Magazine Voir Montréal V02 #07 | Juillet 2017

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MONTRÉAL VO2 #O7 | JUILLET 2O17 HOMMAGE À PLAMONDON RAP BELGE FESTIVAL ‘77 ROSALIE VAILLANCOURT MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CIRQUE LES DRONES LA BOLDUC FANTASIA OLAFUR ELIASSON CUISINE DE HAUT VOL

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MICHEL LOUVAIN




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O2 O7 MONTRÉAL | JUILLET 2017

RÉDACTION

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«LE LOUVAIN DES ANNÉES 1960 EST LE MÊME QUE CELUI DE MAINTENANT. C’EST CETTE CONSTANCE-LÀ QUI FAIT MA FORCE. J’AURAI TOUJOURS UN VESTON ET JE SERAI TOUJOURS COIFFÉ PAREIL.» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistante | Frédérique Duchesne Maquilleuse | Camille Sabbath

Stylisme | Amanda Van der Siebes Production | Eliane Sauvé (Consulat)

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SCÈNE

Montréal Complètement Cirque Rosalie Vaillancourt

16

MUSIQUE

32

CINÉMA

46

GASTRONOMIE

50

LIVRES

54

ARTS VISUELS

60

QUOI FAIRE

Hommage à Plamondon Festival ’77 Rap belge

Les drones Fantasia La Bolduc

Cuisine de haut vol

JFK: une histoire sexuelle Au grand soleil cachez vos filles L’ordre du jour

Olafur Eliasson

CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p14) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p44) Alexandre Taillefer (p58)


6 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #O7

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

RÊVER LE CANADA On dit que plus on vieillit, plus le temps passe vite. Les heures deviennent des minutes. Les saisons des journées! Vous vous réveillez un bon matin et les enfants sont prêts à vous placer dans un CHSLD. La veille, vous les berciez encore. L’été vient de commencer. Aprèsdemain, ce sera le temps des conserves. À ce rythme, il faut se garder en forme pour avoir de la mémoire. Le souvenir est un sport de combat. Le 31 décembre dernier, on lançait en grande pompe les festivités du 150e de la Confédération canadienne. Mélanie Joly, ministre du Patrimoine, s’emballait sur Twitter, ce lieu virtuel où tout se vit dans l’urgence de l’immédiat. «Prenons le temps de rêver le Canada de demain, de créer des liens forts», écrivait-elle avec enthousiasme. Je dois vous avouer que je ne l’avais pas vu venir, mais lorsque Philippe Couillard a annoncé ce printemps qu’il souhaitait relancer le débat constitutionnel au Canada, je me suis demandé s’il n’avait pas entendu cet appel au rêve. Il m’arrive, comme vous j’imagine, de rêver la nuit, dans mon sommeil, à des trucs impossibles que je ne me risquerais même pas à vous raconter. Je n’ose même pas envisager une psychanalyse, par crainte de découvrir quelque chose de grave sur ma personne. Il y aurait là des désirs enfouis, des idées impensées, des pulsions inavouables. Philippe Couillard, lui, pour le coup, a le rêve modeste. Rien de très exotique. Voyons un peu... Imaginons cette chose incroyable: que le Québec puisse enfin signer la constitution canadienne, au terme de quelques discussions afin d’arriver à une entente avec les autres provinces et le gouvernement fédéral. Allez, bon, vous nous invitez à rêver le Canada de demain tout en créant des liens forts? Voilà une première idée facile qu’on pourrait envisager. Rien de trop fou. Moi, il m’arrive de rêver que je vole. Ici, on parle d’un rêve tout simple qui se résume à faire trois pas en marchant.

Justin Trudeau n’a pas tardé à répondre à notre ambitieux premier ministre provincial. Cessez ces extravagances et calmez votre appétit, le Canada de demain sera celui que nous a légué son père en 1982. Quelques mots ont suffi pour clore le débat: «On n’ouvre pas la constitution.» L’usage du «on» a un certain poids dans ce refus. Comme dans «on ne met pas ses coudes sur la table» ou encore «on n’attire pas les mouches avec du vinaigre». Il s’agit d’une prescription proverbiale, qui transcende les personnes et les époques: ça, on ne fait pas ça. J’entendais ce «on», brandi comme une maxime implacable, et me sont tout de suite revenus en tête les mots de Bourassa en 1990, après la mort de Meech: «Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement.» C’est ici ce même «on» qui est en scène… Exactement le même. Ce «on» canadien qui, bien qu’il puisse dire ou faire n’importe quoi, sera toujours devant un problème inéluctable: le Québec lui échappe. En attendant, c’est le statu quo: le Canada demeurera dans son état actuel, tel qu’il est présentement constitué. Or, constatons à tout le moins que le statu quo, c’est l’envers exact du rêve. Le Canada est comme il est, voilà, ça ne changera pas. Mélanie Joly a beau se lancer dans les appels sur Twitter, rien ne sert de rêver. On le savait bien. Qui s’en étonnera? Car le Canada est un pays qui, justement, ne se rêve pas. C’est un mythe. Un récit à l’abri de l’histoire qui scelle, en quelque sorte, le devenir humain. Ouvrir la constitution, ce serait accepter de remettre en question les textes sacrés et démêler toutes leurs contradictions et les malentendus qu’elles supposent. Ce serait comme vouloir modifier la bible pour aller y rajouter tous les arguments permettant de douter de l’existence de Dieu.

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Et ils sont nombreux, ces malentendus. Le premier qui saute aux yeux, c’est bien cette fameuse Confédération dont on fête le 150e anniversaire cette année. Que fautil fêter, au juste, puisque le Canada n’est pas et n’a jamais été une Confédération? Pour répondre à cette question, il faudrait revisiter la vision des pères fondateurs, qui voulaient bien faire un deal entre eux tout en préservant leur autonomie. Mais un pays tel qu’on le célèbre aujourd’hui? Voyons… Un chemin de fer, peutêtre, au mieux, mais pas un pays.

Il est de bon ton de parler de réconciliation avec les peuples autochtones depuis quelques années. Mais à quoi bon si le rêve est scellé à tout jamais et que, de toute manière, «on» n’ouvre pas la constitution. Toutes ces aspirations sont gommées par le mythe canadien: le Canada est comme il est, comme il a toujours été et il en sera ainsi demain et après-demain. De toute évidence, la ministre Joly n’a pas lu le catéchisme en nous invitant à rêver. Une homélie de six mots aura été suffisante pour Justin Trudeau afin de remettre les pendules à l’heure.

Ce faisant, dans cette quête des origines, on découvrirait que ce projet mis en branle en 1867 avait très peu à voir avec le Canada de Trudeau père mis de l’avant en 1982, celui de la charte des droits et du multiculturalisme. Pour s’en convaincre, il suffit de songer à la Loi sur les Indiens et aux politiques qui en découlent qui ont donné lieu à ce qu’on appelle désormais un «génocide culturel». Voilà une appellation très peu multiculturelle et peu empreinte de l’humanisme de la charte des droits. C’était pourtant ça, le Canada.

On le sait, notre jeune premier ministre a d’autres priorités. Si on lui demande, il dira que le seul souhait de nos contemporains, essentiellement les familles de la classe moyenne, c’est d’avoir de bons emplois afin de garantir un bel avenir à nos enfants. Excitant. Célébrons donc le Canada. Ce pays si grand et si moyen à la fois. y sjodoin@voir.ca


8 SCÈNE VOIR MTL

VO2 #O7

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MONTRÉAL EN PISTE LE FESTIVAL MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CIRQUE INVESTIT LA MÉTROPOLE DU 6 AU 16 JUILLET. CETTE 8e ÉDITION, QUI S’INSCRIT DANS LES FESTIVITÉS DU 375e ANNIVERSAIRE DE LA VILLE, SERA UN PEU DIFFÉRENTE DES PRÉCÉDENTES… MOTS | MARIE PÂRIS

«Montréal est la ville mondiale du cirque.» Nadine Marchand, directrice de Montréal Complètement Cirque, l’affirme sans hésiter. C’est qu’avec la TOHU, l’École nationale de cirque, le Marché international du cirque contemporain et des compagnies comme le Cirque du Soleil ou le Cirque Éloize, la ville a de nombreux atouts reconnus à l’international. «Il y a huit ans, on a voulu créer un rendez-vous en juillet pour attirer la planète cirque à Montréal, raconte Nadine Marchand. Le mandat de ce festival, c’est de faire découvrir le cirque, de montrer qu’il n’est pas toujours ce qu’on pense et que les spectacles sont complètement différents les uns des autres. Il y a une dramaturgie, une mise en scène… Pas juste des acrobaties!» Depuis, Montréal Complètement Cirque attire chaque année une foule croissante de curieux venus découvrir les performances physiques et artistiques de compagnies venues de partout dans le monde. Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, le festival a décidé pour cette édition de mettre l’accent sur les artistes locaux, annonce la directrice: «Comme il y aura beaucoup de touristes cette année, c’est l’occasion de faire découvrir les compagnies de cirque d’ici. À Montréal, on a des artistes très forts, exceptionnels…» Sur les cinq spectacles présentés en salle, trois sont québécois, et il s’agit de créations présentées en première mondiale.

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(EN HAUT) LIMBO, PHOTO | TONY VIRGO (EN BAS, DE GAUCHE À DROITE) VICE & VERTU, INEPEM


10 SCÈNE VOIR MTL

VO2 #O7

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> Du côté des spectacles étrangers, on pourra voir Il n’est pas encore minuit, des Français de la Compagnie XY: pas de décor, 22 acrobates sur scène spécialisés dans les colonnes. «C’est très impressionnant, c’est une vraie célébration des corps», commente la directrice du festival, qui voyage régulièrement pour découvrir les talents d’ailleurs. Autre nouveauté: le festival collabore cette année avec le Casino de Montréal et le Festival Juste pour rire. Le Casino accueillera d’ailleurs le spectacle Limbo, de la compagnie australienne Strut & Fret. Un cabaret fou avec du feu et des musiciens… «Habiter la rue»

THROW2CATCH, PHOTO | DANIELLE DUMONT

Années 1920 et cabaret fou C’est le Cirque Alfonse (Timber!, Barbu) qui ouvrira le bal avec son spectacle Tabarnak à la TOHU. Comme à son habitude, la compagnie part du terroir, de l’histoire, mais la traite de manière contemporaine: elle explore ici le lieu symbolique de l’église façon show rock. Les Québécois de Throw2Catch présenteront quant à eux Zkruv Lös – Velkome to Kouglistan!, un spectacle fou et loufoque qui mêle jongleries, danses traditionnelles et illusions. Bien sûr, Les 7 doigts de la main sont de la partie avec Vice & Vertu, une création originale qui croise danse, cirque et musique (Betty Bonifassi notamment). «C’est très différent de ce qu’ils font habituellement, indique Nadine Marchand. C’est un spectacle sur l’éclosion de la Main dans les années 1920, une thématique qui s’accroche directement dans l’histoire de Montréal. C’est vraiment conçu pour célébrer la ville! C’était donc un mariage normal avec le 375e, et on a intégré naturellement ce show-là dans notre programmation.»

En plus de la programmation en salle, le festival investit de nouveau la rue avec ses Minutes Complètement Cirque, un spectacle déambulatoire, et le spectacle Rouge qui sera présenté sur une grande scène pyramidale installée au milieu de la place Émilie-Gamelin. Un incontournable, selon Nadine Marchand: «On se sert beaucoup de la rue. Les Minutes sont devenues notre marque de commerce, avec un achalandage qui augmente de 30 à 40% chaque année. On veut habiter la rue, s’y intégrer, jouer avec le mobilier urbain… Maintenant, le public nous attend!» Le festival est encore jeune, mais a de nombreux tours de piste devant lui au vu de sa volonté de se renouveler et d’étonner, toujours. Dans cette édition spéciale, le cirque rencontre aussi d’autres univers, dont les arts numériques, au moyen d’un parcours de réalité augmentée sur la rue SaintDenis et d’une appli permettant au public de contrôler les mouvements des acrobates des Minutes. «Ce volet numérique, on travaille dessus depuis deux ans, confie la directrice du festival. C’est une première! Il y aura plus de rencontres avec le public, une vraie interactivité.» Mais le gros changement de cette année, pour mettre en valeur la programmation, c’est que certains spectacles se poursuivront au-delà des 10 jours du festival: «Pour les Minutes, la place Émilie-Gamelin débordait de monde l’année dernière! Et pour les shows en salle, le temps que le bouche-à-oreille fonctionne un peu, le festival était déjà fini. Là, on va pouvoir aller chercher un public plus grand. Les gens à Montréal sont curieux et aiment faire la fête. Ce festival, c’est un cadeau offert aux Montréalais…» y Montréal Complètement Cirque Du 6 au 16 juillet


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12 SCÈNE VOIR MTL

VO2 #O7

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SANS FILTRE CULTIVANT AVEC EXCENTRICITÉ SON RÔLE DE «FILLE NAÏVE UN PEU TRASH», ROSALIE VAILLANCOURT UTILISE À BON ESCIENT SON TROUBLE DU DÉFICIT D’ATTENTION. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

Rencontrée dans un café canin en compagnie de son nouveau chien (mâle) Chantal, l’humoriste de 24 ans dégage une énergie désinvolte similaire à celle qu’on voit sur scène. «En show, j’suis un peu plus de bonne humeur, plus excitée, mais sinon, je suis tout le temps aussi weird. Y a toujours des gens qui se demandent si je joue un personnage ou pas lorsqu’ils me voient sur scène. Pour moi, c’est la même affaire.» Vive d’esprit, Rosalie Vaillancourt laisse transparaître une confiance éclatante, que confirme l’anecdote de son entrée à l’École nationale de l’humour en 2013. «J’voulais juste faire les auditions pour le fun, mais je savais déjà que j’allais être prise. Autant que j’m’haïs à plein de niveaux, autant que j’ai une confiance dégueulasse pour ce genre d’affaires-là. J’me suis dit que j’allais essayer l’École un an pis arrêter si jamais j’aimais pas ça.»

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

soirée d’humour hebdomadaire. C’est sûr que je finirais par écrire de la marde. L’été passé, j’ai tenté d’écrire un numéro par semaine pis j’ai fini par parler de camping!» Absurde trash Pour Zoofest, elle a trouvé plusieurs filons d’écriture fertiles. Plateforme de choix pour tenter différents projets plus conceptuels, le festival montréalais lui a offert de participer au spectacle La table d’hôte aux côtés de Julien Lacroix, Guillaume Pineault et Sam Breton. «On nous a réunis parce qu’on est les meilleurs vendeurs de l’an passé. Habituellement, il faut payer une inscription quand on propose un show à Zoofest, mais là, on nous paie pour écrire et pratiquer.»

La Maskoutaine s’est finalement sentie à sa place à l’ENH, beaucoup plus qu’au cégep de SaintHyacinthe, où elle avait entamé des études en théâtre. «Je me suis fait mettre dehors du programme, et on m’a dit d’aller en humour. Pour vrai, j’étais pas du tout docile et malléable, c’était juste pas fait pour moi. J’comprenais pas les textes que je devais jouer. OK, je comprends que je dois me mettre dans la peau d’une vieille bolchevique, mais pourquoi je dois dire ces mots de merde-là?»

La Montréalaise d’adoption présentera également un spectacle avec son copain Pierre-Yves RoyDesmarais. Pastiche «cheap» des Morissette, Love est un ramassis de conseils insolites sur la vie de couple. «Moi, je suis absurde trash, tandis que Pierre-Yves, il est plus concret, terre-à-terre, dans son absurdité. Ça se mélange vraiment bien. J’ai souvent l’air nunuche, on dit constamment de moi que je pue. Mon chum, lui, il dit carrément qu’il est gai sur scène. On pousse le concept de l’amour à fond en utilisant une kiss cam et en donnant des condoms aux gens.»

Depuis l’obtention de son diplôme en 2015, l’artiste accumule les projets télévisuels, notamment Info, sexe et mensonges, Le nouveau show et Conseils de famille. Toutefois, monter sur scène l’anime autant, sinon plus que toutes ces expériences formatrices. «Le problème, c’est que j’ai pas assez de temps pour essayer des choses, j’ai trop de contrats (...). De toute façon, je suis pas capable d’écrire rapidement, genre, ça serait impossible pour moi d’animer une

Diagnostiquée d’un trouble du déficit d’attention depuis l’enfance, Rosalie Vaillancourt s’inspire parfois de son quotidien pour écrire ses numéros. «Y a la fois où je me suis rendu compte que ça faisait 40 minutes que j’me regardais dans le miroir tout nue en me demandant à quoi j’allais ressembler si le Elle Québec me demandait de faire le spécial du cancer du sein. C’est le genre de choses qui me fait tellement perdre de temps, mais qui me sert dans


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mes spectacles», raconte-t-elle en riant, avant d’y aller d’une autre anecdote. «C’est vraiment dégueu, mais avant, je savais pas comment me laver correctement. Je m’en foutais, j’me mettais du savon vite, genre, je savais même pas qu’il fallait se laver le cul… T’sais, c’est mon chum qui me l’a appris! Maintenant, j’ai un quatre minutes sur ça.» Très active sur Facebook, où elle cumule plus de 40 000 mentions «J’aime», l’humoriste s’apprête maintenant à vivre une aventure singulière, celle des 5 prochains. Diffusée au printemps 2018 sur les ondes d’ARTV, la troisième saison de la populaire émission propose une incursion dans la vie professionnelle de cinq humoristes de la relève. «C’est une espèce de documentaire durant lequel ils vont

me filmer», dit-elle, expressément vague, quand on lui demande ce qu’implique ce tournage dans son quotidien déjà bien rempli. «Pour vrai, jusqu’à maintenant, on a tourné un seul épisode, mais j’faisais une bronchite, donc j’ai rien compris de ce qu’on allait faire.» Bref, ça promet. y La table d’hôte 14, 15, 19, 20 et 25 juillet à la salle Ludger-Duvernay du Monument-National Love 10, 11, 12, 13, 22, 23, 26, 27 et 28 juillet au studio Hydro-Québec du Monument-National


14 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #O7

O7 / 2O17

ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

LE TEMPS ET RIEN D’AUTRE Chère Marie-Eve, Cela fait bien mille jours qu’il pleut sur le Québec et cela doit bien faire mille ans que je ne t’ai pas écrit une véritable lettre. Or, je viens de faire du ménage dans ma correspondance et je suis prise de nostalgie. Pourquoi n’écrit-on plus aux gens qu’on aime lorsqu’ils sont loin? On se limite à de brefs messages alors qu’écrire des lettres permettait de faire le point sur ce qui habitait nos jours. On marquait le temps, les moments, les saisons, les envies, les regrets. On écrivait autant pour soi que pour l’autre et il fallait un peu de patience pour obtenir une réponse. La patience est une vertu, dit-on. La patience, une notion liée au temps qui passe. J’y ai beaucoup réfléchi ces derniers jours. J’ai pensé au temps et presque à rien d’autre, car il est à peu près tout finalement. En écoutant un vieux disque de The Police, je me suis revue à l’époque où l’on rêve sa vie, celle que l’on imagine en écoutant très fort de la musique dans le sous-sol de ses copines. On a 14, 15 ou 16 ans et on dessine le prince charmant. On a 14, 15 ou 16 ans et, les filles, on danse et on songe et on se souhaite, en fermant les yeux, le souhait qu’on s’est fait inoculer enfant par les films de Walt Disney: «Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.» Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. On rêve de ce prince charmant et de ces enfants dodus qui viendront bien sûr, un jour, avec l’amour. Et on sera une maman comblée et heureuse.

Et puis le temps a passé et j’avais toujours beaucoup de temps devant moi. Il fallait aller à l’université et ensuite, il fallait trouver le métier rêvé et il fallait l’accomplir et tout cela prenait beaucoup de temps, du temps que je ne consacrais pas au couple ni bien sûr à l’enfantement. Tout cela viendrait plus tard, quand je serais plus établie, plus solide, plus disponible, quand j’aurais du temps. Et puis, il a fallu trouver le bon, le prince, et pour ça, il en fallut pas mal de temps. Certaines font tout cela en même temps et décident d’organiser leur vie pour l’avoir, ce foutu temps, et elles font des enfants à l’âge où l’on fait des enfants. Pour moi, comme beaucoup d’autres femmes qui n’ont pas choisi une branche particulièrement sécurisante et, de ce fait, n’ont pas beaucoup de temps, j’ai remis ce rêve d’adolescente en me disant qu’il serait toujours temps. Et puis, à 42 ans, à minuit moins cinq sur l’horloge biologique tonitruante de la femme, mon ventre s’est arrondi. Deux fois dans les six derniers mois. Les deux fois, je les ai perdus, et en pleurant dans des salles d’attente où l’on demande aux femmes, comme moi, d’attendre le spécialiste, l’infirmière, le verdict, qu’une place se libère pour une échographie, qu’une place se libère pour un curetage... les deux fois, j’ai pensé à quelle vitesse le temps avait passé entre l’époque où je dansais les yeux fermés dans ton sous-sol et celle où je suis assise sur cette petite chaise inconfortable de salle d’attente. J’ai toujours pensé que j’aurais le temps, que la vie était élastique. Si je n’avais plus le temps, justement? C’est vertigineux de trouver que tout va trop vite, assise sur une petite chaise de clinique où tout va, justement, trop lentement.

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CHRONIQUE 15 VOIR MTL

Les histoires de fausses-couches tournent d’ailleurs souvent autour de ce problème de temps que nous n’avons pas dans notre système de santé. Mon amie Marie m’a raconté qu’elle est arrivée en contractions à Saint-Luc un vendredi d’un long congé. On lui a donné de la morphine et on lui a dit de revenir le mardi si la nature n’avait pas fait naturellement son œuvre. Julie m’a confié qu’elle s’était pointée aux urgences de Maisonneuve-Rosemont à l’aube et qu’elle saignait beaucoup. Il fallait attendre l’ouverture des services de radiographie à 9h. À midi, elle était toujours à l’urgence. Elle a fini par évacuer son «bébé» dans les toilettes de ladite urgence. Elle en pleure encore de rage. Plusieurs années après. Et puis, il y a les histoires de Zoé, Martine, Chloé et j’en passe. Pour mieux digérer mon histoire, j’ai voulu en connaître d’autres. Réflexe de journaliste, même dans la plus vive intimité. Une de mes amies les plus combatives s’est fait dire de revenir dans une semaine… Une semaine. «Penses-tu que j’allais vivre avec un bébé mort dans mon corps pendant une semaine? Je suis rentrée chez moi et puis vers minuit, je me suis relevée, j’ai pris mon char, j’ai même pas réveillé mon chum. Je me suis dit: ça se passera pas comme ça. Je suis retournée à l’urgence et je leur ai dit: je

VO2 #O7

reste ici sans manger ni boire tant que vous ne faites pas quelque chose. Une infirmière est venue me voir et m’a dit qu’il fallait que je sois patiente, que ce n’était pas une urgence. J’ai explosé, calvaire. Pourquoi pas une urgence? Rentre chez toi, femme, et endure? Et ma santé psychologique à moi, qu’en faites-vous? J’ai une job, j’ai une vie, il faut que je mette tout cela sur le hold pour attendre que vous ayez un petit trou à l’agenda? Alors, amenez-moi à l’urgence psychiatrique. Je crois qu’ils ont eu peur et ils m’ont fait un curetage dès que le docteur est arrivé le matin.» Bien sûr, il y a des histoires aussi de professionnels plus avisés, plus rapides, mais mettons qu’il y en a moins… dans le lot de témoignages reçus. Depuis quelques jours, on me dit de donner du temps au temps, que le temps panse les plaies, que le temps arrange les choses, mais avec le temps va tout s’en va aussi. Le temps, le temps, le temps et rien d’autre. Que tout le temps perdu ne se rattrape guère, que tout le temps perdu ne se rattrape plus. Allez, reviens-nous vite. Ça fait trop longtemps qu’on n’a pas dansé sur The Police. Émilie

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MUSIQUE 17 VOIR MTL

VO2 #O7

UN CHANTEUR POPULAIRE PORTÉ PAR L’AMOUR INDÉFECTIBLE DE SES FANS, MICHEL LOUVAIN CARBURE À LA RECONNAISSANCE. SOIXANTE ANS APRÈS SES DÉBUTS DANS LES CABARETS, LE CHANTEUR DE CES DAMES SE CONSIDÈRE COMME PRIVILÉGIÉ D’ÊTRE «ENCORE LÀ». MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)

La célébration sera grande le 12 juillet 2017. Le même jour que son 80e anniversaire de naissance, Michel Louvain chantera au Festival d’été de Québec sur la place D’Youville, à quelques pas d’un lieu fort en émotions et en souvenirs: le Palais Montcalm.

soir, le vendredi et le samedi. Vu que je fumais pas et buvais pas, j’étais en mesure de vivre avec 10 piasses par semaine et de donner mon 45 piasses d’étalagiste à ma mère. J’étais heureux, je demandais pas plus que ça.»

«Québec, c’est mon château fort» dit-il, visiblement excité. «Durant la conférence de presse [du FEQ], j’étais assis à côté des Cowboys fringants, qui racontaient ce qui allait se passer durant leur show: des projections énormes, des feux d’artifice projetés sur l’écran… Moi, j’ai dit que, pour mon show, il n’y aurait pas de flafla, mais que mon fond d’écran serait le Palais Montcalm, là où j’ai connu ma première grosse émeute de fans en 1959. Cette même émeute où j’ai dû sortir par le toit en échelle de pompier avant d’être ramené à mon hôtel. Les Cowboys m’ont regardé: “Hein! Ça t’est arrivé, ça?”»

Repéré grâce à son énergie et son charisme, Louvain déménage à Sherbrooke en 1957, à l’âge de 20 ans. «Je chantais avec un trio tous les soirs de la semaine à l’Hôtel Union. Là, j’étais dans mon élément! Après quelques soirs, j’ai remarqué que les gens ne dansaient plus. J’étais un peu inquiet jusqu’à tant qu’on me dise que les gens préféraient me regarder, comme si je leur donnais un spectacle! J’étais fier, mais en même temps, j’étais pas plus heureux que ça là-bas. Maintenant que j’avais quitté la maison, j’avais d’autres idées en tête. J’ai donné ma démission après trois mois et je suis allé rejoindre mon frère à Montréal.»

Si ce genre d’engouement exalté et frénétique paraît effectivement extraordinaire aujourd’hui, il a forgé le mythe de cette époque phare, qu’a d’abord symbolisé la Elvis Mania au milieu des années 1950. À ce moment, le jeune Thetfordois était toutefois loin de se douter qu’il connaîtrait lui aussi une popularité déferlante. Étalagiste avec son père le jour, il suit son grand frère, le chanteur André Roc, dans les cabarets le soir. «J’avais pas le droit de rentrer, donc j’me cachais dans un coin pour le regarder travailler. Un jour, il a accepté un contrat à Montréal, et j’ai pris sa relève. J’avais 18 ans», raconte celui qui a troqué son vrai nom, Michel Poulin, contre Mike Mitchell, Mike Poulin et Michel Paulin avant d’adopter Michel Louvain. «Le band me donnait 5 piasses par

Après avoir remporté un concours amateur au cabaret El Mocambo, où son frère se produit, il saisit la chance de devenir maître de cérémonie dans un hôtel de L’Abord-à-Plouffe, ancien village québécois qui fait maintenant partie de Laval. «Le même soir, je pouvais présenter Fernand Gignac suivi d’un numéro d’acrobates ou de chiens qui sautent dans un cerceau…» énumère-t-il, avec le sourire. «Je passais un peu inaperçu, mais ça n’a pas empêché le directeur des disques Apex, Yvan Dufresne, de me remarquer. Il m’a vu chanter un soir à l’hôtel et m’a demandé si j’voulais faire un disque. J’avais 20 ans, c’est sûr que j’allais dire oui!»

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Buenas noches mi amor paraît la même année. Sans être un succès instantané, le 45 tours permet à Louvain d’attirer l’attention de l’animateur radio St-Georges Côté, qui le propose comme artiste invité pour le populaire Gala des Splendeurs. Retransmis sur les ondes de la télé de RadioCanada, l’événement a lieu le 3 mai 1958 au Colisée de Québec. «C’est là que j’ai connu mon heure de gloire!» s’exclame-t-il. «Tout ce dont j’me souviens, c’est Jean Coutu qui me donne une tape dans le dos avant que j’entre sur scène en me disant: “Enweille, p’tit gars, va les chercher!”» La prestation terminée, Louvain monte dans un taxi sans se douter que sa carrière vient de prendre son envol. Ensevelie d’appels pendant plus de deux semaines, l’équipe de Radio-Canada recontacte la jeune vedette. «On m’a demandé de venir m’installer à Montréal, car tout le monde voulait revoir “le petit gars” qui a chanté! Ma carrière venait vraiment de partir en flèche», raconte-t-il. «Faut dire que le timing était parfait: Presley était au sommet, et les jeunes filles d’ici se cherchaient une idole. Quand elles ont vu ce gars-là de 20 ans arriver avec son nœud noir, sa chemise blanche pis ses cheveux bien peignés avec du Brylcreem bien huilé, ç’a provoqué quelque chose…» «Encore aujourd’hui, je me demande “pourquoi moi?”», poursuit-il, avant de prendre une pause pour y réfléchir. «Je dois être né sous une bonne étoile.» Apogée, déclin et résurgence À son apogée au tournant des années 1960, la «Louvain Mania» précède la venue d’une toute nouvelle scène pop, que représentent à divers niveaux Pierre Lalonde, Tony Massarelli, Tony Roman, Donald Lautrec, Michèle Richard et autres groupes yéyé emblématiques comme César et les Romains, Les Sultans et Les Classels. Grâce à des émissions de télé comme Music-Hall et Jeunesse d’aujourd’hui, certains de ces artistes obtiennent un rayonnement beaucoup plus large, qui leur permet de se faire reconnaître au-delà des cabarets. «Cette période-là, ce sont des souvenirs extraordinaires», relate Michel Louvain. «On était souvent amenés à collaborer sur les mêmes scènes, les mêmes émissions. Ça pouvait m’arriver d’embarquer avec mes chansons d’amour juste après un groupe qui bouge pas mal comme César et les Romains.» Unie malgré ses différences, cette scène perd quelque peu de son lustre à la fin de la décennie 1960, au même moment où Louvain traverse des moments plus difficiles, notamment en raison de la fin de son contrat avec Apex. «On peut parler d’une période

creuse», admet-il. «Je suis pas resté assis dans mon appartement à compter les jours, je faisais des spectacles pareil, mais j’avais pas de chanson à la radio ni de disque hot sur le marché.» Plus largement, l’industrie change de façon assez radicale: l’époque faste des cabarets tire à sa fin, et différents espaces de diffusion ouvrent leurs portes et prennent du galon. «Le show-business changeait carrément. La mode était aux belles salles culturelles comme la Place des Arts», se souvient le Thetfordois. «Ensuite, quand la télévision a arrêté les variétés, le public a changé.»

«JE VAIS PAS PARLER AU NOM DE TOUS LES CHANTEURS, MAIS J’AI L’IMPRESSION QU’EN GÉNÉRAL, ON N’EST PAS TROP BONS POUR SAVOIR QU’ON A UN HIT ENTRE LES MAINS.» Au début des années 1970, le Québec vibre au rythme d’une nouvelle génération d’auteurscompositeurs-interprètes comme Beau Dommage, Harmonium, Robert Charlebois et Louise Forestier. Loin de se douter qu’il est sur le point de connaître son plus grand succès, Michel Louvain accepte avec plusieurs réticences une idée du producteur Pierre Boudreau: «Il vient me voir et me dit qu’il a un tango à me proposer. Je lui ai répondu que j’allais certainement pas chanter ça.» Le «tango» en question est une reprise du chanteur irlandais Joe Dolan, Lady in Blue. «Je l’ai quand même enregistrée, sans penser que ça serait le tube de ma carrière. Je vais pas parler au nom de tous les chanteurs, mais j’ai l’impression qu’en général, on n’est pas trop bons pour savoir qu’on a un hit entre les mains. C’est plus ton producteur et ton entourage qui vont être capables de te dire ça. Moi, j’ai toujours été un peu trop naïf.»


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> Paru en 1977, l’album La dame en bleu propulse Louvain au sommet des palmarès. La décennie 1980 s’amorce donc du bon pied pour le chanteur, qui propose plusieurs séries de spectacles très populaires, notamment celui des 3 L avec ses acolytes Donald Lautrec et Pierre Lalonde. Diversifiant ses activités, l’artiste accepte de se joindre au réseau Télé-Métropole à titre d’animateur de l’émission De bonne humeur pendant cinq saisons. Bien malgré lui, il devient la victime de railleries de plusieurs humoristes (notamment Rock et Belles Oreilles et les Bleu Poudre) qui le dépeignent comme un symbole d’une certaine culture kitsch. «Moi, je les regardais pas à la télévision, ces humoristes-là. C’est mon public qui venait m’en parler en me disant qu’ils étaient vraiment méchants», dit-il, en prenant bien soin de ne pas préciser de qui il parle. «Ça me faisait de la peine, je dormais mal, mais je fonçais la tête haute. Maintenant, ces mêmes gens-là, ils viennent me parler et m’invitent à participer à leur show. Ils ont essayé de me démolir, mais ça n’a pas marché. Je ne garde pas de rancune envers eux, mais quand ils viennent me donner la main, je sais très bien à qui j’ai affaire.» Accumulant les albums compilation et les tournées durant les décennies 1990 et 2000, le chanteur obtient depuis peu une reconnaissance à la hauteur de sa carrière d’exception. Nommé Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2010 puis décoré de l’Ordre du Canada en 2015, il a finalement obtenu le convoité Félix hommage au Gala de l’ADISQ 2014. Se disant toujours aussi redevable à son fidèle public pour tout ce qui lui arrive, Louvain attribue son succès sur six décennies à son authenticité, au fait qu’il n’a jamais changé ou forcé son image. «Le Louvain des années 1960 est le même que celui de maintenant. C’est cette constance-là qui fait ma force. On me verra jamais sur scène en jeans, j’aurai toujours un veston et je serai toujours coiffé pareil. Une fois, j’ai essayé de me faire un afro à la Charlebois, et ç’a pas duré trois jours! Dans la rue, j’me suis fait dire: “Vous allez nous enlever ça, monsieur Louvain, c’est pas vous ça!” Je suis retourné direct chez mon coiffeur pour lui demander de me défriser.» C’est donc avec le veston et le pantalon bien repassés que le chanteur de 79 ans soulignera son passage dans la prochaine décennie. Symboliquement chargé, ce spectacle extérieur à la Place D’Youville vient avec son lot de nervosité. «Je vais avoir le trac, plus que d’habitude. Ça représente tellement de souvenirs pour moi…» renchérit-il. «Je souhaite seulement qu’il fasse beau.» y 60 ans de bonheur avec vous

Québec: 12 juillet Scène Hydro-Québec, Place D’Youville (Dans le cadre du Festival d’été de Québec)

Montréal: 25 novembre Salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts


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CHANTER ET BOUGER PLAMONDON APRÈS S’ÊTRE PLONGÉE DANS LES ŒUVRES DE BEAU DOMMAGE ET DE ROBERT CHARLEBOIS EN 2015 ET 2016, LA SÉRIE HOMMAGE DU CIRQUE DU SOLEIL S’AVENTURE CETTE ANNÉE DANS LES CHANSONS DE LUC PLAMONDON AVEC LE SPECTACLE STONE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

«C’est pas facile à chanter du Plamondon!», lance Jean-Phi Goncalves. Cette année, le directeur musical du spectacle a un nouveau défi de taille, celui de donner une nouvelle vie aux chansons du grand parolier québécois avec une dizaine d’interprètes, en l’occurrence: Ariane Moffatt, Betty Bonifassi, Beyries, Gabrielle Shonk, Klô Pelgag, La Bronze, Marie Mai, Marie-Pierre Arthur, Milk & Bone, Safia Nolin et Valérie Carpentier. Ces chanteuses ne seront pas sur scène lors des représentations, mais leurs chansons accompagneront les danseurs et acrobates du Cirque du Soleil pendant un mois à l’Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières. Quoique Jean-Phi Goncalves soit encore dans le secret des dieux quant au choix des pièces pour le spectacle Stone (la dénudée Le blues du businessman par Safia Nolin et Oxygène façon électrorock puissant par Betty Bonifassi ont toutefois été dévoilées), il nous confirme que les classiques sont plus difficiles à attaquer. «La pièce chantée par Ariane Moffatt, c’est un grand classique et tout un exercice vocal. C’était un gros défi pour elle et elle l’a relevé haut la main. La plupart des chansons sont quand même difficiles à chanter, elles demandent une certaine maîtrise et ont de grands sauts d’octave.» Le metteur en scène de Stone, Jean-Guy Legault, a fait le choix des chansons en fonction de l’histoire qu’il voulait raconter. Et cette trame narrative justifie l’utilisation de voix uniquement féminines. «L’histoire est celle d’un maestro qui cherche la voix parfaite depuis 450 ans, précise-t-il. La scène est un clin d’œil au parc Belmont, comme un parc d’attractions désaffecté à l’intérieur duquel y a plein

d’extravagants. Le maestro va remarquer une muse automate – clin d’œil à La complainte de la serveuse automate – en qui il voit l’entité parfaite pour donner vie et âme à son œuvre. Tout au long du spectacle, il va chercher à lui donner une voix, et chacun des tableaux du spectacle est donc construit avec une voix féminine différente.» Le choix des chanteuses est ensuite revenu à JeanPhi, qui a su amener une dose de jeunesse au projet en allant chercher des voix connues mais aussi des chanteuses de la relève comme Gabrielle Shonk et Valérie Carpentier. Le spectacle de cette série Hommage séduira sans doute un public plus large cette année, d’autant plus que l’œuvre de Plamondon transcende plusieurs décennies et donc, plusieurs générations. Jean-Guy Legault nous explique la démarche artistique derrière Stone: «Puisque c’est le père de l’opéra rock francophone, la meilleure façon de lui rendre hommage, c’est de donner notre vibe à ça: un opéra punk rock baroque. On utilise l’esprit baroque, mais c’est traité de façon contemporaine. Comme si tu prenais des personnages baroques mais que tu les mettais aux Foufounes électriques. Et baroque veut dire extravagant, donc ça fonctionnait avec la dynamique éclatée qu’on voulait donner au spectacle. Pour le pacing, on ne voulait pas utiliser seulement des chansons des comédies musicales, mais d’autres pièces qui ont cette volonté de raconter une histoire. Sur 40, 50 ans de carrière de Plamondon, le défi était de raconter quelque chose à travers des chansons aux univers musicaux complètement différents.»

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(DE GAUCHE À DROITE) JEAN-GUY LEGAULT ET JEAN-PHI GONCALVES

Le titre du spectacle, vous l’aurez deviné, est une référence à la pièce Le monde est stone. C’est un mot tout indiqué pour un spectacle hommage à Luc Plamondon, explique Jean-Guy Legault. «Stone, c’est ce qui représentait le plus Luc Plamondon. Dans le monde étourdissant dans lequel on vit, on peut dire qu’on est un peu stone, on ne sait pas comment réagir aux actualités. C’est un état d’esprit entre rêve et réalité, si on veut. Et ça, ça marche bien avec le Cirque du Soleil puisque c’est ce qu’on fait. On crée du rêve à partir de la réalité. Stone, ça représente aussi le legs de Luc Plamondon puisque c’est un mot qui est rentré dans le vocabulaire, c’est un terme qu’on utilise.» Au moment de notre entretien, les artistes du Cirque du Soleil entraient dans une seconde vague d’ateliers. Les acrobaties et les numéros de danse sont créés et répétés alors que Jean-Phi finalise les chansons en studio. Ensuite, c’est le grand saut devant public! «De nos jours, il ne suffit plus de dire: on fait de la danse ou on fait du cirque. Les gens cherchent des événements, avec une particularité, croit Jean-Guy Legault. En mettant de l’avant la performance, la danse doit accoter le cirque et le côté musical aussi. Il faut que tous ces éléments-là soient forts. On est des dresseurs de poil, dans le fond! Et on essaie de dresser le poil de différentes façons possibles.» y

Du 19 juillet au 19 août À l’Amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières



MUSIQUE 23 VOIR MTL

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1977. L’ANNÉE OÙ LE PUNK A EXPLOSÉ. LE PRODUCTEUR DE SPECTACLES EVENKO S’APPRÊTE À RAMENER LE PUNK ROCK AU PARC JEAN-DRAPEAU AVEC UN NOUVEAU FESTIVAL D’ENVERGURE, ‘77, ÉVÉNEMENT QUI SOULIGNERA L’HISTOIRE DE CET IMPORTANT MOUVEMENT. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

«Y a beaucoup de débats autour de la date exacte du début du punk, nous dit Nick Farkas, vice-président aux concerts et événements chez evenko. Est-ce avec les Ramones? Au début des années 1970? Pour moi, c’était vraiment avec le premier disque de The Clash et le premier disque de Sex Pistols, en 1977. Pour mes collègues, c’est la même chose, alors on s’est dit que 2017 était l’année ultime pour commencer cette expérience-là et célébrer 40 ans de punk.» Le réalisateur Érik Cimon, qui a signé en 2007 le documentaire MTL Punk: la première vague avec Alain Cliche, adhère au choix de nom du festival. «Le début du punk, c’est jamais clairement identifié, mais 1977, c’est l’année où tous les groupes majeurs ont sorti un premier long-jeu ou un deuxième album majeur et que la scène a clairement explosé. C’est un mouvement qui a remis toutes les pendules à l’heure, qui a fait table rase, qui a brassé l’establishment musical et qui a remis l’énergie du rock vraiment dans ta face.»

RANCID

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MUSIQUE 25 VOIR MTL

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regrouper toutes les décennies dans un même événement, et donc de recevoir des groupes des années 1970 à aujourd’hui pour passer à travers tout l’historique de ce mouvement.» Première vague montréalaise

THE VANDALS

Éventail du punk Le festival ’77 sera composé d’une journée de prestations d’une dizaine de groupes sur deux scènes (dont les Britanniques X, Rancid et Dropkick Murphys), en plus de concerts en ville autour de l’événement. «C’est punk rock, mais on mise aussi sur des groupes ska et hardcore. On voulait garder ça assez ouvert pour être capables de continuer à explorer tous les genres qui viennent du monde du punk», dit Nick Farkas, en précisant qu’il ne voit pas de compétition entre ’77 et le Pouzza Fest, événement punk bien établi au centre-ville depuis sept ans. «Pour moi, c’est complémentaire. Les deux événements peuvent s’entraider. Je ne pense pas qu’on va se nuire parce qu’il y a assez de monde pour les deux. Montréal a toujours été une ville pour le punk rock, et plus y a d’événements du genre produits ici, plus ça aide la scène.» ’77 souhaite aussi célébrer avec les festivaliers le punk d’hier à aujourd’hui avec une foire du disque, une exposition d’affiches et des archives sur son site du parc Jean-Drapeau. «On veut que ce soit quelque chose de vivant, que les gens ajoutent leurs photos, vidéos, posters, flyers, musique sur le site de l’événement, indique Nick Farkas. On veut proposer des archives de l’histoire du punk rock à Montréal depuis le début. C’est ça, le but du festival:

Parlant d’archives, le documentaire MTL Punk: la première vague revient sur les premiers pas du mouvement punk à Montréal à la fin des années 1970 en compagnie des groupes mythiques The 222s, The Chromosomes et The Normals. «Première vague», puisque le mouvement est resté très underground avant que la seconde vague déferle, explique le réalisateur Érik Cimon. «Pour bien des gens, le mouvement punk n’avait pas ou presque pas existé au Québec à cette époque. En faisant les recherches, on s’est rendu compte qu’il y avait eu une scène punk à Montréal, très petite, mais très dynamique. C’est vraiment excellent ce qui se faisait ici, mais pour bien des raisons – géographiques, contextuelles ou politiques –, cette musique n’a pas trouvé preneur du tout au Québec. C’est une question de timing aussi, je pense, parce que quelques années plus tard, la scène punk à Montréal a explosé et y a plein de labels indépendants qui sont nés.» Si au Royaume-Uni le punk avait une forte saveur politique, le mouvement en Amérique du Nord semblait être davantage une réponse au mouvement hippie. «C’était comme une écœurantite du disco, du rock prog et du folk, qui étaient un peu plates pour une certaine catégorie de jeunes qui avaient le goût de revenir au genre de son qu’ils avaient entendu sur les disques de vieux rock’n’roll des années 1950 et de rock garage des années 1960, indique Érik Cimon. Le punk était facile à jouer aussi, un genre musical pas élitiste. T’avais pas besoin d’avoir fait cinq ans de conservatoire pour jouer des solos avec une guitare à deux manches! Pour des jeunes issus d’un milieu plus défavorisé ou qui n’avaient pas envie de se péter les bretelles avec quelque chose de trop mental, le punk était parfait. Ç’a été un retour du balancier essentiel à cette époque-là.» Vivement une nouvelle célébration de ce mouvement nécessaire. y ’77, le 28 juillet au parc Jean-Drapeau 77montreal.com

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LA CLASSE BELGE AFFRANCHI DES CODES ET DE L’HISTOIRE QUI PÈSENT SUR SON PENDANT FRANÇAIS, LE MOUVEMENT RAP BELGE SE DÉVELOPPE EN TOUTE LIBERTÉ, POUSSÉ PAR UN ÉLAN DE SOLIDARITÉ QUI N’EST PAS SANS RAPPELER CELUI QUI A CONDUIT À L’ÉMERGENCE D’UNE SCÈNE RAP ACTUALISÉE AU QUÉBEC. DE PASSAGE DANS LA MÉTROPOLE À LA MI-JUIN DERNIÈRE POUR QUELQUES DATES DE SPECTACLE, JEANJASS, CABALLERO, ROMÉO ELVIS, LE MOTEL AINSI QUE SWING, LOXLEY ET PRIMERO DE L’OR DU COMMUN ONT PRIS PLACE À NOS CÔTÉS AFIN DE DISCUTER DE CETTE DITE EFFERVESCENCE. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


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J

eudi midi, au lendemain d’une soirée qui semble s’être terminée particulièrement tard, les sept camarades reprennent tranquillement leurs esprits, alors que s’engloutissent les cafés, les pains au chocolat et les tranches de melon d’eau. En plein cœur d’un séjour dans la métropole pour une série de spectacles dans le cadre de Mural et/ou des FrancoFolies, les Belges apparaissent décontractés. «C’est comme la classe verte», envoie Primero. «Ouais, c’est des bonnes vacances», acquiesce JeanJass. Si elle semble plus ou moins naturelle en ce réveil «hâtif», visiblement forcé par notre présence, la chimie qui opère entre les sept artistes est bel et bien tangible, en partie représentative de ce qui l’anime à Bruxelles. «Y a moins de compétition chez nous que dans le rap français. En tout cas, c’est ce que les Français nous disent», explique Loxley. «C’est un plus petit milieu, donc tout le monde se côtoie plus ou moins.» «Les gens respectent le travail des autres. C’est un détail important de ce qui a mené à tout ça», poursuit Caballero, en parlant largement de cette ébullition musicale. «Mais je crois qu’au-delà de cette solidarité, c’est surtout les réseaux sociaux qui ont joué un rôle primordial.» «Ça et l’accumulation de bonnes sorties», ajoute Roméo Elvis, qui aura 18 ans cet été. «Quand tu rassembles autant de bons projets en si peu de temps, ça crée forcément une effervescence, car il y a toujours de l’actualité.» Depuis le printemps 2015, les sorties importantes se sont succédé chez les Belges: H24 de Hamza, L’Odyssée et Zeppelin de L’Or du commun, les binômes Double Hélice de Caballero & JeanJass et Morale de Roméo Elvis X Le Motel, les deux percutants premiers albums de Damso… Tout ça sans compter les percées spectaculaires de Shay et Isha ainsi que le retour de La Smala. À défaut d’avoir un son précis, le vaste cortège belge a une façon de voir et d’approcher le rap d’une façon décomplexée. «On n’a pas de comptes à rendre à nos ancêtres, car il n’y a pas de présence institutionnelle aussi forte qu’en France», expose Roméo Elvis, alors que résonnent au loin les noms des vétérans bruxellois Benny B et Starflam. «Ça donne un rap plus libre.» Cette liberté artistique permet de varier les tons, les styles. Alternant comme ils l’entendent entre formules trap actuelles et composantes boom bap typiques des années 1990, ces artistes aiment l’autonomie que leur apporte cette hybridité des genres. «C’est pas quelque chose qu’on calcule. Même si on fait plein de trucs différents, il y a cette essence qui reste, car on vient de là», explique Caballero.

(DE GAUCHE À DROITE) CABALLERO, PRIMERO, ROMÉO ELVIS, JEANJASS, LE MOTEL, SWING ET LOXLEY

Plus jeune que ses compères, Roméo Elvis reconnaît également l’influence qu’a eue sur lui la scène rap alternative française de la décennie 2000, représentée par des artistes comme TTC, La Caution et Klub des Loosers: «Ces mecs-là, j’me reconnaissais dans leur musique détachée, éloignée de la culture rap traditionnelle. Venant d’un milieu plus aisé, je ne me suis jamais senti légitime de faire un rap dans les codes classiques.» Accueil chaleureux en France et au Québec Auparavant unidirectionnelle, l’influence entre les scènes française et belge se fait maintenant dans les deux sens. Happés par la sensation Stromae qui, indirectement, a contribué à leur ouverture pour la culture de leurs voisins, les médias français ont rapidement reconnu la légitimité et le talent des rappeurs cousins. «Les Français disent constamment que “l’école belge arrive en force”. On dirait qu’il faut parfois attendre que ce soit eux qui le disent pour gagner en crédibilité», constate Swing. «Certains médias belges ont attendu que la France nous mette de l’avant avant d’en faire de même», ajoute Roméo Elvis. «Ce qui est bien, c’est qu’on a encore cette position de rappeurs un peu exotiques. Ça reste assez neuf ce qui se passe pour l’instant, donc l’accueil est assez fort.» De ce côté-ci de l’Atlantique, la curiosité est également à son comble. Organisés au Belmont par les défricheurs de l’émission de radio Hip-Hop Café et du producteur et promoteur Smoking Camel, qui tissent des liens entre les scènes rap bruxelloise et montréalaise depuis plusieurs années, les spectacles Bruxelles arrive! et Bruxelles est là! ont permis de saisir une partie de l’ampleur du phénomène. Pour le producteur Le Motel, cet éveil québécois pour le rap de son pays a des liens avec les ressemblances stylistiques qui définissent ces deux scènes francophones. «On se rejoint beaucoup dans l’humour et l’autodérision d’un groupe comme Alaclair Ensemble. On ne se pose pas trop de questions, on mélange les styles. On aime partir dans des délires, sans nécessairement avoir à trop encadrer notre proposition.» «On a quand même beaucoup de points en commun avec le Québec», renchérit Caballero. «Nous vivons tous les deux dans des petites zones linguistiques, où le marché n’est pas super développé et où tout est à faire.» «À la base, je crois aussi qu’on prend les choses à la légère, car tout ça, c’est sans grands enjeux à côté du game français», poursuit Primero. «On a démarré ça comme un hobby, sans se faire d’idées de carrière, et maintenant, on a de la pression et de l’espérance, car ça évolue vite.» y


À ÉCOUTER

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★★★★★ CLASSIQUE ★★★★ EXCELLENT ★★★ BON ★★ MOYEN ★ NUL

DAPHNI FABRICLIVE 93: DAPHNI

ROGER WATERS IS THIS THE LIFE WE REALLY WANT? (Sony Music) ★★★★ Si certains artistes se répètent par manque d’idées, d’autres le font davantage pour le simple plaisir d’entretenir leurs obsessions, et c’est exactement ce que fait Roger Waters, toujours avec autant de talent. Après tout, ce n’est pas comme si son regard pouvait se poser sur autre chose que des horreurs, du cynisme et de la déprime... Eh oui, «If I had been God, I believe I could have done a better job»! Si la production est de Nigel Godrich (Radiohead), Waters reste Waters, et il n’a pas à être gêné de citer Pink Floyd («Wish you were here in Guantanamo Bay», dans Picture That), de ressortir ses effets sonores ou de faire des musiques qui rappellent beaucoup The Wall. Une suite parfaite à son solo précédent (Amused to Death). (R. Beaucage)

CAMILLE OUÏ

(Fabric)

(Because Music)

★★★ 1/2

★★★ 1/2

Lorsque Daphni (Dan Snaith de Caribou) s’est fait offrir de livrer un mix pour la série mensuelle Fabriclive, il a décidé de faire quelque chose de complètement différent de ses prédécesseurs. Plutôt que de mélanger des chansons d’autres artistes, Snaith a plutôt choisi de creuser dans ses tonnes de boucles et d’échantillons inutilisés pour créer de tout nouveaux morceaux. Il en résulte un long mix de 27 titres presque complètement inédits où l’on sent les influences multiples de cet artiste infiniment créatif. À travers des constructions sur de longues durées portées par des rythmes inventifs et résolument dansants, Daphni nous amène à explorer un disque où la variété s’accorde avec la cohérence. Bien que l’on y voyage à travers une vaste gamme de sonorités électroniques, on ne se sent jamais dépaysé et les compositions habiles de Snaith viennent lier le tout comme autant de mortier musical. (A. Bordeleau)

ALT-J RELAXER (Atlantic Records) ★★★ Pour son troisième album, le groupe anglais Alt-J offre encore une fois des paroles énigmatiques, jumelées à des mélodies singulières qui leur permettent de composer avec des couleurs musicales peu communes. Relaxer pousse plus loin le désir d’exploration du trio. Cependant, tiraillé entre le succès populaire et le désir d’innover, le groupe offre un album inégal: alternant entre la majesté cinématographique du London Philharmonic Orchestra (Adeline, Pleader) et les sonorités pop (In Cold Blood, Deadcrush), Alt-J propose une œuvre concise, intéressante, mais qui manque de cohésion. Pensons notamment à la psychédélique et agressive Hit Me Like That Snare qui ne cadre pas du tout dans l’ensemble. Relaxer reste toutefois un album courageux et introspectif où se côtoient à la fois le désir de plaire et la volonté viscérale de sortir des sentiers battus. (E. Guay)

Sixième album de la fascinante Camille, Ouï témoigne en 11 titres du formidable parcours artistique de la femme aux mille voix. Enregistré dans une vieille église du sud de la France, ce nouvel effort renoue plus ou moins avec le populaire Le fil, disque phare de la chanteuse parisienne paru en 2005. Sur Ouï, Camille entraîne l’auditeur dans un univers à la fois onirique et sensuel, envoûtant et transcendant. L’artiste joue avec les mots et les sons; ici, les voix se superposent et s’entremêlent, se fondant dans les rythmes et les notes, quelquefois sur des mélodies traditionnelles de la vieille France et d’Afrique ou des envolées cristallines aux airs sibyllins. Un disque hypnotique et chamanique, où limpidité rime avec pureté. Ouï, on l’entend bien, et on acquiesce. (P. Baillargeon)

JOWEE OMICIL LET’S BASH! (Jazz Village) ★★★ 1/2

Montréalais d’origine haïtienne, ce soul brother authentique fait d’abord de la musique à l’église, sur Pie-IX, où prêche Joseph senior, son papa pasteur. «J’ai le gospel dans le sang», proclame-t-il, survolté. Doué, on le prend à Berklee, la grande école du jazz, d’où il émerge avec saxes et clarinettes dans le groupe de Roy Hargrove. Mais après trois albums autoproduits et marginaux, il est plutôt content de vivre en France et d’être aujourd’hui à la tête d’une formation multiethnique. Dans Let’s Bash! – c’est son cri de ralliement –, Omicil trouve enfin sa voie. Pas d’esbroufe ni de virtuosité. Se baladant sur des grooves imprégnés de blues avec une démarche minimaliste, il propose des motifs mélodiques souvent embryonnaires (comme dans Sur le pont d’Avignon, ludique, avec trois bassistes). Il salue aussi au passage Miles et Tinariwen, Chaplin qui dodeline sur des tablas, le Capverdien Luis Moraes et la Martiniquaise Leona Gabriel, dont il reprend un air de la Belle Époque. Et si Jowee était le futur du jazz? (R. Boncy)


DISQUES 29 VOIR MTL

BISON YOU ARE NOT THE OCEAN YOU ARE THE PATIENT

BENT KNEE LAND ANIMAL

(Pelagic Records)

★★★ 1/2

★★★ 1/2

Le premier album du groupe de Vancouver enregistré avec le bassiste Shane Clark (ex-guitariste de 3 Inches of Blood) est marqué par un changement de style qui ne devrait pas trop déstabiliser les fans qui ont entendu le EP One Thousand Needles (2014). Loin de renier les racines stoner sludge métal de ses débuts, Bison y ajoute des influences post-hardcore et des progressions rythmiques ambiantes à la Neurosis. Si cette comparaison est particulièrement évidente sur Water Becomes Fire, on entend aussi des similitudes avec Kylesa (écoutez Tantrum) sur la première moitié du disque réalisé par leur collaborateur de longue date, Jesse Gander (Japandroids, Anciients). Un bel exemple de progression ancrée dans la continuité. (C. Fortier)

OURI SUPERFICIAL (Make It Rain Records) ★★★ 1/2

À l’instar de son copain Cri, la productrice Ouri creuse le sillon du future garage, ce genre essentiellement britannique qui croise ambiances vaporeuses, synthés caverneux et rythmiques ingénieuses, tantôt dansantes, tantôt décalées. Sans délaisser les explorations house de son premier EP Maze, paru il y a deux ans, la Montréalaise offre ici une proposition plus uniforme et accessible, qui évite les motifs redondants dans lesquels se complaisent beaucoup trop d’artistes électro. Après une saillante entrée en matière, marquée par la progression ample de X-Float et la recherche sonore langoureuse de Left Me que parcourt la voix brumeuse et feutrée d’Odile Myrtil, Superficial vogue tout naturellement vers des sonorités entraînantes (Jungle, Distracted…) et déferlantes, quelque peu alambiquées mais bien menées (Switchy Loco, Iddun). (O. Boisvert-Magnen)

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(InsideOut/Sony) Dans l’ensemble, ce quatrième opus est plus «lumineux» que le précédent, ou moins dark, ce qui correspond peutêtre au désir avoué du groupe de rejoindre un plus grand public. On n’est pas dans la chansonnette pour autant, bien sûr, et on retrouve les ingrédients de base de Bent Knee: une touche de math rock par-ci par-là, un soupçon de métal dans la guitare de Ben Levin, des changements d’ambiance abruptes et, bien sûr, la voix aigüe de Courtney Swain, très présente. D’une manière générale, on est un brin moins enthousiasmé que par l’album précédent, mais ça reste un groupe que l’on voudra suivre. (R. Beaucage)

L’ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ AVEC CHRISTINE JENSEN UNDER THE INFLUENCE SUITE (Justin Time) ★★★★ La saxophoniste Christine Jensen mène plusieurs projets de front: avec les universités McGill et Sherbrooke, avec son propre groupe, avec sa sœur Ingrid (trompettiste) et avec l’Orchestre national de jazz qu’elle dirige ici de main de maître pour l’exécution de sa nouvelle création dans laquelle elle passe en revue ses mentors et ses idoles. Dans l’ordre: Kenny Wheeler, Jan Jarczyk (pianiste décédé récemment), Coltrane, Konitz et Wayne Shorter qui donne l’occasion à un bel affrontement épique entre André Leroux et Frank Lozano. Précisons qu’il n’y a aucune reprise dans ce disque ambitieux, homogène, nostalgique et lumineux, mais bien huit nouvelles pièces en cinq actes. On connaissait le talent d’arrangeuse de Christine, mais, cette fois, c’est la compositrice qui atteint un nouveau sommet de plénitude et de maturité aidé par la présence féminine, émotive et inspirée de la chanteuse Sienna Dahlen, captivante. (R. Boncy)

SUFJAN STEVENS, BRYCE DESSNER, NICO MUHLY, JAMES MCALISTER PLANETARIUM (4AD) ★★★ 1/2 Quand notre monde devient fou, vaut mieux se tourner vers les astres. Voilà une réflexion de Sufjan Stevens, qui s’est inspiré de notre rapport au système solaire pour livrer ici des textes sur la divinité, la société, l’identité. Le projet Planetarium a pris forme en 2012 après que le Muziekgebouw d’Eindhoven (aux Pays-Bas) eut commandé un spectacle sur les planètes au compositeur Nico Muhly. La voix céleste de Stevens était bien sûr tout indiquée pour ceci. Les amis musiciens – Muhly, Stevens, son batteur James McAlister ainsi que le guitariste de The National, Bryce Dessner – nous emportent sur leur grande épopée planétaire, qui alterne entre des passages plus orchestraux à des pièces instrumentales, à des moments prog-rock et électro. Voilà un album-concept bien touffu, une proposition incroyablement alléchante, mais qui demande du dévouement de la part de l’auditeur, sinon l’intérêt se perd. (V. Thérien)


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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

LETTRE AUX FEMMES EN MUSIQUE Salut Lydia Képinski, les Sœurs Boulay, Frannie Holder, Betty Bonifassi; salut Amylie, Sarah Toussaint-Léveillée, Mara Tremblay, Beyries; salut Klô, Laurence, Ariane, Ingrid; salut toutes les femmes en musique dans l’ombre ou la lumière. J’ai mis du temps à vous écrire, mais entre le moment de la parution de notre numéro de juin et votre sortie publique, j’ai été muselée du clavier pour cause de mensualité. Nous voici donc en juillet, en plein cœur des vacances et au pic de la «festivalite» virale, maladie contagieuse et saisonnière comme on le dit parfois des allergies. Le matin de la publication de votre lettre, le 1er juin, j’ai reçu, en enfilade, deux coups de fil. Deux collègues, un homme et une femme, dubitatifs et curieux de connaître mon point de vue sur vos doléances, voulaient échanger sur la question. Pour être très honnête, j’étais sceptique sur la nécessité d’une telle sortie, ne pouvant pas figurer qu’un directeur de programmation de festival se lève un matin en décrétant avec fermeté entre ses bines et son bacon matinal: « Câlisse, c’est pas vrai que j’vas payer une fille pour chanter dans mon festival, non de non! Des filles, ça fausse, ça sait pas jouer de la guitare, ça connaît rien dans’ technique, pis ça attire pas l’monde, faque… pas de filles pis c’est toute.» J’ai par contre porté attention aux chiffres que vous évoquiez dans votre lettre: «Depuis la médiatisation récente du contenu de différents festivals québécois, nous avons aussi pris conscience avec consternation de la faible représentation des femmes dans les programmations (souvent moins de 30%, et même 10% dans certains festivals, alors qu’à la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec, dans le volet Chanson, on recense 42% de femmes

inscrites et 49% à l’Union des artistes)… L’automne dernier, nous nous indignions également de constater que la dernière femme à avoir remporté le trophée d’auteure-compositrice de l’année à l’ADISQ était Francine Raymond, en 1993. Et c’est sans parler des inégalités salariales (selon certaines statistiques de l’Union des artistes, les femmes gagnent en moyenne 75% de ce que gagnent les hommes)…» En regardant comme vous les affiches des festivals, je me rends à l’évidence, mais une question demeure. Pourquoi? Le défunt magazine Croc avait pour devise: «C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.» J’inspire et m’en inspire. Une ville de banlieue, disons Belœil, présente dans le stationnement du Mail Montenach son festival. Sur le site oeilregional.com, on lit sous la plume de Denis Bélanger: «Marc-André Bellemare [directeur de la programmation du Festival de Belœil] et toute son équipe mettent ainsi sur pied une programmation plus costaude.» Mike Ward, La Chicane, Philippe Bond, Jean-François Mercier… J’oubliais Arthur L’aventurier et Les Cowboys fringants qui en seront à leur quatrième passage à Belœil en 12 ans de festival. Mais, mais, mais il y aura UNE fille alors? Que faites-vous de Marie-Annick Lépine? De quoi vous plaignez-vous? Depuis 2006, le Festival de Belœil, qui a la malchance de faire ici office d’exemple, a accueilli Marie Mai, MarieChantal Toupin, Lulu Hughes, Andrée Watters, Marjo, Marie-Elaine Thibert et Diane Dufresne. Sept femmes en douze ans de Festival. Ça fait une femme et des poussières


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> tous les deux ans. De quoi vous plaignez-vous? Même que Marie Mai et Marie-Chantal Toupin y sont allées deux fois. Forcément, les listes comme celles des festivals ou les programmations de salles sont créées de façon totalement subjective. Question de genre alors? Du rock de gars, c’est pas du rock de fille? De l’humour de gars, c’est pas de l’humour de filles? Demandez à Cathy Gauthier ou Mariana Mazza. Le Grand Théâtre de Québec propose pour sa saison prochaine les spectacles de Fred Pellerin, Chris de Burgh, Damien Robitaille, Daniel Bélanger, Tire le Coyote, Alexandre Poulin, Edgar Fruitier et k.d. lang. Et que je n’en entende pas un me parler de l’orientation sexuelle de k.d. lang parce que là, franchement… Il y aurait sur la planète 60 millions plus d’hommes que de femmes. Faut bien les occuper et leur laisser un peu de place. On compte sur terre 102 hommes pour 100 femmes. Il naît 107 garçons pour 100 filles, mais il meurt plus de garçons que de filles, on ne sait pas pourquoi. Il arrive donc un âge où on est à nombre égal, soit autour de 25 ans. Huit centenaires sur dix sont des femmes. Ne perdez pas espoir, les filles. Un jour en 2067, on fêtera les 100 ans de l’Expo et dans le show vous serez 8 très vieilles madames pour 2 très vieux monsieurs. Cette année, j’ai perdu une amie française. Elle s’appelait Danièle Molko. En 1985, elle a créé dans l’ombre de Jean-Louis Foulquier, qui était animateur vedette à Radio France et qui en avait la paternité, les Francofolies de La Rochelle et subséquemment celles de Montréal. C’est à La Rochelle en 1993 que je l’ai connue. Plus tard, en 2005, elle a créé les Muzik’Elles de Meaux. Il n’y avait que des filles en tête d’affiche de son festival. Quelques-unes d’entre vous y ont déjà participé. Il y avait bien sûr et heureusement des garçons invités, mais par les filles. Comme Brigitte Fontaine qui invite Arthur H.

Simplement délicieuses, ces salades d’inspiration hawaïenne ensoleilleront vos papilles.

On n’est jamais mieux servie que par soi-même. Ce serait peut-être pas mal que Louve reprennent le flambeau des Muzik’Elles de Meaux. Je salue votre talent, votre élan et votre appel, qui sera certainement entendu et dont l’écho, j’espère, durera plus longtemps que ne durent les roses. Je rappelle aussi la détermination de celles qui vous ont précédées et qui ne l’ont vraiment pas eu facile tous les jours: Pauline Julien dont peu de gens savent qu’elle a signé la moitié de son répertoire, Louise Forestier qu’on a trop longtemps confinée dans l’ombre de Charlebois, Diane Dufresne qui fatiguée de tout ça a failli entrer au couvent, Renée Claude, Monique Leyrac, Lucille Dumont, la Bolduc dont on découvrira bientôt la vie étonnante sur grand écran, Alys Robi traînée dans la boue, Christine Charbonneau, Isabelle Pierre qui a abandonné le métier en pleine gloire. Soyez toujours au sommet, bien droites dans vos bottes, regardez loin et marchez fièrement jusque sur toutes les scènes et les publics qui vous aiment. y

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ALORS QU’ON AVAIT AUPARAVANT BESOIN D’UN AVION OU D’UN HÉLICOPTÈRE POUR FILMER DU HAUT DU CIEL, L’ÉVOLUTION DES DRONES PERMET AUJOURD’HUI À DE NOMBREUX CINÉASTES D’OBTENIR CES PLANS PLUS FACILEMENT. PETITE HISTOIRE D’UNE ÉVOLUTION TECHNIQUE. MOTS | ANTOINE BORDELEAU

PHOTOS | PEXELS

Bien qu’il puisse sembler naturel aux yeux du public moyen, le mouvement de caméra est l’un des outils métaphoriques les plus puissants que possède un réalisateur pour faire parler ses images. Alors qu’au tout début on ne filmait que sur trépied, les premiers exemples de pan de caméra apparaissent dès 1903, dans le film The Great Train Robbery d’Edwin S. Porter. Dans les années qui suivirent, de plus en plus de réalisateurs se mirent à utiliser la caméra comme un élément actif dans leurs scènes. Lorsque bien manipulée, la caméra en mouvance peut effectivement jouer un rôle en soi, comme un personnage supplémentaire venant ajouter une charge émotionnelle au film. Alors que les pans et autres mouvements au sol ont leurs utilités, très rapidement on a voulu pouvoir déplacer la caméra de haut en bas. La raison en est fort simple. Un des buts premiers du cinéma est de suggérer à l’auditoire des émotions, de le subjuguer en l’introduisant dans un univers auquel il n’a pas d’attachement de prime abord. Conséquemment, des images filmées de très haut dans les airs ont un grand pouvoir sur la réponse émotionnelle du public. Souvent grandioses, ces plans peuvent avoir pour effet d’établir les lieux ou de suivre le mouvement dans une vue subjective déstabilisante (on n’a qu’à penser à la légendaire séquence d’ouverture du Shining de Kubrick). Alors que ces images filmées du haut des airs demandaient auparavant de fortes coûteuses opérations en avion ou en hélicoptère, les récentes avancées technologiques dans le domaine des drones (aussi appelés UAV ou RPAS) ont grandement changé la donne. Au cours des 10 dernières années, ces véhicules aériens sont passés de simples jouets équipés de caméras pour hobbyistes à de véritables monstres à 12 hélices permettant de soulever des caméras professionnelles et de les stabiliser suffisamment pour être utilisées dans des applications cinématographiques. Grâce à ces développements, de plus en plus de cinéastes et vidéastes au budget plus limité ont désormais accès à des prises de vues aériennes, un outil de taille pour raconter une histoire. Possibilités décuplées La venue des drones dans le marché professionnel a par ailleurs carrément modifié certaines professions. Romain Brot, directeur des opérations aériennes spéciales chez DroneBox (une compagnie se spécialisant dans les plans aériens), l’explique: «Ma femme et moi, on est tous les deux caméramans, et on s’est toujours spécialisés dans les prises de vue aériennes, un peu partout dans le monde. À l’époque, on le faisait à bord d’avions et d’hélicoptères, ce qui avait son lot de problèmes possibles. Tu es à la merci des intempéries, et en bien des cas, quand tu devais annuler, tu devais tout de même payer le plein prix au pilote. Ce n’était donc pas pratique pour les productions aux

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34 budgets bien limités. De mon côté, j’ai toujours été un passionné du modélisme, des petits engins téléguidés. Vers 2010, quand les drones ont commencé à avoir la capacité suffisante pour soulever une caméra comme une Canon 5D, on a tout de suite su que c’était la direction qu’on devait prendre.» Mais ce nouveau venu au rang des outils cinématographiques ne fait pas que reprendre le flambeau des avions et des hélicoptères. Le drone, en raison de sa petite taille et de ses fonctionnalités, permet des mouvements beaucoup plus libres et donc beaucoup plus intéressants. «Ç’a réellement changé la palette de plans possibles pour un directeur photo, poursuit Romain Brot. Maintenant, on peut partir directement du sol et s’envoler, ce qui n’était pas possible avant. Dès qu’on a mis un pied dedans, on s’est rendu compte des possibilités que ça avait. En fin de compte, le drone n’est pas seulement le successeur des shots en avion, mais également de tout ce qui est chariot, grue… Ça nous affranchit des contraintes physiques et ça permet de mettre des idées en images d’une toute nouvelle façon.» Une ère de prolifération Depuis leurs humbles débuts, les drones se sont répandus à une vitesse folle. Leur prix ne cesse de

«ÇA NOUS AFFRANCHIT DES CONTRAINTES PHYSIQUES ET ÇA PERMET DE METTRE DES IDÉES EN IMAGES D’UNE TOUTE NOUVELLE FAÇON.» devenir de plus en plus compétitif, de sorte qu’il est désormais très facile d’y accéder. En même temps, l’offre s’est énormément diversifiée. «Maintenant, si tu veux avoir un drone qui a du bon sens, il y a des options autour de 1000$, explique Robert La Salle (responsable de la section des drones chez Lozeau). Mais ça ne veut pas dire que c’est suffisant pour toutes les applications. Aujourd’hui même, j’en ai vendu un à 10 000$ à un jeune photographe d’architecture; évidemment, on ne parle pas de la


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même qualité d’image. Et ça, c’est juste en parlant des drones qui ont une caméra dessus. Quand tu te mets à vouloir utiliser des shots de drone dans un film, les prix montent en flèche si tu combines la caméra et le drone.» Il s’en vend tout de même comme des petits pains chauds. Stéphane Lauzon-Simard, pour sa part vice-président et directeur du développement de l’entreprise, explique leur popularité en ces termes: «Une chose est certaine, les drones, c’est le futur. Quand je dis “drone”, je réfère à la robotisation de l’humain et de tous les processus. Je crois qu’en général, la robotisation va amener la photographie à revenir à sa base de l’imagerie: c’est-à-dire de regarder, contempler une photo, plutôt que de simplement la scroller avec son doigt. C’est ce que les gens recherchent. C’est l’avenir.» Bien que leur accès soit plus facile que jamais, on ne peut pas simplement s’acheter un drone et commencer à filmer en ville sans conséquence. Les lois concernant ces appareils ont récemment changé et obligent les hobbyistes à faire voler leur drone à plus de 9 kilomètres d’un aéroport. Pour Romain Brot, cette nouvelle a été bien accueillie: «Tu sais, un peu comme avec la photographie, quand les drones se sont répandus, ç’a permis à beaucoup d’amateurs de s’improviser professionnels et de nous bouffer une bonne part de marché. Maintenant qu’ils ne peuvent plus voler légalement sans les certifications de Transports Canada, les vrais pros peuvent reprendre leur place. Ce n’est pas tout

le monde qui peut être certifié, et ça fait que des entreprises comme la nôtre sont des incontournables pour les milieux cinématographiques et promotionnels.» Le revers de la médaille Cette omniprésence de la shot de drone dans les productions n’est toutefois pas une bénédiction pour tout le monde. Didier Charette, réalisateur très talentueux dont le plus récent vidéoclip pour CRi se retrouve en nomination aux Much Music Video Awards, parle de sa relation amour-haine avec l’objet de cette façon: «Ça va avoir l’air con, mais si je pouvais ne pas m’en servir, je serais bien content. C’est cave parce que mon dernier clip est celui où j’ai le plus utilisé de drone, mais c’est ça pareil. L’affaire, c’est que dans mes réalisations, je trouve que ça peut vraiment tuer un mood. T’sais, à moins d’avoir la machine à 30 000$, une shot de drone, ç’a l’air d’une shot de drone. Pour moi, ça sort l’auditoire de l’ambiance que j’essaie de créer. Mais tout le monde en veut dans ses vidéos, ça fait que t’as pas le choix ben ben.» Ça ne veut pas dire qu’il faut l’éviter à tout prix, mais selon lui, l’idée est d’y aller avec parcimonie. Alors que le drone devient de plus en plus accessible, il ne faut pas non plus l’utiliser à toutes les sauces et sans recherche de signification légitimant son utilisation. Didier conclut: «Pour moi, une image de drone doit avoir une raison d’être. Si on s’en sert juste parce qu’on peut le faire, c’est pas de l’art.» y


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LA BOLDUC AU GRAND ÉCRAN LA BOLDUC AURA SON BIOPIC. DEBBIE LYNCH-WHITE CHANTERA ET TURLUTERA LES AIRS DE LA PREMIÈRE GRANDE CHANSONNIÈRE DU QUÉBEC SUR NOS ÉCRANS QUELQUE PART EN 2018. RENCONTRES AVEC LES ARTISTES DU FILM LORS D’UNE VISITE DE PLATEAU. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | CARAMEL FILMS-LAURENT GUÉ R IN

«C’est quelque chose qui se présente une fois dans une vie, je pense, ce genre de rôle-là», avoue Debbie Lynch-White, très attachée depuis longtemps à ce film biographique produit par Caramel Films sur la vie de La Bolduc. «À l’audition, y a deux ans, j’avais lu le scénario au complet. Je me rappelle avoir braillé ma vie juste à découvrir la force de cette femme-là.» Ce printemps, la comédienne savourait donc chaque journée de tournage. «C’est fou comme actrice de pouvoir jouer autant, tous les jours, toute la journée pendant un mois et demi. C’est une espèce de condensé de gros carré de sable, de gros fun. C’est des grosses journées, mais c’est tellement de la bonne fatigue.» La Bolduc était une sorte de Louis Cyr à sa manière, une voix attachante qui racontait les maux du quotidien parfois avec humour en pleine période de crise économique. D’où l’importance, enfin, d’un long métrage à la hauteur de la grande artiste qu’elle a été pour le peuple québécois. «C’est une force de la nature. Elle a pavé le chemin, poursuit Debbie Lynch-White. Elle a ouvert la voie à toutes nos

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CINÉMA 39 VOIR MTL

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> chanteuses. Il faut se la rappeler, il faut savoir qu’il y a eu ça pour que nos jeunes sachent d’où on vient.» La chanteuse d’origine gaspésienne – Mary Travers de son vrai nom – a traversé des décennies de pauvreté et a élevé quatre enfants avant de connaître la gloire en chanson au Québec. «C’est un peu inattendu son affaire. C’est une mère de famille ben ordinaire qui n’avait pas de plan, explique le scénariste Frédéric Ouellet. C’est un peu comme si aujourd’hui une mère de quatre enfants remportait La Voix et devenait la nouvelle Céline Dion. Ç’a tout bousculé dans sa vie, dans son couple, dans sa famille et dans la société autour d’elle aussi – dans la perception que les gens avaient d’elle.»

Au cœur du film, il y a la relation entre Mary et sa fille Denise – aussi musicienne et qui jouait du piano sur tous ses disques. «La fille est témoin de tout ce qui se passait, donc c’est à travers son regard qu’on découvre La Bolduc», précise le scénariste. Le mari de Mary et père de ses enfants, Édouard Bolduc, a aussi un rôle important et intéressant dans cette histoire. Il est victime d’un accident qui l’empêche de travailler et «subit un méchant choc quand sa femme devient soudainement la pourvoyeuse en partant en tournée sur la route», affirme Frédéric Ouellet. Émile Proulx-Cloutier nous en dit plus sur ce rôle complexe et son apport à l’histoire de La Bolduc: «L’homme qui considère que ça fait comme partie de sa dignité de gagner les sous, c’est encore présent chez des Québécois aujourd’hui, mais au moment où l’histoire se passe, c’est complètement farfelu.» «C’est un homme humilié, poursuit-il. La part sombre ou fragile du film appartient beaucoup à cette trame-là, en contrepartie au plaisir qu’on a à voir La Bolduc chanter et raconter la vie des gens. C’est ça aussi qui est fort. C’est une figure culturelle importante à un moment où rien ne tient. On connaît ses tounes, mais on ne réalise pas le caractère profondément révolutionnaire que cette femme-là porte dans son action sans s’en rendre compte. Son projet n’était pas de changer la société, mais de manger.» Pour ce projet ambitieux, le scénariste Frédéric Ouellet a plongé dans la littérature autour de La Bolduc pour avoir une meilleure compréhension de la femme qu’elle était, mais aussi sur le contexte de l’époque. «Ce qui m’a frappé et ce que j’ai essayé de faire ressortir dans l’histoire, c’est la différence entre la société d’avant et la société d’aujourd’hui, surtout du point de vue de la condition féminine: La Bolduc a été une pionnière de l’émancipation des femmes en étant une des premières à sortir de sa condition, prendre la parole en public et dire ce qu’elle pense. C’est ce qui est devenu le thème central du film.» Qu’est-ce que ce récit nous dit sur la société d’aujourd’hui? «Ça nous dit qu’il y a encore du chemin à faire, tranche Debbie Lynch-White. Mais ça fait à peine 100 ans et je trouve quand même qu’il s’est passé beaucoup de choses pour la femme. Ça avance jamais assez vite à notre goût, mais on lui doit beaucoup. Ça résonne encore aujourd’hui. Il faut prendre le flambeau et continuer.» y

«CE QUI M’A FRAPPÉ ET CE QUE J’AI ESSAYÉ DE FAIRE RESSORTIR DANS L’HISTOIRE, C’EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LA SOCIÉTÉ D’AVANT ET LA SOCIÉTÉ D’AUJOURD’HUI, SURTOUT DU POINT DE VUE DE LA CONDITION FÉMININE.»

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L’APPRÉCIATION DU FESTIVAL FANTASIA A ATTEINT SON PAROXYSME ET LES CINÉPHILES N’EN DÉROGENT PAS. APRÈS UNE 20e ÉDITION EXPLOSIVE EN 2016, LE FESTIVAL DE FILMS DE GENRE (ET BIEN PLUS) PRÉVOIT ENCORE CETTE ANNÉE DE GROS COUPS. DISCUSSION AVEC L’UN DES PROGRAMMATEURS, ARIEL ESTEBAN CAYER. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN


CINÉMA 41 VO2 #O7

(PAGE DE GAUCHE) A GHOST STORY DE DAVID LOWERY (CI-CONTRE) TOKYO NIGHT SKY DE YÛYA ISHII

VOIR MTL

Alors qu’il passait des heures et des heures dans des salles sombres à Fantasia ces dernières années en tant que cinéphile, c’est sa curiosité, sa grande connaissance et son amour hors-norme du 7e art qui ont poussé Ariel Esteban Cayer tout naturellement vers la programmation et vers une section du festival qui a pour nom Camera Lucida. «Fantasia est devenu pour moi un rituel d’été comme ce l’est pour bien des gens, dit-il. Avec le temps et la chance, j’ai eu l’occasion d’être impliqué dans le festival. J’ai une spécialisation en cinéma de l’Asie, donc je travaille avec Nicolas Archambault à la programmation asiatique. Mes intérêts gravitaient aussi autour de ce que Simon Laperrière faisait avec Camera Lucida, donc quand il est parti, c’était logique que je reprenne cette section cette année.» «L’idée d’une section, c’est d’aiguiller le public vers quelque chose de précis», indique-t-il, tout en précisant que la programmation de Fantasia est un grand travail d’équipe. Il y a une ligne directrice pour chaque section et les cinéphiles peuvent renouer, année après année, avec un certain type de cinéma. Alors, qu’en est-il de Camera Lucida? «C’est la section la plus pointue du festival, qui est un peu à l’avant-garde du cinéma de genre, un peu plus art-

house, affirme Ariel. L’idée est d’aller chercher des films qui réfléchissent au cinéma de genre, soit formellement ou dans leur approche.» Le programmateur – qui est aussi critique de cinéma pour 24 images et journaliste pour Vice, entre autres – souhaite présenter des films un peu moins évidents, mais qui ont leur place dans un festival de cinéma de genre, et foncièrement bons. «Avec Camera Lucida, j’essaie de provoquer le public. C’est d’amener certaines perceptions du cinéma de genre comme étant autre chose que: le cinéma de genre égale le cinéma populaire. À un moment donné, les considérations “est-ce un film de genre ou pas?” s’envolent une fois que le film est commencé. On fait ça souvent dans la programmation asiatique: on met de l’avant des comédies romantiques ou des histoires de “coming-of-age”, mais ce sont des films qui ont une certaine énergie et qui fonctionnent avec le festival. Est-ce que ce sont des films de genre? Ce débat-là m’intéresse plus ou moins. Mais est-ce que c’est un bon film et le public va-t-il y répondre? C’est ce qu’on souhaite.»

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OBTENIR

PLUS

D’ARGENT POUR PROLONGER LA SOIRÉE CINÉ?

OUI C’EST POSSIBLE!


CINÉMA 43 VOIR MTL

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Le problème d’infiltration de Robert Morin, première mondiale

LE PROBLÈME D'INFILTRATION DE ROBERT MORIN

«C’est un film qui m’a surpris, un film ambitieux. C’est un peu Morin qui répond à Podz, à mon avis. C’est un film composé d’environ 10 plans-séquences. Mais à l’inverse d’un Podz, c’est pas un show technique; Morin va aller créer des effets de style déroutants pour se recadrer. Y a toujours un sentiment de superficialité et de flottement. Au lieu d’être impressionnant, ça donne quelque chose de plus oppressif et inquiétant. C’est la lente descente aux enfers d’un riche chirurgien exécrable qui est au milieu de poursuites. C’est vraiment un beau film sur la futilité de l’argent et la détresse du monde contemporain. La photo et l’éclairage sont magnifiques.» The Tokyo Night Sky Is Always the Densest Shade of Blue de Yûya Ishii, première canadienne

Le processus de sélection de films de Fantasia est composé de visionnements à la maison, de voyages dans les différents marchés du film («à Berlin, au American Film Market, à Cannes, par exemple, ce qui nous permet de voir beaucoup de films sur le terrain et de rencontrer les distributeurs», mentionne Ariel), et puis il y a aussi les soumissions. Outre Most Beautiful Island de la réalisatrice Ana Asensio et The Honor Farm de Karen Skloss, tous deux repérés au festival SXSW en mars où Island a remporté le Grand Prix, voici quelques suggestions d’Ariel Esteban Cayer de films qu’il présentera à Fantasia 2017. A Ghost Story de David Lowry, première québécoise «C’est un film qui était à Sundance en début d’année. Le réalisateur américain retrouve Casey Affleck et Rooney Mara qui campent un couple qui vient d’acheter une maison en banlieue. Toutefois, le mari meurt dans un accident. C’est tout le deuil et la vie future de Mara, de la perspective du fantôme d’Affleck qui est littéralement en dessous d’un drap avec deux trous pour les yeux. Ç’a l’air comique, mais c’est super tragique. C’est un film sur le temps que prend le deuil. Comme Ain’t Them Bodies Saints (film de Lowry de 2013), celui-ci a un côté pastoral à la Terrence Malick.»

«Ce réalisateur japonais est un habitué de Fantasia. C’est son film le plus audacieux. Il a commencé en faisant de la comédie et il a eu une transition vers des trucs plus commerciaux. Il revient ici avec un film qui est adapté d’un recueil de poèmes. C’est une histoire d’amour entre deux vingtenaires endettés et angoissés. Formellement, c’est super éclaté et poétique. Ça finit par être un hommage à Tokyo et à la vie à Tokyo, autant positif que négatif. Tu sens toute la lourdeur de vivre dans une ville où les gens doivent travailler tout le temps parce que c’est cher et la vie est effrénée, mais en même temps, y a toute une beauté dans ce train de vie et dans l’environnement. Ça m’a fait penser à Chungking Express.» The Laplace’s Demon de Giordano Giulivi, première mondiale «C’est une soumission qu’on a reçue cette année. Ça me fait penser beaucoup au cinéma de Guy Maddin, un pastiche des films italiens gothiques des années 1960, à la Mario Bava ou même Val Lewton, et à The Twilight Zone en terme de ton. C’est court et solide comme une intrigue d’horreur et y a aussi un côté pseudo sci-fi. C’est l’histoire d’un groupe de scientifiques qui pensent avoir découvert le secret de la probabilité. Ils travaillent sur une formule et lorsque tu arrives au bout de la probabilité, tu peux prédire l’avenir. Si tu jettes un verre par terre, pourrais-tu prédire le nombre d’éclats de verre? Ils pensent avoir trouvé la réponse. À la suite de leurs expériences, ils sont invités dans un grand château et se retrouvent à être eux-mêmes pris dans une expérience scientifique. C’est une drôle de bibitte et c’est un hybride de sci-fi, horreur et goth.» y Du 13 juillet au 2 août

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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

YVON DESCHAMPS, LE PHILOSOPHE MOQUEUR L’humour est une chose sérieuse. Il l’est pour bien des gens, y compris pour les philosophes. À tel point qu’on a pu composer un manuel de philosophie complet dans lequel tous les concepts sont introduits et présentés par des blagues qui les illustrent (T. Cathcart et D. Klein). Vous ne me croyez pas? Voyez plutôt. Un concept expliqué par une blague Il arrive qu’un système de croyance soit infalsifiable, c’est-à-dire tel que rien ne pourra faire que la personne qui y adhère y renonce, puisque tout sera interprété à la lumière de ce système et de manière à le renforcer. Prenez les débats entre athées et croyants: ne donnentils pas parfois l’impression de ne jamais pouvoir aboutir, justement, pour cette raison qui fait qu’au fond ils n’ont jamais même commencé? La blague qui suit illustre cette idée et la rend inoubliable! Une vieille dame très pieuse s’installe dans un village, juste en face du domicile du bien connu athée fervent qui y habite. Le premier matin, la vieille dame, qui n’ignore rien de son voisin, sort sur son balcon et lance, les yeux au ciel: «Loué sois-tu, Seigneur!» L’athée, qui l’attendait, rétorque bien fort depuis son propre balcon: «Dieu n’existe pas!» La scène se répète tous les matins à la même heure et amuse le village.

Mais la vieille dame connaît bientôt de sérieux problèmes financiers, et un matin, piteuse, elle sort sur son balcon et dit, les yeux au ciel: «Seigneur, viens à mon secours: je n’ai plus rien à manger.» L’athée, ému, ne dit rien. Le lendemain matin, la vieille dame, sortant sur son balcon, y découvre les nombreux sacs d’une grosse commande d’épicerie déposés là. Les yeux au ciel, elle dit alors, mains jointes: «Merci, Seigneur!» À ces mots, l’athée sort d’un buisson où il s’était tapi et lui lance: «Ah! ah! C’est moi qui ai acheté tout ça! Dieu n’existe pas!» La vieille dame lève de nouveau les yeux au ciel et dit tout doucement: «Loué sois-tu, Seigneur! Non seulement tu me procures de la nourriture, mais en plus, tu la fais payer par Satan!» Mécanismes et périls du rire Les philosophes ne se sont pas penchés sur le rire seulement pour ses vertus pédagogiques. Ils et elles ont aussi cherché à en comprendre les mécanismes, et ce faisant identifié à la fois ses bienfaits et ses possibles dangers. Voyez plutôt. Un des mécanismes du rire (et du sourire…) est cette satisfaction ressentie devant les carences, les travers, les défauts que l’on constate chez autrui. Le rire, disait le philosophe Thomas Hobbes (1588-1679), ponctue la victoire narcissique que nous procure le spectacle des faiblesses d’autrui. Vous trouverez très facilement de nombreux exemples de blagues reposant sur ce procédé.


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> Mais voilà, et c’est pourquoi tant de gens se méfient non sans raison du rire et de ses possibles effets, la ligne peut être mince entre rire de bon cœur et sans malice des travers d’un autre ou d’un groupe et les dénigrer d’une manière inacceptable, où il n’y a vraiment plus de quoi rire parce qu’on est alors tombé dans la haine, le racisme, la misogynie, et ainsi de suite. Mais quand il échappe à de tels travers, le rire peut avoir des bienfaits appréciables. Il arrive par exemple qu’il puisse servir à dénoncer des travers collectifs, à esquisser des besoins de changement, à faire prendre conscience de défauts et de carences en donnant le goût de les corriger. Je pense qu’au Québec, un génie du rire pédagogique, du rire moral, du rire qui nous grandit, un véritable génie de l’humour a joué ce rôle pour nous. Il s’appelle Yvon Deschamps. Hommage à un grand monsieur Il aura été de ceux qui prennent le pouls de leur société, qui en disent en souriant les travers et qui esquissent modestement, avec un ton dans lequel on entend autant les doutes qui l’habitent que les valeurs profondes qui l’animent, une avenue vers laquelle on pourrait aller pour s’en débarrasser. Il aura réussi ce tour de force de nous tendre un miroir dans lequel on voyait simultanément nos défauts et ce que nous pouvions être. Un baromètre prenant la pression du Québec et une boussole indiquant notre Nord. Un barosol. Deschamps est un barosol. Travail, syndicalisme, mondialisation, médias, racisme, féminisme, guerre... il n’y a guère de sujets qui ont traversé nos sociétés qu’il n’a su traiter avec humour, sagesse et pédagogie. Louis Cornellier a dit ce qu’il fallait dire quand il a écrit que «Deschamps a su transformer la provocation en marteau philosophique pour édifier une œuvre sans équivalent dans notre univers culturel». Le 31 juillet, ce sera son anniversaire, l’anniversaire d’un immense monsieur à qui nous devons beaucoup, d’un bon génie qui nous a rendus meilleurs, d’un homme à qui je dois beaucoup moi aussi. Il aura encore 20 ans – cela fait quelques fois déjà qu’il a 20 ans. Je tenais à lui dire tout cela, en lui disant merci et en lui souhaitant de très nombreux autres 20 ans. Je regrette seulement qu’on ne le voie ni ne l’entende plus guère, depuis trop longtemps déjà. Il me manque. À vous aussi, je parierais… y



GASTRONOMIE 47 VOIR MTL

VO2 #O7

CUISINE DE HAUT VOL

POULET BASQUAISE

NAVARIN D’AGNEAU

POUR CONTRER LA RÉPUTATION DE MALBOUFFE DANS LES AVIONS, PLUSIEURS COMPAGNIES AÉRIENNES S’ASSOCIENT À DE GRANDS NOMS DE LA GASTRONOMIE… MOTS | MARIE PÂRIS

Le 1er mars dernier, les passagers des vols Air France au départ de Montréal, Toronto ou Vancouver se voyaient proposer un plat de Daniel Boulud, chef étoilé à l’origine du Café Boulud du Four Seasons de Toronto et de Maison Boulud au Ritz-Carlton Montréal. Au menu: saumon au fenouil, pois chiche et sumac, poulet basquaise, chorizo et poivrons avec riz au safran, ou encore navarin d’agneau et légumes de printemps. Ces plats signés Boulud seront proposés jusqu’en février 2018. Désireuse d’assumer son «rôle d’ambassadrice de la gastronomie française dans les airs», Air France a déjà travaillé avec de nombreux chefs français depuis 2009, dont Joël Robuchon, Guy Martin ou AnneSophie Pic. Avec Daniel Boulud, elle choisit cette fois un chef à la réputation bien installée en Amérique du Nord.

En optant pour Daniel Vézina, Air Transat voulait apposer sur ses menus une «signature locale et pancanadienne» et montrer sa volonté d’utiliser des produits typiquement canadiens. «On voulait s’associer à un chef d’ici qui partage nos valeurs, à savoir la cuisine de qualité et la responsabilité environnementale», souligne Dave Bourdages. «Un des points qui m’a encouragé à signer, c’est le fait que Daniel Boulud a fait avant le même type de contrat avec Air France, indique pour sa part Daniel Vézina, qui s’est engagé avec la compagnie aérienne pour plusieurs années. Et les gens se plaignent tellement de la bouffe en avion… Je me suis dit que je pourrais mettre mes connaissances au service de la cuisine de l’air.»

D’autres compagnies aériennes lui ont emboîté le pas afin d’améliorer la qualité des repas proposés à bord ou leur image marketing en s’associant à un nom connu de la grande gastronomie. Plus récemment, c’est Air Transat qui a annoncé avoir signé un contrat avec Daniel Vézina (à la tête des restos Laurie Raphaël de Québec et Montréal). Les plats imaginés par le chef québécois sont servis sur les vols de la compagnie depuis le 1er mai. «On veut rehausser l’expérience culinaire et gastronomique à bord, indique Dave Bourdages, vice-président, service en vol et commissariat chez Air Transat. Ça répond aussi à une vraie demande: les gens veulent connaître la provenance des produits et bien manger»; même en avion.

L’occasion pour Air Transat de montrer la gastronomie d’ici à la part européenne de ses 4 millions de voyageurs annuels. «Souvent, les gens ne sont pas au courant qu’on a une gastronomie au Québec, regrette le chef. Ces menus, c’est une belle fenêtre pour faire découvrir la cuisine locale.» Mais si Daniel Vézina veut faire découvrir les produits du Québec, l’imposant volume demandé par la compagnie aérienne limite forcément le choix des producteurs. Sur le plateau-repas (comprenant un dessert, un verre de vin et une sélection de fromages), six plats du chef sont proposés: blanquette de volaille, lasagne au confit de canard, braisé de gigot d’agneau, moussaka végétarienne, risotto végétalien et gnocchis à la patate douce.

Gastronomie surgelée

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Si le vice-président de la compagnie parle de «vivre vraiment l’expérience Daniel Vézina», le chef précise que «non, on ne mange pas du Laurie Raphaël à bord». L’agneau est un classique du Laurie Raphaël à Québec, un des premiers plats du chef, mais les recettes proposées à Air Transat sont plutôt du «Daniel Vézina comfort food bien assaisonné, de bonne qualité»: «En avion, les gens veulent une cuisine simple, réconfortante, où ils retrouvent leurs repères.» Des repères qui ont bien changé ces dernières décennies; le chef se souvient qu’il y a 15 ans, quand il était conseiller pour Canadian Airlines, on faisait encore le service à la pince à bord… «J’ai connu l’époque où on servait du caviar, nous confie une ancienne agente de bord, qui a travaillé pour Air Canada de 1979 à 2003. On faisait le service à l’assiette pour la première classe, et le rosbif était coupé devant le passager. Les plats étaient frais, les cuisines à l’aéroport préparaient tout au fur et à mesure des départs. Les portions étaient plus copieuses aussi! Maintenant, il y a plus de choix dans les plats, par exemple pour les végétariens – à l’époque, on avait juste des repas casher et halal. Mais les passagers se plaignent de plus en plus aujourd’hui, et je les comprends: c’est devenu du transport de masse...»

«LES GENS SE PLAI GNENT TELLEMENT DE LA BOUFFE EN AVION… JE ME SUIS DIT QUE JE POURRAIS METTRE MES CONNAISSANCES AU SERVICE DE LA CUISINE DE L’AIR.» Aujourd’hui, à l’heure des normes d’hygiène de plus en plus strictes, on signe une collaboration avec le spécialiste du surgelé Fleury Michon – lorsque le célèbre chef Joël Robuchon s’était associé à la marque française pour en faire la promotion, la nouvelle avait d’ailleurs fait un tollé dans l’Hexagone. Au sujet de la collaboration avec Fleury Michon,


GASTRONOMIE 49 VOIR MTL

VO2 #O7

DANIEL BOULUD

En attendant, alors qu’il met actuellement au point le menu d’hiver, Daniel Vézina aimerait développer encore plus l’expérience gastronomique chez Air Transat: «Je veux maintenant travailler sur la sélection des fromages et des entrées, pas seulement sur le plat. J’aimerais aussi améliorer la qualité du repas dans l’avion au complet, pouvoir servir ces repas à tout le monde et pas juste pour la classe club. Le défi est là. En attendant, c’est déjà un beau changement pour Air Transat. La compagnie souligne ses 30 ans en nivelant par le haut!» Dans cette optique, le vice-président indique vouloir à l’avenir travailler avec des producteurs de vins canadiens (Niagara, Okanagan), pour pouvoir dès cet automne proposer des vins d’ici à bord. À défaut de manger du frais, on boira du local. y

le vice-président d’Air Transat assure que Daniel Vézina s’est impliqué tout au long du suivi de ses recettes pour être sûr qu’elles soient fidèles à ses exigences. Et le résultat est là, selon le chef québécois, qui se dit aussi surpris que nous de voir la qualité des plats surgelés. Reproduire en grand volume «J’ai visité leurs usines et j’ai vu qu’ils étaient capables de bien cuire le riz et les pâtes, donc je me suis dit que ça irait! plaisante Vézina. La surgélation des plats se fait en cinq minutes. Les couleurs et les saveurs sont préservées pendant le réchauffement. Le résultat est plus beau qu’avec une cuisson ou une pasteurisation sous vide, et on perd à peine 10% des saveurs. Fleury Michon a la capacité de reproduire en grand volume des plats, tout en les surgelant; c’est vraiment une marque spécialisée dans la standardisation qui respecte la qualité.» En créant ses recettes, le chef gardait en tête la volonté de préserver un bel aspect visuel dans les plats malgré la surgélation et le réchauffement. Pour le lancement du partenariat, le président de la compagnie aérienne et Daniel Vézina sont montés à bord d’un vol Montréal-Paris: «On a offert nos plats aux 370 passagers. Les Européens notamment étaient très satisfaits!» Mais le lancement mis à part, les plats Vézina ne sont proposés qu’à la classe club – on peut s’en procurer en classe éco, mais dans la limite des quantités disponibles et à condition de payer 25$ en sus. «C’est un rapport qualitéprix extraordinaire», commente le chef. Idem chez Air France, où le menu Daniel Boulud n’est proposé qu’en classe business.

(EN HAUT) BRAISÉ DE GIGOT D’AGNEAU (EN BAS) MOUSSAKA VÉGÉTARIENNE, DE DANIEL VÉZINA

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JFK, OBSÉDÉ? MOTS | FRANCO NUOVO

PHOTO | DREAMSTIME


LIVRES 51 VOIR MTL

Au bureau, les livres s’accumulent rapidement. Sur la table, les nouveaux arrivages s’amoncellent. Dernières sorties du printemps ou premières de l’été… elles sont là. Des romans, des essais sur le droit à l’image, des récits sur les femmes pirates… sont empilés. Il y a beaucoup de «rejets» aussi. En général, je passe sans trop regarder. Or, là, mon œil a été attiré par une photo de couverture traitée au filtre bleu. Une des fameuses photographies où on voit John F. Kennedy et Jacky en bermudas accroupis sur leur voilier en gîte, les voiles bien gonflées. Les lettres JFK en blanc couvrent le tiers de la page, et en superposition, ce titre intrigant et un peu jaune: une histoire sexuelle. Toujours est-il que, humain curieux, attiré probablement par le mot «sexuelle», j’ai pris le bouquin dans mes mains pour voir de quoi il en retournait. Tellement de choses ont été dites et écrites sur ce président des États-Unis, que pouvait-on encore en révéler? En quatrième de couverture, entre autres ces mots: «Derrière la légende que célèbrent les magazines se cache cependant une réalité moins glamour: celle d’un don Juan prisonnier d’une véritable addiction sexuelle, qui collectionne de façon obsessionnelle les conquêtes.» Des potins? Nouveaux? Et je me suis mis à feuilleter comme on feuillette un peu honteusement le Gala au Kiosque à journaux. En fait, en m’y attardant, j’ai réalisé que cet ouvrage – cet essai, ce récit – était écrit par un ancien diplomate, avocat, docteur en science politique et ancien élève de l’ENA, Georges Ayache, qui s’est déjà commis en écrivant plusieurs ouvrages sur les États-Unis. Et j’ai mis JFK: une histoire sexuelle dans mon sac avec l’idée de satisfaire mon plaisir coupable. Avec qui John, dit Jack, avait-il couché à part quelques actrices et Marilyn? En fait, Ayache, si on en croit ce qu’il nous présente, s’est lancé dans une quête exhaustive des liaisons du président. Cet ouvrage qui n’est pas particulièrement bien écrit et plutôt bizarrement construit s’enfonce de chapitre en chapitre dans un va-et-vient quelquefois ridicule. Ce qui provoque, inévitablement, page après page, une certaine lassitude et une impression de déjà-vu. S’il y a cependant des éléments aussi intrigants qu’intéressants, il y a aussi cette amorce quelque peu dérangeante qui fait de ce coureur de jupons notoire «un malade sexuel… à la libido dangereusement hypertrophiée jusqu’à la maniaquerie sexuelle». On se calme! D’autant plus que, du coup, l’auteur écarte les liens troublants qui, bien souvent, que ce soit chez un Clinton ou un Berlusconi ou un empereur de la Rome antique, se tissent entre le pouvoir et un appétit démesuré pour le cul.

VO2 #O7

JFK: une histoire sexuelle pourrait être considéré comme un banal récit. Or, c’est plutôt un étalage des frasques du fils de Joe Kennedy, cet Irlandais catholique qui, semble-t-il, a élevé ses fils dans un esprit de compétition et de conquête féminine. Et on commence dès son plus jeune âge, en s’attardant sur ses grands amours, en se nourrissant au vivier hollywoodien qui fourmille de jeunes actrices, en stoppant la plupart du temps chez Sinatra à Vegas, en plongeant au passage dans une mer de mondaines et de strip-teaseuses, jusqu’à Jacky et après Jacky, jusqu’à la MaisonBlanche et dans la Maison-Blanche. Si par moment tout ça m’est apparu un peu répétitif, certains passages, et pas nécessairement ceux concernant sa relation avec Marilyn dont on ne nous a pratiquement rien caché, sont plus intrigants, voire fascinants. On a souvent fait référence aux liens étranges entre Kennedy et la Cosa Nostra. Probablement même que sans la mafia, le sénateur John Kennedy ne serait jamais devenu le 35e président des États-Unis, et ce, même si quelques années plus tard son frère Bobby, alors ministre de la Justice, devait déclarer une guerre sans merci au crime organisé. Bref, c’est certainement cette accession au pouvoir suprême de John Fitzgerald Kennedy et son rapport presque intime avec un des parrains de la mafia, Sam Giancana, qui demeurent les plus déconcertants. Là aussi, il s’agit d’une histoire de femme puisque les deux hommes ont conservé des liens étroits grâce à une maîtresse commune, Judith Campbell. Les chapitres mettant en scène cette jolie brune qui n’était guère très spectaculaire sont les plus captivants puisqu’ils étalent ouvertement la connivence entre le pouvoir politique et le pouvoir criminel. En fait, je comprends pourquoi, aujourd’hui encore, Kennedy exerce une fascination. Tous les ingrédients nécessaires à un scénario efficace étaient alors réunis: l’argent, l’ambition, des personnages horsnorme, les femmes, leur beauté, la cupidité, les magouilles, le pouvoir, le sexe et l’amour… Tout, tout, tout était là. Bon, je ne vous dis pas de vous précipiter sur ce curieux bouquin, mais il est étonnant de constater à quel point quelquefois, par le hasard ou la manipulation, la réalité dépasse la fiction. y

JFK: UNE HISTOIRE SEXUELLE GEORGES AYACHE Rocher, 2017, 260 pages

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Sur les rayons

Sur les rayons

AU GRAND SOLEIL CACHEZ VOS FILLES ABLA FARHOUD

L’ORDRE DU JOUR ÉRIC VUILLARD

VLB, 2017, 232 pages

Actes Sud, 2017, 151 pages

Près de 20 ans après Le bonheur a la peau glissante, Abla Farhoud entreprend le chemin inverse quant à ses origines. Elle qui a peaufiné une œuvre hautement littéraire sous le signe de l’immigration nous propose ici un roman ancré dans le Liban de son enfance et celui de sa redécouverte. Une famille installée à Montréal depuis plus d’une quinzaine d’années revient au pays pour y chercher l’ombre rédemptrice sous les cèdres de ce pays du grand soleil. Avec Au grand soleil cachez vos filles, Abla Farhoud livre ici un roman près d’elle, mais dont elle parvient pourtant à extirper l’universalité. À sa lecture, il nous semble évident que le roman est aussi important pour elle qu’il l’est pour son œuvre.

Éric Vuillard est un homme brillant. Lui qui, sous l’égide de courts romans, réécrit l’histoire en la mariant à la fiction parvient pourtant à construire de publication en publication une œuvre incroyablement cohérente et intelligente sur notre façon de concevoir l’histoire et la vérité. Sans se peinturer dans un coin en tant que «déboulonneur» de mythes, il n’en demeure pas moins que Vuillard a cette façon d’entrer dans l’Histoire avec un angle social et humain qui fait exploser notre rapport aux faits. Après un livre sur le charcutage des frontières du continent africain, un sur la bassesse entrepreneuriale de Buffalo Bill, ainsi qu’un sur les errances de ruelles en plein cœur de la Révolution française, il récidive cette fois dans l’antichambre de la Seconde Guerre mondiale.

Ils arriveront au village par délégation, sur des vols séparés. Certains reviennent à la maison, d’autres découvrent le pays de leurs ancêtres. Youssef n’a jamais quitté le Liban, il est le cousin facilitant ce retour au bercail. Cousin du patriarche, il ira, une à une, chercher les cohortes à l’aéroport. Construit comme un roman choral dont on ne sent absolument pas la lourdeur du mécanisme, l’histoire se déplie sous différents regards, sous différentes vérités. Ikram n’a jamais connu le Liban dont son père parlait tant. Elle qui étudiait pour devenir actrice à Montréal n’a laissé ni ses rêves ni sa détermination de l’autre côté de l’océan, au grand dam de ses parents. Abid, lui, est un homme brisé, celui dont on parle peu, espérant ne pas faire ressurgir les erreurs du passé. Le retour au pays n’est pour lui qu’un automatisme du clan, dont il suit les directives sans mot dire. Et Faïzah, la sœur matrone, à qui on ne dit jamais merci, mais sans qui la maisonnée ne saurait survivre. Si plus on avance dans le roman d’Abla Farhoud, plus on se rend compte que ce qui semblait une quête initiatique se transformera pour tous en un chemin de croix aux conclusions bien personnelles, jamais les arcs narratifs ne sont dessinés au gros marqueur. La finesse de Farhoud dans la construction de ce roman concis est épatante. Au détour, on y retrouvera un Moyen-Orient où Nasser fait ses premières armes, ces années 1960 de tous les possibles, ainsi que ce choc extrêmement violent entre deux visions sociales et conjugales qui n’ont rien de complémentaire. (Jérémy Laniel)

Avec L’ordre du jour, Éric Vuillard s’intéresse à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne en 1938, un an avant le début des hostilités. Sans nécessairement présenter cet événement comme la seule bougie d’allumage du conflit comme certains sont tentés de le faire avec l’assassinat de François Ferdinand à Sarajevo, il souligne tout l’impact, mais surtout, il démontre à quel point la passivité des gouvernements européens de l’époque, jumelée à l’intelligence d’Adolf Hitler et d’Hermann Göring, ne formait qu’un cocktail des plus explosifs. S’intéressant ainsi à l’Anschluss, Vuillard nous ouvre les portes closes du pouvoir: des rencontres de 1933 regroupant les grands entrepreneurs allemands de l’époque pour asseoir une élection législative sur une bonne cagnotte électorale jusqu’aux réunions avec les leaders européens, l’auteur nous permet une entrée concise, mais hautement pertinente, dans les coulisses du pouvoir. Si l’Anschluss est un point de départ, cette union d’un grand Reich germanophone est d’une importance majeure et Vuillard l’a déconstruit avec brio. Il redonne aux acteurs et aux potiches de l’époque les rôles qui leur reviennent, proposant ainsi dans un concis roman une plongée en bonne et due forme au centre d’un événement nécessaire et trouble de l’histoire du 20e siècle. Sa force de synthèse est inégalée au cœur des lettres françaises et l’auteur parvient au détour d’une phrase à placer les pions, à désamorcer une situation avant d’y mettre le feu. Non pas sans style, l’œuvre de Vuillard en est une équilibrée, où tout semble reposer à sa place. Sans jamais tomber dans le jugement de ses protagonistes, malgré sa connaissance des conséquences, il laisse à l’intelligence de ses lecteurs le soin d’errer dans les méandres d’une catastrophe à venir. (Jérémy Laniel)



54 ARTS VISUELS VOIR MTL

VO2 #O7

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DANS L’OMBRE ET LA LUMIÈRE SE TRANSFORMER, DISPARAÎTRE, S’ENGAGER, SE SENTIR PRÉSENT DANS LE TEMPS – INDIVIDUELLEMENT OU EN COLLECTIVITÉ: «SE VOIR EN TRAIN DE REGARDER.» DES MOTS QUI FONT ÉCHO AU TRAVAIL DE L’ARTISTE MULTIDISCIPLINAIRE OLAFUR ELIASSON QUI PRÉSENTE POUR LA PREMIÈRE FOIS UNE EXPOSITION SOLO AU CANADA. MOTS | ALESSANDRA RIGANO

PHOTO | BRIGITTE LACOMBE

Planifier une exposition de l’artiste d’origine danoise n’est pas un exercice facile. Cela aura pris plusieurs années au directeur général et conservateur en chef du Musée d’art contemporain, John Zeppetelli, pour concrétiser cette démarche. Olafur Eliasson est un de ces artistes marquants de l’histoire de l’art actuel. Ses œuvres redéfinissent notre relation au temps et à l’espace à travers la lumière et le mouvement. Elles jouent d’illusion, de beauté, elles invitent souvent à la contemplation et convient son spectateur à devenir «cocréateur». Cet intérêt que l’artiste cultive pour l’humain et la volonté d’en

faire le point central d’une œuvre a pris ses racines pendant ses études en art à l’Académie royale des arts du Danemark: «Je voulais détourner l’attention de l’objet dans une œuvre et lui retirer son rôle dominant en incluant le spectateur, tout en faisant appel à ses sens.» C’est pour cette raison que l’artiste s’est tourné vers la psychologie et la neuroscience. Pour celui qui est davantage intéressé par un «auditoire éclectique et non élitiste», il n’est pas étonnant que ce soient les individus qui éveillent sa curiosité au moment d’amorcer une création: «Je commence très souvent en pensant aux gens à qui

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ARTS VISUELS 55 VOIR MTL

MULTIPLE SHADOW HOUSE PHOTO | STUDIO OLAFUR ELIASSON

VO2 #O7

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BIG BANG FOUNTAIN, PHOTO | ANDERS SUNE BERG

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l’œuvre s’adresse. À travers mon approche, je m’intéresse à l’idée d’écouter les gens plutôt que de leur dire quoi faire. C’est plutôt l’œuvre qui écoute et demande à son public ce qu’il veut faire.»

la complexité de la démarche de l’artiste, son travail fait preuve d’un minimalisme déconcertant. Ses créations ont le pouvoir de surprendre celui qui s’y intéresse sans cacher les secrets de son illusion.

Au cours des dernières années, la nature a pris une place importante dans son travail, en nourrissant entre autres son imaginaire grâce aux effets qu’elle suscite. «Lorsque l’expérience est devenue l’élément conducteur de ma pratique, observer des phénomènes naturels comme l’eau, le feu, la température et le climat allait de soi. À partir de ces explorations, je me suis davantage intéressé au rôle de la nature d’un point de vue philosophique.» Par métaphore, l’œuvre d’Olafur Eliasson emprunte à la nature sa richesse et sa simplicité pour émerveiller et explorer de nouveaux points de vue. Il stimule ainsi les sens du spectateur et l’incite à réfléchir sur la perception qu’il a de lui-même et de son environnement. «C’est génial de trouver des espaces où l’on peut aiguiser et exercer nos sens. Des milieux naturels sont certainement des endroits qui nous permettent de revisiter nos sensations en lien avec le monde qui nous entoure. En ville, l’horizon n’est que rarement visible ou presque jamais, alors que notre regard dans la nature peut se poser sur des paysages à 8 ou 9 kilomètres. Il est possible d’utiliser la nature pour rééquilibrer nos sens, ou encore nous engager dans une pratique contemplative ou des exercices d’attention.»

Une des œuvres présentées dans le cadre de l’exposition du MAC est d’ailleurs représentative de cette approche récurrente chez l’artiste, soit de laisser à vue un dispositif réalisé à partir d’objets communs qui offre une nouvelle perspective de la réalité telle qu’on la conçoit. Big Bang Fountain (2014) explore le phénomène du temps et de l’intemporalité. Une lumière stroboscopique immobilise l’eau qui est une matière en mouvement perpétuel. «J’étais fasciné par l’eau et le fait que c’est une masse très instable. L’eau est synonyme de mouvement, ce qui crée une contradiction entre une lumière stroboscopique ou un flash qui immobilise le temps.»

Son approche pragmatique à la création lui permet de passer «de l’idée à l’action». Celle-ci prend d’abord forme à travers un sketch, puis par de multiples itérations en impliquant le savoir-faire de spécialistes en sciences et en ingénierie. Malgré

Élaborée sous la direction du commissaire Marc Lanctôt, l’exposition met de l’avant des œuvres phares de l’artiste, dont l’une de ses premières créations, Beauty (1993), qui crée une brume de lumière colorée dans une pièce sombre. Il sera également possible de s’aventurer dans un pavillon à trois chambres, Multiple Shadow House (2010), qui propose un jeu d’ombres de couleurs multiples généré par les visiteurs qui s’y promènent. Chacun s’interroge alors à savoir s’il s’agit de son ombre ou de celle d’une autre personne. Une perte de repère provoquée de façon délibérée par Eliasson. On pourra choisir de s’y abandonner et même, de s’y retrouver. y Au Musée d’art contemporain de Montréal jusqu’au 10 septembre


58 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #O7

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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

À LA PÊCHE AU SAUMON C’est assis dans la salle à manger d’un camp de pêche d’Islande que j’entame cette chronique. Entouré de presque tous mes copains les plus proches, je passe quelques jours chaque année sur une rivière, la plupart du temps québécoise, pour y pêcher le saumon. C’est une pêche sportive magnifique qui fait maintenant partie de mes traditions. J’ai la chance d’appartenir à ce groupe d’une dizaine de copains avec qui j’ai fait les 400 coups, avec qui je ne compte plus les fois où l’on a réinventé le monde autour d’un repas, sans avoir auparavant fait le tour de nos exploits de la journée. Je mouche aujourd’hui avec assurance. Le geste est franc, plus confiant. La mouche se dépose là où je le veux. Douze ans, peut-être quinze, ne m’ont toutefois pas apporté une plus grande garantie de succès. Le saumon est une espèce particulière. Les raisons sont multiples, toujours différentes: «Lève ta canne plus haut», «L’eau a monté trop vite», «Tire sur ta ligne doucement par gestes courts», ou l’inverse. Ça se conclut souvent par: «Viens, on va changer ta mouche.» Quand le saumon vient finalement mordre, le combat rend l’homme aux aguets, puis lorsqu’il le gagne, très fier. Les plus jeunes saumons sont souvent les plus combatifs. La dextérité et la patience feront la différence. Nous relâchons la majorité de nos prises, mais en conservons toujours une ou deux pour prouver à nos épouses que nous étions bel et bien à la pêche cette année et que nous aurions été utiles et donc bons à marier au temps des hommes des cavernes alors que la survie de la famille en dépendait. Ce sont des journées qui appellent à la contemplation et aux réflexions. L’air frais emplit mes poumons et impacte sur mon activité cérébrale. C’est l’heure des bilans, des pensées qui virevoltent et viendront nourrir mes idées et mes opinions.

Je réfléchis depuis quelques jours à l’identité. Philippe Couillard, qui est aussi un pêcheur à la mouche, a certainement dû passer quelques jours à taquiner des fosses à saumon avant d’établir les grandes lignes de ce que contient Québécois, notre façon d’être Canadiens, un livre bien étayé que j’ai lu en quelques heures et qui explique limpidement la position libérale quant aux conditions requises pour que l’erreur historique qui nous a exclus soit finalement corrigée. Ce que n’a vraisemblablement pas pris la peine de faire Justin Trudeau, qui a refermé le couvercle de la marmite constitutionnelle l’instant même de la publication du texte en question. Réuni au lunch avec mes copains pêcheurs, je lance le débat: «Qu’est-ce qui pourrait régler le débat constitutionnel et faire adhérer le Québec une fois pour toutes au Canada?» L’enthousiasme est mitigé, voire absent. On ne croit plus à cette possibilité, une révision constitutionnelle impliquant selon plusieurs de satisfaire d’innombrables autres réclamations de la part de nombreux tiers, qui rendrait une entente impossible. Le fils de Pierre Elliott Trudeau ne pourra pas corriger la gifle que son père a donnée au Québec en 1982. On préfère reparler de notre journée de pêche, des femmes de nos vies, avant de se raconter pour une énième fois ces fameuses histoires que l’on a vécues ensemble, en riant toujours davantage. Le vin aidant, on entonne quelques chansons que l’on connaît tous par cœur: Bélanger, Offenbach, Flynn... La radio a rempli nos têtes de leurs paroles. L’identité, ce sont ces traditions qui se développent, ces chansons que l’on fredonne à l’unisson en les ayant pourtant retenues individuellement bien avant que la pêche ne nous unisse. Avant-hier, dans un piano-bar de Reykjavik, nous constations la beauté et la richesse d’une culture différente mais tout aussi riche que la nôtre quand tous


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les Islandais qui s’y trouvaient ont entamé ensemble, comme nous-mêmes la veille, des airs qui nous étaient pourtant inconnus. Je suis retourné moucher, en réfléchissant à la différence entre une nation et une société distincte. J’étais pas mal mélangé. Et plus convaincu que jamais que la protection de notre identité ne passe pas par une reconnaissance juridique où nous chercherons à en obtenir plus que les autres provinces. Nous n’y arriverons pas. Parce que chaque province a une identité qui se forge au quotidien et ne comprend pas ce que nous cherchons à accomplir en demandant la reconnaissance de notre différence. Je suis heureux de mon voyage, heureux d’avoir pour une troisième fois visité l’Islande. Retrouvé Jón, mon ami qui gère le camp de pêche de la rivière Grimsa, que je n’avais pas vu depuis six ans. Et compris que la richesse du monde vient de toutes ces cultures qui nourrissent la diversité, que l’essentiel est de s’assurer que nous les protégions comme la prunelle

«LE FILS DE PIERRE ELLIOTT TRUDEAU NE POURRA PAS CORRIGER LA GIFLE QUE SON PÈRE A DONNÉE AU QUÉBEC EN 1982.» de nos yeux. Comme nous cherchons à protéger toutes les espèces animales. Le grand piège est d’éviter l’assimilation qui paraît de plus en plus imminente par une culture impérialiste qui détruit tout sur son passage. Je me dis que si le reste du Canada parlait l’islandais, la question constitutionnelle aurait été réglée depuis longtemps parce qu’il aurait compris l’importance de la différence. Le drame est que le reste du Canada parle la même langue que les États-Unis. Puis je me suis demandé si notre véritable objectif en tant que province ne devrait pas être de récupérer de façon administrative tout ce qui nous permettrait de maintenir et même de renforcer notre identité qui s’exprime à travers la culture et les médias, avec au premier rang le CRTC, puis RadioCanada, Téléfilm et j’en passe. Je suis fier d’être Canadien, je crois à la force d’une confédération qui se distingue catégoriquement des États-Unis par ses valeurs progressistes communes, mais en même temps, je chéris mon identité francophone, et j’ai de plus en plus de misère à faire confiance au Canada pour la protéger. Je retourne maintenant pêcher, sachant bien que je viens peut-être de sortir l’un de mes plus gros saumons… y

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QUOI FAIRE

CINÉMA

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ATOMIC BLONDE E N S A L L E L E 28 J U I L L E T

Joyau de la couronne du MI6, l’agente Lorraine Broughton ne modère aucun de ses talents pour réussir ses missions, que ce soit l’espionnage, la sauvagerie ou la sensualité. Envoyée en solo à Berlin pour retrouver un dossier d’une importance capitale, elle fera équipe avec le chef de bureau local du MI6 alors que sa mission se compliquera grandement.


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SPIDER-MAN: HOMECOMING

A GHOST STORY

EN SALLE LE 7 JUILLET

EN SALLE LE 28 JUILLET

Sous l’œil vigilant de son mentor Tony Stark, le jeune Peter Parker doit développer ses talents en tant que Spider-Man pour trouver sa place au sein de la communauté des superhéros. Lorsqu’un nouvel adversaire redoutable nommé Vulture sort de l’ombre, le jeune héros devra faire ses preuves alors que tout ce qui lui est cher est menacé.

Dans cette exploration singulière de l’héritage, de l’amour, de la perte et de l’énormité de l’existence, un fantôme mort récemment et arborant un simple drap blanc revient dans sa maison de banlieue pour tenter de reconnecter avec sa femme dépourvue.

DUNKIRK E N S A L L E L E 21 J U I L L E T

Ce film historique raconte l’évacuation de soldats alliés belges, britanniques, canadiens et français qui ont été séparés du reste de l’armée et entourés par les Allemands sur les plages et le port de Dunkerque, en France. Le film relate les événements vécus entre le 26 mai et le 4 juin 1940.

THE B-SIDE: ELSA DORFMAN’S PORTRAIT PHOTOGRAPHY EN SALLE LE 28 JUILLET

La photographe portraitiste Elsa Dorfman a découvert son médium en 1980: la gigantesque caméra 20x24 de Polaroïd. À travers les années, nombre de stars du rock, poètes beat et illustres personnalités d’Harvard sont passés par son studio de Cambridge. Alors qu’elle aborde sa retraite, elle livre au réalisateur Errol Morris les secrets de ses archives.


62 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO2 #O7

O7 / 2O17

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VALERIAN AND THE CITY OF A THOUSAND PLANETS

FESTIVAL FANTASIA

E N S A L L E L E 21 J U I L L E T

Reconnu comme étant le plus grand festival de sa catégorie en Amérique du Nord, Fantasia est la rencontre absolue pour tous les amateurs de films de genre. Avec plus de 100 projections, de nombreuses conférences et des séances Q&A avec les réalisateurs et acteurs des films les plus délirants, Fantasia est un incontournable.

Dans cette adaptation cinématographique de la bande dessinée légendaire, une force sombre menace Alpha, vaste métropole abritant des natifs de 1000 planètes différentes. Les agents Valerian et Laureline devront agir rapidement pour découvrir la source de ce mal et protéger non seulement Alpha, mais l’Univers lui-même.

D I V E R S E N D R O I T S – 14 J U I L L E T A U 2 A O Û T


QUOI FAIRE 63 VO2 #O7

AMADOU & MARIAM, PHOTO | HASSAN HAJJAJ

VOIR MTL

MUSIQUE

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FESTIVAL INTERNATIONAL NUITS D’AFRIQUE Q U A R T I E R D E S S P E C TA C L E S – 11 A U 2 3 J U I L L E T

Pour sa 31e édition, le Festival international nuits d’Afrique célébrera encore une fois la musique du monde avec une programmation festive et rassembleuse qui proposera notamment Amadou & Mariam au Métropolis et Ben l’Oncle Soul au National. De nombreux ateliers extérieurs seront également offerts dans le Quartier des spectacles.

O7 / 2O17


64 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO2 #O7

O7 / 2O17

D.R.I

ANDRÉ SAUVÉ AVEC L’OSM

F O U F O U N E S É L E C T R I Q U E S – 29 J U I L L E T

MAISON SYMPHONIQUE – 21 ET 22 JUILLET

Le retour des Dirty Rotten Imbeciles dans le paysage musical après presque 20 ans d’absence ravira les amateurs de thrash métal et de punk hardcore. Ce groupe, pionnier de la musique thrash, s’arrêtera pour une rare visite au Canada. Accrochez-vous, beaucoup de mosh pits sont à prévoir!

Initiative très originale de la part de Juste pour rire: André Sauvé viendra présenter ses nouveaux textes en compagnie de l’Orchestre symphonique de Montréal. Explorant encore une fois «les méandres de notre fonctionnement humain», l’humoriste pourra compter sur l’orchestre afin de décupler son excentricité. Les questionnements existentiels côtoieront ceux plus terre-à-terre du quotidien comme «comment plier un drap contour?».

THURSTON MOORE GROUP SAL A ROSSA – 18 JUILLET

Pour sa tournée en soutien à son cinquième album solo Rock n Roll Consciousness, le mythique chanteur et guitariste de Sonic Youth passera par Montréal pour un spectacle qui promet d’être percutant et bruyant. Il sera entouré par le batteur Steve Shelley (Sonic Youth, Sun Kil Moon), la bassiste Deb Googe (My Bloody Valentine) et le guitariste James Sedwards (Nought).

FESTIVAL AIM PA R C C A R I L L O N – 1 4 A U 1 6 J U I L L E T

Pour sa troisième édition, le festival AIM mise sur une programmation très nichée, qui saura plaire aux amateurs de musique électronique. Outre les internationaux John Talabot, Peter Powder et Guy Mantzur, on pourra aussi voir les artistes locaux Thomas Von Party et Nathan Burns. Trente-deux heures de musique sans arrêt attendent les festivaliers, qui sont invités à dormir sur place.

SPOON + THE NEW PORNOGRAPHERS M É T R O P O L I S – 23 J U I L L E T

Avec un nouvel album en poche, le groupe texan Spoon sera de passage au Métropolis pour y interpréter ses pièces indie rock accrocheuses. Actif depuis 1996, Spoon pourra puiser dans le vaste matériel de ses neuf albums studio. En première partie: le groupe canadien The New Pornographers.

RAVI COLTRANE QUARTET GESÙ – 6 AU 8 JUILLET

Fils de l’illustre John Coltrane, Ravi Coltrane semble avoir hérité du talent de saxophoniste de son père. Accompagné de ses trois musiciens, il offrira trois prestations de jazz endiablées dans le cadre du FIJM.

HANS ZIMMER CENTRE BELL – 30 JUILLET

Véritable légende de la musique de film, le compositeur allemand oscarisé Hans Zimmer sera de passage au Centre Bell avec son orchestre pour y jouer les plus grandes pièces de son vaste répertoire hollywoodien, dont The Lion King, Inception, The Gladiator et la série de films Pirates des Caraïbes. >


JEAN-FRANÇOIS PROVENÇAL

SCÈNE

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CHANSONS DRÔLES ET DRÔLERIES CHANCELANTES

OHMYFEST!

M O N U M E N T-N AT I O N A L – 6, 7 , 8 , 13, 14 E T 1 5 J U I L L E T

En constante expansion, la culture YouTube a pris d’assaut le Québec, avec son lot de youtubeurs colorés. Pour son édition 2017, OhMyFest! vous propose des rencontres avec plusieurs personnalités de différents horizons qui ont toutes marqué le web québécois à leur façon.

Membres des Appendices, Julien Corriveau et Jean-François Provençal s’unissent le temps d’un spectacle. Maîtres de l’absurde, génies des mises en scène insolites, les deux camarades offriront un «60 minutes de rigolade comprenant des numéros de stand-up quand même assez comiques ainsi que leurs plus grandes chansons».

M O N U M E N T-N AT I O N A L – 2 2 E T 2 3 J U I L L E T

LA LIGNE D’IMPRO DES PIC-BOIS M O N U M E N T-N AT I O N A L – 14, 15, 17 , 1 8 , 1 9 J U I L L E T

SIMON GOUACHE P L A C E D E S A R T S – C I N Q U I È M E S A L L E – 18 J U I L L E T

Connu pour ses talents d’auteur et de stand-up comique, Simon Gouache est en pleine préparation de son premier one-man-show, que le public pourra découvrir à la Cinquième Salle de la Place des Arts dans le cadre du Festival Juste pour rire.

Après avoir parodié le fertile univers de Cégeps en spectacle, le duo Les Pic-Bois revient avec un pastiche des matchs d’improvisation dans le cadre de Zoofest. Accompagnés par Julien Bernatchez, les deux humoristes montréalais originaires de Valleyfield présenteront une fausse joute d’impro qui s’annonce aussi absurde que délirante.


66 QUOI FAIRE VO2 #O7

O7 / 2O17

KATERINE LEVAC P L A C E D E S A R T S – S A L L E C L A U D E-L É V E I L L É E 18 J U I L L E T

En plein rodage de Velours, son tout premier spectacle en carrière, l’authentique humoriste et comédienne franco-ontarienne Katerine Levac offrira au public de la salle Claude-Léveillée du tout nouveau matériel, où elle parlera notamment de sa vie de jeune adulte.

ARNAUD SOLY M O N U M E N T-N AT I O N A L - 6, 9, 14 , 15, 18 E T 20 J U I L L E T

Redoutable improvisateur, humoriste coloré et original, Arnaud Soly participera à plusieurs événements dans le cadre de Zoofest. Il donnera notamment le spectacle solo Presque adulte.

HUMOUR NOIR 2: LE PROCÈS C A F É C L É O PÂT R E – 10, 1 1 , 20 E T 21 J U I L L E T

Un an après le volet initial judicieusement intitulé Humour noir: génocide, sida et autres confiseries, les humoristes Colin Boudrias, Pascal Cameron et Charles Deschamps «sont cités à comparaître» afin de défendre «leurs propos dénués d’empathie». Bref, l’occasion est parfaite pour renchérir avec des blagues qui dépassent le spectre du politically correct, sans toutefois tomber dans la vulgarité inutile. JULIEN LACROIX

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JULIEN LACROIX ET MEHDI BOUSAIDAN M O N U M E N T-N AT I O N A L – 2 1 J U I L L E T

Tout comme Virginie Fortin et Mariana Mazza l’avaient fait il y a quelques années, les jeunes humoristes Julien Lacroix et Mehdi Bousaidan joignent leurs forces le temps d’un spectacle qui s’arrêtera à Zoofest avant de se poursuivre partout au Québec. Entre l’humour noir et rose du premier et celui plus cinglant du deuxième, ce programme double s’annonce mémorable.

ANDRÉ ETHIER + JASMINE REIMER G A L E R I E PA N G É E – J U S Q U ’ A U 2 2 J U I L L E T

COLIN BOURDRIAS, PHOTO | MYRIAM FRENETTE

Dans un style surréaliste et mystique, le peintre André Ethier «s’affranchit des tendances narratives et concrètes pour travailler plutôt à partir de son propre subconscient». Comptant à son actif plusieurs expositions à l’international, notamment à Los Angeles, Madrid et New York, il présente une exposition avec Jasmine Reimer, qui expérimente l’expérience corporelle et sensuelle quotidienne avec ses sculptures.

ARTS VISUELS

VOIR MTL



Programmation officielle

20 _ juin au 6 août 11 spectacles en salle pour tous les goûts

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Créez votre passeport en choisissant 3 ou 4 spectacles

Lucrèce Borgia de Victor Hugo par la Comédie-Française TNM 25 juillet au 4 août

Dernier coup de ciseaux de Paul Pörtner − comédie interactive Gesù 11 au 22 juillet

Molière, Shakespeare et moi Théâtre du Rideau Vert 4 au 22 juillet

What’s in a Name Centre Segal 9 au 30 juillet

Imagine-toi par Julien Cottereau − mime bruiteur Gesù 11 au 22 juillet

Baby-sitter

La vague parfaite

Muliats

Théâtre La Licorne 25 juillet au 5 août

Théâtre d’Aujourd’hui 20, 21 juin et du 6 au 10 juillet

Théâtre d’Aujourd’hui 4 au 15 juillet

Vice & Vertu par les 7 Doigts

Rêveurs définitifs

Maligne par Noémie Caillault

SAT 10 juillet au 6 août

Théâtre St-Denis 2 29 juin au 29 juillet

Studio Hydro-Québec du Monument-National 7 au 29 juillet

Passeport trio

Passeport quatuor

Lucrèce Borgia par la ComédieFrançaise + 2 pièces au choix

4 pièces au choix excluant celle par la Comédie-Française

165 $

110 $

*taxes et frais de service inclus

*taxes et frais de service inclus

Choisissez votre passeport à 375mtl.com/anouslascene

PP 40010891

Découvrez la programmation sur l’application 375MTL et à 375mtl.com | #375MTL


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