en soit, il me semble que cette idée que la vérité et les faits ne soient plus tellement importants met le doigt sur quelque chose qui décrit bien notre époque. Mais je dois aussitôt ajouter que ce quelque chose n’est pas non plus entièrement nouveau. Une tendance lourde… Prenez le cas tout récent de cet Office national de l’énergie, sorte de tribunal consultatif supposément impartial: les trois commissaires qui dirigeaient le comité d’audience sur le projet énergétique Énergie Est de TransCanada se sont, comme on sait, récusés, après que les partis-pris évidents de deux d’entre eux pour le projet de pipeline eurent été dévoilés – et après avoir vigoureusement nié les faits qui les révélaient, comme cette rencontre avec Jean Charest, qui était alors rémunéré par le promoteur du projet en tant que consultant.
Ce qui se mettait alors en place et qui se serait poursuivi sans les dénonciations de ces commissaires, c’est une volonté de donner l’apparence de la recherche de la vérité et de la réunion impartiale des faits, alors qu’on a d’avance décidé de la conclusion à laquelle on aboutira. Pour y arriver, on baratine, et si on baratine, c’est parce que l’on procède à l’envers d’une démarche objective et impartiale, où on réunit d’abord les faits et les arguments, avant de proposer une conclusion. Or il existe depuis longtemps, dans nos sociétés, des institutions qui se consacrent précisément à cet exercice, qu’on appelle pudiquement de relation publique, de publicité ou de communication. Le client, qui a les moyens de se payer ce service, indique la conclusion à laquelle il veut qu’un public ciblé arrive; le fournisseur de service baratine dans le but de lui faire admettre cette conclusion, sans se soucier de savoir si elle est vraie ou non et en mobilisant les faits et les arguments qui lui donneront l’apparence de la vérité. ... mais présentant des traits inédits… Je ne veux pas non plus nier que ce que nous vivons a aussi quelque chose de particulier. J’en donnerai simplement quelques aspects, qui me paraissent frappants et préoccupants.
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Dâ&#x20AC;&#x2122;abord, ce dĂŠclin de lâ&#x20AC;&#x2122;importance des faits et de la vĂŠritĂŠ semble bien se gĂŠnĂŠraliser et mĂŞme ĂŞtre acceptĂŠ; il apparaĂŽt plus ou moins comme dans lâ&#x20AC;&#x2122;ordre des choses. Il en rĂŠsulte une sorte de cynisme paralysant dans lequel il nâ&#x20AC;&#x2122;est pas interdit de reconnaĂŽtre quelque chose de ce relativisme postmoderne qui a sĂŠvi dans les universitĂŠs il y a deux ou trois dĂŠcennies. Et si les faits (allĂŠguĂŠs) et la vĂŠritĂŠ (supposĂŠe) peuvent ĂŞtre dĂŠrangeants, on peut sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠpargner de se confronter avec eux en restant avec ceux qui pensent comme nous. Il y a bien, hĂŠlas, quelque chose de cela dans ces refus de dĂŠbattre qui affligent jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă lâ&#x20AC;&#x2122;universitĂŠ actuelle. Un autre aspect de cette ère postfactuelle concerne ce que jâ&#x20AC;&#x2122;appellerais lâ&#x20AC;&#x2122;instantanĂŠitĂŠ sollicitĂŠe des rĂŠactions, qui est entretenue par les nouveaux mĂŠdias et le web 2.0. Entre les faits (si tant est quâ&#x20AC;&#x2122;il y en ait encore) et la conviction, il y a ce moment de
prise Ă distance, de rĂŠflexion, que justement lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcole doit instituer chez lâ&#x20AC;&#x2122;enfant. Mais lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtape est allègrement franchie, mĂŞme par des adultes, quand, sous la surabondance des informations, on est sans cesse invitĂŠ Ă cliquer, Ă liker, Ă tweeter, Ă partager ou Ă commenter. Un mot nouveau est dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs apparu, qui veut cerner une partie du phĂŠnomène: la ÂŤvirocratieÂť, le pouvoir de ce qui devient viral. Ce sont alors les sentiments et les ĂŠmotions qui prennent le pas, et il me semble voir ici une part de ce qui explique ces postures morales, assurĂŠes, indĂŠfectibles, dans lesquelles on veut se poser et ĂŞtre reconnu, et au nom desquelles on fustige ceux et celles qui nâ&#x20AC;&#x2122;adoptent prĂŠsumĂŠment pas les mĂŞmes que nous. Tout cela parfois tient non seulement dĂŠsormais lieu de dĂŠbat, mais finit par lâ&#x20AC;&#x2122;interdire, dans une atmosphère viciĂŠe oĂš grandit ce qui ressemble de plus en plus Ă des ĂŠchanges dâ&#x20AC;&#x2122;ad hominem sur les stĂŠroĂŻdes.
â&#x20AC;Ś et inquiĂŠtants Jâ&#x20AC;&#x2122;aimerais me tromper. Parce que la conversation dĂŠmocratique mĂŠrite infiniment mieux. Parce quâ&#x20AC;&#x2122;elle se nourrit du choc des idĂŠes. Parce quâ&#x20AC;&#x2122;aucun sujet ne devrait y ĂŞtre tabou. Parce quâ&#x20AC;&#x2122;on nâ&#x20AC;&#x2122;avance pas si on se contente de se poser comme moralement supĂŠrieur ou en insultant les gens. Parce que nos idĂŠes sont plus solides de sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre confrontĂŠes Ă qui les conteste. Et pour finir, il est bon de rappeler quâ&#x20AC;&#x2122;une montre arrĂŞtĂŠe indique tout de mĂŞme lâ&#x20AC;&#x2122;heure juste deux fois par jour. Ainsi, [insĂŠrez ici le nom de votre commentateur honni] pourrait, qui sait, dĂŠtenir une part de vĂŠritĂŠ. y
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52 ART DE VIVRE VOIR MTL
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À LA DÉCOUVERTE DES LÉGUMES DES MERS LES EAUX GASPÉSIENNES REGORGENT DE TRÉSORS QUI FINISSENT DANS NOS ASSIETTES. PARMI EUX, LES POISSONS ET LES CRUSTACÉS, MAIS AUSSI LES ALGUES, QUI GAGNENT EN POPULARITÉ GRÂCE À LEURS QUALITÉS NUTRITIONNELLES. EN PLUS D’EN DÉFENDRE LEURS BIENFAITS, LEURS ADEPTES EN PROFITENT POUR REVENDIQUER LA RICHESSE DU TERROIR QUÉBÉCOIS. MOTS | DELPHINE JUNG
Au large du Saint-Laurent, il traîne son panier derrière lui et plonge ses mains dans les eaux gaspésiennes à la recherche de légumes des mers: les algues. Stéphane Albert est cueilleur d’algues depuis 2014, et sa forêt à lui, c’est le fleuve. Il n’hésite d’ailleurs pas à dire que son lieu de travail, c’est «la plus belle place au monde». De mai à octobre, il enfile sa combinaison de plongée dès la marée basse et coupe du wakamé atlantique, du kombu, de la dulse ou encore du nori. Des algues essentiellement consommées au Japon et que Stéphane Albert cueille avec parcimonie. «Je ne prends pas toutes les algues que je trouve, j’en laisse toujours un peu pour ne pas abîmer la canopée marine», précise-til. Une fois son panier plein, il accroche les algues dans un séchoir qu’il a fabriqué lui-même à Capau-Renard. «Je ne les rince pas à l’eau claire mais dans le fleuve, sinon ça enlèverait tous leurs bons nutriments, puis elles vont sécher en 24 heures environ si les conditions sont bonnes...» Ce qui est sur le rivage y reste. «Je veux de la fraîcheur. Les algues qui sont échouées sur les plages, je ne sais pas depuis combien de temps elles sont là», explique Stéphane, qui aime se faire appeler le «paysan des mers». Une fois qu’elles sont séchées, Stéphane Albert va mettre les algues en sachet et les vendre un peu partout au Québec. Par exemple à la boutique Accommodation bio de Québec, qui propose différentes sortes d’algues. «Il y a un
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intérêt grandissant pour ces aliments, car les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux questions nutritionnelles et à la santé. Ils veulent manger des choses de moins en moins transformées», assure Naïm Savoie, le gérant de la boutique. «L’intérêt pour les algues vient de l’engouement pour les sushis, mais aussi parce qu’elles font partie des aliments santé», théorise pour sa part Éric Tamigneaux, titulaire d’une chaire de recherche industrielle sur les macroalgues marines au Cégep de la Gaspésie et des Îles. «Une vraie ressource renouvelable» En effet, leurs propriétés semblent intéressantes. «Les algues sont riches en minéraux, 100 grammes de certaines variétés contiennent plus de calcium que le lait, d’autres contiennent beaucoup de B12, de fer et même de protéines. Elles sont un excellent aliment de substitution pour ceux qui suivent un régime végétarien par exemple», poursuit le chercheur. Naïm Savoie ajoute qu’elles sont une source de sodium naturel. Quant à Stéphane Albert, le côté terroir des algues serait selon lui aussi déterminant. Pourtant, il n’est pas facile de convaincre les consommateurs occidentaux. «Le seul contact qu’ils ont longtemps eu avec les algues, c’est avec celles échouées sur la plage, en train de pourrir, recouvertes de mouches», avance Éric Tamigneaux. La plupart des gens en consomment pourtant sans
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BONNES Ã&#x20AC; EN TOMBER DANS LES POMMES !
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le savoir. «Des algues, on en trouve dans beaucoup de produits. Elles sont utilisées comme gélifiants, stabilisateurs ou épaississants. On les trouve aussi dans les produits cosmétiques, les peintures, et même les couches pour bébé», ajoute le chercheur. Les mentalités changent doucement, et aujourd’hui les algues se vendent entières, en flocons ou en poudre. Et pour Naïm Savoie, leur prix affiché qui peut sembler élevé ne doit pas refroidir les gourmets: «Il en faut en faible quantité pour en savourer le potentiel, alors je ne trouve pas que c’est un produit spécialement dispendieux.» Elles ont même réussi à trouver leur place dans les cuisines des chefs, comme le confirme Pierre-Olivier Ferry, du restaurant des Jardins de Métis, en Gaspésie: «Le Saint-Laurent est un peu une extension de nos jardins, alors pourquoi ne pas profiter des légumes qui y poussent en abondance? C’est une vraie ressource renouvelable.» Depuis quelque temps, il cuisine donc wakamé atlantique, kombu royal, dulse ou encore laitue de mer. Ressource en danger «Pour ceux qui veulent les découvrir, je leur conseille d’en faire des bouillons. C’est très facile et goûteux», indique-t-il. La dulse devient chips entre ses mains professionnelles, le wakamé est servi en salade, la laitue est même poêlée et un beurre d’algues accompagne ses crevettes. «Au début ce n’est pas facile, car ce ne sont pas des ingrédients que l’on a l’habitude de cuisiner, admet le chef. On n’est pas familier avec le temps de cuisson, il faut faire des tests, oser... Le plus simple, c’est de les utiliser séchées.» Et le goût? «La laitue goûte la mer, c’est comme une bouffée d’air sur le bord du fleuve. Le kombu, lui, est plus sucré. Le wakamé a un goût très doux et plus végétal que minéral», explique Stéphane Albert. Mais cette ressource est en danger. «La première grosse menace est la prolifération d’oursins dans les eaux du Saint-Laurent, un des impacts de la surpêche. Les oursins sont des gros consommateurs d’algues, ils broutent tout sur leur passage, laissant des rochers nus. Pendant deux ou trois ans, aucune algue ne repoussera là-dessus», détaille Éric Tamigneaux. Le réchauffement climatique risque également d’entraîner leur migration vers le Nord, d’après le chercheur. «Elles laisseront alors leur place aux algues d’eaux chaudes», conclut-il. Stéphane Albert milite également contre la construction du pipeline: «Les projets pétroliers constituent une menace directe pour notre écosystème, et donc pour notre garde-manger. Les risques de fuite des pipelines qui passeraient par la région sont énormes». Car pour les défenseurs des algues du Saint-Laurent, le travail de l’identité culinaire du Québec passe aussi par la défense de son environnement. y
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MAISON MODÈLE RÉDUIT SI AU DÉBUT DU MOUVEMENT DES MINI-MAISONS LES ADEPTES ÉTAIENT SURTOUT DES JEUNES CHERCHANT UNE SOLUTION MOINS COÛTEUSE AU LOGEMENT TRADITIONNEL TOUT EN RÊVANT DE MOBILITÉ, LA TENDANCE EST AUJOURD’HUI AUX MINUSCULES INTÉRIEURS DE LUXE ET ÉCOLO-ÉPURÉS, DONT LE COÛT DÉPASSE PARFOIS LES 100 000$... MOTS | MARIE PÂRIS
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On en entend de plus en plus parler depuis un an ou deux, mais la vague des mini-maisons a commencé au début des années 2000. D’abord avec ces habitations de 800 à 1000pi2, puis avec les micromaisons, de 400pi2 et moins, sans fondation et installées sur roues. Des habitations attirantes pour différentes raisons, dont celle surtout de l’atout financier. «Ce type d’habitation est né aux ÉtatsUnis pour pallier l’offre de logements très restreinte et chère», explique Samuel Leroux, cofondateur de l’entreprise de conception de micro-maisons Concept Tiny inc. «Ça vient d’un désir populaire de se libérer des lourdes hypothèques; une micro-maison coûte le tiers d’une maison traditionnelle et se revend facilement avec peu ou pas de perte de valeur.» En outre, cette option permet de se libérer des taxes municipales tout en diminuant les frais d’habitation. Les micro-maisons peuvent être hors grille (indépendantes du réseau électrique et d’aqueduc), ce qui constitue leur autre avantage: la mobilité. «C’est comme une transition vers un mode de vie nomade, pour expérimenter les voyages tout en restant chez soi», indique Samuel. «C’est un investissement permettant de voyager à faible coût…» La demande est énorme aux États-Unis, notamment dans l’Ouest. Les gens ne font pas que voyager avec leur micromaison: ils en font souvent leur habitation principale. Si les lois américaines sont plus permissives en la matière, au Canada on peut stationner un véhicule d’habitation mais pas y vivre. «Certaines personnes profitent malgré tout du vide juridique et mettent leur véhicule sur briques pour pouvoir y habiter», raconte Samuel. «C’est très surveillé à Montréal, mais dès qu’on sort de la ville c’est un peu le free-for-all!»
Freiner le consumérisme Plusieurs PME canadiennes se sont lancées récemment sur le marché des mini et micro-maisons, tandis que de plus gros manufacturiers de l’habitation comme Laprise, Confort Design ou Pro-Fab se sont mis à la page en lançant des collections de minimaisons. «Le mouvement a commencé au Québec il y a six ou sept ans», raconte Robert Yelle, l’organisateur du salon Expo Habitation. «Mais il y a quatre ans encore, aucune municipalité n’acceptait les micro-maisons. Ç’a démarré à Lantier avec un projet de quartier, puis quelques municipalités en Estrie ont suivi. Et je pense qu’il va y en avoir de plus en plus…» Depuis deux ans, l’Expo Habitation compte un village de mini-maisons, qui s’avère être un gros succès, selon l’organisateur: «On se rend compte qu’on répond à un besoin.» Un besoin qui, s’il concernait auparavant surtout les baby-boomers nomades, s’étend à une population de plus en plus jeune et variée. Les mini ou micro-maisons représentent pour les jeunes familles un pied-à-terre en campagne accessible, et un espace suffisant et pas cher pour habiter quand on vit seul – les célibataires représentant notamment 30% des locataires à Montréal. Et puis surtout, le réduit est à la mode. On sort de plus en plus, on mange dehors, les familles sont plus petites… Alors pourquoi investir un grand espace? La taille ne compte plus. «C’est une tendance qu’on voit même sur le marché des condos à Montréal: on veut des habitations plus petites», souligne Robert Yelle. Lean is better, small is beautiful, comme disent les anglais.
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Les terrasses rétractables, sofas extensibles ou douches étirables sont donc tendance, comme l’a bien compris Concept Tiny inc. Inspirée des appartements transformables, où une pièce unique sert à tout, la micro-maison proposée par l’entreprise fait 8 pieds de largeur pour 12 de longueur seulement, mais on peut y vivre à 4 personnes: la table se sort et se range en un clic, de même que les couchages ou les placards. «Ça s’inscrit aussi dans la volonté actuelle de limiter le nombre d’objets qu’on a, de freiner le consumérisme…» explique Samuel Leroux. Freiner le consumérisme, et aussi être plus écolo, voilà ce que prônent les nouveaux adeptes de l’habitat réduit. Luxe, calme et volupté Les mini et micro-maisons consomment en effet moins d’énergie qu’une maison traditionnelle. Chez Concept Tiny inc, tous les appareils sont limités au minimum de wattage et alimentés par un panneau solaire, les toilettes sont au compost, et la maison est suffisamment isolée pour permettre à ses habitants d’y vivre toute l’année au Québec, jusqu’à -40°C. «On démontre le savoir-faire québécois dans du haut de gamme», commente
Samuel. Car quitte à laisser tomber quelques pieds carrés, les acheteurs ne lésinent pas sur la qualité… ni sur le prix. Si la structure de base de la micromaison ne coûte que 20 000$, certains modèles vont jusqu’à 100 000$, avec parfois laveuse, sécheuse ou lave-vaisselle intégrés. «Ce n’est plus juste une caravane», souligne l’entrepreneur. «On peut être bien dedans, cuisiner à l’intérieur... Les micromaisons s’installent aussi dans certains campings, remplaçant les chalets.» Concept Tiny inc. propose des habitations personnalisées, entre appartements transformables et luxe des intérieurs d’avion privé. Cette idée a germé dans la tête du cofondateur, un ébéniste de métier, après avoir travaillé pour une entreprise réalisant des intérieurs d’avion. Résultat: des finitions parfaites, du bois haut de gamme, et des matériaux de qualité permettant une vraie durabilité. Parce que «les clients veulent aussi le minimum d’entretien», ajoute Robert Yelle. «Ils souhaitent apprécier plus les moments passés en vacances ou à la campagne, sans passer du temps à entretenir leur logement.» Bref, aujourd’hui le luxe n’est pas d’avoir de l’espace, mais d’être mobile. Et avec élégance, s’il vous plaît. y
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EN AS-TU VRAIMENT BESOIN? SÉRIEUSEMENT? MOTS | FRANCO NUOVO
N’eût été une rencontre fortuite à La soirée est encore jeune!, jamais au grand jamais je n’aurais lu le livre de Pierre-Yves McSween, comptable professionnel agréé et chroniqueur affaires et économie au 98,5. Jamais. Pas seulement parce que ce genre d’essai me laisse froid et m’ennuie, mais surtout parce que ce prof d’administration à l’allure juvénile baigne dans un moralisme et une cohérence de gestionnaire; en fait, un peu ce que je déteste. Dans son bouquin En as-tu vraiment besoin?, McSween scrute la vie et ses facettes dans la lorgnette du «besoin». Il assoit son raisonnement sur «la spirale de l’endettement» qui un jour nous empêche de dormir, «les échecs financiers», «la détresse économique», «la précarité», «l’absence de marge de manœuvre qui nous condamne à la chaise du crédit». Sa méthode est alarmiste et affolante. McSween réduit les élans de l’homme faillible à un simple calcul matériel. Désolant. Or la vie c’est beau. Beau dans sa futilité. Beau dans ses excès, dans ses passions, dans sa démesure, dans ses rêves, dans sa création, dans ses aspirations, dans sa déraison, dans sa folie. Beau même quand elle échappe à toute logique, en fait surtout beau quand elle échappe à toute logique. Beau quand elle va au-delà du calcul. Magnifique dans ses failles et son humanité. Je ne dis pas que certains de ses conseils ne sont pas pertinents. Il brandit par exemple le spectre des avances de fonds, de l’influence d’autrui. Il avance quelques bons conseils de négociation et nous demande si on a vraiment besoin d’une faillite. Comme si on allait répondre oui. Non, le problème, c’est que dans son œil, la joie se calcule en dollar payé ou économisé. Du coup, dans son schème le plaisir n’a pas sa place, la satisfaction non plus, surtout quand elle échappe à la logique. Il reproche aux marques de vendre du rêve. Et alors? C’est important le rêve, nécessaire, essentiel. Dans la spirale de la consommation entre aussi en ligne de compte une délectation. Ben oui, dites-moi, pourquoi porter un manteau d’hiver neuf quand notre vieil anorak de 2003 fait encore la job? Pourquoi? C’est vrai, avec un raisonnement pareil, on pourrait encore porter des tuniques.
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Ce qui ĂŠchappe aussi Ă McSween, câ&#x20AC;&#x2122;est la notion de beautĂŠ et sa quĂŞte. BeautĂŠ qui nâ&#x20AC;&#x2122;est pas la mĂŞme pour tous, jâ&#x20AC;&#x2122;en conviens. Or tout nâ&#x20AC;&#x2122;est pas que simplicitĂŠ volontaire. Lâ&#x20AC;&#x2122;esthĂŠtisme, la finesse, le raffinement ĂŠlèvent lâ&#x20AC;&#x2122;âme. Le calcul nâ&#x20AC;&#x2122;a rien Ă voir lĂ -dedans. Quâ&#x20AC;&#x2122;on nâ&#x20AC;&#x2122;ait pas les moyens de se payer un Riopelle nâ&#x20AC;&#x2122;enlève rien au fait quâ&#x20AC;&#x2122;il est ĂŠdifiant de le regarder. Et si lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmotion quâ&#x20AC;&#x2122;il provoque justifie le besoin de se le procurer, on peut aussi sâ&#x20AC;&#x2122;endetter et lâ&#x20AC;&#x2122;acquĂŠrir. Bien sĂťr, ce nâ&#x20AC;&#x2122;est pas donnĂŠ Ă tous. Avec des En as-tu vraiment besoin?, il nâ&#x20AC;&#x2122;y aurait pas de Pièta, pas de David, pas de Joconde, pas de Vatican, pas de ColisĂŠe, pas de tour Eiffel, pas de Louvre, pas de Champs Ă&#x2030;lysĂŠe, pas dâ&#x20AC;&#x2122;Arc de Triomphe. Ni lâ&#x20AC;&#x2122;Italie ni la France nâ&#x20AC;&#x2122;existeraient, lâ&#x20AC;&#x2122;art non plus. Parce que ces beautĂŠs ne rĂŠpondent pas Ă un calcul ĂŠconomique. Le besoin nâ&#x20AC;&#x2122;est pas financier.
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McSween sâ&#x20AC;&#x2122;en prend aussi aux voitures. Bien sĂťr quâ&#x20AC;&#x2122;on nâ&#x20AC;&#x2122;a pas vraiment besoin dâ&#x20AC;&#x2122;une automobile neuve. Tout le monde sait que lâ&#x20AC;&#x2122;auto nâ&#x20AC;&#x2122;est pas un investissement. Or on peut ressentir une jouissance devant lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠlĂŠgance dâ&#x20AC;&#x2122;une ligne ou la performance dâ&#x20AC;&#x2122;un moteur. MĂŞme chose pour la mode, les vĂŞtements, les chaussures. Notre comptable qui, jâ&#x20AC;&#x2122;en suis certain, nâ&#x20AC;&#x2122;est pas vraiment toujours sĂŠrieux arrive mĂŞme Ă rabaisser lâ&#x20AC;&#x2122;amour Ă un bien qui sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvalue en niveau dâ&#x20AC;&#x2122;endettement et les enfants Ă un budget. Et pourquoi se marier? En a-t-on vraiment besoin? Cynique Ă souhait, McSween rĂŠduit les symboles de lâ&#x20AC;&#x2122;union Ă un renouvellement de prĂŞt hypothĂŠcaire. Ben non, on nâ&#x20AC;&#x2122;est pas obligĂŠ de se marier. Il nâ&#x20AC;&#x2122;est pas nĂŠcessaire de faire des mariages Ă lâ&#x20AC;&#x2122;italienne, mais il peut y avoir aussi quelque chose de beau dans le mariage. Comment nier le besoin quâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠprouvent certains amants dĂŠsireux de consacrer leur amour? Et le voyage aussi, il en parle. En as-tu vraiment besoin, demande-t-il? Oui, justement! Parce quâ&#x20AC;&#x2122;il ouvre les esprits, fait dĂŠcouvrir les cultures ĂŠtrangères, dresse un mur contre le racisme et la xĂŠnophobie, ĂŠvite lâ&#x20AC;&#x2122;enfermement et lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtouffement. Ce nâ&#x20AC;&#x2122;est pas, comme il le prĂŠtend, une dĂŠpense au mĂŞme titre quâ&#x20AC;&#x2122;un spa dans la cour. Je ne sais pas jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă quel point Pierre-Yves McSween est sĂŠrieux. Sâ&#x20AC;&#x2122;il provoque pour jouer. Mais dans cet ouvrage dĂŠprimant, tout nâ&#x20AC;&#x2122;est que calcul, valorisation sociale et fric. Jâ&#x20AC;&#x2122;espère quâ&#x20AC;&#x2122;il est heureux et pas seulement calculateur. Quant Ă moi, la vie quâ&#x20AC;&#x2122;il prĂ´ne, je nâ&#x20AC;&#x2122;en veux guère. Tout ça pour vous dire que ce bouquin manque de poĂŠsie, de dĂŠlectation, de bien-ĂŞtre, de voluptĂŠ, de bonheur, de ravissement, dâ&#x20AC;&#x2122;allĂŠgresse, voire dâ&#x20AC;&#x2122;euphorie. La vie nâ&#x20AC;&#x2122;est pas une calculatrice. La vie, câ&#x20AC;&#x2122;est un cĹ&#x201C;ur qui bat. y N.D.L.R. Suite Ă la lecture du texte de Franco Nuovo, notre collaborateur Pierre-Yves McSween a souhaitĂŠ lui adresser un court message que nous transcrivons ici. ÂŤCher collègue, jâ&#x20AC;&#x2122;aurais aimĂŠ que tous les QuĂŠbĂŠcois aient les moyens de vivre cette vie de cigale dont vous parlez. Malheureusement, ne pas avoir Ă compter est le privilège dâ&#x20AC;&#x2122;une minoritĂŠ. Sans rancune.Âť â&#x20AC;&#x201D; Pierre-Yves ÂŤCalculatriceÂť McSween
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MA TÊTE EST FORTE DE CELLE QUI DANSE MARTINE AUDET Éditions du Noroît, 2016, 104 pages Avec plus d’une dizaine de recueils de poésie à son actif, Martine Audet a déjà fait ses marques dans le paysage littéraire québécois. Celle qui nous avait récemment démontré son talent dans le travail de concision avec Tête première dos contre dos et Des voix stridentes ou rompues revient ici avec une prose plus ample, plus dense. Dans Ma tête est forte de celle qui danse, c’est le domaine du possible qui s’ouvre à l’écrivaine, c’est elle qui sonde les terrains de jeu immuables que sont l’autre et le langage. Accompagné des dessins d’Élise Palardy, on plonge dès la première lecture – car oui, il y en aura d’autres – dans un univers à la fois sensuel et rationnel, où lentement le temps se fige et les saisons passent. «Plusieurs fois mon visage emprunte au désir. Plusieurs fois les vents emportent la saison.» Dans ce recueil où les roses se logent dans le bas du dos, c’est dans une chaleur incroyablement intime que l’auteure nous convie. Au détour de vers d’Audet, c’est l’origine du monde qui prend forme. «Je peux l’enfance et les constellations, l’origine des gestes avant la béance malgré l’air froid et pour un seul rayon.» C’est dans cette danse qu’elle nous amène, tant avec lenteur qu’avec certitude. Elle joue sur le rythme des possibilités et des désirs, comme autant de façons de créer celle qui danse. Reste que jamais Martine Audet n’hésite à interroger le poème, comme s’il était à jamais fuyant, métaphysique. «Quelque chose sans cesse déclenche la phrase. Quelque chose sans cesse refait les ciels.» À chaque nouveau recueil, c’est à la fois une confirmation du talent de l’écrivaine et une découverte d’un nouveau jalon dans l’œuvre vaste qu’est celle de l’auteure. Sous des airs d’une simplicité parfois criante se cache toujours un travail d’orfèvrerie sur le vocabulaire et la syntaxe pour calibrer la puissance d’évocation. Ici, la retenue est souvent mère d’émerveillement. «Qu’importe puisque je peux les arbres au loin, les glaces en moi, l’exil des jeunes filles avant la fin.» Ma tête est forte de celle qui danse est un recueil d’une immense cohérence dans l’œuvre de Martine Audet tout en étant une excellente porte d’entrée pour quiconque est avide d’adoration. (Jérémy Laniel)
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NU DANS TON BAIN FACE À L’ABÎME LARS IYER Éditions Allia, 2016, 48 pages Combien de fois le roman, tout comme la littérature, fut-il déclaré mort? À combien de reprises avons-nous été appelés à la morgue culturelle pour l’identifier? Pourtant, malgré ces fausses funérailles, la littérature a démontré une grande résilience. Et comme un phénix, elle ne cesse de renaître de ses cendres. Lars Iyer, romancier et essayiste britannique, publie cet automne Nu dans ton bain face à l’abîme: Un manifeste littéraire après la fin des manifestes et de la littérature aux éditions Allia. Dans ce court texte tenant en une quarantaine de pages, il joint sa voix aux prophètes de malheur, rédigeant sa propre chronique nécrologique pour une littérature qui fut jadis essentielle. Dans ce manifeste séparé en trois parties, il évoque d’abord la vie et la mort de la littérature à la manière d’une fable, posant l’écrivain comme un ermite de montagne s’étant peu à peu rapproché du village avant de s’y engloutir et de devenir un expert en publicité. Difficile de ne pas lire ce rapide constat sourire en coin. Où il devient plus intéressant, c’est lorsqu’il convoque des auteurs contemporains, en l’occurrence le Chilien Roberto Bolaño, l’Espagnol Enrique Vila-Matas et l’Autrichien Thomas Bernhard, comme les «quelques rares écrivains [qui] ont saisi la sinistre nature de notre moment littéraire actuel». À travers une brève mais cinglante analyse de trois romans, il démontre l’importance de ces écrivains de la négation qui se jouent d’une certaine façon des codes littéraires tout autant qu’ils critiquent le blason jadis doré de la littérature. Iyer n’hésite pas à souligner le paradoxe inhérent à l’œuvre de ses contemporains, celui de décrier une littérature dans laquelle eux-mêmes s’inscrivent. Lors de sa parution, ce manifeste a fait grand bruit. Plusieurs sont montés aux barricades pour défendre cette littérature tout comme pour déboulonner l’essai d’Iyer, n’hésitant pas à souligner à quel point on se vautre trop souvent et facilement dans un cynisme confortable. Il n’en reste pas moins que ces essais, aussi prophétiques qu’ils puissent paraître, agissent régulièrement comme des catalyseurs, polarisant les camps et créant un dialogue sur l’état de notre littérature. On peut clairement mettre l’essai d’Iyer dans cette lignée, confortant un défaitisme ambiant tout en poussant le lecteur à réfléchir sur l’acte littéraire contemporain et créant ainsi le genre de bouquin auquel on cornera quelques pages, sans jamais le laisser bien loin. (Jérémy Laniel)
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8, RUE SAINT-ANTOINE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4C9 SAINT-ANTOINE.COM 418 692-2211
63 ARTS VISUELS VOIR MTL
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INTIMITÉ VIRTUELLE VISIONNAIRE ET AMBITIEUSE, BJÖRK SE RÉINVENTE AVEC L’EXPO IMMERSIVE BJÖRK DIGITAL, QUI S’INSTALLE À MONTRÉAL DANS LE CADRE DE LA RED BULL MUSIC ACADEMY. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
L’innovation visuelle a toujours été au cœur de l’œuvre de Björk. Ses vidéoclips, réalisés par des cinéastes de marque comme Spike Jonze et Michel Gondry, ont d’ailleurs alimenté sa popularité à travers les décennies. Mais l’artiste islandaise voulait depuis longtemps aller au-delà du format standard. Fascinée par les nouvelles technologies, elle a entrepris la création d’une plateforme multidisciplinaire au tournant de la décennie actuelle. Libérée de tout contrat de disques, elle a accompagné la sortie de son septième album Biophilia (2011) d’une application. Sur cette dernière, chacune des 10 chansons de l’album était transformée en mini-jeu interactif dans lequel l’utilisateur pouvait interagir avec les sons. Acclamée, Biophilia est devenue, en 2014, la première application à être incorporée à la collection permanente du MoMA. C’est d’ailleurs à la demande du célèbre musée que Björk a créé la vidéo immersive Black Lake, rampe de lancement de son album suivant Vulnicura paru en 2015. Montrant la chanteuse se lancer dans une sombre cave volcanique islandaise, le film créé par le réalisateur émérite Andrew Thomas Huang a touché Paul Clay, producteur exécutif du Festival international de Manchester. «C’est une œuvre de 10 minutes vraiment puissante qui exprime avec une intensité rare la rédemption émotionnelle», explique le Britannique, joint par téléphone. C’est notamment lui qui a mis en place Björk Digital, de concert avec la chanteuse islandaise. En plus d’inclure la vidéo Black Lake, l’application Biophilia et une projection de tous les clips de l’artiste, l’édition
PHOTO | NICK KNIGHT
montréalaise de l’exposition itinérante (qui a préalablement pris place à Sydney, Tokyo et Londres) propose quatre autres expériences en réalité virtuelle (VR), en lien avec quatre chansons de Vulnicura. Sur la plage et dans la bouche On y retrouvera notamment Stonemilker, également réalisée par Huang. «C’est une œuvre en 360 degrés dans laquelle on voit Björk chanter en se promenant sur une plage. Les paysages sont magnifiques, et l’expérience est très intime. On a vraiment l’impression d’être avec elle sur le bord de l’eau», résume Clay. Dans un décor tout aussi dépaysant, Mouth Mantra propose un autre voyage exceptionnel. Élaborée par le talentueux Jesse Kanda, cette œuvre permet au public d’expérimenter les mouvements oraux de la chanteuse. «Des caméras ont été placées à l’intérieur de sa bouche lorsqu’elle chante», explique le producteur. «Ça donne quelque chose de fantastique, mais surtout de très intense.» Amputée de Notget, une performance montrant la chanteuse transformée en «papillon géant numérique», l’édition montréalaise de Björk Digital comprendra en revanche Quicksand, une spectaculaire prestation en 360 degrés filmée au musée Miraikan de Tokyo, et Family, une vidéo qui capte «le voyage métaphysique de la guérison d’une blessure au coeur». Présentée en avant-première internationale à Montréal, cette dernière oeuvre met en vedette le sublime avatar virtuel de la chanteuse.
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10.SEPT.2016
22.JANV.2017
F OCUS : P E R F E C T ION ROBERT MAPPLETHORPE « À ne manquer sous aucun prétexte. »
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« D’une beauté formelle exceptionnelle. »
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Une présentation de
Mécène de l'exposition
Avec le soutien de
Cette exposition est organisée par le Los Angeles County Museum of Art et le J. Paul Getty Museum, en collaboration avec la Robert Mapplethorpe Foundation et le Musée des beaux-arts de Montréal. L’exposition et sa tournée internationale bénéficient du soutien de la Terra Foundation for American Art. | Robert Mapplethorpe, Poppy [Coquelicot], 1988. Acquis conjointement par le J. Paul Getty Trust et le Los Angeles County Museum of Art ; don partiel de la Robert Mapplethorpe Foundation ; achat partiel à l’aide de fonds apportés par le J. Paul Getty Trust et la David Geffen Foundation. © Robert Mapplethorpe Foundation. Used by permission. | Le MBAM remercie le ministère de la Culture et des Communications du Québec pour son appui essentiel, de même que le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts du Canada pour leur soutien constant.
PHOTO | ANDREW THOMAS HUANG
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Fondatrice et directrice du Centre Phi, qui coordonne l’expo en collaboration avec DHC/ART Fondation pour l’art contemporain, Phoebe Greenberg est plus qu’enthousiaste à l’idée de recevoir cette exposition novatrice avant tout le monde en Amérique du Nord. «Au départ, des programmateurs de la Red Bull Music Academy nous ont proposé une conférence avec Björk. On aimait l’idée, mais on voulait élargir l’expérience», explique-t-elle. «Puisqu’on s’intéresse depuis longtemps à la réalité virtuelle au Centre Phi, on a décidé d’aller de l’avant avec Björk Digital.» Rassemblés par groupe de 25, les visiteurs déambuleront d’abord dans la portion réalité virtuelle, avant d’expérimenter l’application et de se mouvoir vers la salle de projection des vidéoclips. Repousser les limites Évidemment, une exposition d’une telle ampleur nécessite beaucoup de préparatifs. Le mois dernier, Phoebe Greenberg a d’ailleurs dû se rendre au Somerset House de Londres pour s’imaginer plus concrètement la forme que prendra l’expo au DHC/ART. Consciente du défi que l’installation nécessitera, la directrice se dit surtout impressionnée du résultat: «J’ai été très émue… Émue de voir comment elle était capable de s’exprimer et d’émouvoir avec une telle technologie. Je comprends pourquoi les réalisateurs et les metteurs en scène sont aussi excités de travailler avec elle.»
Durant une conférence de presse, toujours à Londres, Greenberg a même eu la chance de rencontrer Björk dans sa version virtuelle – la même qu’on verra à l’œuvre dans Family. «Son avatar était vraiment émouvant», raconte-t-elle, précisant que la chanteuse parlait et réagissait en temps réel à partir de son patelin islandais. «On a senti sa présence… J’étais très étonnée de voir qu’il était aussi réaliste.» Côtoyant régulièrement la «vraie» Björk, Paul Clay se dit encore et toujours ébloui par son esprit créatif: «Je trouve ça fascinant qu’elle soit constamment en train de repousser les limites de son art. En fait, elle est toujours à la recherche de nouvelles avenues pour se défier et défier son public. Avec Digital, elle explore des façons inédites de présenter son art. Ce que j’aime beaucoup, c’est qu’elle ne se préoccupe pas de savoir si ce sera un succès ou non. En tant que producteur, c’est un défi stimulant. Tout ce que j’ai à faire, c’est de la supporter à travers tout ce cheminement.» Après Montréal, l’exposition va s’arrêter à Houston, puis fort possiblement à Paris et Reykjavik. Dans un avenir plus ou moins rapproché, les trois autres chansons de Vulnicura (Lionsong, History of Touches et Atom Dance) bénéficieront elles aussi d’une œuvre en réalité virtuelle. Bref, Björk Digital n’en est encore qu’à ses balbutiements. y DHC/ART Fondation pour l’art contemporain Du 15 octobre au 12 novembre
NJIDEKA AKUNYILI CROSBY, THREAD (2015) ACRYLIQUE, FUSAIN, CRAYONS-PASTEL, CRAYONS DE COULEUR ET TRANSFERTS SUR PAPIER (131.98 CM X 131.98 CM) PHOTO | MAX YAWNEY, AVEC L’AIMABLE PERMISSION DE L’ARTISTE ET VICTORIA MIRO, LONDRES
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PROPULSION IMMINENTE DEUX ANS APRÈS SA REFONTE, LA BIENNALE DE MONTRÉAL ATTIRE PLUS QUE JAMAIS LES REGARDS INTERNATIONAUX ET PROPULSE AU GRAND JOUR LES ARTISTES DE DEMAIN. MOTS | JULIE LEDOUX
La directrice de la Biennale de Montréal, Sylvie Fortin, n’hésite pas lorsque vient le temps de tirer des leçons et des défis de l’édition 2014 de la BNLMTL. Les grands succès que la BNL a remportés à l’international ont comblé la directrice et l’ont encouragée à continuer sur cette lancée «parce qu’il y a toujours du territoire à conquérir». Autre défi dans sa mire: l’appropriation de la Biennale par le public montréalais. «Je me concentre très fort localement. Je conçois vraiment la plateforme comme on accueille le monde à Montréal.» Enfin, le modèle proposé par la BNLMTL s’avoue résolument différent de celui que l’on retrouve majoritairement dans les musées au Canada. Les coproductions internationales y sont au centre de la démarche, tout en priorisant le choix des projets et des artistes. La BNL opère ainsi un changement de paradigme artistique qui lui sied bien. D’où l’idée d’aller chercher le commissaire belge Philippe Pirotte, bien connu pour son travail de direction de la Staatliche Hochschule für Bildende Künste Städelschule et de Portikus à Francfort, qui a plongé avec enthousiasme dans le commissariat de la BNLMTL 2016, un premier travail de cette envergure pour celui qui a conçu la biennale à partir des richesses artistiques de Montréal et d’inspirations internationales. Un thème, des inspirations Si la BNLMTL 2016 porte un titre – Le Grand Balcon –, elle est aussi traversée par de multiples thèmes et sous-textes qui se renvoient la balle. Trois fortes inspirations ont mené la conception de la Biennale de Montréal. La pièce de Jean Genet Le Balcon, qui invite à réfléchir sur la contestation du pouvoir, le regard, le contrôle, la mise en scène des pouvoirs actuels, se retrouve parmi celles-ci, évoquant une fascination du commissaire – et de Genet – par l’idée de l’incarcération.
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MĂŠconnue des MontrĂŠalais, la Station-service de Mies van der Rohe, situĂŠe Ă Lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x17D;le-des-SĹ&#x201C;urs, fut elle aussi un point dâ&#x20AC;&#x2122;ancrage. Lâ&#x20AC;&#x2122;architecte allemand installĂŠ Ă Chicago Ludwig Mies van der Rohe a signĂŠ le design de cette station-service Ă la toute fin de sa carrière, en mĂŞme temps que la Neue Nationalgalerie de Berlin, et quelques annĂŠes après, la conception des tours du Westmount Square. La rĂŠfĂŠrence Ă la culture de lâ&#x20AC;&#x2122;automobile, fortement imprĂŠgnĂŠe en AmĂŠrique du Nord, et au matĂŠrialisme qui en dĂŠcoule, sâ&#x20AC;&#x2122;est alors imposĂŠe.
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MĂŞme son de cloche du cĂ´tĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;artiste Cady Noland et son Cart Full of Action, datant de 1986, mais renvoyant Ă la culture amĂŠricaine en dĂŠclin, Ă la culture de lâ&#x20AC;&#x2122;automobile, Ă la consommation. ÂŤCâ&#x20AC;&#x2122;est aussi un â&#x20AC;&#x153;challengeâ&#x20AC;? aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui de savoir quâ&#x20AC;&#x2122;est-ce que câ&#x20AC;&#x2122;est lâ&#x20AC;&#x2122;art dans sa condition physique, dans le miroir du monde â&#x20AC;&#x153;digitalâ&#x20AC;?, raconte Philippe Pirotte. Câ&#x20AC;&#x2122;est plutĂ´t intĂŠressant de voir ce quâ&#x20AC;&#x2122;est cet espace physique, lâ&#x20AC;&#x2122;expĂŠrience matĂŠrielle des objets, presque fĂŠtichiste.Âť Cette nouvelle thĂŠmatique est issue de la troisième inspiration du commissaire, qui sera prĂŠsentĂŠe aussi lors de la Biennale, soit une Ĺ&#x201C;uvre du 16e siècle crĂŠĂŠe par le
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peintre allemand Lucas Cranach et appartenant Ă la Winnipeg Art Gallery. Ce portrait de femme rĂŠvèle une dame portant un lourd collier offrant un cĂ´tĂŠ un brin sadomasochiste Ă la peinture, selon le commissaire: ÂŤLa prĂŠsence de cet objet fait une rĂŠfĂŠrence au â&#x20AC;&#x153;bondageâ&#x20AC;?, Ă la beautĂŠ de la violence. Ă&#x2021;a renvoie Ă lâ&#x20AC;&#x2122;incarcĂŠration et Ă ses paradoxes.Âť Enfin, un autre sous-texte sâ&#x20AC;&#x2122;est dessinĂŠ Ă lâ&#x20AC;&#x2122;horizon de la BNLMTL: la fiction. ÂŤOn a optĂŠ pour lâ&#x20AC;&#x2122;art qui se sent Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aise avec sa condition de fiction.Âť Ce choix sâ&#x20AC;&#x2122;inscrit donc dans les liens tissĂŠs entre les Ĺ&#x201C;uvres et les artistes, dâ&#x20AC;&#x2122;ici et dâ&#x20AC;&#x2122;ailleurs, qui ouvrent un dialogue dans un esprit dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcriture de fiction, dâ&#x20AC;&#x2122;art reflĂŠtant le monde Ă travers la notion de fiction. Câ&#x20AC;&#x2122;est aussi par le dĂŠploiement de ces sous-textes et ces thĂŠmatiques multiples que des Ĺ&#x201C;uvres dâ&#x20AC;&#x2122;une dimension plus politique trouvent leur place, dont celles de Tanya Lukin Linklater qui propose une rĂŠflexion sur la prima ballerina Maria Tallchief, danseuse ĂŠtoile de George Balanchine et prĂŠcurseure issue des Premières Nations, et celle dâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;ric Baudelaire, Achy Edgy Harry, ÂŤsans doute la pièce la plus politique de la BNLÂť, dont on doit taire les dĂŠtails par crainte de reprĂŠsailles.
LUIS JACOB, SPHINX (2015) RĂ&#x2030;SINE EPOXY ET POUSSIĂ&#x2C6;RE DE MARBRE INSTALLATION AU ALLAN GARDENS CONSERVATORY, TORONTO PHOTO | AVEC Lâ&#x20AC;&#x2122;AIMABLE PERMISSION DE BIRCH CONTEMPORARY, TORONTO, ET GALERIE MAX MAYER, DĂ&#x153;SSELDORF, ALLEMAGNE
Un rĂ´le Ă endosser
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Alors quâ&#x20AC;&#x2122;en 2014 la directrice de la Biennale nous prĂŠsentait son plan en trois ĂŠditions pour la BNL, le second stade actuel semble se dĂŠployer selon ce qui ĂŠtait prĂŠvu initialement, bien que lâ&#x20AC;&#x2122;ambition de la directrice et de son ĂŠquipe pour lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvĂŠnement soit toujours plus grande. Se dĂŠmarquer de New York ou Los Angeles par la prise de risque, par la crĂŠativitĂŠ, voilĂ des objectifs de la trempe de la BNLMTL: ÂŤCâ&#x20AC;&#x2122;est en allant Ă contre-courant quâ&#x20AC;&#x2122;on dĂŠfinit un autre courant. Tout cela fait partie dâ&#x20AC;&#x2122;une volontĂŠ de la Biennale de montrer le meilleur de lâ&#x20AC;&#x2122;art contemporain Ă MontrĂŠal, selon sa directrice: ÂŤNotre responsabilitĂŠ est envers les citoyens qui nous subventionnent pour quâ&#x20AC;&#x2122;on excelle en art contemporain.Âť Cet art actuel, fĂŠdĂŠrateur dans un monde oĂš les inĂŠgalitĂŠs se multiplient, devient une clĂŠ pour la BNLMTL 2016: ÂŤPour moi, câ&#x20AC;&#x2122;est ça lâ&#x20AC;&#x2122;art contemporain: lâ&#x20AC;&#x2122;art, ça fait en sorte que des gens qui ne se rencontreraient jamais autrement se retrouvent dans le mĂŞme espace-temps.Âť CrĂŠer des moments de rencontre pour dĂŠvoiler un microcosme de cette sociĂŠtĂŠ, crĂŠant un sens, ici et maintenant. y La Biennale de MontrĂŠal 2016 se dĂŠroulera du 19 octobre 2016 au 15 janvier 2017 au MusĂŠe dâ&#x20AC;&#x2122;art contemporain de MontrĂŠal et dans une myriade de lieux montrĂŠalais. www.bnlmtl2016.org
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70 CHRONIQUE VOIR MTL
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
EN FRANÇAIS, SIOUPLAÎT Difficile de s’inquiéter pour le français quand on ne visite pas Montréal. Le problème n’existe pas vraiment à l’extérieur de la métropole. Il y a bien entendu quelques communautés traditionnellement anglophones qui survivent en Estrie, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine ou ailleurs, comme dans l’Ouest-de-l’Île, aussi. Mais lorsqu’on s’inquiète du recul du français – ou de l’avancée de l’anglais, ce qui revient au même –, ce n’est pas dans ces lieux que résident nos plus grandes craintes, mais à Montréal, ou le grand Montréal, pour être plus précis, incluant la couronne nord et la couronne sud. Quand papa a commencé à travailler dans l’assurance dans le milieu des années 1960, sa langue de travail était l’anglais. S’il avait été banquier, avocat ou comptable, ça aurait été pareil. Il y avait aussi les «grosses madames de chez Eaton», comme on les appelait, celles qui ne connaissaient pas un traître mot de français ou le reniaient. Au tournant du siècle dernier, la loi 101 a été un mal nécessaire. De plus en plus d’anglophones le reconnaissent. Ils reconnaissent que c’était notre prérogative absolue de nous assurer que nous pourrions continuer à naître, à grandir, à travailler, bref, à vivre en français. Elle a entraîné un recul économique du Québec. Des capitaux ont fui, ont quitté Montréal pour nourrir Toronto, avec comme impact le développement spectaculaire de la capitale ontarienne qui est désormais la métropole du Canada.
Aurions-nous dû faire autrement? Aurionsnous dû agir moins fermement, tenter une meilleure cohabitation, de plus importants allègements? Non. Aucun doute, la situation le demandait. Montréal aurait pu être anglophone. Assimilée. Ce pas en arrière économique a eu beaucoup de bon aussi. Nous avons sauvé notre langue. Nous nous sommes affranchis économiquement, culturellement. Et cela a aussi produit des effets latéraux, plus subtils. Une ville moins riche a attiré des gens moins fortunés, en quête de loyers moins chers, où il fait bon vivre. Elle a sauvegardé notre authenticité et notre joie de vivre, nos deux plus importants atouts. Nous sommes prêts pour la prochaine étape, avec une base francophone beaucoup plus solide. En quittant son poste de directeur du Devoir, Bernard Descôteaux, dans son dernier éditorial publié le 6 février 2016, évoquait trois craintes qu’il avait pour l’avenir du Québec: l’indifférence des Québécois pour l’autonomie politique, le peu d’importance accordée à l’éducation et la progression de l’anglais à Montréal. Quand Bernard Descôteaux conclut ainsi après sept années à titre de directeur du média le plus sérieux au Québec, il faut l’écouter. Je suis de ceux qui croient que le français est effectivement menacé, qu’il régresse. Je le crois encore plus depuis que j’habite au centre-ville de Montréal. Je pose, par conviction, des petits gestes qui peuvent sembler banals. Comme remplacer email par courriel dans mon vocabulaire ou installer une version française du logiciel
d’exploitation de mon téléphone. Des petits gestes au quotidien, comme on sort son bac à recyclage à défaut de pouvoir planter soimême une forêt ou dépolluer une rivière. Je continue à réfuter un mot comme gaminet, mais j’ai troqué brainstorm pour remueméninges, et feedback pour rétroaction. J’encourage ma fille à introduire quelques acronymes en français en sus des LOL, LMFAO et TMI. Comme MDR, PTI et TJR. Je réponds systématiquement en français lorsqu’on m’interpelle dans la langue de Cohen dans un commerce. Gentiment, jamais avec arrogance ou esprit conquérant. Et on me répond systématiquement en français. C’est arrivé à plusieurs reprises que la serveuse, en revenant me voir, commence à me reparler en anglais pour rapidement se corriger, en s’excusant et en mentionnant que c’est par habitude. Pas de quoi s’offusquer. Alors on fait quoi devant ce constat, devant l’accroissement de l’usage de l’anglais dans plusieurs quartiers de Montréal, devant l’assimilation de nos jeunes par les réseaux sociaux? On se calme. Une chose m’apparaît bien claire. Nous ne pouvons pas nous permettre plus de confrontations ou de mesures ostracisantes. La loi 101 est apparue, non sans heurt, dans un contexte bien différent. Pas d’internet, pas d’immigration aussi importante, pas autant de mobilité. Et pas un climat aussi favorable au bilinguisme, voire au trilinguisme à
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> prĂŠdominance francophone. Les anglais qui ne voulaient rien savoir des français sont pas mal moins nombreux quâ&#x20AC;&#x2122;on aime parfois lâ&#x20AC;&#x2122;imaginer sur la base de vieux rĂŠflexes. La sortie de Mitch Garber Ă la mi-septembre nâ&#x20AC;&#x2122;est pas un cas isolĂŠ. Ils sont nombreux parmi les anglophones influents Ă ĂŞtre francophiles, Ă reconnaĂŽtre que le français doit prĂŠdominer, quâ&#x20AC;&#x2122;il doit ĂŞtre protĂŠgĂŠ et quâ&#x20AC;&#x2122;on doit travailler Ă le rĂŠpandre. Mais pas au dĂŠtriment de lâ&#x20AC;&#x2122;anglais et des autres langues. Nous ne sommes plus Ă lâ&#x20AC;&#x2122;heure de la boxe et encore moins Ă celle du combat de rue, mais Ă celle du judo, en tout respect, avec calme et avec classe. Le meilleur de MontrĂŠal se trouve dans les quartiers oĂš le respect de lâ&#x20AC;&#x2122;autre sâ&#x20AC;&#x2122;est installĂŠ, oĂš lâ&#x20AC;&#x2122;intĂŠgration harmonieuse sâ&#x20AC;&#x2122;est dĂŠroulĂŠe tranquillement, sur des annĂŠes. Il se trouve au coin de Saint-Viateur et Clark, au coin de Shamrock et Casgrain, au coin de
Monkland et Wilson, celui de Notre-Dame Ouest et Charlevoix. Il est temps que nous essayions une nouvelle façon de promouvoir le français, de le rendre cool, ludique, incontournable pour vivre MontrĂŠal. Je vais vous dĂŠcevoir en ne vous proposant pas lâ&#x20AC;&#x2122;exemple ultime; ils sont multiples ces petits gestes que nous pouvons mettre de lâ&#x20AC;&#x2122;avant. Avec une seule philosophie: faire adhĂŠrer plutĂ´t quâ&#x20AC;&#x2122;obliger. Voici le rĂŠsultat de mon remue-mĂŠninges: crĂŠer des ĂŠvĂŠnements bilingues. Se dĂŠbarrasser du sempiternel Allo, Hi et promouvoir Bonjour. Installer des logiciels en français par dĂŠfaut. CrĂŠer des ĂŠvĂŠnements de rapprochement entre les cĂŠgeps et les universitĂŠs anglophones et francophones. Augmenter de 10% les quotas francophones dans les radios anglophones. Lancer une campagne ÂŤ100 mots français en 100 jours pour vivre MontrĂŠalÂť. Offrir des menus bilingues plutĂ´t que seulement en anglais dans les restaurants. Lancer une campagne
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ÂŤMes 5 coups de cĹ&#x201C;ur francophonesÂť prĂŠsentĂŠe par des figures de proue de la communautĂŠ anglophone. Une autre campagne, ÂŤJe remplace 5 mots anglaisÂť, ou alors on fait tous des efforts pour remplacer email par courriel. Lancer une ligue dâ&#x20AC;&#x2122;improvisation bilingue. CrĂŠer des productions entre troupes thÊâtrales anglophones et francophones. DĂŠvelopper un programme de cocrĂŠation entre artistes. Mettre en ondes une ĂŠmission bilingue diffusĂŠe simultanĂŠment sur les ondes de Radio-Canada et de CBC. Lancer un t-shirt ÂŤJâ&#x20AC;&#x2122;aime le françaisÂť. Ajoutez vos propres idĂŠes ici. Elles doivent ĂŞtre simples, drĂ´les, non intrusives et permettre Ă tous dâ&#x20AC;&#x2122;y adhĂŠrer. MontrĂŠal est une ville multilingue Ă prĂŠdominance française. Une ville oĂš nous sommes de moins en moins des solitudes et oĂš les stratĂŠgies pour faire perdurer le fait français doivent ĂŞtre acceptĂŠes, voulues et promues par tous, avec les anglophones et les francophones aux premières loges. y
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CHARLES BRADLEY
HALESTORM
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MĂ&#x2030;TROPOLIS - 28 OCTOBRE
Cette lÊgende encore trop sous-estimÊe de la musique soul sait à la fois Êmouvoir et faire danser. Son charisme transcende les Êpoques et les genres de façon assez impressionnante. Bête de scène, il viendra nous livrer les pièces de son troisième album en carrière Changes, paru sous Daptone en avril dernier.
FormĂŠe Ă la fin des annĂŠes 1990 par Arejay et Lzzy Hale, frère et sĹ&#x201C;ur, la formation de hard rock alternatif possède cinq albums Ă son actif. Ce quatuor saura bien installer une ambiance festive au MĂŠtropolis.
WHITE LUNG A S T R A L ( Lâ&#x20AC;&#x2122; ) - 2 3 O C T O B R E
JAMES BLAKE MĂ&#x2030;TROPOLIS - 5 OCTOBRE
Portant plusieurs chapeaux Ă titre de chanteur, auteur, compositeur et producteur, James Blake, Litherland de son vrai nom, demeure une icĂ´ne de la musique ĂŠlectro. Le son et les mĂŠlodies de ce Britannique regorgent toujours dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmotion et de sensibilitĂŠ.
Si le trio vancouvĂŠrois roule sa bosse depuis une bonne dĂŠcennie, on aura mis quelques annĂŠes Ă dĂŠcouvrir tout son potentiel de lâ&#x20AC;&#x2122;autre cĂ´tĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;Atlantique. Après le succès inespĂŠrĂŠ de Deep Fantasy, qui a recueilli un succès critique enviable en 2014, le quatuor punk rock a remis ça en mai dernier avec Paradise, un quatrième album acclamĂŠ de part et dâ&#x20AC;&#x2122;autre.
73 DUCHESS SAYS
NOS FEMMES
ACTORAL/MONTRÉAL
C A B A R E T L A T U L I P E - 20 O C T O B R E
T H É ÂT R E J E A N-D U C E P P E 26 O C T O B R E
USINE C - 25 OCTOBRE
Amis depuis trois décennies, Paul, Max et Simon (respectivement interprétés par Guy Jodoin, Sylvain Marcel et David Savard) «sont inconsciemment amenés à dresser l’inventaire de leur propre vie» après un bouleversant événement, qui remet en doute leurs valeurs les plus profondes. Créée au Théâtre de Paris en 2013, cette pièce d’Eric Assous bénéficie d’une mise en scène de Michel Poirier.
UNE FEMME À BERLIN
Pour une deuxième fois, le festival d’origine marseillaise Actoral prend place à Montréal. Mélange de littérature, de théâtre, de performance et d’arts visuels, Actoral se définit «par son regard inédit et singulier sur les écritures contemporaines francophones». On pourra y voir à l’œuvre des artistes de toute la francophonie, notamment l’actrice trifluvienne Marie Brassard, le poète français Jérôme Game et le duo folk rouyn-norandien Geneviève et Matthieu.
1:54 A RATHER LOVELY THING / ARIAS COMPANY
E S PA C E G O - 25 O C T O B R E
Alors que la guerre fait rage à Berlin, une jeune Allemande parlant couramment le russe devient l’interlocutrice de prédilection auprès de l’ennemi. D’après un texte de la journaliste Marta Hillers écrit entre le 20 avril et le 24 juin 1945, Une femme à Berlin met en vedette Evelyne de la Chenelière, Sophie Desmarais et Louise Laprade dans une mise en scène de Brigitte Haentjens.
PL ACE DES ARTS - CINQUIÈME SALLE D U 11 A U 15 O C T O B R E
Brian Arias interprète différents styles de danse à travers ce spectacle de haut calibre. L’ensemble de la représentation oscille entre l’humour et les divers comportements humains. Le chorégraphe new-yorkais est aussi accompagné sur scène d’un quatuor époustouflant.
EN SALLE LE 13 OCTOBRE
Réalisé par Yan England, 1:54 relate l’histoire d’un adolescent victime d’intimidation qui décide de battre son principal adversaire sur son propre terrain en joignant l’équipe de course à pied de l’école. Craignant de perdre sa place au championnat provincial, ce dernier le fait chanter au moyen d’une vidéo compromettante.
CINÉMA
SCÈNE
Cinq ans après la tornade In a Fung Day T!, le groupe dance-punk montréalais rapplique avec Sciences nouvelles, un album qui promet d’être encore aussi incisif. Sur scène, la chanteuse Annie-Claude Deschênes sait comment virer la place à l’envers avec du beuglement intense. Autrement, «ses acolytes musiciens s’occuperont de ternir votre optimisme et de broyer tous vos espoirs».
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74 QUOI FAIRE VO1 #O9
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WONG KAR-WAI – IN THE MOOD FOR LOVE M U S É E D E S B E A U X-A R T S D E M O N T R É A L 8 OCTOBRE
Le Centre Phi présente au MBAM le magnifique film In the Mood for Love de Wong Kar-wai. Réalisé au début des années 2000, ce long métrage qui a remporté le César du meilleur film étranger en 2001 marque le monde cinématographique. Le cinéma de Wong Kar-wai est réputé principalement pour son romantisme et son maniérisme.
ARTS VISUELS
VOIR MTL
PHOTO | CRITERION PICTURES
COCO GUZMAN M A I ( M O N T R É A L , A R T S I N T E R C U LT U R E L S ) - 6 O C T O B R E
Coco Guzman, cet artiste torontois d’origine espagnole, sera de passage au centre d’art MAI avec son installation immersive intitulée The Demonstration. Constituée principalement de dessins colorés et de matériaux tridimensionnels, cette installation permet aux visiteurs de s’interroger sur les mouvements de contestation qui composent notre société néolibérale.
«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»
Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.
teomtl.com PP 40010891
Mathieu St-Onge