Magazine Voir Montréal V02 #06 | Juin 2017

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MONTRÉAL VO2 #O6 | JUIN 2O17 DESJARDINS, L’INTEMPOREL PIERRE LAPOINTE FESTIVAL FRINGE LES CINÉ-PARCS UN SAC DE BILLES TRUCK STOP THÉ DE TABLE + DOSSIER ESTIVAL + LE PROGRAMME DE LA VIRÉE CLASSIQUE OSM 2O17

Abonnement 12 numéros: 59$ + tx voir.ca/abonnement

LES TROIS ACCORDS



« UN FILM DE TENSION CROISSANTE, UN HUIS-CLOS PRENANT PLACE AU CRÉPUSCULE DE L’HUMANITÉ. »

« UN FILM PROFONDÉMENT BOULEVERSANT. EXTRÊMEMENT EFFRAYANT ET TENDU DU DÉBUT À LA FIN. »

TIME OUT

COLLIDER

« UN CHEF-D’ŒUVRE. L’UN DES FILMS LES PLUS TROUBLANTS ET EFFRAYANTS DE L’ANNÉE. »

« UN DÉLIRE PARANOÏAQUE. UN FILM D’HORREUR MAGISTRAL ET PERTURBANT. »

/FILM

INDIEWIRE

AU CINÉMA DÈS LE 9 JUIN « UN PETIT BIJOU, AUSSI PROFONDÉMENT SUBTIL QUE SUBTILEMENT PROFOND. »

HHHH

VARIETY

Un portrait intime et emouvant. DAILY EXPRESS

Brian COX Miranda RICHARDSON John SLATTERY

CHURCHILL Version originale anglaise

Un film de Jonathan Teplitzky

L’HISTOIRE MECONNUE DU DEBARQUEMENT

AU CINÉMA DÈS LE 16 JUIN

EXCLUSIVEMENT

EXCLUSIVEMENT

AU CINÉMA DU PARC DÈS LE 23 JUIN

AU CINÉMA DU PARC DÈS LE 7 JUILLET


V

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O2 O6 MONTRÉAL | JUIN 2017

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnatrice des contenus: Alicia Beauchemin Correctrice: Marie-Claude Masse

Directeur des ventes: Jean Paquette Adjointe aux ventes: Karyne Dutremble Ventes régionales: Céline Lebrun Représentants: Catherine Charbonneau, Daniel Boudreau, Aimé Bertrand, Stéphane Baillargeon, Claude Janet

PHOTO COUVERTURE Maxyme G. Delisle | leconsulat.ca

COLLABORATEURS

Julie Ledoux, Réjean Beaucage, Christine Fortier, Nicolas Gendron, Ralph Boncy, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Patrick Baillargeon, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Catherine Genest, Mickaël Bergeron, Alessandra Rigano, Alexandre Taillefer, Eric Godin

DISTRIBUTION

Transmet / Diffumag 514 447-4100

COMMUNICATIONS VOIR

OPÉRATIONS / PRODUCTION

Coordonnatrice promotion et mise en ligne: Anaïs Radé Coordonnateur marketing et projets spéciaux: Nicolas Perrette Directeur du développement web: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeurs et intégrateurs web: Emmanuel Laverdière, Martin Michaud Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleur: Patrice Sorrant / Administration générale: Céline Montminy Commis de bureau: Frédéric Sauvé Coordonnateur service à la clientèle: Maxime Comeau Service à la clientèle: Sophie Privé Chef de service, production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Deschambeault Infographie: René Despars

Président: Michel Fortin Vice-président: Hugues Mailhot

Impression: Imprimerie Chicoine

VOIR est distribué gratuitement par Communications Voir inc.

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LES TROIS ACCORDS: «DRUMMOND, C’EST LE CENTRE DU QUÉBEC. TU PEUX PAS ÊTRE MIEUX POSITIONNÉ GÉOGRAPHIQUEMENT PARLANT.» Photo | Maxyme G. Delisle (Consulat) Maquillage | Marianne Caron Assistant | Simon Couturier Production | Sébastien Boyer

8

SCÈNE

Festival Fringe

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MUSIQUE

26

DOSSIER

56

CINÉMA

64

ART DE VIVRE

68

LIVRES

72

ARTS VISUELS

78

QUOI FAIRE

Desjardins, l’intemporel Amours, délices et orgues

Portaits du Québec

J’irai toujours au ciné-parc Un sac de billes

Thé de table

Contes pour motocyclistes Le séducteur Un parc pour les vivants

Truck Stop

CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p12) Monique Giroux (p24) Normand Baillargeon (p62) Alexandre Taillefer (p76)


6 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #O6

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

MÂCHOUILLER L’IDENTITÉ Il m’arrive de penser qu’avant même d’avoir pu nommer les choses, nous avons commencé par les toucher de toutes les manières possibles en nous les mettant notamment dans la bouche. Vous n’avez pas de souvenir de ça. Moi non plus d’ailleurs. C’est un moment oublié, enfoui dans les origines de l’enfance. Un peu comme l’Éden peutêtre... Il m’arrive, lorsqu’il pleut comme il pleut depuis un mois, d’échafauder des hypothèses saugrenues en regardant par la fenêtre. Imaginez un peu si cette idée de paradis terrestre, à laquelle nous avons cru pendant si longtemps, n’était au fond qu’une réminiscence furtive et diffuse du moment où il fallait mâchouiller le monde qui nous entoure pour le comprendre. Voilà, à l’origine, avant même d’être dit ou réfléchi, le monde était une collection de trucs qu’il fallait serrer dans nos doigts et entre nos lèvres. De la terre à jardin aux cailloux des ruisseaux, de la brosse à chat au petit bateau dans le bain, tout devait passer dans nos mains et notre bouche pour gagner une signification première. Tout ce qu’on nous donnait pour jouer était un truc qui pouvait se mâcher. Êtres civilisés que nous sommes désormais, capables de discours et de sparages grandiloquents, notre première connaissance du monde qui nous entoure repose sur le mâchouillage, le suçage et le mastiquage. C’est sur ces bases lointaines et oubliées que se fonde notre rapport aux autres, à la famille, aux amis, au groupe. Bon. OK. J’écrirai un jour un livre de psychopop qui s’intitulera: Sucer, ou la vérité sur les fondements de la civilisation.

Je voulais vous parler d’autre chose. Je me préparais à écrire cette chronique en voyant arriver le mois de juin, en pleine journée des patriotes, alors que le Parti québécois et Québec solidaire vivaient la grande déchirure que l’on connaît. Sans doute le drame le plus plate de notre époque. J’allais vous parler de mes paniers que je sors du sous-sol tous les printemps et de mon opinel que j’aiguise en songeant aux sentiers humides où bientôt pousseront les champignons. J’ai le genou qui grouille d’aller prendre la route à la recherche de pessières inconnues au fond des rangs. J’écoutais donc tous ces gens très convaincus discourir sur le sort de la nation et de l’identité. L’identité, gros point de discorde depuis une dizaine d’années au Québec. C’est une grande question: comment dire ce que nous sommes, ce qui nous distingue, ce qui nous identifie? Par quelles sortes de liens sommesnous liés, sur quels aspects sommes-nous semblables? Ce qui est curieux et que je m’explique mal, c’est cette manie que nous avons de parler d’identité uniquement lorsqu’une curiosité religieuse exotique se pointe dans notre horizon médiatique. Dès qu’un type fait la manchette parce qu’il ne veut pas manger de porc à la cafétéria ou qu’une femme porte un voile sur un boulevard ou encore qu’on souhaite égorger un mouton en plein air, alors là, c’est la totale! À Rome, on fait comme les Romains, que je vous entends crier. Ah ouais? Ils font quoi, au juste, les Romains en ces contrées qui sont les nôtres? Ne me dites pas qu’ils vont au buffet du coin, près du motel à la sortie de l’autoroute, manger des mets chinois et canadiens.

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7 CHRONIQUE VOIR MTL

En fait, nous ne parlons d’identité que pour répondre à l’altérité, pour la dénoncer, nous en protéger ou l’inclure. C’est tout. L’inclure dans quoi? Fouillezmoi un peu. Jamais nous ne parlons de ce qui se goûte, ce qui se sent, s’entend ou se respire. Nulle part, dans toute cette zizanie, il n’est question de saveurs, de paysages, de sons ou d’odeurs. Jamais le travail des artisans d’ici n’est mis de l’avant. Le terroir et le territoire sont des non-lieux de notre réflexion sur l’identité. C’est d’une insupportable suffisance. Nous n’arrivons même pas à nous nommer. C’est tout un chantier qu’il faudrait entreprendre pour mettre en valeur les paysages, le patrimoine, les aliments, le savoir-faire des paysans et des artisans. Nous n’avons pas avancé d’un centimètre dans le domaine des appellations contrôlées. Du sirop d’érable, c’est du sirop d’érable, man! Ça goûte l’érable, t’entends? Et du beurre, ben c’est du beurre. Pareil de Rouyn à Bonaventure. Ça fait la job. Notre patrimoine se désintègre dans l’indifférence quand nous ne le démolissons pas nous-mêmes à grands coups de briques roses et d’escaliers blancs et droits en aluminium pour remplacer le fer forgé. Moins cher, plus rapide. On ne va quand même pas se faire chier avec ça. Une identité, ça se goûte, ça se mange, ça se contemple, ça se parcourt au gré des chemins imprévisibles, ça s’entend, ça se sent sur les battures, dans les bois humides. Ce n’est pas un simple cossin qu’on brandit quand on a peur. Au contraire, c’est quelque chose qu’on ressent, dans le calme, lorsqu’on est en paix avec soi-même, quand on ferme les yeux… L’odeur du pain grillé dans le grille-pain, le goût de la confiture, la texture du blé d’Inde. Quand je me demande d’où je viens et qui je suis, ce ne sont pas de grandes idées qui me viennent à l’esprit. Ce sont des sensations qui me prennent au corps, qui viennent de très loin et qui se traduisent en mots simples. L’odeur dans la maison avec mon père qui cuisine des galettes de sarrasin confectionnées avec cette fameuse farine du moulin de L’Isle-auxCoudres où nous étions allés en vacances, avec en arrièreplan les sons de la ruelle dans l’Est, les craquements de la berçante de ma grand-mère,

VO2 #O6

ma mère qui préparait des sandwichs aux œufs pour pique-niquer sur la route en direction d’Ogunquit, et ce goût, dans ma bouche avec du jus de raisin. J’entends que dans les mois à venir, la lutte sera féroce entre les partis politiques qui aspirent au pouvoir. C’est à savoir qui aura la meilleure idée pour mettre en valeur l’identité québécoise afin de circonscrire ce que nous sommes et nos aspirations profondes. J’oserais risquer un conseil tout simple. Plutôt que de vous lancer dans de grandes envolées idéologiques, d’abord et avant tout, demandez-vous pourquoi vous sucez. y sjodoin@voir.ca

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8 SCÈNE VOIR MTL

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FESTIVAL FRINGE: PIGÉ SUR LE VOLET Il y a 70 ans, en Écosse, était fondé le Festival Fringe, comme une proposition parallèle au Festival international d’Édimbourg. Ouvert à tous et proposant des spectacles à prix modiques, ce festival s’est transformé en mouvement qui s’est répandu un peu partout autour du globe. Depuis 27 ans, Montréal propose son propre Fringe, une façon éprouvée de faire vivre l’art et les artistes d’ici. MOTS | JÉRÉMY LANIEL

a jeune Amy Blackmore vit au rythme du festival depuis toujours. «J’ai commencé comme bénévole à l’âge de 17 ans, après j’ai travaillé comme artiste avant de devenir adjointe du directeur du festival en 2008. J’ai pris sa place en 2010 et c’est en 2013 que je suis devenue directrice générale et artistique du Théâtre MainLine et du Fringe.»

L

Présentant chaque année plus d’une centaine de spectacles en plus de 800 représentations, le Fringe est d’une grande singularité. Les spectacles choisis le sont par tirage au sort, respectant différents quotas quant aux productions sélectionnées – 35% québécois francophone, 35% québécois anglophone, 15% hors Québec et 15% internationaux. Il n’y a donc pas, année après année, une vision artistique claire, si ce n’est celle de la liberté, d’une jeunesse et du dynamisme clair d’une communauté pour qui le festival joue un rôle d’incubateur à projets.

PHOTO | TRISTAN BRAND

Les productions qui gagnent leur place lors du tirage au sort doivent payer des frais de 650$ pour présenter leur spectacle, mais elles bénéficient d’une salle équipée ainsi que d’un technicien, en plus d’un accompagnement quant à la production et au marketing du spectacle. De plus, toute production étant présentée au Fringe encaisse 100% des revenus de la billetterie, alors que les billets, eux, ne dépassent jamais 10$, qu’importe le spectacle. «Cette année, on a 103 spectacles avec 800 représentations, sur 272 spectacles qui avaient participé au tirage au sort. Il y a des artistes qui sont finissants d’écoles de théâtre et pour qui le Fringe est une occasion d’avoir une salle équipée, mais on a aussi des artistes professionnels qui viennent au Fringe pour des laboratoires, pour tester des idées. Il y a aussi des artistes qui font la tournée Fringe, se promenant dans plusieurs festivals Fringe à travers le Canada et les États-Unis, explique Amy.»

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AMY BLACKMORE


10 Le Festival St-Ambroise Fringe de MontrÊal est l’un des 25 Fringe prÊsentÊs au Canada. Souvent qualifiÊ du plus petit des plus gros Fringe du Canada, il n’en demeure pas moins qu’il est tout aussi particulier que la ville dans laquelle il est prÊsentÊ.

7FFEHJ;P LEJH; L?D

ÂŤLe Fringe, avant d’être un festival, c’est un mouvement. Un mouvement ouvert, dĂŠmocratique et toujours changeant dans le temps. Tous les festivals Fringe au Canada, en AmĂŠrique du Nord et dans le monde reflètent très bien la ville dont ils sont issus, c’est pourquoi le festival Fringe de MontrĂŠal est unique, car la ville elle-mĂŞme l’est. Ç’a commencĂŠ comme un festival plutĂ´t anglophone. Ç’a ĂŠtĂŠ fondĂŠ par deux ĂŠtudiants Ă McGill, mais quand le festival a dĂŠmĂŠnagĂŠ sur le Plateau, une ouverture s’est crĂŠĂŠe. Il y a des jeunes francophones en thÊâtre qui l’ont dĂŠcouvert, et comme c’est un festival qui appartient aux artistes, quand ils ont commencĂŠ Ă se l’approprier, c’est lĂ qu’on a commencĂŠ Ă voir ce mĂŠtissage. C’Êtait l’un de mes souhaits quand j’ai commencĂŠ Ă y travailler.Âť

ÂŤLE FRINGE, AVANT D’ÊTRE UN FESTIVAL, C’EST UN MOUVE MENT. UN MOUVEMENT OUVERT, DÉMOCRATIQUE ET TOUJOURS CHANGEANT DANS LE TEMPS.Âť Si au Fringe l’artiste est libre et non censurĂŠ, le public, lui, est curieux et fidèle. ÂŤC’est un public qui aime prendre des risques, raconte Amy. Les spectacles sont courts et les billets sont peu chers, le festival permet au public de prendre ce genre de risque. En mĂŞme temps, c’est le public qui dĂŠcide, annĂŠe après annĂŠe, des spectacles qui fonctionnent. Au Fringe, on dit que c’est le bouche-Ă -oreille qui est le roi, alors que c’est le #FringeBuzz qui est la reine. Et tout ça, eh bien, c’est le public qui le gĂŠnère.Âť Le #FringeBuzz, ce sont ces papiers distribuĂŠs avant chaque spectacle sur lesquels ceux qui y assistent peuvent inscrire une courte critique et une note avant de les dĂŠposer au quartier gĂŠnĂŠral du festival ou encore les envoyer sur les rĂŠseaux sociaux. Ainsi, ceux qui dĂŠsirent s’acheter des billets pourront consulter les avis de tout un chacun pour faire un choix ĂŠclairĂŠ. Au Fringe, les succès comme les ĂŠchecs, c’est le public qui les dicte.

sÂŤ~˜ ˜ ˜ ˜ - .0 2- !0ĂŒ0#- ĂŒ.2. Ă•ÂĽĂ?ÂĽ_ĂŒ #2 ²ĂŒ ĂŒ -- #2 7 _ĂŒ, ĂŒĂŒ É.ĂŒĂ• É TQÂŤ n•G GGTG

On peut comprendre que le festival, finaliste au Grand Prix du Conseil des arts de MontrĂŠal ainsi qu’hĂ´te du Congrès mondial Fringe tenu pour la première fois hors d’Édimbourg, a autant adoptĂŠ la ville que l’inverse. Il fallait sentir l’effervescence des fidèles prĂŠsents lors de la confĂŠrence de presse dĂŠvoilant la programmation de cette annĂŠe. Le Fringe, c’est surtout une grande fĂŞte artistique et libre, qui donne le coup d’envoi de notre saison estivale, qui assiège un quartier dans des salles mĂŠconnues pour nous prĂŠsenter parfois des bijoux de simplicitĂŠ. La bonne nouvelle, c’est que vous y ĂŞtes tous conviĂŠs. y Jusqu’au 18 juin montrealfringe.ca



12 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #O6

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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

LE PROBLÈME DE LA MIRACLE WHIP J’ai découvert le Québec, le fleuve et, essentiellement, mon identité culturelle vers l’âge de 17 ans. À la fin de ma première année de cégep, j’ai pris un billet d’autobus pour Baie-Saint-Paul. Je voulais partir, loin de Montréal, et Baie-Saint-Paul sonnait à mes oreilles comme l’aventure. Baie-Saint-Paul, ça sonnait... loin! Au terminus Berri, avec une cassette d’Harmonium jouant dans mon walkman jaune, je me trouvais extrêmement aventurière. Dans le bus, j’ai dû m’endormir en regardant défiler l’autoroute 20 et puis, un peu passé La Malbaie, j’ai demandé au chauffeur: «Quand est-ce qu’on arrive à Baie-SaintPaul?» Je me souviens qu’il a souri gentiment en me disant qu’on avait dépassé la baie depuis belle lurette et que son prochain arrêt était Tadoussac. Le nom me disait vaguement quelque chose. Il faisait noir, il pleuvait, il faisait froid. Le mois de mai version récalcitrante. Je savais qu’il y avait une auberge de jeunesse à Baie-Saint-Paul; tout ce qui se trouvait au-delà relevait du mystère. Je connaissais le Maine et ses homards, le Vermont, mais le Québec, très peu. Sur le traversier entre Baie-SainteCatherine et Tadoussac, j’hésitai entre la panique et l’émerveillement devant le fjord magique. Un gentil monsieur est venu vers moi et m’a offert d’aller me reconduire à l’auberge de jeunesse de Tadoussac, en haut de la côte; une jolie maison ancestrale où des jeunes de mon âge, en majorité des Français, jouaient, à la guitare, des chansons de Beau Dommage devant un feu de foyer. Cré-moé, cré-moé pas. Le lendemain, je suis allée aux Castors avec de jeunes Français qui portaient des mocassins, je suis allée voir les baleines qui, à l’heure de l’apéro, viennent danser majestueusement dans le fleuve. Il y avait un Didier et un Xavier avec moi et nous

avions acheté de la bière pour faire corps avec l’euphorie que procure l’immense beauté de ce fjord gonflé d’une lumière et d’une énergie vibrante. Je devais rester trois jours à Baie-Saint-Paul, je suis restée dix jours à Tadoussac. Une bénévole, logée à l’auberge, s’occupait des chiens de traîneaux, je crois qu’elle venait de Bordeaux. Le soir, elle préparait de la tourtière et du ragoût de chevreuil. Les backpackers français étaient aux anges. Je me souviens même d’un garçon de Nîmes qui portait la ceinture fléchée. C’est donc à travers le regard émerveillé de jeunes Français que j’ai découvert mon petit univers et mon grand fleuve porteur. Je lui suis devenue fidèle. Au fil des ans, j’ai exploré tous les villages de la Gaspésie et puis, doucement, j’ai parcouru ce vaste pays de lacs, de rivières, d’émerveillement. L’an dernier, j’ai loué un chalet dans Lanaudière. Un soir de pluie, j’ai voulu changer de décor et suis allée souper dans une pourvoirie pas très loin où la vue sur l’immense lac est à couper le souffle et où la truite est si fraîche qu’on en pleurerait presque d’émotion. Dans la salle, que des Français. La waitress, Nicole ou Suzanne, m’a dit: «Si on n’avait pas les Français... y débarquent en autobus. L’hiver, pour la motoneige, l’été, c’est la pêche.» Il y a quelques années, je suis allée faire un reportage chez les Attikameks en Haute-Mauricie. Un paysage étonnant, tout comme sa communauté autochtone. Les Indiens y tenaient un hôtel haut de gamme… Les clients: des Français. À Paris, j’ai obtenu pas mal d’entrevues avec des gens très, très occupés qui me disaient: «Comment vous refuser un entretien? J’ai passé le plus beau Noël de ma vie dans une yourte par -25 °C à SaintMichel-des-Saints, j’ai fait du kayak à Forillon avec

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13 mes enfants, il y a 5 ans, c’était magique!!!!» Etc., etc. «Alors, du coup, j’adoooooooore le Québec!!!!» C’est un peu la caricature du Québec qu’ils aiment, un côté pittoresque et caricatural, mais il y a un véritable enchantement. De l’Amour. Il y a une chanson de Tori Amos qui dit, de mémoire: When you are going to make up your mind, when you are going to love you as much as I do… Things are going to change my love. On pourrait traduire ce refrain de manière un peu simple par: Quand tu vas t’aimer comme je t’aime, les choses vont changer. Si nous nous aimions, y aurait-il cet infini boulevard Taschereau qui engourdit de laideur Matane ou SainteAnne-des-Monts? Ces incongruités architecturales qui défigurent l’île d’Orléans? L’île aux Coudres? Pourquoi n’y a-t-il pas au Québec des règles plus sévères d’urbanisme pour prévenir de la laideur cette beauté «hors-norme»?

«COMMENT EXPLIQUER, NI PLUS NI MOINS, LES MASSACRES D’URBANISME QUI PLOMBENT PARMI NOS PLUS BEAUX PAYSAGES.» À Nantucket, village de riches vacanciers du Massachusetts, toutes les maisons ont des toits en bardeaux de cèdre. C’est magnifique. Les gens vont y goûter le luxe calme et la volupté. Le respect de l’unité architecturale crie l’invitation au voyage. Les Québécois aiment-ils leurs agriculteurs? Leurs pêcheurs? Leurs éleveurs? Moi qui prends la route depuis 20 ans, je suis toujours un peu perplexe quand on me propose, à GrandeVallée, une guédille au homard pêché le jour même avec… de l’infecte sauce à salade Miracle Whip, quand la grande épicerie d’une ville de pêcheurs sur la Côte-Nord vend du Tilapia parce que toute la pêche de chez nous est partie en Chine ou au Japon, ou quand on me sert de la margarine à Saint-Joseph-de-la-Rive parce que la laiterie du coin envoie toute sa production ailleurs… Les Québécois s’aiment-ils? Sont-ils curieux de leurs fameux grands espaces? Aiment-ils leur territoire? Malheureusement, je n’en suis pas du tout certaine. Sinon, comment expliquer, ni plus ni moins, les massacres d’urbanisme qui plombent parmi nos plus beaux paysages et le mépris de nos saveurs à grand renfort de Miracle Whip? y



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DESJARDINS, L’INTEMPOREL À près de 70 ans, Richard Desjardins fait encore l’unanimité. Intemporelle, son œuvre transcende les générations. Autour d’un verre dans un bar montréalais, nous discutons de son vaste répertoire, de son influence et de son héritage avec Klô Pelgag, Philippe B, Bernard Adamus, Mélanie Boulay et Michel-Olivier Gasse, qui prendront tous part au spectacle Desjardins, on l’aime-tu!.

MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTOS | CHRISTIAN LEDUC

Présenté aux FrancoFolies de Montréal et au Festival d’été de Québec, ce spectacle met aussi en vedette Avec pas d’casque, Safia Nolin, Fred Fortin, Koriass, Keith Kouna ainsi que les autres auteurs-compositeurs-interprètes ayant participé à l’album hommage Desjardins, paru en avril dernier sous 117 Records. Initiée par le fondateur de l’étiquette, Steve Jolin, cette compilation a été élaborée de connivence avec le réalisateur Philippe B. «D’une façon abstraite, on cherchait à avoir des gens qui fittaient avec Richard, donc pas trop mainstream», explique ce dernier quant au choix des artistes. «On voulait des musiciens relativement jeunes et alternatifs, pour qui la poésie est importante. On pouvait évidemment déroger un peu de cette direction-là, mais c’était ça qui nous guidait essentiellement.» Même s’il ne s’est pas du tout imposé dans le processus, Richard Desjardins a eu une certaine emprise sur la création. Bien malgré lui, son aura a eu des effets parfois intimidants. «Pendant des mois, j’étais terrorisée. C’était terrible!», envoie Klô Pelgag, qui a finalement relevé le défi de reprendre l’épique fable Les Yankees avec son ami Philippe Brach.

«Je voulais pas te faire souffrir», réplique le réalisateur, sourire en coin. «Non, mais, je capotais. La nuit, je l’avais dans la tête, je dormais pas. Il a fallu qu’on aille prendre un café ensemble pour que tu me rassures», confie-telle. «Après ça, je suis allée travailler de mon bord avec mon équipe. On a commencé avec le piano, les trucs sobres, et ensuite, on a déconstruit la partie harmonique.» Sans faire de l’insomnie, Philippe B a lui aussi eu de la difficulté à trouver le ton juste pour reprendre l’emblématique … et j’ai couché dans mon char. «Y a du texte pendant six minutes, donc si je la faisais plus lente, c’était interminable, alors que plus vite, ça devenait trop difficile à chanter. En fin de compte, ma version donnait la même affaire que celle de Richard, mais en moins bon. C’était juste vraiment plate», admet le Rouyn-Norandien, qui s’est finalement rabattu sur Y va toujours y avoir, tirée du premier album d’Abbittibbi. «Nous, on l’a pratiquée toute une soirée», enchaîne Bernard Adamus, à propos de Mammifères, pièce aux influences jazz rock progressives qu’il a lui-même

DE HAUT EN BAS, DE GAUCHE À DROITE: BERNARD ADAMUS, KLÔ PELGAG, MICHEL-OLIVIER GASSE (SARATOGA), MÉLANIE BOULAY (LES SŒURS BOULAY)

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proposée à Philippe B. «On était tous d’accord sur le fait d’enlever les parties prog de flûte, tout en gardant les changements d’accords, mais même à ça, ça levait pas vraiment… Au moment où je m’en allais partir, plus ou moins satisfait, mes musiciens ont parti un autre thème, pis là, ç’a roulé.»

«Moi, c’est à 16 ans, dans un appartement, avec l’album Live au Club Soda», se presse de dire Adamus dès qu’on lance les mots «premiers souvenirs». «C’est la première fois que j’entendais quelque chose d’aussi cool que Plume Latraverse. Enfin y en avait un autre qui savait chanter au Québec.»

«Nous aussi, on a cherché à décomplexifier la structure», ajoute Mélanie Boulay, qui reprend avec sa sœur la touchante L’engeôlière. «C’était tout un défi, car je la considère comme l’une des plus belles chansons d’amour jamais écrite.»

«C’est un album fin, brillant, punché», poursuit Mélanie Boulay. Très jeune lorsque l’album est sorti, la musicienne gaspésienne a découvert Desjardins au début de l’adolescence lorsqu’elle a participé au Camp chanson de Petite-Vallée: «On avait interprété Nous aurons en gang d’enfants. C’était quand même cute. C’est là que j’ai compris que ça pouvait être intéressant de plus porter attention à l’émotion du texte qu’à la façon de le chanter.»

Le duo Saratoga a également cherché à aborder autrement le succès monumental Quand j’aime une fois j’aime pour toujours. «On a d’abord essayé d’intellectualiser la toune pour finalement se rendre compte qu’on devait juste la jouer. La beauté de ne pas être si bons que ça, c’est qu’on était certains que notre cover serait pas mal différent de la version originale!», blague Michel-Olivier Gasse. Souvenirs et impact Tous des fans invétérés du bum le plus célèbre de Rouyn, les cinq artistes partagent des souvenirs bien distincts de leur contact initial avec son œuvre.

Pour Philippe B, c’est Abbittibbi qui a davantage résonné à la fin de l’adolescence, alors qu’il était le chanteur de la formation Gwenwed: «Je trouvais ça cool le mélange d’influences semi-intégrées, un peu comme si The Band essayait de faire du prog. Ça donnait un son vraiment particulier, mais la plume de Richard était déjà là.»

PRÉFESTIVAL

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LES GRANDS SPECTACLES

THE IRISH BASTARDS • ÉPLUCHETTE DE CREVETTES À LA CAPITALE DES PÊCHES À RIVIÈRE-AU-RENARD • CHŒUR DU BOUT DU MONDE • PROJECTIONS DU CRÉPUSCULE • SOIRÉES DESJARDINS SCÈNE LOTO-QUÉBEC BOMBOLESSÉ • ELEPHANT STONES • ILAM • LES BANDIDAS • FRED FORTIN

Jeudi 10 août / 20 h

ALEX CUBA GREGORY CHARLES Vendredi 11 août / 20 h

YANN PERREAU VALAIRE Samedi 12 août / 20 h

9 AU 13

AOÛT 2017

PRÉFESTIVAL DU 4 AU 8 AOÛT

14 e ÉDITION

LA CHIVA GANTIVA TIKEN JAH FAKOLY Concert au lever du soleil à 4 h 45 du matin dimanche 13 août

CHLOÉ STE-MARIE HORAIRE COMPLET ET BILLETTERIE SUR

musiqueduboutdumonde.com


17 «J’ai vu Abbittibbi pour la première fois à la salle Maurice-O’Bready à Sherbrooke. À ce moment-là, j’étudiais en musique, donc j’aimais ça, les affaires complexes», se souvient Gasse, en riant. Moins bavarde depuis le début de cet échange commémoratif, Klô Pelgag se lance timidement une fois son tour venu. «J’ai pas de souvenirs extraordinaires… Mais j’me rappelle qu’à un moment donné, fallait que j’aille garder un enfant parce que ses parents allaient voir un show de Richard Desjardins», confie-t-elle, provoquant du même coup un éclat de rire collectif. «Mais pour vrai, y avait tellement pas de shows chez nous à Sainte-Annedes-Monts que j’m’en veux de pas y être allée.» Depuis, la chanteuse s’est initiée avec plus d’intérêt à l’univers de Desjardins. Pour elle, l’héritage que ce dernier laisse sur la musique québécoise est équivalent à celui qu’a légué Jacques Brel aux Belges et aux Français.

«C’ÉTAIT UN PUNK DANS L’ÂME. Y AVAIT BEAU ÊTRE ASSIS AU PIANO, C’ÉTAIT L’HOMME LE PLUS VIRIL QUE TU POUVAIS PAS TROUVER SUR UNE SCÈNE.» «Selon moi, Desjardins est plus sauvage», nuance Bernard Adamus. «Oui, parce que Desjardins ressemble aux Québécois», répond Pelgag. «Il utilise des mots du quotidien pour écrire une poésie profonde et intelligente. Sa voix singulière et sa façon d’interpréter donnent un sens nouveau à chaque mot qu’il prononce.» «C’est ça qui me frappe aussi», poursuit Mélanie Boulay. «Il a aussi réinventé des expressions pis des images, mais juste en changeant un mot ou deux.» «Desjardins, c’est la preuve tangible que, pour faire ce métier-là, t’as plus besoin d’une personnalité que d’une voix. C’est un peu pour ça que je le trouve

STÉPHANIE BOULAY (LES SŒURS BOULAY) ET PHILIPPE B

encore très actuel. Contrairement à des vieux disques de Piché ou de Vigneault, son œuvre appartient pas au passé», analyse Michel-Olivier Gasse, à propos de celui qu’il considère comme «le premier vrai DIY au Québec». «C’est un de nos plus grands créateurs», résume Philippe B. «Dans un autre contexte que celui des années 1980, il aurait pas eu à se démener autant.» «Les derniers humains pis Tu m’aimes-tu, ça va toujours rester des albums poétiquement forts et évocateurs. Ces œuvres-là vont encore longtemps faire rêver un petit cul idéaliste de 16-17 ans qui veut toute haïr, surtout l’école, pis crisser le camp de chez eux», lance Bernard Adamus dans un élan incarné aux allures de récit autobiographique. «C’était un punk dans l’âme. Y avait beau être assis au piano, c’était l’homme le plus viril que tu pouvais pas trouver sur une scène. À cette époque-là, c’tait certainement pas les outfits à Mario Pelchat qui allaient faire rêver un enfant de 15 ans.» y Desjardins, on l’aime-tu! FrancoFolies de Montréal 11 juin – Scène Bell (Place des Festivals) avec tous les artistes de la compilation et autres invités Festival d’été de Québec 6 juillet – Scène Bell (Plaines d’Abraham) avec tous les artistes de la compilation sauf Saratoga et Safia Nolin



19 MUSIQUE VOIR MTL

VO2 #O6

QUAND L’AVANT-GARDE FAIT DE LA POP PIERRE LAPOINTE PRÉSENTE AMOURS, DÉLICES ET ORGUES, UN NOUVEAU SPECTACLE MULTIDISCIPLINAIRE À QUÉBEC ET À MONTRÉAL, UNE RENCONTRE ENTRE DISCIPLINES QUI ASPIRE À CHARMER PLUSIEURS TYPES DE PUBLICS, AUTANT AVERTI QUE NÉOPHYTE. LE CRÉATEUR PRÉSENTE UN PROJET AUDACIEUX, À L’IMAGE D’UNE CURIOSITÉ QU’IL NOURRIT DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES. MOTS | ALESSANDRA RIGANO

Un passage à Nice, au Hi hôtel aménagé par Matali Crasset, designer de renommée internationale, puis un premier concert avec l’organiste en résidence de l’OSM auront été des événements déterminants pour la matérialisation d’Amours, délices et orgues. Le premier événement l’a mené à se lier d’amitié avec la designer, tandis que le deuxième l’a inspiré à présenter un spectacle dans une salle destinée à la musique classique, ce qui éveillera chez lui l’idée de faire intervenir le design pour résoudre les contraintes de performances. Pour ce passionné du design, c’est aussi une façon de donner de la visibilité à cette discipline et d’y sensibiliser le public québécois. Une démarche que l’on associe bien au chanteur qui aime également se qualifier de «chercheur» en se donnant le défi de décloisonner l’accès aux pratiques contemporaines. «Tout le monde est sensible à la beauté et à l’émotion […] on n’a pas besoin d’une maîtrise en art contemporain pour le voir et l’apprécier.» Pierre Lapointe prend ainsi la chanson comme «prétexte pour faire tomber les frontières entre les médiums», une démarche qu’il a entreprise dès les débuts de sa carrière en travaillant avec des artistes visuels comme David Altmejd ou Dominique Pétrin, tantôt pour habiller ses pochettes d’albums ou pour proposer des spectacles éclatés.

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Avec Amours, délices et orgues, le chanteur demeure fidèle à lui-même en poussant le concept de rencontre un peu plus loin, dans une formule qui conjugue voix, danse et orgue. Pour ce faire, il a rassemblé une équipe éclectique composée de l’organiste Jean-Willy Kunz, de l’auteur Étienne Lepage, du chorégraphe Frédérick Gravel, du concepteur d’éclairage et collaborateur de longue date Alexandre Péloquin, de la comédienne Sophie Cadieux pour la mise en scène et de Matali Crasset pour la scénographie. D’ailleurs, son coup de cœur pour le travail de la designer s’explique facilement; elle a fait ses armes aux côtés de Philippe Starck et cultive une démarche basée sur l’expérimentation qui lui a permis de s’aventurer en graphisme, en architecture intérieure et en design industriel en osant se servir de couleurs et de formes atypiques. «Elle a un esprit communautaire, une conscience sociale et écologique qui est assez inébranlable dans son travail. Au-delà de sa forme plastique, il y a une démarche qui est très intègre et ça suscite beaucoup d’admiration chez moi.» Accompagné d’étudiants de l’UQAM, Matali Crasset a développé une scénographie composée d’un système de formes super-

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Le Festival débarque bientôt !

28 juin au 8 juillet 2017

Billets en vente maintenant

38e

Salle Wilfrid-Pelletier, PdA • 19 h 30

LES ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX

TD

Progamme double

Bobby Bazini Summer Is Gone

LA LA LAND IN CONCERT

Feist

première partie : Charlotte Day Wilson

Melissa Etheridge Joss Stone

première partie : Jack Broadbent

2 juillet

4 juillet

5 juillet

7 juillet

Théâtre Maisonneuve, PdA • 19 h 30

LES GRANDS CONCERTS

Concert de clôture en collaboration avec

The Stanley Clarke Band

Harlem Gospel Choir

première partie : The Jeremy Pelt Quintet

30 juin

3 juillet

Monument-National • 20 h 30

Christian McBride and Tip City 1er juillet

JAZZ BEAT

en collaboration avec

The Barr Brothers, Bassekou Kouyaté & Amy Sacko

Matt Holubowski

première partie : Esmerine

première partie : Helena Deland

7 juillet

8 juillet

Métropolis • 20 h 30

LES RYTHMES

Progamme double

Progamme double

Harry Manx avec le Quatuor esca

The Strumbellas Whitehorse

Groenland San Fermin

7 juillet

6 juillet

7 juillet

montrealjazzfest.com

Billetterie Place des Arts

Métropolis

Monument-National

514 842-2112 • 1 866 842-2112 placedesarts.com

1 855 790-1245 ticketmaster.ca

514 871-2224 admission.com


21 MUSIQUE VOIR MTL

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posées autoportantes. Pierre Lapointe n’en dira pas plus dans un souci de faire perdurer le mystère du spectacle jusqu’à sa première. Quand on lui demande à quoi on peut s’attendre pour son contenu, il demeure réservé, si ce n’est de l’enthousiasme avec lequel il aborde cette nouvelle création. «C’est une espèce de spectacle libre. Je m’amuse en disant que c’est un show d’Yvon Deschamps 2.0, version design-intello, parce qu’il va susciter exactement le même genre de plaisir. Quand Yvon Deschamps commençait à raconter quelque chose, il y avait à un moment une chanson qui partait et qui servait à faire un lien ou à rompre avec le thème qu’il venait d’aborder. C’est un peu l’approche avec laquelle on a construit le spectacle. C’est très libre, très distrayant et très joyeux. Il y a des moments un peu plus sombres, mais c’est un spectacle qui va demeurer extrêmement vivant pendant lequel les gens n’auront pas le temps de s’ennuyer.» Il y abordera des questionnements artistiques, sentimentaux et sociaux à travers des monologues de quelques minutes entrecoupés de chansons où vont s’insérer des chorégraphies. Les textes seront récités de façon à laisser planer un doute entre ce qui aura été écrit par Étienne Lepage ou affirmé spontanément

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par lui. «Il y a une confusion entre les deux qui est très intéressante pour moi parce que je ne peux pas arriver comme un acteur sur scène.» Un flou délibéré et des textes qui feront vivre des malaises. «L’écriture d’Étienne Lepage ressemble beaucoup à mon humour. Je ne le mets pas de l’avant parce que je suis chanteur, mais quand les gens viennent voir des spectacles souvent, ils sont surpris de rire autant. Je suis beaucoup dans l’autodérision. Je vais souvent passer mes idées sociales par ironie ou par contradiction, toujours à travers l’humour.» Au cours de la prochaine année, on verra se succéder le dévoilement de projets artistiques signés par l’auteur-compositeur-interprète qui annonçait récemment la sortie de son prochain album à l’automne. «Je suis fatigué, mais je suis extrêmement heureux. Les moments où je m’oblige à être plus calme, à moins voir mes amis, sont compensés par une grande fierté. De voir le spectacle prendre forme, c’est un grand accomplissement. C’est pour ça que je vis, c’est pour ça que je fais ce métier-là.» y Du 14 au 17 juin à la Maison Symphonique

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À ÉCOUTER

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★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL

BIG THIEF CAPACITY

SHE-DEVILS SHE-DEVILS (Arbutus) ★★★ 1/2 Depuis sa formation en 2014, le duo montréalais She-Devils propose un amalgame de plusieurs éléments sonores disparates. Yéyé, space-age lounge, exotica, easy listening, électro-pop, country et davantage se retrouvent pêlemêle dans la mixture du binôme formé de la chanteuse Audrey-Ann Boucher et du bidouilleur Kyle Jukka. Si en spectacle le groupe est plutôt monotone et manque de présence, il se rattrape élégamment sur disque et notamment sur ce premier album complet. Bien qu’on appréciait le côté plus lo-fi de ses débuts, She-Devils est parvenu à clarifier le son et à mettre davantage de l’avant la voix de la chanteuse. Le hic, c’est que certains morceaux sont un peu trop chargés de séquences diverses (peut-être que cela a toujours été le cas, mais qu’on le discernait moins en concert), devenant quelques fois confus. Reste que She-Devils tient quelque chose, un univers sexy et envoûtant, légèrement onirique et mystérieux, similaire à celui du compositeur Angelo Badalamenti. (P. Baillargeon)

OUMOU SANGARÉ MOGOYA

(Saddle Creek)

(No Format)

★★★ 1/2

★★★★

Un an à peine après avoir lancé la décharge électrique Masterpiece, le groupe rock américain Big Thief récidive avec un deuxième album beaucoup moins agressif, mais qui vaut absolument le détour. Si l’on compare les deux albums, Capacity est un peu le calme après la tempête. Petite déception à la première écoute: il n’y a pas de chansons puissantes à la Real Love cette fois-ci. Toutefois, les guitares montrent encore leurs dents ici et là et une multiplication des écoutes permet d’apprécier toutes les avenues empruntées par le quatuor. La palette de couleurs s’étend du rock dreamy à l’americana en passant par le folk et le grunge. Il y a même une magnifique berceuse au piano, l’intemporelle Mary. Big Thief navigue ailleurs, donc, mais demeure un groupe captivant avec ce second effort. (V. Thérien)

DIANA KRALL TURN UP THE QUIET (Verve) ★★★

Pour Glad Rag Doll en 2012, sur le jazz des années 1920, elle posait en petite tenue sur un canapé de bordel. Lady Diana s’était rhabillée en 2015 pour Wallflowers, son douzième volume studio, entièrement consacré à la pop des années 1960 et 70, de Dylan aux Eagles. Et la voilà qui revient à la Bible, le Great American Songbook où elle pige allègrement chez Irving Berlin et Cole Porter et dans les années 1930, 40, 50. Curieux itinéraire, qu’elle dit non prémédité, cette opération de charme est assurée par l’ingénieur Al Schmitt et le réalisateur Tommy Lipuma décédé subitement, une fois l’album terminé. Et pour tous ceux qui lui reprochaient de ne plus jouer du piano, la blonde s’installe au clavier pour toutes les chansons et lâche même quelques solos bien tournés. C’est rendu à Sway que cela se gâte, quand l’offensive de séduction sophistiquée devient outrancièrement langoureuse… (R. Boncy)

Comme dirait l’autre: «Mali? Eh oui: Mali!» Les albums d’Oumou Sangaré sont différents mais tous excellents. Celle qu’on surnomme volontiers «la diva wassouloue» en impose vraiment par sa carrure et son perpétuel engagement en faveur des Africaines, et ce, bien au-delà de son ethnie d’origine. Cohérente et toujours solide, malgré un audacieux changement de look carrément kitsch, elle vient de réaliser là, avec un Scandinave et trois Français, l’enregistrement le plus percutant – sinon le meilleur – de toute sa belle carrière. Chamarré, intense, authentique et moderne du début à la fin, Mongoyo a ce puissant effet obsédant qui fait qu’on veut l’écouter en boucle. Et si vous n’avez pas la moindre idée de ce que raconte la grande dame, le clip éloquent de Yere Faga vous en dira plus sur le suicide chez les Noires. Elle chante avec ses tripes: «N’abandonne jamais. Ne succombe pas à la douleur». (R. Boncy)

LAND OF TALK LIFE AFTER YOUTH (Dine Alone/Saddle Creek) ★★★ Dès les premières notes, on retrouve les mêmes riffs électriques et cette voix planante qui caractérisent Land of Talk. La leader du groupe rock, Elizabeth Powell, avait abandonné la musique après les tournées de l’album Cloak and Cipher (2010) et quitté la vie montréalaise pour la campagne ontarienne afin d’aider son père malade. La pause musicale aura finalement duré six ans et on la retrouve ici avec des textes thérapeutiques. Inner Love et World Made démontrent que les claviers ont aussi leur place chez Land of Talk 2.0, quoique la guitare électrique reste assurément l’instrument de prédilection. Si la deuxième partie du disque est moins effrénée, elle s’avère toutefois fort lumineuse. Un disque quelque peu inégal, mais qui aura valu l’attente. (V. Thérien)


23 DISQUES VOIR MTL

ARS NOVA COPENHAGEN / PAUL HILLIER FIRST DROP

PIERRE LABBÉ PARLURES ET PARJURES

(Cantaloupe Music / Naxos)

★★★★ Déjà trois ans que le saxophoniste Pierre Labbé donnait au Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV) la création de son projet mêlant trad et musique actuelle avec le concours de Michel Faubert dans le rôle du «conteur électrique». La poésie de ses propos est magnifiée par les mélodies recherchées que tissent autour d’elles les musiciens (le guitariste Bernard Falaise et le batteur Pierre Tanguay appuient le souffleur). Comme en concert, on se laisse prendre tout de suite par l’énergie de l’ensemble, semblable à celle du groupe Papa Boa, auquel Falaise, Faubert et Labbé ont participé et dont Jean Baribeau revient faire un tour de piste ici. Un projet à surveiller s’il passe dans votre coin, et dont on espère des suites. (R. Beaucage)

HYBREED CHAOS ENTOMBED INTO DARK MATTER

SUFFOCATION ... OF THE DARK LIGHT

(PRC Music)

(Nuclear Blast)

★★★★

★★ 1/2

Si ce n’était de la crainte de vexer les membres du groupe de Montréal/ Rive-Sud, on comparerait leur musique à du pain brun multigrains. Ultra nourrissant et dense, il ne se digère pas aussi vite que le pain blanc rempli de calories vides. De la même façon, il faut prendre le temps d’apprivoiser les 10 morceaux du deuxième disque d’Hybreed Chaos pour en savourer toutes les nuances. Elles sont comprimées dans un mur de son death métal progressif, auquel s’ajoutent la rythmique tordue de la batterie de Franck Camus (ex-Paroxysm, ex-Exhult) et les vocalises variées de François Toutée. Non seulement Entombed in Dark Matter porte bien son nom à cause de sa sombre lourdeur, mais en plus d’être une belle suite logique à Dying Dogma (2013), il surprend avec un petit grind sur Bloodshot. Fans de Gorguts et Incantation, servez-vous. (C. Fortier)

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(Malasartes musique / DAME)

Le chœur Ars Nova de Copenhague est un ensemble d’une douzaine de voix de grande qualité. Son directeur, le Britannique Paul Hillier, nous offre ici un recueil très diversifié d’œuvres contemporaines dont la plupart sont de premiers enregistrements (d’où le titre). La pièce de Michael Gordon He Saw a Skull vaut l’achat à elle seule, avec ses étonnants glissandos fantomatiques, mais il y a aussi Steve Reich (une version vocale de Clapping Music!), Louis Andriessen, David Lang ou encore Terry Riley faisant chanter les mots de Jack Kerouac (Mexico City Blues), et d’autres encore. Un programme qui donne aux musiques d’aujourd’hui des allures qui pourraient séduire les auditeurs les plus rébarbatifs! (R. Beaucage)

★★★★

VO2 #O6

Même si le guitariste Terrance Hobbs demeure le principal compositeur du groupe (le bassiste Derek Boyer écrit les textes), on dénote un virage subtil, mais indéniable sur … Of the Dark Light. Le batteur Eric Moretti et le guitariste Charlie Errigo se sont ajoutés au groupe death métal originaire de Long Island et Frank Mullen est derrière le micro, tout comme Kevin Muller (The Merciless Concept), son remplaçant en tournée. D’ailleurs, leurs voix sont tellement similaires que selon la biographie de l’album, même Mullen a été confondu! Quant au virage de Suffocation, il est difficile à saisir. Les chansons sont brutales à souhait, les changements de tempos efficaces, bref, la formation ne s’éloigne pas de sa formule. En même temps, on reste sur sa faim à l’écoute de ce huitième disque qu’on qualifiera donc de stérile. (C. Fortier)

CATHERINE LEDUC UN BRAS DE DISTANCE AVEC LE SOLEIL (Grosse Boîte) ★★★★ Trois ans après Rookie, Catherine Leduc dévoile une maturité musicale intrigante avec son deuxième album solo coréalisé avec son complice Matthieu Beaumont. Avec cette nouvelle offrande – parce que c’est bien de cela qu’il s’agit ici –, la musicienne propose une pop progressive introspective, aux allures psychédéliques et défiantes. Piano et synthétiseurs analogues truffent ce nouvel album, richement travaillé et minutieusement arrangé, tandis que Leduc se livre à travers des textes affranchis, trouvant ainsi son unicité musicale et parolière, empreinte de sincérité. Voilà un pari réussi qui exulte la liberté créatrice. Malgré des redondances éparses, difficile de ne pas être happé en prêtant l’oreille tant cet album déploie une poésie psychédélique envoûtante. (J. Ledoux)


24 CHRONIQUE VOIR MTL

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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

ROULEZ, SOUVENIRS Les eaux ont bien monté cette année. Le quai a disparu sous ses flots. Elles ont débordé sur mes souvenirs d’enfance. 1974. On disait que si un jour le barrage de Carillon venait à céder, les eaux envahiraient le village jusqu’à la forêt. C’était ma menace nucléaire à moi. Le dimanche, quand ma mère était de fonction aux Filles d’Isabelle, rassemblement de bonnes dames dévouées qui annuellement faisaient un pèlerinage à Cap-de-la-Madeleine, mon père, qui lui était prof en électrotechnique et fasciné par l’hydro-électricité, m’emmenait faire un tour de char jusqu’à Carillon, autant dire Tchernobyl mais avant le désastre. Il y faisait toujours gris. Tout était de béton. Et peut-être qu’un jour, ça céderait. Pour s’y rendre, on traversait la pinède d’Oka. C’était bien avant les combats anti-golf et pro-protection du territoire mohawk. Bien avant aussi que notre chère mère la terre ne devienne un parking à roulottes cheaps éclairées d’affiches néons proposant des cigarettes à bas prix, souvent même pas roulées. Le collège La Mennais et le Camp Notre-Dame donnaient sur le lac. De petites maisons, trois saisons, semblaient sorties d’un film des années 1940. D’ailleurs, c’était le cas.

Gilles Vigneault», me dit mon père. J’avais 7 ou 8 ans et j’apprenais que Vigneault avait une maison, une auto, une pelle, une tondeuse, des poubelles, et qui plus est, était mon presque voisin. Un choc. Saint-Placide, refuge discret de notre Gilles national. Les rues y sont si étroites «qu’on ne rencontre pas». C’est chacun son tour et la priorité est aux piétons. «Excusez, savez-vous où il habite, Gilles Vigneault?» «Euh non... pas vraiment.» Une armée de villageois complices et protecteurs. Je n’ai su que bien plus tard, une fois devenue animatrice, complice et protectrice à mon tour, où était la maison du poète qui n’a pas les pieds dans l’eau. Chaque fois que j’y passe, je pense à mon père qui, lui, n’a jamais su.

Après la réserve, qui n’en était pas une, mais ce serait trop long de tenter une explication, ça fait bien 300 ans qu’on s’y frotte en vain, il fallait tourner à gauche pour aller voir les couchers de soleil de Pointe-aux-Anglais. Des gens de mon village y avaient un chalet… à 5 kilomètres de chez eux. Il n’y avait qu’une seule rue à Pointe-aux-Anglais. Arrivé au bout, mon père entrait dans le «driveway» du curé, faisait marche arrière et on revenait sur nos pas tout simplement. Je n’ai jamais compris pourquoi le curé habitait une vraie maison et pas un presbytère. Mystère.

Après avoir marché, pour rien, sur la rampe du barrage, on reprenait la route. Saint-André-d’Argenteuil, et puis le rang Saint-Jean vers Saint-Benoît. En décembre 1837, les patriotes, ils étaient près de 500, y ont subi des actes de grande cruauté des hommes de Colborne. Le village a été réduit en cendres. C’est là que Claude Léveillée a posé ses pénates, son piano et ses outils. Sa maison de pierres et de bois faite de ses mains à partir de matériaux récupérés sur les vestiges du village portait l’histoire en colombage. Il était fier de montrer le mousquet d’un patriote retrouvé dans un grenier de Saint-Benoît et qu’il avait accroché au-dessus de la cheminée. Mais ça, je ne l’ai su que bien plus tard. Lors de nos balades du dimanche, mon père, dont la chanson préférée était Frédéric, me disait : «Regarde là-haut, tu vois la tour du château? C’est là qu’il habite, Claude Léveillée.» On ne voyait qu’elle, la tour, celle qui en effet donnait à la maison de Claude des allures de château qui n’en était pas un. Mais ça, mon père n’y aurait pas cru.

Saint-Placide. Fief d’indépendantistes qui arborent encore à ce jour de beaux grands drapeaux du Québec au-devant de leur demeure. «C’est ici qu’il habite,

À Oka, de la maison familiale jusqu’au lac, il n’y avait que deux rues. Juste assez pour que nous puissions nous vanter d’habiter le petit Westmount, qui portait

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25 ce nom non pas en raison de sa situation géographique, puisque ce quartier est à l’est du village, mais parce que ses habitants n’y venaient que l’été en vacances – leurs résidences principales étaient à Ville Mont-Royal, Outremont et Westmount. J’allais très souvent m’asseoir à la descente de bateaux de la rue Saint-André, coin Saint-Sulpice, au bord du lac des Deux-Montagnes, avec vue sur le parc national, sur Hudson et sur Vaudreuil. Par temps gris, on entendait le sifflet du train de Como. Inlassablement, ma mère répétait: «Le train siffle, y va mouiller…» On y allait rarement, et encore, que l’été par le traversier. Mon père m’avait dit que Félix habitait là, juste en face, à Vaudreuil-sur-le-Lac. Droit devant. Mais je ne voyais rien que des arbres. Le lac est si large. Il y avait une grosse maison de pierres, une maison canadienne. Ça ne pouvait qu’être celle-là. Pendant des années, j’ai fixé la maison de pierres en pensant à Félix… qui n’habitait plus là depuis 1966… Nous étions en 1970. Pendant tout ce temps, j’ai regardé pour rien. Je n’ai su que bien plus tard que Félix avait habité une petite maison modeste, maison de

Y A DES TOURS DE CHAR ET DES DÉTOURS DE CHAR QUI PEUVENT AVOIR DES INCIDENCES INSOUPÇONNÉES. briques en bord de route, longtemps abandonnée à son sort, jusqu’à ce qu’elle soit réhabilitée en Maison FélixLeclerc*. Très joliment restaurée, elle fait office de musée et on y présente aussi des spectacles pendant la saison estivale. Mais ça, mon père ne l’aura jamais vu. Y a des tours de char et des détours de char qui peuvent avoir des incidences insoupçonnées. Roulez donc manège jusque vers Le Mouton noir de Val-David, Le Beat & Betterave de Frelighsburg, l’église Emmanuel de Cowansville, le Zaricot de Saint-Hyacinthe, le Moulin Michel de Bécancour, Le Patriote de Sainte-Agathe, l’Ange Cornu de L’Assomption, Tadoussac… Roulez donc jusque vers le garage du père de Fred Fortin, le café de la vieille forge de la famille Côté à Petite-Vallée… On se croisera sans doute entre deux coups de rame. Allez, je vous laisse. Je pagaie jusqu’aux Francos. y *Maison Félix-Leclerc 186, chemin de l’Anse, Vaudreuil-Dorion maisonfelixleclerc.org


PORTRAITS DU QUÉBEC

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PORTRAITS DU QUÉBEC

VOIR MTL

VO2 #O6

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Nous vous amenons une fois de plus sur les routes du Québec cet été! Le numéro que vous tenez entre les mains se veut un hommage aux initiatives culturelles et gastronomiques passionnantes établies hors de Montréal et de Québec. Entretiens avec des artistes et des chefs qui font du beau et du bon – que ce soit de l’art visuel, des mots, de la musique, des plats, de la bière – dans leur coin de province! Voici nos portraits du Québec.


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CENTREDU-QUÉBEC LES TROIS ACCORDS «Drummond, c’est le centre du Québec. Tu peux pas être mieux positionné géographiquement parlant.» Les Trois Accords sont les porte-étendards de Drummondville depuis toujours et un choix tout indiqué pour notre numéro annuel consacré aux régions. (mots) Valérie Thérien (photo) Maxyme G. Delisle / Consulat


et été, Les Trois Accords doublent leur plaisir (et le nôtre) avec l’édition inaugurale du Festival de la blague, consacré à l’humour. L’événement, ancré dans leur Drummondville chérie tout comme le Festival de la poutine – qui célèbre déjà 10 ans cette année – se tiendra les 4 et 5 août et accueillera six humoristes par soir, façon stand-up avec des numéros de 20 minutes chacun. Alors que 75% du groupe réside toujours à Drummondville (après avoir habité Montréal quelques années pour mieux y revenir), on lève notre chapeau à ces organisateurs et musiciens qui ont su revigorer leur ville natale.

C

«Avant la création du Festival de la poutine en 2008, y avait pas grand événement à Drummondville après le Mondial des cultures [début à mi-juillet]. Ça tombait un peu mort, indique le chanteur Simon Proulx. L’idée était de faire autre chose à la fin de l’été. (...) Le festival, je le vois comme notre version des gens qui font le party dans leur cour. C’est juste que c’est gros!» Mine de rien, avec le temps, leurs gros partys ont tissé des liens serrés dans la communauté drummondvilloise. «Les bénévoles, les partenaires et toutes les équipes se rassemblent pour que ça se passe. Pour ça, j’espère que les gens sont heureux.» Les effets bénéfiques de l’organisation de ces festivals se ressentent aussi sur les membres du groupe, qui n’a pas chômé depuis les succès d’Hawaïenne, Saskatchewan et autres grands hits de son répertoire. «Ça nous fait apprécier notre métier de musicien parce qu’on est brûlés raide après ces événements et on se rend compte que faire un spectacle c’est plaisant!», affirme le guitariste Alexandre Parr. Son comparse bassiste Pierre-Luc Boisvert ajoute: «L’organisation du Festival de la >

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(HAUT) PHOTO | BUZZ PRODUCTIONS (BAS) PHOTO | STÉPHANE DAOUST


Le batteur Charles Dubreuil précise aussi un point important: l’organisation de festivals permet au groupe de souffler et de mettre son énergie ailleurs plutôt que de se brûler en musique. «Après l’album Grand Champion, Simon avait beaucoup de pression sur les épaules parce que c’est lui qui écrit les chansons pour le band et qu’on s’autoproduit, et donc on a des gens sur le payroll, on loue des locaux… On cherchait donc une manière d’enlever un peu de pression sur le band de manière créative et monétaire. Le Festival de la poutine s’inscrivait là-dedans puisqu’on se disait: “On va faire autre chose et produire des événements.”» Si le premier Festival de la poutine a été périlleux parce que les musiciens n’avaient alors pas d’expérience en organisation, les festivaliers, eux, l’ont apprécié, sauf peut-être les quelques files d’attente un peu longues. «Notre vision d’un événement était celle de l’artiste: l’accueil en arrière-scène et le côté technique, mais on n’a pas vu tout le côté logistique avec

les chapiteaux, évaluer le nombre de toilettes, de clôtures, bien sécuriser le périmètre, etc.», dit Alexandre, alors que Pierre-Luc renchérit: «Ça s’appelle le Festival de la poutine et les gens étaient sérieux: tout le monde voulait de la poutine pour vrai et ils arrivaient tous en même temps!»

62 PARTICIPANTS

Dans tout ce processus, la Ville de Drummondville a grandement appuyé les quatre musiciens. «La Ville nous soutient au niveau financier, mais souvent aussi au niveau logistique. On a eu des employés de la Ville à notre disposition, ce qui est essentiel. Ç’a été très facilitant. Après, pour la recherche de partenaires [qui sont sensiblement les mêmes pour le Festival de la blague, en plus de quelques autres, selon les dires Pierre-Luc], c’était plus sérieux d’avoir l’appui de la Ville.» En attendant que l’humour, la poutine et la musique envahissent Drummondville, Les Trois Accords seront sur les grandes scènes des FrancoFolies de Montréal et du Festival d’été de Québec prochainement. y Le Festival de la blague: 4 et 5 août

Le Festival de la poutine: 24 au 26 août

Les Trois Accords en spectacle d’ouverture des FrancoFolies le 8 juin

Les Trois Accords au Festival d’été de Québec le 13 juillet

À DRUMMONDVILLE SELON LES TROIS ACCORDS...

CIRCUIT CRÉATIF et GOURMAND

2017

poutine et du Festival de la blague est étalonnée sur toute l’année. Puisque, en général, nos shows sont les week-ends, on peut travailler sur les deux festivals de la maison du lundi au vendredi. Ça ne rentre donc pas en conflit avec la musique. Ça se complète et ça remplit notre agenda comme il faut. Avec ces deux facetteslà, être organisateur et être musicien, on est des hommes complets!»

Ouvert à l’année

DE LA VALLÉE DU RICHELIEU

Un lieu culturel qui se démarque?

PORTES OUVERTES

175, rue Ringuet, Drummondville, artsdrummondville.com

3, 4, 10 et 11 juin 2, 3, 4, 9 et 10 sept.

La Maison des arts de Drummondville. «Y a vraiment un dynamisme là-bas. Ils ont le goût d’améliorer tout le temps l’expérience.» (Simon) «Ils veulent dynamiser le milieu et leur programmation est vaste, elle touche à tout.» (Alexandre)

Une bonne table?

Le 200 Brock et Le Capiche. «Le 200 Brock, c’est une ancienne taverne où les propriétaires ont refait un bar. De l’autre côté, il y a un restaurant italien un peu plus guindé, Le Capiche. Si tu me cherches, je suis toujours là, d’un bord ou de l’autre!» (Alexandre) 192 et 200, rue Brock, Drummondville, le200brock.com, restaurantcapiche.com

La plus belle vue en ville?

L’Ampithéâtre Saint-François. «La vue est assez incroyable sur notre nouveau site du Festival de la blague. Il y a le pont et tu es sur le bord de la rivière Saint-François, qui est super belle. C’est toujours cool de pouvoir en profiter. Sinon sur le pont, vers le barrage électrique, c’est super bucolique. Les gens y pêchent encore.» (Alexandre) 1380, rue Montplaisir, Drummondville, festivaldelablague.com

routeartssaveursrichelieu.com


BAS-SAINT-LAURENT: COLOMBE ST-PIERRE

GASTRONOMIE AU BORD DE L’EAU La chef du célèbre restaurant Chez St-Pierre, l’incontournable gastronomique de la région, est née au Bic, village où elle a ouvert son restaurant en 2003. Le Bas-Saint-Laurent, c’est son identité, culinaire mais pas seulement... (mots) Marie Pâris (photos) Michel Dompierre


«

Chez St-Pierre, un «lieu de gastronomie régionale et par extension un lieu de valorisation du patrimoine comestible bas-laurentien», comme précise le site internet, on prône ainsi l’autonomie alimentaire et l’achat local. L’équipe ne touche plus aux animaux sur la liste des espèces en danger et priorise les

PORTRAITS DU QUÉBEC

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L’appel des racines la ramène ensuite dans le Bas-Saint-Laurent: «J’ai été très imprégnée par ce paysage, et c’était important pour moi de vivre près de l’eau. C’est ici que je me sens chez moi. Je ne me rendais pas compte de la beauté de cet endroit étant jeune, car je n’en avais pas vu d’autres…» La route empruntée par les gens qui visitent la région est bondée

de St-Hubert et de Tim Hortons, et Colombe veut changer cela. Il y avait bien quelques bonnes places, mais pas tant, et la chef voulait proposer une adresse gastronomique avec des références à l’histoire de la région, un menu identitaire.

VO2 #O6

Elle se rend alors compte comme la cuisine d’un territoire est emblématique de son peuple et de sa culture, et elle commence à se questionner sur la cuisine québécoise. «Quand des étran-

gers demandaient à des Québécois quel était notre plat emblématique et que je les entendais répondre “la poutine”, j’étais choquée. C’est un plat populaire, mais c’est vraiment pas ce qu’on a de plus intéressant à offrir!»

VOIR MTL

e n’avais pas prévu de devenir chef. Je suis partie étudier en littérature à Montréal; je travaillais comme plongeuse pour payer mes études et c’est comme ça que je suis entrée dans la restauration…» S’ensuivent de nombreux voyages à travers le monde, durant lesquels Colombe St-Pierre cuisine beaucoup pour se faire de l’argent et découvrir les cultures locales.

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COLOMBE ST-PIERRE

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productions maraîchères, artisanales et d’élevage du Bas-Saint-Laurent. La cuisine y est pleine de références au territoire: crabe des neiges, pousses maritimes, petits fruits des champs, fleurs sauvages, genévrier, amélanchier… Si Colombe reste fidèle au terroir, ses plats gardent une touche exotique qui rappelle ses voyages. «La gastronomie québécoise est très éclectique, influencée par beaucoup de choses, mais axée sur la production locale», résume la chef, qui peut aussi bien servir un agneau de la région cuisiné au gingembre qu’un bœuf de Saint-Fabien dans un bouillon tonkinois aux algues d’ici. La cuisine, pour elle, c’est un engagement: «Peu de chefs militent pour la portée politique de la cuisine. Ma mission, c’est de faire en sorte qu’il soit encore possible de servir ce bon produit demain. On a une terre généreuse, donc convoitée, et il y a peu ou pas de législation sur le naturel sauvage, beaucoup de problématiques autour de l’import-export des productions québécoises… Il y a un check-in à faire. C’est le moment: il faut profiter de l’intérêt actuel pour la gastronomie.»

LES CHOIX DE LA RÉDAC On va se mettre au vert dans les Jardins de Métis. Ces beaux jardins à l’anglaise, qui mêlent de l’art contemporain à des milliers de variétés de plantes, sont devenus un lieu historique national. 200, route 132, Grand-Métis, jardinsdemetis.com Pour une pause gourmande, un arrêt s’impose à Citron confit: cette boulangerie offre des produits maison dont les recettes originales ne contiennent aucun des allergènes principaux (gluten, œufs, noix, arachides, sésame, produits laitiers… ). 2356, route 132 Est, Rimouski, boutique.citronconfit.ca On profite des beaux jours pour aller au parc national du Lac-Témiscouata. Entre grands lacs et forêts, ce superbe parc a été distingué d’un grand prix du tourisme et un prix du patrimoine. 400, chemin de la Vieille-Route, Squatec, sepaq.com/pq/tem

De plus en plus de jeunes lancent des restos dans la région, et Chez St-Pierre, 70% de la clientèle viennent de l’extérieur, pour goûter un terroir remis au goût du jour, mais qui a pourtant toujours existé: «Je n’invente rien, moi! La cuisine locale, je ne comprends même pas qu’on l’ait abandonnée.» La chef a à cœur de protéger ce patrimoine vivant, comme elle l’écrit sur le site du resto, «pour une histoire culinaire qui puisse fièrement traverser le temps…» y

PRÈS DU BIC SELON COLOMBE... Un produit? «Les bœufs de la Ferme Fournier à Saint-Fabien et ceux de la Ferme Dante à l’Îsle-Verte. Ces producteurs ont beaucoup de vision pour le futur. Il y a aussi l’agneau et le porc bio de la Ferme Bio-Rousseau, l’agneau de pâturage de la Ferme Biscornu, et les pousses biologiques et les légumes de la Ferme du Vert-Mouton. En fait, je recommande tous les producteurs qui fournissent le resto; la liste est sur mon menu!»

Ferme Fournier 115, 1er Rang Ouest, Saint-Fabien fermefournier.ca Un coin de nature?

«Tout le parc du Bic... Le pic Champlain, c’est superbe! Il faut monter, mais d’en haut, on a une belle vue sur l’île Bicquette, là où j’ai grandi; mon père était gardien du phare.»

3382, route 132 Ouest, Rimouski sepaq.com/pq/bic Un endroit culturel?

«Le Vieux-Théâtre de Saint-Fabien! C’est un lieu particulier, une sorte de vieille grange... C’est différent des grandes salles de spectacle. L’endroit est antique, avec une ambiance feutrée, assez intime. Et la programmation est pas mal du tout, très éclectique; ça va de Radio Radio à Richard Séguin.»

112, 1re Rue, Saint-Fabien vieuxtheatre.org


OUTAOUAIS: FRANCIS FAUBERT

SUBLIMER LA NATURE L’auteur-compositeur-interprète Francis Faubert ne fait pas qu’habiter l’Outaouais: il le distille dans sa musique et s’en inspire dans ses mots, bien installé dans sa région et ne regrettant en rien son choix d’être resté loin des grands centres. (mots) Antoine Bordeleau (photo) Ville de Gatineau

uand on lui demande ce qui le fait rester dans son coin de pays natal, Francis Faubert répond sans hésitation: «Ici, on a de l’espace. C’est important pour moi de pouvoir respirer. Mais c’est certain qu’avec ce que je fais, je ne pouvais pas me permettre d’aller vivre trop creux dans le bois. L’Outaouais, ça me permet d’être pas trop loin de Montréal tout en vivant un peu plus d’isolement, sans

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avoir l’espèce de hype touristique des Laurentides. Pour avoir la crisse de paix, c’est parfait.» Cette sainte paix, elle est d’ailleurs essentielle à son œuvre. Pour composer son plus récent album, Maniwaki, Faubert s’est enfermé dans son shack, au fond des bois, pour s’imprégner de la nature outaouaise. «Pour moi, c’est le plus beau décor qu’il y a. Tu sais, c’est juste

comme des collines, des lacs, juste du relief, quelque part entre les montagnes et les plaines. Un coup que je suis isolé dans la nature, tout s’intègre tout seul, le processus créatif commence de lui-même.» C’est donc toutes ses rencontres, ses idées et ses inspirations qui passent par le filtre de la ruralité de l’Outaouais quand il s’assoit devant une feuille de papier pour créer. >


EN OUTAOUAIS SELON FRANCIS...

(PHOTO) MARIE-MICHELLE BLAIN

On mange où?

Un événement culturel marquant?

LES CHOIX DE LA RÉDAC On ne peut pas visiter l’Outaouais sans à tout le moins faire un détour au Musée canadien de l’histoire. L’établissement à l’architecture marquante présente entre autres une superbe exposition sur la préhistoire des Tsimshians. 100, rue Laurier, Gatineau, museedelhistoire.ca

Pour ceux qui désirent en apprendre plus sur la culture et l’histoire algonquine, le Centre culturel Kitigan Zibi Anishinabeg est tout indiqué. On y présente des expositions, des artefacts, des tableaux et des photographies portant sur ce peuple aux traditions riches.

1077, rue Bank, Ottawa, houseoftarg.com

On se promène dans quel coin? Le lac la Pêche, un incontournable pour se tremper le corps. «Tout près de Duclos, le village où je suis né, y a ce lac-là qui est vraiment très beau. C’est dans le parc de la Gatineau, et y a une plage où vont les touristes... Le truc, c’est de continuer plus loin, passé la plage. Là, y a une espèce de grosse roche pour plonger, c’est le meilleur spot pour faire des feux et boire de la bière en paix.» Lac la Pêche, parc de la Gatineau Chemin Sincennes Pontiac

PORTRAITS DU QUÉBEC

Pour du divertissement un peu plus alternatif, le House of Targ d’Ottawa est un hybride entre une salle de spectacle DIY et une arcade rétro où l’on peut du même coup assister à un concert en améliorant son score à Pac-Man.

Centre-ville de Gatineau, septembre 2017 (dates à confirmer) festfoe.ca

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54, Makwa Mikan, Maniwaki, kzadmin.com

Évidemment, c’est le Festival de l’Outaouais Émergent qui remporte la palme. «Le FOÉ a pris une tournure un peu plus communautaire récemment, et c’est revenu à la mission de base: promouvoir les talents locaux. L’équipe fait des miracles avec toutes les coupes qu’il peut y avoir dans c’t’ostie de milieu-là. Ils se démènent pis ils créent une super bonne vibe.»

VO2 #O6 37

Bien qu’il soit actuellement un peu trop pris dans le temps pour redonner à la communauté qui l’a vu grandir, Faubert ressent un besoin de l’aider à croître sur le plan culturel. Après tout, s’il a décidé d’y rester, c’est qu’il sent que la région a quelque chose à offrir. «C’est difficile pour moi en ce moment avec les shows, la création et tout ça, mais j’ai vraiment envie de m’impliquer dans la vie culturelle d’ici. Moi, j’habite ici, pis j’ai envie que le monde vienne voir à quel point c’est un coin attrayant… J’ai des idées, j’ai plein de projets, mais je peux pas trop t’en parler pour l’instant!» Chose certaine, Francis Faubert est à surveiller de près! y

491, rue Notre-Dame Montebello 819 664-5332

VOIR MTL

Les soirées passées autour du feu à jouer ses tounes en étant accompagné d’amis d’enfance, c’est une forme de convivialité de laquelle l’artiste ne pourrait se passer, comme un ressourcement qui le ramène aux bases de son art. «J’ai été élevé sur une terre de 100 acres, donc on avait jamais besoin d’aller bien loin pour se sentir en pleine nature. C’est un feeling qui ne peut pas se retrouver en ville.» Mais l’Outaouais, ce n’est pas que de la nature. Commençant ses soirées en se promenant dans les terres, le jeune Faubert finissait la plupart du temps dans les cafés de Wakefield à boire de la bière et à participer à des soirées open mic. «Wakefield, c’est un petit village anglophone, mais y a vraiment une soif de culture là-bas. Je me souviens d’avoir vu Arcade Fire et Patrick Watson au Mouton noir, avant qu’ils ne deviennent big… La plupart des bands qui tournent entre Toronto et Montréal s’arrêtent là plutôt que d’aller jouer à Ottawa, c’est vraiment une place le fun.»

Il faut absolument passer au Café Entre Amis. «Le nom est un peu pastoral, mais écoute bin. J’pense qu’ils sont rendus numéro un sur Trip Advisor. Ils font des déjeuners et des lunchs, ils ferment à 15h, mais c’est juste malade comment c’est bon. C’est deux chefs réputés qui ont ça, ça vaut vraiment le détour!»


ÎLE D’ORLÉANS: CLAUDE MONTMINY

DÉRIDER LES INSULAIRES Il est scénariste pour Ici Laflaque, collaborateur de Ratio et sa bande pour le Beu-Bye. C’est aussi lui qui déclenche les rires dans la paroisse bucolique de Saint-Pierre. (mots) Catherine Genest (photos) Office du tourisme de Québec


(CI-CONTRE) LE PARC MARITIME DE SAINT-LAURENT

PORTRAITS DU QUÉBEC

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mais on le fait d’un point de vue comique, détaille-t-il sans amertume. Toutes mes comédies, parce que c’était le cas pour toutes les bonnes pièces que j’ai lues, partent d’un événement déclencheur tragique. Pour moi, Le dîner de cons, c’est vraiment l’histoire la plus horrible du monde entier. Un couple d’amis qui invite des cons pour rire d’eux? Moi, je trouve ça vraiment hard!» Il ne change pas sa recette pour Un pied dans la bouche, production maison du millésime 2017. Une histoire qui s’articule autour de la mort imminente d’une grand-mère (Caroline Stephenson)

VO2 #O6

Le Nouveau Théâtre de l’île d’Orléans, qu’il codirige avec le comédien Sébastien Dorval depuis 2013, lui sert de laboratoire pour étrenner ses pièces encore chaudes. Des textes rigolos mais nuancés, portés par des acteurs de haut

niveau comme Frédérique Bradet et Maxime Beauregard-Martin – respectivement muse de Fecteau et auteur de Mme G. Des diplômés du Conservatoire d’art dramatique de Québec qui ne se butent pas aux a priori négatifs et au snobisme de certains de leurs collègues à l’endroit du proverbial théâtre d’été. De toute façon, la démarche de Claude est en tout point semblable à celle de ses collègues qui donnent dans le drame, qui se voient ouvrir les portes des institutions pendant les saisons froides pour présenter leurs œuvres. «On raconte les mêmes histoires que dans les autres pièces,

VOIR MTL

’île d’Orléans, à 15 petites minutes de Québec, a servi de décor pour Félix Leclerc et de terrain de jeu pour Gabrielle Shonk. Or, et contrairement à ce qu’on serait tenté de croire, les musiciens n’y ont pas le monopole de la création. Le prolifique auteur Claude Montminy en est la preuve vivante.

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LE NOUVEAU THÉÂTRE DE L’ÎLE D’ORLÉANS

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bernée par sa petite-fille (Frédérique Bradet) qui simule une grossesse pour apaiser ses souffrances, la quitter dans le bonheur. Mais, coup de théâtre! La vieille dame guérira, revigorée par la promesse d’un nourrisson à bercer. Teinté par l’inconfort inhérent aux événements tragiques, aux fous rires nerveux qui accompagnent souvent les mauvaises nouvelles, le récit fictif puise son inspiration à même une triste expérience personnelle. «J’étais dans la chambre de mon grand-père qui était en train de mourir, j’étais avec mon oncle et ma sœur, puis le temps est venu de partir. Je savais pertinemment que c’était la dernière fois que je le voyais. Je me suis levé, je savais pas quoi faire et, c’est flou dans ma tête, mais je crois que je lui ai dit: “Ouin, ben… À la prochaine fois, là!”» Comme quoi les meilleures blagues sortent souvent entre deux larmes. De beaux malaises, pour paraphraser Matte, qui seront mis en scène dans la coquette salle de Saint-Pierre. y Un pied dans la bouche Du 24 juin au 3 septembre Nouveau Théâtre de l’île d’Orléans

SUR L’ÎLE D’ORLÉANS SELON CLAUDE... Un lieu culturel méconnu? La Maison Drouin, à 15 minutes du théâtre de Claude. «Elle a été construite au début des années 1700, c’est une vieille maison qui a l’avantage de ne jamais avoir été rénovée. Elle est comme à l’origine. Il y a des visites en réalité augmentée sur tablette. Je trouve ça vraiment trippant comme façon d’interpréter le patrimoine et de transmettre des informations.»

Nommé en l’honneur de la route du même nom qui inspire une chanson à Tire le coyote, le Pub Le Mitan sert des bières brassées sur place. 2471, chemin Royal, Sainte-Famille, microorleans.com L’odeur réconfortante du bon pain émane de cette maison ancestrale sise face au fleuve Saint-Laurent. On y arrête pour casser la croûte, goûter l’une de leurs délicieuses pizzas. 2001, chemin Royal, Saint-Jean, laboulange.ca L’église de Sainte-Pétronille est une plaque tournante de la musique de chambre. Son 34e festival accueillera le pianiste Charles Richard-Hamelin de même que Karina Gauvin et le Quatuor Eurydice. 21, chemin de l’Église, SaintePétronille, musiquedechambre.ca

d'une façon active et authentique

2958, chemin Royal, Sainte-Famille, fondationfrancoislamy.org

Une bonne adresse?

LES CHOIX DE LA RÉDAC

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Tigidou, une confiturerie artisanale au décor shabby chic mignon comme tout. «La confiture fraises menthe, moi, je m’en mettrais sur tout le corps et je me lécherais à perpétuité! Ça n’a pas de bon sens comment c’est bon! Et puis, c’est tout frais, c’est fait avec des ingrédients locaux, sans produits chimiques.»

moteliledorleans.com

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5508, chemin Royal, Saint-Jean, tigidou.ca

Un trésor naturel? Le Parc maritime de Saint-Laurent pour sa vue de rêve et la pléiade d’activités qui y sont offertes. «C’est sur la rive sud de l’île et c’est un endroit où on construisait des bateaux. Il y a un petit site d’interprétation de ça, mais surtout, aussi, un accès au fleuve. Cet été, on va pouvoir louer des kayaks de mer. Il y a aussi un grand terrain où tu peux pique-niquer.» 120, chemin de la Chalouperie, Saint-Laurent, parcmaritime.ca

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GASPÉSIE: BRASSERIE AUVAL

L’EXCELLENCE EN BOUTEILLE La brasserie de Val-d’Espoir est sur toutes les lèvres depuis sa création en 2014. (mots) Valérie Thérien (photos) Angie Mennillo

près huit ans chez Pit Caribou, le brasseur Ben Couillard a vendu ses parts de la microbrasserie gaspésienne et s’est installé à quelques minutes de là, à Val-d’Espoir, pour lancer une nouvelle entreprise à plus petite échelle. En moins de deux ans d’existence, sa brasserie Auval connaît un succès assez phénoménal. Les sites spécialisés en bière – et pas juste au pays – soulignent le travail

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d’exception de l’entreprise de Ben Couillard et la grande qualité de ses produits. «J’ai 17 bières différentes, nous précise Ben au bout du fil. L’idée est que, dans les premières années, j’expérimente et je peaufine mes produits. Je classe ça en trois catégories: les fermières (saison, grisette – celles que je vais toujours travailler), les bières aux fruits

(qui reviennent chaque année) et les bières houblonnées (IPA, Double IPA) – un style plus rapide qui me permet de faire rentrer un peu d’argent alors que le reste prend beaucoup plus de temps.» Puisque la distribution est relativement limitée à l’extérieur de la Gaspésie et du BasSaint-Laurent – 90% restent dans la région de >


barils que tu construis un produit, pas juste dans une seule cuve. C’est comme un collage de plein de goûts que tu assembles pour inventer une bière.» Pour la suite des choses, le propriétaire, qui n’a qu’un seul employé pour le moment, dit vouloir continuer à peaufiner ses produits et à augmenter leur qualité d’innovation. «Les bénéfices ne servent pas à augmenter la production ou à ajouter des cuves. Ça servira à acheter du meilleur équipement ou à aménager l’espace ici, le côté agricole et le kiosque de la ferme.» Santé et longue vie! y

EN GASPÉSIE SELON BEN... Un lieu culturel qui se démarque?

novembre à mai; 100% l’été –, les amateurs de bière font la file chez les quelques chanceux détaillants pour se procurer ces bières délicieuses. Et la brasserie de Val-d’Espoir commence à accueillir son lot de touristes grâce au bouche-à-oreille. «J’ai pas de pub annexé ou quoi que ce soit, dit Ben. C’est rare que le touriste lâche la 132! Mais oui, même sans signalisation ou promotion, les gens viennent. J’ai une petite boutique sur place ouverte de la Saint-Jean-Baptiste à la fête du Travail.»

L’Auberge Chic-Chac dans Murdochville accueille son lot de touristes en hiver grâce à ses activités hivernales en pleine poudreuse. Pendant la saison estivale, l’endroit propose du rafting dans la rivière Madeleine. 540, avenue Dr-William-May, Murdochville chic-chac.ca

80, boulevard Gaspé, Gaspé, museedelagaspesie.ca

La maison du pêcheur. «C’est un bon resto avec une belle table d’hôte accessible et délicieuse. C’est réputé. L’endroit a dû être déplacé et réaménagé récemment à la suite des tempêtes de cet hiver. C’est près du quai, avec vue sur le rocher Percé.» 155, place du Quai, Percé, maisondupecheur.ca

La plus belle vue en ville?

«À Percé, il y a maintenant le Géoparc. C’est du beau travail d’aménagement des sentiers, qui donnent des points de vue partout. Il y a une passerelle vitrée qui mène un peu dans le vide, donc c’est spectaculaire et même un peu épeurant!» 180, route 132 Ouest, Percé, geoparcdeperce.com

PORTRAITS DU QUÉBEC

Grande nouveauté cette année au Musée de la Gaspésie: la réalité virtuelle. L’expérience immersive La Gaspésienne no 20 permet de revenir en 1963 et d’apprendre les techniques de pêche à la morue.

Une bonne table?

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En plus de créer ses produits par le vieillissement en barrique de chêne – et non en fût de chêne comme la plupart des microbrasseries –, Ben Couillard favorise aussi un assemblage qui ressemble à des méthodes de fabrication de vin. «C’est par assemblage de différents

37, rue Chrétien, Gaspé musiqueduboutdumonde.com

55, rue à Bonfils, L’Anse-à-Beaufils, lavieilleusine.qc.ca

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Lorsqu’il a tourné la page avec Pit Caribou, Ben a eu envie de retourner à une méthode plus artisanale de fabrication de bière, à plus petite échelle. «J’ai démarré Auval plus avec l’idée d’un projet de ferme brassicole: l’implantation d’un verger de petits fruits, de certains aromates, de grains non maltés et de miel.»

Incontournable, le Festival Musique du Bout du Monde en est déjà à sa 14e édition. Son fameux concert au lever du soleil à Cap-Bon-Ami mettra en vedette cette année la charmante Chloé Sainte-Marie. Du 10 au 14 août.

VOIR MTL

Mine de rien, Ben Couillard a grandement contribué à l’essor des microbrasseries dans l’est du Québec. Il y a 10 ans, lorsqu’il a ancré Pit Caribou en Gaspésie avec ses deux amis, ils faisaient cavaliers seuls. «À l’époque, ça arrêtait à Québec. Y’avait pas de microbrasseries dans l’est du Québec à part aux Îles-de-laMadeleine. Y’avait pas beaucoup de bières de microbrasseries qui se rendaient ici non plus, donc pour pouvoir boire de la bonne bière, on s’est dit: pourquoi ne pas la faire nousmêmes?»

LES CHOIX DE LA RÉDAC

La vieille usine de L’Anse-à-Beaufils. «C’est à 8 kilomètres de Percé. C’est une ancienne usine de pêche qui a été reconvertie en espace culturel. Y a un studio d’enregistrement, une salle de spectacle qui fait partie du ROSEQ, une galerie, un bar, des ateliers pour enfants. C’est un gros centre qui a revitalisé ce secteur-là.»


CÔTE-NORD: ÉRIKA SOUCY

LA NATURE POUR VOUS SEUL La Côte-Nord, c’est plus que Tadoussac et Natashquan, les deux portes d’entrée touristiques de la région, souligne Érika Soucy, auteure dont vous avez peut-être entendu parler pour son roman Les murailles qui a su se démarquer ces derniers mois ou encore pour sa manière de répondre à Bernard Rambo Gauthier, un autre Nord-Côtier. (mots et photo) Mickaël Bergeron


«Lâchez les routes qui contournent les villages, trouvez le fleuve et allez marcher sur le bord», conseille Érika. Avec cette légère audace, vous trouverez des kilomètres de plages dignes du sud (mais avec une eau un tantinet plus fraîche) et une mer à perte de vue. «Chez nous, on ne voit pas l’autre rive et notre eau est salée.» L’image veut que le Nord-Côtier, en ville, étouffe, parce qu’il n’a plus son infini horizon. Au-delà des paysages plus grands que nature et qui peuvent réveiller le ou la Viking en vous, Érika revient sur la plus belle richesse de la Côte-Nord: ses habitants. «Ça vaut la peine d’écouter les gens, de tendre l’oreille. Notre accent, nos expressions... Ce ne sont pas des colons, mais des conteurs qui s’ignorent.» Venant d’une auteure, le conseil est à prendre avec considération. y

a Côte-Nord se fait souvent rabattre le cliché de l’habitant, un truc qui agace la petite fille de Portneuf-sur-Mer, un village pas très loin de Baie-Comeau. «Oui, il y a une crainte de l’extérieur envers Montréal, mais c’est qu’ils doivent souvent se battre pour avoir ce qu’ils ont et ils ne veulent pas le perdre, ils sont très attachés au territoire et à leur famille.»

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Sans oublier que cette méfiance est envers la politique, pas envers les gens. Les Nord-Côtiers sont fondamentalement accueillants et chaleureux, fiers, mais sans prétention. Ils insisteront pour prêter un sofa, bière incluse, plutôt que de laisser un touriste dormir dehors. C’est un peu normal, aussi, que les Nord-Côtiers protègent leur territoire. «C’est vraiment beau, raconte avec plein d’amour la Portneuvoise. Oui, Charlevoix, c’est magnifique, oui, Tadoussac, c’est beau, mais continuez [sur la 138], il y a vraiment de belles affaires sans le vernis touristique en plus.» Il ne faut pas oublier que cette région du Québec est grande comme l’Italie... mais sans ses millions d’habitants. Malgré les forestières et les minières, il y a beaucoup, beaucoup de kilomètres vierges. «Il y a tellement de potentiel sur la CôteNord, mais c’est aussi ça l’avantage, souligne l’écrivaine, c’est plein de trésors cachés» envahis par peu de touristes. Les milliers de lacs et de rivières à l’intérieur des terres, les sentiers pédestres, les plages, les îles, les belvédères, les monolithes, tout ça sera souvent pour vous seul. Par exemple, la rivière Magpie fait partie des dix plus belles rivières au monde pour le rafting selon National Geographic, mais seuls quelques initiés le savent pour le moment. La descendre demande une relative organisation, mais fera vivre, en échange, une expérience difficilement plus unique.

LES CHOIX DE LA RÉDAC Imaginez que la terrasse sur laquelle vous êtes plongé sous une dune se transforme en plage avec, comme décor, une mer et un ciel sans fin. C’est un peu ça, l’ambiance de l’Échouerie à Natashquan. Un endroit unique au Québec. 55, allée des Galets, Natashquan, copactenatashquan.net

En plus de servir d’excellentes bières dans une ambiance chaleureuse, avec deux terrasses donnant sur la baie de Sept-Îles, Edgar Café-Bar propose une généreuse carte de savoureux fromages. Le truc: arrivez en gang et commandez tout ce qu’il y a sur le menu et partagez tout, goûtez à tout! 490, avenue Arnaud, Sept-Îles 418 968-6789

Née de l’initiative de jeunes Baie-Comois, la Microbrasserie St-Pancrace est la première à avoir suscité l’engouement pour les microbrasseries de la Côte-Nord. La beauté de la place, située dans le «vieux» de la ville, n’a rien à envier aux bars de Québec ou de Montréal. Ils brassent même une bière au crabe (prononcer crâbe). 55, place Lasalle, Baie-Comeau, stpancrace.com

SUR LA CÔTE-NORD SELON ÉRIKA... On mange où? «Vous pouvez vous arrêter dans n’importe quelle poissonnerie et vous gaver de fruits de mer ou de poissons très, très frais.» Par exemple, le restaurant de la poissonnerie aux Escoumins, judicieusement nommé Resto-Poissonnerie Manicouagan (on mise sur les produits, pas le marketing). C’est un classique sur la Côte-Nord, les poissonneries ouvrent souvent leur propre restaurant. Directement du pêcheur à votre assiette. Difficile de faire plus frais. «Prenez la pizza aux fruits de mer», ajoute l’auteure. 152, rue Saint-Marcellin Est, Les Escoumins, fruitsdemeretpoissons.com

On sort où? «Le Café-Bar KiboiKoi aux Escoumins!» Tout jeune, ce café-bar situé sur le bord de la baie accueille les artistes d’un peu partout. Des jams, des conférences, des spectacles, le tout dans une ambiance intime (dans une vieille maison revalorisée). De Mononc’ Serge aux artistes locaux, le KiboiKoi propose un arrêt supplémentaire sur la longue 138 pour les artistes de tous genres. En plus, vous y trouverez bières de microbrasseries et plusieurs produits bios provenant de la Côte-Nord. 319, route 138, Les Escoumins. kiboikoi.wixsite.com/kiboikoi

On admire quoi? «Je suis chauvine, mais les gens doivent aller à la Pointe-aux-Fortin, à Portneufsur-Mer», lance l’auteure. Belvédère pour admirer la mer et ses kilomètres de plage, lieu de prédilection pour les ornithologues et, si vous êtes au bon moment dans l’année, vous verrez beaucoup de caplans rouler sur la plage (un grand incontournable nord-côtier). 391, rue Principale, Portneuf-sur-Mer, tourismecote-nord.com


SAGUENAY: STÉFANIE REQUIN TREMBLAY

VIE NOCTURNE DÉBRIDÉE Artiste visuelle, commissaire pour le centre d’artistes Le Lobe, Stéfanie Requin Tremblay passe sa vie entre Québec et Chicoutimi. Elle connaît le proverbial parc dans ses moindres conifères, ses lacs logeant la route, et peut même vous réciter le menu du Coq Rôti de L’Étape par cœur. (mots) Catherine Genest (photo) Jonathan Robert

lume a eu ben du fun à Jonquière et Stéfanie Requin Tremblay, elle, y a vu le jour l’année où Nathalie Simard et sa Danse des canards ont vendu plus de microsillons que Céline Dion et Men Without Hats. Fervente de culture pop surannée, du top 40 rock détentesque, l’esthète continue de puiser des idées à même le rack à vinyle de la Maison de quartier de sa

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ville natale. Dirais-tu que ton art est inspiré par ta région? «Hein! J’ai jamais pensé à ça! C’est une bonne question… T’sais, le côté un peu marché aux puces, friperies, le côté pas mal kitsch. Ça, je pense que c’est important.» C’est aussi au Saguenay, au Hippo-Club de Jonquière et au Manoir du parc de Chicoutimi

qu’elle se découvre une passion dévorante pour le karaoké et le nightlife, disons, légèrement en marge. Un thème récurrent dans sa pratique, un hobby très populaire chez elle et teinté de quelques particularités régionales absolument charmantes. Des exemples? «Il y a plus de Québécois qu’à Québec ou Montréal, en partant. Je pense que la toune que j’entends >


À CHICOUTIMI SELON STÉPHANIE... Un lieu culturel qui se démarque? Le Bar à Pitons de la Maison Price qui accueille moult musiciens, dont Aistis et Black Velvet ce mois-ci. «On peut faire des feux, y a des chiens, c’est pas montréalisé du tout! Y a de la pétanque aussi. Il y a plusieurs activités ponctuelles: une soirée slam à chaque mardi aux deux semaines, le jam trad/bluesgrass du dimanche, les jazz & scotch le jeudi soir, un micro ouvert à chaque fin de mois.» 110, rue Price Ouest, Chicoutimi, barapitons.com le plus souvent, c’est le duo de Marjo avec Gerry Boulet, Les yeux du cœur, ou n’importe quoi d’Offenbach. C’est les habitués de la place qui font ces chansons-là.» Pourtant, et de toutes les formes d’art explorées par Stéfanie, seul le chant n’a jamais fait l’objet d’études ou d’un site internet. La mélomane cultive son amateurisme.

Point de rencontre des artistes locaux, le Cambio sert cafés et concerts. Faut voir la programmation musclée du Sous-Bois, la salle de spectacle aménagée sous la brûlerie. 405, rue Racine Est, Chicoutimi cafecambio.ca

2434, rue Saint-Dominique, Jonquière 418 695-0100

La plus belle vue en ville? La terrasse de La Tour à Bières. «D’un côté, tu as la rivière, et de l’autre, la big cathédrale. Moi, j’aime beaucoup les spots nature, mais je fais pas de plein air. Moi, mon sport c’est comme… boire de la bière! Le karaoké aussi.» 517, rue Racine Est, Chicoutimi, latourabieres.com

PORTRAITS DU QUÉBEC

Jeux de société, cafés aromatisés, crème fouettée et biscuits divins. Telle est la recette du Café Klimt, chaleureux endroit peint aux couleurs des toiles du célèbre symboliste autrichien.

76, boulevard du Saguenay Est, Chicoutimi chezmamy.ca

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2477, rue Saint-Dominique, Jonquière 418 695-4343

Le restaurant Chez Mamy, l’exquise cantine qui comble les petits et grands creux des fins de soirée bien arrosées. «Le trio Mamy burger, c’est la meilleure affaire au monde. Ce qui rend le burger si spécial, c’est la sauce. Un genre de mayonnaise qui rappelle un peu le Big Mac, il y a du poivre là-dedans, je sais pas trop. C’est une recette secrète!»

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On passe se prendre une poutine chez Pauline (officiellement: le P’tit St-Do), mythique cantinière des nuits cégépiennes, pour un piquenique au parc de la Rivière-auxSables qui longe la main.

Une bonne table?

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Titulaire d’une maîtrise en arts visuels et d’un baccalauréat en cinéma à l’UQAC, madame Requin touche à tout: la rédaction (notamment à Voir sous l’égide de Joël Martel), la poésie (Esthétique bureaucratique), le commissariat (voir la publication rétrospective Obsolescence pop), le collage (ses prints sont fabuleux), le graphisme pour les journaux, la photographie (Hygiène), la recherche télé (Lézarts), l’infographie. Un portfolio hétéroclite et un CV qui témoignent bien de l’entraide et de l’ouverture que les travailleurs culturels et médiatiques prônent dans son coin de pays. Au Saguenay, tous les créateurs se mélangent et échangent. C’est dans les mœurs! «Il y a le Collectif des 3REG [un collectif de création sous contrainte], mais le programme en arts de l’université axe aussi sur l’interdisciplinarité. Tu as quatre volets: théâtre, arts visuels, cinéma et médiation culturelle. Tout le monde est obligé de faire des trucs avec les autres.» Un esprit très communautaire et un goût du partage qui, finalement, n’ont pas grand-chose à voir avec l’isolement que les habitants du Royaume peuvent éprouver quand les tempêtes de neige paralysent la réserve faunique des Laurentides. y

LES CHOIX DE LA RÉDAC

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ESTRIE: DOMINIC TARDIF

LE DUC DE SHERBROOKLYN Il romantise sa ville dans ses écrits inspirés, ses chroniques tendrement fielleuses et ses autres créations de l’éphémère parsemées aux quatre coins du web. Des bijoux d’articles dont s’enorgueillissent les musiciens qui croisent sa route. (mots) Catherine Genest n le dit baveux, le Dominic. Le regard toujours voilé de quelque chose qui ressemble à de l’ironie, le sourire en coin comme un bonus. Non, Sieur Tardif n’est pas vilain: c’est juste un sacré tannant. Bercé sur des gisements d’amiante, dans la petite ville d’Asbestos, l’auteur et entertainer (nous y reviendrons) migre vers Sherbrooke pour ses études collégiales la même année que l’émersion d’Arctic Monkeys avec Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not. Album qui, d’ailleurs, devait jouer en forte rotation dans son iPod nano à l’époque.

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Tout ça pour dire qu’il ne quittera plus jamais la capitale estrienne.

a, depuis, été téléversé en ligne, non pas sans attirer quelques délicats commentaires à l’endroit de l’héroïne bien-aimée des gens de la place. «Elle était la propriétaire du Rona à Sherbrooke. Pendant plusieurs années, elle tournait ses propres publicités à la télé. Quand on regardait les pubs, c’était pas trop clair si Renelle savait que c’était un peu cheap… Mais le truc, c’est qu’elle le savait! Renelle, c’est une femme super brillante. C’est non seulement une grande femme d’affaires, mais elle a aussi étudié le violoncelle à l’université et reçu un doctorat honoris causa de l’Université Bishop.» Présenté au Boquébière, chouette microbrasserie qui touille une blanche à l’honneur de l’animateur, La Tardive, le spectacle génère éclats de rire et fierté auprès de la gent locale. Une foule sans cesse grandissante qui se passe le mot et qui a, surtout, adopté Dominic. Prochaine édition: automne 2017. y

PHOTO | DESTINATION SHERBROOKE

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Sherbrooke, c’est son terrain de jeu, sa muse. C’est la ville qu’il célèbre une phrase à la fois dans La Tribune, l’hebdo local, dans ses prospections radiophoniques à l’émission C’est pas

trop tôt en Estrie sur Ici Radio-Canada Estrie. Un chauvinisme aigre-doux, un désir de «mythologiser» le centro qu’il transpose sur scène depuis 2015 avec Le Show Tardif, un spectacle de variétés façon Letterman ou Fallon, format télé mais aucunement diffusé, qui l’amène à partager une pinte avec des gens comme Guy Jodoin, Léane Labrèche-Dor, Simon-Olivier Fecteau et Pier-Luc Funk. «C’est sûr que la ville m’inspire! Tout mon monologue d’ouverture, c’est des blagues qui concernent les lieux sherbrookois, l’actualité et les personnages légendaires locaux. Tout le monde en prend pour son rhume! Il y a des gens qui sont vraiment généreux de ne pas m’en vouloir.» L’une de ses victimes favorites? Madame Renelle Anctil, une invitée vedette, une collaboratrice récurrente de Dominic qui s’est elle-même placée au cœur d’un pastiche décalé et préenregistré de la télé-réalité musiqueplussienne Barmaids. Un sketch bourré d’autodérision et qui


À SHERBROOKE SELON DOMINIC...

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Une salle de spectacle?

PHOTO | HANI FERLAND

La Petite Boîte Noire pour sa programmation axée sur la curiosité, l’émergence. «C’est un des lieux à Sherbrooke où on va voir les meilleurs concerts. En plus, l’histoire de l’endroit est assez chouette. Ç’a d’abord été dans le loft d’un gars qui s’appelle JacquesPhilippe Lemieux-Leblanc qui était le leader du band Banjo Consorsium. Il avait eu la bonne idée d’organiser des after partys lors du passage d’Arcade Fire en 2010, quand ils ont présenté The Suburbs chez nous en primeur mondiale!» 58, rue Meadow lapetiteboitenoire.com

LES CHOIX DE LA RÉDAC Construite en 1881, l’église méthodiste reconvertie en salle de spectacle s’offre une belle programmation estivale: Gilles Vigneault en juin, Louis-Jean Cormier et Fred Fortin seront au Vieux Clocher en août. 64, rue Merry Nord, Magog vieuxclocher.com

L’Office, c’est le petit frère de la boutique Kitsch qui habille les Sherbrookoises depuis bientôt sept ans. Une sélection de vêtements pour les gars sportifs mais stylés.

172, rue Wellington Nord, Sherbrooke boutiqueloffice.com

Une carte de vins élaborée, des alliages de saveurs qui étonnent. L’Antidote Food Lab s’inscrit comme un haut lieu de la gastronomie locale avec ses plats créatifs à souhait. 35, rue Belvédère Nord, Sherbrooke antidotefoodlab.com

Un secret bien gardé? Le restaurant Baumann Smokehouse, nouveau repaire de la chef Suzy Rainville. «Ce qui est le fun, c’est que c’est un tout petit local, il y a une trentaine de places. Ils ont un menu partiellement gardé secret, c’est-à-dire qu’ils peuvent seulement écrire wapiti et tu ne sais pas comment ce sera apprêté. Avant de commander, bien sûr, on te demande si tu as des allergies alimentaires!»

LE LOBSTER ROLL ET LE TARTARE DE SAUMON

TOUT L'ÉTÉ

141, Wellington Sud 819 821-8661

Le meilleur décor pour des photos? «Depuis quelques années, l’événement Bouffe ton centro organise début août un gros party au sommet du stationnement Webster, au cœur du centre-ville. C’est toujours cool de boire et de manger dans ce lieu-là, qui propose un point de vue unique sur Sherbrooke.» Les 5 et 6 août bouffetoncentro.co

CHEMIN DE LA #ÙTE DES .EIGES -ONTRÏAL


MAURICIE: TROU DU DIABLE

REVITALISANT HOUBLONNÉ Faisant partie de la toute première vague de microbrasseurs québécois, le Trou du diable est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs fabricants de bières artisanales. Mais au-delà de leur amour du houblon et du malt, ses fondateurs ont un désir profond de redonner à leur région son lustre d’antan. (mots) Antoine Bordeleau (photo) Clément Villemont

qui attache quelqu’un à une région, à « C emon avis, c’est d’abord les gens… mais aussi sa géographie et son histoire.» Isaac Tremblay, président et directeur du développement des affaires du Trou du diable, porte son Shawinigan natal très près du cœur. «Même notre nom vient de la géographie de

la région. La rivière Saint-Maurice est coupée en deux par une île, et quand les deux courants se rejoignent, ça crée une espèce de gros bouillon, qui s’appelle le Trou du diable.» Bien que lui et ses compères n’aient pas toujours habité la ville, ils y sont tous revenus sans même s’en parler au préalable. Quand ils

se sont rendu compte qu’ils y étaient tous, ils ont fondé ce qui allait devenir l’une des plus importantes microbrasseries au Québec. Mais le Trou du diable a également participé à une revitalisation importante de la ville, qui faisait pitié à voir il y a 12 ans. >


EN MAURICIE SELON ISAAC...

(PHOTO) MICHEL JULIEN

Un événement culturel à ne pas manquer?

«Quand on a parti ça, on était pas des tonnes de petits brasseurs au Québec, alors c’est sûr que ç’a attiré l’attention pas mal. Mais, surtout, je pense qu’on a aidé à la nouvelle vie de Shawinigan. C’est une ville avec énormément d’histoire, la première à être électrifiée au Québec, une des plus industrialisées au début des années 1900… Mais les vieilles usines, avec le syndicalisme, quand elles ont été délaissées, ç’a donné un coup de mort à la ville.» Isaac se rappelle que lorsqu’il était jeune, les fumées des usines de Shawinigan rendaient l’air lourd. Quand elles se sont vidées, les emplois sont partis du même coup, amenant la ville au bord du gouffre économique. Mais depuis, la qualité de vie est revenue et de plus en plus de commerces emboîtent le pas à la microbrasserie iconique. «J’ai grandi dans la boucane et la pitoune partout sur la rivière, mais aujourd’hui, on a de l’air qui se respire et une des plus belles rivières au Québec. C’est vraiment une deuxième vie pour Shawinigan.»

LES CHOIX DE LA RÉDAC Incontournable des amoureux de musique émergente et de plaisirs houblonnés, le Zénob est l’endroit de choix pour découvrir de nouveaux groupes et ne pas se coucher avant les petites heures.

171, rue Bonaventure, Trois-Rivières cafebarzenob.com

naturemauricie.com

1900, avenue Melville Shawinigan ilemelville.com

Un endroit incontournable à visiter? L’église Notre-Dame-de-laPrésentation, où l’on peut observer les œuvres d’Ozias Leduc. «C’est sûr que c’est pas hyper excitant d’aller dans une église, mais ça reste une de mes places préférées. C’est très recueillant, et il y a une murale absolument magnifique.» 825, avenue Ozias-Leduc Shawinigan oziasleducenmauricie.com

PORTRAITS DU QUÉBEC

Pour les amateurs de la pêche en pleine nature, les pourvoiries de la Haute-Mauricie sont toutes indiquées pour aller se perdre dans le bois et taquiner le doré. De nombreux chalets sont offerts en location.

Le parc des Chutes Shawinigan (parc de l’île Melville). «Je te dirais que ça vaut vraiment la peine d’aller voir le Trou du diable! Y a plein d’activités à faire, mais particulièrement d’aller voir ce phénomène-là, c’est impressionnant. C’est au printemps que c’est le plus fou, à la crue des eaux.»

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380, rue Gérin-Lajoie, Yamachiche vignobledomainebeauchemin.ca

Où aller pour profiter de la nature?

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Pour accompagner un repas du terroir, rien de mieux qu’un vin local du Vignoble Domaine Beauchemin. Ce domaine familial propose des crus d’ici, en blanc ou en rouge, à moins de 20$ et qui sont produits tout en respectant l’environnement.

Carré Willow Shawinigan soireedesbrasseurs.com

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L’équipe du Trou du diable ne s’investit pas seulement dans sa communauté en brassant des bières succulentes. En plus d’offrir aux résidents l’accès à des concerts de qualité avec son fameux Salon Wabasso, l’équipe s’implique dans la Série du diable (une suite de courses organisée tout au long de l’été), aide les équipes sportives locales et s’investit dans le plus d’événements culturels possible. Mais ce n’est pas tout: «Du côté communautaire, on s’implique dans les paniers de Noël du Centre Roland-Bertrand. On organise un encan qui est aussi un souper de côtes levées où on amasse des fonds pour les paniers, qui sont remis aux gens moins aisés par le Centre durant le temps des fêtes. Au début, c’était tout petit, on a ramassé peut-être 1000$. Mais cette année, écoute, on a rempli la grosse salle, y a du monde qui donnait des manteaux de fourrure, ça avait pas de bon sens. On est

rendus qu’on réussit à atteindre environ 20 000$ par année. Pis ça, c’est vraiment important pour nous, de pouvoir aider dans la communauté où on a grandi.» y

La Soirée des Brasseurs (12 août), pour la bière et la fête! «C’est un méchant party! On présente des shows, y a des brasseries de partout au Québec et même d’ailleurs dans le monde qui viennent fêter, tout le kit! C’est LE party à ne pas manquer dans le coin.»


ROUYN-NORANDA: STEVE JOLIN

L’AUTONOMIE ABITIBIENNE Autoproclamé «l’homme de bois», Steve Jolin a Rouyn-Noranda tatoué sur le cœur. En plus d’y avoir vécu toute sa vie, le rappeur et entrepreneur a réussi l’impensable: délocaliser l’industrie hip-hop québécoise de ses repaires urbains. (mots) Olivier Boisvert-Magnen (photo) Alicia Beauchemin

«

oi, j’habite dans le bois, à 7-8 minutes du centre-ville de Rouyn. Je coupe mon bois, je chauffe au bois, je suis très en contact avec la nature. C’est très particulier ce que je vis comparativement aux autres personnes du milieu musical», reconnaît Steve Jolin. «J’ai des bureaux à Montréal, mais ma place d’affaires demeure Rouyn, ce qui m’amène à rechercher un équilibre entre les deux. En général, quand j’ai passé une semaine en ville, j’ai hâte de revenir chez nous.»

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Le pari était loin d’être gagné d’avance pour l’Abitibien de 39 ans. Attiré par le rap dès l’adolescence, il a d’abord cogné aux portes des maisons de disques, sans succès. «Le rap,

à la base, c’est une musique très identitaire et territoriale. Moi, j’avais pas envie de jouer de game et je savais que la façon de me distinguer, c’était de parler de mes racines, de dire d’où je viens. Mais au début des années 2000, le rap d’ici connaissait une période creuse, et vu que ç’a toujours été un genre musical profondément urbain, je partais à deux prises. Le seul moyen que j’avais pour me faire entendre, c’était de m’autoproduire.» Fondée en 2003, Disques 7ieme Ciel a connu une amorce lente. En trois ans, seuls les deux premiers albums de son fondateur y avaient été publiés. Mais la venue de Samian, natif d’Amos, puis les signatures subséquentes de Dramatik,

Koriass, Manu Militari et Alaclair Ensemble, tous originaires de Montréal ou de Québec, l’ont placée au sommet des étiquettes les plus respectées du milieu hip-hop québécois. Se considérant maintenant plus comme entrepreneur que rappeur, Jolin a fait naître une deuxième étiquette, 117 Records. Encore une fois, cette dernière est essentiellement tributaire de son amour pour la région. «L’idée m’est venue après avoir fait un show avec Lubik», dit-il, à propos de cette formation rock originaire de La Sarre. «J’avais trouvé leur son débile et j’avais envie de leur donner un coup de main. Je voulais pas les signer sur mon brand rap, alors j’ai créé une nouvelle division afin de m’ouvrir à d’autres projets.»

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Deuxième parution officielle de cette étiquette, la compilation Desjardins est également nourrie par cette volonté de faire rayonner l’Abitibi. «Autant le réalisateur [Philippe B] que celle qui a confectionné la pochette [Karine Berthiaume] ou ceux qui ont fait les clips et les photos viennent de la région», explique-t-il. «Ce sont des gens très attachés à Richard Desjardins, qui se sentaient investis par le sentiment d’appartenance du projet.» Au-delà de sa propre implication, Jolin constate que la débrouillardise est un trait de caractère typique des gens de son patelin. «C’est une région à l’ouest, isolée du reste du Québec. On a pas eu le choix de développer notre autonomie culturelle», analyse-t-il, ajoutant que le président de Simone Records (Sandy Boutin) et le cofondateur de Bonsound (Jean-Christian Aubry) viennent du même endroit. «On est aussi la région la plus jeune du Québec, la dernière à avoir été développée, et je crois que notre désir de défricher est encore plus fort.» Loin de tout centre urbain, la région serait aussi caractérisée par son accueil chaleureux: «Les gens savent que, si t’as décidé de faire sept heures de route pour te rendre ici, c’est que tu as un grand intérêt.» y

LES CHOIX DE LA RÉDAC Le Festival pyromusical Osisko en lumière saura en mettre plein la vue au public avec ses feux d’artifice synchronisés à de la musique, le tout préparé par trois des plus grandes firmes canadiennes d’artificiers.

Du 10 au 12 août 2017, Rouyn-Noranda osiskoenlumiere.com

Pour avoir la chance d’observer la faune locale, le Refuge Pageau est tout indiqué. Vous pourrez y voir des animaux sauvages de toutes sortes dans le besoin et en processus de réhabilitation. 4241, chemin Croteau, Amos refugepageau.ca

Découvrez ce qui a fait survivre la région de Val-d’Or à la Cité de l’Or. Deux sites historiques vous apprendront les réalités des mineurs en vous transportant 91 mètres sous terre. 90, avenue Perreault, Val-d’Or citedelor.com

À ROUYNNORANDA SELON STEVE... Un événement culturel qui se démarque?

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L’art de plaire

«Le FME [Festival de musique émergente d’Abitibi-Témiscamingue]. Il y règne une ambiance festive et familiale, et les artistes et le public s’y mélangent. C’est comme un mini-SXSW le temps d’un long week-end. Ç’a commencé modestement, mais c’est rendu d’envergure internationale. Un de mes plus beaux shows en tant que rappeur s’est d’ailleurs déroulé durant la première édition. Je m’étais produit à la scène Paramount avec Sans Pression, qui venait juste de sortir son deuxième album. C’est le fun de voir que 15 ans plus tard, l’événement est à son plein potentiel.»

Du 31 août au 3 septembre, Rouyn-Noranda fmeat.org Une bonne adresse?

«J’aime bien le Cachotier. C’est un bon resto avec une bonne ambiance où l’on sort des tapas. Autrement, j’aime bien la microbrasserie le Trèfle Noir, une petite place sympathique où l’on sert de la bonne bière.» Ouverte depuis 2009, cette brasserie artisanale brasse plus de 120 000 litres de bière annuellement et peut maintenant compter sur 150 points de vente partout au Québec. 143, avenue Principale, Rouyn-Noranda lecachottier.com Un trésor géographique caché? «Les collines Kékéko, tout près de chez moi. On y trouve deux lacs et des beaux sentiers de marche. C’est une belle place pour prendre l’air et se ressourcer.» S’étalant sur plus de 43 kilomètres, les sentiers des collines Kékéko sont «un milieu exceptionnel pour les plantes et les champignons», notamment les pleurotes du peuplier (en juin), les chanterelles communes (en août) ainsi que les lactaires couleur de suie et les lactaires saumon. Chemin Kekeko, Rouyn-Noranda cegepat.qc.ca/sitekekeko

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PORTNEUF: LES GRANDS BOIS ET LA TAVERNE

BRASSIN CULTUREL La bière, la fête et la musique, ça va très bien ensemble. C’est dans cet esprit de soirées fortes en houblons et en décibels que les gens de la Taverne Saint-Casimir et de la microbrasserie Les Grands Bois ont démarré leurs entreprises. (mots) Antoine Bordeleau (photos) Maude Touchette

l n’y a pas très longtemps que le tout petit village de Saint-Casimir, dans Portneuf, commence à faire parler de lui énormément. Effectivement, c’est il y a seulement six ans que Daniel Tessier a racheté l’établissement qui allait devenir la Taverne Saint-Casimir. Depuis, le milieu de la musique émergente comme celui des artistes plus établis ont embrassé cette nouvelle salle de concert au cœur d’une toute petite communauté. Aujourd’hui, la rue Tessier sert également de quartier général à une autre entreprise tournant autour des plaisirs houblonnés: la coopérative brassicole Les Grands Bois. Mathieu Tessier (oui, oui, le fils de Daniel!), directeur des ventes, explique ce qui les a poussés, lui et les autres fondateurs, à rester dans ce coin: «Les cinq gars, on est originaires d’ici. On a vécu à gauche et à droite à travers les années: Québec, Montréal, Gaspésie… Mais y a un sentiment d’appartenance très fort ici qui nous a donné le goût de nous investir dans le village. Tu sais, mon père est d’ici, mon grand-père aussi… Y a quelque chose qui nous attache ici.»

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Pour les partenaires de la Taverne, créer une microbrasserie s’inscrivait dans une suite logique. «Dès que mon père a ramassé le bar, on a sorti toutes les grosses marques de bières pour rentrer la St-Ambroise, la Belle Gueule et tout ça. De fil en aiguille, avec la popularité montante des bières plus raffinées, on s’est mis à servir des produits de microbrasseries québécoises et on a tout de suite senti un engouement. Y en avait pas, de la bière faite ici, alors on a vu une belle occasion d’affaires, mais pas seulement ça. C’est pour nous une façon de donner un coup de pouce à notre région. On s’entend, Portneuf, particulièrement Portneuf-Ouest, y a bien du monde qui savait même pas où c’était, y a pas si longtemps!» À force de créer des offres culturelles intéressantes et des produits de qualité, la Taverne Saint-Casimir et la microbrasserie Les Grands Bois participent activement à redorer le blason de leur patelin. Dans les dernières années, les deux établissements ont accompli leurs missions respectives. De plus en plus d’artistes de tout acabit se

produisent à Saint-Casimir, on y vient pour boire des concoctions maltées de qualité et la région de Portneuf commence à être sur la map des amoureux des régions québécoises. De plus en plus de touristes passent par le petit village d’à peine plus de 1500 habitants et les entrepreneurs de la région voient enfin tous leurs efforts récompensés. Mathieu conclut: «Toutes ces initiatives-là, on sent vraiment que ça donne quelque chose, qu’on fait pas ça dans le vide. On a même démarré un festival de bières qui s’appelle la Commission brassicole, ça va être la quatrième année et il y a un intérêt marqué des gens de l’extérieur. On a vraiment le sentiment de redonner à cette région-là où on a grandi, de lui redonner quelque part ses lettres de noblesse.» y

(DE GAUCHE À DROITE) COMMISSION BRASSICOLE, ST-CASIMIR (EN BAS, À DROITE) LANCEMENT LES GUERRES D’L’AMOUR, ST-CASIMIR


DANS PORTNEUF SELON MATHIEU... Quel événement est incontournable?

La Commission brassicole, sans l’ombre d’un doute. «Ce festival-là, c’est un peu la culmination de tout ce qu’on a amorcé il y a six ans avec La Taverne. Il y a des bands qui jouent dehors dans une grosse tente où tous nos chums brasseurs viennent faire goûter leurs produits au public, c’est une grosse fête au village! De la bonne bouffe, du monde souriant, des activités pour les enfants... C’est comme un concentré de tout ce qu’on fait en une journée festive.»

Rue Tessier, Saint-Casimir, 17 juin

LES CHOIX DE LA RÉDAC Si vous cherchez un endroit pittoresque où passer la nuit, l’Auberge du Couvent vaut le détour. Les ascenseurs et les salles de bain sont particulièrement funky. Par contre, on repassera pour l’intimité! 370, boulevard de la Montagne, Saint-Casimir aubergeducouvent.com

Pour les amoureux de l’horticulture, FloreSsens vous invite à découvrir ses 2 kilomètres de sentiers sinueux, où des jardins thématiques foisonnent de fleurs et de plantes de toutes sortes. 1031, chemin de la Traverse, Saint-Raymond floressens.com

La Fromagerie des Grondines saura satisfaire les plus fins palais avec ses fromages artisanaux au lait cru bio de vache, de chèvre et de brebis. Offrant une grande sélection de produits et des dégustations sur place, c’est un excellent arrêt pour se régaler. 274, 2e Rang Est Deschambault-Grondines fromageriedesgrondines.com

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Où s’arrête-t-on pour un bon café?

La P’tite Brûlerie, un microtorréfacteur de Deschambault. «Le café de La P’tite Brûlerie, c’est juste malade. C’est tout bio, équitable, et c’est certainement le meilleur café que j’ai bu dans ma vie. Si tu passes dans le coin et que t’as besoin d’un café, t’as pas le choix d’arrêter là!»

La P’tite Brûlerie 243, chemin du Roy, Deschambault laptitebrulerie.com

Où va-t-on pour profiter de la nature?

Sans surprise, c’est le Parc naturel régional de Portneuf qui est le premier choix. «Ce qui est particulièrement le fun, au parc régional, c’est le nombre d’activités que tu peux faire. Camping, chalets, canot, kayak, escalade, promenade en forêt, name it! C’est vraiment une super belle place où aller en famille, pas mal inévitable pour les gens qui visitent le coin pis qui aiment la nature.» 423, rue Principale, Saint-Alban parcportneuf.com

9520, BOUL. LEDUC, SUITE 01, BROSSARD, QC OASISSURF.COM 514.372.7873 [SURF]


J’IRAI TOUJOURS AU CINÉ-PARC LA SAISON DES CINÉ-PARCS EST OUVERTE. CHÉRISSONS CES JOYAUX NOSTALGIQUES DU SEPTIÈME ART QU’ON NE COMPTE PLUS QUE SUR LES DOIGTS D’UNE MAIN AU QUÉBEC. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTO | JOSEPH SOHM


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n 1990 (ouch! on vieillit), je vivais ma première expérience de ciné-parc dans ma patrie, à Saint-Eustache. On allait décider sur place ce qu’on irait voir. Sur les cinq écrans, y allait bien avoir quelque chose qui nous plairait. J’avais cinq ans et j’ai vu les fesses de Kevin Costner. Mes parents avaient choisi Il danse avec les loups non sans hésitation. Je ne peux pas vous dire si j’ai aimé ou compris le film, mais la magie du ciné-parc m’avait absolument emportée ce soir-là et je me suis endormie paisiblement contre l’épaule de mon cher cousin à mes côtés.

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Dans les dernières années, j’ai revisité le Ciné-Parc St-Eustache. Tout semble être resté intact. Si je n’ai pas somnolé avant la fin du premier film comme mon alter ego de 5 ans, j’y ai vu des longs métrages que j’aurais aimés à cet âge: Le monde de Dory et Les Schtroumpfs 2. Nostalgique et fébrile au possible en ce début de saison, j’ai lâché un coup de fil au propriétaire du petit et charmant Ciné-Parc StHilaire, André Monette. Celui qui travaille pour le septième art depuis 1962 constate une augmentation de l’offre et de la demande pour des films pour toute la famille depuis quelques années, ce qui change la donne en matière de public. «Y a beaucoup de bons films pour tous – comme tous les Détestable-moi et les Cars – et on n’est plus confinés à jouer du gros film d’action et à être limités à une clientèle jeunesse qui aime beaucoup ces films-là. Les belles journées en juin, juillet ou août où l’on voit une centaine d’enfants sur le terrain en pyjama, c’est pas mal le fun.» Le ciné-parc de Saint-Hilaire ainsi que celui de Saint-Eustache figurent parmi les quelques derniers au Québec, avec ceux de Boucherville, Orford et Gatineau. Si le commerce de deux écrans de M. Monette est encore bien en vie, il explique la disparition des établissements de ses anciens homologues par des raisons financières, sans surprise. «C’est tout d’abord une business. Tout d’un coup, au lieu de faire 10$, t’en fais juste 5 et il faut travailler pareil, commente le propriétaire du CinéParc St-Hilaire depuis trois décennies. Vous avez un grand terrain et arrive un jour un coco qui vous offre beaucoup d’argent… Les ciné-parcs ont disparu un à un, un peu pour ça. Il en reste cinq au Québec. C’pas gros, hein?»

Si le ciné-parc de Laval – dont les écrans désuets règnent toujours sur le bord de l’autoroute 15 – n’a pas vécu assez longtemps pour vivre le passage au numérique, celui de Saint-Hilaire profite bien aujourd’hui des atouts des nouvelles technologies. «On a remplacé notre équipement de projection pour du numérique il y a quatre ans, précise M. Monette. C’était un gros investissement, mais on a vu une sensible augmentation de notre chiffre d’affaires. C’est un gros plus pour la clientèle aussi, parce que les gens savent que le numérique est supérieur. Quand les films en pellicule étaient sombres, c’était difficile à présenter en ciné-parc. Maintenant, y a aucun problème. Le numérique nous a coûté beaucoup, mais nous a apporté beaucoup.» Mais avec l’arrivée de Netflix et la multiplication des écrans dans les foyers, le ciné-parc n’est-il pas redevenu en péril ces dernières années? Non, pense M. Monette. «Vous savez, en cinéma, on est habitués. Il est arrivé tellement d’affaires depuis 50 ans. Chaque fois, on a dit “ça va tuer le cinéma”, mais ça ne s’est pas passé. On peut regarder des films sur notre écran géant chez nous – c’est correct, c’est une facilité, c’est l’fun –, mais on a aussi besoin de sortir. Je sais qu’y a beaucoup de gens qui vont penser que ça ne fonctionne plus, mais nous, en particulier les quatre dernières années, notre rendement a été supérieur d’année en année.» À l’ère d’une facilité accrue à consommer le cinéma et la télé à tout moment, le grand écran, lorsque bonifié d’une expérience abordable telle que l’offre le ciné-parc, est encore favorisé. «Je suis venu au monde dans le cinéma; j’y suis encore et j’aime ça. Et le public nous le rend bien parce que les gens qui viennent sont de bonne humeur. Ils installent leurs chaises ou ils mettent le char à l’envers avec des couvertes, un mini barbecue. Ils jouent au frisbee en attendant. C’est une belle aventure, et si ça continue, c’est qu’on est capables de faire vivre ça et d’en vivre.» Puisque la vie semble être bonne au Ciné-Parc St-Hilaire et que M. Monette nous assure que la relève est déjà en place, on prendra encore la sortie 115 longtemps. y

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UN SAC DE BILLES: AU CREUX DE LA MAIN Succès lumineux de l’hiver en France, Un sac de billes rebondit au pays avec deux distingués capitaines, le Montréalais Christian Duguay à la réalisation et un certain Patrick Bruel en patriarche bienveillant. Rencontre avec le second, Québécois d’adoption. MOTS | NICOLAS GENDRON

On oublie souvent que le jeu est apparu dans la vie de Bruel avant la chanson. Cela fera bientôt 40 ans qu’il disparaît à l’écran – voir Le coup de sirocco, en 1979. «Le cinéma, c’est une grande partie de ma vie. Mais je ne serais pas l’acteur que je suis sans avoir levé mes inhibitions devant public», admet l’artiste. Et l’année cinéma a très bien démarré pour lui, avec quelque 1,3 million de Français qui se sont approprié Un sac de billes, malgré son sujet délicat. «Pourquoi une autre adaptation du livre de Joseph Joffo? Tout le monde l’a lu.» Tout le monde? «J’avais vu le film qu’en avait tiré Jacques Doillon [en 1975], mais plus j’y pensais, plus je réalisais qu’il nous fallait rejoindre les nouvelles générations.» Des jeunes qui semblaient d’ailleurs bien mal connaître la Seconde Guerre mondiale, lorsque rencontrés en classe pour la promotion du film. «On leur a fait ça simplement parce qu’ils étaient Juifs?», s’étonnaient-ils. Un sac de billes, c’est la petite histoire (vraie!) dans la grande, la Shoah racontée par Joseph (Dorian Le Clech), 10 ans, forcé de quitter les siens dès 1942 avec son frère Maurice (Batyste Fleurial Palmieri),

PHOTOS | LES FILMS SÉVILLE

12 ans, pour se réfugier en zone libre, là où l’armée allemande n’a pas encore le plein contrôle de la France. «Le prisme de l’enfance permet d’explorer la dureté et la violence en même temps que l’insouciance et l’ensoleillement.» Les drames sur le sujet abondent, de La Liste de Schindler au Pianiste. «Mais ce regard d’enfant permet de tirer le film vers la lumière, à l’instar de La vie est belle, qui était un petit chef-d’œuvre, à mes yeux. La barre était haute, mais Christian Duguay a réussi quelque chose de très émouvant.» Le réalisateur de Jappeloup a aussi respecté la condition sine qua non de Bruel: recruter d’excellents enfants acteurs. «Et que Christian soit Québécois ne gâche rien pour moi. J’ai une grande affection pour tout ce qui touche de près ou de loin le Québec.» Un piège récurrent des films de guerre (ou sur celleci), c’est la tentation de l’acteur à vouloir porter le poids de la fin dès le début. «Dans la scène initiale, au salon de coiffure, si je peux tenir tête et revendiquer mon judaïsme haut et fort devant les enfants et les clients, ce n’est pas parce que je suis plus malin que les autres, mais parce que j’ignore tout

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de l’avenir.» Reste cet effet miroir, entre l’épisode du barbier et celui où l’enfant clame sa fierté d’être ce qu’il est. «Soyons fiers de nos racines, oui, mais sans être inconscients.» Car ce qui inquiète Bruel, ce sont les parallèles à tracer entre hier et aujourd’hui. «C’est une boucle sans fin. Le durcissement de l’Europe, la montée du nationalisme, les remous de la crise économique en France comme en Amérique… C’est fou! La première fois, on pouvait feindre l’ignorance, mais les schémas se répètent. Et fermer les yeux devrait être interdit!» Tristement, le tournage a aussi connu des soubresauts entre le passé et le présent, entre autres au moment de capter la scène, très prenante, où Joseph apprend à recevoir la gifle qui pourrait lui sauver la vie. «C’était en novembre 2015. Le jour des attentats, à Paris, mes enfants étaient dans le stade avec leur mère. Le lendemain, je prenais un avion pour les serrer dans mes bras et leur expliquer l’inexplicable. Quelques jours plus tard, je me retrouvais sur le plateau, en 1942, avec deux autres enfants dans mes bras, pour leur expliquer l’inexplicable. Toute l’équipe était bouleversée, et cette grande fébrilité nous a portés pour le reste de l’aventure.» Heureusement, il y a encore moyen de tenir la vie au creux de la main, comme la plus précieuse des billes.

Et Barbara? Au Québec ce printemps pour chanter Barbara, dans les sillons de son album hommage Très souvent, je pense à vous…, Bruel demeure convaincu que l’œuvre de la dame en noir éclaire toujours notre monde. «Il y avait un caractère visionnaire dans ses chansons. Et ses thèmes – le temps qui passe, l’amour destructeur, voire impossible, la douleur de l’enfance – demeurent universels et intemporels, tout comme son engagement d’ailleurs.» Il entonne pour preuve quelques vers de Perlimpinpin, troublants d’écho: «Pour qui, comment, quand, et pourquoi? Contre qui? Comment? Contre quoi? C’en est assez de vos violences. D’où venez-vous? Où allez-vous? Qui êtes-vous? Qui priez-vous? Je vous prie de faire silence.» Celle qui le surnommait avec tendresse «l’enfant roi» aurait sans doute apprécié cet élan de transmission. «On est là pour ça. C’est le fondement de notre vie, non?» y Un sac de billes Sortie en salle le 16 juin 2017


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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

SUR LE PARVIS DE L’ÉGLISE, DES CHANTS DE VIELLES Sur le bord de la rivière Richelieu, en Montérégie, à une soixantaine de kilomètres de Montréal, se trouve ce qui est reconnu comme un des plus beaux villages du Québec: Saint-Antoine-sur-Richelieu. C’est un petit village: il ne compte que quelque 1700 habitants, une population partagée entre le village, des rangs et des fermes agricoles. Un petit village, avec une petite population. Et pourtant, cette année encore, il s’y tiendra un festival international de musique: le Festival Chants de Vielles. Une fois de plus, de nombreux musiciens et musiciennes provenant de plusieurs pays, des artistes possédant une renommée internationale, viendront passer quelques jours au village et partager leur musique, fraterniser entre eux et avec les locaux. C’est tout un exploit. Cette année, cette manière de petit miracle aura lieu du 30 juin au 2 juillet. Quand un village se mobilise Derrière ce miracle, comme on s’en doute, on trouve une équipe d’organisateurs et d’organisatrices dévoués et l’équipe de la mairie, ce qui fait déjà plusieurs personnes. Mais il y a surtout cette population du village qui se mobilise. Parlez-en à Nicolas Boulerice, président de l’événement, lui-même Antonien et musicien, membre du groupe Le Vent du Nord.

Le Festival Chants de Vielles, vous rappellera-t-il, c’est près d’une centaine de bénévoles du village qui donnent de leur temps, qui font de la gestion, de l’organisation, de la sécurité, du montage et du démontage, et même qui hébergent chez eux la grande visite. Les artistes sont bien payés, comme il se doit, mais pour le reste, tout le festival est une affaire de bénévoles. Se créent alors des liens entre tous ces gens et se nourrit ce sentiment d’appartenance qui fait une communauté. Celle-ci est bien vaste puisqu’elle réunit des gens de partout dans le monde. Parmi les liens qui les unissent, outre ce fait de vivre ensemble durant ces journées du festival, il y a bien entendu la musique. Et pas n’importe laquelle – et le nom de l’événement vous l’a déjà fait deviner: c’est de la musique traditionnelle qui se joue au festival. La musique traditionnelle et tous ces villages Pour Boulerice, il est important qu’un tel événement ait lieu dans un village, et on est tenté de lui donner raison. À l’heure d’une mondialisation économique qui tend parfois à gommer toutes les différences sur l’autel du commerce, on se plaît à penser que le monde, après tout, est encore un ensemble de petits villages, chacun avec ses us et coutumes, son histoire, sa culture. Par le miracle de la musique, chacun peut, alors, dire «nous» sans cesser de dire «je».

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Le petit village devient alors une sorte de parvis d’Êglise de l’humanitÊ, oÚ on se parle en jouant de la musique et en chantant. Pendant quelques jours, ce parvis s’appelle SaintAntoine-sur-Richelieu et ce sont les Antoniens qui rendent possible les rencontres qui s’y font. Ils vous y attendent‌

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Un coup d’œil sur ce que le festival vous rĂŠserve L’espace que j’ai ne me permet pas de tout vous dire, mais voici quelques-unes des dĂŠcouvertes Ă faire cette annĂŠe. Discord est un nouveau et prometteur quatuor quĂŠbĂŠcois de quatre violons, mais aussi de quatre voix et de quatre pieds: ce ne sera pas sa première, mais presque. Vishtèn, ce sont deux sĹ“urs jumelles, Astelle et Emmanuelle LeBlanc, de l’Île-du-Prince-Édouard, et Pascal Miousse, des ĂŽles-de-la-Madeleine): ils proposent un rĂŠpertoire acadien et celtique qui reste peu chantĂŠ et peu connu ici.Â

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De la France, le trio Puech-Gourdon-BrĂŠmaud combine chants, cabrette et vielle Ă roue: il faut bien de la vielle dans ce Festival Chants de Vielles! Et il y en aura d’autres. Toujours de la France, le duo Hamon-Martin met en vedette Erwan Hamon, Ă la flĂťte traversière en bois et Ă la bombarde bretonne, et Janick Martin, Ă l’accordĂŠon. Yann Falquet, violoniste, et Pascal Gemme, du groupe Genticorum se produiront en duo, une performance qui, sur disque, leur a valu de remporter le prix du meilleur album de musique trad aux Prix de musique folk canadienne. Musique irlandaise? Fiachra O’Regan. Vous entendrez alors de l’uilleann pipe, de la cornemuse irlandaise, sans oublier du whistle. Les bien connus Charbonniers de l’enfer seront aussi lĂ et Michel Faubert donnera mĂŞme une confĂŠrence. Vous aurez devinĂŠ: il y en aura pour tous les goĂťts, dans ce dĂŠcor enchanteur qu’offrent les magnifiques berges de la Richelieu. Et vous pourrez rencontrer les Antoniens, qui vous attendent. Et si vous avez le temps, vous pourrez faire un saut Ă Calixa-LavallĂŠe, juste Ă cĂ´tĂŠ, oĂš le festival se tenait jusqu’à il y a quatre ans. Il fait compĂŠtition Ă Saint-Antoine, cĂ´tĂŠ beautĂŠ, et doit son nom Ă celui qui composa la musique de l’hymne national canadien, Calixa LavallĂŠe, justement‌ Pour en savoir plus Sur le site internet de l’ÊvĂŠnement, vous saurez tout de cette ĂŠdition, de ses nombreux invitĂŠs qui en seront cette annĂŠe jusqu’aux manières de vous impliquer, en passant par la route pour aller Ă Saint-Antoine-sur-Richelieu, les horaires et tout ce qu’il faut savoir pour venir faire un tour au village du 30 juin au 2 juillet.y

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THÉ DE TABLE

Cocktails aux infusions et accords mets-thés s’invitent au resto. Le thé serait-il le nouveau vin? MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTO | CAMELLIA SINENSIS


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ccorder des thés avec des chocolats ou des scotchs: les ateliers gourmands de Camellia Sinensis à Montréal et à Québec sont un succès. En nombre croissant depuis une dizaine d’années, les amateurs consomment du thé de meilleure qualité et le font sortir de la case traditionnelle du thé matinal ou de la tasse d’aprèsmidi: le thé se sert dorénavant avec les plats. «On voit maintenant plus le thé comme un ingrédient. Avec tous ses profils de goûts, c’est normal de penser à le jumeler avec d’autres profils de goûts très riches, comme le fromage ou les huîtres, indique Kevin Gascoyne, l’un des dégustateurs de Camellia Sinensis. Le thé peut créer beaucoup de contrastes et d’harmonies, amenant l’expérience du repas à un autre niveau…»

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La maison de thé a travaillé avec plusieurs chefs sur des événements, comme l’édition 2016 de Montréal en lumière pendant laquelle le Toqué! a proposé un 4 services avec des accords de thés. Camellia Sinensis a aussi mis au point des accords pour les menus de grands restos – des étoilés Michelin en France, The Fat Duck en Angleterre, Atera à New York... Le résultat? Jean-François Desaulniers, sommelier spécialisé notamment dans le thé, raconte son expérience à Atera: «Le resto propose son menu 18 services avec l’option d’accords avec les thés pour le tiers du prix des accords vins. J’ai pu goûter à des accords intéressants, mais aussi à des approches du thé différentes: par exemple, au lieu d’un vin effervescent à l’apéro, on nous a servi un thé préparé en infusion à froid avant d’être gazéifié pour lui rajouter des bulles. Le résultat était incroyable et très ingénieux.» Mais rares sont les restos qui peuvent se permettre d’offrir ces accords. En effet, servir du (vrai) thé à table demande un personnel formé et, surtout, du temps. «Le temps de verser un verre de vin n’est pas le même que pour faire un thé, l’infuser, etc., souligne Kevin. Dans la restauration, personne n’a le luxe de pouvoir attendre trois minutes…» L’offre pourrait cependant être amenée à s’étoffer au vu de la demande. C’est qu’avec sa vivacité, sa complexité et ses subtilités de goût, le thé vient compléter – voire supplanter – le vin et trouve ainsi sa place au menu des foodies. «Il y a un marché grandissant pour ces gens qui sont fatigués du vin, qui veulent essayer autre chose», confirme Kevin.

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GOURMANDISES AUX COULEURS DU PRINTEMPS

MACARONS SAVEURS VARIÉES

PREMIEREMOISSON.COM


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> Sushis et sencha Il faut aussi considérer ceux – de plus en plus nombreux – qui ne boivent pas d’alcool. «Ne pas consommer d’alcool ne veut pas dire qu’on ne peut pas se faire plaisir. Le thé est dans ce cas la meilleure alternative», affirme Jean-François. Pour les autres, vin et thé peuvent s’avérer très complémentaires dans un repas. Après le plat principal par exemple, au moment des fromages, lorsque le crescendo des vins a monté en intensité, le thé peut être une manière de faire baisser la tension et de polariser la consommation d’alcool continuelle. Et le sommelier d’ajouter: «Après plusieurs accords successifs, il peut être intéressant de faire changement avec un produit sans alcool comme le thé, sans cesser de jouer sur la notion de complexité aromatique et d’accords précis avec le plat.» Pour créer un accord, on peut faire une association dite traditionnelle: par exemple, le thé sencha s’agence particulièrement bien avec le chocolat noir, et la betterave s’accorde volontiers avec les thés vieillis (pu’erhs). Il existe aussi des accords de similarités, reposants sur des arômes proches entre le thé et le plat, ou des accords de contrastes basés sur les différences, comme l’amertume d’un thé versus la douceur d’un plat. Pour les sushis, oubliez le classique vin blanc! On les accompagne d’un thé sencha qui passera bien mieux. «Les ingrédients typiques des sushis sont porteurs de la saveur umami, qui déconstruit les qualités de la majorité des vins mais n’altère pas le sencha; lui aussi contient cette saveur et contrebalancera l’effet des aliments», explique Jean-François. Et le vin? «Je crois qu’il est et qu’il restera encore longtemps le produit vedette pour faire des accords en restauration. Parce qu’il fait partie de la culture culinaire occidentale depuis longtemps et qu’on ne déracine pas ça en un instant, argue le sommelier. Parce que c’est un produit stable et prêt à la consommation, comparativement au thé qui doit être infusé, mais surtout parce qu’il est connu par le client et aussi par la personne qui le propose.» Une certaine expertise En attendant, le thé fait aussi sa place à l’apéro. Les Brasseurs du Monde de Saint-Hyacinthe proposent ainsi une bière blanche aux trois thés, tandis que la Barberie étonne ses clients à Québec avec la Cuivrée au thé, infusée au Earl Grey et où domine la bergamote. Pour plus de fruits, on goûtera à la Ambrée au thé Wulong, de La Chasse-Pinte à L’Anse-SaintJean. On retrouve aussi des bières au thé à la brasserie de Dunham, chez les Brasseurs Sans Gluten ou encore à Sutton Brouërie…

UNE FABRIQUE DE THÉ EN INDE.

Les cocktails ne sont pas en reste: de plus en plus de mixologues utilisent des thés comme allongeurs au lieu de jus ou sodas. «À Montréal, le bar Mayfair propose un menu de cocktails à base de thé et la majorité sont excellents et visuellement très réussis, indique Jean-François. Mais j’ai goûté ailleurs des cocktails moins bien construits, notamment parce que le thé avait été mal compris et l’infusion n’était pas égale d’une fois à l’autre. C’est que la préparation du thé demande une certaine expertise…» À la façon du vin, le thé est devenu un hobby. On suit les saisons, on attend les thés de printemps puis la sortie des oolongs à la fin de l’été, on compare les goûts d’une année à l’autre… Quant aux thés vieillis, le marché est en expansion massive; certaines galettes de pu’erh ont doublé de prix en un an. «C’est un produit facile à collectionner, avec un marché de spéculation pareil à celui du vin», explique Kevin Gascoyne. Quand il a commencé comme détaillant de thé il y a 30 ans, sa clientèle venait surtout du monde du vin; l’univers du thé intéresse en effet beaucoup les sommeliers, qui y voient une façon de travailler encore plus leurs papilles gustatives. La thémania, tendance éphémère? Pas pour Kevin: «Le thé est un produit agréable à boire, pas cher, bon pour la santé, avec de multiples intérêts gustatifs... Dur à croire que ça passera.» y

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MOTS | FRANCO NUOVO


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Le rédac-chef a envoyé un mot: «... faites ce que vous voulez, mais pour le prochain numéro… l’idée c’est: Québec + été = envie de prendre la route.» J’ai accusé réception de son message et il m’a répondu: «Comment lire en moto et demeurer en vie… :)» Rigolo. Y avait-il un message? Alors j’ai cherché. J’ai demandé à Karyne Lefebvre, à Claudia Larochelle, au libraire à Radio-Canada, bref, à pas mal tous ceux que je croisais s’ils n’avaient pas en tête le nom d’un auteur québécois, un romancier qui aurait écrit un bouquin où il était question de motocyclette sans en être forcément l’idée centrale ni un personnage omniprésent. Non, juste une motocyclette présente, comme ça, de temps en temps. Eh ben, pas si facile! Zéro réponse jusqu’au jour où monsieur le libraire m’a arrêté dans le couloir, tout heureux de m’annoncer qu’il avait déniché Contes pour motocyclistes de Jim Cornu. Évidemment, un titre presque impossible à trouver sauf... je dis bien sauf à la Grande Bibliothèque ou si on le commande directement à l’éditeur, Joey Cornu. Jim Cornu, sur qui je n’ai trouvé pratiquement aucune information, même sur Google, a écrit ce recueil de nouvelles autour de 2010. Trois nouvelles, trois récits, trois fois la route et trois fois la moto. Bingo. Preuve en est une fois encore que la littérature, et même la plus commune, traverse le temps. C’est inégal, mais pas si mal. J’ai pris plaisir à rouler avec les personnages de Cornu, à parcourir les routes du Québec et de l’Amérique du Nord, à retrouver des sensations que seule procure cette bête à deux roues qui gronde et se révolte entre nos jambes. À la lecture du premier récit, «Histoire de bitume et d’autres petites choses vivantes», j’ai bien reconnu chez ce «motard» qui avalait la 138 sur la rive nord du Saint-Laurent la passion de celui qui voit et qui sent, «l’odorat étant le seul de nos cinq sens qui soit logé dans le cerveau des émotions». La moto, qui fait bien sûr appel aussi aux quatre autres et même un peu au sixième baptisé l’intuition, sollicite particulièrement celui-là. C’eût été parfait si l’aventure ne s’était pas transformée en déconfiture, avec notre héros coincé entre deux camions, traqué par un mastodonte tel le personnage de Duel baigné par une pluie tropicale, mais à cette différence qu’elle était froide, victime d’une sortie de route qui n’a jamais rien

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d’agréable. Mais la moto, c’est ça aussi: le danger, le dérapage, la chute possible et l’immobilisation dans un fossé sous une bécane qui vous empêche de bouger. Le personnage de cette première histoire se serait bien passé du danger. J’en suis sûr. La troisième nouvelle rappelant que «tout est relatif» nage dans d’autres eaux. Elle fait référence à Russell, à Kant, à la vitesse, au déplacement, à la force du vent, à l’expérience spatio-temporelle, à la science et à la dissidence qui lui fait souvent défaut et, enfin, à la beauté d’une vieille Harley. Or, des trois voyages, j’ai préféré le second, intitulé «Mon ami Jack». Plus costaud, plus senti, mieux écrit que les deux autres. On glisse ici dans le romanesque. L’auteur laisse parler son cœur et ses tripes. La moto y est omniprésente, mais elle n’est que le prétexte aux solides liens humains qui se tissent. En fait, c’est ce que je cherchais, ce que je souhaitais trouver; un récit touchant, poignant. J’ignore s’il est vrai. La motocyclette n’est ici que le prétexte, celui d’une relation qui s’installe entre un jeune homme qui vient d’être opéré pour une appendicite et son chirurgien qui a tout, «le talent, l’argent, la reconnaissance sociale…», mais à qui il ne manque qu’une chose: l’espace. Et voilà qu’un rendez-vous improvisé devient le premier coup d’accélérateur pour deux hommes que tout sépare et qui ensemble, sans but précis, traverseront l’Amérique, du Québec au Pacifique en passant par l’Arizona et le Nouveau-Mexique. Je sais, ce résumé fait cucul. Or Cornu, qui dédie son récit à John (Jack) McG (?), parvient ici à évoquer l’humanité à travers la force du silence. Il raconte la naissance d’une amitié que les non-dits cimentent. Il symbolise le rapprochement en utilisant habilement la métaphore de la route. Il met de l’avant l’ouverture d’esprit, l’acceptation de l’autre, le dépassement et la découverte de soi; les trésors que nous lèguent les vrais voyages; la liberté. Parce que l’air de rien, à moto, surtout sur des milliers de kilomètres, on est seul dans sa tête et parfois même dans celle de l’autre. Comme disait Moustaki qui a roulé à moto presque jusqu’à la fin de sa vie: «La liberté a un prix: le danger et l’inconfort.» y Jim Cornu Contes pour motocycliste Joey Cornu Éditeur, 2010, 171 pages

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Ici vous trouverez de superbes pièces de viande prêtes à servir ou marinées mais aussi une grande épicerie regorgeant de toutes sortes de délices! Sur les rayons

LE SÉDUCTEUR JAN KJÆRSTAD Monsieur Toussaint Louverture, 2017, 608 pages Certains vous diront que vous retrouverez dans ce livre quelques parfums des Mille et une nuits. D’autres, qu’il recèle d’un je-ne-saisquoi des Versets sataniques de Salman Rushdie. Je ne suis pas du tout en désaccord avec ceux qui y trouveront quelque chose comme un Peer Gynt moderne, une filiation bien plus grande qu’une simple nationalité partagée avec Ibsen. On pourrait discuter de Vernes et de Knausgaard, mais l’espace est précieux. Si plusieurs s’enflamment à tenter de cerner ce livre, d’y trouver label et famille d’appartenance, c’est que Monsieur Toussaint Louverture – excellente maison d’édition bordelaise – vient de traduire, près de 15 ans après sa parution, Le séducteur de Jan Kjærstad, somme romanesque d’une rare force et d’une grande intelligence. Qui est Jonas Wergeland? Tout le bouquin de Kjærstad tourne autour de cette question. Grand voyageur à la tête d’une émission de télé norvégienne et parcourant le globe, il est aussi un amant redoutable, mais singulier, un genre de Don Juan nordique; mais il est aussi un veuf éploré, lui qui a retrouvé sa femme gisante dans le salon, froidement assassinée. Toutes ces facettes, Kjærstad nous les donne à lire dans un roman habilement construit qui tisse son personnage non sans l’interroger, par l’entremise d’un narrateur tant anonyme qu’éloquent. On pourrait se perdre en conjectures et tenter de résumer une certaine histoire du Séducteur, mais ce n’est pas tant là que la qualité du livre réside. C’est dans sa totalité qu’il fascine, dans sa façon de faire dialoguer différents genres et différents styles, dans sa façon, à même le roman, de créer un espace métalittéraire où s’immiscent questionnements et réflexions philosophiques sur notre propre existence et notre rapport aux moments qui nous forment. Kjærstad pose des questions sur la littérature même, sur la labellisation de cette dernière, tout en étant pourtant à pieds joints dans le romanesque. Premier tome d’une trilogie, Le séducteur nous donne à lire un roman qui, comme une fête, célèbre les limites franchissables de la littérature. (Jérémy Laniel)

MARCHÉ JEAN-TALON

158, place du Marché-du-Nord Montréal — Petite-Patrie, QC 514 276-1345


71

Sur les rayons

UN PARC POUR LES VIVANTS SÉBASTIEN LA ROCQUE Le Cheval d’août, 2017, 184 pages Une maison d’édition, c’est un insigne sous lequel loge une grande famille d’œuvres, qui se font échos l’une à l’autre. L’éditeur peaufine et accompagne ses textes, car il désire les porter bien haut. Il est aussi celui par qui transigent les nouvelles voix, celles encore sourdes, mais qui font pourtant résonner notre condition. Après Sophie Bienvenu, Mikella Nicol, Simon Brousseau, de même que la naissance romanesque de Fanny Britt, l’éditrice Geneviève Thibault, bien en selle sur son Cheval d’août, présente un nouveau poulain en Sébastien La Rocque. Avec Un parc pour les vivants, ce dernier s’assure de ne pas passer inaperçu.

Apportez votre vin

Il y a quelques années, Bernard Émond titrait l’un de ses recueils de chroniques Il y a trop d’images. C’est un peu sous ce jour que naît le premier roman de La Rocque, où chaque personnage y collectionne des souvenirs ou les y entasse au moyen d’une manie quelconque et parvient, d’une façon ou d’une autre, à les maintenir à flot. On retrouve Marin, ce vieil antiquaire d’une autre époque, qui voit inéluctablement sa profession se dissiper, alors qu’il s’enferme dans son appartement avec les quelques reliques restantes de son commerce. L’un prend la fuite, question de s’extraire du monde, alors que l’autre laisse la télévision marteler image après image ses accroches commerciales au fond de sa rétine. Et il y a bien sûr Michel, l’intellectuel qui est tombé dans le piège de vouloir lire tous les livres. Construit par à-coups sur une trame chronologique qui ellemême se dissout – Le premier jour, le deuxième jour, les jours d’après –, Un parc pour les vivants se lit à la façon d’un roman choral sans en être vraiment un. Les trames se chevauchent plus qu’elles ne se rencontrent, laissant toute la place à la nuance et à la finesse de l’écriture de Sébastien La Rocque. Ici, il explore un sujet pourtant vieux, mais restauré avec beaucoup d’amour, à l’image du personnage d’antiquaire: soit l’accumulation de discours, de rêves, de théories, de désirs; autant de collections pour faire de l’ordre dans le chaos. Et dans une prose étonnamment tendre, c’est toujours sans qu’on s’y attende que l’auteur nous sert quelques morceaux de bravoure. (Jérémy Laniel)

1831, rue Gilford Montréal 514 522-0487 lepegase.ca


ZÉNITH (SAN RAFAEL), 2016, PAPIER D’EMBALLAGE, BAMBOU, PAILLES, FIL À PÊCHE. 4,5 X 12 X 5 MÈTRES LA CRÉATION DE CETTE ŒUVRE A ÉTÉ RENDUE POSSIBLE GRÂCE AU SOUTIEN DE LA FONDATION CASA PROAL. PHOTO | CAMILLE BERNARD-GRAVEL PHOTO TIRÉE DU PROJET AVANT LA FIN DE MATHIEU GAGNON ET MATHILDE FOREST PRÉSENTÉ À LA HALTE ROUTIÈRE DE SAINT-NAZAIRE D'ACTON, PRÈS DE DRUMMONDVILLE. PHOTO | GAGNON-FOREST


73 arts visuels VOIR MTL

VO2 #O6

l’odeur de l’essence seize artistes contemporains nous convient à un rallye sur l’autoroute 20 entre Québec et montréal, entre les haltes routières brune et crème coiffées d’un lys. MOTS | CATHERINE GENEST

sement imminent de ce qui a d’abord passé pour un fantasme irréalisable. C’est qu’il fallait d’abord convaincre le ministère des Transports, et ça, ce n’était pas gagné d’avance. «On avait besoin de leur autorisation parce qu’on vient s’installer sur leurs sites. Il y a quand même 15 œuvres sur le bord de la route […], il ne faut pas que ce soit trop brillant et que ça puisse distraire les automobilistes. Il y a tout le Code de la route qui rentre en ligne de compte.»

Le projet en est un d’envergure, de longue haleine surtout. Dans les cartons de la Galerie Clark et de l’Œil de Poisson depuis une demi-décennie, ou presque, Truck Stop convie tout le monde – absolument tout le monde – à une gigantesque exposition à ciel ouvert. Le genre de manifestation artistique – et elles sont rares – qui risque de marquer l’imaginaire collectif. Normalement si banal et soporifique, le trajet QCMTL sera surtout vivifié par des installations géantes, une œuvre audio et quelques performances. «De la poésie pour char», littéralement, et pour reprendre les mots de la responsable des communications Jeanne Couture qui frétille devant l’aboutis-

Sécurité oblige, la majorité des sculptures à grande échelle seront plantées aux abords des sorties. L’amoncellement de guirlandes miroitantes de Camille Bernard-Gravel (Zénith) en est, idem pour le concert audiovisuel contrôlé à distance par le duo psychédélique Organ Mood. Du street art de campagne, en quelque sorte, dans la petite bourgade de Sainte-Eulalie. «C’est une composition lumineuse, de l’éclairage urbain avec des lampadaires. Ça va être avec des acétates, quand même. [...] Quand on va le voir de loin, de l’autoroute, on va penser que le gars de la ferme est complètement parti sur une chire! C’est ça qui est le fun avec Truck Stop: ça va susciter un étonnement constant.» Tu aimeras ce que tu as tué L’abandon est un thème récurrent de ce corpus même si, au départ, ce n’était pas une consigne des deux centres artistes. N’empêche, Truck Stop se veut, par la force des choses, une célébration du patrimoine bâti qui se désagrège sous les regards passifs, de tous ces édifices qu’on ne protège pas,

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Programmation officielle

de Paul Pörtner

Lucrèce Borgia par la Comédie-Française

Dernier coup de ciseaux − comédie

TNM 25 juillet au 4 août

Gesù 11 au 22 juillet

Molière, Shakespeare et moi Théâtre du Rideau Vert 4 au 22 juillet

What’s in a Name Centre Segal 9 au 30 juillet

Imagine-toi par Julien Cottereau − mime bruiteur Gesù 11 au 22 juillet

Baby-sitter

La vague parfaite

Muliats

Théâtre La Licorne 25 juillet au 5 août

Théâtre d’Aujourd’hui 20, 21 juin et du 6 au 10 juillet

Théâtre d’Aujourd’hui 4 au 15 juillet

Vice & Vertu par les 7 Doigts

Rêveurs définitifs

Maligne par Noémie Caillault

Société des arts technologiques (SAT) 10 au 23 juillet

Théâtre Saint-Denis 2 29 juin au 29 juillet

Studio Hydro-Québec du Monument-National 7 au 29 juillet

Passeport trio

Passeport quatuor

Lucrèce Borgia par la ComédieFrançaise + 2 pièces au choix

4 pièces au choix excluant celle par la Comédie-Française

165 $

110 $

*taxes et frais de service inclus

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*taxes et frais de service inclus


75 arts visuels

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VOIR MTL

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comme l’Extra-Terrasse de Saint-Simon-de-Bagot – casse-croûte circulaire opéré par des robots, un dinner à l’américaine meublé de banquettes rose bonbon. Le kitsch incarné sis dans un amas de bâtiments hors du commun: une croix surdimensionnée, une pyramide mystique, un aérodium. Le laboratoire de l’inventeur québécois Jean St-Germain, décédé en septembre dernier, génialissime personnage qui a vécu assez longtemps pour voir son œuvre colossale réduite en cendres. La mémoire des lieux s’inscrit au centre de la pratique de Gagnon-Forest, c’est un moteur pour leur création, une trame de fond. Inutile d’écrire qu’on ne se surprend pas d’un pareil choix de sujet pour leur installation photographique immersive. «[Le parc d’attractions de St-Germain] est, si on veut, l’archétype de ces lieux-là qui sont mal aimés, qui sont abandonnés, explique Mathilde Forest. Dans notre travail, on tente de mettre de l’avant une réflexion sur ce qu’on appelle le patrimoine

«truck stop se veut, par la force des choses, une célébration du patrimoine bâti Qui se désagrège sous les regards passifs.» alternatif, de sortir de la définition classique d’un bâtiment patrimonial.» Un titre qui ne devrait pas être exclusivement réservé aux maisons de la Nouvelle-France, aux églises, aux attractions touristiques dans le Vieux-Québec. Cette reconnaissance des acquis, de la beauté du «déjà construit», commence avec l’occupation de toutes les haltes routières traditionnelles parsemées sur le parcours. «Nous, on les trouve très belles, d’ailleurs!» Un choix qui va au-delà de l’esthétique, précisons-le, pour Jeanne Couture et son équipe. «Celles qu’ils construisent maintenant, avec un Valentine dedans, sont tellement laides! On dirait des petits centres d’achats. Nous, on a envie de mettre les vieilles de l’avant, comme pour souligner

(EN HAUT) MATHILDE FOREST ET MATHIEU GAGNON, COURTOISIE MATHILDE FOREST (EN BAS) PAR NELLY-EVE RAJOTTE, PHOTO | COURTOISIE TRUCK STOP

qu’une halte avec un parc, comme ça, c’est magnifique.» Mathieu Latulippe, artiste invité, abonde dans le même sens avec Interzone 3, un faux projet de relais routier démesuré, avec une tour à condos et des manèges, présenté sur une pancarte fort réaliste qui reprend les codes esthétiques des promoteurs immobiliers. Une critique de la culture think big s’ti. y 17 juin au 19 août Sur l’autoroute 20


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alexandre taillefer DE LA MAIN GAUCHE

resistance is futile* Je me suis prononcé ouvertement dans les derniers mois sur la nécessité pour le Québec de développer des solutions de rechange aux services offerts par ce que les initiés nomment la toute puissante GAFA, le quatuor composé par Google, Amazon, Facebook et Apple qui domine les secteurs de la recherche, du commerce et du média social, avec des parts de marché qui frôlent le monopole et qui continuent à croître grâce à l’effet de réseau: «Plus de gens les fréquentent parce que plus de gens les fréquentent.» Vous trouverez toutes les statistiques que vous voudrez sur leurs positions dominantes: Amazon s’accapare la majorité des recherches sur les produits en ligne, vaut deux fois Walmart, Facebook a réduit de façon spectaculaire les SMS et les appels traditionnels grâce à Messenger, un utilisateur passe plus de temps sur Facebook sur son téléphone que n’importe quelle autre application, Google et Facebook s’accaparent plus de 80% des revenus en ligne au profit des médias locaux. Je pourrais continuer pendant des heures. En sus des revenus que ces entreprises arrachent localement, elles perçoivent une somme inouïe de données qu’elles analysent brillamment pour devenir de plus en plus performantes. Les données, c’est le nouvel or noir, elles circulent sans règles, sans complexes. Toutes ces entreprises se targuent d’exploiter dans un contexte ouvert, accessible, gratuit. Leurs dirigeants sont cool, c’est vraiment du bon monde comme vous et moi. Sauf que Jeff, Mark Larry et Sergey contrôlent nos vies et ont depuis longtemps perdu de vue les grands principes auxquels rêvait Tim Berners Lee pour l’internet, avec au premier rang la neutralité. Derrière leur look cool de dropout des Ivy League se cachent en fait de dangereux Docteur Evil qui en veulent toujours plus, nourris par leur narcissisme et fouettés par l’avidité de leurs actionnaires.

On se souviendra des grandes batailles sur le système d’opération à l’époque. Microsoft contre Apple. Aujourd’hui, cette bataille ne se joue plus sur les plateformes, mais sur le data. Que peut-on reprocher à GAFA? L’hermétisme et la volonté clairement exprimée de ne laisser aucun soldat debout sur le champ de bataille. Rien ne serait plus simple que de permettre une interopérabilité entre Facebook et d’autres réseaux sociaux, entre leur solution de communication Messenger et des solutions tierces par exemple, de la même façon que quelqu’un de Montréal peut appeler quelqu’un à Silicon Valley en utilisant son téléphone. Le système téléphonique n’appartient pas à un seul joueur. Chacun peut l’utiliser pour développer des affaires. Au contraire, les systèmes mis en place par le géant GAFA rendent les utilisateurs entièrement captifs, indéplaçables. C’est un monopole vicieux. L’antitrust américain est intervenu pour bien moins que ça en 1982 quand il a choisi de scinder AT&T en plusieurs Baby Bells. Je n’ai aucun doute que les autorités réglementaires vont venir remettre en doute les monopoles qui ont été créés dans les dernières années. On souhaite qu’ils se réveillent rapidement et empêchent l’hécatombe qui s’annonce. Ils ne semblent toutefois pas bien pressés. Mais pour nous qui avons la particularité d’avoir une économie locale à sauver et une culture unique mue par la langue française, le temps presse plus qu’ailleurs. La position de la ministre du Patrimoine quant à la sacro-sainte neutralité du Net est très inquiétante. Nous devons agir rapidement et fermement. Comment nos médias survivront-ils dans un contexte où les revenus publicitaires disparaissent au profit des géants du Net qui utilisent nos contenus et nous remettent des pinottes en échange? Est-ce que l’État devra financer nos salles de presse pour nous assurer de maintenir le quatrième pouvoir? Je crois

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que d’autres options existent. La relation que nous entretenons avec nos médias locaux n’a pas diminué, ni quantitativement ni qualitativement. La preuve, ce sont les contenus que l’on retrouve le plus souvent sur les réseaux sociaux. On a juste bêtement accepté de les diffuser sur leurs plateformes pour promouvoir le trafic de nos sites et nos images de marque. Pendant ce temps, Facebook tente de devenir l’unique solution de publication afin de capturer les impressions et le temps passé par les lecteurs à lire les contenus. Il faudrait, pour être plus visible, publier directement sur leur plateforme. Rien de moins que du parasitisme. Encore ici, nous devons développer des solutions performantes, qui vont démontrer la capacité de nos médias à générer des revenus concrets pour nos commerçants. Nous possédons de nombreux atouts, des forces évidentes, même par rapport aux grands joueurs. Compte tenu de l’importance que l’internet a et continuera à avoir sur notre autonomie économique, médiatique et démocratique, nous n’avons simplement pas le choix de proposer des solutions de rechange aux dangereux monopoles qui se sont formés. Une régie publicitaire commune, un identifiant unique fonctionnant sur tous les sites d’ici, des outils de mesure, d’analyse, une

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plateforme de commerce (marketplace), la logistique, la livraison. GAFA a habitué les consommateurs à un haut niveau de qualité ainsi qu’à une efficacité et des prix compétitifs qu’il nous faut égaler, voire dépasser. Il y a de la place pour des solutions différentes, innovantes, tirant profit des forces que pourrait nous procurer un regroupement. Déjà plusieurs initiatives internationales nous tracent la voie. Les six plus importants groupes médiatiques du Portugal ont choisi de se regrouper après des années de discussions pour lancer Nonio et les principaux éditeurs allemands ont choisi de laisser tomber Google comme serveur publicitaire. Nous sommes capables. Vous n’avez pas idée du nombre d’innovations qu’on retrouve chez GAFA et qui ont été créées ici. Soyons courageux, ambitieux, innovateurs et, oui, soyons un peu naïfs. On se doit de lancer rapidement une vraie solution différente patentée ici afin qu’on puisse dans quelques années hisser haut et fort le drapeau des patriotes numériques. *Résister est inutile, le motto des Borgs dans Star Wars. Ils ont déjà réussi à en assimiler quelques-uns au Québec… y

à Québec 21 juin – 22 octobre 2017

Tout le monde connaît Tintin, mais qui connait réellement Georges Remi, alias Hergé? Inventeur d’un style, maître du 9e art, traduit dans le monde entier : Hergé est un artiste complexe aux multiples talents. Allez à la rencontre du célèbre auteur et de ses personnages mythiques : photos personnelles, dessins originaux, bleus de coloriage, modèles réduits, af ches et œuvres inédites.

mcq.org

Photo Robert Kayaert © Successiown Robert Kayaert / SODRAC (2017)

Au Musée de la civilisation


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QUOI FAIRE

CINÉMA

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WONDER WOMAN EN SALLE LE 2 JUIN

Avant d’être Wonder Woman, elle était Diana: princesse guerrière des Amazones. Recluse avec ses congénères sur une île paradisiaque, elle commencera son aventure dans le monde des mortels lorsqu’un pilote américain s’écrasera et lui expliquera que le monde est en guerre. Elle prendra donc part à la Première Guerre mondiale et deviendra l’héroïne que l’on connaît.


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VO2 #O6

TANNA

ALL EYEZ ON ME

EN SALLE LE 2 JUIN

E N S A L L E L E 16 J U I N

C’est sur une ĂŽle perdue du Pacifique, recouverte de forĂŞts tropicales et dominĂŠe par un volcan actif, que se dĂŠroule cette histoire sincère. On y raconte la loyautĂŠ d’une sĹ“ur, une histoire d’amour interdite et un pacte conclu entre les manières anciennes et le renouveau d’une tribu ancestrale.Â

Ce biopic raconte la vraie et inĂŠdite histoire du rappeur, poète, auteur et activiste Tupac Shakur. On l’y suit, de sa jeunesse new-yorkaise jusqu’à son ascension comme l’une des voix les plus reconnues et influentes de la culture populaire. Cette voix sera toutefois rendue silencieuse beaucoup trop tĂ´t, alors qu’il meurt lors d’une fusillade Ă 25 ans.

THE MUMMY EN SALLE LE 9 JUIN

IT COMES AT NIGHT

Dans ce premier film du nouvel univers des monstres d’Universal Pictures, une princesse ĂŠgyptienne de l’AntiquitĂŠ se fait rĂŠveiller de son sommeil ĂŠternel bien qu’elle soit encore prisonnière de sa crypte enterrĂŠe dans le dĂŠsert. Elle amènera sur le monde une malveillance millĂŠnaire et des terreurs qui dĂŠfient la comprĂŠhension humaine.

EN SALLE LE 9 JUIN

Se croyant Ă l’abri d’une horreur surnaturelle terrorisant la planète dans une maison dĂŠlabrĂŠe, un homme tentant de protĂŠger sa famille verra son ĂŠquilibre se briser lorsqu’une deuxième famille dĂŠsespĂŠrĂŠe demandera l’asile dans leur havre de paix. Alors que les monstruositĂŠs se rapprochent, ils devront vaincre leur mĂŠfiance pour survivre.

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MUSIQUE

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RAVI COLTRANE GESÙ – 7 JUILLET

Bien qu’il soit le fils d’un des plus grands saxophonistes de tous les temps, Ravi Coltrane ne s’assoit pas sur son héritage et transcende son nom. Avec une démarche artistique unique ouvrant la porte grande à l’improvisation poussée, il mène un projet au son inimitable avec son quartette des plus solides.

BIG THIEF – TWAIN – SEE THROUGH DRESSES

MHD

BAR LE RITZ PDB – 27 JUIN

Après avoir fait un tabac l’an dernier sur l’une des scènes extérieures des FrancoFolies (et presque causé une émeute), le jeune MHD revient au Québec avec le désir de tout casser encore une fois. Défricheur de l’afro trap français, le rappeur d’origine guinéenne et sénégalaise est une vraie bête de scène et pourra compter sur la révélation Misa en première partie.

Après avoir livré un excellent premier album de rock alternatif, Masterpiece, l’an dernier, le groupe de Brooklyn mené par la chanteuse et guitariste Adrianne Lenker sera déjà de retour sur disque le 9 juin avec Capacity. Ce sera avec grande joie que nous pourrons donc découvrir de nouvelles compositions, sans doute dans le même registre de puissante beauté électrique.

M É T R O P O L I S – 15 E T 16 J U I N

LOUIS-JEAN CORMIER ET MARTIN LÉON

JEAN-MICHEL BLAIS

TEARS FOR FEARS P L A C E D E S A R T S , S A L L E W I L F R I D -P E L L E T I E R

T H É ÂT R E M A I S O N N E U V E – 14 J U I N

P L A C E D E S A R T S – C I N Q U I È M E S A L L E – 29 J U I N

22 JUIN

Les deux acolytes offriront un programme double très attendu durant les FrancoFolies. Louis-Jean Cormier offrira d’abord un spectacle intime en solo, puis laissera la place au retour de son ami, l’illustre et créatif auteur-compositeur-interprète Martin Léon. Ce dernier interprétera les chansons de son vaste répertoire et pourra compter sur la présence de Cormier à ses côtés.

Nommé dans le top 10 des meilleurs albums de 2016 du magazine américain Time, le premier opus de Jean-Michel Blais est un bijou unique, empreint de douceur et de spontanéité. Pour son passage au Festival international de jazz de Montréal, le pianiste montréalais revisitera le répertoire de plusieurs grands compositeurs minimalistes avec CFCF, Foxtrott et Bufflo.

L’influent duo new wave, qui cumule plus de 35 ans de carrière, s’arrêtera dans la métropole à l’arrivée de l’été. La salle Wilfrid-Pelletier vibrera au son des années 1980! Les rumeurs veulent que Tears For Fears, qui n’a pas sorti d’album original depuis 2004, livre un nouvel album prochainement. Gardez les oreilles ouvertes pour de nouvelles pièces, donc!


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FOLK FEST

CHRISTIAN MCBRIDE

TONY ALLEN

C A N A L L A C H I N E – 14 A U 1 8 J U I N

M O N U M E N T-N AT I O N A L – 1 E R J U I L L E T

M O N U M E N T-N AT I O N A L – 8 J U I L L E T

Le festival annuel Folk Fest sur le canal célèbre déjà 10 ans cette année. Si vous n’y êtes jamais allé, c’est l’occasion ou jamais de découvrir ce merveilleux événement convivial et familial, installé sur un site extérieur au bord du canal Lachine. On pourra y entendre chanson trad, bluegrass, pop et folk.

Après avoir joué avec les plus grands noms tels que Pat Metheny, Chick Corea, Herbie Hancock et même James Brown, le contrebassiste Christian McBride est désormais à la tête de son propre trio acoustique, avec lequel il honore le jazz dans sa plus pure tradition. Des accents de blues viennent colorer le son puriste de l’ensemble complété par Christian Sands et Ulysses Owens.

Le batteur Tony Allen, qui a entre autres sévi aux côtés de Fela Kuti, a un style qui lui est propre. Mélangeant influences africaines et bop, ce co-inventeur de l’afrobeat rendra hommage à l’un des batteurs les plus illustres du jazz, le grand Art Blakey (fondateur des Jazz Messengers). Allen, qui en est un descendant spirituel, ne devrait pas manquer de nous épater.

HUDSON KURT ROSENWINKEL

MAISON SYMPHONIQUE – 30 JUIN

Véritable supergroupe de jazz formé de John Scofield, John Medeski, Larry Grenadier et Jack DeJohnette, Hudson a été fondé pour souligner le 75e anniversaire de ce dernier. Les artistes, parmi les plus illustres musiciens de jazz moderne, livreront certainement une performance mémorable pour les mélomanes aguerris. De plus, c’est nul autre que le grand Charles Lloyd qui assurera la première partie.

ROCKFEST

L’ A S T R A L – 2 J U I L L E T

M O N T E B E L L O – 2 2 A U 25 J U I N

Sans contredit un des guitaristes et compositeurs les plus originaux de sa génération, Kurt Rosenwinkel s’amène à Montréal pour présenter Caipi, son plus récent album. Sur ce nouvel opus, il mélange le jazz à une pop tropicaliste inspirée par les chansons d’amour brésiliennes. En plus de sa six cordes, on pourra le voir jouer des claviers, de la basse et des percussions.

Le festival montebellois entamera les festivités de sa 12e édition avec la Saint-Jean du Rockfest, qui proposera notamment des spectacles des Cowboys fringants, de Bernard Adamus, de Dead Obies et de Robert Charlebois. Les 23 et 24 juin, le festival battra son plein avec les têtes d’affiche Iggy Pop, Rammstein et Queens of the Stone Age.


82 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO2 #O6

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M FESTIVAL ARTS ET LUMIÈRES S A I N T-S A U V E U R – 16 A U 18 J U I N

Artistes locaux et internationaux se retrouveront sous les feux des projecteurs cette année à Saint-Sauveur, lors de cet événement haut en couleur alliant performances artistiques et musicales. Sur le site, des jeux de lumière, des DJ, et une ambiance rassembleuse. À ne pas manquer.

OLAFUR ELIASSON MAC – 21 JUIN AU 8 OCTOBRE

L’artiste contemporain danois vient présenter sa première exposition individuelle au Canada. Multidisciplinaires, ses œuvres «proposent des expériences immersives où sont investigués corps, mouvement, perception de soi et de l’environnement». L’expo présentée au MAC offrira une sélection d’œuvres variées, ambitieuses et dépouillées permettant de comprendre l’ampleur de l’univers artistique du créateur. <

RÉVOLUTION

B O U L E VA R D S A I N T-L A U R E N T – 8 A U 18 J U I N

Incontournable absolu pour les amateurs montréalais d’art urbain, le festival MURAL présente cet été sa cinquième édition. Le boulevard Saint-Laurent sera donc encore une fois pris d’assaut par des pressionistes canadiens et internationaux (la programmation annonce des talents provenant de sept pays) qui réaliseront des œuvres gigantesques sur les briques d’édifices marquants de Montréal. Le festival étend également ses activités jusque dans le Vieux-Port cette année et participera à la fermeture de la rue Saint-Paul lors du Grand Prix.

NICOLAS GRENIER CENTRE D’ART ET DE DIFFUSION CL ARK

De la musique au cinéma en passant par la mode, cette exposition effectue un voyage dans le temps qui retrace «l’optimisme, les idéaux et les aspirations de la fin des années 1960». Révolution rassemble 250 objets, notamment des vêtements, des affiches et des photos, ainsi que des extraits de films et des entrevues avec des personnalités importantes de cette période phare.

FORESTA LUMINA C O AT I C O O K – 17 J U I N A U 8 O C T O B R E

La forêt du Parc de la Gorge de Coaticook, célèbre non seulement pour son plus long pont suspendu en Amérique, mais aussi pour ses sentiers enchanteurs, ouvre ses mystères à un public de tous âges avec son parcours illuminé et interactif.

J U S Q U ’ A U 23 J U I N

Pour son projet Vertically Integrated Socialism, l’artiste visuel Nicolas Grenier s’est inspiré des rues avoisinant son atelier, celles du quartier pauvre de Skid Row à Los Angeles. Côtoyant quotidiennement la misère extrême des rues du quartier californien et le milieu des arts, alimenté «par les fortunes personnelles et corporatives», Grenier a construit une «fiction architecturale qui rend tangible cette disparité entre les individus».

SHERBROOKE T’EN BOUCHE UN COIN S H E R B R O O K E – 9 A U 11 J U I N

STEBUC, un événement réunissant des chefs de renommée tous animés par un même objectif: en boucher un coin à leurs invités. Pour l’occasion, des plats variés, des boissons de qualité, ainsi qu’une bonne dose de convivialité, le tout sous un grand chapiteau.

ART DE VIVRE

ARTS VISUELS

M B A M – 17 J U I N A U 9 O C T O B R E

MURAL FESTIVAL



Rue Peel

Un musée à ciel ouvert se dévoile rue Sherbrooke Ouest

avec des œuvres du monde entier sur 1 kilomètre.

Musée des beaux-arts de Montréal

Niki de Saint Phalle, Nana danseuse (Rouge d’Orient – Bloum), 1995. Collection François Odermatt, en collaboration avec la Collection d’arts visuels de l’Université McGill. ©2017 Niki Charitable Art Foundation / ADAGP / SODRAC | Charles Joseph, Mât totémique des pensionnats (détail), 2014-2016. Collection particulière. Photo Greg McKee 2016 | Robert Indiana (né Robert Clark), LOVE Blue Green, 1996. Buschlen Mowatt Nichol Foundation, prêt de la Biennale de Vancouver. ©Robert Indiana / SODRAC (2017). Photo Dave Aharonian | Michel Huneault, Embarquement et départ de Budapest (Hongrie) vers l’Allemagne (détail), de la série « Occident Express », 2015. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. | Darren Ell, Fillettes haïtiennes devant la cathédrale Notre-Dame, Cap-Haïtien, Haïti, de la série « Cap-Haïtien et Shada », 2008. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

5 juin au 29 octobre

Musée McCord

Rue University

Rue Sherbrooke O. Rue de la Montagne

Une création du

PP 40010891

Rue Mackay

Programmation officielle

Université McGill

La balade pour la paix

Université Concordia

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