MONTRÉAL VO2 #O1 | JANVIER 2O17 NELLY LA DANSEUSE JEUNE, CHEF ET PROPRIO BEING PHILIPPE GOLD LORRAINE PINTAL CHLOE WISE GABRIELLE SHONK MUSIQUE CONTEMPORAINE MARITZA
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MANIFESTE DE LA JEUNE-FILLE
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O2 O1 MONTRÉAL | JANVIER 2017
RÉDACTION
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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnatrice des contenus: Alicia Beauchemin Correctrice: Marie-Claude Masse
Directeur adjoint aux ventes: Jean Paquette Ventes régionales: Céline Lebrun Représentante aux ventes nationales: Nathalie Rabbat Représentants: Catherine Charbonneau, Antonio Genua
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«CE N’EST PAS UNE PIÈCE SUR LE CAPITALISME, MAIS SUR DES PERSONNES QUI VIVENT DANS CE SYSTÈME-LÀ. ILS TENTENT DE TROUVER UNE ISSUE.» Photo | Maxyme G. Delisle (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière et Jean-Christophe Jacques Maquillage | Patricia Denis
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SCÈNE
Lorraine Pintal Being Philippe Gold
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MUSIQUE
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CINÉMA
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GASTRONOMIE
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LIVRES
Gabrielle Shonk Musique contemporaine Maritza
Nelly La danseuse
Jeune, chef et proprio
Le motel du voyeur Le droit d’être rebelle N’essuie jamais de larmes sans gants
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ARTS VISUELS
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QUOI FAIRE
Chloe Wise
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p18) Monique Giroux (p34) Normand Baillargeon (p42) Alexandre Taillefer (p56)
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO2 #O1
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
APPEL À LA RÉSOLUTION Fin 2016. Mi-décembre. Je lis un bilan d’Influence Communication qui compile, à toutes les fins d’année, les nouvelles, les tendances, les mots-clés qui marquent l’imaginaire médiatique au Québec. C’est une sorte de test sanguin. Ça vous résume tout ce que vous avez consommé comme poison: attentats de Nice, de Bruxelles, les pitbulls, Brexit, Zika et Trump. Trump, surtout, qui prend la tête des nouvelles annuelles. Du jamais vu. De ces fruits cueillis, on distille une grande thématique: l’année 2016 aura été celle de la peur. J’allais écrire à ce sujet. La peur. Je m’en voulais déjà, car je savais que vous n’alliez pas me lire avant le début du mois de janvier et que quelques jours après le Nouvel An, vous bassiner avec la peur, disons que ça ne part pas la rentrée du bon pied. Comment vous souhaiter bonne année avec un truc pareil? Mais bon, les derniers jours de décembre allaient sceller cette thématique pour de bon. Un lundi comme un autre. Ambassadeur de Russie assassiné en Turquie, attentat au camion dans un marché de Noël à Berlin. Vraiment, la peur, elle ne prend pas de vacances. Tant pis pour le réveillon. Il y a toujours quelque chose à briser. Ce qui se brise, petit à petit, maille par maille, face au terrorisme, c’est le tissu social des sociétés occidentales. Le type qui se fait exploser dans un lieu public, qui fonce au volant d’un autobus ou d’un camion dans une foule, il ne vise pas directement les gens qui vont mourir dans tel ou tel endroit. Il crée un choc. L’effet escompté, c’est la fracture, la division et la polarisation. C’est dans ces cicatrices que s’installe le réel danger. À chaque coup d’éclat, on se retrouve de plus en plus divisés, en opposition les uns envers les autres,
de manière toujours plus marquée. Ainsi, le glissement vers l’extrême droite n’est pas, comme on pourrait le penser, un remède contre ces attaques ou une solution qui pourrait les prévenir: c’est précisément le virus que le terrorisme nous injecte à petite dose. Car c’est dans les sociétés fracturées que le terrorisme trouve son compte. C’est le terreau parfait pour faire pousser l’exclusion, l’ostracisme et tout ce qui peut faire en sorte que des groupes de citoyens se sentent exclus. C’est là qu’on cueillera, facilement, les prochains fruits de la haine. À ce titre, l’endroit où la terreur éclate importe peu. On peut tout aussi bien frapper à Nice, à Bruxelles ou à Berlin, la polarisation et le glissement vers les extrêmes pourront se vérifier un peu partout en occident. On frappe en Allemagne, on est blessés à Pointe-aux-Trembles. Les terroristes ont compris ça. S’il faut faire un constat en regardant l’année 2016 dans le rétroviseur, c’est bien celui-ci: le terrorisme nourrit l’extrême droite qui, à chaque attentat, trouve un nouveau prétexte pour recruter des gens en colère qui n’hésitent pas à se mobiliser. Dans ces territoires idéologiques, on ne s’embarrasse pas avec les détails. À quoi bon distinguer un musulman d’un adepte de l’islam radical? Mettons tous les étrangers dans le même sac. Détestons tout le monde également. À l’inverse, ce constat nous oblige à en faire un autre: ceux qu’on pourrait nommer de manière très large les «progressistes» ne parviennent pas à proposer un discours qui pourrait prévenir ce glissement vers la droite extrême. Au contraire, en se contentant le plus souvent de lancer des anathèmes à tous ceux qui n’adhèrent pas à leur vision du
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monde, ils contribuent à creuser les fissures qu’ils prétendent réparer. Là encore, on préfère travailler à la pelle plutôt qu’au scalpel. Au Québec, la mouvance «inclusive» se complaît bien souvent dans la simple opposition à quelques grandes gueules populistes en apposant assez facilement l’étiquette commode du racisme sur quiconque ose émettre un doute sur la possibilité de réconcilier la démocratie et l’islamisme radical. Crier à l’islamophobie suffit la plupart du temps pour clore tout débat, comme si le citoyen lambda n’avait pas quelques bonnes raisons d’avoir peur, justement. S’il faut risquer une résolution pour l’année qui commence, c’est sans doute dans ce jardin un peu mal foutu qu’il faudrait la semer, en espérant récolter quelque chose de bon. Si les progressistes souhaitent contrer la montée de la droite et le populisme ambiant, ils devront proposer un projet qui saura composer avec la peur légitime des citoyens tout en proposant un idéal de réconciliation qui pourra les rassurer. Ce ne sera pas une mince affaire, car une
telle résolution devra passer inévitablement par une critique sévère et rigoureuse du conservatisme religieux. Nous sommes, en quelque sorte, pris au piège entre deux dogmatismes qui s’affrontent: l’orthodoxie de la droite et celle de l’islam radical. Pour nous sortir de cette impasse, ce sont nos propres mythes qu’il faudra remettre en question. C’est sans doute l’exercice le plus difficile. Puis-je quand même vous souhaiter bonne année? Je sais, j’aurais pu vous proposer la course à pied ou un régime minceur comme résolution... Mais serait-ce vraiment plus facile? Dans tous les cas, ce qu’il faut vaincre, d’abord, c’est l’habitude. Il est là, notre pire ennemi. Je vous en souhaite une bonne. Quand même. y sjodoin@voir.ca
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VO2 #O1
TOUT M’AVALE EN JANVIER 2017, L’AUTEUR ET METTEUR EN SCÈNE OLIVIER CHOINIÈRE S’INSTALLE À L’ESPACE GO AVEC SA NOUVELLE CRÉATION: LE MANIFESTE DE LA JEUNE-FILLE. ELLE N’EST NI JEUNE NI FEMME, QUOIQUE PARFOIS. CETTE JEUNE-FILLE, C’EST CHOINIÈRE, C’EST MOI, C’EST VOUS. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
PHOTOS | MAXYME G. DELISLE (CONSULAT)
Paru en 2001, Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille est un court texte publié par le collectif d’intellectuels français Tiqqun, qui marche entre autres dans les pas de Guy Debord. C’est de cette lecture que s’inspire cette nouvelle pièce de Choinière et c’est de ce même livre que s’inspirait La JeuneFille et la mort, création du Bureau de l’APA présentée au FTA en 2013. Lorsqu’il commence à travailler sur ce projet dès 2004, il était d’une évidence pour lui que cette pièce devait voir le jour à l’Espace Go. «Ce n’est pas une commande, je suis venu proposer ce projet-là à l’Espace Go parce que ça devait être monté ici. Avec la charge que ça avait, c’est ici que ça devait se faire. Entre 2001 et maintenant, le livre est revenu sur la table de chevet à plusieurs reprises, ç’a été une de ces lectures fulgurantes. C’est aussi intéressant de revisiter ce livre avec le recul des dernières années, sans nécessairement tomber dans le cliché du “et depuis, le monde a changé”, mais quand même de cerner ce qu’on peut encore faire de ce livre et de ces idées.» Ce texte de Tiqqun en est un anticapitaliste et anticonsommation, nous dépeignant tous comme des «Jeune-Fille» en devenir, car elle est plurielle et ne cesse de se formater partout autour de nous. De ces premiers matériaux, Choinière tente d’en tirer un manifeste. «La matière de la pièce, c’est le capitalisme. Ce n’est pas une pièce sur le capitalisme, mais sur des personnes qui vivent dans ce systèmelà. Ils essaient de s’en sortir, ou du moins de s’en distancier. Ils tentent de trouver une issue. Pour moi, c’est ça la Jeune-Fille: celui qui participe à un système, mais tout en tentant par un discours, par une façon de penser, par son mode de vie, par son argumentation, de s’en distancier. Il ne cesse de dire: “Je n’en pense pas moins.”»
Avec des pièces comme Félicité ou Projet blanc, Choinière n’a jamais cessé d’interroger les différents discours qui forment la société dans laquelle on évolue. Ici, il s’attaque peut-être au plus immense d’entre eux et assurément au plus pernicieux. «La question du discours est fondamentale dans la pièce, chacun a l’impression d’arriver avec une nouvelle vision du monde, mais est-ce si vrai que ça? Et c’est là que le manifeste devient un antimanifeste. On se rend compte assez vite que ce genre de discours-là peut beaucoup plus emprisonner qu’il ne libère.» Ce qui fascine ici Choinière, c’est la justesse avec laquelle cette idée de Jeune-Fille démontre à quel point certains systèmes – en l’occurrence le capitalisme – sont capables de tout englober, se nourrissant à même de ceux qui le décrient pour grossir leur étreinte. «C’est une pièce autour de ces gens qui en connaissance de cause, en connaissance du système dans lequel ils se trouvent, tentent de s’en sortir sans se rendre compte que la rébellion – à toutes échelles – qu’ils proposent finit toujours par nourrir le système en soi, d’une façon ou d’une autre.» Se déclinant en différents tableaux pour démontrer la multiplicité de cette Jeune-Fille, monter un projet autour d’un manifeste à des lieues de tout storytelling classique ne se fait pas sans risque. «Je ne pense pas encore pouvoir te parler de la prise de risque à ce stade-ci, mais je peux parler des défis de la pièce. Quand on change de niveau et qu’on change de forme plus la pièce avance, toujours en effectuant des changements de ton successifs, ça représente un défi. Mais le risque est peut-être de devoir tout citer, car on parle d’un système qui récupère tout, mais absolument tout, on va même jusqu’à récupérer
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les acteurs qui sont dans la pièce. […] Le défi est d’aller au bout du système pour arriver au fait qu’on n’y trouve pas d’issue. Le rôle du théâtre, c’est d’aller au bout des choses, au bout du système, pour voir ce qu’on peut y trouver.» Diplômé de l’École nationale de théâtre du Canada en 1996, il compte maintenant plus d’une vingtaine d’œuvres à son actif et on peut commencer à tracer quelques lignes claires à travers ses différentes pièces. «C’est une pièce qui, dans sa structure, me fait penser à Chante avec moi. Si dans Chante avec moi on semblait montrer un système dans lequel il n’y avait pas d’issue, on semblait piégé dans cette immense machine à laver. Ici, c’est une pièce qui parle de notre besoin de distinction sociale, notre besoin d’affirmation individuelle qui vient nourrir
«LE DÉFI EST D’ALLER AU BOUT DU SYSTÈME POUR ARRIVER AU FAIT QU’ON N’Y TROUVE PAS D’ISSUE. LE RÔLE DU THÉÂTRE, C’EST D’ALLER AU BOUT DES CHOSES, AU BOUT DU SYSTÈME, POUR VOIR CE QU’ON PEUT Y TROUVER.» cette machine-là. C’est l’élan individuel qui provoque le fait que cette machine-là est aussi dévorante et qu’elle continue de grossir. Le système, mais aussi la prise de parole. C’est une parole qui veut changer quelque chose, une parole qui cherche volontairement une porte de sortie.» Avec Choinière, il n’y a pas d’intouchable, surtout pas le théâtre. Encore une fois, il le remet en question dans cette nouvelle création. «C’est une pièce dans laquelle je dis que tout, à un moment donné, peut être commercialisable, peut être récupérable, le théâtre compris. Je pense que ça, pour certains artistes, du milieu du théâtre entre autres,
ça peut être choquant qu’on affirme des choses comme ça. Pour moi, c’est l’essence de la JeuneFille. Oui, d’accord, on fait des demandes de subventions, on fait des communications, on fait de la publicité, on joue la game de commercialiser quelque chose, on vend quelque chose. Mais ce n’est pas la même chose que d’autre chose. La pièce, elle a tendance à mettre tout sur un même pied d’égalité sans nécessairement faire de distinction, ce que le capitalisme fait.» Le manifeste de la Jeune-Fille s’inscrit dans un théâtre qui bouscule, ou du moins remet en doute un ordre établi par un discours qui s’immisce en chacun d’entre nous. Olivier Choinière poursuit sa recherche sur la parole et le langage en proposant une corrosive vision du monde qui malheureusement ne trouve pas qu’un fictif refuge entre les pages d’une pièce de théâtre; elle s’enracine dans un réel qui nous avale chaque jour un peu plus. L’homme de théâtre croit, à raison, qu’il incombe à l’art de soulever les paradoxes dans lesquels on évolue, et on l’en remercie. y Le manifeste de la Jeune-Fille
Texte et mise en scène: Olivier Choinière
Avec: Marc Beaupré, Stéphane Crête, Maude Guérin, Emmanuelle Lussier-Martinez, Joanie Martel, Monique Miller et Gilles Renaud Coproduction de Espace Go + L’Activité
À l’Espace Go Du 24 janvier au 18 février 2017
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ENTRE THÉÂTRE ET OPÉRA, VIN HERBÉ A ÉTÉ PRÉSENTÉ À L’ARSENAL EN JUIN 2016 ET REGROUPAIT 60 ARTISTES.
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L’ÉQUILIBRE DANS LES EXTRÊMES SES PROJETS SONT AMBITIEUX, PARFOIS MÊME DÉMESURÉS, CONÇUS ET PORTÉS AVEC UNE FOUGUE ATHLÉTIQUE ET UNE SENSIBILITÉ POÉTIQUE. IL SE CONSIDÈRE AVANT TOUT BIEN HUMBLEMENT COMME UN CRÉATEUR, UN GRAND CURIEUX, AMOUREUX DES EXTRÊMES ET DES ALLIANCES ENTRE TOUTES LES FORMES D’ART. PORTRAIT DE PHILIPPE BOUTIN, JEUNE ARTISTE AU TALENT NOVATEUR. MOTS | MARIE VILLENEUVE
PHOTOS | LUDOVIC ROLLAND-MARCOTTE
En l’espace de quelques années seulement, depuis sa formation en théâtre au Collège Lionel-Groulx, il s’est adonné sans hésitation à l’écriture, la mise en scène, le jeu et la danse. À l’occasion d’un stage en troisième année, il travaille avec Dave St-Pierre, qui l’invite à partir en tournée avec sa compagnie pour Foudres. Une rencontre artistique et amicale qui aura un impact sur ses premières créations d’envergure, où St-Pierre signera les chorégraphies et agira comme mentor. «Il a transformé ma vision de l’art et de moi-même à travers la création. Ça peut paraître prétentieux, mais je ne considère pas que je fais du théâtre; je fais des spectacles.» Présenté en ouverture du OFFTA en 2013, repris à Longueuil en juin 2014 et publié en 2015 aux éditions Somme toute, Détruire, nous allons est donc le premier spectacle de Philippe Boutin où il s’est donné le rôle de maître de cérémonie d’une distribution imposante réunie dans un lieu inusité, épaulé à la dramaturgie par Étienne Lepage. Histoire d’amour tragique qui mêle danse et théâtre, divers registres et naviguant à travers les époques, œuvre créée à partir d’extraits de textes classiques de Camus, Shakespeare et Rostand, Détruire nous invitait à voir du théâtre sur un terrain de football. Un projet qui s’est développé majoritairement, comme Le Vin herbé, chez le metteur
en scène: «J’étais chez nous à faire des dessins, je devais être tout le temps préparé; on n’avait pas beaucoup de moyens et de temps de répétition.» Son audace l’a ensuite poussé à s’attaquer, avec la compagnie BOP, au Vin herbé de Frank Martin. L’immense opéra pop, qui provoquait la rencontre de la danse, de la mode, de Tristan et Iseult avec des figures de la culture pop, est finaliste au Prix Opus dans la catégorie Spectacle de l’année à Montréal. Avec plus de 60 danseurs, comédiens et musiciens, la présence de Denis Gagnon aux costumes, de Huy Phong Doan aux chorégraphies de combats et de ses collaborateurs Dave St-Pierre et Étienne Lepage, Philippe Boutin s’est entouré de grands créateurs en sortant le théâtre des sentiers battus. Ce n’est pourtant pas l’intérêt qui s’est imposé en premier chez lui. «J’aurais voulu être un sportif avant d’être humoriste, et humoriste avant d’être un gars de théâtre. C’est drôle de dire que faire du théâtre, c’était mon dernier plan! Ç’a été une découverte tardive et j’adore ça. C’est aussi pour ça que les aspects sportif et humoristique se retrouvent dans les deux spectacles que j’ai présentés avant. Dans Being Philippe Gold, on est vraiment dans l’idée du stand-up et de la prise de parole la plus simple.»
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VIN HERBÉ
Being Philippe Gold est toujours en processus créatif. Cette dernière création, où un singe découvre qu’il est un mime, pour ensuite réaliser qu’il est maître de sa pensée et bien plus encore, intégrera un théâtre et sera interprétée par quatre comédiens, dont Philippe. «Ce show-là est un hommage à la conscience. Le singe, tout ce qui le motive, c’est de s’amuser, de jouer, de créer avec la lumière et le son. On suit l’évolution du singe à l’homme; c’est en fait une recherche afin de devenir une meilleure personne.» Une manière différente d’aborder le travail s’est présentée: «Je ne suis pas le seul maître à bord. C’est la création qui prend le dessus et se dessine d’elle-même.» L’Usine C l’a invité en résidence pour les trois prochaines années, où il travaille en ce moment sur The Rise of the Bling Bling, qu’il a mis sur la glace afin de réaliser ses derniers spectacles. Un texte sur «l’ascension du bling bling, une constatation que nos divinités sont rendues vivantes et que ce sont des chanteurs, comme Kanye West qui se prend pour Jésus».
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> «Toute l’idée de Rise, explique Philippe Boutin, c’est de polir son diamant intérieur. C’est con, mais l’idée à la base c’était de rendre Jésus à la mode. Le fond des Martin Luther King, Gandhi et Socrate, c’était le discours “aimez-vous les uns les autres”. C’est kitsch, mais c’est important de nous ramener à ça, à cette éducation spirituelle qu’on n’a plus vraiment.» Côté jeu, après avoir joué entre autres avec le Théâtre Le Clou et le PÀP, il sera l’un des interprètes des Nuits frauduleuses d’Alix Dufresne, livrant les textes d’auteurs de la génération Y qui cherchent à savoir «comment la technologie influence la poésie d’aujourd’hui et comment la poésie l’intègre».
«J’AURAIS VOULU ÊTRE UN SPORTIF AVANT D’ÊTRE HUMORISTE, ET HUMORISTE AVANT D’ÊTRE UN GARS DE THÉÂTRE. C’EST DRÔLE DE DIRE QUE FAIRE DU THÉÂTRE, C’ÉTAIT MON DERNIER PLAN!» Philippe Boutin force la rencontre d’objets hétéroclites, opposés, là où on s’y attend le moins, à la recherche de vérité et d’équilibre. En sport comme en art, il se livre entièrement, passionnément. «Pour moi, le plus beau geste poétique c’est de se défoncer et de quasiment en mourir.» y Being Philippe Gold À la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier Dès le 24 janvier Nuits frauduleuses À la Salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui Dès le 25 avril The Rise of the Bling Bling À l’Usine C à l’issue de la résidence 2016-2019
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MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTO | JEAN-FRANÇOIS GRATTON
Alors qu’approche son 65e anniversaire, l’équipe du TNM est allée chercher du côté des grands auteurs, de ceux qui ont révolutionné le siècle dernier… Et pour la directrice, Brecht est un de ceux-là. «J’ai monté beaucoup de Brecht après le conservatoire. Celui qui dit oui, celui qui dit non, Dans la jungle des villes, Têtes rondes et têtes pointues… Quand je suis arrivée au TNM, je me suis dit que je voulais en faire encore», raconte Lorraine Pintal, qui, pour ce 65e anniversaire, s’est attaquée à La bonne âme du Se-Tchouan.
DÈS LE 17 JANVIER, LE THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE ACCUEILLE SUR SES PLANCHES LA BONNE ÂME DU SE-TCHOUAN, UNE PIÈCE DE BERTOLT BRECHT MISE EN SCÈNE PAR LORRAINE PINTAL.
Cette fable se passe dans une ville pauvre d’une Chine imaginaire, où Shen Té accepte d’héberger des dieux. Ils lui offrent de l’argent pour la remercier, mais la voici vite victime de sa bonté d’âme face à ses concitoyens égoïstes et sans morale. Surgissent alors un cousin et un mystérieux aviateur… «Ça m’intéressait de renouer avec le théâtre de Brecht, ce mélange de politique et de divertissement, explique
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Le premier réflexe de Lorraine Pintal a été de s’entourer et de voir si Normand Canac-Marquis et Philippe Brault étaient disponibles pour embarquer à ses côtés, respectivement à la traduction et à la composition musicale. «Pour moi, Normand était le seul auteur capable de réécrire cette œuvre. Et les chansons sont extraordinaires! Philippe a très bien compris la musique brechtienne: il a réussi à lier les sonorités orientales aux sonorités allemandes. On ne perd jamais la notion que c’est Brecht, tout en retrouvant des mélopées chinoises... Ça rajoute une dimension de l’ordre de la magie théâtrale. J’ai l’impression de monter un opéra moderne!» «Les femmes fortes, ça me plaît» La bonne âme du Se-Tchouan fait partie des pièces majeures que l’auteur allemand a écrites en exil, mais elle n’est pas la plus connue. Elle a en tout cas une femme comme personnage principal, ce que cherchait avant tout la metteure en scène: «Quand je suis tombée sur La bonne âme, je me suis dit: “Quel rôle féminin incroyable!”. Les femmes fortes, ça me plaît.» Pour le rôle principal, la comédienne Isabelle Blais s’est imposée immédiatement. Lorraine Pintal l’avait vue jouer souvent, et avait eu l’occasion de la diriger dans La petite pièce en haut de l’escalier et Les sorcières de Salem. Surtout, le personnage de Shen Té a beaucoup de solos dans la pièce et Isabelle a une magnifique voix chantée, souligne la directrice du TNM: «Elle a eu un band, elle vient de sortir un disque… Je savais qu’elle était capable d’assurer une présence charismatique pour ses personnages et de chanter. Et en effet, elle est assez impressionnante sur scène.» La metteure en scène voulait vraiment des acteurs avec des voix chantées qui soient belles et qui dominent, et elle est ainsi allée chercher Émile Proulx-Cloutier pour donner la réplique à Isabelle Blais – «ça fait des années que je veux travailler avec lui et on n’arrivait jamais à se rencontrer!» On retrouvera aussi France Castel et Louise Forestier… De nouvelles et d’anciennes têtes, dans une équipe qui mêle plusieurs générations: «Je travaille souvent avec les mêmes, mais j’aime aussi découvrir des talents. Je prends peut-être comme une responsabilité, en tant que directrice d’un théâtre, de faire travailler des gens différents. Le public aussi aime voir des gens différents.» La pièce compte 19 personnes sur scène, dans un spectacle de «théâtre épique» présenté comme un plateau de danse, avec des chœurs qui entrent et sortent. «On pourra
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circuler entre la scène et la salle tout au long de la pièce, décrit la directrice du TNM. Ce rapport avec le public est très important pour moi; il n’y a pas de quatrième mur avec Brecht.» Du divertissement engagé La rencontre entre deux civilisations se voit aussi dans les costumes et la mise en scène. Les nombreuses chansons ont donné à Lorraine Pintal l’idée de partir d’un cabaret de l’Allemagne post-Seconde Guerre mondiale, où un mur devient un lieu de projection vidéo qui représente la Chine en images. La metteure en scène, grande admiratrice du Berliner Ensemble, promet aussi des maquillages très dessinés et des masques: «Les arts réalistes, c’est pas ma tasse de thé. J’aime les déguisements, les métamorphoses... Ici, c’est du divertissement, mais sans l’aspect péjoratif du terme. C’est le divertissement engagé cher à Brecht.» Comme dans les cabarets de Berlin à l’époque de Karl Valentin, qui sensibilisaient le peuple allemand aux atrocités de la guerre par le rire et le déguisement. Avec sa Bonne âme du Se-Tchouan, Lorraine Pintal veut relever le défi de mêler différentes formes d’art: théâtre, vidéo, chant... «On a des répétitions très drôles et festives, même si c’est une pièce dont les thèmes sont assez sombres – guerre, injustices sociales, conflits… Mais on échange un regard complice avec le spectateur. C’est la grande qualité de Brecht: il ne rend pas le public coupable des travers de son temps. On n’accuse pas, on se questionne ensemble. Il n’y a pas de dogmatisme. Au contraire, Brecht laisse le spectateur libre de faire son propre chemin dans tout ça. Cet auteur, c’est une pensée qui a beaucoup influencé le jeu moderne. Je l’ai perdu de vue pendant trop longtemps, et je retrouve ça avec bonheur. À un tel point que… ce n’est sûrement pas mon dernier Brecht!» y Du 17 janvier au 11 février 2017
PHOTO | ÉRIC BOLDUC
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la directrice du TNM. C’est une de ses pièces les plus accessibles, car le message politique ne prend pas toute la place: Brecht enrobe ça dans une province chinoise qui existe, le Sichuan, mais qu’il a réinventée, imaginée comme une terre onirique de tous les possibles. Brecht était presque un poète surréaliste, avec des images étonnantes.»
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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR
À QUOI SERT LA MUSIQUE CLASSIQUE? Le fait de signer une chronique dans un magazine culturel constitue, ma foi, une toute légère imposture. Je n’en suis pas fière du tout, mais je me dois d’être transparente avec vous: je suis une très mauvaise cliente de «produits» culturels. Je consomme de la culture, je persiste à consommer de la culture, mais je suis difficile. Ce n’est pas de ma faute, j’ai quelques tares congénitales qui me handicapent sérieusement de ce côté-là. Au berceau, les fées m’ont donné quelques qualités, mais elles ont carrément oublié de me donner la moindre patience. Si bien que je trouve presque tout toujours trop long. En plus, je suis grande et j’ai, au théâtre, par exemple, toujours les genoux dans le front. Inconfortable, impatiente, je deviens intolérante – et intolérable pour les rares téméraires qui s’aventurent encore avec moi dans des salles obscures. Deux fois sur trois, je pars avant la fin du spectacle. En plus, et je ne sais pas d’où ça me vient, je suis hyper critique. Et comme je suis hyper transparente, j’en parle de façon tout à fait imprudente. Ce qui me vaut, dans notre société culturellement consensuelle, des regards de désapprobation qui me font me sentir totalement inadéquate. Vous avez adoré Mommy? Moi, j’ai trouvé ça criard et long. J’aime bien le personnage de Dolan, mais son œuvre… moins. Et quand j’ose le dire en public… Ouf! Le soir de la première à la Place des Arts, tout le monde était debout et applaudissait le génie. Tout le monde en larmes. Je suis restée assise. La dame à côté de moi m’a regardée avec un dégoût qui me donne encore le frisson.
Vous avez capoté sur la dernière pièce de Robert Lepage? Moi, ça m’a ennuyée. J’en ai parlé dans des cercles d’intellos que je fréquente tout de même; eux, ils ont tous adoré. On m’a pratiquement lancé des tomates quand j’ai dit que si j’avais pu m’extirper de mon siège inconfortable, je serais partie avant la fin. Vous avez tous beaucoup aimé Arcade Fire? Moi, c’est un groupe qui m’ennuie incommensurablement. Bref, je suis sans doute un peu déficiente et je ne saisis pas votre enthousiasme en beaucoup de choses, mais je suis une consommatrice insatiable et discrète de musique classique. J’y vais seule le plus souvent; écouter un concerto de Bach ou de Beethoven, les nocturnes de Chopin, des requiem, des messes. J’aime particulièrement la musique baroque. Les petits ensembles, les concerts dans les églises. Et récemment, j’ai compris pourquoi. La musique agit sur moi comme le bruit d’une rivière qui vous lave les neurones, comme la petite madeleine de Proust dont le goût évoque un passé révolu, mais toujours présent dans cette mémoire qui ne finit plus de se souvenir toujours. La musique déclenche en moi un show de diapositives, des scènes parfois très vieilles ou assez récentes, mais l’émotion qu’elle suscite me permet de divaguer dans ma mémoire, de régler des dossiers. La fugue, la cantate ou l’opéra m’enveloppent vers l’intérieur, me permettent de télescoper le temps. Ce temps, et ce rapport de l’homme au temps qui me fascine. En cette nouvelle année toute fraîche, c’est un constat qui m’habite: on n’échappe pas au passé. On boit du champagne en pensant s’émanciper des lourdeurs d’hier et pourtant, si
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> «tout le monde est malheureux tout le temps», c’est qu’on n’a pas encore inventé la gomme à effacer le passé qui s’englue dans nos jours. Noël est une époque faste pour l’amatrice de concerts baroques que je suis, et pendant décembre et toutes ces périodes d’écoute, ça m’est venu, cette évidence, une lapalissade peut-être, mais tout de même. J’ai passé en revue dans ma tête toutes ces scènes où des gens que j’aime m’ont parlé de leurs peines – et Dieu sait que l’homme est doué pour souffrir. C’est dommage. La vie est si courte et le temps s’effiloche si vite, même s’il ne s’estompe pas. En écoutant le concerto no 4 de Beethoven, j’ai revu cet ami dans ma tête. La scène où ce très grand garçon qui approche de la cinquantaine s’effondre en larmes après quelques verres de vin en me demandant candidement si on peut guérir de son enfance. Peut-on guérir de son enfance? Humblement, je dirais non. Je ne crois pas. On la porte en bandoulière. Le sac peut être plus ou moins lourd.
«LA MUSIQUE AGIT SUR MOI COMME LE BRUIT D’UNE RIVIÈRE QUI VOUS LAVE LES NEURONES.»
HTWKVU GV NÅIWOGU E J C TE W V G T K G U H TQ O C I G U DQWNCPIGTKG DQWEJGTKG
Un autre concert et l’image de cet autre grand garçon qui ressurgit, cette confidence alors que je lui demandais pourquoi il était si prompt à réagir au propos d’untel. S’il a tant de difficulté à supporter ce collègue, c’est que le collègue en question lui rappelle son père autoritaire et colérique. Ce père est mort, mais l’anxiété a survécu, vivante, envahissante. Il déteste les gens autoritaires, il abhorre les confrontations. Il fait tout pour les éviter et ç’a guidé plein de décisions qui s’articulent au présent. Il a pourtant fait le plein de thérapie, cet ami, il comprend le mécanisme qui déclenche l’anxiété, il arrive à la contrôler, mais de là à l’effacer… Ce que j’aime surtout, c’est qu’au bout d’un moment, quand j’ai rangé mes souvenirs par couleur, par grandeur, mon cerveau s’apaise, tout propre qu’il est, et le silence dans ma tête peut laisser un peu de place au sublime; m’élever audessus de mes peines, de mes joies, de mon passé et de mon présent, me permettre de m’oublier, quelques instants. Bon. Je vous laisse. Je ne voudrais pas vous ennuyer. Ce texte est peut-être un peu long, non? Une bonne année à vous, chers lecteurs. y
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LE VŒU DE PROVIDENCE DE LA VILLE DE PROVIDENCE AU RHODE ISLAND AUX PAYSAGES BUCOLIQUES DE L’ÎLE D’ORLÉANS, GABRIELLE SHONK A TOUJOURS RÊVÉ DE MUSIQUE, DE CETTE GRANDE CARRIÈRE QU’UNE MYRIADE DE LABELS SE BOUSCULENT MAINTENANT POUR CHAPEAUTER. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTOS | MAXYME G. DELISLE (CONSULAT)
Elle a complété toutes les étapes – étudié le chant jazz jusqu’au baccalauréat, parfait son instrument, appris le métier à la dure dans les bars, prêté sa voix à Men I Trust, enseigné à d’autres et même (c’est devenu un passage quasi obligé) flirté avec le large public de La Voix. Solide comme peu de musiciens de son âge, Gabrielle Shonk était prête quand l’ouragan Habit est passé, secouant au passage une blogosphère globale qui ignorait tout d’elle, de cette auteure-compositrice qui ne s’était jamais risquée à téléverser une de ses chansons jusque-là. C’était en mai dernier. «J’ai commencé à recevoir des courriels de partout dans le monde, j’étais dans la liste des 50 tounes à écouter au mois de juin sur BuzzFeed, avec Beyoncé et Drake. Je capotais! […] Il y a plein d’affaires un peu inusitées comme ça qui sont arrivées. Des maisons de disques m’ont écrit, et là, ça s’est rendu à Toronto, puis les gens de Montréal ont répondu… Il y a eu un label de Vancouver, d’autres aux States. J’étais toute seule chez nous en train de me dire: “Mais qu’est-ce que je fais avec ça?” C’est malade… Les gens me demandaient “c’est qui ton équipe?”, et là je répondais que, bien, j’en avais pas! C’était un peu paniquant.» Dès lors, il devient impératif pour Gabrielle de bien s’entourer, ce qu’elle fait depuis longtemps, mais en se limitant à ce qui se passe sur la scène, en choisissant finement ses bassistes, guitaristes et batteurs d’un contrat à l’autre. Pour ne pas se jeter dans la gueule du loup, elle trouvera un gérant bien connecté (et à l’identité encore confidentielle à ce
jour) qui l’aidera à magasiner les maisons de disques, rarissime privilège acquis à la sueur de son front. C’est aussi avec lui qu’elle veillera à engager l’avocat adéquat pour décrypter ses contrats, le bookeur avec un bon réseau de contacts pour organiser sa tournée. Un processus voilé de mystères au moment d’écrire ces quelques lignes, une période charnière pour l’artiste qui lorgne un fauteuil confortable dans l’industrie depuis toujours. «Je ne veux pas que l’espèce de buzz meure, mais je veux prendre mon temps parce que j’ai tellement investi, parce que ç’a été tellement long. Je ne pouvais pas prendre le premier [label] du bord et dire: “Fuck off, on sort l’album au plus vite!”» Perfectionniste, bien que retardée par moult heureux imprévus comme La Voix, la chanteuse a mis près de deux ans à enregistrer cet opus initiatique et autoproduit de A à Z avec la complicité du réalisateur Simon Pedneault – guitariste de Louis-Jean Cormier et membre de Who Are You. Dix pièces organiques, mais généreusement orchestrées (notamment avec des cuivres), gardées dans un coffre-fort depuis mars 2016. Une éternité. «Quand on a fini, j’ai envoyé mon album à tous les labels de Montréal et de Québec. Je voulais voir si quelqu’un serait prêt à le prendre en licence et à le sortir, mais je n’ai pas vraiment eu de réponse. […] À un certain moment, tu te butes à des petits moments de découragement, tu te dis que tu as fait ça pour rien et que tu as envie de sacrer tout ça aux poubelles. C’est des montagnes russes!» Dès lors, elle entreprend de sortir le
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> disque en septembre, de façon totalement indépendante. Un plan qui sera contrecarré par une attention médiatique jusque-là inégalée, une comparaison avec Alicia Keys (dans un texte publié par Noisey) et un vidéoclip réalisé par son grand ami Dragos Chiriac, qui évoque l’Amérique malfamée, ses racines, une certaine idée de la côte Est des États-Unis. Née pour chanter Enfant de la balle, née d’une rencontre entre une graphiste limouloise et un bluesman new-jersiais encore très actif à Québec, Gabrielle trimballe sa guitare dans les restaurants de la capitale depuis 2009, gagnant sa vie avec les covers. Un monde qu’elle s’apprête à quitter pour se concentrer sur ses compositions bilingues et, forcément, inspirées par ses idoles comme Billie Holiday, Tracy Chapman et les gars de Karkwa. Un bagage culturel bigarré qui teinte son identité artistique. L’attente a été longue, mais c’est parce qu’elle s’est laissé le temps qu’il faut pour mûrir, pour trouver son propre style: du folk chanté avec une voix jazz, la somme de ses forces de parolière impudique et de chanteuse émotivement engagée. «C’est sûr que [mon parcours académique] laisse des traces. Je pense qu’il y a quelque chose dans le phrasé, dans le feeling.
«JE PENSE QUE C’EST LA CHANSON FRANCOPHONE ET LE FOLK QUI M’APPORTENT CE CÔTÉ-LÀ, L’IMPORTANCE ET LA SIGNIFICATION DES MOTS.»
J’ai besoin qu’il y ait des couleurs dans un accord, d’aller chercher des textures. Y a quelque chose de slack un peu avec le jazz, en plus des accents toniques amenés par le swing. Les dynamiques, des moments plus chuchotés ou plus puissants, c’est tellement important aussi. […] Par contre, c’est sûr que les standards ne sont pas beaucoup axés sur le texte… Ça, je pense que c’est la chanson francophone et le folk qui m’apportent ce côté-là, l’importance et la signification des mots.» Gabrielle a toujours voulu être chanteuse, son destin était tracé dans le ciel. «Mon père m’a raconté une histoire tellement drôle de quand j’habitais à SaintFerréol-des-Neiges! Il m’a dit qu’un jour, j’étais sortie sur le bord de l’autoroute où on vivait, au milieu de nulle part, avec une pancarte que je m’étais
faite. J’avais 7 ou 8 ans et c’était écrit: “Je me cherche des musiciens pour me partir un band.” C’est vraiment drôle. Moi, j’étais crinquée depuis longtemps.» Le fruit ne tombe jamais bien de l’arbre et la fille de Peter Shonk est sur le point de récolter le fruit de ses propres efforts, de vivre un rêve auquel ses parents ne se sont jamais opposés en lui demandant «de se trouver une vraie job». y
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WALTER BOUDREAU, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
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L’ATTRAIT DE L’INCONNU MUSIQUE MODERNE, MUSIQUE CONTEMPORAINE, MUSIQUE NOUVELLE... PEU IMPORTE COMMENT ON LA NOMME, ELLE EST LOIN D’ÊTRE MORTE. ELLE SE COMPOSE ET SE JOUE TOUJOURS, QUE CE SOIT ICI OU AILLEURS. MAIS QU’EN EST-IL DE LA VITALITÉ DE CETTE FORME DE CRÉATION MUSICALE AU QUÉBEC? PEU CONNUE DU GRAND PUBLIC, ELLE MÉRITE D’ÊTRE EXPLORÉE PLUS AVANT. MOTS | ANTOINE BORDELEAU
La perception traditionnelle du grand public de la musique contemporaine est souvent remplie d’incompréhension, la majorité des gens ayant l’impression fausse que c’est une musique toujours très abstraite et difficile d’approche. Le fait est que, un peu comme pour les termes «rock» ou «jazz», la classification «musique contemporaine» ne veut pas dire grand-chose en elle-même. Alors que certaines pièces présentent des sonorités extrêmement étrangères à nos conceptions occidentales de la musique, il y a de nombreux compositeurs dont les œuvres ne sont pas du tout ardues à écouter. Avant de disserter sur l’état de cette musique en nos terres, un peu d’histoire s’impose, question de bien savoir de quoi il en retourne. Un art de recherche Après que l’époque romantique eut amené les compositeurs aux extrêmes des explorations permises par le système tonal, plusieurs d’entre eux ont cherché à se sortir des balises imposées par les systèmes classiques. On pense notamment à la seconde école de Vienne, composée d’Arnold Schönberg, d’Alban Berg et d’Anton Webern, qui a théorisé le dodécaphonisme, à la musique longtemps perdue et imagée de Charles Ives ou aux magnifiques explorations dans le rythme et les intensités d’Olivier Messiaen. Au sortir de l’Holocauste, les compositeurs se sont rapidement mis à chercher de nouvelles avenues, de
nouvelles techniques pour faire exploser les carcans rigides de la composition de musique savante (terme que l’on utilise pour séparer la musique de type plus «classique» de la musique populaire). Naissent alors de nombreux sous-courants qui seront reconnus comme parties intégrantes de la musique dite contemporaine: le sérialisme intégral (suite logique du dodécaphonisme), la musique concrète (combinant exécution instrumentale et utilisation de bandes préenregistrées et/ou modifiées), l’indétermination (œuvres ouvertes où l’interprète prend une grande part de choix esthétiques; John Cage en est l’emblème avec sa musique laissant place au hasard), le minimalisme (où la répétition, le décalage de phases ou l’addition et la soustraction de motifs forment une grande partie de l’exploration artistique) et le courant spectral (où l’on explore les composantes mêmes du son comme matériel musical, décomposant le spectre sonore et mettant à nu ce qui compose chaque timbre). Il faut donc se sortir de la tête cette idée préconçue de la musique contemporaine selon laquelle elle serait froide, clinique, inappréciable pour les gens qui aiment la musique qui «a du sens». La musique contemporaine est aussi (sinon plus!) riche, variée et sensible que tous les autres courants musicaux existants. Son esprit de recherche l’amène dans nombre de terrains où l’on ne l’y attendrait pas.
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GABRIEL LEDOUX, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
L’offre et la demande C’est précisément ces conceptions erronées de ce qu’est réellement la musique contemporaine qui nuisent d’une certaine façon à sa diffusion. Selon Walter Boudreau, directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), ce n’est clairement pas à cause d’un manque de productions que le public ne s’y connaît pas: «Y a jamais eu autant de compositeurs qui composent. Y a jamais eu autant de concerts, on se pile parfois même sur les pieds. À notre dernière production, il y avait trois concerts simultanés dans trois salles différentes et même une lecture d’œuvres de jeunes compositeurs par l’OSM. Donc, sur le plan de l’offre, c’est incroyable. Le problème est la demande, en dehors d’un milieu très restreint. On dirait qu’on a tellement peur de découvrir quelque chose de neuf, il faut que tout soit formaté.» Ce n’est pas sans lancer une petite pointe du côté des médias, qui ne parlent que très peu de musique savante, qu’il poursuit en développant une seconde idée: celle du soutien de l’État. «Contrairement à la France et au Royaume-Uni, le soutien de la radio d’État ici est complètement disparu. Il faut comprendre que la musique contemporaine, ce n’est
pas une offre de grande consommation; c’est de la recherche et du développement. Il y a beaucoup moins de restaurants fins qu’il y a de McDonald’s, on peut pas faire de grand vin avec de la garnotte. Si Radio-Canada avait diffusé aussi peu de musique savante il y a 50 ans qu’il le fait aujourd’hui, on aurait rien de nos grands compositeurs. La problématique est là: il y a une barrière qui a été créée entre les gens qui font de la recherche musicale et le grand public. Maintenant que les médias ont trop peur pour diffuser des choses nouvelles, le public s’en désintéresse, naturellement.» Comme il le mentionne, il est plus difficile que jamais d’avoir accès à cette musique nouvelle, qui pourtant est foisonnante. Alors que Radio-Canada a fait sa toute dernière commande de musique contemporaine en 2011 (pour le Concerto de l’asile, de Boudreau), la société d’État signait du même coup la fin d’une époque. Effectivement, elle commandait auparavant des œuvres, les enregistrait et les diffusait, ce qui donnait au moins au milieu le sentiment d’être soutenu un tant soit peu. «Le problème, c’est que les décideurs, en haut, ont décidé d’abandonner le navire pour des intérêts purement en lien avec un profit immédiat. Moi, je trouve ça tout bonnement honteux.»
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Revoir ses mÊthodes Cette situation dÊlicate n’est pas Êtrangère aux autres courants musicaux et aux formes d’art novatrices en gÊnÊral. Les temps sont durs pour les crÊateurs, et ceux-ci doivent redoubler d’inventivitÊ pour tirer leur Êpingle du jeu dans un climat socioculturel qui favorise souvent le prÊmâchÊ au dÊtriment de l’innovation. DÊsireux de sortir des sentiers battus et de donner au public l’envie de la dÊcouverte, certains ensembles modernes dÊveloppent donc de nouveaux partenariats afin de s’exposer dans le paysage musical actuel. Raphael Guay, directeur artistique d’EP4 (un ensemble de percussions basÊ à QuÊbec), explique: Depuis environ deux ans, ça bouge beaucoup pour la musique nouvelle à QuÊbec. Il y a de plus en plus d’intÊrêt de la part d’organisations qui ne sont normalement pas du tout impliquÊes dans la musique contemporaine. Par exemple, on a pu faire un gros ÊvÊnement au Festival OFF en 2015. Avec le soutien de l’ensemble Lunatik et du Pantoum, qui ne donne pas du tout dans le contemporain en temps normal, on a pu prÊsenter Music for 18 Musicians de Steve Reich en concert d’ouverture... Ce n’est
pas rien! Le festival des Nuits psychÊdÊliques de QuÊbec nous a aussi fait confiance deux fois depuis sa crÊation. Ç’a permis aux gens qui aiment les musiques un peu alternatives de dÊcouvrir des choses auxquelles ils n’avaient pas nÊcessairement accès auparavant. Maintenant, ceux qui ont trippÊ suivent nos activitÊs et se dÊplacent aux concerts. Autre pilier important de la musique nouvelle œuvrant dans la Vieille Capitale, l’organisme de production Erreur de type 27 mise quant à lui sur l’exploitation de techniques modernes pour crÊer un engouement autour de ses concerts. PierreOlivier Roy, qui y tient le rôle de directeur artistique, prÊcise: Aujourd’hui, la facilitÊ technologique d’intÊgration de diffÊrents mÊdiums qui te permettent de sublimer la musique, de la mettre au centre d’une production mais de l’entourer d’une expÊrience qui la dÊpasse, je trouve ça super enthousiasmant. On se sert beaucoup de ces outils-là pour aller rÊpondre à la demande d’un public qui attend maintenant plus d’un concert que la simple musique. C’est comme un DJ, c’est bien rare qu’il ne va pas s’entourer d’un kit de lumières! Il ne faut pas avoir peur d’amener ces ÊlÊments-là dans la musique nouvelle.
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PIERRE-OLIVIER ROY, PHOTO | JAY KEARNEY
Composer avec le passé Du côté des jeunes compositeurs, on sent toutefois une certaine insatisfaction. Âgé de 28 ans, Gabriel Ledoux réussit à vivre modestement de la musique. Lorsqu’il s’exprime sur la place laissée à sa génération dans la diffusion de la musique contemporaine, il n’est visiblement pas enthousiaste: «Le problème, c’est que les comités artistiques qui décident de ce qui est diffusé font des choix politiques qui ont une incidence esthétique. Ils vont prendre quelqu’un qui a eu un certain succès et définir que ce qu’il a fait, c’est ça, l’excellence et le “standard” à atteindre, alors que c’est une musique qui, par définition, doit être motivée par la découverte. C’est comme mettre des barrières à quelque chose qui ne devrait pas en avoir.» Cette nouvelle génération de créateurs devra faire preuve d’audace et de résilience pour s’installer comme une force fondamentale dans le paysage lourdement standardisé de la diffusion musicale. L’objectif, désormais, est de recréer chez le public l’envie de découverte. Mais sans le soutien de l’État et des diffuseurs, le défi est de taille. Boudreau l’image: «Si tout ce qu’on te sert partout où tu vas, toute ta vie, c’est de la dinde et des patates pilées, tu ne sauras jamais à quel point tu aurais pu aimer la cuisine raffinée.» y Pour obtenir plus de détails sur les différents courants, les compositeurs et les organismes mentionnés dans cet article, consultez sa version numérique sur voir.ca.
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MARITZA SE LIBÈRE LA CHANTEUSE REVIENT AVEC UN NOUVEL ALBUM PAR LA GRANDE PORTE ET SE LIBÈRE DE SES DÉMONS. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
«C’est un hymne à la liberté», indique d’emblée Maritza à propos de son nouvel album à venir cet hiver. «Il y a l’idée de s’affranchir de son diable personnel ou encore d’un environnement qui est toxique, et puis, il y a une chanson à propos de se libérer d’un quotidien beige.» Libérons-nous arrive cinq ans après un EP folk mélancolique, Dans un autre regard. La chanteuse, que l’on a découverte lors de la toute première édition de Star Académie en 2003, est née en République dominicaine et a grandi à L’AncienneLorette. Après un premier album pop en 2005, elle a pris une pause pour mieux se retrouver et a évolué à son rythme dans le monde de la musique tout en devenant maman en 2013 et en travaillant dans des organismes communautaires ces dernières années. Elle n’était jamais bien loin des planches, collaborant avec Paul Cargnello et José Major, par exemple.
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Au départ, le disque qui arrivera en février devait être un EP de trois titres, qu’elle concoctait avec le batteur José Major, mais la création s’est finalement échelonnée sur trois séances d’enregistrement, en février 2016, puis en avril et en mai dernier. Maritza a fait appel à son public pour financer Libérons-nous. En partageant la page de sociofinancement, elle écrivait: «Dire que j’ai failli ne jamais la faire, par peur de ne pas y arriver, d’être déçue, que le monde me trouve fatigante et plein d’autres mauvaises raisons de ne pas oser!» Il y avait donc encore le doute et les remises en question? «J’étais stressée, tranche-t-elle. J’ai tellement repoussé longtemps la date de départ de la campagne parce que je n’aime pas ça dans la vie demander des choses aux gens. En même temps, j’ai eu un bon exemple que parfois, ça peut être surprenant. J’ai même réussi à dépasser l’objectif qui était fixé!»
En réapparaissant en solo avec un EP en 2012, elle a pu faire la ronde des concours, dont Les Francouvertes et le Festival en chanson de Petite-Vallée. Maritza a aussi fait partie du trio Les Sœurs Becker avec Amylie et Audrey-Michèle Simard et elle évolue toujours au sein de Lisbonne Télégramme, dont le premier album en 2015 a été salué par la critique. La revoilà donc en 2017 avec un nouvel album à elle.
Inspirée, Maritza a travaillé fort sur cet album qu’elle dit rempli de nuances, sur lequel elle se fait sensible, sensuelle, mais aussi énergique et forte. «C’est ce que j’aime dans la musique, quand c’est pas plat et que ça nous transporte en nous faisant vivre différentes émotions. C’est d’aller dans le doux et jusqu’au très fort. J’aime ça donner dans le un peu plus méchant parfois.»
Maritza avoue que les années entre le mini-album et Libérons-nous lui a permis de se libérer de certaines craintes personnelles par rapport à sa musique. «Le EP en 2012, je ne l’assumais pas. C’était mes premières chansons et j’étais très critique envers moi. Au final, les réactions ont été positives, ç’a été une belle carte de visite et ça m’a ouvert plein de portes, confie-t-elle. Avec la musique, avant, j’avais besoin que les gens me bottent les fesses pas mal. Avec ce nouveau disque, on n’a pas eu à faire ça. Au contraire, j’étais contente de la façon dont je vivais tout ça.»
Que tout recommence est un exemple de cette force nouvelle qui l’habite. «Pour que tout recommence/Et la vie retrouve son sens/Et que tout recommence/Une autre chance», y chante-t-elle. «J’aimais beaucoup le texte et l’idée, avec cet album-là, d’aller dans du lumineux sans aller dans la morale. Je souhaite que tout le monde puisse s’approprier ce refrain-là. La vie nous donne une autre chance et on repart ça!»
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Pour la suite des choses, Maritza est fébrile à l’idée de présenter des concerts, pour que ses chansons s’épanouissent encore plus – «si elles sont figées sur album, en show, je m’amuse!», lance-t-elle – et pour rendre sa fille fière. «Elle a trois ans et je trouve ça le fun qu’elle soit présente. Elle est venue me voir en concert deux ou trois fois. J’étais contente de pouvoir partager ça avec elle. Et elle aime ça! Ça me touche quand elle est là. Je veux lui montrer que je fais ce que j’aime et que pour elle aussi ce sera possible.» y
Libérons-nous (Ste-4 Musique) Sortie le 24 février Spectacle de lancement le 28 février au Lion d’Or dans le cadre de Montréal en lumière
À ÉCOUTER
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★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL
NEIL YOUNG PEACE TRAIL (Reprise Records) ★★★ 1/2 «Je ne peux plus m’arrêter de travailler», répète le grand Neil Young sur ce 37e album studio. Mais c’est bon pour l’âme de bosser sur ses idées, convient le septuagénaire. Peace Trail a été produit rapidement et arrive six mois après Earth et un an et demi après The Monsanto Years, deux brûlots plutôt rock. Ici, des cris de guitares résonnent, mais c’est un tour de piste plus acoustique, folk rock avec des touches de country et de reggae. Même si règne toujours cette grande verve contestataire, il y a ce désir de paix d’esprit sur le disque qui lui fait un grand bien. Neil continue sa route et pointe du doigt les injustices envers les peuples autochtones et la technologie, par exemple. Une œuvre qui respire la liberté. (V. Thérien)
PLANT PLANT
ALEJANDRA RIBERA THIS ISLAND
(Smeraldina Rima/DAME)
(Pheromone)
★★★ 1/2
★★★★
SEPULTURA MACHINE MESSIAH
LEPAGE, LUSSIER, QUATUOR BOZZINI CHANTS ET DANSES... WITH STRINGS!
Le duo Plant, c’est un saxophoniste/flûtiste (Jim Denley) et un bassiste (Éric Normand) qui font avec leurs instruments tout ce que ne songerait pas à faire en temps normal le commun des musiciens. Comme disait Gainsbourg: «Ça fait crac, ça fait pschtt.» L’Australien Denley a pratiqué l’improvisation avec, entre de nombreux autres, Derek Bailey, tandis que Normand est l’âme du Grand groupe régional d’improvisation libérée (GGRIL) de Rimouski. Leur rencontre se produit dans un univers bruitiste très richement texturé et ultra dynamique. On a l’impression par moment de traverser l’ambiance industrielle du plateau d’Eraserhead, avec toute l’étrangeté que ça implique, et qui n’est pas désagréable du tout. Le disque vinyle paraît sous étiquette Smeraldina Rima dans une pochette faite à la main par l’artiste belge Marnix Everaert. (R. Beaucage)
Elle était partie vivre à Paris après un long séjour à Montréal pour développer sa carrière prometteuse, mais elle est revenue avec sa voix poignante, ses mélodies attachantes et son carnet de notes rempli d’observations sur la solitude. En 12 jours dans un chalet au bord du lac Ontario, elle a complété ce magnifique album folk avec Bryden Baird (Feist) et Cédric Dind-Lavoie, le contrebassiste montréalais. «Je ne crois pas avoir jamais expérimenté une telle chimie avec aucun autre groupe de musiciens auparavant», affirme-t-elle. On la croit sur parole, car cette île, c’est beaucoup de guitare, du violoncelle, des cuivres et une chanteuse toujours à fleur de peau. Alejandra a choisi entre ses origines l’Écosse et l’Argentine pour faire une suite intemporelle à La Boca, mais que pouvait-elle faire de mieux en 2017? (R. Boncy)
(Nuclear Blast Records)
(Tour de bras/DAME)
★★★ 1/2
★★★★
Le quatuor brésilien ne s’est jamais gêné pour incorporer des influences musicales variées et inattendues à son thrash métal, ce qui a donné plusieurs albums incontournables, dont Chaos A.D. (1993), Roots (1996) et Roorback (2003). Sur son 14e album, Sepultura continue d’exploiter son vaste registre d’influences pour créer des chansons qui accrochent à la première écoute (I Am the Enemy, Sworn Oath, Silent Violence) et des pièces aux multiples facettes qui s’apprivoisent plus lentement. Le meilleur exemple de cela est l’instrumentale Iceberg Dances avec son mélange de sons tribaux, de flamenco, de claviers et de guitares progressives. Machine Messiah est un album dense, varié et inspiré. (C. Fortier)
Après un premier volume paru en vinyle en 1984, puis un deuxième en CD en 1996 lors de la réédition du premier, on revient au vinyle (et CD) avec ce troisième volume des Chants et danses du monde inanimé de Robert M. Lepage et René Lussier. La clarinette du premier et la guitare du second se rencontrent avec la même fraîcheur qu’au premier jour (c’était alors la naissance de ce que l’on appelle maintenant la «musique actuelle»!), dans un mélange d’électrique et d’acoustique où le bruit fraie avec la mélodie. L’ajout du Quatuor Bozzini dans la recette agrandit singulièrement l’univers sonore du duo (écoutez Les 12 chakras du placement boursier). On retrouve avec grand plaisir ces chants sans voix et ces danses arythmiques! (R. Beaucage)
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MONIQUE GIROUX SUR MESURE
ILS ÉTAIENT TROIS Ils étaient trois, un auteur, un compositeur et un interprète. Ils avaient des noms bizarres. Melchior, Gaspard et Balthazar. Ils avaient connu au début de leur carrière, bien que brièvement, des jours meilleurs. C’était tout juste après leur victoire dans un concours encourageant la relève. L’un d’eux, le plus vieux des trois, celui qui cultivait l’énergie du désespoir avec force et talent, sans doute par habitude, avec convaincu ses camarades de prendre la route et de partir à la recherche de quoi gagner leur pain, à défaut de succès retentissants. «Allons là où ils sont, nous arriverons bien à nous faire entendre.» Pendant des jours et des nuits, ils avancèrent à pas lents, chargés de leurs instruments, traversant déserts froids de neige, surtout de nuit, montagnes, vallées et vallons, cherchant une cuisine, un balcon, un salon pour chanter quelques chansons en échange, au pire, d’un bout d’aile de poulet et d’un verre de bière. Notre trio de troubadours chantait l’amour, la mort, la liberté et les roses. Leurs chansons rappelaient celles d’Aristide Bruant qui, au début du 20e siècle, avait pour habitude de se nommer systématiquement avant chaque interprétation et de donner le titre de son œuvre. D’une voix nasillarde, il clamait: «D’Aristide Bruant, Nini peau d’chien»… C’était comment dire… particulier. Leurs chansons étaient en somme des chroniques de vie, descriptions d’un quotidien bien morne, d’une histoire de cul camouflée. Et si le public, difficile à conquérir, finalement s’enthousiasmait, c’est bien parce qu’il se reconnaissait dans ces petites «bafouilles» de trois minutes. Dans le dictionnaire des synonymes, force est de constater que la liste comporte un certain nombre d’entrées pas toutes glorieuses: babiole, bourde, fadaise, futilité, rengaine, gazouillis, bagatelle, baliverne, bêtise, beuglante, sottise et fumisterie. On y trouve aussi fort heureusement poème, propos, air, refrain, mélodie, berceuse, ballade, murmure, chant et romance.
En 2025, il y avait bien longtemps que les CD avaient disparu, de toute façon tous les appareils servant à les écouter étaient depuis des lustres passés au pilon de l’obsolescence programmée. Par un phénomène aussi inexpliqué qu’inexplicable, on voyait arriver dans les rayons des magasins de disques, transformés depuis longtemps en boutiques cadeaux de bric et de broc et de livres de recettes, un petit rayon de 33 tours. Sur les pochettes, on avait du mal à lire les titres de chansons, mais on lisait aisément au recto en grosses lettres le poids du disque et sa couleur. Bleu 180 grammes… Un vieux maire de ville de banlieue, qui avait vu sa carrière ruinée par une affaire criminelle trop longue à raconter, avait appris en prison à réparer les tables tournantes. On disait que dehors, les jeunes prenaient goût à ses vieilles platines dont le mécanisme était assez simple finalement. On lève le bras, la table se met à tourner grâce à une courroie, on y dépose une galette et hop! ça joue. Le vieux maire décati qui croyait en la jeunesse espérait faire fortune dans le pick-up. Et il n’était pas bien seul à se lancer dans une telle entreprise. Parmi ses associés rêveurs, un ancien syndicaliste et quelques autres truands de grand chemin dont nous terrons le nom de peur de représailles. Il était devenu depuis si longtemps bien inutile d’enregistrer les chansons qui, de toute façon, se perdraient dans le lot, se feraient voler en paquet et profiteraient à tout le monde sauf à leurs créateurs. Non, il fallait les chanter live. Le public se bâtissait au porte-à-porte. «Bonjour, je suis livreur de chansons. Téléphonezmoi, précisez le nombre d’invités qui prendront place sur votre canapé et j’arriverai dans l’heure avec aussi quelques bouchées et de quoi boire. Tout est compris. Si ce délai n’est pas respecté, la chanson sera gratuite et les bouchées aussi.»
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Un ingénieux faiseur de ritournelles avait eu la bonne idée de distribuer lors de ces soirées, et contre quelques pièces, la partition et le texte. Ainsi, grâce à ce qu’on avait appelé «les petits formats», les admirateurs pouvaient, en rentrant chez eux et avec seulement quelques notions de piano ou de guitare, reprendre le titre à loisir et le répéter sans fin. Nos trois ménestrels allaient donc ainsi de par les routes, non seulement chargés de leurs instruments et de leurs petits formats, mais aussi équipés du souvenir d’un temps passé où inscrire «artiste» dans la case profession du passeport et autres formulaires était encore possible. Un soir en début d’année, après avoir connu une période particulièrement active et festive, alors qu’ils s’apprêtaient à monter le campement, ils virent au loin de par derrière le sommet d’un talus, une lumière exceptionnellement éblouissante. Attirés par l’étoile, ils se rendirent jusqu’à une minimaison écoénergétique, modeste mais confortable. Un bébé naissant hurlait à fendre l’âme, tandis que le père faisait tourner à la main les pales de l’éolienne et que la mère brassait le
compost. Nos chansonniers n’avaient pour seul cadeau que quelques notes jolies et apaisantes. Point d’or, ni d’encens, ni de myrrhe. Juste une chanson. Et c’est là que je me suis réveillée… Qui était donc ce beau bébé-là? Était-il né, le sauveur de la business, le messie du couplet-refrain, le libérateur des créateurs? Vous aurez compris que ces mots ci-haut cités ne sont pas le reflet de ma vision d’avenir. Peut-être est-ce seulement là une mauvaise prophétie inspirée des inquiétudes et de la somme des découragements de mes amis et amies artistes qui, pour un certain nombre, ont évoqué ces derniers temps l’éventualité de quitter la scène pour se recycler en d’autres plaisirs. Je leur dis en ce début d’année que la solution existe et qu’elle n’est pas finale. Je leur dis de ne pas fermer les écoutilles de l’inspiration et de la création. En ce début d’année nouvelle, je souhaite un avenir à la chanson francophone, à ceux et à celles qui l’aiment et à ceux et à celles qui la font. Juste ça: un avenir. y TITRE SUGGÉRÉ LES ROIS MAGES, DE SHEILA
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DÉCLINER NELLY PORTÉ PAR UNE MYLÈNE MACKAY BOULEVERSANTE DE JUSTESSE, CAMPÉ DANS UN MONTRÉAL FAMILIER ET MIS EN SCÈNE AVEC UNE FRANCHE LIBERTÉ, NELLY D’ANNE ÉMOND SE TIENT LOIN DU BIOPIC CLASSIQUE. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
C’est un pari formel audacieux et librement inspiré de la vie d’Isabelle Fortier (nom de naissance de Nelly Arcan), que propose Nelly, troisième film de la réalisatrice originaire de Saint-Roch-des-Aulnaies, Anne Émond. Un long métrage sur une écrivaine et personnalité phare des nuits montréalaises des années 1990 et 2000, que beaucoup attendent avec impatience. Sur cette femme qui a bouleversé le milieu de la littérature avec son premier roman Putain, elle qui avait su trouver un ton approprié et une persona forte dans un monde qui la tenait en joue; ce monde aura finalement eu raison d’elle. Petit rappel dans le temps, Nelly Arcan a mis fin à ses jours par pendaison le 24 septembre 2009, à Montréal. Cette ville qui l’avait accueillie 15 ans plus tôt, fraîchement arrivée de Lac-Mégantic alors qu’elle était jeune étudiante en littérature. Une période que l’on aurait d’ailleurs aussi aimé voir à l’écran pour comprendre l’engrenage et les obsessions naissantes de l’écrivaine, qui a consacré son mémoire de maîtrise au livre de Daniel Paul Schreber Les mémoires d’un névropathe, sur les délires de persécution d’un homme qui a terminé sa vie dans un asile psychiatrique après quelques tentatives de suicide... Dans son film, Anne Émond a fait le choix de décliner l’auteure en quatre mouvements évoquant tantôt sa biographie et tantôt des personnages de ses romans. On retrouve ainsi Nelly (l’écrivaine), Amy (l’amoureuse), Cynthia (la putain) et Marilyn, l’excentrique vedette de la littérature. Un choix scénaristique qui s’est imposé plus naturellement à la réalisatrice. «En préparant le film, nous raconte Anne Émond, j’ai rencontré plusieurs personnes qui ont été importantes pour Nelly: des anciennes collègues escortes, un éditeur, des ex et des membres
PHOTOS | LES FILMS SÉVILLE
de sa famille. À chaque discussion, un nouveau personnage se dégageait, une nouvelle facette d’Isabelle Fortier se dévoilait. Cela a fortement contribué au scénario, il devenait impossible de raconter une seule Nelly Arcan, sa personnalité était beaucoup trop morcelée, paradoxale et complexe.» Avec une mise en scène dynamique doublée d’un rythme trépidant, le film situe son action dans le Montréal de Nelly; souvent luxuriant et débauché. C’est dans un univers impitoyable que sont enfermées les quatre incarnations de l’écrivaine, toujours victimes et prisonnières du regard de l’autre. L’amoureuse éplorée est incapable de vaincre sa dépendance à un homme qui la maltraite tandis que la prostituée est incapable de briser ce mur de verre entre le monde réel et le fantasme qu’elle incarne. Nelly l’écrivaine a connu ses moments de gloire et de satisfaction que l’on voit bien dans le film, mais on semble vouloir nous faire comprendre que la suite ne fut qu’une pénible tentative de retrouver la fulgurance de son premier roman, Putain. En plus d’une écriture efficace, le scénario compte sur une comédienne qui offre un jeu solide et une incarnation protéiforme à l’écrivaine. «Je me suis préparée comme lorsque je joue au théâtre, nous dit Mylène Mackay. Je viens de ce milieu, et lorsqu’on travaille un rôle, on y va par couches et l’on prend du temps pour définir un personnage. Pour moi, lorsqu’on tournait, ma seule préoccupation était de faire honneur à l’œuvre et à la femme que j’incarnais. C’est la raison pour laquelle je me suis commise entièrement, comme je le fais toujours.»
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> On est tellement happé par le jeu de Mackay, que lors de l’entrevue, on a ressenti une quasi-confusion entre Nelly et la comédienne. Mais comment se prépare-t-on à incarner l’angoisse dans laquelle se trouvait bien souvent Nelly? «J’ai eu beaucoup plus de facilité à incarner la séduction, car c’est quelque chose de très clair à jouer. J’ai eu beaucoup plus de mal avec ce mal-être et la tension qui était à l’œuvre en Nelly. C’est un sentiment qui était difficile à comprendre, car je ne le vis pas dans ma vie de tous les jours. Ce qui était important sur le plateau, c’est que je sois assez ouverte pour l’interpréter.» Après Nuit #1 et Les êtres chers, Anne Émond revient avec une autre fiction où elle explore la noirceur et la violence de la psyché, abordant de nouveau le motif du suicide qui semble devenu chez elle un leitmotiv. Il faut dire que toute l’œuvre de l’écrivaine est traversée par ce sujet, comme une annonce du forfait qu’elle commettra un jour ou l’autre, comme une promesse sombre. Dans le film, ce dernier est présent en filigrane, car nous connaissons tous la fin, nous savons tous ce que porte la femme en elle, ce désir d’en finir qu’elle a d’ailleurs déjà elle-même qualifié de «liberté de choix» dans un texte paru dans le défunt webzine P45. Comme si Nelly y voyait enfin la solution à ce «vertigineux défaut d’existence» qui affuble l’ensemble de ses écrits. Mais ce thème n’est pas du tout envisagé de
MYLÈNE MACKAY
cette façon par Anne Émond: «Avec le suicide de Nelly Arcan, il y a une fatalité qui m’a pesée sur les épaules et qui m’a rendue profondément triste. Il y avait un mélange de hargne et de peine et je me disais: “Encore une autre qui n’a pas trouvé d’autre option après Hubert Aquin, Dédé Fortin”... Ce suicide m’a confrontée et je me suis demandé si moi aussi j’allais réussir à passer au travers de la vie comme femme, comme artiste... Pour avoir connu le suicide de très près, je suis incapable de le voir comme une liberté.» Avec une proposition puissante et une interprétation de Mylène Mackay qui la confirme parmi les grandes comédiennes de sa génération, Nelly vient une fois de plus démontrer que notre grande aventure collective semble se buter, chaque fois, à l’incapacité de nous projeter plus loin, plus haut. La question du suicide demeure sans réponse, en suspens, seulement un pourquoi qui résonne à jamais entre les silences de la femme, de l’écrivaine, de la putain, de la jeune fille. y
ANNE ÉMOND
En salle le 20 janvier
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«Je ne voulais pas être doublée pour ce film, je voulais le faire à fond», confie d’emblée Soko. «C’est une responsabilité de dingue que de rendre grâce et hommage à une femme aussi puissante, qui a créé tout un monde n’ayant jamais été vu avant.» Comme Loïe Fuller, Soko se donne à 100% dans son art comme dans sa vie. Voilà peut-être pourquoi la réalisatrice Stéphanie Di Giusto a écrit le rôle en pensant à elle. Quant à Soko, la force de Fuller lui rappelle celle de son amie cinéaste. «Stéphanie a rencontré tellement d’obstacles pour faire ce premier film! Trouver le financement, le casting, les gens qui se désistent… Monter un film, c’est un puzzle, il faut dépasser des montagnes. Et elle me disait: “Colline après colline, j’avance”.»
Le film, magnifié par la direction photo de Benoît Debie (qui a notamment travaillé avec Gaspar Noé et Harmony Korine), voit le jour au Festival de Cannes dans la section Un certain regard. Les cinéphiles y découvrent cette danseuse oubliée qui se mouvait sous plusieurs mètres de soie blanche et mettait en place une scénographie aux jeux de lumière travaillés. «Loïe allait complètement à l’encontre de la vague de danse classique de l’époque, ce n’était pas une petite danseuse en tutu», explique Soko avant d’ajouter que le fait qu’elle fut ouvertement lesbienne avait aussi fait partie de sa carrière et de sa liberté. En effet, Loïe Fuller a vécu une histoire d’amour de plusieurs décennies avec le personnage de Gabrielle Bloch, joué par Mélanie
L’ART DE SE DONNER À 100% DEUX MOIS D’ENTRAÎNEMENT, NEUF SEMAINES DE TOURNAGE. C’EST LE TEMPS QU’IL A FALLU À L’ACTRICE SOKO POUR SE METTRE DANS LA PEAU DE LOÏE FULLER, UNE DANSEUSE AMÉRICAINE AVANT-GARDISTE AYANT SECOUÉ LE PARIS DE LA BELLE ÉPOQUE À LA FIN DU 19e SIÈCLE. RENCONTRE AVEC LA TÊTE D’AFFICHE DU FILM LA DANSEUSE, PRÉSENTÉ EN CE DÉBUT D’ANNÉE DANS LES SALLES QUÉBÉCOISES. MOTS | CÉLINE GOBERT
PHOTO | COURTOISIE TVA
Soko a passé plusieurs heures quotidiennes à s’entraîner aux côtés de la chorégraphe new-yorkaise Jody Sperling, fine connaisseuse du travail de Fuller. «Il fallait se dépasser, surpasser le tournis, l’envie de vomir, la peur du vide.» Peu à peu, son corps s’est transformé en corps de danseuse, elle qui s’estime d’ordinaire «maladroite et peu gracieuse». «Là, je devais être féminine, avoir une beauté d’artiste, la faire briller.» Certains matins, elle n’arrivait même plus à enfiler sa culotte tellement son corps souffrait. Tard le soir, elle appelait son ostéopathe au secours, ne pouvant plus bouger la tête. «J’y suis allée pour de vrai, comme n’importe quel danseur qui veut faire ces performances et qui passe par les mêmes douleurs.» La première fois qu’elle a essayé la robe de Fuller, elle s’est mise à pleurer. «C’était hyper émotionnel que de rentrer dans la peau de cette femme, d’aller jusqu’au bout de la performance et de ressentir ce que c’est que de travailler tous les jours pour apprendre cette chorégraphie.»
Thierry. Toutefois, le sujet n’est que vaguement abordé dans le film. La réalisatrice lui a même inventé un amant masculin, Louis (Gaspard Ulliel), qui n’a pas existé dans la vraie vie, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents certains médias et spectateurs français qui ont taxé le film d’«hétérocentriste». «Ce n’est pas un biopic, se défend Soko. On montre une petite période de sa vie. Oui, elle a passé 30 ans avec cette femme. C’était écrit dans le scénario, après, c’est le choix artistique de la réalisatrice de parler davantage de sa carrière, de sa danse, et d’elle en tant qu’artiste. Elle pensait qu’elle l’exprimait suffisamment justement dans son trouble face à Isadora et Gabrielle.»
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Le personnage, absorbé par son travail et son art, se définit par ses relations aux autres. «Louis, c’est son compagnon, la personne qui lui a permis de créer sa danse, c’est un témoin de son ascension, son partenaire», explique Soko. Quant à sa rivale Isadora Duncan, interprétée par Lily-Rose Depp (fille de Vanessa Paradis et de Johnny Depp), elle traduit l’arrivée de la jeunesse, d’une nouvelle génération. «Il y a un mélange d’admiration, de jalousie, d’amour.» Complexe, Fuller est avant tout une femme en souffrance, qui tire son art de sa douleur. D’ailleurs, le film débute avec la mort du père. «Dans nos vies, il n’y a pas de soleil sans la nuit, il n’y a pas de force sans vulnérabilité, dit Soko. Les personnages que j’incarne ont des hauts et des bas, du noir et du blanc, des zones grises.» L’actrice se retrouve dans le personnage. «J’ai également perdu mon père quand j’étais petite, je n’en serais pas là
aujourd’hui si je n’avais pas eu cette conscience de la mort et le fait de me dire que chaque jour que je vis est peut-être le dernier. J’ai envie de remplir toutes mes journées avec des choses incroyables, partir à l’aventure, apprendre des choses nouvelles, être stimulée par la création.» L’art qui la touche, c’est l’art «vulnérable», «à fleur de peau». «C’est intéressant d’avoir des histoires qui ont plus qu’une couleur», conclut-elle. Pour l’heure, Soko a déserté les plateaux de tournage et se consacre à 100% à son troisième album. «Le cinéma et la musique sont deux choses aussi vitales que manger et dormir pour moi, je ne peux pas les faire en même temps.» y En salle le 6 janvier
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
COMMENT TENIR SES RÉSOLUTIONS Note de la rédaction: Cette rubrique (à brac…) devait être illustrée par un dessinateur qui, hélas, une fois de plus, n’a pas rendu ses planches à temps. Le professeur Burp s’avance, portant son célèbre sarrau blanc. — Chers amis, chères amies, bonjour. Ici le professeur Burp qui vient, encore une fois, vous aider à surmonter les menus tracas de la vie quotidienne. Une coccinelle entre dans le cadre, en souriant d’un air malicieux. — Aujourd’hui, il sera question d’un gros tracas qui revient chaque année: l’art de tenir ses résolutions du Nouvel An. Car on le sait: elles sont si difficiles à tenir que la plupart des gens n’y arrivent pas. Mais grâce aux judicieux conseils de votre ami le professeur Burp, vous les tiendrez. Tout en parlant, il fouille dans les dossiers éparpillés sur sa table de travail, très désordonnée. La fouille s’éternise. Le temps passant, il est de plus en plus gêné et cherche de plus en plus fébrilement. La coccinelle sourit, du même air malicieux. On aperçoit des gouttelettes de sueur qui perlent sur le front du professeur. Il exhibe enfin un dossier et le consulte. — Mon premier conseil est d’une grande importance. Il hésite, avant de lancer: Faites les résolutions les plus vagues possible: de cette manière, quoi qu’il arrive, on ne pourra pas vous accuser de ne pas les avoir tenues!
Il réfléchit, visiblement intrigué... Soudain, son visage s’éclaire et il lance: — Donnons un exemple. Ça tombe toujours à point, un exemple. Sur ces mots, venu de nulle part, un homme vêtu d’une redingote apparaît; une pomme est en train de chuter au-dessus de sa tête. Une voix off déclare: «Tomber à point. Cela fait inévitablement penser à Isaac Newton. Sa vie fut un événement d’une grande gravité.» L’image revient sur le professeur: — Vous ne direz pas: «Cette année, j’arrête de fumer». Ni même: «Cette année je vais diminuer ma consommation de cigarettes». Non. Vous direz plutôt, très habilement: «Je vais cette année revoir ma consommation de cigarettes». De cette façon, quoi qu’il arrive, vous êtes couverts! Habile, hein? La coccinelle sourit de plus en plus et commence même à se plier en deux… — Un deuxième conseil? Allons-y. Une des résolutions les plus courantes, mais aussi les plus difficiles à tenir, concerne l’argent. Faire un budget, s’y tenir, investir là où il le faut: ce sont pourtant des choses indispensables. Le mieux, pour y arriver (il consulte son document…), sera de (il hésite…) dissimuler une part des revenus puis (il hésite encore…) de procéder à de somptueuses et ostentatoires dépenses le moment venu afin de bien se faire voir.
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43 Il hésite, puis lance, confiant: — Ce qui est en somme un excellent conseil. Isaac Newton revient dans le cadre et lance: «Aucun exemple qui tombe à point, cette fois? Ah bon…» Puis il sort, tandis qu’une pomme tombe au-dessus de sa tête. Le professeur s’efforce de reprendre sa contenance; y arrive à peine. La coccinelle est encore tordue de rire, mais désormais en quatre. — Vous voilà déjà bien outillés. Heureusement, d’ailleurs, car le temps file et il nous en reste à peine assez pour un tout dernier conseil. De quoi devrais-je vous parler? (Il consulte son dossier) Difficile de choisir… Ah, si! Se réconcilier avec ses ennemis. Voilà une belle idée! Voilà une belle résolution! Il lit en silence; se passe nerveusement un doigt autour du col de son sarrau; il transpire de plus en plus… — Ce qui compte par-dessus tout, c’est de savoir, au moment opportun, c’est-à-dire quand cela sera à votre avantage, donner à vos ennemis l’illusion qu’une alliance avec eux est possible et que vous la souhaitez. Pour cela, vous devriez…
«FAITES LES RÉSOLUTIONS LES PLUS VAGUES POSSIBLE: DE CETTE MANIÈRE, QUOI QU’IL ARRIVE, ON NE POURRA PAS VOUS ACCUSER DE NE PAS LES AVOIR TENUES!» Il s’interrompt. La coccinelle, qui l’a rejoint, pointe du doigt la première page du dossier qu’il est en train de lire. Le professeur est visiblement très mal à l’aise. — Mes amis, je me rends compte, un peu confus, que j’ai malencontreusement mélangé mon dossier «Tenir ses résolutions du Nouvel An» avec un dossier préparé à l’intention d’un parti politique par une firme de relations publiques sur l’art de tenir ses promesses électorales. Mes excuses… Embarrassé, il sort précipitamment. La coccinelle hurle de rire. Puis soudainement, elle se fige et éclate en sanglots. Newton, qui est réapparu, lui tend la main; elle s’y blottit; il pleure avec elle. On aperçoit s’élevant au ciel une pomme sur laquelle on devine un visage avec de grosses lunettes… *** À la mémoire d’un géant appelé Marcel Gotlib, à qui, comme d’innombrables autres, je dois des moments inoubliables. y
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JEUNE, CHEF ET PROPRIO POUR DEVENIR ENFIN CHEFS, POUR AUGMENTER LEUR REVENU OU DANS LE BUT DE PASSER À LA TÉLÉ, DE PLUS EN PLUS DE JEUNES CUISINIERS VEULENT AVOIR LEUR PROPRE RESTO. UNE MAUVAISE BONNE IDÉE? MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTO | DREAMSTIME.COM
«Quand je demande à mes étudiants combien veulent ouvrir leur restaurant, ils sont 100 sur 105 à lever la main. Et quand je leur demande quand ils pensent se lancer, ils me répondent “le plus tôt possible”...» Pour Julie Faucher, professeure en gestion et culture culinaire à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), la tendance est bien visible: si posséder son propre resto est un rêve pour la plupart des cuisiniers, ils sont de plus en plus nombreux à se lancer dans l’aventure, et de plus en plus tôt. Pourquoi cette envie de devenir chef proprio? Selon Samuel Pinard, qui tient les rênes et la cuisine de sa Salle à Manger, ouvert depuis 2008 à Montréal, cette tendance est due notamment aux bas salaires des employés dans la restauration. «Je faisais plus quand j’étais dans la construction», s’est déjà fait dire le boss. «Mais quel choix on a? Soit tu coupes sur les salaires, soit tu coupes sur la qualité des produits, explique Samuel. Chaque fois que je cherche un sous-chef, je ne peux pas le payer comme il le voudrait…» Il y a aussi l’attrait exercé par la célébrité fantasmée des chefs restaurateurs. «Depuis cinq ans, la médiatisation de certains chefs vedettes a un effet amplifiant», acquiesce Julie Faucher. Elle le voit bien dans les lettres de motivation qu’elle reçoit des gens qui veulent intégrer l’ITHQ: «Ils veulent être célèbres, passer à la télé…» Ces dernières années, les chefs sont devenus des superstars et le métier est devenu glamour. Cette médiatisation des restaurateurs permet certes une valorisation du métier, mais envoie une image tronquée de la réalité.
«C’est ça que veulent les jeunes maintenant: faire de la télé, jardiner pour leur cuisine, participer à des événements culinaires internationaux… car c’est le miroir que renvoient les médias, indique Samuel. Mais quand les jeunes voient Chuck Hughes, ils ne savent pas comme il a galéré avant pour y arriver. C’est du stress à vie ce métier… C’est pas facile!» 15% des restos survivent sur 10 ans Cette tendance, c’est aussi la faute au peu d’avancement des carrières des employés en restauration. «Les jeunes lancent leur entreprise, car ils n’ont pas d’autre potentiel d’évolution. Je choisis mon personnel au sortir de l’école et je les forme moimême, mais au bout d’un moment, comme ils ne peuvent pas tous devenir chef ou sous-chef parce que la place est déjà prise, ils partent.» Un choix que Samuel comprend cependant; lui-même a quitté les cuisines du Toqué! notamment parce qu’il ne pouvait pas évoluer beaucoup plus en restant là. Un phénomène qui entraîne un roulement des équipes – un peu trop? – régulier… À la Salle à Manger, aucun des employés présents à la création du resto en 2008 n’y est encore aujourd’hui: «Ils partent en général au bout de quatre ans», indique Samuel. Même chose au Pastaga de Martin Juneau, où l’équipe a déjà changé trois fois depuis l’ouverture. Selon le chef de la Salle à Manger, il y a trop de restos, beaucoup de chefs, et pas assez d’employés pour les soutenir: «T’as beau être un super chef, si t’as pas d’équipe, t’as pas de resto! Tu mets pas Sidney Crosby sans aucun joueur sur la ligne…»
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Mais le chef ne jette pas pour autant la pierre à la relève: «Aujourd’hui, les nouvelles générations en veulent plus, mais ils ont aussi besoin de plus qu’avant pour vivre. C’est une autre réalité. Ils sont nés avec plus d’accessibilité, ils savent comment ça se passe ailleurs, combien les gens gagnent, ça communique plus… Ils veulent travailler, avoir des sous et aussi du temps pour eux. Et je les comprends! Mais c’est pas comme ça que ça se passe dans le milieu.» Un milieu loin d’être idéal pour un restaurateur débutant: sur 100 restos au Québec, seuls 15 seront encore ouverts dans 10 ans. Et si on entend souvent dire que les Québécois vont tout le temps au resto, «c’est un mythe», assure François Meunier, vice-président de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ). «Au Canada, le Québec est à la 6e position sur 10 en matière de revenu disponible des ménages…» «Avoir toutes les compétences, pas juste en cuisine» Les jeunes restaurateurs vont en majorité préférer des établissements plus petits et plus modestes, facilitant l’accès à l’entrepreneuriat. Le problème, c’est que ça n’aide pas à se démarquer. «Trop de restos offrent trop la même chose, constate François Meunier. Par exemple, on fait trop de service à table, alors que le marché est au service au comptoir ou de livraison.» Dans un contexte où ouvrir un nouveau restaurant demande en moyenne 1,2 million de dollars d’aménagements, les jeunes chefs proprios mettent la main à la pâte aussi bien dans les rénovations que la déco, pour limiter les coûts. Obtenir un financement des banques reste difficile, et 95% des restaurants indépendants ont une structure financière fragile basée sur des prêts familiaux ou des hypothèques… La restauration est ainsi le domaine au Canada où il y a le taux de faillite le plus important – et le Québec est le champion des provinces. «Une erreur, un mauvais calcul et c’est la faillite. C’est très subtil, ça se joue à rien», assure Julie Faucher, qui souligne que la marge de profit d’un resto est en moyenne de 2%, 4,5% pour les chaînes. «Aujourd’hui, on est dans l’instantanéité, tout le monde veut accéder à l’entrepreneuriat, et on veut aller trop vite», regrette le vice-président de l’ARQ. «Quand on se lance en restauration, il faut avoir toutes les compétences. Pas juste en cuisine, mais aussi en gestion et en affaires.» C’est là le nerf de la guerre: la plupart de ces jeunes loups des restos «ne savent pas, n’aiment pas, ne veulent pas compter», confie Julie Faucher, qui fait aussi de la consultation individuelle auprès de restaurateurs. Quand on vient la voir avec un «super plan de resto» et qu’elle demande combien ça coûte, on lui
répond 9 fois sur 10: «Ça n’a pas d’importance, ça va être bon!» Et quand elle parle des taux de faillite: «Mais avec moi ça sera pas pareil.» Oui, elle a aussi enseigné à des Martin Picard ou Charles-Antoine Crête, mais «ça, c’était des élèves qui travaillaient dur, vraiment dur…» «C’est un métier de passion. Les jeunes arrivent pleins de rêves, avec la tête dans les nuages, raconte l’enseignante. Je pensais qu’une année suffirait à les ramener sur terre, mais non; cette sorte d’inconscience persiste jusque chez certains finissants. C’est sûr, on est plus téméraire à 25 ans qu’à 40, mais je vois encore des cinquantenaires en affaires qui n’arrivent pas à générer du bénéfice, car ils ne maîtrisent pas leurs chiffres…» Et tandis que les nouveaux restos éphémères
«T’AS BEAU ÊTRE UN SUPER CHEF, SI T’AS PAS D’ÉQUIPE, T’AS PAS DE RESTO! TU METS PAS SIDNEY CROSBY SANS AUCUN JOUEUR SUR LA LIGNE…» pullulent, les vieux établissements plus stables ne trouvent pas toujours de repreneurs. Bernard Cazes, ancien copropriétaire du Mistral, à Québec, a vu à regret son établissement fermer après 16 ans de succès. «On voulait que ce soit repris par des jeunes. J’étais même prêt à rester deux ou trois ans avec eux pour les aider, raconte le restaurateur. J’avais un resto tout prêt, avec la publicité, le nom établi, les cinq étoiles sur TripAdvisor. Tout était prêt, c’était facile. Personne ne voulait qu’on parte; le proprio nous renouvelait le bail tous les six mois pour nous aider, et les clients ont pleuré quand on a fermé...» Pour autant, Bernard n’accuse pas les jeunes: «C’est pas de leur faute, c’est pas de la mauvaise volonté, mais on les aide pas. Au début du resto, je me suis retroussé les manches, et j’ai travaillé deux, trois mois sans salaire. Mais qui est
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JUAN LOPEZ, PHOTO | MICKAËL BANDASSAK
prêt à faire ça aujourd’hui? C’est pas un milieu qui donne envie, alors pourquoi les jeunes iraient làdedans? Mais je suis un passionné; ça me reprend dès que j’entre dans un resto…» Combler le manque d’expérience Malgré la passion, difficile de s’accrocher au milieu de toute cette concurrence. «On forme trop de gens, et peu restent dans le milieu au final», note Samuel, qui est également professeur-formateur à la Pearson School of Culinary Art. «Parmi mes étudiants, 5 sur 20 seront encore dans la restauration dans cinq ans...» Alors, comment faire pour éviter d’aller dans le mur avec un nouveau restaurant? Julie Faucher a réfléchi à la question: pour elle, il faudrait commencer par exiger un minimum de certification. «Restaurateur est encore considéré comme un métier facile, on pense qu’on peut ouvrir un resto sans qualifications…» Elle suggère aussi de mieux travailler sur la répartition des pourboires, et d’augmenter les salaires pour garder les jeunes – «jusqu’à 10%, ça serait acceptable; Montréal est une des villes en Amérique du Nord où l’on mange le mieux au prix le plus bas, on peut donc jouer un peu là-dessus». Enfin, il y a les bourses des grandes entreprises, qui sont mal distribuées et peu demandées, regrette l’enseignante: «Il y a trop d’exigences pour les candidats, et les étudiants ne font pas beaucoup de dossiers… Résultat: on en
laisse chaque année sur la table.» Ces bourses pourraient donc être utilisées pour aider la relève et permettre à des restaurateurs qui se retirent de passer le relais, par exemple sous forme de soutien financier au repreneur pendant six mois… Et tous, professeurs et restaurateurs, s’entendent pour dire que les jeunes cuisiniers doivent combler leur manque d’expérience avant d’ouvrir leur propre établissement. «Une erreur faite chez quelqu’un d’autre coûte moins cher qu’une erreur faite dans le restaurant dont on est propriétaire», souligne François Meunier, de l’ARQ. «J’encourage tous les jeunes qui veulent se lancer à le faire, mais à y aller à fond. Voyez le maximum de restos avant de vous lancer», conseille Samuel Pinard, qui a fait son expertise en Europe et aux Îles-de-la-Madeleine avant de revenir à Montréal. Le chef de la Salle à Manger aborde aussi la question des critiques culinaires, qui selon lui ne laissent pas assez le temps de démarrer aux nouveaux restos avant d’aller y faire un tour… et peut-être de publier ensuite un article assassin. «Tout le monde est tout le temps aux aguets des nouveautés, mais on oublie les vieux qui sont bons… En dix ans, je n’ai vu passer que deux critiques de L’Express, par exemple.» Bref, rien n’est jamais gagné d’avance. La recette du succès d’un resto, un mystère? «Totalement», répond Samuel, avec une cuillerée de cynisme. «Faut mieux ouvrir un IGA!» y
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LE MOTEL DU VOYEUR MOTS | FRANCO NUOVO
Par où commencer? La fin? Le début? Je me pose même la question: pourquoi me suis-je lancé dans la lecture de cet ouvrage qu’on présente comme une enquête, mais qui se veut davantage un échange «épistolaire» entre un auteur, considéré comme le fondateur du nouveau journalisme, et un voyeur, un vrai, qui regarde ses contemporains baiser en invoquant toutes sortes de prétextes? En fait, je voulais d’abord lire de ce même auteur, Gay Talese, dont m’avait parlé ma collègue Karine Lefebvre, Sinatra a un rhume. Je trouvais le sujet amusant: le crooner des crooners souffrant d’un rhume d’homme et la terre entière s’arrête de tourner… Or, la librairie en bas de la Grande Tour n’avait pas le bouquin dans ses rayons. En attendant qu’il arrive, je me suis donc aventuré dans les couloirs et le grenier de ce motel, propriété d’un être hors de l’ordinaire qui prend un plaisir avoué à regarder zigonner, forniquer, se branler et même s’aimer les clients de son établissement à travers une grille surplombant les chambres. Et si cette histoire est vraie, ce mateur a sévi non pas quelques années, mais pendant des décennies. Je m’étonne un peu d’ailleurs que Talese, qui a écrit dans les plus grandes publications américaines sur tant de personnalités, se soit laissé happer par ce récit. En fait, je crois que ce reporter qui s’est mis un jour à parler au «Je» en appliquant des techniques de fiction à ses enquêtes s’est laissé hameçonner par la démarche de Gerald Foos – le pervers qui ne veut pas être qualifié de la sorte. D’ailleurs, n’est-il pas écrit en grosses lettres en page couverture de ce bouquin: Une enquête de Gay Talese? Une enquête, pas une fiction. Comment tout cela est-il arrivé? En 1980, Talese a reçu une lettre anonyme d’un citoyen du Colorado, propriétaire d’un motel, qui lui confessait être un voyeur. L’homme lui racontait qu’après avoir découpé
avec la complicité de son épouse des trappes rectangulaires dans le plafond des chambres, il a épié sa clientèle durant des années en notant tous leurs ébats dans les moindres détails. Il y prétextait, grâce à ses méthodes, être devenu le témoin de son époque, une espèce de Master and Johnson pour paumés. Talese, intrigué, mais pour qui il est hors de question d’écrire quoi que ce soit sans nommer sa source, a accepté d’aller rencontrer Foos dans son antre après avoir signé un document de confidentialité. Une fois à Denver, Foos l’a entraîné dans son labyrinthe pour lui prouver qu’il n’avait rien inventé. Talese a vu ce qu’il devait voir et est reparti chez lui.
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> Toutefois, l’histoire était loin d’être terminée puisque pendant des années, Gerald Foos a écrit des pages de son journal décrivant des scènes, les commentant, les mettant en contexte et les a fait parvenir à Talese. Et puis un jour, il y a quelques années, Foos, devenu vieux, n’étant plus propriétaire du motel, réalisant qu’il vivait désormais chez Big Brother où tout le monde est devenu un voyeur, a autorisé Talese, qui n’était jamais retourné à Denver, à raconter son histoire et à donner son nom. Franchement, tant qu’on garde en tête qu’il s’agit d’une histoire vraie, Le motel du voyeur reste un curieux bouquin. Parce que le personnage est étrange, parce qu’il est dépravé même s’il ne s’avoue pas pervers, parce que malgré le sujet et la dissection des scènes, malgré les détails, il n’y a dans ce bouquin aucune forme d’érotisme alors que c’est sur un supposé érotisme que repose cette histoire. Alors, ou Talese ne sait pas décrire la sensualité et même la volupté quand elle se présente, ou bien il refuse de tomber dans le piège pornographique. J’opte pour la seconde thèse.
Même si par moment, on peut se croire en plein roman, même si les personnages peuvent sembler chimériques, même si l’écriture de Talese baigne dans un esthétisme recherché, il refuse de toute évidence de rendre attrayante la démarche de son voyeur. Il aurait été facile d’en faire un héros. Facile aussi de le transformer en victime d’autant plus que c’est toute sa vie que l’on découvre, de son enfance à son âge avancé. Non, Gerald Foos n’est qu’un humain: un homme quelque peu tordu comme il y en a des millions, voyeurs, dont 90% sont des mâles et 10% seulement des femmes, mais un être somme toute pitoyable. J’avoue, cet ouvrage m’a laissé un petit goût amer. Peut-être parce que je n’y ai pas trouvé le cul divertissant que j’attendais ou peut-être seulement parce qu’il révèle le tragique d’une nature par trop humaine. y
LE MOTEL DU VOYEUR: UNE ENQUÊTE DE GAY TALESE Éditions du sous-sol, 2016, 256 pages
Sur les rayons
LE DROIT D’ÊTRE REBELLE: CORRESPONDANCES DE MARCELLE FERRON AVEC JACQUES, MADELEINE, PAUL ET THÉRÈSE FERRON BABALOU HAMELIN Éditions du Boréal, 2016, 632 pages Il y a de ces familles dont le Québec n’aurait simplement pas pu se passer, et les Ferron sont assurément l’une d’entre elles. Marcelle la peintre, Jacques l’écrivain et médecin, Madeleine la romancière, Thérèse la journaliste et Paul, aussi médecin, sont autant de plumes acerbes et vives qui nous donnent à lire le Québec du 20e siècle. Les Éditions du Boréal, par le travail de Babalou Hamelin – fille de Marcelle Ferron –, réunissent ici 500 lettres écrites entre 1944 et 1985 qui montrent la pertinence du regard tantôt social tantôt intime que ce clan de Louiseville porte sur le Québec d’après-guerre. Hamelin tente de créer par l’assemblage de ces lettres un réel roman épistolaire, et c’est ce qu’elle nous offre avec Le droit d’être rebelle, un livre aussi essentiel que fascinant sur une famille qui a su marquer son époque. L’effervescence qui émane de cette correspondance est tout simplement galvanisante. À travers ces lettres, une famille se crée sous nos yeux, une idée de l’importance de l’art naît, et une façon d’intellectualiser le Québec voit le jour. D’une lettre à l’autre, se promenant entre Paris, Londres, Saint-Joseph-de-Beauce, Montréal, Clamart, Saint-Alexis-des-Monts et bien d’autres lieux, on entre dans une intimité qui peut être parfois banale, mais qui parvient à rester intéressante sans jamais tomber dans le voyeurisme. On y parle de musique, de théâtre, de littérature et surtout de la fonction du créateur et de son rôle social. Au détour de ces lettres qui dessinent habilement un monde qui soudainement s’ouvre à eux, on nous donne le goût de nous plonger dans les écrits de Virginia Woolf et d’Elsa Morante, ou dans les correspondances de Gorki et de Makarenko. Au fil des pages, on s’amourache de Cornichon, de Merle, de Béber, de Poussière, de Blondinette et de tant d’autres qui peuplent ce livre. Cette correspondance, bien que marquée par la mort et la tragédie, a quelque chose de foncièrement lumineux, quelque chose comme un désir de voir grand et sans ornières. Ici, la langue est maître et s’élève au rythme des échanges et des argumentations, elle s’installe comme le réel point d’ancrage de cette famille qui, par le besoin d’échanger, laisse derrière elle peut-être l’une des correspondances québécoises les plus jouissives qui nous est donnée de lire. (Jérémy Laniel) y
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Sur les rayons
N’ESSUIE JAMAIS DE LARMES SANS GANTS JONAS GARDELL les Êditions Gaïa, 2016, 592 pages Rasmus grandit dans l’arrière-pays suÊdois, en plein cœur des annÊes 1970, au sein d’une famille aimante. À 19 ans, il quittera son petit patelin pour Stockholm, laissant derrière lui une famille qui n’a rien vu des coups qu’on lui portait ni rien entendu des insultes qu’on lui criait; il se dirige vers le cœur du pays en plein battement des annÊes 1980, le cœur battant et les bagages bourrÊs d’humiliations, avec en bandoulière une enfance qu’il va s’acharner à oublier. N’essuie jamais de larmes sans gants de l’Êcrivain suÊdois Jonas Gardell est le rÊcit de Rasmus, qui part pour la capitale question de vivre sa vie comme il l’entend, l’histoire de Benjamin, un tÊmoin de JÊhovah qui devra tout abandonner par amour, le portrait d’une Suède aux prises avec un vieux fond de conservatisme et l’impuissance de tous devant une pandÊmie qui marquera sombrement notre entrÊe dans le 21e siècle.
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ArrivÊ à Stockholm, Rasmus se met rapidement au parfum des us et coutumes de la communautÊ homosexuelle de la capitale. Lors de ses sorties nocturnes, il rencontrera Paul qui, de manière informelle, lui prÊsentera sa nouvelle famille. Il y aura Bengt qui brÝle dÊjà les planches de l’École nationale de thÊâtre, Reine qui tombe en amour comme d’autres tombent à vÊlo – toujours en se pÊtant la gueule. Il y a aussi Seppo le Finnois et son copain Lars-Åke, l’un des premiers rÊduits par la maladie. Et il y aura surtout Benjamin, ce tÊmoin de JÊhovah qu’il rencontre un soir de NoÍl chez Paul. Benjamin qui devra rapidement choisir entre sa famille, sa congrÊgation et sa foi ou la personne qu’il est vraiment, cet homosexuel qui n’a malheureusement aucune place auprès du seigneur selon les Êcrits saints. Avec habiletÊ, Jonas Gardell tisse un portrait social d’une Suède dont les mœurs sont en lente transformation. En parallèle, la communautÊ homosexuelle et les balbutiements de la pandÊmie du sida, qu’on sait alors à peine nommer, sont dÊpeints avec une vÊritÊ stupÊfiante qui rend le tout fascinant. Ce livre qui aurait pu s’intituler Chronique d’une mort annoncÊe se joue du drame avec brio, la mort n’Êtant jamais finalitÊ ou surprise, mais devenant plutôt un personnage avec lequel les lecteurs s’Êtaient invitÊs à danser et avaient maladroitement commencÊ à tournoyer. Au bord d’un prÊcipice. Gardell signe ici l’un des grands livres de la dernière annÊe. (JÊrÊmy Laniel) y
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LE VRAI DU
FAUX EXILÉE À NEW YORK, LÀ OÙ ELLE SUSCITE L’ENGOUEMENT DEPUIS TROIS ANS, L’ARTISTE MONTRÉALAISE CHLOE WISE FABRIQUE DES ŒUVRES HYPERRÉALISTES QUI, DERRIÈRE LEUR APPARAT LUISANT, LAISSENT ENTREVOIR UNE PERTINENTE RÉFLEXION SUR LES FAUSSES REPRÉSENTATIONS QUI HABITENT NOTRE SOCIÉTÉ DE SURCONSOMMATION. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
Lorsqu’on la rejoint par téléphone, Chloe Wise semble détendue. Revenant tout juste d’une foire d’art à Miami, l’ex-mannequin a profité de l’occasion pour, enfin, se reposer. «Ce sont mes premières vacances en trois ans», dit-elle, bien installée sous le soleil floridien. «J’ai besoin de temps pour méditer et lire avant de commencer à penser à de nouvelles choses.» À 26 ans, la diplômée en beaux-arts de l’Université Concordia possède déjà une feuille de route impressionnante. En plus d’avoir présenté quatre expositions, Chloe Wise vient tout juste de publier un premier livre homonyme regroupant des illustrations de ses principales œuvres. À quelques mois de l’ouverture de sa cinquième expo à Paris (prévue pour l’automne), la peintre, sculptrice et vidéaste reconnaît que son expatriation américaine a eu une importante incidence sur son succès: «Une bonne partie des artistes canadiens reconnus à l’international ont dû, un jour ou l’autre, déménager. À New York, c’est plus difficile de se démarquer parce qu’il y a beaucoup de gens, mais une fois que tu as réussi, la visibilité est meilleure. Au Canada, je faisais le même genre d’œuvres, et les opportunités étaient beaucoup moins nombreuses.»
Encore faut-il savoir saisir cesdites opportunités lorsqu’elles se présentent. Et c’est précisément ce que Chloe Wise a fait à l’automne 2014 lorsque le mannequin India Menuez lui a demandé de lui prêter l’une de ses œuvres pour se rendre à une soirée Chanel no. 5 à New York. Nommé Bagel no. 5, le faux sac en forme de bagel que Menuez arborait a fait tourner bien des têtes ce soir-là – certaines fashionistas allant même jusqu’à confondre l’œuvre débordante de faux fromage à la crème avec un nouvel accessoire mode signé Karl Lagerfeld. Le sublime simulacre a fait le tour des médias et, sans le savoir, Chloe Wise venait de se révéler à l’international. L’année suivante, l’artiste s’est servie de ce tremplin inattendu pour poursuivre une réflexion sur ces produits qui provoquent le désir chez le consommateur. Dans Full-Sized Body, Erotic Literature, une première expo présentée à la galerie new-yorkaise Retrospective, elle remettait en question l’authenticité de la nourriture asiatique américaine, en mettant en scène de faux pad sew aux crevettes fabriqués à partir d’uréthane, un plastique souple qui donne une forme hyperréaliste à ses œuvres.
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(CI-CONTRE) PHOTO | CHLOE WISE & GALERIE DIVISION (AUTOPORTRAIT)
VOIR MTL
55 ARTS VISUELS VOIR MTL
> La fausse authenticité Dans Cats not fighting is a horrible sound, sa plus récente expo présentée à Montréal, Wise s’intéresse à la nourriture italienne américanisée, «celle qu’on peut retrouver dans certaines chaînes de restauration comme Olive Garden». «Pour moi, toute cette gastronomie est fausse», explique l’artiste. «Nous l’avons fabriquée à partir de faux symboles de ce que nous considérons, à tort, comme l’Italie authentique.» Feuille de laitue dégoulinante de sauce César, boulettes gigantesques, lasagne aux multiples étages de fromage coulant… CNFIAHS s’intéresse aux procédés esthétiques que les restaurants du genre mettent en valeur à travers leurs stratégies marketing. «Dans les annoncestélé, il y a toujours beaucoup trop de fromage qui brille. C’est le genre d’image qu’on utilise pour stimuler le désir», analyse-t-elle. «Ce n’est en rien relié à une vraie représentation de la réalité culinaire italienne.» Dans la partie centrale de l’expo, un court métrage dévoile un décor idyllique. Maquillés de façon exubérante, les acteurs et les actrices y explorent une nature naïve et originelle, théâtre d’un faux-semblant quelque peu déroutant d’Adam et Ève, où les poitrines des femmes sont cachées par de la laitue. «Historiquement, on a souvent montré le corps de la femme comme on montre la nourriture, avec des reflets brillants. Dans les deux cas, on parle de quelque chose qui va vieillir rapidement et qui est destiné à la consommation rapide», critique Chloe Wise. Plus largement, l’artiste aborde ses propres angoisses à travers ses œuvres. Tout comme la mode et la gastronomie, Chloe Wise sait que le milieu des arts visuels est soumis aux diktats des tendances, celles qui repartent aussi vite qu’elles sont arrivées. «Même si je bénéficie actuellement des tendances, je dois admettre que j’en ai peur… Le monde de l’art évolue extrêmement vite», admet-elle. «Je tente, généralement, de ne pas suivre les modes, mais je sais que personne n’y est imperméable. J’essaie d’être la plus honnête et transparente possible à ce sujet.» y Cats not fighting is a horrible sound Galerie Division Jusqu’au 14 janvier
PHOTOS | CHLOE WISE & GALERIE DIVISION
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL À LA RESCOUSSE Je vais peut-être vous étonner, mais pour commencer l’année, je vais vous parler d’entrepreneuriat social en citant un exemple exceptionnel: celui du Dr Julien, parce que ce docteur porte à bout de bras un projet social d’envergure et qu’il le dirige de main de maître depuis près de 15 ans. Sa méthode d’intervention, qui permet de gérer un enjeu de santé physique ou mentale que vivent un enfant et sa famille, en rassemblant autour d’une même table tous les intervenants requis pour y arriver – des avocats à la DPJ, en passant par des pédiatres, des psychiatres, et j’en passe –, a fait ses preuves et soulève de plus en plus d’intérêt. Il réussit désormais à accompagner près de 5000 enfants par année dans la vingtaine de centres qu’il a pu ouvrir. Des sortes de franchises, dirigées par d’autres médecins qui doivent suivre une formation complète et maintenir une homologation avec la fondation. Son côté entrepreneur l’a amené à faire un deal avec le gouvernement. Son offre était simple: «Je vais ouvrir d’autres centres si tu m’accompagnes financièrement». L’État a dit oui. Vingt millions sur quatre ans proviennent du ministère de l’Éducation. Cinq millions par année, et hop! on pourra accompagner près de 20 000 enfants qui doivent affronter ce qui représente probablement une des plus grandes épreuves de leur vie. C’est un moment charnière qui aura un impact déterminant. C’est là que se joue pour eux la loterie de la vie: avoir la chance de devenir un citoyen capable de s’épanouir en toute liberté ou devoir vivre aux crochets de la société. De manière plus tragique, cette loterie tranchera aussi, parfois, entre la vie et la mort. Il gère son projet entrepreneurial avec une vision à long terme. Il ne gère pas des trimestres, il déploie un projet social soutenu par une vision de l’humanité. J’ai demandé au Dr Julien s’il n’y avait pas un danger à ce qu’une fonction
si importante de notre société soit prise en charge par autre chose que l’État. Sa réponse a été sans appel. Il ne fait pas confiance au système pour remplir nos responsabilités envers nos enfants. Il ne croit pas que son projet puisse fonctionner s’il est absorbé par la machine. Il parle d’implication civique, de l’importance de responsabiliser les citoyens et de les faire travailler à améliorer notre société. Le Dr Julien et son entente avec l’État n’ont pas fait l’unanimité. D’aucuns ont décrié le partenariat en mentionnant qu’il ne s’agissait, ni plus ni moins, que du commencement d’une privatisation du système de santé. Je suis d’avis que ce questionnement a un certain mérite et que des projets entrepreneuriaux sociaux peuvent représenter au moins deux risques. Le premier risque, et il est sérieux, c’est le désinvestissement de l’État et son remplacement par l’argent du privé, celui des dons, des fondations, des commanditaires. Risque sérieux, dis-je, parce qu’il ouvre effectivement la porte à une privatisation des fonctions de base de l’État. Il s’agit d’une direction qu’il n’est pas souhaitable d’envisager. Quand il s’agit de santé, d’éducation, de culture, pas question de transférer ça à une business qui devra éventuellement répondre aux impératifs financiers de ses actionnaires ou qui augmenterait la productivité sur la seule base d’une diminution des conditions de travail de ses employés. Le second risque, plus pervers, est de retirer du financement aux organismes qui sont performants, qui réussissent à connecter avec leur communauté et à attirer des partenaires sous prétexte, justement, qu’ils ont du succès. La raison pour laquelle ces organismes ont du succès, c’est d’abord grâce aux gens qui les dirigent et qui y travaillent: leur crédibilité, leur feuille de route, leurs résultats. Le soutien
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> du gouvernement sert d’effet de levier, il permet de multiplier l’impact de ces entrepreneurs sociaux. La tentation peut être forte de couper les subventions des organismes qui réussissent à lever beaucoup de sous pour augmenter leur financement autonome en prétextant que les besoins financiers de base sont maintenant couverts de cette façon. Le Dr Julien peut s’occuper de 20 000 enfants avec environ cinq millions par année provenant de fonds publics, le reste provient du privé. Les besoins sont probablement cinq fois plus importants pour tout le Québec. Devrait-on attendre d’obtenir le financement privé avant de donner plus de moyens à ce projet et le pérenniser? Que non! Tout en gardant ces deux risques en tête, le partenariat public et privé dans un contexte social m’apparaît réellement porteur et nous invite à nous poser une question: comment peut-on nous responsabiliser, à titre de citoyens, de parents ou de pairs aidants, et cesser de compter toujours sur l’État? Quel est le modèle qui nous permettrait d’injecter une grande dose de responsabilité à la société civile et à ses constituants? Et si l’État devait, dans l’avenir, jouer un rôle réduit? Le gouvernement pourrait établir les grandes directions, les objectifs, les budgets et les contrôles, mais compter sur des entrepreneurs pour la livraison des services. Il s’agirait de démanteler la machine et de la rapprocher des citoyens. Ce pourrait être
possible en santé, en éducation, pour les services sociaux. Pour la culture, c’est déjà chose faite en grande partie. À peu près tous les pans de notre société pourraient bénéficier d’une plus grande mobilisation des entrepreneurs. Que ce soit à temps plein, comme le fait le Dr Julien, mais aussi Fabrice Vil de l’organisme Pour 3 Points et JeanFrançois Archambault de La Tablée des Chefs, ou encore à temps partiel, en s’impliquant sur des conseils d’administration d’organismes ou des comités de parents dans les écoles, par exemple. La célèbre phrase de John F. Kennedy me revient en tête: «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Il me semble que nous avons un modèle à revoir, à réinventer. C’est la réponse à la question que soulève cette affirmation fondamentale du défunt président des États-Unis qui est compliquée. Comment? À nous de trouver la réponse. Elle doit impérativement inclure entrepreneuriat, réinvestissement, performance et mesure d’impact, mais aussi gouvernance, plan de relève et contrôle. Ce que je nous souhaite pour 2017? Plus d’entrepreneurs qui choisissent de changer le monde. Une bonne année à vous, chers lecteurs. y
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QUOI FAIRE
PHOTO | RENATA RAKSHA
MUSIQUE
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AUSTRA T H É ÂT R E FA I R M O U N T – 2 1 J A N V I E R
Le projet de la musicienne torontoise Katie Stelmanis prendra un nouveau départ en 2017 avec la sortie de Future Politics, un troisième album qui s’annonce déjà mieux que le décevant Olympia, paru il y a quatre ans. Le mélange de synthpop et de dark wave d’Austra envahira une fois de plus la métropole le temps d’un enivrant spectacle.
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L’OSSTIDTOUR CLUB SODA – 28 JANVIER
Amorcé en novembre dernier, L’Osstidtour s’arrête maintenant à Montréal pour un dernier droit qui promet d’être relevé. Mettant en vedette le projet père-fils Brown, le groupe post-rigodon Alaclair Ensemble et la tête d’affiche Koriass, sacré artiste de l’année au dernier GAMIQ, la tournée est un clin d’œil à L’Osstidcho, qui a marqué le Québec il y a près d’un demi-siècle.
LEE RANALDO + STEVE GUNN
ROSIE VALLAND
CENTRE PHI – 13 JANVIER
La folkeuse Rosie Valland a trimballé Partir avant à travers la province, puis c’est à Montréal qu’elle s’arrête pour le dernier concert de sa première grande tournée. Une musique rassurante, réconfortante, bien que teintée de mélancolie.
L’influent musicien américain Lee Ranaldo – cofondateur du mythique groupe alt-rock Sonic Youth – est de retour en ville, armé de ses guitares. L’excellent rock du Brooklynois Steve Gunn et le folk apaisant de Meg Baird ouvriront ce beau rendez-vous musical.
ÉMILE BILODEAU ÉMILIE & OGDEN C É G E P M A R I E- V I C T O R I N – 2 6 J A N V I E R
REEL BIG FISH ET ANTI-FLAG L E M É T R O P O L I S – 14 J A N V I E R
Les amateurs de punk et de ska seront comblés en cette soirée anniversaire avec Reel Big Fish et Anti-Flag. Les deux formations américaines ont su bien brasser notre adolescence dans les années 1990. Elles célèbrent avec nous leurs 20 ans. Que de nostalgie!
SAL A ROSSA – 27 JANVIER
Accompagnée de sa fidèle harpe Ogden, la Montréalaise Emilie Kahn obtient un succès d’estime sur la scène locale depuis la sortie de 10 000, premier album mettant de l’avant son impressionnant registre vocal. Sur scène, la chanteuse envoûte son public et peut compter sur la présence du multiinstrumentiste Dominic Lalonde et du batteur Francis Ledoux.
LION D’OR – 1ER FÉVRIER
Finaliste aux Francouvertes 2015, l’auteur-compositeur-interprète longueuillois Émile Bilodeau ne laisse personne indifférent avec sa chanson folk aux desseins engagés. Charismatique comme pas un, le poulain de Grosse Boîte a déjà beaucoup d’expérience sur scène, ayant fait son bout de chemin aux quatre coins du Québec dans plusieurs festivals et concours d’envergure.
PHOTO | KARINE PERRON
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FRED FORTIN M A I S O N D E L A C U LT U R E M A I S O N N E U V E â&#x20AC;&#x201C; 28 J A N V I E R
Fort de ses FĂŠlix rĂŠcoltĂŠs en octobre dernier (dans les catĂŠgories choix de la critique et auteur ou compositeur de lâ&#x20AC;&#x2122;annĂŠe), lâ&#x20AC;&#x2122;inclassable Fred Fortin connaĂŽt actuellement les moments les plus probants de sa longue carrière, qui sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtend maintenant sur plus de 25 ans. Ses fans montrĂŠalais seront heureux de le retrouver dans le cadre dâ&#x20AC;&#x2122;un spectacle intimiste.
ISAIAH RASHAD Lâ&#x20AC;&#x2122; A S T R A L â&#x20AC;&#x201C; 2 7 J A N V I E R
SignĂŠ sous Top Dawg (Kendrick Lamar, Schoolboy Q, Ab-Soul), Isaiah Rashad fait partie des ligues majeures du hip-hop, bien quâ&#x20AC;&#x2122;il demeure tout de mĂŞme mĂŠconnu ici. Son premier album The Sunâ&#x20AC;&#x2122;s Tirade lui a permis dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtablir sa signature musicale, Ă mi-chemin entre rap engagĂŠ et hip-hop sudiste plus lĂŠger. DotĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;un groove imparable, il mĂŠlange nĂŠo-soul et jazz rap avec adresse.
AESOP ROCK Lâ&#x20AC;&#x2122; A S T R A L â&#x20AC;&#x201C; 2 8 J A N V I E R
Lâ&#x20AC;&#x2122;un des chefs de file du hip-hop underground new-yorkais nous rendra une autre visite attendue en janvier. Ă&#x20AC; la fois vigoureux et flegmatique, Aesop Rock possède une impressionnante discographie. Son dernier album Ă ce jour, The Impossible Kid, est paru en avril dernier et a rapidement obtenu un succès critique enviable. Sur scène, il sera accompagnĂŠ par Rob Sonic, DJ Zone et Homeboy Sandman.
CLOUD NOTHINGS T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E F A I R M O U N T â&#x20AC;&#x201C; 2 8 J A N V I E R
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Le quatuor de Cleveland avait fait grand bruit avec Here and Nowhere Else, un album qui sâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠtait hissĂŠ dans le peloton de tĂŞte des parutions de lâ&#x20AC;&#x2122;annĂŠe en 2014. Cette fois, Cloud Nothings rapplique avec Life Without Sound, un quatrième effort un peu plus doux quâ&#x20AC;&#x2122;Ă lâ&#x20AC;&#x2122;habitude. En spectacle, le mur de son risque dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre tout aussi intense.
61 QUOI FAIRE
SCĂ&#x2C6;NE
VOIR MTL
VO2 #O1
O1 / 2O17
LA BONNE Ă&#x201A;ME DU SE-TCHOUAN
SIRI
AI-JE DU SANG DE DICTATEUR?
T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E D U N O U V E A U M O N D E â&#x20AC;&#x201C; 31 J A N V I E R
C E N T R E D U T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E D â&#x20AC;&#x2122; A U J O U R D â&#x20AC;&#x2122; H U I 17 JANVIER AU 4 FĂ&#x2030;VRIER
E S PA C E L I B R E â&#x20AC;&#x201C; 2 7 J A N V I E R A U 11 F Ă&#x2030; V R I E R
Lorraine Pintal reprend ce texte de lâ&#x20AC;&#x2122;auteur allemand Bertol Brecht pour nous offrir un spectacle mĂŞlant thÊâtre et chansons, humour et drame, au cĹ&#x201C;ur dâ&#x20AC;&#x2122;une Chine imaginaire. Une fable portĂŠe par une vingtaine de comĂŠdiens-chanteurs, qui nous fait rĂŠflĂŠchir sur nos valeurs morales, lâ&#x20AC;&#x2122;injustice et la bontĂŠ.
Siri confronte lâ&#x20AC;&#x2122;homme Ă la machine. Dans ce dialogue Ă deux voix mais une seule comĂŠdienne, Laurence Dauphinais se lance dans un jeu de questions-rĂŠponses avec la voix bien connue de la fameuse assistante des iPhone. Le but: essayer dâ&#x20AC;&#x2122;aller au-delĂ de la technologie...
Didier Lucien a ĂŠcrit et mis en scène ce spectacle solo, quâ&#x20AC;&#x2122;il interprète sur scène. Lâ&#x20AC;&#x2122;animateur nous emmène en HaĂŻti, en se glissant dans la peau de son prĂŠsident François Duvalier. Une pièce oĂš il raconte lâ&#x20AC;&#x2122;histoire de la première rĂŠpublique indĂŠpendante noire, en chantant, dansant, jouant... 100% Didier Lucien.
JERK AUDITIONS OU ME, MYSELF AND I T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E D E Q U AT â&#x20AC;&#x2122; S O U S â&#x20AC;&#x201C; 9 A U 21 J A N V I E R
Du thÊâtre dans le thÊâtre: on assiste ici Ă des auditions fictives pour la pièce Richard III. Dominique Quesnel, rĂŠcompensĂŠe pour son rĂ´le par le Prix de lâ&#x20AC;&#x2122;interprĂŠtation fĂŠminine de lâ&#x20AC;&#x2122;Association quĂŠbĂŠcoise des critiques de thÊâtre, campe une metteuse en scène narcissique. Au fil des auditions, on dĂŠcouvre les coulisses du thÊâtre et ses abus de pouvoir...
USINE C â&#x20AC;&#x201C; 17 AU 21 JANVIER
CORPS MORT
De retour après trois ans de pause, ce solo de marionnettiste raconte lâ&#x20AC;&#x2122;histoire du tueur en sĂŠrie amĂŠricain Dean Corll qui, dans les annĂŠes 1970, a perpĂŠtrĂŠ de nombreux meurtres accompagnĂŠs par deux adolescents. Câ&#x20AC;&#x2122;est en se mettant dans la peau de lâ&#x20AC;&#x2122;un dâ&#x20AC;&#x2122;eux que le comĂŠdien Jonathan Capdevielle revient sur ces tueries, mi-vraies et mi-fantasmĂŠes.
T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E L A C H A P E L L E â&#x20AC;&#x201C; 2 3 A U 2 7 J A N V I E R
Ce spectacle multidisciplinaire retourne la salle: ici les chaises ne sont pas statiques au sol, mais suspendues dans les airs par un système de poulies, et elles bougent, font du bruit... Ă&#x20AC; cette douzaine dâ&#x20AC;&#x2122;objets sâ&#x20AC;&#x2122;ajoutent quatre interprètes, corps tantĂ´t morts et tantĂ´t vivants, qui se meuvent sous la direction de Martin Messier.
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PHOTO | ANDRĂ&#x2030;ANNE GAUTHIER
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PHIL ROY L â&#x20AC;&#x2122; O LY M P I A â&#x20AC;&#x201C; 24 J A N V I E R
Près de quatre ans après avoir tirĂŠ son ĂŠpingle du jeu Ă Â En route vers mon premier gala, lâ&#x20AC;&#x2122;humoriste Phil Roy se dĂŠvoilera sur scène avec un premier one-man-show. Lâ&#x20AC;&#x2122;humoriste irrĂŠvĂŠrencieux ÂŤĂ la bonne humeur contagieuseÂť prĂŠsentera le fruit de plusieurs mois dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcriture et de rodage. Lâ&#x20AC;&#x2122;auteur SĂŠbastien Ravary (derrière SNL QuĂŠbec) lâ&#x20AC;&#x2122;a aidĂŠ Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcriture.
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RICHARDSON ZĂ&#x2030;PHIR M E D L E Y S I M P L E M A LT â&#x20AC;&#x201C; 6 J A N V I E R
Improvisateur hors pair, Richardson ZĂŠphir a remportĂŠ la dernière ĂŠdition dâ&#x20AC;&#x2122;En route vers mon premier gala. Sur une belle lancĂŠe, il donnera une supplĂŠmentaire de son spectacle au titre judicieux, Je vais mourir en premier dans le film. Pour lâ&#x20AC;&#x2122;occasion, il sera Ă lâ&#x20AC;&#x2122;intimiste et festif Medley Simple Malt.
63 QUOI FAIRE
CINĂ&#x2030;MA
VOIR MTL
VO2 #O1
O1 / 2O17
THE BYE BYE MAN E N S A L L E L E 13 J A N V I E R
Alors quâ&#x20AC;&#x2122;ils sâ&#x20AC;&#x2122;installent dans une vieille demeure hors campus, trois ĂŠtudiants libèrent une entitĂŠ surnaturelle, nommĂŠe le Bye Bye Man, qui ne sâ&#x20AC;&#x2122;attaque quâ&#x20AC;&#x2122;Ă ceux qui dĂŠcouvrent son nom.
LIVE BY NIGHT E N S A L L E L E 13 J A N V I E R
Dans le Boston des annĂŠes 1920, la prohibition donne naissance Ă un grand nombre de malfaiteurs cherchant Ă faire de lâ&#x20AC;&#x2122;argent sur le dos des amateurs dâ&#x20AC;&#x2122;alcool. Joe Coughlin est lâ&#x20AC;&#x2122;un dâ&#x20AC;&#x2122;eux, malgrĂŠ son ĂŠducation stricte. Il vivra sa vie au maximum, bien quâ&#x20AC;&#x2122;elle risque dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŞtre courte.
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64 QUOI FAIRE VOIR MTL
VO2 #O1
O1 / 2O17
SPLIT EN SALLE LE 20 JANVIER
Trois jeunes adolescentes sont kidnappées par un homme étrange. Une fois qu’elles sont enfermées dans son sous-sol, elles commencent à découvrir, l’une après l’autre, les 24 personnalités de cet être profondément dérangé. Certaines de ces identités pourraient toutefois les aider à s’échapper des griffes du maniaque.
BASTARDS EN SALLE LE 27 JANVIER
Lorsqu’ils apprennent que leur mère leur a menti toute leur vie à propos de la véritable identité de leur père, deux frères jumeaux non identiques décident de retrouver celui qui les a conçus.
AMITYVILLE – THE AWAKENING EN SALLE LE 6 JANVIER
Une mère monoparentale emménage avec ses deux filles et son fils malade dans une nouvelle demeure, histoire de sauver de l’argent pour payer les frais médicaux de ce dernier. Alors qu’il récupère miraculeusement et que des phénomènes étranges se manifestent, les deux jeunes filles apprennent la vérité: leur famille habite désormais la maison d’Amityville.
HIDDEN FIGURES EN SALLE LE 6 JANVIER
Alors que les États-Unis et la Russie font la course pour être la première nation à envoyer un homme dans l’espace, la NASA engage un groupe de mathématiciennes noires qui deviendront le véritable cerveau derrière l’une des plus grandes opérations de l’histoire américaine.
TONI ERDMANN EN SALLE LE 27 JANVIER
Winfried ne voit pratiquement jamais sa fille, une femme d’affaires carriériste. Professeur de musique se trouvant subitement sans étudiant, il décide de reconnecter avec elle après la mort de son chien. Se frappant à un mur alors que sa fille le refuse dans sa vie, il se déguisera pour entrer dans son monde de business.
THE FOUNDER EN SALLE LE 20 JANVIER
L’histoire, beaucoup moins rose que l’on pourrait croire, de l’expansion massive des restaurants McDonald’s. D’une petite fabrique de burgers créée par les frères McDonald naîtra dans l’esprit de Ray Kroc l’idée d’une mégachaîne de restauration rapide. Ce dernier fera tout pour réaliser son plan.
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ARTS VISUELS
FUTUR FUTURISTE P R O J E T PA N G Ă&#x2030; E â&#x20AC;&#x201C; 14 J A N V I E R A U 25 F Ă&#x2030; V R I E R
SituĂŠ dans lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠdifice Belgo, Projet PangĂŠe ÂŤprĂŠsente des artistes ĂŠmergents de la scène locale et internationale dans un cadre jeune et contemporainÂť. Cette fois, la galerie propose Futur futuriste, une expo mettant en vedette les travaux dâ&#x20AC;&#x2122;Amy Brener (New York), Cat Bluemke (Chicago) et Lauren Pelc-McArthur (Toronto), qui utilise des images de ses peintures comme textures pour crĂŠer des objets 3D.
WELCOME TO INDIAN COUNTRY M A I ( M O N T R Ă&#x2030; A L , A R T S I N T E R C U LT U R E L S ) â&#x20AC;&#x201C; 20 J A N V I E R
Dans le cadre dâ&#x20AC;&#x2122;Eclectik 2017, on prĂŠsente cette sĂŠlection dâ&#x20AC;&#x2122;artistes autochtones issus du territoire indigène ÂŤvastement connu sous le nom dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŽle de MontrĂŠalÂť. Dans cette expo, prĂŠsentĂŠe dans le cadre du 375e anniversaire de MontrĂŠal et du 150e du Canada, on pourra voir des Ĺ&#x201C;uvres Ă la fois traditionnelles et contemporaines qui ĂŠvoquent ÂŤla transformation de lâ&#x20AC;&#x2122;identitĂŠ autochtoneÂť.
CHAGALL M U S Ă&#x2030; E D E S B E A U X-A R T S D E M O N T R Ă&#x2030; A L â&#x20AC;&#x201C; 28 J A N V I E R A U 1 1 J U I N
En collaboration avec le Los Angeles County Museum of Art, le MBAM prĂŠsente une expo de grande envergure ÂŤqui traite, pour la première fois, du lien profond unissant Marc Chagall (1887-1985) Ă la musiqueÂť. Pour lâ&#x20AC;&#x2122;occasion, 400 Ĺ&#x201C;uvres seront exposĂŠes (autant des peintures et des gouaches que des vitraux et des marionnettes), dont plusieurs inconnues du public.
MARC CHAGALL (1887-1985), AUTOPORTRAIT AUX SEPT DOIGTS, 1912-1913, HUILE SUR TOILE, 132 X 93 CM. AMSTERDAM, STEDELIJK MUSEUM, ON LOAN FROM THE CULTURAL HERITAGE AGENCY OF THE NETHERLANDS. Š SODRAC & ADAGP 2016, CHAGALL Ž. PHOTO BANQUE D'IMAGES, ADAGP / ART RESOURCE, NY
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99 ENVIES D’ÉVASION À NEW YORK avec Maripier Morin
Vendredi 19 h Dimanche 17 h
«Imaginer, explorer, douter… jusqu’à l’épuisement. Recommencer, passionnément, intensément, jusqu’à devenir réel.»
LES MÊMES-CACAÏSTES De janvier à juin au 6464 St-Laurent, Montréal lesmemescacaistes.com
teomtl.com
PP 40010891
Téo, le taxi réinventé. Imaginé et créé par des gens d’ici.