MONTRÉAL VO1 #1O | NOVEMBRE 2O16 CHOCOLAT DENIS VILLENEUVE LES CINÉMAS INDÉPENDANTS RIDM 2016 CINÉMA SUR LES PLANCHES LARRY TREMBLAY CORPS AMOUR ANARCHIE THÉÂTRE POUR TOUS NOMMER LE TERROIR LOUIS PARMI LES SPECTRES
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O1 1O MONTRÉAL | NOVEMBRE 2016
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Directeur adjoint aux ventes: Jean Paquette Ventes régionales: Céline Lebrun Représentantes aux ventes nationales: Isabelle Lafrenière, Nathalie Rabbat Représentants: Catherine Charbonneau, Antonio Genua
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Directrice du marketing et des communications: Sylvie Chaumette Coordonnatrice marketing et projets spéciaux: Danielle Morissette Directeur du développement web: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeurs et intégrateurs web: Emmanuel Laverdière, Martin Michaud Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleur: Patrice Sorrant / Administration générale: Céline Montminy Commis de bureau: Frédéric Sauvé Coordonnateur service à la clientèle: Maxime Comeau Service à la clientèle: Sophie Privé Chef de service, production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Deschambeault Infographie: René Despars
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«C’EST COMME LES PICS D’UN PORC-ÉPIC, ÇA SORT SPONTANÉMENT. MOI, J’AI CULTIVÉ MON IRONIE À FORCE DE ME FROTTER SUR LES COINS AIGUS ET OBTUS DE LA VIE.» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière Production Consulat | Sébastien Boyer
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SCÈNE
Corps Amour Anarchie – Léo Ferré Du cinéma sur les planches Larry Tremblay
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MUSIQUE
30
DOSSIER
38
CINÉMA
48
ART DE VIVRE
52
LIVRES
56
ARTS VISUELS
62
QUOI FAIRE
Chocolat
Théâtre pour tous Les cinémas indépendants Denis Villeneuve RIDM Nommer le terroir
Le monde est son langage Louis parmi les spectres
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Monique Giroux (p28) Émilie Dubreuil (p36) Normand Baillargeon (p46) Alexandre Taillefer (p60)
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO1 #1O
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
ALICE ET GERRY J’aurais aimé vous écrire que je suis un homme. Je ne sais pas trop comment vous dire ça. Je suis né ainsi. Enfin, on me raconte que c’est plus compliqué qu’il n’y paraît, mais bon, voilà, je vous le dis comme ça vient. Dans ma famille, j’étais un fils et un frère. Aujourd’hui, je suis un conjoint et un père. Le conjoint d’une femme et le père d’une fille. Je pisse debout, la plupart du temps. Ça fait plus de 40 ans que ça dure. Ça ne me rajeunit pas, car les plus jeunes m’appellent désormais monsieur. Est-ce un privilège? Peut-être. Vous me l’avez tellement répété que je veux bien vous croire. D’autant plus que j’ai aussi la chance d’être Blanc, d’avoir les cheveux châtains et les yeux pairs et de mesurer 5 pieds 9 pouces, ce qui me place dans la moyenne, sinon dans la majorité. Il doit y avoir une statistique à ce sujet. Je ne suis pas, par exemple, un Noir roux de petite taille. Je suis ordinaire. Je découle platement de l’ordre des choses. Je ne cause aucune surprise. Bon, d’accord, je vais tout balancer: je suis un homme blanc privilégié. Voilà, c’est dit. Puis-je quand même vous parler de cette affaire qui se joue sur fond de rapport de force entre les hommes et les femmes? Je n’ai pas grand-chose à dire de toute façon. Je suis un peu comme tout le monde. J’ignore ce qui s’est passé dans la chambre d’hôtel entre Alice et Gerry. Je ne peux que constater qu’Alice semble désormais totalement désemparée, blessée, amochée, que Gerry m’a tout l’air d’être un fieffé douchebag assez peu poli du boyau et que ceci explique peut-être cela. Là s’arrête ce que je peux croire.
Et c’est bien triste. Triste, car Gerry connaît bien la musique. Il n’a rien dit, sauf trois mots: je suis innocent. Il n’a plus parlé depuis. Il sait comment ça marche. C’est un politicien. C’est même un avocat. Il sait comment faire devant un micro. Ferme ta yeule, Gerry. Demain dans le journal, ce sera écrit: «Il clame son innocence». Voilà. Bien joué. Alice, elle, s’est lancée dans une aventure médiatique peu heureuse, convaincue que la prise de parole à tout vent était la seule voie envisageable. Elle s’est enfargée, elle a raconté trois versions contradictoires et, surtout, elle ignorait qu’elle allait devenir un buffet froid médiatique. En fouillant, on a trouvé qu’elle avait peut-être déjà été une travailleuse du sexe – ouin, pis? – et, au fil de son récit, on s’est rendu compte que certains épisodes étaient cousus de fil blanc. Dit-elle la vérité? Est-ce qu’elle ment sur l’essentiel? Je n’en sais rien, allez donc savoir. Je suis un homme blanc privilégié, pas un médium. Peu importe ce que je crois ou non dans toute cette histoire, si Alice devait aller dans le tordeur des tribunaux, j’aurais bien peur qu’elle en sorte broyée. J’ai peur pour elle, mais pour nous aussi. Nous tous. Je veux dire, ok pour la confession de l’homme blanc privilégié, ok pour les colons qui ne savent pas comment se comporter, ok pour les moins colons qui gardent le silence, limite complices, mais à la fin, s’il fallait qu’elle se fasse démolir devant un juge – et comptez sur la défense pour ne pas l’économiser –, qui va gagner quoi? Gerry rentrera chez lui, condamné à la honte éternelle. Dans tous les journaux, ce sera écrit: «Il est innocent». Les connards seront heureux. Alice, elle, aura servi de chair à canon.
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Bien sûr, il faut croire au progrès. Peut-être qu’à la longue les mentalités changeront. L’humain sera un peu moins con et l’humaine plus en sécurité. C’est un vaste et grandiose projet. Pas besoin de parader dans les rues pour rêver à ce monde meilleur. Il y a tant de révolutions à faire dans nos propres têtes. En attendant, combien d’Alice devrat-on sacrifier? Je n’ai aucun conseil à donner à Alice. On me le reprocherait de toute façon. Mais j’ai quand même quelques questions à poser à ceux et celles qui se posent ces jours-ci comme des chevaliers de la bonne conscience, tous ces justiciers des médias sociaux, saltimbanques de la justice réparatrice et autres martyrs autoproclamés de la parole libératrice au nom de la survivance. Vous tous qui depuis des mois encouragez ces jeunes filles à aller se
lancer dans la fosse aux lions, que leur avez-vous proposé, au juste, pour leur économiser ce deuxième viol devant toute la population? Comment sont-elles conseillées une fois qu’elles ont écouté vos incantations et vos formules magiques? En quoi la justice et les rapports de force seront-ils changés au terme de toutes ces défaites? Alice n’est-elle qu’une soldate inconnue dans vos rêves de conquête, la fin justifiant toujours les moyens? C’est bien connu... Ce ne sont pas les morts qui portent les médailles. Ce qu’il faut craindre, en tout cas, c’est qu’à la fin, il ne pourrait rester que le goudron et les plumes comme solution, et ça, ce ne serait pas exactement un progrès. y sjodoin@voir.ca
PHOTOS EXTRAITES DE RÉSIDENCES DE CRÉATION ET NON DU SPECTACLE.
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VO1 #1O
DANSE LÉO CHANTE DIRECTEUR ARTISTIQUE DU SPECTACLE ET HOMME DE DANSE ACCOMPLI, PIERRE-PAUL SAVOIE RÉUNIT UNE ÉQUIPE DE RÊVE AUTOUR DE L’ŒUVRE DE LÉO FERRÉ POUR SOULIGNER SON 100e ANNIVERSAIRE DE NAISSANCE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN ET CATHERINE GENEST
Corps Amour Anarchie – Léo Ferré est une production ambitieuse, une pièce multidisciplinaire pour cinq musiciens, quatre chanteurs, six danseurs et cinq chorégraphes. Des artistes qui, pour la plupart, avaient ajouté leur grain de sel au «best-seller scénique» Danse Lhasa Danse en 2011. Pierre-Paul Savoie en reprend la structure et les paramètres et s’associe une fois de plus avec le festival montréalais Coup de cœur francophone, qui célèbre par ailleurs son 30e anniversaire. «Je revisite le corpus d’un musicien, c’est l’élément commun entre les deux projets. Pour ce qui est de l’essence artistique, [l’œuvre de] Lhasa était celle d’une migrante parce qu’elle était mexicaine, américaine et québécoise. Avec ce spectacle-ci, je revisite le travail d’un grand poète. […] Lui, il prenait la poésie et la mettait en musique. Moi, je prends ses mots et je les mets en gestes.» Corps Amour Anarchie, c’est une autre main tendue vers les mélomanes néophytes, un exercice de développement de public en proie à un (autre) succès considérable. Hélène Blackburn, Emmanuel Jouthe, Anne Plamondon et David Rancourt signent, eux aussi, quelques mises en mouvement des textes, des partitions musicales de Léo Ferré. Une distribution éclectique à laquelle Savoie n’a pas imposé une gestuelle uniforme, une ligne directrice stricte. Il choisit plutôt de célébrer leurs différences. «Comme on avait l’occasion de rencontrer un public plus vaste qu’habituellement en danse, je crois qu’il fallait s’efforcer de ne pas le présenter comme quelque chose de monochrome. C’est autant d’auteurs qu’en littérature. On n’a pas tous le même langage, on a tous une signature qui nous est propre. […] Pour moi, c’était important de présenter cette
PHOTOS | CINDY BOYCE
diversité de pratiques qui sont, quand même, toutes de très haut niveau.» La mise en scène, le mélange aléatoire des numéros dansés, a même été pensée pour maximiser les contrastes, passer d’un style à un autre sans complexe, avec rythme. Résolument libres, ses quatre collègues avaient également la latitude de choisir les chansons du magicien de la strophe centenaire, celles qui les interpellaient instinctivement. Des paroles fortes, puissantes, tout sauf gnangnan, qui laissent une belle place à l’interprétation. «La poésie est ouverte, il y a de l’espace pour la danse. Moi, je travaille [entre autres] sur Les poètes. Je suis parti d’un mot que je m’étais choisi: calligraphie. J’ai calligraphié des phrases chorégraphiques en me servant de l’écriture. Mon langage est presque abstrait, il n’a pas vraiment rapport avec ce qui est dit. […] J’ai choisi un angle complémentaire.» Amour Anarchie, l’album double de 1970, annonce les thèmes de ce spectacle forcément riche en duos sulfureux. Une œuvre collective que son idéateur, Pierre-Paul Savoie, porte à bout de bras avec la passion de l’artisan. Un petit miracle enveloppé dans une scénographie minimale, question de mettre l’accent sur la danse, la musique, le chant et, forcément, d’offrir des cachets décents. (C.G.) Répertoire mordant Côté musique, le codirecteur musical et interprète de Corps Amour Anarchie – Léo Ferré, Philippe B, nous informe que Philippe Brault et lui ne font pas d’énormes transformations dans la structure ou dans le tempo des chansons de Ferré, mais ils les
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Et si l’on se fie à la longue vie de Danse Lhasa Danse, présenté entre 2011 et 2015, on peut souhaiter aux artisans de Corps Amour Anarchie un tout aussi beau succès. À voir à Québec et Montréal, puis à suivre pour la suite des choses! (V.T.)
LES PIÈCES FAVORITES DES ARTISANS DU SPECTACLE Anne Plamondon, chorégraphe
LÉO FERRÉ (1986). PHOTO | PIERRE ROUSSEL
réarrangent avec une instrumentation fort différente. Philippe B, qui est aussi interprète dans ce concert, explique que ses acolytes Michel Faubert, Bïa et Alexandre Désilets apportent tous leurs couleurs aux chansons, qui elles, sont assez variées dans ce vaste répertoire. «Ça va des grands classiques, les chansons plus connues de Léo Ferré (Avec le temps, C’est extra), en passant par Les corbeaux et d’autres réinterprétations des grands poètes jusqu’à des chansons moins connues comme Pacific Blues, que j’interprète moimême et dont j’admire la mélodie.» Ce projet ambitieux autour de Ferré n’est pas sans rappeler Merci Serge Reggiani, album-hommage d’Isabelle Boulay que Philippe B avait réalisé en 2014. Celui-ci voit bien les parallèles entre ces deux projets et plonge donc dans ce nouveau défi avec grand plaisir. «C’est un bonheur de baigner dans cette plume-là et dans des chansons pour lesquelles a priori on se dit: c’est pas mal. Notre appréciation grandit à mesure qu’on apprivoise le matériel, qu’on décortique le texte. Les chansons de Ferré sont audacieuses sur les plans de la forme et de la modernité. Pour moi, c’est très facile de baigner làdedans et de me nourrir de ça.» «Ce qui est intéressant, c’est que parce qu’il a une personnalité très forte et que c’est parfois un peu fucké, abstrait et intense émotivement, poursuitil, il est capable de parler de grands thèmes comme l’amour ou la rupture sans être dosé ni kétaine. C’est jamais à l’eau de rose, mais edgy, agressif, punché, mordant.»
Mon coup de cœur dans les chansons de Léo Ferré est Avec le temps. Cette chanson est universelle et vraie. Le temps semble changer les choses autour de nous; et pire encore, il nous change, nous. Ce qu’on ressent aujourd’hui envers une personne, notre travail ou notre vie en général risque de changer dans les prochaines années, simplement parce que nous sommes toujours en transformation. Et c’est très bien! Le changement est nécessaire afin de garder la flamme en nous. Et ce que cette chanson dit, c’est que les transformations dans les profondeurs de notre être, celles qui comprennent l’amour et la passion, sont normales et probablement nécessaires. Notre peur de l’inconnu nous fait parfois résister à ces changements, mais si on acceptait simplement les cycles de la vie, on découvrirait peut-être d’autres passions insoupçonnées! Contrairement à son répertoire bouillonnant d’intensité et parfois de colère ou de révolte, Avec le temps est une chanson plutôt douce, comme s’il s’était résolu à une certaine réalité dont il n’avait pas le contrôle. Le cœur quand ça bat plus, c’est pas la peine d’aller chercher plus loin, faut laisser faire et c’est très bien. Roxanne Duchesne-Roy, danseuse J’ai découvert la chanson La lune lorsque nous étions en résidence à la Place des Arts en août. Dès que j’ai entendu les premières notes et les premières paroles, j’ai tout de suite senti que cette chanson allait désormais faire partie de ma vie et que j’aurai à la réécouter souvent. J’étais émue, secouée, et je suis restée marquée par cet amalgame de beauté, de nostalgie, d’images fortes, de sensibilité, de poésie… y 11 et 12 novembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts Dans le cadre de Coup de cœur francophone
PERMISSION ABSOLUE IL Y A DES PROJETS PLUS AMBITIEUX QUE D’AUTRES, COMME ADAPTER DEUX DES PLUS GRANDS FILMS DU RÉPERTOIRE CINÉMATOGRAPHIQUE QUÉBÉCOIS. DES PROJETS À LA HAUTEUR DES METTEURS EN SCÈNE FRÉDÉRIC ET PATRICE DUBOIS. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTO | JEAN-FRANCOIS BRIÈRE
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VO1 #1O
Il y a 30 ans paraissait sur nos écrans Le déclin de l’empire américain, l’un des plus brillants films de Denys Arcand, une œuvre qui a su, au fil des décennies, garder sa pertinence et trouver de nouveaux publics. Quelques années plus tôt, en 1979, Les bons débarras du cinéaste Francis Mankiewicz était la première incursion de l’écrivain Réjean Ducharme au cinéma, créant par le fait même l’un des films les plus aboutis de notre cinématographie. Depuis, ces films sont devenus des classiques, voire des ouvrages cultes, qu’on a vus et revus. Patrice Dubois est derrière l’adaptation théâtrale du Déclin de l’empire américain qui sera présentée à l’Espace Go en février prochain, alors que son frère Frédéric Dubois amène Les bons débarras pour une première fois au théâtre sur les planches du Trident en novembre. Retour sur des projets truffés de pièges. À l’exception du Marquis qui perdit, Frédéric Dubois a mis en scène tout le théâtre de Réjean Ducharme, écrivain à qui il voue un grand respect. «Ducharme, c’est une littérature tellement élevée, mais avec des mots de chez nous. Il y a quelque chose là-dedans qui nous mythifie. Il n’est dans aucun courant, il est dans son courant.» Lorsqu’il cherchait un nouveau projet en discutant avec Anne-Marie Olivier, directrice artistique et codirectrice générale du Trident, Ducharme est arrivé rapidement sur la table. Ayant déjà tout fait, Les bons débarras s’est présenté comme le projet à tenter. «On a mis la main sur le scénario, et la parole est théâtrale. On le voit dans le film, ce n’est tellement pas une langue de cinéma. Ils ont réussi de très belle manière à la rendre cinématographique, mais c’est une langue qui est élevée.» Persévérer dans l’univers de Ducharme est pour Frédéric Dubois un immense plaisir, car l’écrivain lui permet une grande liberté. «Quand tu commences à trouver ton écriture de metteur en scène, Ducharme, c’est un grand livre ouvert avec des indications extrêmement précises, mais où tu peux y mettre la couleur que tu veux. Il y a là une permission extraordinaire. […] C’est très nourrissant parce que tu sais que tu es encadré dans ton travail de metteur en scène par un texte fort, une littérature forte, une musique, quelque chose qui peut être travaillé, dirigé, mais en même temps, tu peux y injecter un souffle qui t’appartient.»
> PATRICE DUBOIS ET ALAIN FARAH
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LE DÉCLIN DE L’EMPIRE AMÉRICAIN, PHOTO | JEAN-FRANÇOIS BRIÈRE
On peut presque dire qu’une adaptation des Bons débarras s’inscrit naturellement dans le travail du metteur en scène, alors que pour son frère Patrice, l’adaptation du film de Denys Arcand est arrivée à lui telle une révélation. «Ç’a été le choc de comprendre pendant un souper entre amis que les préoccupations, les choses que j’entends, les jokes, comment on casse la vague sur les grands thèmes comme le racisme, l’identité québécoise, comment on s’engage, bref, que tout ça était partie intégrante du Déclin. Et en ouvrant le scénario, ç’a été le deuxième choc de me rendre compte qu’on avait maintenant l’âge des personnages. Moi qui avais toujours vu ce film sur son socle, je me suis demandé si on pouvait se l’approprier.» Adapter pour le théâtre des textes ayant d’abord été portés au grand écran est une chose, mais prendre à bras le corps des scénarios qui sont inscrits dans l’ADN des Québécois en est une autre. Tant Le déclin que Les bons débarras sont des films qui ont fait date, qui ont marqué une génération avant de perdurer dans le temps. Autant dire que de toucher à ces textes riches vient avec son lot de précautions et de réflexions pour ne pas tomber dans les pièges que le passé nous tend. «Adapter Le déclin, ce n’est que des pièges et on ne doit pas tomber dans la simple transposition en ne leur mettant qu’un cellulaire dans les mains. Avec l’aide d’Alain Farah pour l’adaptation, on doit comprendre profondément ce qui est dit et ce qu’on veut dire, on doit dépasser le jeu des équivalences. C’est le piège du cynisme post-référendaire, c’est le piège du sida, ce n’est que des pièges. Le gros piège, c’est le cynisme assumé d’Arcand et cette notion générationnelle d’après nous, le déluge; c’est une posture impossible pour notre génération.»
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UNE CRÉATION DE LA BATAILLE EN COPRODUCTION AVEC LE CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI
DIMANCHE NAPALM
> Pour Frédéric Dubois, les pièges sont tout aussi existants avec le texte de Ducharme, mais complètement différents. «Moi, le piège, c’est l’intimité et c’est très dur à briser. Dans Les bons débarras, la ligne dramatique n’est pas forte et le théâtre ne tolère pas ça. Il y a quelque chose d’extrêmement intime dans le film, comme se parler sur l’oreiller, que je ne peux pas rendre au théâtre. Je dois trouver un équilibre là-dedans. Et là tu te rends compte à un moment donné que tu dois pousser des choses et que tu dois tuer le film.» Tuer le film, voilà le mandat des frères Dubois dans deux projets à la fois si différents et si familiers. Monter sur scène un film qui s’est cristallisé dans la psyché collective avec le temps, certains pourraient y voir un pari perdu d’avance. Mais pour Frédéric Dubois, c’est tout le contraire. «Si moi à mon âge je reprends ce texte-là, c’est confirmer que cette œuvre est assez forte pour survivre au temps et qu’il faut la célébrer. Donc je n’ai plus de scrupules à me l’approprier parce que je sais que je suis simplement en train de l’aimer encore plus.» Il y a quelque chose comme adapter l’inadaptable dans ces deux projets, quelque chose d’à la fois extrêmement ambitieux et peutêtre même de terriblement casse-cou, mais Patrice Dubois – tout comme son frère – est convaincu qu’il s’agit d’une démarche essentielle. «Le nombre de personnes qui m’ont dit: “Tu ne peux pas toucher à ça”. Il faut le faire au nom de ça, Les bons débarras comme Le déclin doivent pouvoir s’imprimer dans le temps. Il faut casser ça.» Et ont-ils pensé aux comparaisons qui allaient fuser de part et d’autre de leurs œuvres avec celles d’Arcand et de Mankiewicz? Assurément. «C’est sûr qu’on va souffrir de la comparaison, qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça, je peux rien y faire.» Voilà la parole lucide de deux frères portant le théâtre à bout de bras, se disant qu’il est gravement temps qu’on s’attaque aux intouchables pour que cet art reste vivant dans tous les sens du terme. y Les bons débarras
Texte: Réjean Ducharme Mise en scène: Frédéric Dubois
Avec: Lise Castonguay, Nicolas Létourneau, Vincent Roy, Léa Deschamps, Érika Gagnon, Steven Lee Potvin, Nicola Frank-Vachon et Clara-Ève Desmeules
Au Théâtre du Trident jusqu’au 26 novembre 2016 Le déclin de l’empire américain d’après l’œuvre de Denys Arcand
Texte: Alain Farah et Patrice Dubois Mise en scène: Patrice Dubois
Avec: Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Marilyn Castonguay, Patrice Dubois, Éveline Gélinas, Alexandre Goyette, Simon Lacroix, Bruno Marcil et Marie-Hélène Thibault À l’Espace Go du 28 février au 1er avril 2017
DE SÉBASTIEN DAVID AVEC ALEX BERGERON, HENRI CHASSÉ, LOUISON DANIS, SYLVIE LÉONARD, GENEVIÈVE SCHMIDT, CYNTHIA WU-MAHEUX
SALLE PRINCIPALE DU 8 AU 26 NOVEMBRE 2016 THEATREDAUJOURDHUI.QC.CA/DIMANCHE
TEXTE ET MISE EN SCÈNE SÉBASTIEN DAVID INTERPRÉTATION ALEX BERGERON, HENRI CHASSÉ, LOUISON DANIS, SYLVIE LÉONARD, GENEVIÈVE SCHMIDT, CYNTHIA WU-MAHEUX COLLABORATEURS CATHERINE COMEAU, ODILE GAMACHE, JULIE BASSE, LARSEN LUPIN, ANGELO BARSETTI UNE CRÉATION DE
PARTENAIRES DE SAISON
EN COPRODUCTION AVEC
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RÉSISTER À LA LITTÉRÉALITÉ C’ÉTAIT IL Y A TROIS ANS À PEINE. PEU DE TEMPS APRÈS LA PUBLICATION DE SON ROMAN L’ORANGERAIE, L’AUTEUR LARRY TREMBLAY RAFLAIT TOUT: PRIX DES LIBRAIRES DU QUÉBEC, PRIX LITTÉRAIRE DES ENSEIGNANTS, PRIX DES LECTEURS ET PRIX DU SALON DU LIVRE DU SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN, EN PLUS D’ÊTRE FINALISTE AU PRIX LITTÉRAIRE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL, AU PRIX DES CINQ CONTINENTS ET AU PRIX RINGUET. MAINTENANT ÉDITÉ EN FRANCE DANS LA COLLECTION FOLIO ET EN VENTE DANS DOUZE PAYS, LE LIVRE FUT ICI TRANSFORMÉ EN PIÈCE DE THÉÂTRE PAR CLAUDE POISSANT AU THÉÂTRE DENISE-PELLETIER. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
On aurait pu croire qu’après de tels mois, Larry Tremblay aurait pris une pause, mais c’est pourtant loin, très loin, d’être le cas. Cet automne seulement, il publie un nouveau roman aux éditions Alto, deux nouvelles pièces de théâtre aux éditions Lansman – qui seront montées coup sur coup en novembre au Quat’Sous et à la Licorne – en plus d’un roman graphique pour la jeunesse et la réédition d’un texte paru il y a 10 ans. Cinq publications et deux pièces dans les théâtres montréalais, voilà l’automne de cet acteur, dramaturge, romancier, poète et danseur de kathakali. C’est Éric Jean qui signera la mise en scène du Joker, l’une des deux nouvelles créations du dramaturge. Par cette figure, Tremblay tente d’aborder la peur de l’autre: le joker, comme une ombre à valeur variable, qui suit les personnages tout au long de la pièce. C’est sous l’invitation de Benoît Vermeulen et du théâtre Le Clou qu’il se met à travailler sur Le garçon au visage disparu pour La Licorne. Avec comme prémisse de départ une mère qui réveille son adolescent pour le retrouver sans visage, cette pièce du dramaturge est bâtie autour de la création identitaire au tournant de l’adolescence. Bien qu’abordant deux thématiques plutôt différentes, il y voit a posteriori un leitmotiv: «Il y a un leitmotiv qui a traversé les deux pièces de façon assez étrange, soit la figure du mort-vivant. Dans Le garçon au visage disparu, le mort-vivant représente l’incertitude identitaire de l’adolescent, entre la mort et la vie. Les adolescents sont attirés par l’horreur, par la mort. Alors que dans Le Joker, j’interroge la peur de l’autre pour en arriver à la conclusion que l’autre, c’est aussi nous. La figure du mortvivant arrive ici dans le portrait qu’on tisse de l’autre.» Si la figure du mort-vivant est au cœur de ses deux propositions théâtrales, c’est étrangement la littérature elle-même qui est au centre de ses deux projets
littéraires. Dans L’impureté, Larry Tremblay s’est amusé de la littérature et de ses codes pour créer un roman court et efficace. «Je m’intéresse à la notion de littérature comme quelque chose d’efficace. Alice [personnage du roman] veut piéger son mari, et moi, Larry Tremblay, je veux piéger mon lecteur. Je mets la littérature à l’œuvre, tant dans ses pièges que dans son côté pervers.»
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La réédition de son texte La hache est jumelée avec un texte écrit à la même époque: Résister à la littéréalité. «On a déplacé le projecteur sur le vécu de l’artiste plutôt que sur son œuvre. L’œuvre devient une anecdote, une protubérance. Moi, je suis contre ça. La téléréalité, c’est ça; on provoque, on produit du vécu. Et la littérature est en train de tomber dans ce panneau en créant ce que j’appelle de la littéréalité. Et malgré les 10 ans qui séparent l’écriture de cette récente publication, j’ai la ferme impression que cette charge est encore très pertinente.» Le discours littéraire peut sembler parfois assez déstabilisant. «C’est rendu que lorsqu’on qualifie une œuvre de littéraire c’est un défaut, et que lorsqu’on se fait qualifier d’intellectuel c’est une insulte!» Pour celui qui a abordé les médias dans trois pièces, ils ont quelque chose à voir avec ça. «L’imbécillité et la bêtise sont beaucoup plus médiatisables que l’intelligence. Si les médias ne font pas leur propre procès, on va avoir un gros problème.» Malgré ses nombreux projets et en dépit qu’il soit très sollicité, on peut souvent voir l’auteur aux premières de théâtre ou encore discuter avec lui des récentes publications en littérature québécoise. Il se doit de rester en contact avec ses contemporains. «Bien oui, car tout bouge. La langue bouge, la pensée bouge, les symboles bougent. Si tu restes passéiste, tu restes dans une illusion inutile, inexistante. Car même le passé bouge, il subit le regard de nous, contemporains; on le redécore et on le revisite. Être contemporain, ça demande beaucoup plus d’énergie et c’est beaucoup plus dangereux, car c’est là où tu t’impliques, que tu t’engages, et c’est là où tu vas avoir des frictions avec des idéologies et des pensées, c’est là ou tu dois être responsable. C’est l’engagement sartrien qui est encore valable selon moi.» Il ne faut pas lire à travers ces lignes les propos d’un artiste au regard acerbe ou désabusé, non. Il sait exactement où se positionner pour continuer à avancer: «Je suis un homme du présent et j’ai l’optimisme du présent, car c’est ici et maintenant qu’on peut faire des choses. Je ne me fais pas avaler par mon pessimisme analytique. Car sinon, je n’avancerais plus.» y Larry Tremblay, L’impureté Éditions Alto, 2016, 160 pages
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Larry Tremblay, La hache Éditions Alto, 2016, 80 pages
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Au Théâtre du Quat’Sous Du 7 novembre au 2 décembre
SURVEILLEZ NOS PORTES OUVERTES QUI AURONT LIEU LE 16 MARS 2017!
Le Joker Texte: Larry Tremblay Mise en scène: Éric Jean
Le garçon au visage disparu Texte: Larry Tremblay Mise en scène: Benoît Vermeulen
Au Théâtre La Licorne Du 15 au 25 novembre
1 877 870-8728 poste 2354 art-therapie@uqat.ca uqat.ca/art-therapie
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La constance du chaLoupier iL est de retour sans jamais nous avoir vraiment quittés. À 70 ans, 45 ans après son premier opus où s’incarnait La sainte-trinité, pLume Latraverse Lançait iL y a queLques semaines RECHUT! (ODES DE MA TANIÈRE), un recueiL de 14 nouveaux titres qu’iL distiLLait Lentement depuis Le début de La tournée RÉCIDIVES entreprise L’an dernier et qui se poursuit jusqu’en décembre. mots | simon jodoin
photos | jocelyn michel (consulat)
Cette série de spectacles, c’est en quelque sorte un bilan, celui des chansons à texte longtemps dissimulées derrière l’image du personnage vociférateur qui, encore aujourd’hui, lui colle à la peau. «Quand j’ai commencé ça, raconte-t-il, j’avais une festivalite aiguë. Je trouve que la culture des festivals, en tout cas en ce qui me concerne, ça ne me fait pas avancer d’un pouce dans ma tête. C’est juste du divertissement pour toute la famille. Je voulais sortir de ça et revenir à mes sources qui sont les boîtes à chansons, une époque où la parole avait une certaine importance.»
redescendre. C’est toujours comme ça. J’ai des périodes, des fois de longues sabbatiques que j’ai pu prendre... J’en ai déjà pris une de sept ans. Ça ne peut pas être toujours une course constante. Dans ces périodes, alors que je pense que je ne ferai plus jamais de chansons – malgré que dans le fond de ma tête, je sais que je vais en refaire –, je fais une première pièce. Quand ça arrive, tu as l’impression d’accoucher d’une locomotive. Quand ça sort, tu as 13 ou 14 wagons d’accrochés après.»
Rechut!, c’est un jeu de mots à double sens qui dit tout. Car oui, ce nouvel album – le 24e de sa carrière si on ne compte pas les compilations –, c’est bien une rechute au sens médical du terme. Au fil des spectacles, les symptômes de l’inspiration sont réapparus dans son esprit, assez pour en sortir 14 titres. Mais il s’agit aussi d’un désir de dévoiler, encore une fois, un secret qu’il garde en nous racontant ce qui se trame dans sa tanière où il passe de plus en plus de temps.
C’est ainsi que, de vague en vague, le grand escogriffe s’est taillé une œuvre sur mesure, singulière et monumentale, en ramant contre vents et marées avec son petit équipage. À la barre, son vieil ami Luc Phaneuf, décédé en 2015, fut le premier à comprendre que pour naviguer longtemps, Plume devait demeurer indépendant et faire fi des règles du show-business. Il n’a rien oublié de ses premières expériences sur son radeau encerclé de requins. «Mon premier disque, se souvientil, je me suis fait fourrer comme tout le monde. On te faisait signer un contrat et on ne te payait jamais.» Une expérience qu’il n’a plus jamais voulu répéter. En 1972, Plume devient le premier artiste représenté par le gérant et producteur, qui demeurera un de ses plus fidèles camarades de route jusqu’à sa mort.
«C’est certain que quand tu fais des spectacles, ce métier-là, il faut que tu acceptes que ce soit des vagues. Tu as un moment d’inspiration qui vient beaucoup de l’incertitude, parce que la création, elle part du creux de la vague. Là, tu essayes de t’en sortir, tu inventes des trucs, tu te sers de ton ironie, tu te sers de tes griffes pour grimper la pente, et là tu te retrouves en haut. Mais tu sais que rendu en haut, tu vas inévitablement
«J’ai eu la chance de le croiser, il y a très longtemps. On a développé ensemble un concept de leasing avec les compagnies de disques. C’est ce qui m’a permis de faire tout ce que je voulais, sans que quiconque me dise: “Non, tu ne peux pas faire ça”. J’ai toujours fonctionné à petit budget, c’est ce que j’ai appelé ma chaloupe, ce qui m’a permis de la manœuvrer comme je voulais. J’ai réussi à développer un projet personnel avec Luc et ça
Coquin de sort, c’est en voulant soigner cette indigestion du gros party familial et estival que la chanson, cette maladie incurable qu’il porte en lui, a refait surface.
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> m’a permis d’être propriétaire de mes bandes, d’enregistrer n’importe où, dans des maisons privées, de miser sur l’imagination.»
show-business, mes chansons ont souvent été tassées, mais il y avait des gens qui avaient des oreilles pour les écouter... Je me suis toujours fié à ça.»
Cette indépendance dans la création, à petit budget, entre amis et mauvais compagnons, c’est sans doute la marque de commerce de ce dessinateur de chansons qui n’a besoin que de quelques outils dans son atelier et qui peut même voyager léger, avec un simple calepin et un crayon pour gagner sa vie. Dans son œuvre, comme il aime le rappeler souvent, on trouve tantôt des caricatures, tantôt des croquis rapides au fusain, parfois des aquarelles aux couleurs diffuses et souvent des toiles à l’huile avec plusieurs épaisseurs travaillées sur plusieurs mois. Cette technique de travail est par
Dans sa chaloupe, donc, Plume a su naviguer jusqu’à aujourd’hui grâce à un cynisme qu’il porte en lui comme une boussole. Il est ainsi devenu une sorte d’anthropologue de la connerie humaine. La croisière de l’imbécillité, il l’a vue passer bien des fois devant lui pour s’en inspirer. «Tu ne peux pas faire autrement, tu pèses sur la boîte à niaiseries, la télévision, et tu le vois ce qui se passe là. Quand j’ai écrit Les pauvres, je ne le savais pas que je faisais une chanson d’une éternelle actualité.» L’histoire qu’il contemple par la fenêtre se répète ainsi inlassablement, lui offrant toujours de
ailleurs corollaire d’un «poilu caractère» d’ours mal léché peu enclin à jouer le jeu de la popularité. Est-ce une réputation surfaite qui lui colle à la peau ou un trait du personnage qu’il a créé pour porter son œuvre? Il le concède: «Mais oui, j’ai un poilu caractère jusqu’à un certain point, mais on a tous un poilu caractère, on erre tous dans la bête quelque part. C’est le côté héréditaire de l’homme, sa descendance avec la bête.»
nouveaux sujets pour ses esquisses. Ce constat, pessimiste, s’accompagne toutefois d’un message d’espoir: si les humains sont bêtes, existe-t-il un vaccin? L’humanité a-t-elle survécu jusqu’à maintenant grâce à l’humour noir?
«Mon côté farouche, il est important. Il me sauve. Des fois, j’en mets trop, mais il garde ma chaloupe dans une bonne trajectoire. Avec cette vieille chaloupe, j’en ai croisé des paquebots et des transatlantiques qui me faisaient des gros tatas. Où est-ce qu’ils sont aujourd’hui, tout ce monde-là? Je ne le sais pas, mais ma chaloupe est encore là. En quelque part, c’est ça qui est important pour moi, de garder le côté créateur. Dans la construction du
«Je pense que tout le monde fonctionne un peu comme ça. L’espèce d’humour, cette faculté que tu as de voir venir la balle, avec un petit sourire, tu défies toujours quelque chose. L’ironie, c’est une façon de fonctionner. Je ne parle pas nécessairement de l’humour que tu développes dans les écoles, mais ça fait partie de la vie, d’un système de défense. C’est comme les pics d’un porc-épic, ça sort spontanément, c’est un spring. Moi, j’ai cultivé mon ironie à force de me frotter sur les coins aigus et obtus de la vie.»
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Ironique, il l’a été bien souvent envers son propre milieu, n’hésitant pas à passer au crible de sa poésie le petit monde de la famille artistique, les galas et les singeries qu’il faut accepter de faire pour demeurer sous les projecteurs dans le cirque du show-business. C’est qu’au long de toutes ces années, il demeure convaincu d’avoir pratiqué un métier plus que d’avoir mené une carrière, un peu comme le fait un artisan. Une idée qu’il résume avec ironie, encore: «Je me suis toujours considéré comme un cordonnier qui travaille en marge du lobby des running shoes. Le métier, qu’est-ce que tu veux, c’est comme ça. Une carrière, le mot le dit: c’est un trou... Tu creuses, tu creuses, mais quand on te parle du sommet de la carrière, c’est tout ce que tu mets de côté... Ce sont les montagnes de ton Thetford Mines personnel.» On n’en doute pas, Plume n’a rien perdu de son regard tranchant. S’il paraît plus sage, conscient de l’œuvre qu’il porte, il regarde avec un œil lucide le chemin parcouru tout en semblant un peu étranger à la marche du monde. À peine sorti de sa tanière, il risque fort d’y retourner. Et ce nouveau disque, que faut-il en penser? On se quittera
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SALLE BOURGIE DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL
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sans en avoir parlé, sinon pour dire qu’il faut aimer les œuvres imparfaites comme on adore ses enfants. «Quand tu fais un disque, en tout cas pour moi ç’a toujours été comme ça, tu travailles tellement làdessus que quand tu le lâches, tu l’haïs. T’es plus capable. T’es jamais en adoration avec ce que tu fais. Tu fais de ton mieux. Et quand tu écoutes tes chansons, t’entends que les défauts. Mais tu te dis: “Qu’est-ce que tu veux, j’ai pondu un bébé, il a quatre bras, mais je vais en faire un dieu Shiva! Il va avoir la chance de boire, manger et faire des tatas en même temps”.» Avant de se quitter, on se prend une dernière question, pour la route... Plume, ça te plaît encore, ce métier? «Oui, il y a la scène, mais aussi la camaraderie, les voyages en auto. Être sur la route, c’est le fun. Je ne dirais pas que ça garde jeune, mais ça ralentit le vieillissement.» y Rechut! (Odes de ma tanière) (Disques Dragon) Disponible maintenant
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Présenté par
Chef et soliste invité Lorenzo Coppola, clarinette d’amour (Italie) Soliste : Andréanne Brisson Paquin, soprano
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(de gauche à droite) ysaël pépin, christophe lamarche, emmanuel ethier, jimmy hunt et evan sharma
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hard rock négLigé armé d’une fougue rock renouveLée et mieux définie, chocoLat dévoiLe RENCONTRER LOOLOO, un troisième aLbum au concept intergaLactique décaLé. mots | olivier Boisvert-magnen
Assis dans un bistro tendance du Mile-End, à quelques pas de leur local de pratique aux Breakglass Studios, le guitariste Emmanuel Ethier, le pianiste Christophe Lamarche et le bassiste Ysaël Pépin discutent tranquillement autour d’une bière. Exilé depuis plusieurs semaines dans le fin fond de la baie des Chaleurs, sur une terre «uniquement accessible en ski-doo l’hiver et en quatre roues l’été», le chanteur et guitariste Jimmy Hunt, principal auteurcompositeur du groupe, se fait attendre. «Je trouve qu’il est plus relax depuis qu’il habite dans le bois», admet Ysaël Pépin, sourire en coin. Volubile, Emmanuel Ethier prend le contrôle de la conversation et présente en détail la nouvelle muse fictive du groupe, Looloo: «C’est un genre de Dieu transgenre. Il arrive sur la terre en conquérant, comme un espèce de gourou manipulateur avec un suit d’Evel Knievel. Le problème, c’est qu’il est vraiment maladroit et sloppy. Il tripe sur la culture pop américaine, mais il l’assimile tout croche.» Les yeux fuyants vers la porte, le guitariste arrête soudainement son monologue. «Et voilà le rockeur!» s’exclame-t-il, en parlant de Hunt. «Lui, il va nous en parler de Looloo…» «Où est le jeune anglophone?» demande le chanteur de 39 ans à peine entré, en parlant d’Evan Sharma, nouveau batteur de la formation.
photo | audrey canuel
«Il est pas là…» répond Christophe Lamarche. «Peut-être qu’il a pas compris l’échange de courriels parce que c’était en français.» Une fois les salutations de retrouvailles terminées (le groupe ne s’est pas réuni depuis deux mois), Hunt reprend là où son collègue avait laissé. «En gros, Looloo, il tripe sur plusieurs clichés américains. Il pense même que les pretzels, c’est un symbole puissant… Genre un signe de peace!» dit-il avant de reprendre plus sérieusement. «Pour faire ça simple, disons que j’étais un peu mal pris avec plein de bouts de textes et d’idées étranges, pis j’arrivais pas à trouver un liant entre tout ça. De là est née l’idée du weirdo de l’espace. Au début, ça avait presque des airs d’album-concept, mais tout le monde s’est un peu approprié le truc. J’avais l’air un peu débile quand j’en parlais.» Après un hochement de tête, Christophe Lamarche termine l’histoire rocambolesque: «À partir du moment où le band rencontre Looloo, on ouvre nos esprits. Le band délaisse les clichés du rock’n’roll pour tomber dans le vice psyché spatial.» Caricature grossière des aléas de la vie d’une groupie, celle qui «fourre avec un écrivain» mais qui aime mieux «scorer a’ec des musiciens», le premier extrait Ah Ouin appartient donc au registre préLooloo du groupe, avant qu’il se mette à chanter les louanges de Mars et des vaisseaux spatiaux.
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Inspiré par X-Files et «les documentaires cotés deux étoiles sur Netflix», Hunt a volontairement brouillé les pistes de tous les textes: «On est tellement surchargés de commentaires et de prises de position aujourd’hui… Là, j’ai voulu écrire de quoi de flou. Y a plein d’idées claires qui semblent surgir tout au long de l’album, mais t’es jamais sûr que tu peux t’y accrocher. On a aussi pris soin de mélanger l’ordre des chansons, de façon à ce que personne puisse savoir ce qui est avant et après la rencontre avec Looloo.» Hard rock sloppy à résonance internationale Enregistré au printemps 2015 (et retardé en raison d’une recherche de labels internationaux plus longue que prévu), Rencontrer Looloo est moins brut que Tss Tss, précédent album que le groupe considère comme une suite de jams. «Y a moins de changements weirds dans les tounes. C’est vraiment basé sur l’énergie et la drive du band. Les chansons sont mieux structurées et définies aussi», explique Christophe Lamarche. «C’est comme si on avait essayé de faire du hard rock, mais qu’on était trop sloppy pour réussir. Ça donne un charme», ajoute Jimmy Hunt, souriant. «Je pense que si on avait trop pratiqué, on aurait perdu la saveur Chocolat.»
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Preuve supplémentaire qu’on ne doit jamais changer une recette gagnante, cette «saveur Chocolat» a des échos qui résonnent au-delà du terroir québécois actuellement. En plus d’avoir fait bonne figure dans de prestigieuses vitrines américaines comme CMJ Music Marathon et SXSW, le quintette montréalais a fait son bout de chemin en Belgique et en France, là où il a notamment joué devant 10 000 personnes dans le cadre des Eurockéennes. «La demande est plus forte, c’est certain. On n’a pas besoin de se forcer tant que ça pis y a un petit intérêt qui se développe», remarque Hunt. «De tous mes projets, c’est le meilleur accueil que j’ai reçu.» «On veut pas take over le monde, mais si on nous le demande, on va peut-être le faire», ajoute Emmanuel Ethier, avant de nuancer. «C’est sûr que ça va pas toujours bien, les tournées… Oui, on se ramasse souvent dans le rouge, mais notre but pour un show, c’est de jouer devant 40 personnes qui sont intéressées. La fois d’après, y va y avoir plus de monde.»
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«Y a des forces qui se tiraillent au sein du band: les vieux sont plus picky et veulent pas tourner à n’importe quel prix, tandis que le jeune Evan, il est prêt à accepter n’importe quoi», poursuit Christophe Lamarche, 32 ans. «C’est une bonne affaire. Ça crée un effet de balancier», ajoute le doyen du groupe Ysaël Pépin. Et signe que, tranquillement, le groupe vieillit et s’assagit, il n’a plus les mêmes intérêts festifs qu’à ses débuts, il y a déjà une décennie. «À l’époque, on faisait un show tout croche pis, après ça, le party durait jusqu’au lendemain matin. Je trouvais ça dommage et j’étais pas fier de moi», confie Hunt. «Maintenant, le bon moment, il se passe sur la scène plutôt qu’avant ou après.» y Rencontrer Looloo (Dare to care) Sortie le 11 novembre Lancement le 10 novembre au Matahari Loft (Montréal)
«Cette vaste machine à bruit devrait vous faire danser au rythme des chemins de fer avec, en prime, un visuel décapant.» - Le Devoir
2 mars 2017• Club soda 6 NOMINATIONS À L’ADISQ
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★★★★★ classique ★★★★ excellent ★★★ Bon ★★ moyen ★ nul
kLô peLgag l’étoile thoracique (Coyote Records) ★★★★ Soutenue par un orchestre de 20 musiciens dirigé par Nicolas Ellis, chef assistant à l’Orchestre symphonique de Québec, Klô Pelgag se donne les moyens de ses ambitions sur L’Étoile thoracique, un deuxième album qui arrive trois ans après la foisonnante Alchimie des monstres. Toujours aussi imaginative, la Gaspésienne d’origine contient ses élans de virtuosité indomptables et échafaude des arrangements plus poussés, en collaboration avec son frère et complice artistique de premier ordre, Mathieu Pelgag. Évoquant les bains de larme (Les mains d’Édelweiss) et les «fentes fatiguées par le plaisir» (Le sexe des étoiles), la chanteuse de 26 ans accumule les puissantes métaphores organiques et module sa voix souple avec une précision naturelle. (O. Boisvert-Magnen)
Louis-phiLippe gingras troisième rangée
jean-pierre ZaneLLa quattro venti
(Simone Records)
(Camilio/Indépendant)
★★★ 1/2
★★★ 1/2
Sur ce deuxième disque, le duo Placard-Gingras propose un bijou bien dosé entre rock entraînant et folk aux fines réflexions. L’accent est mis sur cette voix grave, cette verve comico-tragique très imagée. L’emballage est plus en douceur sur les quelques premiers titres – mis à part quelques éclats en fin de chanson – alors que résonnent cuivres et cordes, piano et guitare acoustique. Lorsque Louis-Philippe Gingras s’assoit au piano, d’ailleurs, sur Le boat, ses mots («J’ai décidé que le bonheur c’est toé») et son authenticité chavirent et ravagent à l’intérieur comme un Richard Desjardins. Et puis, en duo avec La Bronze sur Parc à chiens, les interprètes arrivent bien à communiquer un amour naïf et enivrant. Un disque précieux et divertissant. (V. Thérien)
souLdia sacrifice
Unanimement respecté et reconnu comme le jazzman le plus brésilien du Québec, l’excellent saxophoniste Jean-Pierre Zanella nous offre cette fois une œuvre inspirée plutôt par des paysages d’Italie, pays dont sa famille est originaire, et où il a séjourné récemment pour une résidence de création. Fougueux et sincère comme à son habitude, le soliste alterne avec bonheur du sax alto au soprano, jouant essentiellement en quartette avec, à la batterie, un Paul Brochu en grande forme et, à la contrebasse, un remarquable Rémi-Jean Leblanc. Ce dernier apporte du sang neuf, et va jusqu’à imposer sa basse électrique dans The Ride, sa propre composition. L’album se termine avec Aaron Parks au piano, accompagnant la voix de Sashana qui chante en portugais devant son papa transi par l’émotion. (R. Boncy)
(Explicit)
testament Brotherhood of the snake
★★★
(Nuclear Blast Records)
Gonflé à bloc sur Krime Grave, un troisième album incisif à la virulence libératrice, Souldia arpente des horizons plus mélodramatiques sur Sacrifice. Au lieu de s’en remettre uniquement à Ruffsound, le rappeur emblématique de Limoilou fait confiance à plusieurs autres producteurs reconnus (DJ Manifest, Gary Wide, Ajust, Hotbox). En découle une direction musicale plus inégale qui, au final, reste cohérente grâce à la verve indocile de l’auteur-interprète. Malgré sa tendance parfois inopportune à multiplier les refrains semblables, Souldia sait happer l’auditeur avec d’intenses récits et de puissantes tirades de rimes, là où règnent les «attaques à la Kalach», les «soirées qui finissent en cellule» et «les bouteilles de whisky vides sur le comptoir». (O. Boisvert-Magnen)
★★★ 1/2
Coup de cœur pour ce 12e album qui retient notre attention avec une pièce titre qui donne le ton au reste du disque. Brotherhood of the Snake est une décharge de thrash métal qui laisse peu de place à l’ennui. Cette impression est confirmée par The Pale King, un morceau encore plus efficace, propulsé par les guitares galopantes d’Alex Skolnick et Eric Peterson et le martèlement de la batterie de Gene Hoglan. Même s’il est un fier porte-étendard de la bannière thrash depuis plus de 30 ans, le groupe de la baie de San Francisco a toujours varié l’intensité de sa musique en y mêlant d’autres influences. C’est le cas sur les chansons Stronghold et Seven Seals, relevées par des solos fluides qui mettent en valeur la personnalité heavy métal de Testament. (C. Fortier)
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cordâme satie variations (malasartes musique) ★★★ 1/2
La musique d’Erik Satie est de celles qui se prêtent facilement aux transformations de toutes sortes, et ses mélodies fortes ont été pour de nombreux compositeurs de véritables réservoirs d’inspiration. C’est aussi le cas pour le contrebassiste Jean-Félix Mailloux, qui reprend avec ses comparses (violon, violoncelle, harpe, piano et batterie) ses Gymnopédies, Gnossiennes et autres Airs à faire fuir en leur donnant un petit swing jazzé, des couleurs est-européennes ou en semblant les jouer comme cet artiste qui, chez Baudelaire, achève sa toile «seulement par le souvenir». Si le pianiste Guillaume Martineau est souvent à l’avant-plan, chacun des membres du sextette contribue à élaborer ce très beau programme saluant les 150 ans du Maître d’Arcueil. (R. Beaucage)
aLex nevsky nos eldorados (Audiogram) ★★★ 1/2
L’attente était palpable pour ce troisième album, considérant le succès fulgurant de son prédécesseur. Alex Nevsky, nouveau prince de la pop québécoise, s’entoure de Cœur de pirate et de Koriass et progresse vers la synthpop sur ce nouvel album, sans pour autant changer sa verve ou la dualité «arc-en-ciel vs ciel gris» qui caractérise ses albums. Sur Katharina en 2013 (Himalaya mon amour), il traitait de rupture difficile et aujourd’hui il fait écho à cette ancienne relation outre-mer afin de révéler ses vulnérabilités («Tu sais peut-être ce que j’enfouis quand je ris si fort»). Mais sinon, il s’agit là d’un disque très entraînant avec des «lalala» qui incitent à chanter à l’unisson l’amour, la liberté, l’espoir, le désir. Et l’emballage sonore, touffu et riche en expérimentations, vise juste. (V. Thérien)
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antoine corriveau cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter (Coyote Records) ★★★★
Après Les ombres longues (2014), Antoine Corriveau s’offrait une barre bien haute à franchir. Il réussit avec brio, alors qu’il livre Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter, titre aussi chargé que l’œuvre pop rock noire bien posée. Marquante par ses cuivres et ses percussions favorables aux ambiances enfumées et langoureuses que Corriveau s’offre, cette nouvelle mouture se taille une place parmi les grandes. Avec ses titres parfois plus engagés et ses aventures charnelles, souffrantes ou amoureuses, Corriveau dessine les réflections d’une société déglinguée dans sa réalité construite et magnifiée par les mots et les musiques riches que l’auteur-compositeur-interprète et ses collègues (dont la musicienne et multiinstrumentiste Marianne Houle et l’apport unique aux cordes de l’Orchestre accident) ont créés. (J. Ledoux)
osm/nagano danse macaBre (Decca) ★★★ 1/2
Voici un beau recueil, enregistré en concert à la Maison symphonique il y a tout juste un an, et donc tout à fait de saison. On retrouve ici L’apprenti sorcier (Dukas), La sorcière du midi (Dvorak) et Tamara (Balakirev), en pleine Danse macabre (Saint-Saëns) par Une nuit sur le mont Chauve (Moussorgski); cette nuit, bien sûr, est celle de l’Hallowe’en (Ives) et le maître de danse, c’est Kent Nagano. Decca, qui lançait en début d’année un coffret de 35 disques témoignant des années Dutoit/OSM, ne s’est pas trompé en poursuivant sa collaboration avec le tandem Nagano/OSM. Rien d’effrayant dans ce programme; au contraire, tout est bon ici, à commencer par le son de la salle, dont on sent les boiseries jusque dans notre salon. Eh oui, quoi, un son d’enfer! (R. Beaucage)
iLam hope (Baidy Musique/Believe) ★★★ 1/2 ILAM, il l’a! Cette voix de nomade qui vient de loin, cette présence incarnée, cette presque candeur qui lui vaut d’être, d’emblée, le chouchou de tous les jurys d’ici… et bientôt d’ailleurs, qui sait? Et puis, il a le bonnet, les dreads et cette peau d’ébène, en plus d’être épaulé par le redoutable guitariste sénégalais Assane Seck. L’album Hope ne se cantonne pas au reggae africain ou au mbalax de Dakar, mais s’engage spontanément dans toutes les directions. ILAM salue Vigneault, ce griot, au passage. Puis, il résume la pensée de ses chansons en wolof: «Je dénonce ceux qui font des choix de facilité centrés sur leur profit et je rends hommage à ceux qui en profitent moins pour en laisser plus aux autres.» Les envieux, les arrivistes, les hypocrites et ceux qui jugent en prennent aussi pour leur rhume. Et si la tendance se maintient, ce garçon parfaitement noir fera la page couverture de Voir, un jour. (R. Boncy)
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monique giroux sur mesure
sa jeunesse Je le revois avec ses lunettes de soleil, sa veste de ski rouge sans manches, son gros pull en cachemire gris sur un jean sans pli. Il doit être midi, un mercredi de décembre. Du haut de ses 85 ans de l’époque et de son statut, il s’avance vers le studio, tout seul, les mains dans les poches, sans cour ni agent. Il va d’un pas calme mais assuré. Il ne tient plus le compte des entrevues qu’il a accordées en 70 ans de carrière. Disons des dizaines de milliers. «Monsieur Aznavour, La Mamma, c’est l’histoire de la mort de votre mère pour vrai? Êtes-vous gay comme dans Comme ils disent, et sinon, pourquoi faire comme si? Avez-vous vraiment vécu la bohème et vendu des toiles contre un bon repas chaud? Écrivez-vous les paroles avant la musique? Et Piaf, avez-vous été son amant?» Il m’a avoué avoir tout entendu, et des pires que celles-là. Et puis de toute façon, il préfère parler des autres. Il me demande des nouvelles de Monique Leyrac. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, notez que Monique Leyrac est sans doute la plus grande interprète de toute notre histoire. Elle est l’idole de Diane Dufresne et de 99,9% du bottin de l’Union des artistes. Elle s’est retirée au sommet de sa carrière il y a de nombreuses années et se concentre aujourd’hui sur son jardin de Sutton et la musique classique. Ils se sont connus à la fin des années 1940, au Faisan doré, célèbre cabaret du Red Light. Un soir alors qu’Aznavour chantait à la Maison symphonique avec l’orchestre du même nom, j’ai dû fronder un placier qui interdisait à Leyrac d’aller en coulisses embrasser son vieil ami. Il ne la connaissait pas, pas plus que le big boss de la maison de disques de Toronto à qui j’ai fini par dire: «Do you know Barbra Streisand, Judy Garland and Edith Piaf? Please meet Monique Leyrac». Je ne lui ai pas laissé le temps de répondre que les deux amis se parlaient en sourdine.
J’attaque mon entrevue: — Monsieur Aznavour, que souhaitez-vous qu’on retienne de vous quand vous ne serez plus? On pose de ces questions parfois... L’entrevue autorise des audaces qu’on n’aurait pas en dehors d’un studio. Avez-vous déjà pensé poser cette questionlà à un de vos proches, vous? Donc: — Monsieur Aznavour, que souhaitez-vous qu’on retienne de vous quand vous ne serez plus? — Que voulez-vous qu’on retienne de moi? On ne retiendra rien du tout, voyons. Que nenni! — Mais enfin, vous ne pouvez pas dire une chose pareille, vous avez créé parmi les chansons les plus célèbres du répertoire mondial, on vous chante dans toutes les langues et sur tous les continents depuis 50 ans. Vous êtes la chanson française à vous tout seul. — Et alors. Ne vous en faites pas, d’autres suivront et prendront la place et c’est très bien comme ça. Tout ça n’est que du vent, a-t-il dit avec sérénité, avant de poursuivre, preuve à l’appui. Qui se souvient de Maurice Chevalier qui a pourtant été une star mondiale, la première star française entre toutes. Interrogez les gens dans la rue. Ils ne vous citeront pas une chanson ni un film. Maurice Chevalier, qui fut un grand ami de Walt Disney et du Tout-Hollywood, est mort à l’âge de 83 ans en 1972 dans la solitude la plus totale des suites d’une surdose de barbituriques. Il avait laissé une note: «J’ai eu la plus belle carrière dont a pu rêver un gosse de Ménilmontant. Mais j’ai une fin de vie pitoyable. Je vous demande pardon.» À la mort de
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29 sa dernière compagne en 2013, ce qui restait de lui – un piano et deux canotiers – a été vendu aux enchères à Drouot.
On l’a regardé sur les écrans marchant, seul, de la scène à sa loge pour la dernière fois. Je me souviens même d’avoir versé une larme.
Charles Aznavour, bien qu’il s’en défend, a quelques fois annoncé – à moins que ce ne soit sa maison de disques – une tournée d’adieu. Nous nous sommes précipités. Fallait voir le monstre avant qu’il ne quitte la scène. Voir Aznavour et mourir. Nous, pas lui. Et puis il s’est arrêté, un peu. Et puis il a repris les routes du monde qui le réclamait.
Et puis il a repris les routes du Québec qui le réclamait.
Il y a quelques années Jean Pierre Ferland avait annoncé son dernier spectacle, son dernier tour de piste. Une grande soirée au Centre Bell. Tout le monde y était. Attentifs, nous ne perdions pas une seconde de ce qui devait être notre dernière chance d’entendre JP chanter Le chat du Café des artistes ou Marie-Claire. À ma question «Tu es sûr que tu vas pas changer d’idée?», il avait répondu en me regardant droit dans les yeux: «Jamais. J’ai réfléchi trop longtemps pour changer d’idée. Je ne veux plus me soucier de mes cheveux qui tombent, de ma bedaine et de mes rides. Je veux vivre normalement, comme un homme de mon âge».
Il a chanté «il faut savoir quitter la table lorsque l’amour est desservi», mais pourquoi la quitter quand elle ne l’est pas? Respect. Et que ceux qui lui suggèrent de se retirer en fassent autant. y
Charles Aznavour est actuellement en tournée. Il a chanté à Montréal, Québec, Miami, New York, Los Angeles, et chantera bientôt dans les prochaines semaines en Belgique, au Portugal, en Russie et à Paris. Il a 92 ans… et demi.
Avant que de sourire, et nous quittons l’enfance. Avant que de savoir, la jeunesse s’enfuit. Cela semble si court, que l’on est tout surpris. Qu’avant que de comprendre, on quitte l’existence. – Sa jeunesse, Charles Aznavour chansons suggérées dalida: MOURIR SUR SCÈNE BarBara: MA PLUS BELLE HISTOIRE D’AMOUR sylvain lelièvre: TOI L’AMI
EDGAR PAILLETTES, PHOTO | OLIVIER PEYRE
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THÉÂTRE POUR TOUS ALORS QU’À MONTRÉAL S’APPRÊTENT À SONNER LES COUPS DE THÉÂTRE, UN PEU PARTOUT À TRAVERS LE QUÉBEC, LA CRÉATION JEUNE PUBLIC POURSUIT SA LANCÉE AFIN DE RATISSER PLUS LARGE ENCORE QUE LES PROVERBIAUX «6 À 12 ANS». MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
Présenté tous les deux ans depuis 1990 et fondé par Rémi Boucher, Les Coups de Théâtre est un festival international des arts dédiés au jeune public. Pour sa 14e édition, il s’étale sur huit jours avec une douzaine de spectacles de compagnies autant québécoises que provenant de la Belgique, de la France, du Portugal, de la Norvège et d’ailleurs au Canada. Il y a cette adaptation en théâtre d’objet des Misérables de Victor Hugo par la compagnie belge Karyatides, avec son propos plus qu’actuel sur l’injustice. Il y a aussi cette coproduction QuébecPortugal intitulée Immigrant de l’intérieur, un solo s’inspirant de fragments réels, ou alors Des pieds et des mains, création du Théâtre Ébouriffé en collaboration avec Le Carrousel posant un regard ludique sur les différences physiques. En dépit de la richesse des propositions mêlant théâtre, cirque, danse et nouvelles technologies, la création pour la jeunesse n’attire encore bien souvent que les enfants. Pourtant, il est faux de croire qu’à moins d’être enseignant, parent ou, comme le lance à la blague Simon Boulerice, d’avoir «un ami qui joue dans la pièce», l’adulte n’a pas sa place dans ce public. Un public comme les autres «Un bon spectacle pour enfants peut et doit être vu par tout le monde», s’exclame Simon Boulerice. Pour l’écrivain, dramaturge et comédien, l’argument
«je n’ai pas d’enfants» ne tient pas la route. «T’as jamais eu 8 ans? Si t’as 8 ans et plus, ça s’adresse à toi. Je ne vois pas pourquoi, si on a 34 ans, l’imaginaire ne peut plus se déployer. Je trouve ça aberrant!» Pour Jean-Philippe Joubert, délégué artistique des Gros Becs, «on s’adresse à des êtres humains, à nos concitoyens.» Il plaide pour reconnaître la nature unique du public jeunesse, inclusive. «Ce qui est formidable dans le théâtre jeunesse, c’est que 100% de la population est représentée dans le public. C’est le principal outil de démocratisation de la fréquentation des arts. C’est quelque chose qui n’arrive jamais en théâtre adulte, malheureusement; tu t’adresses à une portion de la population qui s’intéresse déjà au théâtre. En jeunesse, toutes les facettes de l’être humain sont là et le défi est d’autant plus grand!» Même chose en danse contemporaine, car comme le souligne Hélène Langevin, directrice artistique de la compagnie jeunesse Bouge de là, tout le monde y trouve son compte, même si le spectacle est créé à la base pour les enfants. «L’adulte adore mes shows. Ce n’est pas un sous-produit! Parfois, ceux qui ne s’y connaissent pas en danse aiment les spectacles pour enfants, car j’y donne des ponts vers la danse contemporaine. Je la “salis” avec le théâtre, les arts visuels, j’emprunte plusieurs voies pour passer le message et ça peut toucher autant un adulte.»
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COMMENT J’AI APPRIS À PARLER AUX OISEAUX, PHOTO | CAROLINE HAYEUR
C’est pourquoi Simon Boulerice, qui officie aussi à titre d’adjoint à la direction artistique de L’Arrière Scène, un centre dramatique pour la jeunesse, préfère se libérer des carcans et dire plutôt «à partir de 5 ans», sans mettre de fin à l’âge requis. «Je n’aime pas les balises strictes. Il faut être le plus honnête possible. Sincèrement, je ne m’adapte pas beaucoup quand j’écris, que je m’adresse à des adultes, des enfants ou des ados! J’essaie d’être transparent: le vrai travail, c’est de retrouver l’âge que j’avais. Ma façon d’être universel, c’est de replonger dans mon enfance et d’être honnête par rapport à ce que j’ai été.»
La politique de la vérité Transparence, honnêteté: les enfants seraient-ils un public que l’on peut plus difficilement flouer? Pour sa première création jeunesse, Comment j’ai appris à parler aux oiseaux, l’artiste interdisciplinaire D. Kimm a expérimenté de visu ce qu’on pourrait appeler le «pacte du vrai dans le faux», ou cette convention que même si ce qui est sur scène est inventé, le feeling, lui, ne l’est pas. «J’ai testé la pièce devant des groupes d’enfants et j’ai remarqué qu’ils s’attachaient au personnage, mais pas à ce qu’il y avait autour. J’aurais beau avoir la plus belle
scéno, le plus beau costume, ce qui est important, c’est d’avoir une vraie émotion. Il faut que j’aille plus loin que ce que je pensais dans mon attitude de performeuse, je ne peux pas me réfugier derrière la beauté des projections!» La chorégraphe Hélène Langevin est du même avis: «Quand tu crées pour des enfants, tu ne peux pas être indifférent à ton public. Tu crées pour eux, pas pour le jury, les parents, les profs, tes autres amis chorégraphes ou pour avoir des subventions.» Cette obligation d’être vrai donne aux créateurs une liberté inouïe. Pour D. Kimm, la création de son spectacle était un processus libérateur. «Ce n’est pas plus facile de créer pour enfants, je sens juste moins la pression du regard de l’institution.» Pour Simon Boulerice, c’est une leçon à transposer dans toute la dramaturgie, peu importe le public cible. «Parce qu’on fait du théâtre pour enfants ou pour ados, on s’octroie un plus grand délire, on se retient moins. Se lâcher lousse dans la création, ça fait du bien!» L’enfant ayant une capacité d’attention plus courte, l’auteur doit réfléchir à des moyens de captiver son auditoire en variant les formes. «Ça nous permet d’expérimenter beaucoup», explique le jeune dramaturge. «Parfois, certaines pièces pour adultes gagneraient à être moins sages...» Plogués sur l’émotion Fort de ses 15 ans avec la compagnie de création Nuages en pantalon, Jean-Philippe Joubert comprend bien la richesse du jeune public, beaucoup plus attentif qu’on ne le croirait. «C’est un spectateur qui est transparent, réactif. Il faut que le sismographe de sensations soit en adéquation avec ce qu’il vit.» Comme le dit Hélène Langevin, la critique est instantanée: «Ça ne ment pas, tu sais si ton show marche ou pas...» Il faut aller chercher chaque petit spectateur un par un, conserver la proximité par l’interaction dans le public, selon D. Kimm. «C’est quand même pas facile, dès qu’il y en a un qui s’ennuie, tu le vois. Il faut accepter qu’il y ait des chuchotements, c’est peuplé de petites personnalités.» Mais quand ça marche, c’est presque l’état de grâce. Les enfants réagissent de façon organique, sans censure. «Ce sont des moments formidables, c’est direct, ça vient du ventre!» s’émeut Jean-Philippe Joubert. La bataille de la légitimité Malgré tout, le théâtre jeunesse demeure le mal-aimé de ces parents pauvres que sont déjà les arts. «C’est un combat constant de rappeler que les artistes et les propositions qu’ils font au théâtre jeunesse ne sont pas différentes par leur qualité de ce qui se fait en théâtre adulte», déplore Jean-Philippe Joubert. Il donne l’exemple des auteurs qui signent la saison 2016-2017 aux Gros Becs: Marie-Josée Bastien, Véronique Côté, Frédéric Dubois, Olivier Normand, «des gens qui sont autant sur les grands plateaux adultes que chez nous!»
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De son côté, Simon Boulerice avoue que même son entourage hésite à percevoir le théâtre jeunesse comme un art à part entière. «J’ai des amis qui me disent: “Mais pourquoi tu écris ça?”, comme si je diluais mon talent. Ils n’ont pas compris que je ne dilue rien: c’est la même intensité. L’enfant est une éponge et son premier spectacle se dépose dans son imaginaire et va le marquer à jamais. Je me sens privilégié de participer à ça!» Ce manque de reconnaissance s’accompagne de considérations financières. Même si le gouvernement provincial a annoncé en octobre dernier l’octroi de 5 M$ en crédits supplémentaires pour soutenir la création jeune public à travers le Conseil des arts et des lettres du Québec, il n’en coûte pas moins cher de produire pour les enfants parce qu’ils sont petits. Simon Boulerice, lui, voit ça avec humour. «OK, j’ai huit personnages, mais du budget juste pour deux comédiens, on fait comment? Ça m’oblige à être créatif!» Pour Jean-Philippe Joubert, il est impératif que COMPAGNIE BOUGE DE LÀ, PHOTO | ROLLINE LAPORTE
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le public jeunesse soit aussi respecté que l’adulte, ce qui signifie une salle, une scénographie et de l’équipement de même qualité. Il est loin, le temps des représentations dans un gymnase... «L’enfant est un citoyen comme vous et moi et il a le droit d’avoir une expérience artistique pleine et entière qui lui parle.» Il faut aussi considérer l’accessibilité, fer de lance du théâtre jeunesse. «Le pouvoir économique des enfants est plus limité, ce serait impensable de vendre des billets à 30 ou 40$ comme pour les adultes. Notre capacité de revenus est ainsi vraiment restreinte. On dit souvent qu’on a des revenus d’enfants, mais des dépenses d’adultes!» C’est un cercle vicieux: tant que l’on continuera de penser que le théâtre pour enfants ne s’adresse qu’aux enfants avec des moyens d’enfants, on ne préparera ni la génération future ni l’actuelle à vivre n’importe quel théâtre pleinement. y Festival Les Coups de Théâtre Du 13 au 20 novembre 2016 coupsdetheatre.com
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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR
FAUT QUE JE ME POUSSE Sainte-Félicité, Grosse-Roche, Tourelle, La Marte, Mont-Saint-Pierre, L’Anse-Pleureuse, Gros-Morne, Rivière-Madeleine, Grande-Vallée, Petite-Vallée, Pointe-à-la-Frégate, Cloridorme, Pointe-à-laRenommée, L’Anse-à-Valleau, Pointe-Jaune, SaintMaurice-de-l’Échourie. Dire que j’aime la Gaspésie serait réducteur. Son chapelet d’écume qui se brise sur les caps, ses noms de villages comme un poème de Gaston Miron, ses grands vents, ses hivers implacables, ses plages de galets, ses montagnes rustres et sauvages, ses phares sur le grand bleu profond de l’Atlantique et ses bateaux tout en couleurs quand on arrive à Rivière-au-Renard m’enveloppent, m’oxygènent, me touchent. Quand le moteur du Québec étouffe dans les frimas des débats stériles, quand le Québec me déçoit ou me tue de petitesses incestueuses, quand le Québec radote de débats politiques surannés, je prends mon char et je vais retomber dans les bras de la péninsule, renouer avec la 132, me réconcilier avec le privilège de venir de cette immensité qui s’ignore trop souvent. J’ai une amie gaspésienne qui dit toujours: «La mer, ça allonge le regard, ça élargit l’œil, ça agrandit le dedans». J’aime la Gaspésie et, bien sûr, les Gaspésiens et Gaspésiennes qui me rappellent à quel point il faut être fait fort pour habiter ce territoire, notre territoire, et quand j’y suis, ça me donne du recul, ça me rend plus indulgente vis-à-vis de nous. Je pense à Blandine, de L’Anse-à-Valleau, femme de pêcheur pas trop instruite, mais inspirante. En 1977, des fonctionnaires décident d’aller chercher le vieux phare de l’endroit et de le déménager dans le port de Québec. Blandine et des copines du village
se sont battues pendant presque 20 ans pour récupérer leur patrimoine. «Tu peux pas voler le patrimoine à un village, tu peux pas partir avec l’histoire d’une communauté», m’avait-elle déclaré sur un vieux banc face à la mer. Il en a fallu des réunions, des lettres, des pressions pour rapatrier le phare, mais il est revenu sur le bord de la mer grâce aux efforts d’une simple citoyenne refusant l’absurde. Sur le côté nord de la 132, je ne compte plus les maisons à vendre, les motels abandonnés, les restaurants fermés, les épiceries désertées. Les rivages de la Gaspésie se vident, la Gaspésie vieillit. Ce n’est pas nouveau, mais c’est, chaque fois que je m’y rends, plus évident. Comment se fait-il que ce paysage digne des plus belles invitations au voyage ne soit pas plein de vie? Même Jésus a crissé le camp: «Un soir de grand vent, le Jésus du calvaire s’est envolé su’a mer», m’a expliqué le curé de l’église de Grande-Vallée, il y a quelques années. Le débonnaire Julien Bonneau, aujourd’hui à la retraite, riait en m’expliquant qu’il avait fait des funérailles à Jésus et avait enterré les morceaux récupérés par les pêcheurs du coin sous le calvaire: «Dieu est mort, vous savez!» Un curé qui cite Nietzsche, un délice qui ne se rencontre, dans la vie, qu’en Gaspésie. Sur les caps fleurit un réalisme magique qui aurait plu à Gabriel García Márquez. Mais la magie est difficile d’accès. Depuis quelques années déjà, le train ne se rend plus à Gaspé, Via Rail a interrompu le service et fermé les gares, les billets d’avion pour s’y rendre coûtent très, très cher et quand il y a des soldes et qu’on peut se les permettre, il arrive souvent qu’à cause de la brume, on ne puisse y atterrir puisqu’Air Canada n’y vole pas avec des avions adaptés au brouillard. Les transports en
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commun sont si dÊficients que de sympathiques rigolos ont crÊÊ le Marathon du pouce. Et les pouceux ont plus facilement accès à un feu de camp qu’à une connexion internet fiable. C’est peut-être un peu naïf, mais il y a quelque chose que je ne saisis pas. Dans tous les pays oÚ je suis allÊe, on encourage les visiteurs à visiter les endroits grandioses, on facilite l’accès aux bijoux, au magique, aux caps. Pourquoi pas chez nous? On a expropriÊ des centaines de personnes de leurs maisons ancestrales pour faire le parc Forillon dans les annÊes 1970, pourquoi ne pas le rendre plus accessible? Cette annÊe, à cause de la faiblesse du dollar canadien, la GaspÊsie a connu une saison touristique record. Des touristes partout. Des hôtels et des campings pleins. Les gens ont trouvÊ le chemin malgrÊ tout. Il ne faudrait pas qu’ils le perdent. J’ai une amie gentiment mÊgalomane qui en a fait sa mission depuis des annÊes. Ouvrir le chemin et faire dÊcouvrir sa GaspÊsie. Claudine Roy est à la pÊninsule ce que Jean Drapeau a ÊtÊ à MontrÊal. Ne soyez pas
cyniques. Drapeau Êtait mon grand-oncle. Et je veux dire par là quelqu’un qui a envie et qui agit pour mettre son coin du monde sur la carte. Claudine a crÊÊ la Grande TraversÊe de la GaspÊsie en ski de fond, puis la Grande TraversÊe de la GaspÊsie à bottines pour attirer des touristes en GaspÊsie en dehors des vacances de la construction. Skieurs et marcheurs parcourent la rÊgion pendant une semaine. Une façon inÊdite de voir ce pays. Claudine arrive à l’âge de la retraite bientôt. Qui prendra la relève? En attendant, cette annÊe, à l’occasion du 375e anniversaire de MontrÊal, elle a dÊcidÊ d’affrÊter un bateau. Il partira de GaspÊ avec à son bord des skieurs enthousiastes qui retraceront le voyage des explorateurs français jusqu’à MontrÊal. Les GaspÊsiens, certains GaspÊsiens voient grand, le nez plongÊ dans l’immensitÊ du fleuve. Voyons grand avec eux. Faut qu’on se parle, peut-être, mais faut surtout qu’on fasse vite, si on ne veut pas que nos rÊgions se vident dans l’indiffÊrence. y
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LA RENAISSANCE PORTE FRUIT LE CINÉMA BEAUBIEN CÉLÈBRE SES 15 ANS ET LE CINÉMA DU PARC FÊTE SES 10 ANS. VOILÀ DEUX INSTITUTIONS EN MARGE QUI MAINTIENNENT LE CAP GRÂCE À DES PROGRAMMATIONS AUDACIEUSES REJOIGNANT UN PUBLIC CURIEUX. ENTRETIEN AVEC LES DIRIGEANTS DES DEUX ÉTABLISSEMENTS MONTRÉALAIS. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
Les deux cinémas ont vécu des beaux jours comme des tempêtes à travers les années. Le Cinéma Beaubien a eu une autre vie sous le nom Cinéma Dauphin avant sa fermeture en 2001. Mario Fortin, très impliqué dans la mise en marché de films, est appelé à la rescousse, et le cinéma si cher au quartier Rosemont–La Petite-Patrie renaît. Le Cinéma du Parc, construit en 1977, a été le premier multiplexe montréalais avec ses trois salles alors qu’aujourd’hui, c’est le plus petit des multiplexes! Fermé pour une courte durée en 2006, le Cinéma du Parc a été vite repris par l’homme de cinéma Roland Smith et bénéficie depuis le printemps 2013 de l’expertise de M. Fortin à titre de directeur.
Si l’on entend parfois dire que le Cinéma Beaubien et le Cinéma du Parc sont les «derniers» cinémas de répertoire en ville un peu comme si la mort les attendait, le vent est plutôt bon aujourd’hui, alors qu’on fête leurs anniversaires de renaissances et que la vocation des deux cinémas est restée intacte. «C’est le même défi aux deux endroits: se démarquer de la masse de ce qui est présenté dans les multiplexes, une programmation très bulldozer, indique Mario Fortin, président-directeur général de la corporation du Cinéma Beaubien et du Cinéma du Parc. On veut présenter quelque chose qui suscite une curiosité pour une clientèle plus pointue, plus exigeante, et faire fonctionner les salles pour qu’elles puissent continuer à se développer.» Le Cinéma Beaubien accueille 225 000 personnes par année selon M. Fortin. Si le sentiment d’appartenance est palpable – «C’est mon cinéma», entend-on dire de la bouche des clients fidèles –, 75% de la clientèle habite hors d’un rayon de trois kilomètres. Les cinéphiles viennent parfois de loin, indique M. Fortin, pour voir un film présenté dans une seule salle au Québec, le Beaubien. Ainsi, le Cinéma Beaubien revigore la vie de quartier et est même un facteur de vente dans le monde immobilier. «On peut marcher sur la rue Beaubien et y a aucun commerce vacant, ils sont tous bien occupés. Et souvent, dans le descriptif des maisons à vendre, c’est inscrit: près du Cinéma Beaubien.»
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> L’avantage d’un cinéma de répertoire et d’un public fidèle, c’est que ce dernier développe une confiance aveugle envers la programmation. «C’était un de mes rêves que les gens aillent au Cinéma Beaubien et se disent: je vais bien trouver un film qui fait mon affaire sur un des cinq écrans. Ç’a été long à bâtir, mais on l’a atteint!», souligne Mario Fortin. Jean-François Lamarche, directeur général adjoint - films au Cinéma du Parc et au Cinéma Beaubien, indique que les deux endroits se complètent. Lorsqu’un film est plus edgy, il a la possibilité de le présenter sur les écrans du Cinéma du Parc. Si la clientèle du Cinéma Beaubien est surtout constituée de femmes francophones de 45 ans et plus, au Parc, c’est plus multiculturel. «On attire les jeunes du Ghetto McGill et toutes les communautés. C’est assez bilingue. On va toujours présenter les films possiblement avec des sous-titres français ou anglais pour rejoindre les deux publics», précise Jean-François. Mais une question s’impose: la révolution Netflix des dernières années a-t-elle changé les habitudes des cinéphiles? «Le problème de Netflix pour nous – ou pour les boutiques, les restaurants
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JEAN-FRANÇOIS LAMARCHE ET MARIO FORTIN
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et n’importe quelle activité –, c’est que c’est chronophage. Tu écoutes une série pendant des heures et tu restes en jogging donc t’achètes pas de bouffe ni de vêtements. On est pointés comme étant LA cible, mais ça n’affecte pas juste l’industrie du cinéma.» Le réel défi, selon messieurs Fortin et Lamarche, c’est de se démarquer parmi l’immense offre culturelle à Montréal. «Une personne qui dit “je veux voir ce film-là” n’a peut-être pas le choix de venir chez nous, mais une personne qui dit “je sors avec ma blonde ce soir, je vais où?”, on est dans le buffet de choses qui sont présentées et on doit sortir du lot pour qu’elles décident de venir chez nous plutôt qu’ailleurs. Ça, c’est un challenge puissant.» Pour ce faire, il faut créer l’événement chez eux. M. Fortin explique que les deux cinémas qu’il gère se tournent de plus en plus vers l’événementiel – sans oublier que son pain et son beurre demeurent la programmation régulière. Les cinémas Beaubien et du Parc présentent des événements spéciaux
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comme des opéras ou des pièces de théâtre, des projections spéciales avec la présence d’un ou d’une membre de l’équipe ou bien des projections en 35mm de classiques, comme les films de Hitchcock projetés en décembre et janvier dernier au Cinéma du Parc. Et si l’événementiel leur donne un certain regain d’énergie, qu’en est-il de l’avenir des salles de cinéma à Montréal? Pouvons-nous envisager la construction de nouveaux cinémas qui respectent les conditions d’écoute et de projection des films comme le font le Beaubien et le Parc? «Y a une volonté de retourner à un modèle comme le Beaubien et la vie de quartier, dit M. Fortin. Ça se parle, mais entre le désir et la réalité, y a hélas beaucoup trop de signes de dollar. Une salle de cinéma, ça ne s’improvise pas et ça coûte très cher. Je souhaite toutefois que ça se réalise et qu’on puisse trouver une façon de faire parce qu’on a besoin à Montréal de trois ou quatre autres Cinéma Beaubien.» y
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DRAME DU TROISIÈME TYPE ARRIVAL, HUITIÈME FILM DU RÉALISATEUR TRIFLUVIEN DENIS VILLENEUVE, SORT SUR NOS ÉCRANS AVEC FORCE ET FRACAS. ON LUI A DONC LÂCHÉ UN COUP DE FIL EN HONGRIE, SUR LE PLATEAU DE BLADE RUNNER 2049. VOICI LE RÉCIT D’UNE CONVERSATION QUI FUT PLUS QUE CORDIALE. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
Lundi matin, il fait beau à Montréal et l’invitation est idéale pour la projection de presse du dernierné du réalisateur de Maelström, le drame de sciencefiction Arrival. Il faut dire que le film atterrit ici, au Québec, où il a été en partie tourné (à Saint-Fabien, tout près de Rimouski), avec une auréole d’éloges et de belles critiques. En première à la Mostra de Venise sans son réalisateur, le film fut applaudi pour sa grande signature visuelle (Patrice Vermette et Bradford Young), sa mise en scène impeccable et la qualité du jeu d’Amy Adams. Inspirée par une nouvelle de l’auteur américain de science-fiction Ted Chiang intitulée Story of Your Life, l’histoire présente le parcours de la linguiste Louise Banks (Amy Adams) appelée à collaborer avec l’armée américaine par le colonel Weber (Forest Whitaker) à la suite de l’arrivée d’une douzaine d’étranges objets volants venus d’ailleurs. Tout au long de l’intrigue, elle tentera d’établir un contact avec ces extraterrestres et de déchiffrer leur langage en compagnie du mathématicien Ian Donnelly (Jeremy Renner). Mais l’histoire du film ne se résume pas seulement à la science-fiction et à une rencontre du troisième type: «C’est un film très intimiste, sur le rapport d’une femme avec la mort. Il traite de choses délicates et fragiles. J’avais envie que le film ne perde jamais cette idée, même lorsque la caméra filme ces étranges créatures. J’aimais l’idée de fin du monde vue par le regard d’une femme terrassée par l’angoisse et la dépression, cela créait un bel enjeu narratif.» La science-fiction va bien à Denis Villeneuve, comme un terrain de jeu dans lequel il place ses thèmes et ses obsessions. Que ce soit Pascale Bussières dans Un 32 août sur terre ou Lubna Azabal dans Incendies, les femmes, avec lesquelles il a beaucoup travaillé depuis ses débuts, lui permettent d’exprimer ses colères,
PHOTOS | JAN THIJS
mais également son infinie admiration. Le mariage des deux (une héroïne + le langage de la sciencefiction) provoque un film qui est engageant. Avec Amy Adams, on est en présence d’une comédienne au sommet de son art. Dans le film, tout repose sur ses épaules. Ce qui se déroule sous notre regard, on le ressent comme le docteur Banks, dans notre corps, avec la même angoisse. La rencontre avec les extraterrestres, la rencontre avec la mort, les douleurs qui habitent la linguiste, tout cela prend forme grâce à l’actrice. «Amy Adams était notre premier choix. À l’intérieur de 24 heures, elle nous a répondu positivement. Elle a une profondeur et une vie intérieure hyper riches. Son jeu fait preuve d’un sens de l’économie tout en faisant jaillir un émerveillement hors du commun. Très peu de comédiens ont cette force évocatrice. Le pari était de la faire entrer en contact avec des êtres qui n’existent pas tout en vivant les déchirements propres à la vie et l’histoire de son personnage. Il y a deux films dans ce film, ce qu’on voit et ce qui se déroule en elle. Il fallait donc une actrice capable de jouer ce double registre! C’est une des meilleures comédiennes au monde en ce moment.» Villeneuve réussit par une mise en scène habile à sortir le film de l’habituel propos manichéen propre à la science-fiction. On est ici en présence d’un film de troisième type. Après la sortie coup sur coup d’Enemy, de Prisoners, de Sicario et d’Arrival, ainsi que la réalisation en ce moment de Blade Runner 2049, on voulait savoir comment Villeneuve allait et s’il réussissait à garder le rythme et le cap. Est-il essoufflé par ce marathon de productions hollywoodiennes? «Les projets se sont accélérés et j’ai été enivré par tout cela. Cela demeure un rythme beaucoup trop effréné. Les quatre derniers films que j’ai faits ont demandé une préparation intense et de plus en plus
AMY ADAMS ET DENIS VILLENEUVE
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longue. Je suis habitué à des tournages de 55 jours et en ce moment, j’en suis rendu à ma 75e journée sur 100. Dans le futur, je chercherai un temps de gestation beaucoup plus long entre les tournages et non l’inverse», dit-il en riant. Depuis 2013, année de son premier film hollywoodien jusqu’à aujourd’hui, la vie de Villeneuve va très vite. Il faut dire que depuis l’annonce que ce sera lui le prochain réalisateur de Blade Runner, on le bombarde de questions sur lesquelles il ne peut pas vraiment tergiverser. Au début, il se disait terrifié par la réalisation de cette suite, mais au bout du fil, il semblait plutôt obsédé par l’intrigue et le gigantisme de la production. «Ce plateau me permet de vivre des choses auxquelles je n’aurais jamais rêvé. Sur un plateau, il y a toujours UNE grosse scène technique à tourner, mais sur Blade Runner 2049, j’en ai plusieurs dizaines. Je n’ai jamais eu accès à autant de moyens ni jamais eu autant de pression. En ce moment, je me sens comme un joueur de hockey en échappée à qui plusieurs journalistes demanderaient de quelle façon il va marquer le but.»
Au-delà de la métaphore sportive, le fait de s’attaquer à un film culte et de côtoyer des monstres sacrés du cinéma comme Ridley Scott (qui produit le film) et Harrison Ford (qui reprend son rôle de Rick Deckard) le met évidemment sous une tonne de pression, car il s’agit d’un des films les plus attendus de 2017. Bien qu’épuisé et presque à bout de souffle, Villeneuve se nourrit de l’énergie des comédiens sur le plateau. Un de ceux-là semble lui en donner beaucoup et l’épaule avec une franche camaraderie. «Ryan [Gosling] a une énergie phénoménale, j’ai rarement vu un comédien tout donner à ce point. Il est très inspirant, engagé, et me donne souvent des idées sur le plateau qui font avancer les choses. C’est quelqu’un de très intelligent. En plus de cela, il est drôle, ce qui me fait un grand bien sur ce plateau.» Le tournage de Blade Runner 2049 se poursuit en Hongrie pour encore quelques semaines tandis que Arrival sort sur nos écrans le 11 novembre prochain. À vos calendriers! y En salle le 11 novembre
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PAR-DELÀ LES MARÉES, LE MONDE C’EST AVEC LE MÊME SOUCI DE PERSPECTIVES NOUVELLES SUR LE RÉEL ET AVEC UNE PROGRAMMATION PLUS RESSERRÉE QUE LA 19 E ÉDITION DES RIDM SE POINTE DANS LE MÉLANCOLIQUE MOIS DE NOVEMBRE. EN COMPAGNIE DE BRUNO DEQUEN, LE NOUVEAU DIRECTEUR DE LA PROGRAMMATION ET DE SA DIRECTRICE GÉNÉRALE, MARA GOURD-MERCADO, NOUS AVONS CARTOGRAPHIÉ CE FESTIVAL DÉDIÉ À L’ART DOCUMENTAIRE. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
Lorsqu’une nouvelle édition d’un festival est dévoilée, la première chose que l’on fait est de parcourir la sélection et de faire ses choix. C’est toujours un moment jubilatoire et déchirant à la fois, où le cinéphile hésite entre une classe de maître d’un réalisateur aimé et la projection d’un film qu’il ne reverra pas de sitôt sur grand écran. «C’est encore une édition sous le signe du renouveau avec la première année de Bruno [Dequen] en tant que directeur de la programmation», nous explique Mara Gourd-Mercado. «Nous avons aussi décidé de mettre l’accent sur les créateurs de chacun de ces films en réduisant volontairement le nombre de films proposés.»
En regardant la grille de la programmation, on constate tout de suite une sélection moins abondante, et c’est plutôt une bonne nouvelle, car on a l’impression de mieux saisir la ligne éditoriale du festival. Souvent, des programmations denses et abondantes perdent leur point central et déroutent le festivalier. Ici, le cinéphile est en présence d’une sélection du meilleur cinéma documentaire produit dans la dernière année. «Le festival, poursuit Bruno Dequen, a un double mandat: soutenir la production locale et la relève. C’est pourquoi nous avons créé une nouvelle section de courts et moyens métrages nationaux. Le deuxième mandat est tout simplement esthétique. Nous faisons la promotion de l’art documentaire à travers une programmation extrêmement travaillée sur le plan des choix. On promeut des œuvres qui ont des soucis esthétiques et politicosociaux comme le film d’ouverture Fuocoammare de l’Italien Gianfranco Rosi.» Campé sur l’île de Lampedusa, ce film raconte à la fois la vie ordinaire d’un petit garçon et les arrivées massives de réfugiés. Le plus récent Ours d’or de la Berlinale est un véritable tour de force. Tourné en solitaire, ce film reflète exactement ce qu’un simple et habile récit documentaire peut avoir comme impact sur la compréhension d’un phénomène social important: le dossier laborieux des migrants en Europe. S’il y a une qualité qui définit les rencontres internationales du documentaire dans l’écosystème des festivals de cinéma de la ville de Montréal, c’est son caractère dialogique. «C’est important de fréquenter le festival pour venir y faire des découvertes que l’on ne ferait pas à la télévision ou même sur le web», nous rappelle la directrice du festival. «Le mot rencontre est un
FUOCOAMMARE, PHOTO | EYESTEELFILM
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Concours provincial pour une œuvre d’art public
À TOUS LES ARTISTES EN ARTS VISUELS ET EN MÉTIERS D’ART DU QUÉBEC THE PRISON IN TWELVE LANDSCAPES
aspect fondamental de notre événement, il fait partie de notre ADN. Beaucoup des films sont accompagnés par leurs créateurs, la discussion se poursuit ainsi après la projection.» Les RIDM accompagnent certains documentaristes et sont fidèles à ceux-ci. C’est le cas de Sylvain L’Espérance qui présentera son plus récent travail, Combat au bout de la nuit, sur les bouleversements sociaux de la Grèce, un film-fleuve de plus de cinq heures. Un autre habitué du circuit des festivals documentaires, Pierre-Yves Vandeweerd, aura droit à une rétrospective. Cinéaste, poète et voyageur, il a traîné ses guêtres sur le continent africain et a beaucoup traité de l’altérité, de l’exil et des fondements de la démarche documentaire. Assurément à découvrir! En rafale, on se précipitera pour aller entendre Projet Archipel, de Guillaume Campion et Guillaume Côté, un documentaire audio doublé d’un concert électroacoustique sur la réappropriation des berges du Saint-Laurent. The Prison in Twelve Landscapes de Brett Story s’intéresse aux paysages américains et à ce qu’ils disent sur la vie des prisonniers. Brothers of the Night de l’Autrichien Patric Chiha suit la trajectoire de jeunes prostitués bulgares venus gagner leur vie dans les bars de Vienne, un film qui vient brouiller les pistes du documentaire classique. Sinon, il y aura une savante rétrospective de documentaires d’animation qui offrent encore de nouvelles façons d’appréhender le réel; ultime mission des RIDM. Encore cette année, le festival occupe l’ancienne École des beaux-arts de Montréal, lieu fort en symboles et où ont étudié Gilles Carles, Pierre Ayot, Jacques Folch-Ribas et bien d’autres intellectuels ayant forgé notre modernité. C’est entre ces murs que l’on prolongera les nuits des RIDM par le biais d’une sélection de concerts par les meilleurs festivals de musique de la ville (POP Montréal, M pour Montréal, Blue Skies Turn Black, Heavy Trip). Une raison de plus de venir poursuivre le dialogue entamé en salle et de toujours provoquer la rencontre humaine. y RIDM Du 10 au 20 novembre ridm.qc.ca
Appel de dossiers Groupe Dallaire annonce la tenue d’un concours provincial pour la conception et la réalisation d’une œuvre d’art public au Faubourg du Moulin, dans l’arrondissement Beauport. L’œuvre sera localisée sur un socle prévu à cet effet, au cœur du plan d’eau au parc Ruisseau-du-Moulin. Pour connaître les modalités du concours, les artistes intéressés sont invités à consulter le site internet de Groupe Dallaire : groupedallaire.ca/art-public/ appel-de-concours Pour toute question concernant le concours, veuillez écrire à l’adresse : artpublic@groupedallaire.ca
Les dossiers de candidature devront être acheminés au plus tard le 9 décembre 2016 à 16 h via le site internet de Groupe Dallaire.
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
FAUT VRAIMENT QU’ON SE PARLE D’ÉDUCATION Le Parti libéral du Québec mène en ce moment des consultations sur la réussite éducative, en invitant les gens à répondre à un questionnaire sur le site internet du ministère et en tenant de brèves rencontres publiques durant lesquelles groupes et personnes peuvent aller s’exprimer. Le public peut aussi proposer un mémoire ou encore rédiger un texte intitulé: «Si vous étiez ministre». On ne peut être contre la vertu. Mais on doit être contre la petite vertu. Et cette consultation est, à mes yeux, bien décevante. Nous avons droit à mieux et il est de notre devoir collectif d’exiger mieux. Ce mieux, ce serait ce que je propose d’appeler une commission Parent 2.0. Et voici pourquoi j’avance cette proposition. Le mieux, pour le comprendre, est de prendre un peu de recul historique. Petit rappel historique À la fin des années 1950, le système d’éducation du Québec a un sérieux besoin de mise à jour. S’il possède des collèges classiques qui ne sont pas sans mérite, il reste notamment peu démocratique, sexiste, élitiste, insuffisamment ouvert sur la culture et la science moderne, sans rien dire de la dominante présence de la religion et du religieux qui se fait partout sentir et de la relative pauvreté de la formation des enseignantes et des enseignants. Une mise à jour s’impose et tout le monde ou presque en convient. Elle aura lieu et donnera naissance au système actuel, avec, entre autres, ses polyvalentes, ses cégeps, ses universités du Québec, l’abolition du cours classique et des écoles normales, son ministère de l’Éducation et son Conseil supérieur de l’éducation.
Ce spectaculaire résultat, on le doit à la commission Parent, créée par le gouvernement libéral de Jean Lesage en 1961 dans le contexte de la Révolution tranquille qui réfléchit, parcourt la province et le monde, écoute et tranche en faisant des propositions concrètes et réfléchies. Ces travaux durent jusqu’à la publication du cinquième et dernier tome, en 1966. Le Québec fait, grâce à la commission Parent, son entrée dans la modernité en éducation et le place résolument sous le signe de la démocratisation. Ce fut, il faut le dire, un travail remarquable, habile, informé et généreux. Sans défauts? Non, inévitablement. D’autant que le monde change et change même très vite à compter de ces années. Trente ans plus tard, au milieu des années 1990, une mise à jour s’impose et tout le monde, ou presque, en convient. Il faut cette fois encore consulter, prendre le pouls de la population, écouter, avant de proposer et de décider. Ce furent les États généraux de l’éducation. Leçons sur l’échec des États généraux La consultation est moins ambitieuse et sans doute aussi moins exhaustive et moins approfondie que le fut celle menée par la commission Parent. Mais de fortes demandes en ressortent clairement. Les observateurs avertis conviennent généralement que la principale demande de la population va dans le sens d’un rehaussement du curriculum de l’école québécoise et vers un retour à ce qu’on pourra appeler un recentrement sur les fondamentaux. Il n’aura pas lieu. Et pour comprendre ce qui suit, on doit introduire l’idée de capture de la réglementation, par quoi on désigne ces moyens par lesquels des gens qui feront l’objet d’une
> réglementation parviennent à devenir les seuls – ou du moins les principaux – décideurs de cette même réglementation. Voici un exemple tristement actuel de capture de la réglementation: des entreprises seront, comme d’autres instances et d’entières populations, soumises aux règles convenues par un traité de libreéchange; mais elles parviennent à prendre une part si démesurément grande dans la rédaction du traité que celui-ci les avantage outrageusement. Dans le cas qui nous occupe, la capture a été faite par le ministère de l’Éducation et par les facultés universitaires d’éducation et a consisté à répondre à une demande de rehaussement du curriculum par une réforme de la pédagogie, centrée sur les compétences, les projets, le constructivisme et plusieurs autres idées situées dans cette orbite. L’imposition de ces idées ne s’est pas faite sans heurts ni sans vives contestations et le fut dans un contexte de plus en plus vicié et polémique. Au total, les résultats de la réforme de l’éducation issue des États généraux ont été décevants, voire à certains égards très décevants. Et nous en sommes là. Mais les années ont passé et de nombreux autres problèmes sont apparus, du préscolaire à l’université. Par exemple: analphabétisme, décrochage, pauvreté du curriculum, inégalité des chances, place de la formation générale, définition de la nature et de la mission des cégeps et des universités. Ils soulèvent des questions vastes, immenses, qui appellent une réflexion en profondeur qui demandera du temps, du sérieux, qui exigera de nous de ne pas nous contenter de rapiéçage. Il s’agit de décider collectivement de ce que nous entendons être l’éducation, de ce que nous attendons de nos écoles, de nos cégeps et de nos universités. Pour cette raison, il nous faut retourner à la table de travail et entreprendre un travail long et sérieux. Voici, modestement, quelques idées sur la manière de s’y prendre. Rêvons de Parent 2.0 Je rêve… On mettrait sur pied une commission indépendante des partis politiques, composée de gens qu’on ne pourrait soupçonner de partisanerie. Une des graves lacunes des États généraux aura été, comme l’avait aussitôt vu Lise Bissonnette, de ne pas avoir de comité scientifique consultatif, lequel aurait été l’arme la plus efficace contre la capture de la réglementation en montrant que les solutions proposées ne passent pas le test de la plausibilité scientifique. On adjoindrait donc à cette commission un comité scientifique. On lui donnerait du temps et on lui permettrait de consulter la population; tous les groupes, toutes les personnes et toutes les institutions désirant être entendus. On lui donnerait une liste de questions (à laquelle il serait possible d’en ajouter) auxquelles on attend des réponses. Et on ne demanderait pas d’obtenir ces réponses demain, mais on donnerait à cette commission le temps qu’il faut pour faire sa lourde et noble tâche, décisive pour notre avenir collectif. Je rêve, bien entendu… y
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NOMMER LE TERROIR LE DÉBAT AUTOUR DU TRAITÉ DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LE CANADA A NOTAMMENT MIS EN LUMIÈRE LA NOTION D’APPELLATION PROTÉGÉE ET SES ENJEUX. LE QUÉBEC EN EST POUR SA PART AU TOUT DÉBUT D’UN PROCESSUS DE RECONNAISSANCE DE SON PATRIMOINE AGROALIMENTAIRE… ET SI NOMMER LE TERROIR PERMETTAIT AUSSI DE LE PROTÉGER? MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTOS | DREAMSTIME.COM
«Je suis pour que les gens revendiquent leur territoire et que la question des appellations devienne aussi un débat canadien, que l’on puisse déposer selon des règles définies des appellations internes au Canada et qui seront ensuite reconnues au niveau international.» Ainsi parlait José Bové, lors d’une entrevue qu’il nous avait accordée en octobre dernier. Mais un produit du terroir, c’est quoi d’abord? Pour en faire une définition courte, il s’agit d’un produit fait dans un espace géographique défini, où des facteurs humains et naturels lui confèrent des caractéristiques que l’on ne retrouve pas ailleurs. Et pour le député européen et militant écologiste, le terroir protégé par des appellations d’origine contrôlée constitue une propriété intellectuelle, et ne peut donc être impunément copié ailleurs. Les premières appellations d’origine ont été inventées en France et votées au parlement en 1925 – il s’agissait du champagne et du roquefort. L’appellation nécessite un territoire précisément défini, un mode de fabrication spécifique et le cas échéant une race d’animal ou une variété de plante. «C’est devenu européen dans les années 1990. Ç’a renforcé le pouvoir du producteur dans l’ensemble du cahier des charges, lui donnant un rôle aussi important que le transformateur, et la garantie pour le consommateur en a aussi été renforcée», indique José Bové. La garantie, c’est notamment celle d’un produit spécifique et sans imitation. On retrouve en effet de ce côté-ci de l’Atlantique beaucoup de produits copiés, auxquels on accole un nom régional d’ici pour l’aspect marketing. Mais un produit peut goûter différemment selon son endroit de production… «Au lieu de copier, on peut aussi inventer des produits locaux et leur donner un nom. On sera très contents en Europe de manger du fromage de chèvre typique du Québec par exemple, protégé par une appellation! Et il ne viendra pas en concurrence avec le Rocamadour ou autre, car ils ne se ressembleront pas…»
Le Québec en avance? Le terroir québécois, ce sont les produits de l’érable, des viandes et fromages, des boissons, des fruits et légumes… et une réflexion plutôt récente dans la province. «Le fait de se poser la question de savoir si on a un terroir québécois, c’est qu’on en doute, et c’est dommage», pense Jérôme Ferrer, chef français immigré à Montréal. «C’est quelque chose qui m’agace au Québec, de ne pas s’affirmer plus. La province a un terroir spécifique lié à son climat et d’une grande beauté. On n’a pas à rougir de ses origines! Qui aurait dit il y a quelques années que le Québec mettrait sur la table des produits d’exception comme les vins ou les cidres de glace? Il y a ici une véritable culture culinaire. Et plus que jamais, les gens ont conscience de leur écoresponsabilité en mangeant local.» Au Canada comme aux États-Unis, ce sont les marques déposées par les entreprises qui dominent encore. Et au Québec? En 2000, le gouvernement provincial reconnaît le mode de production biologique, une première appellation. Six ans plus tard est créé le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV), qui gère toutes les appellations, qu’elles soient de territoire, de mode de production ou de spécificité. 2006, c’est pas un peu tard pour protéger son terroir? «Nous sommes la seule juridiction de ce type qui existe en Amérique du Nord, je pense donc que nous sommes au contraire en avance», contrecarre Anne-Marie Granger Godbout, la présidente-directrice générale du CARTV. «L’appellation est un outil qui répond à un intérêt collectif, mais qui reste à démystifier pour les entreprises. Et plus le consommateur va comprendre et distinguer les appellations, plus il va être rassuré et va demander à ce qu’elles soient contrôlées par la loi.»
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ÂŤOn ĂŠtouffe les producteursÂť Sur la liste des appellations quĂŠbĂŠcoises figurent pour le moment trois produits issus de la province avec une indication gĂŠographique reconnue: lâ&#x20AC;&#x2122;agneau de Charlevoix (depuis 2009), le vin de glace du QuĂŠbec et le cidre de glace du QuĂŠbec (2014). Et depuis mars dernier, le fromage au lait de vache canadienne est dĂŠsormais un terme valorisant reconnu. Mais les producteurs ne sont pas encore assez dĂŠfendus au QuĂŠbec, selon le chef Ferrer: ÂŤIci, les spiritueux locaux sont difficilement commercialisables Ă cause du monopole de la SAQ, et les cidres de glace sont copiĂŠs en Europe de lâ&#x20AC;&#x2122;Est. On ĂŠtouffe les producteurs. Il y a un vrai manque de responsabilitĂŠ des gouvernements face aux petits producteurs et artisans, qui ne sont ni encadrĂŠs ni soutenus. Câ&#x20AC;&#x2122;est dommage dâ&#x20AC;&#x2122;avoir un terroir aussi riche et de si belles rĂŠalisations locales et de ne pas les protĂŠger! La crĂŠation nâ&#x20AC;&#x2122;est pas soutenue et beaucoup de producteurs lâ&#x20AC;&#x2122;ont difficileâ&#x20AC;ŚÂť De son cĂ´tĂŠ, le CARTV travaille Ă ce que les appellations rĂŠservĂŠes quĂŠbĂŠcoises soient reconnues dans tout le Canada. ÂŤEn 2009, lâ&#x20AC;&#x2122;appellation bio est arrivĂŠe au niveau fĂŠdĂŠral, et il est donc permis dâ&#x20AC;&#x2122;espĂŠrer que dâ&#x20AC;&#x2122;autres appellations remonteront aussiÂť, indique Anne-Marie Granger Godbout. Et en attendant, la liste des appellations spĂŠcifiques au QuĂŠbec devrait continuer de sâ&#x20AC;&#x2122;agrandir, alors que le CARTV travaille actuellement sur quatre projets. Ă&#x20AC; lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtude notamment, le cheddar de lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŽle aux Grues, le maĂŻs sucrĂŠ de Neuville, le vin du QuĂŠbec et le terme valorisant de fromage fermierâ&#x20AC;Ś ÂŤIl y a beaucoup de choses Ă changer, de concertations Ă mettre en place, car on a encore beaucoup de vieilles rĂŠglementations, conclut JĂŠrĂ´me Ferrer. Il faudrait une force agricole et gouvernementale qui protège produits et artisans. On pourrait demander lâ&#x20AC;&#x2122;avis des chefsâ&#x20AC;Ś Il sâ&#x20AC;&#x2122;agit de lâ&#x20AC;&#x2122;agriculture de demain: le gouvernement doit entretenir et soutenir cela.Âť y
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Ă&#x20AC; lire sur le web: Libre-ĂŠchange: JosĂŠ BovĂŠ: ÂŤLe Canada sert de poisson-pilote pour les Ă&#x2030;tats-UnisÂť
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52 LIVRES VOIR MTL
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LE MONDE EST SON LANGAGE MOTS | FRANCO NUOVO
air sérieux, mais intrigant. Suffisamment en tout cas pour que je réponde à son regard en lisant la quatrième de couverture. Quelques lignes, quelques noms d’écrivains originaires de divers continents – certains que je connaissais, d’autres non – et une idée ont suffi pour m’aspirer dans ce périple aussi inattendu qu’inespéré. En fait, l’idée de Mabanckou est plus que séduisante. Pour dresser le portrait de l’écrivain qu’il est devenu, il nous propose des rencontres avec des auteurs des Antilles, de l’Amérique, de l’Afrique… Il quadrille le territoire littéraire tel un géographe. Il souligne l’importance du déplacement dans une phrase d’ouverture qui révèle l’homme de nulle part et celui de partout.
C’est un véritable tour du monde que nous propose Alain Mabanckou, un voyage au cours duquel il nous invite à découvrir les valeurs intellectuelles des écrivains engagés. Ce bouquin n’est ni un roman ni un essai, mais plutôt une sorte d’objet difficilement identifiable à première vue, une sorte de carte géographique littéraire. Le monde est mon langage a atterri sur mon bureau je ne sais trop comment, enfin comme ça se produit souvent finalement. Or s’il m’était déjà arrivé d’interviewer l’auteur franco-congolais lors de la sortie d’un de ses ouvrages (Mémoires de porc-épic et Verre cassé), avant la lecture de celui-ci, je le connaissais peu. En fait, pour être franc, superficiel et futile comme il m’arrive de l’être, mon œil a d’abord été attiré par la couverture où apparaît l’auteur africain drapé dans sa redoutable élégance. À travers ses lunettes à monture de cristal, le feutre posé avec distinction sur sa tête, un manteau jeté négligemment sur l’épaule de sa veste bleue où de discrets motifs se disputent la vedette, Mabanckou fixe le lecteur. Un
«Le Congo est le lieu du cordon ombilical, la France la patrie d’adoption de mes rêves, et l’Amérique (où il enseigne maintenant) un coin dans lequel je regarde les empreintes de mon errance.» Pour cet écrivain, les livres voyagent, le téléportent et ressemblent étrangement à son propre parcours. Il fait éclater le concept d’identité. Les villes deviennent donc sous sa plume des écrivains – ou seraitce plutôt le contraire? Dany Laferrière, son ami, est né en Haïti, est devenu écrivain à Montréal et réside à Paris. Le Clézio est un écrivain voyageur marqué par l’Afrique où il a vécu. Edouard Glissant est né en Martinique, a vécu à Paris et a enseigné aux États-Unis. Quant au Cubain Eduardo Manet, il a choisi d’écrire en français et de vivre en Guadeloupe… Mabanckou érige un panthéon littéraire en nous racontant soit des rencontres, soit des réflexions ou des anecdotes. Montréal, c’est Dany, c’est son ami chez qui, il y a quelques années, il est allé dîner. J’ignorais d’ailleurs que Dany cuisinait. Un détail sur lequel on insiste. Il a bien entendu été question d’écriture et beaucoup de réécriture.
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53 Laferrière: «L’écrivain est quelqu’un qui se délimite un espace très étroit et qui fouille pour aller jusqu’au fond de la terre.» Mabanckou : «Comment faire l’amour… est l’un des rares livres de la littérature négro-africaine qui montrent comment on devient écrivain en venant d’un des pays considérés comme les plus pauvres de la planète.» Évidemment, je ne ferai pas ici le tour du monde tracé par notre écrivain. Je me suis attardé sur Dany Laferrière parce que c’est Montréal, parce qu’il est un peu nous. Or il y a Le Clézio à Paris. Une anecdote délicieuse qui mérite à elle seule l’achat du bouquin. Leur rencontre pendant laquelle Le Clézio fait l’éloge de Réjean Ducharme peut surprendre et émouvoir. À ce rendez-vous, Alain Mabanckou était arrivé 10 minutes à l’avance, ce qui fit dire à son hôte: «Vous avez tellement vécu en Amérique que vous avez perdu la dernière coquetterie du genre humain: le privilège du retard…» C’est pas beau, ça. Plus que beau, suave.
Comme je vous l’écris, je ne peux vous entraîner ici sur toutes les voiles de ce cerf-volant du bout du monde, mais un mot encore. Cette fois, sur la première rencontre en 1979, entre notre auteur et l’écrivain congolais Sony Labou Tansi. Mabanckou lui dit qu’il écrit des poèmes. Sony Labou Tansi lui demande alors quels poètes il lit. Des classiques français et des poètes congolais, répond-il. Ce à quoi le maître rétorque: «Il faut t’échapper, t’ouvrir au monde, découvrir Pablo Neruda, Octavio Paz, Pouchkine et bien d’autres…» Et il l’envoya au Centre culturel français de Brazzaville avec une liste sous le bras… Une idée formidable, que celle de nous présenter ses compagnons de lettres. Du coup, l’évasion est totale, la carte géographique littéraire est imprimée dans nos têtes et l’autoportrait modeste de Mabanckou, tatoué sur notre cœur. y
LE MONDE EST MON LANGAGE ALAIN MABANCKOU
JOSEPH ELFASSI
JOCELYN LANOUETTE
MANU MILITARI
Grasset, 2016, 320 pages
LE SOURIRE DE LETICIA
CLOCHARD
LE PRIX DE LA CHOSE
« J’ai vu par hasard son nom sur une carte ; elle me plaisait déjà. Entourée de guérilleros et de narcotrafiquants, plongée au cœur de l’Amazonie, aux frontières du Brésil, du Pérou et de la Colombie, moitié ville moitié village, j’ai eu envie de mettre un visage sur son nom : Leticia. »
Clochard est une histoire criante de vérité où se profile l’espoir à travers la tragédie des êtres isolés et les maux de notre société contemporaine.
Dans ce premier roman à la langue crue, Joseph Elfassi imagine une fable jouissive qui interroge habilement les liens entre le sexe et l’argent.
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Sur les rayons
CHANSON DOUCE LEÏLA SLIMANI Gallimard, 2016, 240 pages «Le bébé est mort.» Y a-t-il façon plus cruelle et plus terrible d’amorcer un roman? Encore faut-il croire qu’il est possible d’amorcer quoi que ce soit après une telle tragédie, après un tel non-sens. Et pourtant, voilà comment commence Chanson douce, le deuxième roman de Leïla Slimani, publié chez Gallimard, une histoire infernale et hypnotique, un huis clos habilement construit en plein cœur de la bourgeoisie parisienne. Cette rencontre entre une nounou parfaite et une famille des plus banales se transformera lentement et méthodiquement en ce cauchemar que l’auteure annonce dès les premières pages. Habile et inquiétant. L’ouverture est sans appel: un bain de sang dans lequel on retrouve le corps de deux enfants et d’une femme qui semble s’être suicidée après avoir commis l’impensable. Après avoir ainsi annoncé le drame, Slimani nous entraîne dans la genèse de ce dernier. Un couple venant tout juste d’accueillir un deuxième enfant dans la famille alors que la femme commence à trouver le temps long entre les siestes et les sorties au parc. Après la rencontre d’un vieil ami d’université lui offrant un poste dans son petit cabinet d’avocat, elle et son conjoint se mettront à la recherche d’une nounou qu’ils pourront difficilement se payer, mais qui transformera complètement leur vie. Car on doit le dire: Louise est parfaite. En quelques semaines, elle range l’appartement, leur prépare à souper, devient la chouchou des enfants, et ses prouesses derrière les chaudrons font parler tout le voisinage. C’est une réelle bénédiction qui s’abat sur ce couple de trentenaires carriéristes qui, tout à coup, a l’impression de jouir de son existence comme jamais. Mais le lecteur, lui, sait que quelque chose cloche, il connaît le fin mot de l’histoire. Et il est là, le tour de force de Slimani: elle ne tombe pas dans le piège de créer un roman où on ne s’intéresserait qu’au qui, quand, comment et pourquoi. Non, elle entraîne tant ses personnages que ses lecteurs dans ces tensions malsaines qui se tissent de part et d’autre du récit. Une mère qui jalouse secrètement cette nounou alors que cette dernière vit par procuration une existence qui n’est pas la sienne. Le drame est annoncé, soit, mais le brio et la finesse de la construction narrative de Leïla Slimani sont les réelles surprises dans ce roman. L’une des œuvres les plus étranges, inquiétantes et maîtrisées que vous lirez cet automne. (Jérémy Laniel) y
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Sur les rayons
LES LOIS DU CIEL GRÉGOIRE COURTOIS Le Quartanier, 2016, 208 pages Qu’adviendrait-il si l’espoir était inexistant? Si dans un étrange concours de circonstances, les vulnérables personnages d’un livre ne pouvaient être sauvés et, qui plus est, si ces derniers étaient des enfants de six ou sept ans perdus en plein cœur d’une forêt? Si l’auteur avait été clair avec nous dès le départ, qu’aucune absolution n’était possible, qu’aucun messie n’errait en ces pages? Qu’en aucun cas l’ordre des choses ici ne serait bousculé? Qu’au moment où cette forêt allait se refermer sur ce groupe d’une douzaine d’enfants, c’en serait fait? Alea jacta est. Voilà les prémisses des Lois du ciel, troisième roman de Grégoire Courtois publié au Quartanier. Douze enfants et trois adultes partent en escapade dans les forêts du Morvan et nul ne reviendra vivant. Dès l’arrivée, à l’orée de cette forêt française, l’une des adultes responsables ne se sent pas bien. Un mauvais virus la prend en grippe et quelqu’un viendra la chercher. Entre-temps, l’autre mère accompagnatrice se perdra dans la forêt laissant Fred, l’enseignant, seul au camp racontant des histoires d’épouvante autour du feu. Et pourtant, quelques instants plus tard, les enfants crieront, courront dans tous les sens, s’enfouiront dans la forêt, seuls ou en petits groupes. Autant dire qu’ils courent vers les ténèbres. Vers l’enfer. C’est ainsi que commencent à s’égrainer les heures – les dernières – où ces enfants affronteront le réel qui, pour eux, est tant intangible qu’abstrait. Il y a quelque chose de malsain, de pervers, dans ce livre de Grégoire Courtois. Plus le lecteur avance dans ce bouquin, plus il est guidé par une sorte de voyeurisme terrifiant, sachant pertinemment que l’histoire est sans issue. Dans un univers éditorial où des séries on ne peut plus violentes comme Hunger Games et Le labyrinthe se retrouvent à la tête des palmarès, la posture de Courtois rappelle celle du cinéaste autrichien Michael Haneke avec un film comme Funny Games. Une façon de souligner et de décrier la violence et la perversité de l’air du temps en mettant en scène l’indicible, l’impensable, le terrible. Les lois du ciel est un roman effroyable tant pour ce qu’il raconte que pour ce qu’il dit sur nous, lecteurs. Singulier et sans concession, porté par la prose sobre et étrangement empathique de son auteur, ce roman est une forêt dont on ne s’extirpe jamais complètement. (Jérémy Laniel) y
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ISABELLE ARSENEAULT ET FANNY BRITT
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D’INNOCENCE ET DE LUCIDITÉ IL Y A EU HÉLÈNE, QUI A ÉMU DES MILLIERS DE LECTEURS À TRAVERS LE MONDE. MAINTENANT, IL Y A LOUIS, HABITÉ PAR TOUTES SORTES DE FANTÔMES. FANNY BRITT ET ISABELLE ARSENAULT REVIENNENT AVEC LOUIS PARMI LES SPECTRES, UN DEUXIÈME ALBUM INCLASSABLE AUSSI BEAU QUE TROUBLANT. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
L’immense succès de Jane, le renard et moi, paru il y a quatre ans et raflant prix après prix, a autant surpris l’auteure et l’illustratrice qu’il leur a mis de la pression. «C’est plus difficile la deuxième fois: Jane a tellement suscité de réactions, a fait le tour du monde... Y a une partie de moi qui ne voulait pas décevoir», confie Fanny Britt. «Je voulais don’ pas répéter une recette!» Même crainte de la collaboration à numéros pour l’illustratrice Isabelle Arsenault: «Ce n’était pas possible de faire abstraction du fait qu’on avait déjà collaboré, mais il ne fallait pas refaire la recette. Il fallait simplement reproduire le contexte qui nous a permis de créer une œuvre librement, proche de nous.» Ainsi, l’album Louis parmi les spectres est né, comme Jane, en deux temps: d’abord, le texte de Fanny, puis le dessin d’Isabelle. «On a été plus en contact que pour la première collaboration: on a échangé plus d’opinions, discuté de ce qu’on avait en tête», explique l’illustratrice. «On savait qu’on voulait un univers orienté vers un personnage garçon, étant nous-mêmes mamans de garçons. À partir de là, Fanny est partie de son côté et a écrit l’histoire.» Cette histoire, c’est celle de Louis, flottant entre l’enfance et l’adolescence. Il y a son père qui pleure «surtout, d’abord, à cause du vin». Sa mère, dont le sarcasme est la spécialité. Il y a Billie, celle qui illumine la vie de Louis, et Truffe, le petit frère pas aussi naïf qu’il en a l’air. Louis parmi les spectres est
PHOTO | CINDY BOYCE
paradoxalement plus sombre et plus lumineux que l’album précédent. Les non-dits évoqués par le dessin d’Isabelle Arsenault frappent autant que les formules simples et touchantes de Fanny Britt: «Au matin, aucune trace de mon père, sauf dans les yeux rougis de ma mère.» «J’avais besoin de laisser émerger une histoire que je trouvais essentielle. J’ai pris du temps avant d’assumer où je voulais aller avec ça», raconte l’auteure. «Il y avait une partie de moi qui se sentait à l’aise d’écrire des silences, des moments où je n’avais pas besoin de faire appel aux mots pour déployer le sens de ce que je voulais écrire, car je savais que la sensibilité d’Isabelle allait entrer en scène. Ce n’était pas la première fois que je travaillais avec un illustrateur, mais l’expérience était plus profonde avec Isabelle.» Alors que Fanny laisse son texte respirer, Isabelle prend le relais, à la manière d’un réalisateur. «Je me sens comme au cinéma: dans ma tête, je vois le livre comme un film, on dirait que les personnages existent! Je sens dans la phrase un temps d’arrêt ou un moment à accélérer. J’essaie de rythmer ça pour donner un autre point de vue, une autre perspective au récit.»
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Pour dessiner les personnages de Louis et de son frère Truffe, Isabelle sâ&#x20AC;&#x2122;est inspirĂŠe des enfants de Fanny, ce qui a profondĂŠment ĂŠmu lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcrivaine. ÂŤPour moi, câ&#x20AC;&#x2122;est un privilège dâ&#x20AC;&#x2122;avoir ces traces-lĂ . Il y a quelque chose dans le type dâ&#x20AC;&#x2122;illustration dâ&#x20AC;&#x2122;Isabelle qui capte lâ&#x20AC;&#x2122;âme de façon diffĂŠrente dâ&#x20AC;&#x2122;une photo ordinaire quâ&#x20AC;&#x2122;on prend en famille. Câ&#x20AC;&#x2122;est comme consignĂŠ dans le temps.Âť Le style dâ&#x20AC;&#x2122;Isabelle, mĂŞlant encre de couleur et crayon dâ&#x20AC;&#x2122;une façon très abouti mais oĂš on voit aussi volontairement les traces dâ&#x20AC;&#x2122;esquisses, a quelque chose dâ&#x20AC;&#x2122;universel, ÂŤqui touche Ă la fragilitĂŠ, Ă lâ&#x20AC;&#x2122;espoir et Ă la dĂŠception que tu peux lire dans les yeux des personnages, des ĂŠmotions du coming of age, des moments de transition dans la vie, entre lâ&#x20AC;&#x2122;innocence et la luciditĂŠÂť. Louis sous le coup de crayon dâ&#x20AC;&#x2122;Isabelle, câ&#x20AC;&#x2122;est le fils de Fanny, mais câ&#x20AC;&#x2122;est aussi nâ&#x20AC;&#x2122;importe quel enfant de 11 ou 12 ans, ÂŤde tout temps et de partoutÂť. Le style immĂŠdiatement reconnaissable dâ&#x20AC;&#x2122;Isabelle Arsenault a toutefois ĂŠvoluĂŠ entre la crĂŠation de Jane et celle de Louis. ÂŤĂ&#x20AC; la base, je suis plus Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aise avec tout ce qui sâ&#x20AC;&#x2122;efface, ce qui se contrĂ´le bien, car je retravaille beaucoup mes images. Je ne me sens pas comme les bĂŠdĂŠistes qui sont super bons pour dessiner Ă la va-vite
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un personnage Ă lâ&#x20AC;&#x2122;encre dâ&#x20AC;&#x2122;un seul coup!Âť avoue lâ&#x20AC;&#x2122;illustratrice. ÂŤLe deuxième livre sâ&#x20AC;&#x2122;est fait plus facilement, jâ&#x20AC;&#x2122;ai moins hĂŠsitĂŠ, peut-ĂŞtre que mon dessin ĂŠtait plus contrĂ´lĂŠ.Âť En plus des touches dâ&#x20AC;&#x2122;encre de couleur, qui servent Ă ĂŠvoquer le passĂŠ de Louis (en vert) ou alors ses rĂŞves et espoirs (en jaune), Isabelle travaille au crayon Ă mine graphite. InspirĂŠe par le sujet de lâ&#x20AC;&#x2122;album, elle a intĂŠgrĂŠ Ă ses dessins lâ&#x20AC;&#x2122;encre de Chine. ÂŤComme câ&#x20AC;&#x2122;est un livre qui parle du courage, je me suis identifiĂŠe Ă ce thème-lĂ et je me suis mise dans une zone dâ&#x20AC;&#x2122;inconfort, de dĂŠfi. Lâ&#x20AC;&#x2122;encre, ça ne pardonne pas!Âť Ă&#x20AC; cheval entre le livre dâ&#x20AC;&#x2122;art, la bande dessinĂŠe/le roman graphique et lâ&#x20AC;&#x2122;album jeunesse, Louis parmi les spectres est inclassable. ÂŤFrĂŠdĂŠric [Gauthier, de la Pastèque] insistait beaucoup lĂ -dessus: ne pense pas Ă ton public, il va se trouver si câ&#x20AC;&#x2122;est sincèreÂť, relate Fanny Britt. Pourtant, il y a toujours une petite angoisse... ÂŤEst-ce quâ&#x20AC;&#x2122;il va tomber entre les craques du plancher si on nâ&#x20AC;&#x2122;arrive pas Ă lui trouver une place claire?Âť En mĂŞme temps, cette fluiditĂŠ du genre littĂŠraire est le signe dâ&#x20AC;&#x2122;une Ĺ&#x201C;uvre
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ÂŤJE ME SENS COMME AU CINĂ&#x2030;MA: DANS MA TĂ&#x160;TE, JE VOIS LE LIVRE COMME UN FILM, ON DIRAIT QUE LES PERSONNAGES EXISTENT!Âť aboutie et authentique. Pour Fanny, ça ÂŤtraverse lâ&#x20AC;&#x2122;enfance, lâ&#x20AC;&#x2122;adolescence et lâ&#x20AC;&#x2122;âge adulte comme une espèce de vagueÂť, Ă lâ&#x20AC;&#x2122;image du sentiment qui lâ&#x20AC;&#x2122;habitait lorsquâ&#x20AC;&#x2122;elle ĂŠcrivait le rĂŠcit. Pour Isabelle, le livre sâ&#x20AC;&#x2122;adresse Ă ceux qui aiment le dessin et la littĂŠrature: ÂŤles adultes, les enfants, filles comme garçons, peuvent y trouver leur compte, câ&#x20AC;&#x2122;est ouvert et jâ&#x20AC;&#x2122;aime que ça soit comme ça. On veut communiquer une ĂŠmotion, une pulsion qui nous porte Ă crĂŠer.Âť Si la nouvelle crĂŠation Britt-Arsenault est un relatif cassetĂŞte de libraire, il nâ&#x20AC;&#x2122;en est pas un de lecteur, car le talent et la sensibilitĂŠ transcendent les ĂŠtiquettes quâ&#x20AC;&#x2122;on voudrait bien lui coller. y Louis parmi les spectres Fanny Britt et Isabelle Arsenault Ă&#x2030;ditions de la Pastèque Ă&#x20AC; paraĂŽtre en novembre 2016
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60 CHRONIQUE VOIR MTL
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
SORTIR DU GARDE-ROBE À la fin du mois dernier, j’ai choisi de soutenir Isabelle Melançon, la candidate libérale qui se présente dans Verdun à l’occasion des élections partielles. Il se trouve que j’ai travaillé avec elle dans le cadre de plusieurs dossiers culturels, dont le projet de transformation du MAC, et que j’ai été à même de constater son efficacité, son professionnalisme et sa fine connaissance des dossiers qu’elle a eu à gérer à titre de chef de cabinet de la ministre David, d’abord à la Culture, ensuite à l’Éducation supérieure. Elle m’a demandé de lui donner un coup de main, je n’ai pas hésité un instant. Je n’étais pas dupe, je me doutais bien qu’elle diffuserait ce message, une courte capsule vidéo, sur les réseaux sociaux, et que cet appui public serait repris par les médias. J’ai mangé toute une volée de bois vert. «Mangemarde», «crosseur», «corrompu». «Votre endossement me fait pleurer», m’a dit Julie. «Progressiste, mon cul! Je désinstalle Téo et retourne chez Uber», menaçait Frédéric B. Tout un champion. Heureusement que j’ai reçu ce soir-là un message d’un ancien politicien péquiste, pour qui j’ai un immense respect, qui me disait: «On ne peut empêcher un esprit libre d’aimer». Connaissant mes positions progressistes, il a vu dans cet appui un soutien envers quelqu’un qui partage mes valeurs et y a vu du bon. Ça m’a calmé. Quelques semaines plus tôt, Jean-François Lisée se targuait d’avoir reçu un don de 250$ de ma part dans le cadre de sa campagne à la chefferie. Il a même jugé bon de publier une photo de moi en sa compagnie prise après une émission de radio à laquelle nous étions tous les deux invités, La soirée est (encore) jeune, pour ne pas la nommer. Impossible de nier. C’était vrai. J’ai indiqué que j’avais soutenu Jean-François parce que je le connais socialement, que j’ai eu des discussions très intéressantes avec lui et que j’adhérais à ses valeurs progressistes.
Je vais vous faire une révélation. Mon coup de cœur politique des derniers mois s’appelle Manon Massé. J’ai eu le plaisir de participer avec elle à un débat sur le salaire minimum à 15$ lors d’une émission animée par Michel Lacombe. Des cinq intervenants, elle était de loin la plus solide, la plus calme, la mieux renseignée. Elle mène un combat depuis toujours pour une plus grande équité envers les plus défavorisés de notre société. Pour le féminisme aussi. Deux combats que je considère comme parmi les plus importants de notre société. Est-ce qu’en soutenant Isabelle Melançon j’endosse de facto les politiques libérales d’austérité, la position hermétique des libéraux envers la hausse du salaire minimum à 15$ ou leurs compressions en culture? Bien sûr que non. Pas plus que le don envers monsieur Lisée était un endossement du projet d’indépendance ou que mon coup de cœur envers Manon Massé signifie que j’adhère à leurs occasionnels dérapages envers le capitalisme et la libre entreprise. J’ai la chance d’avoir les moyens d’aider des gens qui veulent faire une différence dans notre société et avec qui je partage certaines de mes valeurs. Devrais-je m’en empêcher? Il y a quelques semaines, quelqu’un a mis sur Twitter la liste de mes contributions à des politiciens. Ce sont des données publiques de toute façon. J’étais heureux de lire ça. Une dizaine de contributions au Québec dans les cinq dernières années. Aucune que je ne renierais aujourd’hui. Quand je fais une contribution, je la destine avant tout à quelqu’un. Parce que la politique est faite par des individus. Quand le Parti conservateur du Canada a retiré «progressiste» dans son nom, c’est parce que des individus, avec à leur tête Stephen Harper, ont agi pour faire bouger le parti vers la droite. Ils n’adhéraient pas au progressisme et ont choisi de s’impliquer et de modifier la direction du parti. Le Parti conservateur
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peut-il redevenir progressiste? Bien entendu, Ă condition que des hommes et des femmes se relèvent les manches et dĂŠcident de le reconquĂŠrir et de modifier sa trajectoire. Vous pouvez remplacer dans le prĂŠsent paragraphe conservateur par libĂŠral et Canada par QuĂŠbec et la conclusion sera la mĂŞme. Ce serait vrai pour nâ&#x20AC;&#x2122;importe quelle formation politique. Ce sont les individus qui forment les partis politiques, pas lâ&#x20AC;&#x2122;inverse.
Face Ă tous les bouleversements et les tempĂŞtes de lâ&#x20AC;&#x2122;actualitĂŠ, les institutions politiques ne devraientelles pas ĂŞtre un rocher, quelque chose de stable et de fiable auquel on pourrait sâ&#x20AC;&#x2122;agripper? Diriger un Ă&#x2030;tat ne peut se rĂŠsumer Ă un concours de popularitĂŠ dont lâ&#x20AC;&#x2122;issue serait de gagner les prochaines ĂŠlections. Il faut prendre des dĂŠcisions collectives, souvent difficiles, au profit du bien commun.
Pourrions-nous rĂŞver que les partis se mettent Ă travailler ensemble et non en confrontation? Nâ&#x20AC;&#x2122;avons-nous pas atteint les limites du parlementarisme majoritaire? On nous dit souvent quâ&#x20AC;&#x2122;un mode de scrutin proportionnel rendrait lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;tat plus difficile Ă gĂŠrer, que le parlement serait plus instable, car il reposerait nĂŠcessairement sur des coalitions entre diverses formations politiques. Ce ne serait peut-ĂŞtre pas une mauvaise choseâ&#x20AC;Ś La diffĂŠrence entre un chef de parti et un chef dâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;tat, câ&#x20AC;&#x2122;est que le premier prend des dĂŠcisions pour dans quatre ans et le second pour la prochaine gĂŠnĂŠration.
Vous me permettrez de reprendre lâ&#x20AC;&#x2122;expression de Juan Manuel Santos, le prĂŠsident de la Colombie qui sâ&#x20AC;&#x2122;est rĂŠcemment vu attribuer le prix Nobel de la paix. Il sâ&#x20AC;&#x2122;est dĂŠfini comme quelquâ&#x20AC;&#x2122;un de lâ&#x20AC;&#x2122;extrĂŞme centre. Difficile de mieux dĂŠcrire ma position. Parce quâ&#x20AC;&#x2122;il y a du bon dans chacun des partis et que la vĂŠritĂŠ est rarement noire ou blanche. Il me semble terminĂŠ le temps des dogmes politiques. Je ne suis pas libĂŠral, pĂŠquiste, caquiste ou QuĂŠbec solidaire.
Je suis de plus en plus convaincu que le centre doit bouger lentement. La sociĂŠtĂŠ ĂŠvolue tellement rapidementâ&#x20AC;Ś
Dites-moi, suis-je vraiment le seul queer politique en ville? y
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QUOI FAIRE
PHOTO | JÉR Ô M E GUIBORD
MUSIQUE
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AVEC PAS D’CASQUE
PHILIPPE BRACH
CLUB SODA - 3 NOVEMBRE
C L U B S O D A - 12 N O V E M B R E
Septembre annonçait le retour sur disque de ce groupe folk bien-aimé mené par le cinéaste Stéphane Lafleur. Le chanteur et ses collègues se retrouveront sur les planches du Club Soda en ouverture de la 30e édition de Coup de cœur francophone, afin de présenter Effets spéciaux, leur nouvel album.
Le sympathique Philippe Brach a toujours de fous projets dans la tête (musicaux ou pas!). Il poursuit la tournée de son plus récent album, Portraits de famine, et saura sans doute vous divertir.
RYMZ
GIRAFFAGE + TENNYSON
MÉTROPOLIS - 18 NOVEMBRE
NEWSPEAK - 3 NOVEMBRE
Fort de ses deux derniers albums, Petit Prince et Amsterdam (en duo avec Souldia), le Maskoutain d’origine Rymz offrira l’un de ses plus importants spectacles à vie puisqu’il sera en vedette au Métropolis dans le cadre de M pour Montréal. S’y produiront aussi Les Anticipateurs, Shash’U, Lary Kidd et VNCE (de Dead Obies), en plus de quelques maîtres des Word Up! Battles.
Le producteur californien Giraffage mélange R&B, house et trap avec singularité depuis ses débuts en 2011. Précédé par les éminents Montréalais Thomas White et Dead Horse Beats ainsi que le Brooklynois Wingtip, il sera la tête d’affiche d’un happening électro d’envergure aux côtés du duo edmontonien d’exception Tennyson.
LAUREN MANN + HELENA DELAND CASA DEL POPOLO - 13 NOVEMBRE
Depuis la parution de l’enveloppant Dearestly en juillet dernier, la chanteuse folk pop Lauren Mann commence peu à peu à susciter un engouement massif partout au pays. Sa tournée pancanadienne actuelle s’arrêtera à Montréal, le temps d’un plateau double avec la révélation de Québec Helena Deland, qui vient de faire paraître l’excellent Drawing Room.
LA FAMILLE OUELLETTE ET MAUVES M A I S O N D E L A C U LT U R E M A I S O N N E U V E 11 N O V E M B R E
Beau combo en ce vendredi soir de la série de concerts Révèle la relève! Le premier groupe est montréalais, poprock, festif, et a été sacré grand gagnant des Francouvertes cette année; le second est de Québec, a de bonnes vibes seventies et est tout aussi coloré et entraînant.
BIG | BRAVE B A R L E R I T Z P.D.B - 17 N O V E M B R E
Après la sortie d’un premier disque fort intéressant en 2014 (Au De La) et quelques petites tournées en Amérique du Nord et en Europe (avec Sunn O))) par exemple), le trio noise rock expérimental revient sur les planches montréalaises. Le groupe promet de nouvelles chansons au menu de cette soirée.
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LEWIS FUREY T H É ÂT R E O U T R E M O N T 1 E R , 10 E T 1 1 N O V E M B R E
Grand amateur des chansons de Brahms, qu’il considère à la fois comme crues et confessionnelles, profondes mais accessibles, Lewis Furey a construit un spectacle au piano autour d’une quinzaine de lieds du compositeur allemand. Il les interprétera ici en anglais.
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GAMIQ LION D’OR - 27 NOVEMBRE
SEU JORGE T H É ÂT R E M A I S O N N E U V E - 1 4 N O V E M B R E
Au grand écran dans The Life Aquatic with Steve Zissou, Seu Jorge avait campé le rôle d’un marin qui chantait des versions acoustiques et portugaises du répertoire de David Bowie. Douze ans après ce film et quelques mois après la mort de ce dernier, le Brésilien propose un hommage sur scène au grand Bowie.
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Pour une 11e année, le GAMIQ récompensera le meilleur de la musique alternative québécoise. Cette année, c’est le sextuor hip-hop Dead Obies qui part favori avec cinq nominations. L’événement est ouvert au public, et plusieurs artistes d’ici donneront une prestation, notamment Ariane Zita, Le Couleur et Laura Sauvage. Le duo Sèxe Illégal sera à la barre de l’animation.
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SÈXE ILLÉGAL, PHOTO | MICHEL GRENIER
64 QUOI FAIRE
SCĂ&#x2C6;NE
VOIR MTL
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THE SOUNDS
UNE FEMME Ă&#x20AC; BERLIN
DES PROMESSES, DES PROMESSES
T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E C O R O N A V I R G I N M O B I L E 26 NOVEMBRE
E S PA C E G O J U S Q U â&#x20AC;&#x2122; A U 19 N O V E M B R E
L I C O R N E ( L A ) - 1 E R A U 19 N O V E M B R E
Le groupe new wave suĂŠdois revisitera Dying to Say This to You Ă lâ&#x20AC;&#x2122;occasion du 10e anniversaire de son album phare. Une tournĂŠe nord-amĂŠricaine le mènera jusquâ&#x20AC;&#x2122;Ă MontrĂŠal Ă la fin du mois. Lâ&#x20AC;&#x2122;album sera jouĂŠ en entier en plus de quelques chansons favorites du groupe et de nouvelles compositions. Nostalgie, quand tu nous tiens!
Raconter Berlin pendant la guerre, alors que lâ&#x20AC;&#x2122;ArmĂŠe rouge est dans la ville, mais par la voix dâ&#x20AC;&#x2122;une femme: câ&#x20AC;&#x2122;est ce quâ&#x20AC;&#x2122;a fait la jeune auteure Marta Hillers dans son journal, que Brigitte Haentjens met aujourdâ&#x20AC;&#x2122;hui en scène. La voix de la journaliste se distribue entre plusieurs comĂŠdiennes, dont Sophie Desmarais et Evelyne de la Chenelière.
LE JOKER
Ă&#x20AC; LA DOULEUR QUE Jâ&#x20AC;&#x2122;AI
T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E D E Q U AT â&#x20AC;&#x2122; S O U S 7 NOVEMBRE AU 2 DĂ&#x2030;CEMBRE
USINE C - 23 AU 26 NOVEMBRE
PL ACE DES ARTS - CINQUIĂ&#x2C6;ME SALLE 15 A U 19 N O V E M B R E
Dernière crĂŠation de la jeune chorĂŠgraphe Virginie Brunelle, ce spectacle de danse contemporaine Ă six interprètes est une rĂŠflexion autour du thème de la douleur. Entre douceur et violence, poĂŠsie et amertume, ĂŠmotion et mouvement, lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtoile montante de sa gĂŠnĂŠration expose un travail Ă fleur de peau.
Le duo de Tentacle Tribe propose une fusion de danses urbaine et contemporaine. Pendant une heure, les artistes Emmanuelle LĂŞ Phan et Elon HĂśglund mĂŞlent leurs mouvements Ă des projections dâ&#x20AC;&#x2122;images du peintre Gene Pendon, notamment des mandalas. Hypnotique et onirique.
Lâ&#x20AC;&#x2122;auteur Larry Tremblay revient avec une pièce qui parle de lâ&#x20AC;&#x2122;Autre, de lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;tranger. Une famille se retrouve confrontĂŠe au mystĂŠrieux Joker pendant lâ&#x20AC;&#x2122;espace dâ&#x20AC;&#x2122;une nuit. Ă&#x20AC; la fois comique et tragique, ce texte met chacun des personnages face Ă lui-mĂŞme.
La Manufacture reprend le beau texte de lâ&#x20AC;&#x2122;auteur ĂŠcossais Douglas Maxwell. Ce monologue, portrait Ă la fois drĂ´le et poignant de Miss Brodie, est portĂŠ par la comĂŠdienne Micheline Bernard. On y suit une femme forte et pleine de caractère qui vit une rencontre bouleversante avec une petite Somalienne...
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PHOTO | FRANCA PERROTTO
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T H É ÂT R E S T-D E N I S - 9 A U 1 2 N O V E M B R E
E S PA C E L I B R E - 3 A U 19 N O V E M B R E
Après avoir roulé sa bosse sur les scènes du Québec aux côtés de son acolyte Virginie Fortin, l’humoriste montréalaise Mariana Mazza se dévoile en solo avec son premier one-woman-show judicieusement intitulé Femme ta gueule. Reconnue pour son franc-parler, la finaliste d’En route vers mon premier gala 2013 ne laissera personne indifférent.
Cinq ans après les premières Lettres arabes, ce deuxième volet remet en scène les deux mêmes jeunes de banlieue française. Dans cette pièce inspirée des Lettres persanes, Rachid et Mouloud pensent aller en vacances dans un tout-inclus, mais se retrouvent en fait dans un camp d’entraînement au jihad...
DOCTOR STRANGE NEDERLANDS DANS THEATER T H É ÂT R E M A I S O N N E U V E 1ER AU 5 NOVEMBRE
Nederlands Dans Theater, compagnie phare de la danse contemporaine, revient à Montréal 20 ans après son dernier spectacle. Dans ce programme triple (Sehnsucht + In the Event + Stop-Motion), on peut observer toute la technique des danseurs, leur polyvalence et leur virtuosité, sous la houlette du grand directeur artistique Paul Lightfoot.
AMY SCHUMER C E N T R E B E L L - 11 N O V E M B R E
L’humoriste, actrice, productrice et scénariste Amy Schumer a le vent dans les voiles actuellement. Après avoir obtenu un succès considérable avec son film Trainwreck et sa série Inside Amy Schumer, la NewYorkaise se promène partout en Amérique du Nord pour donner une série de spectacles, où elle aborde notamment sa célébrité accidentelle et ses black-out de tequila.
EN SALLE LE 4 NOVEMBRE
Le neurochirurgien Stephen Strange, après avoir perdu l’usage de ses mains à la suite d’un grave accident de voiture, doit mettre son ego de côté pour apprendre les secrets du mysticisme et de dimensions parallèles pour retrouver ce qu’il a perdu. Loin de se douter jusqu’où ses recherches le mèneront, il devient un émissaire entre le monde réel et ceux que l’on ne voit pas.
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MARIANA MAZZA
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FANTASTIC BEASTS AND WHERE TO FIND THEM E N S A L L E L E 18 N O V E M B R E
Servant de prologue à la série des Harry Potter, le film se déroule dans le New York de 1926. Alors qu’un étrange phénomène laisse des traces de destruction sur son passage dans les rues, un groupe anti-magie cherche à mettre la faute sur les sorciers et les sorcières de la communauté. C’est dans cette ville déchirée qu’arrive Newt Scamander, sauveteur de bêtes magiques, où il sera mêlé à toute cette embrouille.
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MOONLIGHT
NOTMAN, PHOTOGRAPHE VISIONNAIRE
EN SALLE LE 4 NOVEMBRE
Dans une histoire intemporelle de dĂŠcouverte de soi, Moonlight prĂŠsente la vie dâ&#x20AC;&#x2122;un jeune homme noir, de lâ&#x20AC;&#x2122;enfance Ă la vie adulte, alors quâ&#x20AC;&#x2122;il lutte pour trouver sa place dans le monde. Grandissant dans un quartier très chaud de Miami, il tentera de dĂŠvoiler son homosexualitĂŠ tout en restant fidèle Ă ses valeurs.
SOLANGE ET LES VIVANTS EN SALLE LE 4 NOVEMBRE
Un jour, alors que Solange ĂŠtudie des masses nuageuses en forme de moutons dans le confort de son appartement, la sonnette de la porte rĂŠsonne. Un livreur lui annonce quâ&#x20AC;&#x2122;il a un gros paquet pour elle. Selon elle, câ&#x20AC;&#x2122;est impossible. Elle sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠvanouit, et alors une chaĂŽne humaine de gardiens veillant sur elle sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtablit, pour ne pas quâ&#x20AC;&#x2122;elle soit seule.
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MAL DE PIERRES EN SALLE LE 4 NOVEMBRE
Adaptation du roman Mal di pietre, de Milena Agus, Mal de pierres nous place dans lâ&#x20AC;&#x2122;aprèsDeuxième Guerre mondiale. On y suit Gabrielle (Marion Cotillard), une jeune fille passionnĂŠe Ă lâ&#x20AC;&#x2122;esprit libre qui est prise dans un mariage obligĂŠ et sans amour. Devant aller faire soigner des pierres au rein dans les Alpes, elle tombera amoureuse dâ&#x20AC;&#x2122;un autre.
CHOCOLAT EN SALLE LE 11 NOVEMBRE
Biofilm portant sur la vie de Rafael Padilla, ancien esclave cubain devenu une superstar du monde clownesque dans le Paris de la Belle Ă&#x2030;poque. DĂŠcouvert par le Britannique George Footit, Chocolat formera avec lui un duo des plus populaires malgrĂŠ leurs nombreux conflits. Son succès sombrera toutefois peu avant sa mort prĂŠmaturĂŠe en 1917.
MUSĂ&#x2030;E MCCORD 4 NOVEMBRE AU 26 MARS
Premier photographe canadien de renommĂŠe internationale, William Notman (mort Ă MontrĂŠal en 1891) a produit plus de 200 000 nĂŠgatifs. Le MusĂŠe McCord, qui a hĂŠritĂŠ de cette ambitieuse collection, rendra hommage Ă cet artiste dâ&#x20AC;&#x2122;origine ĂŠcossaise le temps dâ&#x20AC;&#x2122;une ÂŤpremière rĂŠtrospective consacrĂŠe au plus grand photographe canadien du 19e siècleÂť. Pour lâ&#x20AC;&#x2122;occasion, on pourra voir 285 photographies et objets.
CHLOE WISE GALERIE DIVISION 17 N O V E M B R E A U 14 J A N V I E R
Ă&#x20AC; la fois styliste, sculptrice, vidĂŠaste et peintre, la MontrĂŠalaise Chloe Wise prĂŠsente ses plus rĂŠcentes Ĺ&#x201C;uvres Ă la Galerie Division. Entre ses fameux faux sacs Ă main et ses imitations alimentaires, quâ&#x20AC;&#x2122;elle prĂŠsente en relation avec des artefacts sadomasochistes, lâ&#x20AC;&#x2122;artiste multidisciplinaire connaĂŽt un buzz certain Ă New York, Toronto et MontrĂŠal.
CLAUDE TOUSIGNANT A R T M Ă&#x203A; R - 5 N O V E M B R E A U 17 D Ă&#x2030; C E M B R E
AssociĂŠ au mouvement des plasticiens de MontrĂŠal, qui a culminĂŠ dans les annĂŠes 1960, le peintre Claude Tousignant a fait sa marque dans histoire de lâ&#x20AC;&#x2122;art canadienne, notamment grâce Ă ses tableaux circulaires, ses Ĺ&#x201C;uvres peintes Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠmail automobile sur toile de lin et ses transformateurs chromatiques. Il offrira une sĂŠlection personnalisĂŠe Ă la galerie Art mĂťr.
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PHOTO | GUY Lâ&#x20AC;&#x2122;HEUREUX
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ARTS VISUELS
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«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»
Iris Boudreau
teomtl.com
PP 40010891
Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.