QUÉBEC VO2 #O3 | MARS 2O17 ANOTHER BRICK IN THE WALL - L’OPÉRA TRAFIQUÉE LE PATIN LIBRE PETER PETER GEOFFROY GOON 2 IQALUIT LES IMPATIENTS LA CITÉ: ENCLAVE MARCHANDE
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C H A U S S U R E S J O H N F L U E V O G S T- J O S E P H E S T · · F L U E VO G C O M
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O2 O3 QUÉBEC | MARS 2017
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«AVEC UN CERTAIN RECUL, JE CROIS QU’AU FIN FOND DE MOI, JE VOULAIS DEVENIR UN CHANTEUR, MAIS QUE J’ÉTAIS PAS CAPABLE DE ME L’AVOUER. SANS DOUTE QUE J’AVAIS PEUR DE L’ÉCHEC.» Photo et retouche | John Londoño (Consulat) Production | Eliane Sauvé (Consulat) Maquillage | Brigitte Lacoste Assistantes | Claudia Grégoire & Frédérique Duchesne Studio | Consulat
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SCÈNE
Another Brick in the Wall - L’opéra Trafiquée Le Patin Libre
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MUSIQUE
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CINÉMA
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ART DE VIVRE
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LIVRES
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ARTS VISUELS
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QUOI FAIRE
Peter Peter Geoffroy
Goon 2: Le dernier des durs à cuire Iqaluit
La Cité: Enclave marchande
Nouvelles de jeunesse Article 353 du Code pénal Des chants pour Angel
Les Impatients
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p18) Monique Giroux (p32) Normand Baillargeon (p40) Alexandre Taillefer (p54)
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
IL N’AIMAIT PAS LES MUSULMANS Vous m’avez fait quand même un peu rire depuis cette fusillade. Pas aux éclats, sans aucune joie. Avec une certaine gêne et un peu honteux. N’allez pas croire que je rigolais. Je riais, nerveusement, connement, caché. Comme lorsque je ris en écoutant Bernard Drainville débattre avec Luc Lavoie à LCN. On peut vraiment dire autant d’insignifiances en si peu de temps? Je ris, le plus souvent, pour ne pas pleurer. Un peu comme dans un salon funéraire, quand le deuil se transforme en malaise, lorsque quelqu’un dit une connerie, ce qui arrive toujours quand la seule chose utile à faire serait de se taire quelques minutes. À chaque attentat, à chaque fusillade, une question m’apparaît essentielle: mais qui est ce type? Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête? Ce jeune homme, cet individu dont je ne connais que le visage affiché dans les journaux et qui, un matin, s’est levé avec l’envie de jouer du gun pour tuer des gens, d’où vientil? C’est qui? Cette question, je me la pose toujours. À Paris, à Bruxelles, à Saint-Jean-sur-Richelieu, partout, toujours, le doute est un luxe que j’apprécie. Et vous aussi, la plupart du temps. Peut-on vraiment accuser une religion? Les discours haineux de quelques prédicateurs sont-ils réellement en cause? Et l’inégalité? Et les conditions de vie? Et le chômage? Et tout ça? C’est compliqué, une vie humaine. Surtout lorsqu’elle dérape. En fait, une vie humaine n’est jamais aussi compliquée que lorsqu’elle manque un virage. Mais pour cet Alexandre Bissonnette, rien de compliqué. La conclusion était écrite avant même qu’on ne sache son nom. Tout est si simple. On ne connaissait pas encore le scénario et les personnages – que vous ne connaissez pas encore, si ça ne vous fait pas trop mal de vous en rendre compte – qu’on se gargarisait déjà sur la conclusion et les leçons à en tirer. Ah! Oui! Voilà!
Enfin! Vous voyez bien, depuis le temps qu’on vous le dit! Un raciste, un islamophobe, la charte du PQ, la radio de Québec, les identitaires, Bernard Drainville, Jeff Fillion, le Brexit, Donald Trump, Le Pen, tout le kit, en même temps, d’un seul coup. Allez, on emballe tout ce qui traîne comme saleté! Enfin, il était temps un peu, de la haine pure laine qui permet de nous envelopper les pieds, comme des pantoufles! Confortables. On se tient au chaud. Ça ne vous dérange pas, vous, toute une vie résumée dans un grand titre? Ça vous suffit? Un nom, une photo, toutes les minutes d’un sinistre destin agglutinées sur du papier journal dans une manchette? Je veux dire, ça ne peut pas être si simple. Ça ne peut jamais être aussi simple. Pas si simple que ça, en tout cas. Pas comme on le raconte: le gars écoutait tel ou tel animateur, il lisait tel ou tel truc, et hop! un matin, voilà, cause à effet, il s’enfile une mitraillette et se paye un massacre dans une mosquée. Il n’aimait pas les musulmans. Sans doute. Peut-être aussi qu’il n’aimait personne. Même pas lui-même. Avouez un peu que cette question a pu vous passer par la tête. Furtivement. Il détestait qui, ce type perdu? Et qui le détestait, lui? Ces questions me turlupinent solidement. Comme ça me turlupine chaque fois qu’on se lance dans des raccourcis au bruit des premières explosions, à la moindre rafale, dès qu’on entend Allah akbar quelque part, quand un illuminé du bon dieu se fait sauter sur une place publique. On emprunte la même ligne droite, à vol d’oiseau, pour éviter la distance des sentiers sinueux. On savoure, avec contentement, la saveur du coupable qu’il nous fallait. Mieux encore, on le fabrique à notre goût.
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Cet empressement à poser un diagnostic concernant un sujet qu’on n’a jamais observé ne risque pas d’aider qui que ce soit et ne préviendra rien du tout. Allez donc improviser un remède sans comprendre ce qu’il y a à guérir, au juste. Vous sortez la chimiothérapie pour un torticolis, vous vous plantez. Même chose si vous sortez l’aspirine pour un cancer généralisé. Alors, il souffrait de quoi Alexandre Bissonnette? Vous le savez, vous? Pour répondre à cette question, on se lance assez facilement dans des réponses commodes: c’est la société qui est coupable. Le racisme, l’islamophobie, tout ça, voyez-vous, c’est quelque chose de systémique. C’est un mal qui infecte la société, comprise comme un système, insidieusement, malicieusement, sans que l’individu puisse s’en rendre compte lui-même. Ces explications, comme un verrou, scellent tout simplement la compréhension des cas particuliers pour établir des théories générales. Pour soigner Bissonnette, il faut soigner tout le monde, en même temps, une fois
pour toutes. De la même manière que pour soigner Martin Couture-Rouleau, auteur de l’attentat à SaintJean-sur-Richelieu, il aurait suffi d’éradiquer l’islam radical, qui lui aussi serait systémique. Tout est si simple, quand c’est systémique. Reste que Bissonnette, lui, est toujours vivant. Il aura un procès. On a pu lire aussi que ses parents, sans doute terrifiés et presque morts-vivants depuis les événements, souhaiteraient parler, dire quelque chose. Je pense à eux, assez souvent. Ce sont, eux aussi, des victimes. Dans leur maison, il y avait un continent inexploré qu’ils viennent de découvrir. Gageons que nous apprendrons à connaître un peu plus ce jeune homme qui a choisi la rupture sociale la plus radicale qui soit. Non pas pour l’excuser, mais pour comprendre. Nous pourrons peut-être alors répondre à une question qu’on n’a pas encore posée. Est-ce qu’il aimait quelqu’un? y sjodoin@voir.ca
LA TÊTE DANS LE MUR L’ŒUVRE MASSIVE QU’EST ANOTHER BRICK IN THE WALL A QUELQUE CHOSE D’INTEMPOREL. LES INCIDENCES PHILOSOPHIQUES ET LES THÈMES PROFONDS ABORDÉS PAR ROGER WATERS RÉSONNENT AUSSI FORT AUJOURD’HUI QU’ILS POUVAIENT LE FAIRE IL Y A PRÈS DE 40 ANS. PASSANT DU MUR DE BERLIN AU MUR DE TRUMP, LE MOMENT SEMBLE PARFAIT POUR REVISITER L’ŒUVRE – CETTE FOIS SOUS FORME OPÉRATIQUE. MOTS | ANTOINE BORDELEAU
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DOMINIC CHAMPAGNE ET JULIEN BILODEAU, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Pour Dominic Champagne et Julien Bilodeau, respectivement metteur en scène et compositeur de l’opéra Another Brick in the Wall, les bases du projet datent toutefois d’une époque où tout le monde croyait encore que la victoire de Trump n’était pas possible et que sa candidature n’était qu’une sombre farce. «L’idée venait de Pierre Dufour (directeur général de l’Opéra de Montréal) à l’origine, explique Julien Bilodeau. Il en a ensuite parlé avec le directeur artistique Michel Beaulac, qui avait entendu la création que j’avais faite à l’ouverture de la Maison symphonique en 2011. En mai 2014, Michel m’appelle pour me convier à une rencontre et m’annonce qu’ils veulent qu’on fasse une version de The Wall à l’Opéra.» La genèse Le compositeur s’est donc affairé à créer deux morceaux, histoire de pouvoir présenter leur idée grandiose à de potentiels partenaires. Après une rencontre avec Gilbert Rozon, commissaire aux célébrations du 375e anniversaire de Montréal,
il devient clair que le projet a désormais besoin d’un metteur en scène. C’est à ce moment que Dominic Champagne embarque dans le navire et que l’équipe se prépare à la prochaine étape: présenter tout cela à Roger Waters. «Ce qui est intéressant à dire, c’est que Waters n’était pas très chaud à l’idée, mentionne-t-il. On le lui avait déjà offert, et il a toujours refusé. Les gars pensaient lui envoyer des trucs pour le convaincre, mais je n’étais pas d’accord. Ce qu’il fallait, c’était une rencontre.»
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Quelques coups de téléphone plus tard, ladite rencontre s’est confirmée. Julien s’en souvient comme d’un moment des plus uniques: «On était assis là, dans son studio, avec la basse qu’on entend sur Money juste à côté, et je devais lui faire entendre mes deux pièces. Pas besoin de te dire que la pression que j’avais sur les épaules était quelque chose!» Heureusement, après quelques minutes d’écoute, le légendaire bassiste s’est mis à sourire et y est allé d’un «You got it». Après deux bouteilles de vin en compagnie de Waters, Dominic et Julien sont repartis avec le feu vert qu’ils espéraient. «À partir de là, Julien et moi avions la responsabilité de livrer la marchandise, développe Dominic Champagne. C’est une œuvre colossale, que tout le monde connaît. The Wall est déjà chargée de toutes sortes de sens et d’une lourdeur iconographique. À ce moment-là, on s’est dit: on a besoin de réfléchir. C’est donc là qu’on a fait appel à Normand
Cette réflexion constante a été utile à tout le travail effectué, en commençant par la composition musicale elle-même. «J’avais un gros défi parce que j’avais un texte hyper court, concis, mais très vague, mentionne le compositeur. C’est une écriture contemplative, poétique, par moment larmoyante. C’est là que la collaboration entre nous trois a été si utile à la création musicale: c’est important pour moi, qui suis seul dans mon studio pendant deux mois à composer, d’en sortir parfois et de méditer avec deux autres têtes sur un passage de texte. En sortant de ces rencontres, on se rendait compte qu’on allait vraiment tous dans la même direction.» Selon le metteur en scène, c’est cette complicité entre les trois partenaires qui a mené à terme l’élaboration d’un projet si massif. «À nous trois, on a réussi à répondre à toutes les grandes questions: Comment on traite l’œuvre? Qu’est-ce qui se passe? De quoi ça parle? Comment on se l’approprie? Comment on se
«TOUTE LA COMPLEXITÉ PSYCHOLOGIQUE, MÉTAPHORIQUE, POLITIQUE ET PHILOSOPHIQUE DE L’ŒUVRE NOUS A FAIT RÉALISER À QUEL POINT ON VIT DANS UN MONDE QUI BÂTIT DES MURS.»
Baillargeon. Je l’ai invité à s’inscrire dans le processus créatif, parce qu’on voulait avoir un regard audessus de nous sur notre travail, une façon de réfléchir aux portées psychologiques et philosophiques de ce qu’on était en train de faire.»
distancie des traitements déjà réalisés? Moi, très préoccupé par ce qui se passe sur scène, Julien, par la teneur du matériel musical, de son élaboration… Normand a été une sorte de guide, de repoussoir, d’esprit de synthèse.»
Réflexion créative
S’inspirer sans emprunter
L’apport de ce dernier à la création de l’opéra n’est pas négligeable, l’œuvre originale étant si fertile en symbolique. «Je pense que comme toutes les grandes œuvres théâtrales, littéraires ou philosophiques, elle est polysémique, explique Normand Baillargeon. Ce qui y est mis de l’avant part dans différentes directions et peut être interprété par toutes les époques. The Wall comprend un ensemble de symboles qui se connectent les uns aux autres et qui résonnent très fort en nous parce qu’ils sont puissants. Ce qu’on a cherché, c’est à comprendre pourquoi cette œuvre est si marquante, et ce qu’elle peut vouloir dire aujourd’hui. Tout ça sans dénaturer la vision originale.»
En ce qui concerne le matériel musical en tant que tel, une question s’impose d’elle-même: quelle part prend la musique originale dans la création de Julien Bilodeau? Bien que l’on pourra reconnaître au passage des mélodies ou des rythmes rappelant l’album de 1979, il ne faut pas s’attendre à de simples arrangements du matériel initial, et c’est tant mieux. «La structure est presque inchangée, en ce qui a trait à l’ordre des pièces, explique-t-il. Il n’y a que quelques morceaux qui ne sont pas dans la chronologie initiale. Pour ce qui est de la musique elle-même, je l’imagine comme ça: il y a une ligne d’horizon,
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> qui représente l’œuvre originale. Moi, je suis toujours en train de suivre cette ligne, mais je me décolle au-dessus ou je plonge… Mais on revient toujours à cette ligne. C’est pour ça que ce n’est pas des arrangements. Quand je décolle, je prends les motifs, je prends les idées musicales et je les développe. Ils se mettent à fleurir, à devenir autre chose, mais sans qu’on s’en rende compte! On suit la musique, et tout à coup on est complètement ailleurs, mais on ne se demande pas pourquoi car la dramaturgie a pris le pas. C’est une expérience d’allerretour entre le connu et l’inconnu, mais sans que ce soit essoufflant.» Du côté de la mise en scène, on entend le même son de cloche. Selon Dominic Champagne, l’équipe avait le défi de s’éloigner du film: «Assez tôt, il y a eu une volonté de ne pas platement adapter à la scène ce qui a été fait dans le film ou ce qui existe dans l’iconographie qui est déjà là. Notre point de base est venu d’une rencontre avec Waters où il m’a dit que tout ça était parti d’un événement survenu à Montréal en 1977, où il avait craché au
visage d’un fan. C’est de là qu’est né ce fantasme de construire un mur entre la scène et le public. Cet événement-là, il n’appartient pas au film. Il est encore intouché, et ç’a été ça notre point d’attache.» L’œuvre finale sera donc une expérience qui devrait plaire tout autant aux fans de la première heure qu’aux néophytes. Plus que jamais, l’idée de remettre à jour Another Brick in the Wall semble être d’actualité. L’époque actuelle s’y prête à merveille, comme le dit si bien le metteur en scène: «C’était le temps de se reraconter cette histoire-là. Cette prise de conscience, cette aliénation et cette rédemption. Toute la complexité psychologique, métaphorique, politique et philosophique de l’œuvre nous a fait réaliser à quel point on vit dans un monde qui bâtit des murs. Aujourd’hui, on ne peut pas contester la pertinence de remettre cette création à l’avant-plan. Le message, c’est que le fasciste qui naît dans le cœur de Pink finit par le placer dans un état extrêmement souffrant. Ça aurait été difficile d’être plus dans l’ère du temps.» y Another Brick in the Wall – L’opéra sera présenté à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts du 11 au 27 mars
EMMA HACHÉ: «J’AI CONSULTÉ DIFFÉRENTES SOURCES, AUTANT DU CANADA QUE DE L’INTERNATIONAL, POUR ÊTRE CAPABLE DE METTRE NOTRE SITUATION EN PERSPECTIVE.»
13 SCÈNE VOIR QC
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UNE VIE À MOITIÉ MORTE EMMA HACHÉ PLONGE DANS LES BAS-FONDS DU GENRE HUMAIN AVEC TRAFIQUÉE, TEXTE CRÛMENT RÉALISTE MIS EN SCÈNE PAR MARIE-ÈVE CHABOT-LORTIE CE MOIS-CI À QUÉBEC. MOTS | CATHERINE GENEST
Le verbe est tranchant, les anecdotes sont glauques. L’héroïne de Trafiquée suscite à la fois dégoût et compassion brutale. C’est une adolescente sans nom qui se livre au nom des siennes, des prostituées gardées captives, et qui nous remue au passage. Une boule se loge dans nos estomacs. Comment avonsnous pu détourner le regard si longtemps? Pour écrire ce texte, l’auteure néo-brunswickoise a minutieusement cherché et farfouillé dans les recoins les plus sombres de notre pays en apparence si aseptisé, si parfaitement sain. Pourtant, ici comme ailleurs, le trafic humain est une véritable industrie. C’est aussi un grand tabou. «On oublie [à quel point c’est un système structuré] quand on va aux danseuses et que ça semble si léger. Ce qu’on ne voit pas sous le tapis, c’est toute cette organisation qui est basée sur la souffrance et l’exploitation de personnes qui sont en situation précaire.» Avant de prendre le stylo, Emma Haché aura mis neuf mois pour rencontrer quelques ressortissantes, échanger avec des intervenants, puiser des faits à la manière d’une journaliste. Une collecte d’informations qui lui aura permis de signer une œuvre hautement réaliste aux yeux des professionnels de la relation d’aide – nous y reviendrons justement plus tard. «J’ai consulté différentes sources, autant du Canada que de l’international, pour être capable de mettre notre situation en perspective. Des sources vidéo, mais aussi auprès d’organisations qui travaillent un peu partout dans le monde auprès des personnes qui sont dans le système prostitutionnel ou dans le trafic humain.
PHOTO | SHIN SUGINO
J’essayais de mettre plusieurs choses en parallèle: les demandes dans les centres de crise et les statistiques, les rapports sur le plan de la santé mentale et physique. Faire une étude qui englobe le coût et l’impact réel que ce phénomène-là a sur la société et les personnes que ça touche.» Universel, et encore très actuel sept ans après sa mise sous presse aux éditions Lansman, le monologue coup-de-poing a depuis été joué à Montréal, Namur, Saint-Ghislain (Belgique) et Ouagadougou. Il lui a aussi permis de remporter le prix AntonineMaillet-Acadie Vie en 2011. Les mots de l’Acadienne ne lui appartiennent plus vraiment, son œuvre l’a dépassée. Filles à vendre Emma Haché propose une vision de la prostitution dénuée de tout romantisme. C’est lourd, c’est violent. C’est vrai. Oubliez Holly Golightly de Truman Capote. Dans le cas qui nous concerne, on est pas mal plus près de Christian F. La protagoniste de Trafiquée (titre original: Traffik Femme) n’a, après tout, qu’un an de plus que la célèbre Allemande héroïnomane. Diane Chayer est travailleuse sociale, consultante en violence et présidente de l’organisation Coopération Forces Action. Forte de ses 25 ans de pratique auprès des victimes d’actes criminels, elle offre aujourd’hui des conférences à d’autres professionnels qui viennent à la rescousse de ceux et celles qui sont pris dans le cercle vicieux de l’exploitation sexuelle. Une intervenante de première ligne qui est
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Ă mĂŞme de valider le caractère extrĂŞmement rĂŠaliste de l’œuvre. ÂŤL’âge moyen [des filles qui travaillent dans le milieu de la prostitution] se situe selon moi entre 14 ans et 15 ans. Tout le scandale qu’il y a eu sur les centres jeunesse dans la rĂŠgion de MontrĂŠal au printemps dernier nous l’a prouvĂŠ. C’est des jeunes qui sont entraĂŽnĂŠes Ă aller travailler comme hĂ´tesses pour le Grand Prix et qui tombent en amour avec un proxĂŠnète qui leur fait miroiter mer et monde‌ C’est l’âge vulnĂŠrable, l’adolescence. Avec toute la crise d’identitĂŠ, le besoin d’être libre, d’être aimĂŠ.Âť Prises au piège, les recrues comme celle imaginĂŠe par Emma HachĂŠ sont dĂŠracinĂŠes, ballottĂŠes d’une ville Ă l’autre et traitĂŠes comme de la marchandise. Pour survivre, ces filles-lĂ se dĂŠbranchent, tirent la plogue qui les lie Ă leur âme. Une mĂŠtaphore forte, et ĂŠgalement ĂŠvoquĂŠe par mesdames Chayer et HachĂŠ, qui a inspirĂŠ la femme de thÊâtre Marie-Ăˆve ChabotLortie après sa rencontre avec une ex-rĂŠsidente de la Maison de Marthe, un refuge fondĂŠ par une anthropologue (Rose Dufour) qui vient en aide aux travailleuses du sexe des environs de QuĂŠbec qui veulent se sortir des limbes. ÂŤElle a vĂŠcu beaucoup de choses. Ce qui revenait [dans nos ĂŠchanges], c’est qu’une femme victime de prostitution, que ce soit du trafic ou pas, finit par se dĂŠconnecter. C’est comme s’il y avait une sĂŠparation de l’esprit avec le corps. [‌] Moi, je trouvais ça intĂŠressant qu’on la dissocie pour vrai, que son corps et son souffle se sĂŠparent de son esprit dans la mise en scène.Âť Le monologue original sera donc portĂŠ par trois interprètes: une chanteuse (Myriam Brousseau) issue du monde des comĂŠdies musicales, une danseuse contemporaine (Ăˆve Rousseau-Cyr) qui donnera corps Ă une partition de la chorĂŠgraphe Maryse Damecour et une comĂŠdienne (Catherine CĂ´tĂŠ) pour incarner ÂŤl’esprit, le langage, la parole, la personnalitĂŠ, l’intelligenceÂť du dĂŠroutant personnage.
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Monter ce spectacle, c’est chercher Ă gĂŠnĂŠrer une prise de conscience, partager une parole forte et sensibiliser un public par le biais de l’art. La cofondatrice du collectif Les Gorgones met ainsi en lumière le triste destin de ces femmes qu’on oublie, de ces femmes qui s’oublient pour satisfaire le client, le prostitueur. ÂŤC’est extrĂŞmement difficile de rallier les gens Ă ce sujet-lĂ parce qu’il y a du scepticisme. Pourtant, c’est vrai! Il y en a ici, Ă QuĂŠbec, du trafic humain. [‌] Il y a des extraits de ce qu’Emma raconte sur YouPorn, mais on ne fait rien parce que c’est hot d’être hypersexualisĂŠ. Il y a quelque chose de glamour dans le fait de dire qu’on est très ouverts et on ne veut pas avoir l’air moralisateur.Âť QuĂŠbec aurait-il besoin d’un deuxième Wolf Pack, d’une autre OpĂŠration Scorpion pour s’ouvrir les yeux? Marie-Ăˆve pense que oui, mais essaiera de toucher les cĹ“urs en prenant Premier Acte d’assaut. y Du 14 au 25 mars Ă Premier Acte
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Exit les paillettes, les visages hyper maquillés au sourire forcé et les jupettes à froufrous, clichés ultimes du patinage de fantaisie. Lorsque les artistes-patineurs de la troupe montréalaise Le Patin Libre embarquent sur la glace, c’est un art inédit qui se déploie sous les yeux des spectateurs. «Le patinage contemporain, c’est un peu ce que le cirque est à la gymnastique!» expose Pascale Jodoin, l’une des cinq membres de la troupe. «Ç’a été un truc complexe à nommer! On pourrait dire que c’est une forme de danse, car c’est le mouvement qui prime. Et contemporain, parce que c’est une façon actuelle d’utiliser un médium. Mais on hésite à dire que c’est de la danse contemporaine sur glace, parce qu’on ne transpose pas la danse sur la patinoire. C’est d’ailleurs ce qu’on reproche au patinage artistique classique: de faire un pastiche avec le tango sur glace, la valse sur glace…» Conservateur, le milieu du patinage a d’abord mal réagi à la naissance du Patin Libre. «La troupe est née d’un désir de s’échapper des règlements, des contraintes, des compétitions. Il y avait ce désir de créer une nouvelle avenue pour
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a poussés à être plus créatifs dans notre travail. Maintenant, on sent plus d’ouverture au Québec.» C’est le cas de La Rotonde, diffuseur spécialisé en danse contemporaine, qui inclut le programme double Vertical Influences dans sa saison 2016-2017 en coreprésentation avec le Grand Théâtre de Québec. Et puisqu’il faut une patinoire, c’est celle de Val-Bélair qui accueillera la troupe. Un lieu surprenant pour une création qui l’est tout autant. Patinée (et non dansée) en premier, la pièce Influences est une sorte de chassé-croisé sur glace, que les spectateurs admirent à partir des gradins. Créée à la suite d’une résidence d’artistes du Jerwood Project au Théâtre Sadler’s Wells de Londres et avec le soutien de la dramaturge Ruth Little, Influences explore les tensions d’un groupe avant que s’établisse l’harmonie. La deuxième partie, Vertical, amène littéralement le spectateur dans l’univers unique du patin contemporain… en le faisant asseoir sur la glace! Pour Pascale Jodoin, le contact avec le public est intense. «Non seulement le public est avec nous, mais ça lui donne une
LAMES EN LIBERTÉ C’EST PRESQUE PLUS FACILE DE DIRE CE QUE LE PATIN LIBRE N’EST PAS: CE N’EST NI DU PATINAGE ARTISTIQUE, NI DE LA DANSE SUR GLACE, NI DE LA DANSE CONTEMPORAINE EN PATINS. POURTANT, À VOIR VERTICAL INFLUENCES, ON COMPREND TOUT CE QUE LE PATIN LIBRE EST. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
le patin: quand tu es patineur professionnel, tu fais Disney on Ice et Holiday on Ice… et c’est tout! Certaines personnes attachées au patin traditionnel ont pu voir cette rébellion comme une attaque. Elles avaient peur… mais maintenant, elles viennent nous voir!» Ce qui importait à la troupe fondée par Alexandre Hamel en 2005 et composée d’anciens patineurs de haut niveau, c’était d’identifier ce qu’elle avait d’unique à offrir au milieu artistique. «On a trouvé ce que les danseurs, les artistes du cirque ne peuvent pas faire: la glisse. Nous, on se déplace à 30 km/h en gardant le corps immobile! C’est cette grande idée qui a été intégrée dans nos recherches chorégraphiques.» Puisque, comme le dit le proverbe, nul n’est patineur-prophète en son pays, c’est en Europe que les patineurs (Samory Ba, Jasmin Boivin, Taylor Dilley, Alexandre Hamel et Pascale Jodoin) ont d’abord trouvé un intérêt pour leur création. «On a eu beaucoup plus de succès à l’international [“A breath of fresh ice”, titrait The Guardian] qu’au Québec. On trouvait ça difficile de s’exiler pour trouver des opportunités, mais avec le recul, on se rend compte que ça nous
PHOTO | ALICIA CLARKE
perspective complètement différente. Il entend le son des lames sur la glace, il sent le vent lorsqu’on passe tout près. C’est un plaisir pour nous d’amener les spectateurs sur notre terrain de jeu!» Et la patineuse de rassurer qu’aucun délicat postérieur ne ressort gelé du spectacle: «On fournit des coussins et des chaises, quand même!» En abandonnant le carcan du patinage artistique, Le Patin Libre désire amener l’art contemporain au plus grand nombre. «C’est important pour nous d’être accessibles», explique Pascale. «Les enfants sont les bienvenus, même que parfois, on a l’impression qu’ils comprennent mieux que les adultes! On veut attirer un autre public, qui n’irait peut-être pas voir de la danse contemporaine, et que ça lui donne envie d’aller voir de la danse “sur pieds”!» y Vertical Influences Le Patin Libre 4 et 5 mars 2017 Aréna des Deux Glaces de Val-Bélair Une coprésentation du Grand Théâtre de Québec et La Rotonde
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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE
DIALOGUE DE SOURDS J’ai dans mon entourage des personnes qui ne parlent plus à leur père. Si les histoires se différencient dans les circonstances qui ont mené à cette situation, il y a parfois certaines ressemblances, comme la difficulté pour le père d’écouter sa fille, d’accepter ce que sa fille dit (ou pourrait dire, puisque parfois, il ne fait pas seulement refuser d’entendre, il ne veut même pas tendre l’oreille). Les filles racontent que leur indifférence, leur violence ou leur abandon leur a fait mal, les a blessées et troublées, mais eux se défendent de ne pas avoir voulu les blesser. Peut-être, mais ça ne change rien à la blessure que vivent ces filles. Comme si l’absence de volonté pouvait nier la blessure. Que ce soit accidentel, inconscient ou maladroit, si on blesse une personne, l’absence de mauvaise intention ne diminue pas la douleur. Même bien intentionné, un geste ou un mot peut faire mal, très mal. Je repense souvent à ces impasses depuis le 29 janvier dernier. À ce refus de dialogue, qui, dans certains cas, dure depuis des années, depuis plus d’une décennie. Ça me revient en tête quand certaines personnes nient qu’elles font mal à des communautés, nient qu’elles blessent des gens. Certains politiciens et certains artisans des médias refusent d’écouter toutes les personnes qui se disent blessées par leurs propos. Depuis l’attentat de Québec, plusieurs communautés osent s’exprimer, raconter leur quotidien, ces fois où elles se sentent rabaissées, diminuées, ridiculisées, caricaturées et stigmatisées sur plusieurs tribunes. Parfois c’est en lisant le journal, le grand titre d’un politicien en quête de votes populistes, parfois c’est en ouvrant la télévision devant un vox pop,
parfois c’est en entrant dans l’autobus, alors qu’un animateur dit des âneries sur les ondes d’une radio populaire. Heureusement, elles peuvent s’éviter d’aller lire les commentaires des articles en ligne ou sur les réseaux sociaux, sachant très bien qu’elles s’y feront encore cracher dessus. Tous ces politiciens, animateurs et chroniqueurs se défendent bien d’être racistes. À en écouter certains, on dirait même qu’ils sont là pour sauver ces pauvres communautés prisonnières d’une religion abjecte et indigne! C’est pas un peu ça que dit un homme qui bat sa femme? Qu’il la frappe parce qu’il l’aime si fort qu’il veut la protéger? De l’amour de même, on peut s’en passer. Je le concède, l’autocritique, c’est difficile. Se regarder dans le miroir, admettre qu’on a fait des erreurs – malgré les meilleures intentions du monde – demande une humilité qui fait malheureusement souvent défaut dans les sphères médiatiques et politiques. Si ce n’était que ça. Ce qui me fascine et me trouble dans tout ça, c’est le refus de dialoguer, ou du moins d’écouter ce que l’autre dit, de nier ce que l’autre peut ressentir. Comment peux-tu prétendre que la souffrance que ressent la personne est du vent? Qui es-tu pour juger si ce que tu fais et ce que tu dis blessent ou ne blessent pas l’autre? Toi qui passes ton temps à dire sur toutes les tribunes que les gens comme toi manquent de tribunes, tu refuses d’écouter ceux qui n’en ont réellement pas? C’est cliché, mais pas moins troublant. Tu peux être surpris, tu peux tomber en bas de ta chaise si tout ça était réellement à huit galaxies de tes intentions, mais nier ces blessures est d’une effronterie hallucinante. On ne peut pas s’excuser
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> d’avoir été mal interprété, on doit s’excuser d’avoir choisi les mauvais mots, de ne pas avoir fait les choses comme il faut. Je parle depuis tantôt de propos ou de gestes racistes, mais le principe s’étend pour tout le reste. Non, ce n’était pas juste être «volubile et chaleureux» si la fille s’est sentie agressée. Lorsque les femmes disent ne pas se sentir en sécurité ou témoignent de moments où elles se sentent agressées, qui es-tu pour dire que leurs sentiments sont n’importe quoi? Lorsque des communautés culturelles se sentent stigmatisées, qui es-tu pour dire que leur impression est de la foutaise? Lorsque des pauvres se sentent rabaissés, qui es-tu pour dire qu’ils exagèrent? Lorsque des personnes transgenres se disent insultées, qui es-tu pour dire qu’elles ne devraient pas l’être?
«LA “MAJORITÉ SILENCIEUSE” NE L’A JAMAIS ÉTÉ. MAIS ELLE PARLE TELLEMENT FORT QU’ELLE EST DEVENUE SOURDE.» Vous êtes d’un ridicule sans nom lorsque vous déclarez qu’en tant qu’homme blanc, vous subissez plus d’injustices que les femmes, les Noirs, les musulmans, les trans et tous ceux et celles que vous ne considérez pas comme normaux. Il faut vraiment n’avoir jamais écouté les blessures de ces gens-là et n’avoir jamais fait l’effort de les comprendre. La «majorité silencieuse» ne l’a jamais été. Mais elle parle tellement fort qu’elle est devenue sourde. Et crier plus fort ne fait que nous rendre encore plus sourds. Pendant un petit moment, ravalez votre salive, contenez votre langue, slaquez votre orgueil et écoutez. Laissezles parler pour vrai. Vous allez peut-être vous coucher moins cons. y
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IL Y A 40 ANS: À QUI APPARTIENT L’BEAU TEMPS? À UNE ÉPOQUE OÙ LES EXPÉRIMENTATIONS ROCK PROGRESSIVES AVAIENT LA COTE, À QUI APPARTIENT L’BEAU TEMPS A DONNÉ UN NOUVEAU SOUFFLE À LA CHANSON D’ICI AVEC SES ÉLANS CONTESTATAIRES ET SON ALLIAGE ÉPURÉ DE FOLK AMÉRICAIN ET DE MUSIQUE TRADITIONNELLE QUÉBÉCOISE. À L’OCCASION DU SPECTACLE MARQUANT LE 40e ANNIVERSAIRE DE CE PREMIER ALBUM, ON REVIENT SUR SA GENÈSE ET SON IMPACT, EN COMPAGNIE DE PAUL PICHÉ MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTO | JOHN LONDOÑO (CONSULAT)
L’histoire de ce classique de la musique québécoise prend racine dans un contexte étudiant, alors que Paul Piché, en fin d’adolescence, donne ses premiers spectacles à vie dans le café du collège LionelGroulx, à Sainte-Thérèse. «C’est mes chums qui m’avaient poussé à monter sur scène», se souvient l’artiste originaire de La Minerve qui, durant le secondaire, avait composé plusieurs chansons «très misérabilistes». «J’ai fait quelques shows là-bas, mais à un moment donné, j’ai senti que j’avais besoin d’une toune qui swinguait plus.» Arrive ainsi une ébauche du futur méga succès Y a pas grand-chose dans l’ciel à soir: «J’avais envie de réfléchir à ce que ça implique, être un chanteur engagé. De rappeler que les dimensions égoïste et altruiste cohabitent à travers cette étiquette-là. En fait, j’avais surtout envie de rire de moi… J’avais envie de me “basher” en partant!» C’est dans un désir d’autodérision similaire que naît, plus tard, Essaye donc pas, dans laquelle Piché se targue de chanter «vraiment ben trop du nez». «C’est une chanson que j’avais composée pour mes amis. Je m’amusais à poser des commentaires sociaux, mais sans me prendre trop au sérieux. Je me disais qu’en me niaisant moi-même, ça me donnait le droit de niaiser les autres», se rappelle le chanteur. Plus pessimiste dans son message, Chu pas mal mal parti est également écrite au début des années 1970:
«La cause indépendantiste traversait une période difficile, et on était plusieurs militants à se décourager. Ça bougeait pas, le monde était pas là…» Loin de baisser les bras, Piché intègre plusieurs cercles militants à cette époque: «J’ai d’abord chanté pour des causes sociales, notamment des cliniques médicales populaires, des coopératives alimentaires, des garderies… C’est l’engagement politique qui m’intéressait avant tout. Avec un certain recul, je crois qu’au fin fond de moi, je voulais devenir un chanteur, mais que j’étais pas capable de me l’avouer. Sans doute que j’avais peur de l’échec.» Avant d’entrer dans un programme d’anthropologie à l’Université de Montréal, le chanteur s’installe à Québec pendant plusieurs mois et fait la tournée des bars avec sa guitare. «C’est vraiment là que le personnage de Paul Piché a commencé à prendre forme et à résonner un peu plus. L’underground artistique était très fort à Québec, entre autres sur la rue Saint-Jean, et je commençais à avoir un début de public qui me suivait. Je me sentais vraiment chez nous là-bas.» C’est durant cette période qu’arrive Le renard, le loup, inspiré d’un rêve qu’il transpose sur papier dès son réveil. Amené à travailler à la Baie-James comme archéologue, il y poursuit la création d’Heureux d’un printemps, assis sur le bord d’un trou à écrire «au lieu de faire ma job». Animé par l’histoire des Innus avec
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qui il cohabite, il y écrit aussi La gigue à Mitchounano, un hommage aux citoyens qui se sont fait déposséder de leurs terres, notamment ceux de Forillon et de Mirabel. En abordant de front les problématiques sociales du moment, Piché s’inscrit dans un filon de chanson contestataire encore peu exploité au Québec: «À l’époque, le courant le plus fort, c’était celui du retour à la terre et des fumeux de pot. Moi, j’ai été identifié à ça, mais c’était loin d’être le cas, car j’en fumais pas. Ce qui m’intéressait, c’était de parler de ce qui préoccupait les ouvriers et les citoyens.»
«À L’ÉPOQUE, LE COURANT LE PLUS FORT, C’ÉTAIT CELUI DU RETOUR À LA TERRE ET DES FUMEUX DE POT. MOI, J’AI ÉTÉ IDENTIFIÉ À ÇA, MAIS C’ÉTAIT LOIN D’ÊTRE LE CAS, CAR J’EN FUMAIS PAS.» Abordant la grève à travers un argumentaire marxiste soutenant la lutte des classes, Jean-Guy Léger en est un exemple particulièrement probant, à l’instar de Réjean Pesant, une ode à la justice sociale et à la solidarité humaine. «Les Pesant, c’était une famille qui habitait à côté de chez nous», explique-t-il. «On peut dire que c’est un hommage à mes racines, car la mélodie est un rip-off de la chanson Bonhomme, Bonhomme que mon père chantait quand j’étais petit.» Désirant ramener au goût du jour la musique qui a bercé son enfance, le chanteur s’emploie à trouver des façons originales de la mélanger aux mouvances folk du moment: «Je savais que c’était impossible
d’inventer quelque chose de totalement nouveau, alors après y avoir longuement pensé, j’ai décidé de joindre mes influences américaines et françaises à mon background traditionnel familial. J’ai essayé de reproduire en musique ce que j’étais.» Naissent ainsi Mon Joe et Où sont-elles?, deux relectures de chansons folkloriques québécoises. Avec un bagage de compositions de plus en plus fourni, le Minervois fait sa marque sur les petites scènes du Québec, mais refuse d’enregistrer un album, jugeant l’initiative trop commerciale. Celui qui désire poursuivre une carrière en archéologie préhistorique troque d’ailleurs la guitare contre la truelle à plusieurs reprises: «Je mettais souvent la chanson de côté pour accepter des contrats. Avant d’aller à la Baie James, je me rappelle avoir passé tout un été à faire des travaux de reconnaissance sur l’île d’Orléans comme technicien de fouilles.» Le projet de Robert Léger C’est Robert Léger qui convainc Paul Piché de franchir la prochaine étape. L’auteur et compositeur de Beau Dommage veut alors prendre une pause de la scène pour se concentrer sur la réalisation d’albums. «Disons qu’il s’était mis dans la tête de me faire faire un disque!» résume l’artiste. «J’avais des réticences au début, mais je lui faisais confiance. On a enregistré un démo, qu’on a envoyé à une douzaine de compagnies de disques. Une après l’autre, elles nous ont toutes refusés! Alors on s’est tournés vers la seule qu’il restait: Kébec-Disc. On avait peu d’espoir parce que c’est la même compagnie qui, quelques années avant, avait tourné le dos à Beau Dommage… Quand le directeur de l’étiquette Gilles Talbot a vu Robert Léger débarquer à son bureau, il a été très honnête et nous a dit: “C’est pas vrai que j’vais me tromper une deuxième fois!”» Les deux musiciens ne perdent pas de temps à entreprendre les séances d’enregistrement d’À qui appartient l’beau temps. Entre mai et septembre 1977, ils prennent possession du studio Tempo à Montréal, accompagnés d’une horde de talentueux musiciens de l’époque comme Pierre Bertrand, Réal Desrosiers et Michel Rivard de Beau Dommage, Serge Fiori et Libert Subirana d’Harmonium, Mario Légaré d’Octobre et le légendaire chef d’orchestre Neil Chotem, qui joue du piano électrique sur Le renard, le loup. «J’me trouvais tellement chanceux de pouvoir compter sur tous ces gens-là. C’était juste beau et magnifique», se rappelle Paul Piché avec enthousiasme. «Pour un gars qui avait zéro expérience en studio, ç’a été un apprentissage de tous les instants.
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Parfois, y a fallu que j’aie l’humilité de dire que j’étais moins habile que certains d’entre eux. Je pense notamment à Pierre Bertrand qui a joué la guit acoustique sur Heureux d’un printemps, une chanson que je faisais en show depuis quatre ou cinq ans.»
signer des papiers comme quoi les producteurs ne savaient pas que j’allais dire ça. Bref, il y avait eu une petite controverse dans les bureaux, mais au-delà de ça, ça avait installé le personnage que j’étais, un artiste qui disait tout haut ce qu’il pensait.
L’album sort sous Kébec-Disk le 5 septembre 1977, soit le jour du 24e anniversaire de son créateur et met un temps considérable avant de trouver son public: «En novembre, j’ai appelé Gilles Talbot pour lui demander où on en était dans les ventes. Il me disait que c’était pas fort, mais qu’il comptait sur Noël pour que ça décolle. Après les Fêtes, je l’ai rappelé, et il m’a avoué qu’au contraire, les ventes avaient baissé!»
Dès l’été 1978, Paul Piché voit sa vie changer du tout au tout, alors que son album se hisse au sommet des palmarès, dépassant en quelques semaines le cap honorifique des 100 000 exemplaires vendus. À l’automne, il termine une série de spectacles panquébécoise au Théâtre St-Denis devant un public en liesse. Avec sa longue barbe, sa chemise à carreaux et ses bottes de travail, il devient peu à peu l’emblème d’une jeunesse contestataire et souverainiste. «Tellement que, le jour où j’ai osé me présenter sur scène sans ma barbe, je me suis fait huer!» se rappelle-t-il, en riant. Quatre décennies plus tard, le chanteur refuse de verser dans la nostalgie, préférant voir cet âge phare comme le point de départ d’un parcours artistique conséquent. Conscient que son premier album a pavé la voie à plusieurs autres artistes qui, à leur façon, ont actualisé le folk ou la musique traditionnelle en abordant de front les problématiques sociales de leur époque (Richard Desjardins, Les Colocs, Les Cowboys Fringants, Mes Aïeux), il constate surtout que les idéaux de justice sociale qu’ils défendaient dans ses chansons sont toujours d’actualité: «Même si on évolue, les enjeux restent les mêmes. Le meilleur exemple, c’est la condition féminine: l’évolution est grande et visible, mais la cause reste à défendre continuellement parce qu’il y a des forces qui tirent dans l’autre sens.»
L’attaché de presse Jacques Ouimet tente alors par tous les moyens de développer le marché des radios commerciales. À force d’acharnement, il réussit à convaincre le propriétaire de la station montréalaise CFGL, Jean-Pierre Coallier, de faire entrer Heureux d’un printemps sur ses ondes. L’impact est instantané. «Ce qui a aussi aidé, c’est que je suis passé à la télé», poursuit Paul Piché. «C’était l’époque de la grève de Commonwealth Plywood, où des gardes de sécurité avaient tiré sur des grévistes. Moi, j’étais en direct à Radio-Canada et j’avais dit que les gars qui avaient fait ça étaient des bandits. Après le show, on m’a fait
Même chose pour l’indépendance du Québec, qui demeure le cheval de bataille de sa vie: «Je suis encore confiant que ça va se réaliser. Je suis particulièrement confiant parce que ceux qu’on doit convaincre en ce moment, c’est les jeunes, et des jeunes, c’est beaucoup plus facile à convaincre que des vieux, qui ont une vision très arrêtée des débats. À mon âge, tu me feras pas devenir Canadien et triper sur Justin Trudeau… même si c’est dans l’ère du temps.» y Paul Piché 40 printemps Le 20 mai au Centre Vidéotron
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LA POÉSIE DES DÉRACINEMENTS PETER PETER A TERGIVERSÉ PUIS CHANTÉ LES BEAUTÉS BAROQUES AVANT DE POSER SA VALISE À PARIS. UNE MYRIADE DE QUESTIONS S’IMPOSAIENT À L’ARRIVÉE DE SON TROISIÈME ALBUM, NOIR ÉDEN. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTO | PAUL ROUSTEAU
Né à Jonquière, Peter Peter aura grandi à Chicoutimi puis vécu de part et d’autre de l’autoroute 20 avant de migrer à l’est de l’Atlantique. «J’avais déjà ce fantasme-là à 16 ans. J’écoutais Smashing Pumpkins en boucle et je m’imaginais fuguer à Toronto, vivre quelque chose de nouveau. Après, oui, je suis déménagé de Québec vers Montréal, il y avait l’épiphanie de la grande ville et tout ça, mais quand je suis arrivé ici, j’ai vraiment vécu ça au centuple.» Un nouveau départ ultime qui nourrit sa pop déjà inspirée, une occasion de s’isoler, anonyme et au milieu de la foule, pour mieux reconnecter avec sa propre vérité.
moment) sans pour autant renier les «faque», les «in» et les «là» de son enfance au Saguenay. Comme un hybride entre deux accents, comme le ferait un comédien soucieux de doubler un film dans un français international. La parlure Peter Roy (c’est le nom inscrit sur son passeport) est la somme d’expériences, de rencontres. C’est l’aboutissement de sa vie de jeune adulte longtemps resté sans domicile fixe, mais qui a finalement trouvé le bonheur à Paris.
Étrangement, c’est en France qu’il se distancera de M83, influence manifeste d’Une version améliorée de la tristesse – son précédent disque –, pour devenir l’architecte d’un nouveau son: le sien. Sa musique est aujourd’hui teintée par le gospel (nous y reviendrons), la deep house, une certaine idée de la proverbiale French Touch qui s’immisce dans l’intro de Fantôme de la nuit comme sur la finale de Bien réel, et d’un usage décomplexé de la langue de Bowie. Un exercice de style qui passe essentiellement par la prononciation. «Je trouvais ça intéressant de chanter dans un anglais presque francisé. […] Moi, dans ma tête, c’était Roch Voisine qui faisait ce genre de chansons-là! C’est sûr que j’ai changé de références et que je me suis libéré de ce tabou-là. C’était la même chose quand je suis arrivé à Montréal, je me faisais reprocher mes accents toniques en anglais. Quand t’arrives ici et que tu dis ces mots-là comme un anglophone, tu te rends compte que ce n’est pas perçu de la même façon. Tout ça a altéré, changé mes codes.» Caméléon, il ponctuera par ailleurs notre entretien téléphonique dans le + 33 de «carrément» (son expression du
L’album Noir Éden marque aussi l’émancipation de l’esthète qui, plus que jamais, tire les ficelles de son propre truc. Enregistré à la manière d’un bedroom project bonifié de quelques séances en studio, notamment avec Emmanuel Éthier pour les batteries, ce troisième opus aura été une occasion pour lui d’explorer le producing. Pardon pour les anglicismes. «Tous les sons [complémentaires] ont été enregistrés au iPhone. Les gens qui parlent ou mon chat sur Venus, par exemple. Pour moi, c’est quelque chose de très identitaire, c’est l’album qui me ressemble le plus. Je signe tous les arrangements, la plupart des synthés ainsi que les voix finales de Bien réel et Damien, qui ont été faites chez moi.»
Cavalier (presque) seul
Le clavier rétrofuturiste d’Orchidée témoigne merveilleusement de ses expérimentations sonores avec les instruments électroniques qui meublent son petit appartement. Des techniques non orthodoxes et un brin saugrenues qui confèrent à la plage 11 des tonalités si uniques, captivantes. «Bizarrement, je n’utilise aucun plug-in. Je suis très old school par rapport à ça. […] Les genres de séquences
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«PARFOIS, C’EST LA SOLITUDE QUI FAIT EN SORTE QUE TU FINIS PAR PERDRE LA CONNEXION AVEC LA RÉALITÉ. L’ALBUM RACONTE ÇA.» de piano qu’on entend au début [d’Orchidée] sont faites à partir d’un synthé qu’on appelle le OP-1. C’est hyper sali. En fait, j’ai enregistré en mettant le clavier devant mes speakers d’ordi. Y a pas plus lofi que ça, mais je trouvais que, justement, ça avait plus de personnalité qu’un plug-in. Je cherchais à mettre une griffe vraiment authentique sur ça.» Ce goût, ce désir d’explorer des sonorités organiques, colore aussi le refrain du troisième extrait radio Loving Game. Sorti de sa talle, c’est lui-même qui le dit, il a tendu la main à quatre membres d’une chorale gospel de Montréal. Du nombre, la spectaculaire et infatigable Kim Richardson. «C’est elle qui fait le lead, le blow, c’est elle qui fait les “yeah!” et les “ouh!”. J’avais une première version où c’était moi qui chantais et j’aimais vraiment pas ça. J’ai toujours imaginé un chœur gospel pour cette compo-là. [C’est parce que] j’intègre l’anglais au disque d’une autre façon, d’une façon un peu plus slacker comme sur Allégresse, par exemple. Là, c’était un refrain trop pop pour que je me vois chanter ça.» Vérités alternatives Peter Peter est allé au bout du retranchement pour l’écriture de ses textes, se laissant porter au passage par les écrits du romancier de science-fiction américain Philip K. Dick. Une influence majeure pour le parolier, un univers onirique et étrange où l’existence même des protagonistes est remise en question – un peu à la manière du film The Truman Show. Noir Éden, la pièce-titre, détaille justement cette impression de vivre sur un plateau de ciné, entouré d’acteurs qui jouent nos parents, nos amis, nos voisins. «Les myriades de questions que j’évoque sont par rapport à ça. Parfois, c’est la solitude qui fait en sorte que tu finis par perdre la connexion avec la réalité. L’album raconte ça.»
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L’ermite du 18e arrondissement, des buttes de Montmartre, plonge enfin dans le monde réel pour présenter le fruit de sa fuite. Une tournée qui le ramènera à la maison de manière imminente, où il sera épaulé par une escouade de musiciens exclusivement français qui «ne sont jamais venus au Québec». Une récompense qui arrive cinq ans après la sortie de son dernier effort, tant de temps après l’isolement qu’il s’est lui-même forcé à vivre. On récolte toujours ce que l’on sème. y Noir Éden (Audiogram) Disponible maintenant 12 mars au Cercle
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ENRICHISSEMENT COLLECTIF LA LISTE DE COLLABORATEURS EST LONGUE SUR COASTLINE. POUR SON PREMIER ALBUM COMPLET ÉLECTRO AUX COULEURS HIP-HOP ET REGGAE, LE CHANTEUR MONTRÉALAIS GEOFFROY A CRÉÉ UN BEAU PARTY SUR DISQUE AVEC L’APPORT DE NOMBREUX MUSICIENS, CHANTEURS ET COMPOSITEURS. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
À la suite de séances de préproduction des pièces avec les réalisateurs Max-Antoine Gendron et Gabriel Gagnon à Montréal ainsi que Fjord et Men I Trust à Québec, Geoffroy et Gabriel ont invité aux Studios Apollo Simon Pedneault (guitariste de Louis-Jean Cormier), Clément Leduc (claviériste de La Bronze) et Charles Papasoff (flûte et clarinette basse), entre autres, pour jouer certaines parties et pimenter de vrais sons chauds le compact Coastline. «La présence de tous ces super bons musiciens a donné une twist à l’album, indique Geoffroy, révélé
PHOTO | JIMMI FRANCOEUR
à La Voix en 2014. Souvent, quand un album est vraiment juste électro, ça t’accroche, mais tu te tannes, alors que lorsqu’il a de vrais instruments, y a tellement de subtilités et de détails aux chansons. Y a plus d’émotion aussi.» «Les instruments rendent ça plus vivant et imparfait, ajoute Gabriel Gagnon, qui a auparavant signé la réalisation de l’album Little Mourning de Milk & Bone. C’est facile de réaliser un album seul et contrôler tous les éléments, mais là on a amené le party et on a brassé les idées avec d’autres compositeurs
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> et tous les collaborateurs. Ensuite y a eu un tri créatif pour trouver l’identité de l’album et pouvoir raconter une histoire à travers tout ça.» C’est bien de pouvoir composer et jouer tout soimême, dit Geoffroy, mais les musiciens invités ont amené plein d’autres saveurs en jouant freestyle. «Charles Papasoff est arrivé avec son pipeau, sa clarinette, et il a dit: “Bon, qu’est-ce qu’on fait les boys?!”, raconte le réalisateur. On lui a donné des lignes directrices et il est parti avec ses idées et on a enregistré. Day at the Museum [pièce instrumentale qui arrive en milieu de disque], c’est un solo de clarinette basse. Ça amène une histoire à la toune qui n’existerait pas sans lui.» Les groupes électro de Québec Fjord et Men I Trust – qui apparaissent chacun sur une chanson de Coastline – ajoutent des vagues de sensualité et de soul à l’album de Geoffroy. «Men I Trust sont des amis, commente le chanteur. On s’envoie souvent des idées, des bouts de chanson. Ils m’ont envoyé l’instrumental d’une chanson et je leur ai dit: “Donnez-moi 24h”, et j’ai écrit la toune. Je trouvais ça trop bon pour passer à côté.»
Lorsque la musique est composée avec ses réalisateurs, place aux mots. Geoffroy explique qu’il écrit toujours les paroles dans un deuxième temps, choisissant les mots par rapport à la musique. «Je porte beaucoup d’importance à la sonorité des paroles et à combien de syllabes peuvent aller dans tel petit bout de musique. Quand une toune est composée, j’apporte tout chez nous et je m’enferme pendant des jours. Tout le monde est fâché parce que je fais rien et je reviens finalement en studio avec la pièce complète.» Geoffroy préfère s’inspirer de sa vie pour ses textes, donc les histoires d’évasion outre-mer et autour de l’amour prennent une grande place dans les chansons de Coastline. «Ça vient tout seul, dit-il. J’aime vraiment voyager, je suis souvent parti. Ça reflète la réalité. J’ai de la misère à inventer des scénarios pour écrire les paroles.» Cet été, Geoffroy va sans doute s’évader surtout au Québec puisqu’il souhaite prendre part aux nombreux festivals estivaux en province. À suivre! y Coastline (Bonsound) Sortie le 10 mars Le 22 mars au Cercle
À ÉCOUTER
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★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL
BEYRIES LANDING (Bonsound) ★★★ 1/2 Une grande chaleur humaine émane de ce premier disque d’Amélie Beyries. L’artiste montréalaise se dévoile sur cette œuvre aux couleurs de folk épuré, country et chanson pop, réalisée en compagnie d’Alex McMahon (Alex Nevksy, Catherine Major). À la fois douillet et cru, c’est un disque qui donne des frissons et qui nous transperce alors que la voix délicate mais puissante et les musiques nous bercent dans la mélancolie et l’espoir. En résulte un disque très intimiste où l’auditeur prend place dans le cocon de Beyries alors que tout s’efface autour. Avec un tout léger accent, Beyries chante en anglais, mais à l’écoute du seul titre en français du disque, l’émouvant duo avec Louis-Jean Cormier J’aurai cent ans, on en redemande. (V. Thérien)
PATRICE MICHAUD ALMANACH
JACQUES JACOBUS LE RETOUR DE JACOBUS
(Spectra Musique)
(Duprince)
★★★★
★★ 1/2
Moins folk que les deux efforts précédents, Almanach marque un tournant dans l’œuvre de Patrice Michaud. L’album s’ouvre sur des sonorités électroniques suivies d’une guitare électrique assez rock, d’une basse groovy à souhait. Les arrangements riches de Cherry Blossom, mais aussi de Kamikaze et Apocalypse Wow avec leurs cuivres, accotent les textes intelligents de l’auteur-compositeur-interprète. Une première dans sa discographie, le fruit d’une collaboration réussie avec Philippe Brault. Le Gaspésien n’a rien perdu de son verbe, ses paroles sont toujours aussi référencées. Il cite Paul Éluard (Éloïse) et Réjean Ducharme (fédératrice Kamikaze) au passage, puis pique un clin d’œil presque mi funk, mi blues à Francis Ford Coppola sur Apocalypse Wow. On tape du pied souvent, certes, mais s’émeut aussi à l’écoute de L’anse blanche, doux hommage à son Cap-Chat natal. (C. Genest)
THE FRANKLIN ELECTRIC BLUE CEILINGS
«Sors ta crazy glue à cause que la radio est cassée», envoie Jacques Jacobus en intro, signe qu’il désire d’emblée tourner la page sur l’épopée Radio Radio. Renouant avec le producteur Arthur Comeau, le rappeur se permet ici d’explorer des sujets plus personnels, abordant en surface sa dépendance aux soirées avec ses «boys de brosse» (B&B), son enfance à Baie SainteMarie (Unbelievable) et son ouverture à la différence (C’est lovely). Là où le bât blesse, c’est dans cette obsession qu’entretient l’Acadien à toujours vouloir répéter ad nauseam ses refrains, ce qui donne parfois l’impression de réentendre une ritournelle datée de Radio Radio. Ajoutez à ça une trame musicale féconde mais confuse, et vous obtenez un premier album solo en demiteinte, tout de même plus captivant que les deux dernières parutions en groupe du rappeur. (O. Boisvert-Magnen)
(Indica)
POWER TRIP NIGHTMARE LOGIC
★★★
(Southern Lord)
Grosse année en vue pour le quatuor montréalais. Après la sortie de ce deuxième album, The Franklin Electric s’offrira l’Impérial Bell le 25 mars. Ici, les musiciens s’abreuvent à la même source qu’Half Moon Run ou Edward Sharpe & The Magnetic Zeros, trouvant leur aisance entre du folk puissant et du pop-rock planant. Difficile de s’aventurer dans les terrains connus du folk rock anglophone sans évoquer un sentiment de déjà entendu, mais le groupe relève le défi avec maturité et parsème ses compositions enveloppantes de féérie et d’électricité. Si certains élans vocaux rendent l’œuvre trop sirupeuse par moments, l’agilité des musiciens vient rétablir le tout. Et quoiqu’il y ait quelques longueurs, nul doute que la décharge en concert sera intense puisque Blue Ceilings semble être déjà prêt pour la scène. (V Thérien)
★★★★ Pas besoin d’être nostalgique du thrash et du hardcore punk des années 1980 pour avoir envie de se désarticuler le cou en écoutant le deuxième disque de Power Trip. En fait, les influences du groupe de Dallas sont tellement évidentes – bonjour Slayer, Anthrax, D.R.I. et Integrity! – sur Nightmare Logic qu’on pourrait avoir l’impression d’entendre du réchauffé, mais ce n’est pas le cas. C’est sûrement attribuable au son organique et moderne de l’album masterisé par Joel Grind (Toxic Holocaust), ainsi qu’à la créativité de Power Trip. Les chansons de Nightmare Logic sont truffées de mélodies accrocheuses et de galopades entraînantes qui ne s’éternisent jamais trop longtemps. Un exemple d’efficacité et de précision. (C. Fortier)
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THOSE WHO WALK AWAY THE INFECTED MASS
NICOLAS HORVATH GLASS ESSENTIALS
(Contellation)
(Grand Piano / Naxos)
★★★
★★★★
Those Who Walk Away, c’est en fait Matthew Patton, un compositeur de Winnipeg que vous pourriez connaître comme le gagnant d’un Emmy pour sa musique du ballet Speaking In Tongues, ou comme le commissaire du New Music Festival de l’Orchestre symphonique de Winnipeg. Il nous offre ici un très étrange objet présenté comme un «requiem minimaliste», qui mêle des passages mélancoliques joués par une section de cordes, ou par des voix fantomatiques, à de longs extraits de conversations, compréhensibles ou pas, entre pilotes d’avion et tours de contrôle (le frère du compositeur serait décédé dans un écrasement d’avion). L’ensemble, baignant dans un lancinant bruit de fond lo-fi qui rend les écoutes multiples difficiles, construit une ambiance délétère au goût de cendres. (R. Beaucage)
DIOM DE KOSSA WASSO (Heilo / Naxos) ★★★★ Il y a des chances que vous n’ayez jamais entendu parler de Diom de Kossa. Avec sa voix furieuse et ses talents de danseur, jadis, ce cogneur de percussions émérite a quitté son petit village de Toufinga, abandonnant la cueillette de café sous ce vieux soleil d’Afrique de l’Ouest pour parcourir le monde avec le Ballet national de Côte d’Ivoire. Installé en Norvège depuis belle lurette, Diom nous propose ici le fruit hallucinant de sa collaboration avec un nouveau bassiste brésilien, Tiago Mendez, et un tandem hollandais avec lequel il roule sa bosse depuis plus d’une dizaine d’années: le batteur Kenneth Ekornes et le remarquable guitariste électrique Olav Torget, qui signe la réalisation et joue aussi du n’goni. Une musique tendue, envoûtante et spectaculaire qui mélange le rock, l’afrobeat et le mandingue dans une mixture nouvelle. On en redemande! (R. Boncy)
Alors que le prolifique Philip Glass a déjà derrière lui une fort impressionnante discographie, on peut s’attendre à ce que son 80e anniversaire (31 janvier) entraîne dans son sillage un bon paquet de petites galettes. Pas facile là-dedans de distinguer les «essentielles» pour le piano, mais, oui, il y aurait certainement quelquesunes de ses Études (les 6, 16, 18 et 20), et pourquoi pas des extraits de la musique de The Hours (2), de Music in Fifths, ou des Metamorphosis. Pas sûr que j’y mettrais l’arrangement de Glass de Sound of Silence, mais après tout, pourquoi pas! Et tout ça, joué par Nicolas Horvath, un exégète qui jouait récemment toutes les œuvres pour piano de Glass dans un concert d’une douzaine d’heures. Ah oui, je veux. (R. Beaucage)
RICHARD GALLIANO NEW JAZZ MUSETTE (Ponderosa) ★★★★ «Quand le jazz est là, la java s’en va», chantonnait le poète Nougaro. Mais c’était pour mieux négocier: «Jazz et java copains, ça doit pouvoir se faire!» À l’écoute de ce double compact qui célèbre avec panache les 30 ans de carrière discographique de Richard Galliano, l’accordéoniste suprême, on se dit qu’il n’y a rien de plus franchement swing qu’un petit bal musette bien franchouillard, en somme. Pourtant, c’est le grand Astor Piazzolla qui lui aurait dit un jour: «J’ai fait le new tango, il faut absolument que vous fassiez le new musette». D’où le titre de cet opus, évidemment. On ouvre le bal avec A French Touch puis une galerie de portraits déclinant des prénoms féminins (Laurita, Billie, Marion, Giselle…) défile pendant trois jours de studio avec ce quartette imbattable où brille la guitare de Sylvain Luc et les petites valses italo-françaises. Ringardise, vraiment? Non. C’est ce qu’on appelle l’excellence. (R. Boncy)
VO2 #O3
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KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD FLYING MICROTONAL BANANA (ATO Records) ★★★★ Premier album d’une série de 5 (!) à paraître cette année, Flying Microtonal Banana marque également le début d’une exploration dans le monde de la microtonalité pour le septuor australien. Pour bien apprécier l’œuvre, il faut s’enlever de la tête les conceptions traditionnelles de tonalité à 12 tons, car le groupe utilise ici des notes contenues entre les notes «traditionnelles». Une fois ces appréhensions mises de côté, on peut pleinement savourer l’apport de ces sonorités exotiques aux compositions habiles du groupe. De la lancinante Rattlesnake aux passages presque western de Billabong Valley, les musiciens démontrent une fois de plus leur polyvalence désarmante. King Gizzard demeure, avec cette nouvelle offre, l’un des groupes rock modernes les plus intéressants à regarder évoluer. (A. Bordeleau)
32 CHRONIQUE VOIR QC
VO2 #O3
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MONIQUE GIROUX SUR MESURE
ÉCRITE UN PEU EN FRANÇAIS ET DANS LA LANGUE DE L’IRONIE «Made for Sharing», le slogan de la campagne de la candidature de Paris aux JO2024 affiché sur le tour Eiffel, aurait dû me faire hurler. À peine ai-je haussé les sourcils et soupiré un tout petit coup. Le 14 juillet dernier, un animateur de France Inter souhaitait «Happy Fet’Nat» à ses concitoyens. Au lendemain du Superbowl, un commentateur sportif de Franceinfo saluait l’exploit de Tom Brady, célèbre «quarterback» des Patriots. J’ai eu un hoquet. En décembre dernier, alors que je marrainais le Festival Aurores Montréal à Paris, j’ai rapidement constaté que toutes les vitrines de la capitale affichaient des vœux bien sentis: Merry Christmas, Happy New Year et Season’s Greetings. Après en avoir photographié deux douzaines, je me suis trouvée ridicule et me suis dit que l’exercice était vain. Que tout ce que mes post susciteraient, c’est une augmentation de votre détestation des Français que j’aime tant… la plupart du temps. J’ai préféré m’arrêter manger un lemon cake au Season Market, bien meilleur que ceux de Carrefour City. J’ai demandé un thé glacé. «Madame veut sans doute dire un iced tea?» Je suis bilingue maintenant, je suis de mon temps. Alors que la tour Eiffel brillait de tous ses feux et arborait sa bannière de séduction Made for Sharing, un follower Facebook a tenté un «qu’en pensezvous, madame Giroux, de ce slogan Made for Sharing?» Tel Rocky Balboa qui prend des coups, qui vacille mais reprend le combat, j’aurais dû jumper,
me glisser entre les cordes du ring de cette chronique et monter au créneau. Parce que l’air de rien, je suis sportive. Je me suis même fracturé un doigt de pied aux Olympiques d’hiver de Vancouver en 2010. J’allais faire une brassée de lavage quand je me suis pété l’orteil sur le cadre de porte. J’ai été championne junior de pétanque en 1972 aux Jeux du Québec de Chicoutimi et je suis arrivée deuxième en double féminin au tournoi de badminton d’Oka. À cette époque, pas si lointaine, on mettait la vaisselle qui traînait sur la pantry dans le sink pour la laver, on «pitchait» la balle dans la mitt du catcher, on accrochait le muffler avec de la corde après le bumper si y «slaquait» en chemin, pis on «mallait» nos lettres. Les francophones «punchaient» à shop aussi. Pendant que les boss unilingues anglos «runnaient» la business. Il n’y a donc pas de quoi s’inquiéter. Tout est normal. On va avancer en arrière comme à tant d’autres chapitres. Dans sept ans, Paris pourra peut-être «sharer» tout ce qu’elle veut around the world. Si le comité olympique français remporte les Jeux, la planète ira à Paris en 2024 «trower» du javelin, «pichter» du hammer, «runner» du 100 meters, «spiner» du bike et «drinker» à la santé perdue de la langue française. Paris est sur les startings blocks.
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33 C’est si joli Paris. On y boit, on y chante, on y rit. Depuis quelque temps, on y a peur aussi. On se recueille sur les tombes d’Apollinaire et Baudelaire, de Simone et Jean-Paul, de Molière et La Fontaine, d’Oscar Wilde et Jim Morrison. On peut même manger un mille-feuille caramel et poire sur les marches de l’Académie française, en espérant voir passer notre ami Dany. On déambule, le nez en l’air, rue de la Ferronnerie, là où Henri IV, qui avait eu la bonne idée d’envoyer Samuel de Champlain fonder Québec, a été assassiné en 1610 par un loup solitaire. Elle est jolie, la France, elle qui se moque plus souvent qu’à son tour de cette encombrante francophonie et des 275 millions de locuteurs francophones qui lorgnent toujours un peu du côté de l’Hexagone dans l’espoir de… De quoi d’ailleurs? Ne lui doit-on pas, à la France, berceau de notre belle langue et de quelques valeurs en partage, ce grand classique de la chanson populaire mondiale My Way, titre que Trump a choisi pour sa première danse, si tant est qu’on puisse appeler ça une danse, créée à l’origine par Claude François et reprise par Paul Anka, Frank Sinatra, Elvis Presley, Nina Simone, etc.? Je me lève et je te bouscule, tu ne te réveilles pas, comme d’habitude. Adapté, ça donne: And now, the end is near, and so I face the final curtain.
«IL N’Y A DONC PAS DE QUOI S’INQUIÉTER. TOUT EST NORMAL. ON VA AVANCER EN ARRIÈRE COMME À TANT D’AUTRES CHAPITRES.» Trump a donc dansé sur And now, the end is near? Maintenant, la fin est proche. J’ai fait à ma tête. Gageons qu’il n’avait retenu que le refrain: I did it my way. J’en entends certains glousser: «Ouin pis, come on, on est en 2017, on se calme, tout le monde parle anglais pis si on veut se faire comprendre dans le monde, ben on parle anglais… on est pas obligé de tout traduire, ça change quoi de toute façon.» Vous avez raison, tout ne se traduit pas de toute façon. Strawberries fields forever… Essayez pour voir. Et si the end était near? y CHANSONS SUGGÉRÉES IT IS NOT BECAUSE YOU ARE, RENAUD FOR ME FORMIDABLE, CHARLES AZNAVOUR LA LANGUE FRANÇAISE, LÉO FERRÉ
35 CINÉMA VOIR QC
VO2 #O3
MARC-ANDRÉ GRONDIN
VIOLENCE OPÉRATIQUE ULTIME HOMMAGE À CES ARMOIRES À GLACE QUI, JADIS, FAISAIENT LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS SUR LA PATINOIRE, GOON: LE DERNIER DES DURS À CUIRE REMET DE L’AVANT L’IMPROBABLE TANDEM SEANN WILLIAM SCOTT ET MARC-ANDRÉ GRONDIN DANS UNE MISE EN SCÈNE LYRIQUE SIGNÉE JAY BARUCHEL. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
Rejoint par téléphone à Toronto, là où il habite depuis quelques années, Baruchel déborde d’enthousiasme. «C’est la plus belle expérience de toute ma vie», dit-il à propos de cette suite de Goon, qui marque ses débuts derrière la caméra. «J’avais 9 ans quand j’ai dit à ma mère qu’un jour, j’allais réaliser des films d’action. Et voilà que 25 ans plus tard, je vis mon rêve.»
SEANN WILLIAM SCOTT
Dans cette aventure initiatique, le Montréalais d’origine a eu le privilège de renouer avec sa chaleureuse bande d’acolytes, la même avec qui il avait partagé l’écran dans le premier volet paru en 2012. En plus de Scott et Grondin, il a pu compter sur plusieurs autres acteurs clés de la franchise, notamment Liev Schreiber, Alison Pill et Kim Coates, puis a pris soin d’ajouter un peu de sang neuf en allant recruter Elisha Cuthbert et Wyatt Russell, nouvelle coqueluche des comédies américaines qui interprète ici un caïd détestable. «Ce sont tous des acteurs très humbles. L’important pour eux, ce n’était pas de mettre la rondelle au fond du but, mais bien de la passer à un coéquipier pour qu’il complète le jeu», image-t-il, quand on lui demande des détails sur l’ambiance qui prévalait durant le tournage. «Ça peut paraître anodin dit comme ça, mais sur un plateau ou dans une chambre de hockey, c’est essentiel de laisser tomber son ego.»
PHOTOS | COURTOISIE LES FILMS SÉVILLE
Pour en arriver là, les acteurs ont pris part à un camp d’entraînement à Toronto, quelques semaines avant le début du tournage. «On était déjà une gang tissée serré, mais cette expérience-là nous a donné un vrai feeling d’équipe», explique Marc-André Grondin. «On se trouve vraiment chanceux d’être payés pour apprendre à jouer au hockey et dire des niaiseries. Pour vrai, on m’offrirait une figuration principale dans le prochain Goon, et j’annulerais tout ce que j’ai de prévu pour y aller.» Rechaussant les patins du talentueux Xavier Laflamme, l’acteur montréalais constate que son personnage a évolué en cinq ans. Présenté comme un jeune débauché toxicomane dans le premier film, le joueur étoile des Highlanders d’Halifax a tiré un trait sur son passé. «Xavier s’est beaucoup calmé entre les deux films. Y en a beaucoup qui vont être déçus, mais je crois que son cheminement est très représentatif de celui de certains joueurs de la LNH. Je pense notamment à Alex Ovechkin qui, à ses débuts, connaissait des épisodes olé olé pendant la saison morte. Maintenant, il est beaucoup plus sérieux», compare Grondin.
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JAY BARUCHEL SUR LE PLATEAU AVEC SEANN WILLIAM SCOTT.
> Nostalgie d’une époque révolue Bref, au-delà de son enrobage comique et particulièrement grossier, ce deuxième chapitre de Goon met en lumière certaines réalités qui touchent à certains égards le monde du hockey. Interprété par Seann William Scott, le personnage principal Doug «The Thug» Glatt fait face à plusieurs dilemmes inhérents au parcours de n’importe quel dur à cuire digne de ce nom. «Doug est appelé à se redéfinir, car il sait qu’il ne pourra pas assurer son rôle de goon indéfiniment. Il devient le symbole d’une époque qui tire à sa fin, celle des bagarreurs», observe Baruchel. «Sans glorifier ce rôle, on a voulu lui rendre hommage en le romantisant. À un certain moment, le film devient un genre d’opéra canadien, où tout est exagéré, dont la violence, afin que les spectateurs ressentent au maximum l’émotion des scènes.» Point culminant de cette violence exacerbée, le tournoi Bruised and Battered enjoint plusieurs vieux goons en fin de carrière à se battre sur une patinoire jusqu’à ce que tous leurs adversaires tombent au combat, inconscients. Aussi surréaliste
qu’elle puisse paraître, cette compétition fictive est le pastiche d’un véritable concours: le Battle of the Hockey Enforcers, qui a eu lieu en 2005 à Prince George en Colombie-Britannique. «C’est un tournoi qui combinait spectacle de boxe et hockey», résume le réalisateur. «J’en ai écouté des extraits pour les bienfaits du film, mais ç’a été difficile, car c’est quelque chose de très triste.» À la fois héros et personnage déchu, le goon que met en scène Baruchel porte en lui quelque chose de nostalgique. Un portrait juste assez nuancé qu’endosse Marc-André Grondin, même s’il n’entretient pas la même fascination que son fidèle complice pour les bagarreurs: «Si certaines personnes apprécient ce film, car il leur rappelle les good old days, je crois que c’est un pas dans la bonne direction. Ça veut dire que le monde du hockey a changé et que les vieilles mentalités commencent à s’y habituer.» y En salle le 17 mars
L’INÉVITABLE RETOUR À IQALUIT APRÈS ÊTRE FUGACEMENT PASSÉ PAR IQALUIT POUR LE TOURNAGE DE CE QU’IL FAUT POUR VIVRE, BENOÎT PILON Y RETOURNE CETTE FOIS-CI POUR UN TROISIÈME LONG MÉTRAGE SUR FOND D’INTRIGUE POLICIÈRE ET DE FILIATION. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
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> L’excellent documentariste de Roger Toupin, épicier variété et cofondateur des Films de l’autre cultive un intérêt profond pour le Nord et ses populations. En 2007, il tournait le documentaire Des nouvelles du Nord qui s’intéressait aux habitants des villes de Radisson et de Chisasibi. En 2008, Ce qu’il faut pour vivre se penchait sur un sanatorium de Québec accueillant des tuberculeux inuits dans les années 1950. Avec Iqaluit, son premier scénario original de fiction, le registre est radicalement différent du film d’époque et du documentaire sur la survivance des traditions. Le film raconte l’histoire de Carmen (Marie-José Croze) qui doit partir de façon précipitée à Iqaluit au chevet de son mari Gilles (François Papineau), gravement blessé. Sur place, elle découvre un monde inconnu et des secrets qui vont la bouleverser. Aux côtés de Noah (Natar Ungalaq), un ami de son mari, elle partagera de façon insoupçonnée avec lui un drame dans les remous de la mer du Labrador. Ce troisième long métrage a été entièrement tourné dans la baie de Frobisher avec tout ce que cela implique en matière de défis logistiques et humains. Iqaluit, avec une population de près de 7000 individus, est une ville isolée qui se situe à plus de 2000 kilomètres de Montréal. On peut dire que Benoît Pilon avait vraiment envie de retourner dans le Nord. «Ce qu’il faut pour vivre m’avait déjà donné le goût de connaître Iqaluit et de montrer cette ville lointaine et inconnue de presque tous. J’ai tout de suite été fasciné par la population et les relations unissant ses membres. C’est précisément cette réalité que j’avais envie de percer et de mettre en scène. Je me suis demandé comment je pourrais raconter une histoire qui mettrait en lumière Iqaluit et qui me permettrait de retravailler avec Natar, qui est un acteur extraordinaire.»
Natar Ungalaq, acteur à la présence solaire, renoue ici en effet avec Pilon pour un rôle tout en introspection d’un père repentant ayant réussi à dompter ses démons. Ungalaq, que le monde entier a connu pour son rôle dans Atanarjuat, la légende de l’homme rapide, est aussi un sculpteur reconnu dont les œuvres sont exposées aux quatre coins du globe. Dans le rôle de Noah, il fera découvrir à Carmen un monde bien loin de ses référents, ce qui l’aidera à se reconnaître et à retrouver ses repères. Et c’est précisément ce qu’a voulu léguer Pilon en réalisant ce film: une meilleure compréhension de l’autre, et une possible ouverture. «On est dans le même pays, nos compagnies vont là-bas faire des affaires. Nos gouvernements prennent des décisions qui ont des conséquences. Et nous avons un impact sur ces communautés même si nous vivons à des milliers de kilomètres. Ce que je tente de dire, c’est que nous sommes liés sans trop nous en rendre compte. Et c’est ce que le personnage de Carmen, joué par Marie-Josée Croze, permet de réaliser.» L’actrice, qui n’avait pas tourné au Canada depuis 2014 pour Le règne de la beauté de Denys Arcand, effectue un retour dans le froid polaire et les grands espaces de la terre de Baffin. Dans la peau de Carmen, elle est froide, distante et occupée à trouver des réponses à ses interrogations sur la vie de son mari, une vie qui lui est presque inconnue. «Ultimement, Carmen me permet de raconter ce récit d’ouverture progressive à l’autre. Une fois sur place, elle réalisera que tout est différent, le rapport au temps, l’air, la lumière et la ville. Tranquillement, elle n’a pas d’autre choix que de se connecter et de s’ouvrir.» C’est le récit d’un voyage qui deviendra en quelque sorte initiatique que nous propose Benoît Pilon avec Iqaluit. Mais plus que cela, le film nous présente un monde qui a ses problématiques et ses contradictions. Pilon dépose sa caméra sans jamais poser de jugement définitif ou esquisser de caricature ridicule. Le fils de Noah tente de se reconnecter aux traditions de son peuple après que son père en eut été coupé par le drame des pensionnats autochtones. Ainsi, l’une des plus belles scènes du film nous présente Gilles qui est invité à partager le phoque que Dany vient de pêcher. Iqaluit réussit à raccourcir la distance entre Montréal et le Nunavut et nous démontre qu’il est possible de changer ses perceptions, ses jugements. Dans notre monde contemporain, cela est plus que nécessaire. Il faut garder toujours vivant un espace de dialogue franc. y En salle le 10 mars
40 CHRONIQUE VOIR QC
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
POUR DÉSINTOXIQUER LES DÉBATS Désintoxiquons les débats
Malaises…
À propos de la démocratie, j’ai appris du philosophe John Dewey (1859-1951) quelques idées que je tiens pour justes et importantes. Elles méritent qu’on leur donne le temps de faire leur chemin en nous et me semblent en ce moment plus pertinentes que jamais. Les voici.
Ce qui me préoccupe, au fond, ce sont toutes ces manières par lesquelles on refuse le dialogue et que je vois se répandre, à gauche comme à droite de l’échiquier politique. Et s’il n’y a pas de conversation, par définition, il ne peut y avoir de conversation démocratique.
La vie démocratique selon Dewey
Voici des manières de la refuser que je déplore. Je ne donnerai aucun exemple précis: mais vous les fournirez aisément.
Dewey soutient que s’il est possible de définir la démocratie par les habituels critères juridiques ou politiques (présence d’une constitution, séparation des pouvoirs, représentation, et ainsi de suite), ces critères, qui sont certes importants, ne vont pas au fond des choses. C’est qu’une démocratie est en effet, et même avant tout, un mode de vie associatif, c’està-dire une manière de vivre ensemble. Deux choses la caractérisent, dit Dewey. La première est que les différents groupes qui composent une société démocratique ont des contacts nombreux et variés. La deuxième est que tous ces gens ont des intérêts communs qui sont consciemment partagés. Plus ces deux critères sont satisfaits, plus la vie démocratique est riche et profonde. Moins ces deux critères sont satisfaits, moins la vie démocratique est riche et profonde. Une conséquence de cette analyse est que la vie démocratique suppose qu’on échange, qu’on discute, qu’on se parle. Bref: que se tienne une conversation démocratique. Je l’ai déjà dit et souvent écrit: je suis, et je pèse mes mots, profondément inquiet de certains aspects de notre actuelle conversation démocratique au Québec. Je le suis même plus que jamais. Je voudrais redire ici pourquoi; puis avancer quelques modestes idées pour contribuer à l’améliorer.
Ne jamais donner la parole à des groupes dont on parle, le plus souvent pour en dire du mal. Interdire à des personnes qui ont des positions différentes des nôtres de s’exprimer, y compris à l’université, où cette pratique semble se répandre. Décider que des interlocuteurs ne peuvent être entendus parce que nous leur sommes moralement ou intellectuellement supérieurs et que nous ne pouvons donc rien en apprendre. Appliquer une étiquette infamante (fasciste, terroriste, nazi, ayant du sang sur les mains, etc.) à des personnes ou à des groupes, de manière à ce que discuter avec eux soit impensable. Décider que le fait de vouloir aborder un certain sujet est nécessairement la preuve d’une carence morale grave qui vous assimile à ces groupes que je viens de nommer. S’exprimer, à l’écrit ou à l’oral, sur un ton ou avec des mots ou des expressions qui ne laissent aucun doute sur le fait que l’on pense que l’on a absolument raison et que les autres sont au mieux des crétins qui se trompent, au pire des personnes intellectuellement malhonnêtes.
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41 Je vois tout cela. Je le vois beaucoup trop. Vous aussi, j’en fais le pari. Et je pense que cela a des effets délétères sur nous tous et nous toutes et sur la conversation que nous devons tenir. Car le fait est que, plus que jamais, il est des sujets difficiles, polémiques, qui nous divisent, mais que nous devons ensemble aborder. En voici quelques-uns. Il y en a d’autres. L’immigration; la nature de la laïcité souhaitable; les accommodements raisonnables; les accommodements religieux raisonnables; la culture et l’identité québécoises; les rapports de la religion avec le politique; l’islam politique; la tension entre certaines croyances ou pratiques, notamment religieuses, et des valeurs très largement embrassées, voire légalement protégées, dans une démocratie libérale; le multiculturalisme; le nationalisme. Voici ce que j’aimerais qu’il se passe… Modestes propositions Pour commencer, rien a priori, sinon ce que prévoient nos lois et notre pratique de la liberté d’expression (et universitaire), ne devrait être exclu de cette conversation. Notre position de base doit être que tout peut et doit être mis sur la table. Il ne saurait y avoir de compromis là-dessus. Ensuite, il faut «reciviliser» nos échanges. On ne peut l’imposer, mais il faut le demander. On ne devrait pas insulter les gens, leur intimer de se taire, employer des mots dénigrants; on devrait toujours s’en prendre aux idées plutôt qu’aux gens; on devrait écouter ce qu’autrui veut dire et présumer qu’on pourrait en apprendre quelque chose. Toutes ces choses, qui n’interdisent pas d’avoir de profondes convictions et de vrais désaccords, sont connues et nous devrions exiger qu’on les applique. La pratique de déplorer qu’on ne s’y emploie pas devrait se répandre, partout, depuis les médias sociaux jusqu’aux grands médias en passant par les conversations privées. Je propose à cette fin un petit test que les personnes de bonne volonté pourront faire. Il est un calque de la règle d’or en éthique (qui dit: ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse; ou encore: traite ton prochain comme toi-même) et repose sur le fait que, le plus souvent, nous savons tous identifier qui ne pense pas comme nous dans ces débats hautement polarisés.
KLÔ PELGAG
JEUDI 2 MARS + EMILIE & OGDEN + HELENA DELAND
FINAL STATE
VENDREDI 28 AVRIL
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VENDREDI 26 MAI
Voici ce test: un propos, un ton, un argument ou une épithète que l’on s’apprête à utiliser passe ce test si – et seulement si – on trouve raisonnable et acceptable que l’autre parti l’utilise aussi. Dans le cas contraire, il vaut mieux s’abstenir de l’employer. Et ce, même si les cotes d’écoute ou le lectorat en pâtiront. Car il va sans dire que les personnes ayant le privilège de prendre la parole ou la plume en public ont, plus que toutes les autres, ce devoir de symétrie. Il faut qu’on se parle, Québécoises et Québécois, et il faut qu’on le fasse civilement en désintoxiquant la conversation démocratique. Car l’alternative, on l’a trop vu depuis quelques années, n’est pas très jolie. Elle peut même être horrible… y
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43 ART DE VIVRE VOIR QC
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ENCLAVE MARCHANDE LA MODE JETABLE PRIME PARTOUT EN BANLIEUE, DE SAINTE-FOY À LEBOURGNEUF, MAIS LES QUARTIERS CENTRAUX DE QUÉBEC RÉSISTENT À LA TENDANCE. QU’EST-CE QUI EXPLIQUE LA QUASI-ABSENCE DE GRANDES CHAÎNES DE PRÊT-À-PORTER À (TRÈS) BAS PRIX AU CENTRE-VILLE? MOTS & PHOTOS | CATHERINE GENEST
Le fast-fashion est un fléau environnemental et éthique sans nom. L’écroulement du Rana Plaza, manufacture de vêtements au Bangladesh, a fauché plus d’un millier de vies en 2013. Souvenez-vous des gros titres, du bouleversant cliché de Taslima Akhter primé au World Press Photo de la même année: The Final Embrace. La prise de conscience a été brutale, mais H&M, Zara, Forever 21, Joe Fresh et les autres continuent de faire de bonnes affaires. Un cardigan en maille fine de coton à 12$? Difficile de résister. Pourtant, Saint-Roch, Saint-Jean-Baptiste, Limoilou et Montcalm n’ont jamais cédé à l’appel des sirènes de la fringue – exception faite des succursales Mango et Urban Outfitters sur Saint-Joseph Est. Même le Vieux-Québec ne plie pas devant les poids lourds de l’industrie du vêtement, de la chaussure, des accessoires, des cosmétiques. La qualité suprême (Ça va de soi), le fait ici ou à la main (Lush) et les bannières du quartier (Simons) y ont la cote. La seule autre grosse chaîne de l’arrondissement historique, en ce moment, c’est Aldo, une multinationale née et encore basée à Montréal. Antoine Larrivée, un représentant aux ventes pour la marque basse-vilaine Plenty, vit et travaille à Québec comme dans la métropole. Selon ses observations non scientifiques, bien que réalisées sur le terrain, les gens de la Vieille Capitale seraient plus conscientisés à l’achat local. «Je trouve qu’il y a un plus grand sentiment d’appartenance. À Montréal, les gens ne vont pas nécessairement s’attacher à une boutique. En général, c’est vrai que les [com-
(EN HAUT ET EN BAS À DROITE) SÉRAPHIN (EN BAS À GAUCHE) JUPON PRESSÉ
merçants] indépendants fonctionnent un peu mieux à Québec qu’à Montréal. À Québec, par exemple, tout le monde te parle du Simons. Ça reste un leader à Montréal, mais ça vient d’ici et il y a une fierté.» C’est toutefois dans un secteur comme le Faubourg Saint-Jean-Baptiste qu’on est le plus à même d’observer le phénomène. Après tout, c’est sur la rue Saint-Jean extra-muros qu’on retrouve la plus vieille épicerie en Amérique du Nord: J.A. Moisan. Patrick Montminy, propriétaire du Séraphin, y occupe le local de la porte 738 depuis maintenant 21 ans. Actuellement, plusieurs marques basées à Québec et Montréal meublent sa boutique, des marques bien de chez nous et dont les articles sont confectionnés au Canada ou en Asie – comme c’est le cas pour la majorité des créations de Plenty. «Je ne suis pas sûr que ça vaille la peine, pour une grande chaîne, d’investir dans un centre-ville où on circule surtout à pied, où il n’y a pas beaucoup de stationnement. Regarde Urban Outfitters sur SaintJoseph en Basse-Ville…» Des points de suspension non verbaux, mais remarqués à son intonation, qui en disent long sur l’achalandage du magasin qui a revu ses heures d’ouverture à la baisse cet hiver. L’essentiel, toujours selon Patrick, c’est de devenir une destination pour un produit particulier. «Chez nous, les gens se déplacent pour acheter leurs jeans. On en a beaucoup, pour les hommes comme les femmes, et on en a des beaux.» Elle aussi très spécialisée, Marie-Noëlle Bellegarde Turgeon roule sa bosse avec son Rose Bouton depuis huit printemps. La propriétaire de la chouette
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> boutique de coquetteries pour femmes et fillettes est aussi la vice-présidente du conseil d’administration de la Société de développement commercial du Faubourg Saint-Jean. Une femme d’affaires reconnue pour son engagement envers les artisans qu’elle tient en boutique. «Tout ce que je vends est fabriqué au Québec. Il y a eu une période où j’ai eu quelques petits accessoires qui étaient faits aux États-Unis. C’était de l’artisanat quand même, mais j’ai arrêté parce que j’avais de la misère à répondre aux clients enthousiastes qui me demandaient si c’était fait ici.» D’ailleurs, Madame Bouton (pour reprendre le surnom donné par les enfants du quartier) priorise les marques de Québec. Une décision écologique – ça diminue considérablement son empreinte carbone – qui s’avère payante sur le plan humain. «Ils passent porter leurs trucs eux-mêmes et je leur donne leurs chèques en main propre. On n’a pas besoin de passer par la poste. J’aime ça, je sais vraiment à qui j’ai affaire. C’est sécurisant.» Au pied de la pente douce En Basse-Ville, GM Développement possède (presque) tous les locaux de la rue Saint-Joseph Est entre de la Couronne et Saint-Dominique. Architectes de la revitalisation post-Mail, ils ont été parmi les premiers à embrasser l’orthographe et l’image de marque «Nouvo» Saint-Roch au début des années 2000. Le commerce de détail indépendant a une belle part du marché dans le quadrilatère où ils règnent en maîtres: Benjo, Bloomi, L’Inventaire, Mademoiselle B, Swell & Ginger, deux barbiers (Rituels, KRWN) et même… Escomptes Lecompte! Après tout, les seules autres succursales se trouvent à Victoriaville et Trois-Rivières. Laliberté, seul survivant de la belle époque des Paquet et Syndicat de Québec, célèbre par ailleurs son 150e anniversaire en 2017. Selon Luc Guillot de GM Développement, c’est la clientèle «technologique» qui apporte cette couleur si spéciale au quartier. Les employés des boîtes de design web ou graphique, de développement de jeux vidéo, des compagnies comme LG2 qui œuvrent dans le domaine des communications, les étudiants de L’École d’art de l’Université Laval… «[C’est] des gens qui sont en avance sur leur temps et qui aiment les nouveautés, les exclusivités, les choses qui sortent de l’ordinaire.» Autrement dit, le client type du coin est un créatif. Patrick Montminy, aussi propriétaire du resto-boutique Deux 22 sur l’autre tronçon de Saint-Joseph Est, remarque
sensiblement la même chose. Selon lui, la clientèle y est «assurément plus jeune, plus étudiante» que dans Saint-Jean-Baptiste. N’empêche, les «types de commerçants plus traditionnels» peuvent signer un bail avec GM Développement, et le représentant de la compagnie a affirmé n’éprouver aucune réticence idéologique vis-à-vis du fast-fashion lorsqu’on l’a questionné à ce sujet. «C’est un concours de circonstances», soutient M. Guillot. C’est également, illustre-t-il, une question de chiffres. «Les grandes chaînes recherchent des endroits à fort achalandage parce que leur modèle d’affaires est basé sur le volume. Un H&M qui ne vend pas beaucoup et qui paie un pied carré selon le marché ne peut évidemment pas rentrer dans son argent. Ça prend un endroit à haut trafic, avec du monde en masse qui est déjà sur place pour faire des achats impulsifs.» Selon M. Guillot, les services se diversifieront au centre-ville, et plus particulièrement dans SaintRoch, si l’administration municipale octroie à GM et aux autres promoteurs immobiliers «le droit de construire en hauteur» des condos et des logements neufs. «La Ville est actuellement en pleine réflexion pour son plan particulier d’urbanisme, le PPU. Plusieurs organisations de Saint-Roch ont déposé un mémoire à l’automne dernier et ce qu’on voit là-dedans, c’est que tous sont d’accord pour dire qu’il faut amener plus de résidents dans SaintRoch. Même pour les entreprises du secteur, ça faciliterait le recrutement […] puis ça permettrait d’avoir un achalandage supplémentaire, donc des services supplémentaires et des commerces qui se portent encore mieux. Ce serait gagnant pour tout le monde.» Dans une vidéo publiée sur la chaîne YouTube de la Ville de Québec en juin 2016, Labeaume et son équipe proposaient d’ailleurs de transformer le secteur de l’ancien Cinéma Odéon et le vaste stationnement de Saint-Vallier Est en tours d’habitations. Une idée qui a récemment été soumise à des consultations publiques. De 2011 à 2016, les plus récents chiffres de Statistique Canada avancent que la population de Québec n’a augmenté que de 3% alors que celles de la couronne nord comme Sainte-Brigitte-de-Laval, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier et Shannon ont respectivement grimpé de 29%, 22% et 18%. Le temps nous dira si la tendance pourra être renversée, si l’étalement urbain perdra du terrain au profit de la densification urbaine dont rêvent moult gens d’affaires du centre-ville. y
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NOUVELLES DE JEUNESSE MOTS | FRANCO NUOVO
Je flânais. Je glissais entre les étals en jetant un œil sur les livres qu’on y avait savamment placés: les nouveautés, les biographies, les coups de cœur… Je ne cherchais rien de particulier, j’espionnais en espérant qu’un bouquin me fasse de l’œil, un roman de préférence. Je les préfère aux essais, toujours académiques et si souvent laborieux. Ce jour-là, j’ai eu l’impression qu’on avait réédité tout ce que Bob Dylan, «nouveau» Nobel de littérature, avait pu écrire: des chroniques, des textes divers, des chansons bien sûr. Il y avait aussi des bouquins sur l’homme, le poète, le musicien. Des gros, des petits, avec ou sans photographies; il n’y en avait que pour lui. Enfin presque. Fidel Castro était mort. Cuba était donc aussi très présent. Là encore, des récits sur la vie du lider maximo, sa lutte, ses liens avec ses frères d’armes, sa relation avec les États-Unis… On avait placé bien en évidence les pour et les contre. Entre les coups de cœur trônait, par exemple, Castro l’infidèle de Serge Raffy qu’on avait tiré du fond des rayons. Une biographie dédicacée «au peuple cubain héroïque et martyr». Une simple dédicace déjà suffisait pour savoir dans quel camp se tenait l’auteur. Bien sûr, El Commandante n’était pas très loin ni le témoignage récent de son frère Juan Martin Guevara qui, après 50 ans de silence, s’est décidé à lever un voile plus intime sur Che, son aîné. Cette déambulation m’a permis de constater à quel point les livres de cuisine avaient toujours la cote et qu’ils me laissaient, tel un buffet, toujours aussi froid. De constat en constat, j’ai aussi pu réaliser que Le plongeur de Stéphane Larue n’avait pas fini de nous éclabousser.
PHOTO | SLIM AARONS
Et là, posée dans un coin, discrète, une pile: Truman Capote, Mademoiselle Belle. En page couverture, sous une photo de lui alors qu’il est jeune homme, était inscrit «Nouvelles de jeunesse». Un tout petit bouquin, tout petit, même pas 200 pages. J’aime bien Capote, Petit déjeuner chez Tiffany et bien entendu De sang-froid, son chef-d’œuvre qui l’a inscrit dans la légende. En fait, j’aime bien les auteurs américains du 20e siècle: Hemingway, Fitzgerald, Salinger… Tantôt aventuriers, tantôt voyous, tantôt mondains, tantôt rêveurs. Capote, lui, mondain à ses heures, était dans la marge. Je n’avais jusque-là jamais lu de ses nouvelles, encore moins de ses nouvelles de jeunesse. Truman venait de me faire de l’œil. Donc, après avoir parcouru la quatrième de couverture et après l’avoir feuilleté, j’ai payé le libraire et j’ai glissé Capote dans mon sac en me disant que je découvrirais peut-être ce qui l’avait mené, bien des années plus tard, à raconter le meurtre d’une famille du Kansas par deux jeunes voyous. Quatorze nouvelles, certaines ayant déjà été publiées entre 1940 et 1942 et d’autres qui ne demandent aujourd’hui qu’à être découvertes. Des textes que Capote, déjà auteur, a écrits très jeune, pendant et jusqu’à la fin de son adolescence. Les puristes jugent la jeunesse, la nuancent, mais reconnaissent le talent précoce de Capote. Sérieusement, ces textes qui nous entraînent du sud au nord des États-Unis démontrent à quel point, obsédé par l’écriture, cet ado si singulier était déjà un écrivain. Les récits sont ancrés dans des décennies bien identifiables. Il s’agit d’une Amérique d’avant les droits civiques, d’une Amérique humide qui a chaud et qui transpire, d’une Amérique dans laquelle les Noirs n’ont pas la
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même vie que les Blancs, et les pauvres, la même que celle des riches. On sent La Nouvelle-Orléans tout autant que l’opulence new-yorkaise. On voit la couleur et derrière elle, le racisme. Ces histoires toutes plus différentes les unes que les autres portent sa griffe, celle qui témoigne de son intérêt pour le genre humain, quel que soit le milieu, la classe sociale. Une écriture déjà étoffée telle cette phrase: «Elle voulait rester ici, dans la nuit, dont elle pouvait respirer l’odeur, qu’elle pouvait presque toucher, si palpable qu’elle humait sa texture comme un délicat satin bleu.» Entre 15 et 19 ans, Capote savait déjà nous faire vivre la peur d’un enfant poursuivi et égaré en forêt, flirter à la frontière du fantasque avec l’agonisante aristocratie du sud, donner un écho à la rivière Hudson qui «ne cessait de murmurer “Alabama river”», évoquer cette chaleur à peine supportable qui pousse à la somnolence, se glisser dans une académie de jeunes filles, dépeindre la jalousie derrière trop de beauté et rapporter la bitcherie de deux vieilles embourgeoisées. Chez Capote-le-jeune, le suspense était déjà bien installé, l’amour interdit effleuré et l’injustice affichée. «Toute sa vie elle avait voulu vivre dans le Nord pour, ainsi qu’elle le disait, vivre comme un être humain…» y Truman Capote Mademoiselle Belle: Nouvelles de jeunesse Paris, Grasset, 2016, 180 pages
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ALEX NEVSKY
Sur les rayons
DES CHANTS POUR ANGEL MARIE-CLAIRE BLAIS, Éditions du Boréal, 2017, 240 p.
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BEARS OF LEGEND
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THE FRANKLIN ELECTRIC
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STEVE HILL imperialbell.com 418.523.3131
«Daniel pensait souvent que le monde s’effondrait plusieurs fois avant notre réveil du matin, ce dont nous avions quelque aperçu dans nos rêves et cauchemars, pendant que nous dormions, quand nous apprenions que le monde s’était ainsi effondré plusieurs fois pendant notre sommeil, nous étions révoltés, nous éprouvions un malaise honteux de vivre dans un tel univers, si sombre et si cruel, et puis nous ne ressentions plus rien, comme si ce monde n’eût plus été notre affaire, il y avait une coupure, il nous fallait retourner dignement à nos préoccupations, et c’est ainsi que Daniel se remettait à l’écriture…» C’est ce qu’on peut lire dans les premières pages du neuvième et avant-dernier tome du cycle Soifs de Marie-Claire Blais, Des chants pour Angel, et on ne peut s’empêcher de croire avec certitude qu’il s’agit là d’un modus operandi que l’écrivaine partage avec son personnage de Daniel. Nous retrouvons Petites Cendres, Mabel, Daniel, Mai, Vincent et tant d’autres personnages peuplant l’univers romanesque de Marie-Claire Blais depuis maintenant plus de vingt ans. Si plusieurs se questionnent sur comment célébrer une dernière fois Angel qui vient de les quitter, c’est surtout le personnage du Jeune Homme qui est au centre de ce roman, lui qui opérera une tuerie raciste en plein cœur d’un lieu de culte, événement qui n’est pas sans rappeler un fait divers des dernières années. Il serait par contre dommage de décrire ce grand livre comme un roman autour d’un fait divers, alors que l’écrivaine poursuit son analyse clinique et critique des maux sombres qui forment notre monde. Bien que le racisme fut toujours présent chez Blais, ici, elle le met en scène avec toute la violence qu’il génère, créant un roman comme une charge qui terrasse le lecteur en l’expulsant de toute zone de confort. L’écriture de Marie-Claire Blais est fidèle à elle-même, une phrase-fleuve, un roman comme la vie, sans pause aucune, ne laissant pas au lecteur le plaisir de prendre son souffle, car comme le réel, l’écriture de Blais est toujours en marche, toujours vivante. Si de prime abord l’exercice peut sembler difficile – certains diraient pénible –, la maîtrise dont fait preuve Blais est telle que le lecteur est happé dans un tourbillon d’une grande force, d’une grande humanité. Enfin, bien qu’elle offre ici peut-être l’un de ses livres les plus noirs, elle réussit encore une fois le tour de force de trouver une certaine lumière au fond de l’histoire, au fond de nous. (Jérémy Laniel)
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Sur les rayons
ARTICLE 353 DU CODE PÉNAL TANGUY VIEL Éditions de Minuit, 2016, 173 p. Un homme en jette un autre par-dessus bord. Tranquillement, il retourne piloter l’embarcation jusqu’à la côte avant de retourner chez lui. Ainsi débute Article 353 du Code pénal, septième roman de l’auteur français Tanguy Viel, romancier ayant façonné l’art du faux-semblant et du coup de Jarnac littéraire. Lui qui avait batifolé avec le roman noir dans Insoupçonnable et L’absolue perfection du crime nous avait déjà démontré comment il pouvait habilement se jouer de certains codes littéraires pour les transcender dans un travail allant beaucoup plus loin que le simple exercice de style. Il nous offre peut-être ici son meilleur livre, un roman sur l’honneur des hommes, sur ce qui nous reste lorsqu’on perd tout. Martial Kermeur était employé à l’arsenal de Brest. Lorsque ce dernier ferme, il se retrouve gardien d’un château en décrépitude sur une presqu’île où il vit comme le père, le divorcé et le licencié qu’il est devenu au début de la cinquantaine. L’onde de choc est créée dans le voisinage lorsqu’arrive Lazenec, promoteur immobilier promettant un renouveau complet pour la région. Il convaincra Kermeur de miser son fonds de pension dans un superbe appartement d’un immeuble locatif qui devrait être construit en lieu et place du château. C’est dans l’attente de cette première pelletée de terre, de l’érection de ce nouveau chez soi, que Kermeur découvrira lentement, mais assurément, qu’on l’a roulé dans la farine, lui et tant d’autres. Réel entretien judiciaire, Article 353 du Code pénal se lit comme une immense confession de Kermeur à un juge, tentant d’expliquer la nature de son geste. Si une lecture politique émane de cette histoire tel un vrai cimetière des promesses socialistes, le tour de force de Viel est ici tout autre. C’est dans la liberté du phrasé de l’écrivain qu’on reconnaît toute sa maîtrise, sa façon de parvenir si aisément à éclater les murs de cet entretien judiciaire pour établir des chassés-croisés brillants doublés des réflexions de Kermeur, alors qu’habilement Viel jumelle le personnage du lecteur à celui du juge, les deux se retrouvant à la solde et à l’écoute de celui qui devrait être jugé. Avec ce roman d’une grande sensibilité et brillamment construit, Tanguy Viel confirme un talent qu’on connaissait déjà, mais qu’on fréquentait trop peu, avec une offrande jouissive et d’une immense lucidité. (Jérémy Laniel)
50 DEPUIS UN QUART DE SIÈCLE, CEUX QUI NE FITTENT NULLE PART SONT REÇUS DANS LES ATELIERS DE L’ORGANISME LES IMPATIENTS COMME DES ARTISTES, NON COMME DES MALADES. ET LEUR ART BRUT CÔTOIE DES CHAGALL, DES RIOPELLE ET DES MARC SÉGUIN. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE
Tout a commencé dans un sous-sol de Pointe-auxTrembles. «Ma mère [Lorraine Palardy] avait une galerie et était présidente de l’Association des galeries d’art contemporain de Montréal. En collaboration avec la Fondation des maladies mentales, elle a fait un projet-pilote d’atelier de création à l’Hôpital Louis-H.-Lafontaine. Deux jours après la fin de l’atelier, une adjointe a appelé ma mère: “Ils font la file devant le local…” Ma mère a fondé Les Impatients parce qu’elle se disait que c’était nécessaire», raconte Frédéric Palardy, directeur général de l’organisme depuis 3 ans. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, le modeste atelier s’est transformé en un organisme unique offrant 60 ateliers à plus de 600 participants par semaine, avec 11 points de service dans la région de Montréal et aux alentours, associé à 6 hôpitaux, 2 galeries et 1 musée. Tout ça, gratuitement. Tout sauf des malades On pourrait croire que le nom «Les Impatients» a été donné pour rappeler ces patients qui piaffaient devant le local en attente d’un autre atelier. Mais la vision de Lorraine Palardy était beaucoup plus poétique: «C’est à la fois une façon de voir la personne comme n’étant pas une patiente, au sens médical, et comme étant impatiente de guérir, d’arrêter de souffrir. Et c’est une référence à l’impatiente, une fleur qui pousse bien à l’ombre. C’est un nom qui est encore porteur après 25 ans», s’émeut le directeur général. Bien que son organisme utilise l’art pour venir en aide aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, Frédéric Palardy se défend bien de faire de l’artthérapie. «Le critère principal pour choisir nos animateurs, c’est qu’ils doivent être d’abord des artistes. > JACQUES HURTUBISE, ELROSADO (1975) SÉRIGRAPHIE, 23 DE 30. 69,6 X 108,7 CM. DON ANONYME.
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Oui, nous travaillons avec des art-thérapeutes, mais on fait tout l’inverse de l’art-thérapie. Quand les participants arrivent dans un atelier, ils viennent créer, tout simplement. Pas de thème, pas de “aujourd’hui, on dessine la colère”! C’est un exemple un peu bancal, mais c’est ça. Le bien-être arrive dans la création, les rencontres, la diffusion des œuvres. On fait ce qu’on appelle dans le système de la santé du “rétablissement”: pour certains, ça veut dire arriver à se trouver une job; pour d’autres, juste mettre un pied devant l’autre.» Malgré les cas lourds, abandonnés du système de santé, qui arrivent parfois aux ateliers des Impatients, une règle demeure: ne pas les recevoir comme
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des patients. Certains participants sont référés par leur psychiatre, comme une sorte de prescription artistique de la dernière chance. «On ne sait plus quoi en faire… on les envoie aux Impatients!» L’organisme n’a pas la recette miracle, certes, mais les statistiques prouvent qu’il y a de l’espoir même pour les plus désespérés: «87% des gens qui ont fréquenté nos ateliers disent que leur état de santé s’est amélioré et 63% disent avoir évité une hospitalisation grâce à nous. C’est énorme!» Bipolarité, schizophrénie, psychose ou épisode dépressif: aucun cas n’est trop léger ou trop lourd pour Les Impatients, et aucune question n’est posée sur leur maladie. Aucune durée maximale de «traitement créatif» non plus.
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PARLE-MOI D’AMOUR, 2016. PHOTO | JEAN-MICHAEL SEMINARO
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«Ici, il n’y a aucune pression de laisser la place au prochain. Y a des participants pour qui c’est plus long, d’autres moins, et ça fait partie de la magie. On a une base de vieux de la vieille qui sont là depuis des années et ils apaisent les nouveaux! Il n’y a pas de date de fin à nos ateliers, le roulement doit se faire naturellement. Je ne me mets pas la tête dans le sable, tout le monde est dans le rendement en 2017, mais je me bats contre ça», expose Frédéric Palardy. Tout sauf du macramé Pour continuer de financer les ateliers, en plus de l’apport précieux de quelques mécènes privés, Les Impatients comptent sur l’encan annuel où sont mises aux enchères des œuvres d’artistes établis et d’artistes impatients, côte à côte. «Ce que nos participants font, on le considère comme de l’art. On ne donne pas d’atelier de macramé! On possède maintenant la plus grande collection d’art brut au Canada. On la conserve de façon muséale, pas dans des boîtes de carton toutes croches!» s’emballe le directeur général. Et l’accueil du milieu artistique lui donne raison: c’est le Musée d’art contemporain de Montréal qui sera l’hôte du 19e encan Parle-moi d’amour, en plus d’exposer gratuitement plus de 300 œuvres. À cette exposition-encan, tout le monde est traité sur un pied d’égalité. «À côté d’un Chagall, tu trouves un impatient, pis à côté un Stikki Peaches. C’est
un heureux mélange! Toutes les œuvres partent au même prix. C’est traité de façon très professionnelle, on prend soin des œuvres et tous les profits reviennent aux Impatients. C’est impressionnant, il y a des artistes qui ont du mal à payer leur encadrement, mais qui donnent tout à l’organisme. Et un collectionneur nous a donné un Chagall. J’en reviens pas! On est privilégiés avec un grand P.» À la fin de l’exposition-encan, une trentaine d’œuvres sont vendues à la criée, responsabilité assumée cette année par Patrick Masbourian. L’encan ne sert pas qu’à financer les activités de l’organisme: c’est aussi, en quelque sorte, la suite logique des ateliers créatifs. «Tu peux t’imaginer: t’es pas un artiste, t’as des problèmes de santé mentale, ta famille est tannée de voir tes dessins, elle ne sait plus où les mettre, pis du jour au lendemain t’es exposé au MAC avec le who’s who de l’art contemporain!» se réjouit Frédéric Palardy. Et la fierté de voir une mise à côté de son œuvre fait aussi son chemin dans le processus de rétablissement. «Que quelqu’un soit prêt à dépenser pour acheter ce qu’ils font donne aux Impatients le sentiment de contribuer, au lieu d’être un fardeau pour la société.» y Exposition-encan Parle-moi d’amour Musée d’art contemporain de Montréal Du 16 au 29 mars 2017 impatients.ca
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
ON ESCALADE LA PYRAMIDE? On a beaucoup parlé de préjugés dans les dernières semaines. De différences, de valeurs. On a relancé le débat sur l’importance de mettre en place notre charte des valeurs. De légiférer rapidement pour promouvoir la laïcité comme valeur commune, comme seule voie possible au vivre-ensemble. La laïcité obligatoire, donc, dans les fonctions de l’État. Parce que nous avons réussi à nous sortir du joug de la religion dans les années 1960 et que nous avons, de ce fait, atterri dans la modernité, tous devraient s’y plier. C’est drôle, parce que quand on fait référence à la modernité, ce qu’on entend le plus comme contreexemples dans les débats se résume en trois mots qui, comme le shish-taouk ou l’agneau vindaloo, ne faisaient pas partie de notre vocabulaire il y a 20 ans: le kirpan, le tchador et la burqa. Je parlais d’affranchissement par rapport à la religion et d’égalité homme-femme. Parce que l’un des arguments le plus souvent cité pour imposer la laïcité est l’asservissement de la femme face à l’homme, le symbole de soumission que représente le tchador. Je parlais le mois dernier d’intégration douce. Selon moi, si le tchador est réellement un signe de soumission et non un choix symbolique ou religieux, mais quand même un choix, il m’apparaît plus sage de compter sur le temps pour que ce bout de tissu disparaisse, qu’il se fasse moins présent, et que l’égalité entre l’homme et la femme soit atteinte. Je me suis longtemps décrit comme un athée, quelqu’un qui ne croyait pas en Dieu ni en l’Église. Mais j’ai depuis révisé ma position. L’athéisme me semble tout aussi dogmatique que bien des religions. Il existe des
intégristes chez les athées qui veulent convertir les croyants en non-croyants. Ça me semble tout aussi dangereux qu’un imam radical ou un chrétien fondamentaliste viscéralement opposé à l’avortement. Je suis maintenant agnostique. M’en fous. Tu veux croire, crois. Tu ne veux pas croire, ben crois pas. Mais respecte que ça me passe 10 pieds par-dessus la tête et essaie pas de me l’enfoncer dans la gorge. Je pense qu’on est une méchante gang comme ça au Québec. Je reviens sur le commentaire très entendu concernant la femme qui n’est pas traitée avec égalité dans la religion musulmane. Je ne vois pas de grandes manifestations et de grands déchirages de chemises reliés à l’impossibilité pour des femmes d’être ordonnées curées chez les catholiques. C’est pas injuste et rétrograde, ça? Comment ça, c’est pas pareil? Prendre en grippe une race, un segment sociodémographique, une ville et ses habitants, c’est laisser nos préjugés nous diriger. On ne se rend même plus compte qu’on les entretient en utilisant des cas d’espèce et en les généralisant. Un Chinois, ça conduit mal, un Polonais c’est toujours saoul, un Marocain, ça va se faire sauter. Dans le temps, quand j’étais plus jeune, un newfie, ben, c’était ça: un newfie. Je me pose la question: d’où viennent ces préjugés, qu’est-ce qui alimente la peur de l’autre, qu’est-ce qui nous rend si bêtes? Je ne suis pas meilleur qu’un autre. J’ai mes propres préjugés qui engendrent des comportements réprimandables. Je ne vais quand même pas vous divulguer tous mes défauts, mais sachez que quand je pense à des individus pour des postes de direction dans mes entreprises ou des conseils d’administration, j’ai encore trop souvent le réflexe de penser à des hommes. Je me
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> dompte, j’en prends conscience et je dois me donner quelques claques. Heureusement que des initiatives comme l’Effet A m’ont aidé à en prendre conscience. Me suis fait traiter de mononc’ une fois sur Facebook et ça m’a ébranlé. J’y pense encore. J’accuse mon éducation, mes a priori, l’époque qui m’a élevé, les médias vrais et les médias faux. Et je me trouve bon d’en avoir pris conscience et de travailler sur mes préjugés… Mais entre vous et moi, je ne suis pas sorti de l’auberge. Quand je tente de contrer les conséquences de mes préjugés et que j’y arrive tranquillement, je m’aperçois que j’en ai encore plein à régler. Comme la tête de la marmotte sur laquelle on doit cogner dans les jeux forains. Lutter contre ses préjugés, c’est un sport à temps plein. Devenir une meilleure personne, c’est ce à quoi j’aspire. Je vous avoue que ce n’est pas facile tous les jours. Dans la pyramide de Maslow, l’homme atteint le sommet lorsqu’il s’est actualisé. Je ne crois pas qu’ils soient nombreux, les hommes et les femmes, à y être arrivés. Mais je vais vous proposer un petit exercice d’escalade. Prenez un préjugé que vous avez et abordez-le sans a priori, avec une certaine ouverture d’esprit. Gardez-le pour vous, pas besoin de le dire à quiconque. Vous n’en avez pas? Vraiment? À part que les Arabes ont comme mission de nous convertir à l’islam et de nous faire obéir à la charia, rien d’autre? Ne pensezvous pas que la ville de Québec est pleine de fonctionnaires qui se plaignent le ventre plein, que les gays couraillent 10 fois plus que nous, que les pauvres sont gras dur et veulent juste rester sur le BS? OK, ces préjugés-là sont gros. Mais: je n’habiterais jamais en Ontario, j’irai jamais manger à Repentigny, je fais plus attention dans les stationnements des centres d’achat à Laval. Et que dire des conducteurs de Honda Civic rouges qui ont tous des casquettes… Ces préjugés sont un peu plus proprets. Forcez-vous, je suis sûr que vous allez en trouver quelques-uns. On a tous des préjugés et nous allons passer notre vie à les renforcer ou les éliminer. Bashung disait: «J’ai dans mes bottes des montagnes de questions.» Monter plus haut dans la pyramide implique de trouver des réponses, et d’éliminer nos préjugés. Prenez donc votre préjugé soigneusement choisi et faites un effort. Lisez, visitez, rencontrez, visionnez. Faites comme si vous vous donniez comme mission de faire une thérapie pour l’éliminer, vous en débarrasser. De mon côté, je vais profiter du congé scolaire pour m’attaquer à deux petits préjugés que j’ai. D’abord, je vais m’ouvrir à l’Ontario. Je ne connais pas mes voisins et, franchement, je trouve que c’est bête. Ensuite, je vais tenter de comprendre pourquoi quelqu’un peut adhérer au libertarisme. Finalement, j’irai peut-être manger à Repentigny, si vous insistez... Je ne vous promets pas de réussir à y arriver. Mais ne jugeons jamais un homme avant d’avoir marché un mille dans ses souliers. Bon repos. y
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QUOI FAIRE
DEAR CRIMINALS, PHOTO | VICTORIA DIMAANO
MUSIQUE
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MAUVES + MEDORA + DEAR CRIMINALS L E C E R C L E – 10 M A R S
Le retour de Mauves sur disque avec Coco, paru à l’automne dernier, était comme un retour à la source pour le quatuor que l’on peut qualifier de «jeunes vétérans» de la scène de Québec. Accompagnés de l’excellent Dear Criminals et des jeunes poulains de Medora, ils nous offriront une soirée dont la qualité est assurée.
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ALEXANDRE POULIN T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E P E T I T C H A M P L A I N - L E S 29 E T 3 0 M A R S
Alexandre Poulin est en ce moment sur la route pour prĂŠsenter les chansons intimistes de son plus rĂŠcent album. Livrant un folk portĂŠ par les guitares acoustiques et la voix susurrĂŠe, lâ&#x20AC;&#x2122;auteur-compositeur-interprète captive en concert lâ&#x20AC;&#x2122;auditoire dans son univers unique.
RICHARD SĂ&#x2030;GUIN S A L L E D E S J A R D I N S D E S A I N T-A U G U S T I N â&#x20AC;&#x201C; 18 M A R S
VĂŠritable monument de la musique dâ&#x20AC;&#x2122;ici, Richard SĂŠguin a repris la route il y a quelques mois avec ses collaborateurs pour donner une fois de plus Ă ses nombreux fans la chance de le voir sur scène. Sa plume nâ&#x20AC;&#x2122;a rien perdu de son aspect revendicateur et de sa soif de justice sociale, et ses 45 annĂŠes de carrière nâ&#x20AC;&#x2122;ont pas terni sa prĂŠsence scĂŠnique chaleureuse.
THE FRANKLIN ELECTRIC I M P Ă&#x2030; R I A L B E L L â&#x20AC;&#x201C; 25 M A R S
Le quatuor menĂŠ de front par Jon Matte sâ&#x20AC;&#x2122;amène Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ImpĂŠrial pour y prĂŠsenter au public de QuĂŠbec son pop-rock aux paroles intimistes et aux rythmes entraĂŽnants. Câ&#x20AC;&#x2122;est le groupe australien Woodlock qui assurera la première partie, un de ses rares passages dans la capitale!Â
SUUNS LE CERCLE â&#x20AC;&#x201C; 9 MARS
Suuns dÊbarquera au Cercle pour livrer le matÊriel inimitable contenu sur Hold/Still, leur troisième album studio. La musique du groupe est plus aboutie que jamais, aussi distinctive que difficile à dÊfinir. Surfant entre post-rock et math-rock, le groupe livre toujours des performances Êlectrisantes.
PHOTO | NICK HELDERMAN
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PHOTO | CARL LESSARD
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MARTHA WAINWRIGHT
JOSEPH EDGAR
PA L A I S M O N T C A L M – 6 AV R I L
L’ A N T I – 30 M A R S
Ayant fait paraître tout récemment Goodnight City, son septième album, l’auteure-compositriceinterprète Martha Wainwright s’affirme à nouveau comme l’une des artistes les plus inventives et uniques du paysage folk actuel. Armée de titres mettant parfaitement en valeur sa voix particulière, elle en met toujours plein la vue en concert.
L’auteur-compositeur-interprète acadien Joseph Edgar est arrivé en mai dernier avec Ricochets, son album le plus abouti à ce jour. Les saveurs rock et folk s’y mélangent admirablement et elles sont complémentées des arrangements brillants d’Andre Papanicolaou. À voir sur scène, absolument!
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PIAF A 100 ANS. VIVE LA MÔME! G R A N D T H É ÂT R E D E Q U É B E C – 8 M A R S
La grande Édith Piaf aurait eu 100 ans en 2017, et on lui rendra donc un vibrant hommage au Grand Théâtre! Rassemblant sur scène Marie-Thérèse Fortin, Sylvie Moreau, Betty Bonifassi, Catherine Major, le quatuor masculin a capella Quartom, Daniel Lavoie et Yann Perreau, ce concert d’envergure saura marquer les fans de «la Môme»!
LIANA BUREAU + FLOES MAELSTRØM – 9 MARS
Liana Bureau fera vibrer le Maelstrøm avec sa pop teintée d’électro pour le lancement de son premier EP en carrière. Réalisé par Dragos Chiriac (Men I Trust), celui-ci se veut à la fois dansant et planant, et saura certainement faire bouger la foule. La présence du trio électro/hip-hop Floes en première partie rehausse d’autant plus le potentiel de fête de cette soirée!
ALEX NEVSKY IMPÉRIAL BELL – 9 MARS
Toujours aussi charmeur, Alex Nevsky nous a présenté il y a quelques mois Nos Eldorados, son plus récent album. Résolument amoureux, il offre des textes accrocheurs et racoleurs peignant la beauté des relations en musique. Un concert à ne pas manquer pour ceux qui ont envie d’un peu de chaleur. >
PHOTO | JOHN LONDOÑO
60 UN REGARD NEUF
2016 6 - 2017
17 janvier au 4 février
LE JEU Par le Collectif Le vestiaire
14 février au 4 mars
FROID Par la Brute qui Pleure
14 au 25 mars
TRAFIQUÉE Par les Gorgones
4 au 22 avril
[MAL]HEUREUSES Par Cargø théâtre
2 au 6 mai
PAN TU GEMU (DU PAIN ET DES JEUX) Par Opus neuf
870, avenue De Salaberry
PHOTO | STÉPHANE BOURGEOIS & HÉLÈN E BOUFFARD
premieracte.ca - 418 694-9656
SCÈNE
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CONSTELLATIONS T H É ÂT R E D U T R I D E N T – 7 M A R S A U 2 AV R I L
Un an et demi après avoir fait équipe avec Bousille et les justes, voilà que le tandem Christian Michaud (comédien) et Jean-Philippe Joubert (metteur en scène) reprend du service. C’est l’actrice Valérie Laroche qui donne la réplique à Michaud dans ce duo romantique écrit par le Britannique Nick Payne.
61 QUOI FAIRE VOIR QC
VO2 #O3
O3 / 2O17
POUR RĂ&#x2030;USSIR UN POULET T H Ă&#x2030; Ă&#x201A;T R E P Ă&#x2030; R I S C O P E â&#x20AC;&#x201C; 1 4 A U 25 M A R S
Fabien Cloutier est de retour au bercail! Il nous propose Pour rĂŠussir un poulet, texte pour lequel il sâ&#x20AC;&#x2122;est vu remettre le Prix littĂŠraire du Gouverneur gĂŠnĂŠral en 2015, une pièce qui mettra notamment en vedette son grand complice Guillaume Cyr.
LA CANTATE INTĂ&#x2030;RIEURE L A B O R D Ă&#x2030; E â&#x20AC;&#x201C; 28 M A R S E T 1 E R AV R I L
La rayonnante DorothĂŠe Berryman est dirigĂŠe par la metteure en scène Alice Ronfard dans La cantate intĂŠrieure, un texte de SĂŠbastien Harrisson qui a ĂŠtĂŠ ĂŠtrennĂŠ au ThÊâtre de Quatâ&#x20AC;&#x2122;Sous en 2015. De la visite rare.
PHIL ROY S A L L E A L B E R T-R O U S S E A U â&#x20AC;&#x201C; 25 M A R S
Près de quatre ans après avoir tirĂŠ son ĂŠpingle du jeu Ă En route vers mon premier gala, lâ&#x20AC;&#x2122;humoriste Phil Roy se dĂŠvoilera sur scène avec un premier one-man-show. Lâ&#x20AC;&#x2122;humoriste irrĂŠvĂŠrencieux ÂŤĂ la bonne humeur contagieuseÂť prĂŠsentera le fruit de plusieurs mois dâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcriture et de rodage. Lâ&#x20AC;&#x2122;auteur SĂŠbastien Ravary (derrière SNL QuĂŠbec) lâ&#x20AC;&#x2122;a aidĂŠ Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ĂŠcriture.
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)CI TOUT EST FAIT MAISON SUR PLACE OU PROVIENT D ARTISANS LOCAUX DES PAINS BRIOCHĂ?S AUX BOISSONS GAZEUSES RUE DU &ORT 1UĂ?BEC ' 2 : q WWW LECHICSHACK CA
PHOTO | ANDREANNE GAUTHIER
62 QUOI FAIRE VOIR QC
VO2 #O3
O3 / 2O17
CINÉMA
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LOGAN EN SALLE LE 3 MARS
Dans un futur rapproché, un Logan épuisé prend soin du Professeur X, lui-même souffrant, dans un repaire camouflé près de la frontière mexicaine. Mais ses efforts pour se cacher du monde et de son passé sanglant se révèlent vains lorsqu’une jeune mutante apparaît, poursuivie par des forces sombres.
LES OUBLIÉS E N S A L L E L E 10 M A R S
Cette collaboration entre l’Allemagne et le Danemark dépeint un très sombre épisode de l’histoire danoise. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de prisonniers allemands formé d’adolescents est affecté au déminage des plages danoises, au péril de leur vie.
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BEAUTY AND THE BEAST EN SALLE LE 17 MARS
Le classique dâ&#x20AC;&#x2122;animation de Disney prend une toute nouvelle couleur dans cette refonte moderne. Un jeune prince, emprisonnĂŠ dans le corps dâ&#x20AC;&#x2122;une bĂŞte, ne peut ĂŞtre sauvĂŠ de son triste sort que par une seule chose: un amour sincère. Sa chance semble tourner lorsquâ&#x20AC;&#x2122;il rencontre Belle, la première femme Ă pĂŠnĂŠtrer son château depuis quâ&#x20AC;&#x2122;il a ĂŠtĂŠ ensorcelĂŠ.
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Les Frères de la Côte 5N INCONTOURNABLE DANS LE 6IEUX 1U�BEC
RUE 3AINT *EAN 1UĂ?BEC LESFRERESDELACOTEQC COM
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,E CAFĂ? BISTRO DU &AUBOURG
"RAISĂ?S 4ARTARES 3TEAK FRITES 0Ă&#x160;TES ET 0IZZAS
&ISH #HIPS 3ALADES "URGERS 0OUTINES
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GHOST IN THE SHELL EN SALLE LE 31 MARS
InspirĂŠ de la sĂŠrie dâ&#x20AC;&#x2122;animation japonaise du mĂŞme nom, ce film met en scène Major, une crĂŠature cyborg-humain unique au monde qui dirige lâ&#x20AC;&#x2122;escouade tactique Section 9. Ayant pour tâche de stopper les criminels et terroristes les plus dangereux au monde, Section 9 se retrouve face Ă un ennemi qui dĂŠsire dĂŠtruire tout lâ&#x20AC;&#x2122;avancement fait dans le domaine cybernĂŠtique par Hanka Robotics.
RĂ&#x2030;PARER LES VIVANTS E N S A L L E L E 10 M A R S
$Ă?JEUNERS -ENUS MIDI 4ABLES DgHĂ&#x2122;TE 0ROMOTIONS TOUS LES JOURS -ETS POUR EMPORTER
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Trois jeunes surfeurs affrontent une mer dĂŠchaĂŽnĂŠe. Sur le chemin du retour, un grave accident survient. Lâ&#x20AC;&#x2122;un des adolescents, Simon, nâ&#x20AC;&#x2122;est maintenu en vie que grâce Ă lâ&#x20AC;&#x2122;aide de nombreuses machines dans un hĂ´pital du Havre. Au mĂŞme instant, Ă Paris, une femme attend une greffe qui pourrait lui sauver la vie.
65 QUOI FAIRE VOIR QC
VO2 #O3
O3 / 2O17
F~gk[i Whh_l[ } ]hWdZi fWi
KONG â&#x20AC;&#x201C; SKULL ISLAND E N S A L L E L E 10 M A R S
Dans cette prĂŠquelle de lâ&#x20AC;&#x2122;histoire bien connue de King Kong, une ĂŠquipe dâ&#x20AC;&#x2122;explorateurs et de soldats mettent le cap sur une ĂŽle inconnue du pacifique. Ce quâ&#x20AC;&#x2122;ils sont loin de se douter, câ&#x20AC;&#x2122;est que celle-ci est peuplĂŠe dâ&#x20AC;&#x2122;animaux monstrueux et gigantesques.Â
T2 â&#x20AC;&#x201C; TRAINSPOTTING 2 E N S A L L E L E 31 M A R S
Vingt ans après les ĂŠvĂŠnements du premier film, Mark Renton revient Ă la maison. Les vieux amis sont toujours lĂ : Spud, Sick Boy, Begbie. Dâ&#x20AC;&#x2122;autres anciennes connaissances y sont toujours: chagrin, perte, joie, vengeance, haine, amitiĂŠ, amour, diamorphine, autodestruction et danger mortel sont prĂŞts Ă entrer dans la danse.
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ARTS VISUELS
BGL (BIENNALE DE VENISE 2015), PHOTO | MARIE-CHRISTINE MORIN
MANIF D’ART 8 J U S Q U ’ A U 14 M A I
Le Manif d’art bat son plein et continue de prendre d’assaut (presque) tous les centres d’artistes de Québec en plus du MNBAQ. La programmation est riche, de (très) haut calibre, et regroupe des artistes de la trempe de BGL et Annette Messager.
CORPS GRAVITAIRES + BEAUTÉ BRUTE M É D U S E + S A L L E M U LT I – 15 A U 17 M A R S
Le collectif montréalais La Tresse est de passage dans la capitale, à l’invitation de La Rotonde, pour présenter un trio inspiré par le langage Gaga d’Ohad Naharin. En double plateau avec la chorégraphe Geneviève Duong et ses Corps gravitaires.
DANIEL BARROW G A L E R I E 3 – 3 M A R S A U 2 AV R I L
Daniel Barrow manipule des rétroprojecteurs (oui, comme à la petite école!) pour créer des animations à l’aspect suranné. Très en vue, il a déjà réalisé des performances au MoMA PS1 et au Musée d’art contemporain de Los Angeles.
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