QUÉBEC VO2 #O9 | SEPTEMBRE 2O17 MARIE CHOUINARD FIVE KINGS TIRE LE COYOTE MON DOUX SAIGNEUR ET AU PIRE, ON SE MARIERA LES FRÈRES SEABORN LES ROIS MONGOLS ART EN JEUX VIDÉO JULIEN BOILY + RENTRÉE CULTURELLE MUSIQUE, SCÈNE, CINÉMA, LITTÉRATURE & ARTS VISUELS
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MARC SÉGUIN
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QUÉBEC | SEPTEMBRE 2017
RÉDACTION
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«QUAND LA POPULATION NE SERA COMPOSÉE QUE DE PERSONNES NÉES APRÈS 1980, LES GENS AURONT CONSCIENCE DES PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX PARCE QU’ILS SERONT NÉS LÀ-DEDANS.» Photo | John Londoño (Consulat) Assistants | Vincent Lafrance et Étienne Dufresne Maquillage | Steffi Nicole Retouches | Béatrice Munn Production | Martine Goyette
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SCÈNE Marie Chouinard Five Kings Rentrée culturelle scène
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MUSIQUE Tire le coyote Mon Doux Saigneur Rentrée culturelle musique
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CINÉMA Et au pire, on se mariera Les rois mongols Les frères Seaborn Rentrée culturelle cinéma
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LIVRES La bête, une trilogie Rentrée littéraire
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ARTS VISUELS Art en jeux vidéo Julien Boily Rentrée culturelle arts visuels
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QUOI FAIRE CHRONIQUES Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p16) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p42) Alexandre Taillefer (p66)
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VO2 #O9
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
LA PLACE DU MARCHÉ En parlant de l’agora, de nos jours, on pense surtout à une place publique où on retrouve la foule à qui on peut s’adresser, un lieu de prise de parole et de manifestation. Ce n’est pas faux, mais ce qui est intéressant, quand on s’arrête pour y réfléchir, c’est de constater que ce mot, à l’origine, désignait pour les Grecs à la fois la place publique et la place du marché. C’était ainsi un lieu de transactions commerciales et de débats démocratiques. Ces deux notions étaient, pour ainsi dire, interreliées, elles allaient de pair. L’agora, c’était un endroit où on pouvait échanger des points de vue et des denrées. C’est une idée qui me traverse l’esprit chaque fois que je voyage au Québec. Dès que je le peux, j’aime avaler des kilomètres d’asphalte pour faire le tour des villes et des villages. Je me désole trop souvent de voir comment le fossé se creuse entre les villes, les urbains, et la campagne, les paysans. Pardonnez-moi à l’avance cette rupture, un peu grossière, que je trace ici, mais vous voyez ce que je veux dire. C’est dans l’air du temps de constater le clivage entre les centres urbains, où on retrouve le plus souvent les élites, les intellectuels, les travailleurs des médias, les arts et les spectacles, les collèges et les universités, les sièges sociaux et les gens d’affaires, et les «régions», où on retrouve les paysans et les villageois, la vie rurale. Cette rupture, c’est un fossé social qui s’agrandit, qui se creuse. Les Trump et Le Pen en font leurs choux gras et c’est dans ces tranchées qu’ils font germer leurs discours de division. Les incompréhensions sont immenses entre les villes et les régions, et pour cause… Nous n’avons plus de places publiques, nous avons des supermarchés, excentrés, où nous attendons en file, les uns derrière les autres, en silence.
Imaginons, pour rêver, un marché, au centre de la ville ou du village. Un endroit où les paysans pourraient venir vendre leurs produits et mettre en valeur leur riche savoir-faire. Ce serait un lieu de rencontre et de discussion, un lieu d’échange qui permettrait de créer des liens entre les urbains, les villageois, et les paysans. Une société d’État, comme la SAQ, aurait le devoir d’y installer une succursale. Pour vendre du vin et des alcools provenant de partout à travers le monde, mais aussi pour faire la promotion de produits locaux comme ceux des microbrasseries, des cidreries, des vignobles et des distilleries. Pensons-y une seconde. Le rôle d’une société d’État qui contrôle un monopole ne devrait pas se limiter à réglementer la vente d’alcool et générer des profits. Un tel outil collectif devrait être utilisé pour dynamiser le cœur des villes, des villages et la vie de quartier. Je pleure quand je vois, sur les boulevards moches en périphérie de nos agglomérations, ces immenses succursales laides et plates qui prennent place à côté des monstres à grande surface qui ont tué les centres-villes et le cœur des villages. Une société d’État, c’est d’abord et surtout un outil de développement économique et social. Il faut s’en servir. Nous pourrions même imaginer qu’un tel marché pourrait être un lieu de culture et d’éducation. On pourrait y organiser des spectacles et des expositions. On a bien enregistré une émission de télévision au Marché Jean-Talon, à Montréal, pendant des années – souvenons-nous de cette fameuse palourde royale à Des kiwis et des hommes qui avait provoqué l’hilarité générale! Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas penser qu’un marché pourrait jouer le même rôle partout au Québec? Pensons à une scène où iraient se produire des artistes venus de tous les coins du pays. Toujours au
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Marché Jean-Talon, à l’étage, on trouve une classe de La tablée des chefs qui organise chaque année un camp de jour où on enseigne la cuisine. Les jeunes y apprennent à manger autre chose que de la merde surgelée. Un apprentissage aussi essentiel que le français et les mathématiques, si vous voulez mon avis. Pourquoi ne pas faire la même chose un peu partout, selon les spécificités locales? Cours de cuisine pour tous les curieux culinaires, interprétation du terroir pour les écoliers, ateliers avec les aînés, etc. Les déclinaisons qu’on peut imaginer sont nombreuses. On est ce qu’on mange, dit-on. Il faudrait bien se dégeler un peu les pogos. On pourrait sans doute impliquer des chefs cuisiniers et des restaurateurs dans un tel projet. Les artistes de la cuisine, partout en province, sont nos plus précieux ambassadeurs du savoir-faire d’ici. Ils aiment les produits que nous cultivons, les mettent en valeur, en sont fiers. Certains, parmi les meilleurs, ont même choisi de s’installer en région. Par ailleurs, une émission comme Les chefs!, à Radio-Canada, connaît un vif succès. Voilà qui est bien. Alors, pourquoi ne pas penser à une tournée, à des conférences données par les vedettes de la cuisine pour faire découvrir le terroir? Encore ici, nous avons une société d’État qui pourrait grandement aider. On ne se limiterait pas à la cuisine, d’ailleurs. Pensons à une émission de radio sur des
enjeux politiques qui se déplace de région en région, une émission de science comme Les années lumière qui ferait le tour de la province. La saison dernière, les gars de La soirée est (encore) jeune ont remporté un vif succès lors d’une émission enregistrée à Gatineau. Imaginez un peu s’ils refaisaient l’exercice partout. Parce que rire aussi, ça nous manque pas mal par les temps qui courent. Il faudrait, autour de ces marchés, loger la plupart des bureaux des services publics: bureaux de poste, ceux de la SAAQ, cliniques, services sociaux. Dans tous les cas, il s’agirait de multiplier les occasions, pour les citoyens, de se rendre à la place du marché, d’en faire un pôle de visibilité, un milieu de travail, un lieu où on doit passer et où il est possible de faire ses achats en découvrant le travail des paysans et en rencontrant ses concitoyens. Je pourrais rêver encore des heures à ce que pourraient être des places du marché partout au Québec. Mais dites-moi, vous, lecteurs et lectrices, quelles seraient vos idées pour dynamiser le cœur des villes et des villages tout en créant des ponts entre les urbains et les paysans? Écrivez-moi, j’aimerais bien vous lire! y sjodoin@voir.ca
SCÈNE 9 VOIR QC
VO2 #O9
LE JARDIN DE MARIE CHOUINARD MARIE CHOUINARD REVIENT DE SAINT-JEAN-PORT-JOLI OÙ ELLE A PASSÉ UNE SEMAINE À CONTEMPLER LE FLEUVE. UNE SEMAINE POUR SE «LAVER LE CERVEAU» EN REGARDANT UN ORAGE ALORS QU’IL FAIT BEAU À L’HORIZON. MOTS | ALESSANDRA RIGANO
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
Il y a 20 ans, Marie Chouinard faisait déjà partie de la première programmation d’un diffuseur qui deviendrait déterminant pour la danse contemporaine au Québec. Pour cet anniversaire, ses directeurs artistiques, Pierre Des Marais et Caroline Ohrt, lui ont accordé la première place. Cela fait plus de 40 ans qu’elle exerce le métier de chorégraphe, de manière intuitive et prolifique. La passion qui la transcende est toujours aussi percutante quand on fait sa rencontre. «J’adore encore l’art, la nature, l’amour…» Ses yeux pétillent, son corps sourit, son esprit s’évade dans l’émotion que génère l’idée de la création. «C’est comme si mes bras étaient plus longs, ma pensée plus longue, mon intelligence mathématique plus forte, mes viscères plus à l’écoute. Une bête encore pire! Je sais encore mieux comment diriger les danseurs. Il y a un plaisir… c’est fou!»
La chorégraphe a d’ailleurs toujours pensé que son parcours serait similaire à celui des peintres: «Très souvent, c’est après 60 ans qu’ils réalisent les œuvres qui ont le plus de vitalité, de jeunesse, de férocité et de pulsion vitale. J’ai toujours ressenti que je serai comme ça et c’est vrai! Plus ça va, plus j’ai un pouvoir de créer, plus je suis capable de créer beaucoup de pièces.» «J’aurais bien aimé rencontrer Bosch!» Pour celle qui habituellement n’aime pas la contrainte, Bosch aura été une heureuse exception. Marie Chouinard a accepté d’emblée la demande de la Fondation Jheronimus Bosch, basée aux Pays-Bas, d’honorer le 500 e anniversaire de la mort du célèbre peintre. Le jardin des délices s’imposera rapidement comme point de départ pour la créatrice, tout comme l’intuition de faire une pièce en trois actes. C’est un «immense roman sur l’humanité». C’est principalement pour cette raison qu’elle a arrêté son choix sur ce triptyque emblématique de Bosch. Là où certains voient l’enfer, la chorégraphe comprend plutôt la réalité du monde, «des gens qui sont dans la vie de tous les jours». Là où d’autres dénoncent le péché, elle y décèle «le summum de l’innocence». «Les personnages sont tous purs; ils partagent un gros fruit ensemble, tout le monde est content. Tout est mélangé, tout est possible, tout est beau et célébrant. C’est magnifique!» Le fait d’avoir passé de nombreuses heures en studio à scruter la position de chaque personnage et de créer des points
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Atelier de danse Adultes et enfants
JOUR / SOIR FIN DE SEMAINE
TAP (claquettes) • TAP-CARDIO
TONUS ET « STRETCHING » • JAZZ •
• GIGUE •
PILATES
CARDIO FORME
INSCRIPTIONS DU MARDI 5 SEPTEMBRE AU LUNDI 11!
418 659-3330 TAPDANCE.CA 2750, chemin Sainte-Foy (Plaza Laval) tap.etc
SCÈNE 11 VOIR QC
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Danser son visage À cette époque, Marie Chouinard commençait à suivre des cours de ballet classique. Elle a ainsi forgé sa conscience du corps et une nouvelle façon de l’observer. «Je remarquais 10 fois plus les mouvements quotidiens de tout le monde et particulièrement la démarche. Quand quelqu’un marche, dans sa façon de tenir le dos, l’amplitude de l’enjambée, la manière de déposer le pied, le mouvement dans le cou, c’est comme si la personne offrait un scan de sa vie, de son être, de son âme. Les gens ne se rendent pas compte à quel point ils sont lisibles à travers leur démarche. C’est fou! Chacun a sa démarche. C’est comme le visage: per sonne n’a une démarche comme une autre parce que chacun a son histoire, sa relation au monde, sa façon d’être au monde. Les gens pensent que leur visage est celui qu’ils ont eu à la naissance, mais non, pas du tout! La façon dont tu tiens tes sourcils, un p’tit coin de bouche qui est relevé ou pas; tout dans ton visage, tu le construis. Tu as une base physique, mais ce n’est rien à côté de ce que tu fais de ton visage. Et j’aime observer, regarder comment quelqu’un porte son visage.»
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de repère pour cette pièce aura nourri son admiration pour l’artiste: «En tout cas, j’aurais bien aimé rencontrer Bosch! Je l’adore!» La peinture et la chorégraphe. L’art et la créatrice. L’émotion que lui procuraient certaines œuvres, avant d’amorcer ce parcours qui l’a rendu célèbre, aura peut-être été sa genèse. «Quand ce sont des chefs-d’œuvre, ils me donnent des chocs physiques. Ce sont des rencontres, car tu es vraiment en rapport avec l’auteur, avec son esprit, avec sa poétique, sa façon d’aimer (…). Ça m’a toujours fait ça. C’est le début de moi comme auteure et créateur. C’est moi à l’adolescence. De réaliser que j’avais de tels chocs devant des œuvres picturales, c’était ça le mystère pour moi. Comment ça se fait que cette œuvre-là me bouleverse? Pourquoi je me mets à pleurer devant tel tableau? Ce questionnement était si fort que pour mieux comprendre, je suis devenue un créateur.»
La chorégraphe a fait de cette curiosité pour le corps et le mouvement les bases de la pièce Soft virtuosity, still humid, on the edge. «Au début, c’est plutôt des torsions vers l’étonnement, la surprise, l’horreur. Plus ça va, plus ils s’en vont vers des moments extatiques. C’est très subtil et peut-être que personne ne le remarque…» Les interprètes danseront aussi leur visage: «Ils construisent un visage à partir d’un mouvement intérieur, dans les viscères, dans la respiration, dans le cœur, dans la gorge. À partir d’un mouvement intérieur, ils transforment leur visage.» La Place des Arts les accueillera à la fin septembre. Le public y est convié, non pas pour observer les pièces qui y seront présentées, mais plutôt pour se laisser imprégner par l’expérience qu’elles lui feront vivre. Tel le moment sacré où s’ouvre un triptyque ou celui où l’on pose les premiers pas à l’entrée d’une cathédrale ou d’une église: «L’espace lui-même change ta respiration, ta manière de tenir ta tête. On est transformé. Alors j’espère qu’on ne vient pas juste voir les pièces, mais que ça devient une expérience. C’est une expérience.» La Place des arts, à Montréal, les accueillera à la fin septembre. y
ET NOUS TOMBÂMES CINQ VRAIS ROIS MOYENÂGEUX, UNE PIÈCE JAMAIS TERMINÉE D’UN GÉNIE AMÉRICAIN ET L’AURA DU BARDE: LA TABLE EST MISE POUR ASSISTER À NOTRE DESCENTE VERS LE CHAOS. MOTS | CAROLINE DÉCOSTE PHOTO | STÉPHANE BOURGEOIS & HÉLÈNE BOUFFARD STYLISME | MARIE-RENÉE BOURGET HARVEY
SCÈNE 13 VOIR QC
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PHOTO | CLAUDE GAGNON
Les cinq souverains, ce sont ceux de Richard II, Henry IV (1re et 2e parties), Henry V, Henry VI (1re, 2e et 3e parties) et Richard III de William Shakespeare. Des 256 per sonnages réunis au total, Five Kings n’en retient que 34, joués par 13 acteurs. Comment en arrive-t-on à s’attaquer à quelque chose d’aussi immense, créé par le maître ultime du théâtre? En faisant œuvre de poète, selon Olivier Kemeid. «La genèse remonte à plusieurs années. Patrice Dubois a mis la main sur le collage d’Orson Welles lors de la création d’un spectacle solo sur sa vie. Five Kings, datant de 1939, c’est à peu près la moitié de ce que Welles voulait faire. C’était un échec absolu! Les gens trouvaient que le montage était un outrage à l’œuvre de Shakespeare», relate le dramaturge. L’œuvre de Welles est restée inachevée, ce qui pose les jalons pour la création de Kemeid. «Patrice m’est arrivé avec ça en me disant: “Je crois qu’il y a quelque chose à faire, mais je ne sais pas quoi; on traduit? on complète?”. Le cycle des rois de Shakespeare, ce sont des milliers de pages, juste lire ça, ça m’a pris un an! On a eu l’idée de ne pas faire une adaptation classique, mais plutôt de s’inspirer du cycle original pour écrire ma vision.» Olivier Kemeid est conscient du défi qu’il s’est imposé: «C’est le plus gros projet d’écriture de ma vie. C’est l’œuvre la plus commentée après la Bible. On n’a pas assez d’une vie pour lire tous les commentaires! Il faut accepter d’avoir un savoir limité et de faire son propre chemin. Ça s’est fait sur plusieurs années, des ateliers, des résidences. Je n’avais pas envie de tomber dans une espèce de reconstitution. Ce qui était très important pour moi, c’est que le public n’ait pas à connaître ni l’œuvre de William Shakespeare ni les rois pour comprendre l’histoire. Je voulais une accessibilité totale.» Le temps comme personnage Olivier Kemeid et le metteur en scène, Frédéric Dubois, se sont amusés à replacer l’action dans une époque plus contemporaine (de 1960 à nos jours). «Il fallait quand même, dans ma pièce que je voulais atemporelle, qu’il y ait un passage du temps, explique Olivier. C’est une pièce épique, une saga familiale; pour Shakespeare, le temps est un personnage, il fallait l’inscrire avec ce demi-siècle qui passe pour faire comprendre l’écart entre les générations.» Quand Frédéric a eu entre les mains le texte d’Olivier, une brique de 350 pages, il a dû «l’éclairer le mieux possible». «Ce qui m’a sauvé la vie, raconte-t-il, c’est l’idée d’une trame qui avance dans cinq époques. Cinq axes pour faire marcher la grande histoire.» Sur un plateau très épuré, l’action se joue
souvent en duel, en confrontation; le temps passe grâce aux éclairages, aux costumes, à ce qui est suggéré, pour laisser toute la place aux personnages «plus grands que nature», à la lente déchéance qui se déroule sous nos yeux. Théâtre annonciateur De la première phrase de Richard II, qui lance à peu près «je viens de déclencher quelque chose», à la dernière de Cecilia, qui s’interroge sur comment on en est arrivés là, se déploie une grande fresque où s’entrecoupent la petite et la grande histoire. «Par exemple, Richard III, c’est aujourd’hui, c’est l’époque de la politique-spectacle, présente Frédéric. C’est le chef de communications le plus hot au monde: il nous dit qu’il va tuer tout le monde et on le laisse faire!» «Je voulais décrire des mécanismes de pouvoir qui étaient valables au Moyen Âge, mais qui le seront encore certainement dans 100 ans», expose Olivier. Et c’est ainsi que le public reconnaît ses politiciens dans les personnages, alors qu’ils ne sont pas forcément écrits ainsi. «Plus je laisse les portes ouvertes, plus le public peut greffer le masque de ses propres situations. Je ne prends pas le crédit: c’est la force de l’essence shakespearienne.» «On a le temps des pères, celui des poètes, celui des héros, des bouffons et maintenant des barbares, ajoute Frédéric. On va raconter l’histoire de nos pères jusqu’à nous; voici les constats qu’on fait du passage d’une génération à l’autre. Oui, le constat est sombre, mais on en est là. On ne pose pas de jugement. Le sous-titre de la pièce, c’est notre chute commune à nous tous.» y
Du 12 septembre au 7 octobre Théâtre Le Trident
À LA DOULEUR QUE J’AI PHOTO | ROBIN PINEDA GOULD
AMADEUS PHOTO | STÉPHANE BOURGEOIS & HÉLÈNE BOUFFARD
NICOLA FRANK VACHON PHOTO | MYRIAM WALLENDORF
MME G PHOTO | DAVID CANNON
15 RENTRÉE CULTURELLE SCÈNE
LÀ OÙ Y’A LES MOTS Des histoires vraies, un classique remixé, des créations fraîches. La saison de théâtre et de danse sera intense ou ne sera pas. Tour d’horizon en cinq lieux phares de la culture locale: Le Trident, le Périscope, La Bordée, Premier Acte, la Salle Multi (grâce à La Rotonde) et les Gros Becs. MOTS | MICKAËL BERGERON
Pour le meilleur et pour le pire
L’amour dans le sang
Qui suis-je?
L’un des metteurs en scène chouchous de Québec, Alexandre Fecteau, signera Amadeus, au Trident. Réadaptation de cette pièce jouée des milliers de fois et adaptée au cinéma, ce coup d’œil sur la vie de Mozart s’interroge sur le pire comme le meilleur de l’humain, de la jalousie au génie. Avec une solide distribution (Jacques Leblanc dans le rôle-titre) et la collaboration des Violons du Roy, la créativité et la sensibilité d’Alexandre Fecteau promettent une pièce à la hauteur des œuvres de Mozart. (Au Trident, du 24 avril au 19 mai 2018, letrident.com)
William Shakespeare sera revisité plus d’une fois cette saison à Québec. Cette proposition se démarque particulièrement. Les Écornifleuses ont choisi la pièce la plus sanglante, Titus, et en change le prisme: les rôles masculins deviennent féminins, et vice-versa. Verra-t-on cette histoire de trahison, de vengeance, d’amour et de pouvoir différemment? Fidèle à son habitude, Édith Patenaude souhaite aller plus loin que le coup de poing et promet de la lumière. (Au Périscope, du 17 novembre au 2 décembre 2017, theatreperiscope.qc.ca)
Enfant, nous avons presque tous eu un objet fétiche que l’on traînait partout, un toutou ou une doudou. Pour Dominique, c’est une poupée, avec qui elle discute, mais plus encore, réfléchit. Adaptée d’un roman philosophique pour enfants par l’excellente Isabelle Hubert et mise en scène par Jean-Philippe Joubert, L’hôpital des poupées aborde les grandes questions de la vie. (Aux Gros Becs, du 14 au 26 novembre 2017, lesgrosbecs.qc.ca) Je souffre donc je suis
Mythe nocturne
Le début de la fin
Vous l’avez peut-être manqué aux Chantiers du Carrefour international de théâtre en 2015, puis encore échappé à Premier Acte l’an dernier, alors voici votre chance. Signe de l’engouement autour de cette pièce de Maxime Beauregard-Martin, Mme G est de retour dans une version améliorée. Quelque part entre le documentaire et l’hommage, découvrez le fascinant univers de Madame Thérèse, légende des fêtes clandestines. (À La Bordée, du 16 janvier au 10 février 2018, bordee.qc.ca)
Comment réagiriez-vous si on vous disait que vous mouriez bientôt? Dans Hypo, le personnage principal refuse de mourir dans un hôpital et part vers le bout du monde. Sur sa route, il croise une femme qui décide de l’accompagner dans sa dernière aventure. L’acteur et auteur (et photographe) de Québec, Nicola-Frank Vachon, propose une pièce pigeant autant dans le huis clos que dans le roadtrip. (À Premier Acte, du 10 au 28 octobre, premieracte.ca)
Invitée par La Rotonde, l’une des têtes d’affiche de la relève en danse (est-elle vraiment encore de la relève?), la chorégraphe Virginie Brunelle, revient à Québec avec À la douleur que j’ai. Avec sa poésie qui lui est propre et sur des airs de musique classique familiers, ce spectacle creuse nos chagrins pour voir de quelle manière on sort indemne... ou pas. (Présentée par La Rotonde à la Salle Multi de Méduse, les 14, 15 et 16 mars 2018, larotonde.qc.ca) y
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VO2 #O9
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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE
VIOLENCE ET COHÉRENCE Des fois, j’envoie chier mon ordinateur. Solide. Nos bons sacres québécois peuvent se faire très généreux, parfois entrecoupés d’une injure à l’américaine. Ça arrive, par exemple, quand il plante alors que je n’avais pas sauvegardé un document depuis un moment. Ou qu’il décide sans prévenir de faire une mise à jour. Vous savez, j’imagine, ce que les ordinateurs sont capables de faire pour nous tomber sur les nerfs. En fait, c’est moi que j’envoie promener avec ma grosse voix. Parce que je n’avais pas fait «ctrl+s». Parce que j’étais pressé pis que ça n’adonnait pas, là, la mise à jour. Mais si j’avais sauvegardé mon document, si j’avais mieux prévu mes affaires, je n’aurais pas été pressé pis ça n’aurait pas été grave. D’ailleurs, je ne sacre pas automatiquement chaque fois, ça dépend du contexte. Plus encore, ça arrive si je suis dans une période où je suis épuisé, ou qu’une situation me frustre. Si ça m’arrive plus d’une fois dans un court laps de temps, c’est que je sais que quelque chose, quelque part, dans ma vie, me dérange. Pis c’est mon pauvre ordinateur qui écope inutilement. Je me trouve épais quand ça arrive et, après, j’ai tou jours honte. C’est pas mal imbécile d’envoyer promener un objet. Et pauvres voisins qui m’entendent crier dans le vide. Parce que c’est là ma particularité: je ne crie jamais après personne, juste après des objets qui ne colla borent pas. Je ne me chicane qu’avec moi-même, tout seul, jamais avec personne. J’ai déjà frappé ma télévision en jouant au Genesis, mais je suis incapable de la moindre violence envers les autres. Pas seulement physiquement. Avec les mots aussi. Je suis assez diplomate quand je dois critiquer ou sou-
lever quelque chose de négatif, ou que je sais que mes propos pourront faire de la peine. J’essaie de ne pas encourager des mécanismes d’exclusion, de rejet ou de discrimination. Bref, je déteste blesser les autres. Ça me fait mal, comme si c’est à moi que j’infligeais cette douleur. J’ai donc vraiment de la misère à comprendre pourquoi péter du mobilier dans une manifestation est plus violent qu’un groupe qui encourage le racisme et la discrimination. Ce n’est pas que je trouve ça nécessaire, de péter du mobilier dans une manifestation, mais entre un discours raciste et briser un objet ou une vitrine, l’acte le plus violent est pour moi évident: c’est le racisme. J’essaie de comprendre comment un politicien peut condamner les violences physiques d’un côté, mais ne pas condamner les propos et les mouvements racistes de l’autre. Comprendre comment, surtout, on peut les mettre sur le même pied d’égalité, si ce n’est pour gagner quelques votes. Ce que j’en déduis, c’est que les biens publics et privés sont plus importants que la dignité humaine, le res pect des autres et l’égalité. Évidemment, ce n’est pas le fun pour le commerçant ou le gouvernement de devoir réparer les trucs pétés, mais c’est facile à réparer. Ça demeure incomparable avec une vie qui subit le poids d’une discrimination, d’une inégalité ou d’une haine. Incomparable. Retournez en arrière, à l’époque où vous étiez au primaire. Peut-être étiez-vous dans ceux ou celles qui se faisaient écœurer. Peut-être que ça a duré tout le primaire. Ou tout le secondaire. Sinon, souvenez-vous du rejet de votre classe. Souvenez-vous de son manque
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> de confiance, de son manque de joie de vivre, de son absence d’estime de soi. Vous devinez l’impact négatif de cette intimidation sur sa vie. Le rejet, appelons-le pour l’occasion Samuel, ne rayonnait sûrement pas, même s’il était sûrement un gentil garçon ne méritant pas d’être intimidé. Imaginons un moment que Samuel essaie d’en parler à son professeur, et à la direction, mais que malgré les bons mots compréhensifs, il ne se passe rien. Le Chicoine de la classe continue d’intimider Samuel sans aucune conséquence. Le reste de la classe suit le mouvement et continue de rejeter Samuel, ou le laisser se débrouiller avec son problème, ne s’en mêle pas. À bout de nerf, dans une frustration provenant de l’inaction de l’école et d’un épuisement de sa patience, Samuel renverse le pupitre de Chicoine et le brise. Choquée, la direction de l’école blâme sévèrement Samuel et prend en pitié Chicoine qui, sur le moment, ne faisait rien de mal. Tous les autres élèves diront qu’il était tranquille au moment de l’incident, même s’il passe presque tout son temps à gosser Samuel.
Imaginez l’injustice que doit ressentir Samuel. Ima ginez la satisfaction de Chicoine. Cette situation ne repose pas que sur Samuel et Chicoine, elle incombe aussi à la direction, au professeur et aux camarades de classe qui, même s’ils étaient au courant, ont tous toléré ou laissé aller le problème. Nos politiciens et plusieurs chroniqueurs, ces tempsci, réagissent de la même façon que la direction d’école. Ils condamnent les petites violences spontanées, mais ne relèvent pas cette violence ordinaire, celle du quotidien, qui étouffe des milliers de personnes chaque jour. Oui, certains alimentent volontairement le feu pour faire des gains politiques, mais d’autres ne prennent juste pas position, pour les mêmes raisons. À un certain moment, ne rien faire revient au même qu’accepter un problème ou l’encourager. Pas besoin de brûler quelqu’un sur une croix pour que le racisme tue, blesse et détruise des vies. Il n’a pas besoin d’être éclatant pour être violent. Son ordinaire l’est tout autant. Tolérer une telle violence et ne pas la freiner finira toujours par provoquer une réponse violente. À qui reviendra la faute? y
DUO CINÉCONCERTS BiRDMAN LiVE & LA PASSION DE JEANNE D'ARC
79,99 $ Informations ou billetterie : fcvq.ca
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CHASSER LES MÉCANISMES BENOIT PINETTE CHASSE LES MAUVAISES HERBES SUR DÉSHERBAGE, QUATRIÈME ALBUM DE TIRE LE COYOTE, GROUPE QUI POURRAIT LAISSER PLACE À UN NOUVEAU CHAPITRE CES PROCHAINES ANNÉES. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
«Pour être franc, c’est probablement l’album qui a été le plus dur à pondre», lance Benoit Pinette, alias Tire le coyote. À la suite du succès de son troisième disque Panorama (2015), le chanteur et musicien folk rock a vécu sa plus grosse tournée. Toutefois, ce rayonnement accru a créé une certaine pression chez lui quant à la direction de ce nouvel album intitulé Désherbage. «C’est toujours difficile de trouver l’équilibre entre évoluer et rester fidèle à son style musical, explique-t-il. Je me suis mis à imaginer les gens qui ont des gros succès populaires. Ça m’est jamais arrivé, mais je me dis que quand tu sors un nouvel album après un succès comme ceux d’Alex Nevsky ou de Patrice Michaud, ça doit être tough de juste se laisser aller sans penser à la mise en marché, le marketing et tout ça.» Benoit Pinette s’est aussi lancé en terrain inconnu pour la création de Désherbage, son nouveau disque qui met en valeur sa poésie sensible au vocabulaire riche et sa voix si singulière rappelant Neil Young. Lui qui était habitué d’écrire des chansons ici et là, sur la route ou ailleurs, a composé cette fois-ci en bloc pendant quelques mois. Il explique que cette bulle créative s’est avérée être un défi supplémentaire. «C’est la première fois – financièrement – que je pouvais me permettre d’arrêter et de juste écrire. Ma tournée s’est terminée en septembre 2016 et je me suis donné jusqu’à Noël pour écrire le plus possible l’album. Bien honnêtement, j’ai pas aimé ça et je ne le referai plus! Ça met de la pression, avoir un temps précis pour écrire tant de chansons. Ça m’énervait.»
Mais lorsqu’on travaille ainsi sur un album, inten sément sur une courte période, n’arrive-t-on pas plus aisément à un fil conducteur? «Je me suis posé la question aussi et la réponse est oui, pour la moitié d’un album, et à un moment donné, après cinq ou six chansons sur les mêmes sujets, j’ai besoin d’aller ailleurs. Même si je veux que ça se tienne, je peux pas réfléchir à un album comme un album-concept.» Des thématiques abordées dans les textes de Désherbage, on retient l’enfance et la nostalgie. «Mes enfants sont rendus à cinq ans et sept ans, c’est pourquoi l’enfance revient quelques fois sur l’album, confie-t-il. Pour la pièce-titre, j’ai ima giné un genre de première peine d’amour quand t’es adolescent. J’ai voulu me plonger dans cette période qui est tellement importante dans une vie. C’est fou à quel point ça forge ce que tu vas devenir comme personne. C’est un moment dans la vie où tu développes certains mécanismes et on se rend compte en ayant ses propres enfants qu’on a besoin de s’en défaire comme parent pour ne pas recréer les mêmes patterns.»
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FAN DE MUSIQUE ? L’endroit idéal pour des soirées
20 Pour la confection de Désherbage, Benoit Pinette a demandé à deux amis guitaristes, Benoit Villeneuve (Shampouing) et Simon Pedneault, de se joindre à lui à la réalisation. Ensemble, ils ont trouvé la recette pour bien amalgamer l’énergie plus brute de Sham pouing, collaborateur de longue date de Tire le coyote, et celle plus mélodique de Pedneault. «L’harmonie dans les guitares donne une puissance à l’album», commente Benoit Pinette. La palette de couleurs semble être plus large sur ce quatrième disque, en partie grâce à l’apport plus important de piano et de claviers. «On est encore dans le folk, mais le côté country et les racines de musique américaine sont moins présents et ça, c’est très volontaire, dit le principal intéressé. Y’a des tounes qui demandaient à être plus “rentrededans”, mais les claviers amènent un côté plus ambiant. Donc c’était cette idée d’aller aux extrêmes, mais sans oublier que la toune était composée à la guitare acoustique et que ça reste du folk. Pour la suite, je pense déjà à un prochain album – qui ne sera peut-être pas du Tire le coyote – que je ferais à partir de claviers.»
«JE ME SUIS DEMANDÉ SI J’ÉTAIS PAS RENDU AU BOUT DE CE QUE TIRE LE COYOTE AVAIT À DIRE. J’AURAIS ENVIE DE FAIRE ÉCLATER LA BULLE.» Voilà qui pique notre curiosité. Tire le coyote tirerait à sa fin? Pas tout à fait, dit Benoit Pinette. Mais avant de penser à un cinquième album de son groupe, il sent l’appel de faire une parenthèse musicale. «Tire le coyote, ça va faire 10 ans que ça existe en 2018. Artistiquement, ça fait 9 ans que je ne fais que Tire le coyote, que je compose seul chez moi. Plus t’as d’albums, plus l’espèce de bulle de ce que t’as envie de dire comme artiste rétrécit. Pis là, je me suis demandé si j’étais pas rendu au bout de ce que Tire le coyote avait à dire. J’aurais envie de faire éclater la bulle. En changeant de nom, je pourrais vraiment aller ailleurs. Pas que je renie tout, parce que je suis super content de l’évolution de Tire le coyote, mais j’aime pas m’emmerder et je suis vraiment critique avec moi-même. Donc si j’ai pas l’impression d’amener le projet ailleurs, je peux pas le faire.» Avant de découvrir Benoit Pinette sous un nouveau jour, on le suit avec grand plaisir dans les champs et on se «désherbe» l’esprit avec ce nouvel album. y Désherbage (La Tribu) Sortie le 22 septembre Le 9 décembre au Grand Théâtre de Québec
photo: Sébastien Dion
LA TOUTE NOUVELLE CROSSTREK EST LÀ. ET PAR « LÀ », COMPRENEZ SIMPLEMENT LÀ OÙ ELLE A ENVIE D’ÊTRE. La toute nouvelle Crosstrek 2018 est là et elle vous invite à partir à l’aventure au gré de vos inspirations : à la plage, à la montagne, autour des lacs… Partez avec un plus gros volume
de chargement, une meilleure autonomie et une adhérence améliorée en montée comme
en descente grâce à la fonction X-Mode. Bien sûr, la traction intégrale symétrique à prise
constante Subaru est de série. Alors, en route pour l’aventure ! La toute nouvelle Crosstrek est toujours partante. Pour plus d’informations, visitez subaru.ca/crosstrek. ‡ Te c h n o l o g i e d ’ a i d e à l a c o n d u i t e
*Le modèle présenté est la Crosstrek 2018 Édition Limitée CVT avec Eyesight® (JX2 LPE). Photo à titre indicatif seulement. Les spécifications techniques peuvent changer sans préavis. Consulter le Manuel du propriétaire pour les détails du fonctionnement et les limites. **EyeSight® est un système d’assistance au conducteur qui peut ne pas fonctionner dans certaines conditions. Il incombe en tout temps au conducteur d’adopter une conduite sécuritaire et prudente. L’efficacité du système dépend de nombreux facteurs, tels que l’entretien du véhicule ainsi que les conditions météorologiques et routières. Visiter votre concessionnaire Subaru participant pour tous les détails. Crosstrek et Subaru sont des marques déposées.
UN PEU D’AIR INCARNANT AVEC DÉSINVOLTURE LE PROJET FOLK ROCK MON DOUX SAIGNEUR, EMERIK ST-CYR LABBÉ CRÉE COMME IL RÉFLÉCHIT: AVEC BEAUCOUP DE LIBERTÉ ET UN PEU D’INCERTITUDE. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Le Johannais d’origine a (parfois) la tête en l’air. Une semaine avant cet entretien, il nous a fait faux bond, alors qu’on l’attendait tranquillement à la Casa del Popolo. «Hey, y a un souci… Emerik est à Sept-Îles. Il a oublié qu’il avait une entrevue et je sais pas trop, il est parti à Sept-Îles», nous avait alors appris son attachée de presse chez Grosse Boîte, prise de court elle aussi. «Ouais, j’avais complètement oublié», admet le principal intéressé, avant d’y aller d’une explication abracadabrante. «En m’en revenant du Festif!, j’ai décidé d’aller à Natashquan rejoindre des amis. L’affaire, c’est que j’étais rendu à Québec, donc fallait que je revire de bord et que je fasse 12 heures de char. À Baie-Saint-Paul, le radiateur de mon char a sauté… Le Festif! était fini, donc en attendant que mon auto se fasse réparer, je suis allé voir une gang de jeunes qui s’en allaient au skate park, fait que j’ai chillé avec eux autres un peu, pis je suis retourné me coucher en bas du pont où j’étais pendant le festival. Après ça,
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j’ai étiré mon séjour en passant par Kamouraska voir des amis qui venaient de s’acheter une auberge. J’avais besoin de prendre un peu d’air avant le lancement de mon disque. Je sentais que c’était important.» Esprit libre s’il en est un, le Montréalais d’adoption aime se laisser guider par le flot de la vie, invoquant l’importance de la légèreté et de l’incertitude comme d’autres le feraient avec la rigueur et l’ambition. «J’aime mieux douter de ce que je vais faire demain que d’avoir une vie monotone», résume-t-il. Derrière son apparat insouciant, Emerik St-Cyr Labbé laisse toutefois entrevoir les marques d’un drame omniprésent dans son œuvre. En trame de fond de son premier album, la mort de son père l’a profondément peiné. «On l’a vécu dur…» confiet-il, en parlant au nom de sa famille. «C’était un homme très généreux. En fait, ça lui demandait tellement d’énergie d’être là pour les autres qu’il ne lui en restait pas beaucoup pour lui. Du coup, il a jamais tenté d’imposer un tracé à ses enfants… Il nous a toujours fait confiance.» Écrite à peine 36 heures après la tragédie, Chaque matin parle d’un «ouvrier urbain» qui perd le fil de sa vie à force de répéter aveuglément sa routine. «Il faut que tu roules ta bosse avant que la bosse te roule», chante l’auteur-compositeur-interprète de 26 ans. «C’te chanson-là, elle est sortie à 8h le matin, une heure à laquelle je dors habituellement. J’étais démuni, j’avais plus rien à dire à personne. Y a fallu que j’m’assoie et que je joue de la guitare. Chanter, c’était ça qui me faisait du bien», confie-t-il. «Le soir même de sa mort, j’étais allé jouer de la guitare dans le parking du Couche-Tard près de chez mes parents. J’improvisais un jam, comme si je méditais. Mes doigts jouaient tout seuls sur ma guitare.» Loin du récit larmoyant dans lequel il aurait facilement pu verser, cet album est traversé par une tristesse vague, un certain spleen urbain ancré dans ce que l’auteur-compositeur-interprète appelle «l’île aux calvaires» sur une chanson autobiographique à propos de Montréal. «C’est l’histoire d’un gars de la Montérégie qui arrive en ville, qui veut prendre part à tout ce qui se passe et qui embarque dans le chalutier peu importe c’est quoi la température sur la mer», image-t-il. «À Montréal, le moment présent est dur à ressentir, car on est toujours dans le futur pis dans l’after de l’after de l’after. Pour moi, des fois, c’est trop… Je dois reculer un peu et apprendre à vivre lentement, même si j’aime ça aller au bar et que j’ai tendance à me brûler en abusant des bonnes choses.»
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Médium de survie Originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, le chanteur a pris racine dans la métropole il y a quatre ans. Désirant faire de sa guitare «un médium de survie», l’artiste a perfectionné ses compositions en jouant sur son balcon. «Je voulais pas avoir besoin de grand-chose ni de personne pour entamer ce projet-là. À la limite, un massothérapeute a à peu près la même démarche que moi, car il a juste besoin de ses mains pour faire son métier», ana lyse-t-il. «Graduellement, la musique que j’fais a décidé qu’elle avait besoin de plus d’instruments pour être à son plein potentiel. Le band s’est formé naturellement dans les deux dernières années.» Complété par le bassiste Étienne Dupré, le batteur Mandela Coupal ainsi que les guitaristes David Marchand et Eliott Durocher, Mon Doux Saigneur est cette entité un peu vague qui dépasse le cadre du pseudonyme, sans toutefois représenter un groupe à proprement dit. «Concrètement, j’impliquerais personne dans la démarche [du groupe], car personne peut vraiment la comprendre. Même moi, c’est un peu nébuleux où je m’en vais...» admet-il. «C’que j’veux, c’est que le projet allume les gens dans leur propre cosmos, sans nécessairement avoir à associer ma face à ça.» Bref, le chanteur aime l’idée de s’effacer derrière sa musique, préférant suivre son propre courant plutôt que de se conformer aux standards de l’industrie du spectacle. Durant les Francouvertes, on lui avait d’ailleurs reproché de ne pas assez interagir avec la foule. «Je suis pas un animateur», clame celui qui a atteint la finale du concours en 2016. «Si ne pas parler entre des chansons cause un malaise, ça veut peut-être dire que la musique n’est pas assez bonne… Pis si on a envie que j’me présente et que j’dise d’où je viens avant une toune, on est peut-être aussi bien de faire un barbecue qu’un show.» Mais peu à peu, le Montérégien se prête au jeu et accepte de faire des compromis. «J’ai encore un peu de misère à fitter dans ce qu’on attend de moi. En entrevue, par exemple, on veut souvent obtenir une réponse de ma part, alors que j’réponds en même temps que je pense», dit-il, honnête. «Au-delà de ça, j’ai pas trop de difficulté à faire des compromis, car j’me nourris beaucoup de ce qui m’est suggéré. J’aime bouncer sur ce qui se présente, sans avoir à être collé sur un plan précis. Spontanément, j’ai tendance à dire oui à tout ce qu’on me propose.» Une virée impromptue à Sept-Îles, par exemple. y Mon Doux Saigneur – sortie le 8 septembre Le Cercle – le 14 septembre
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MARA TREMBLAY PHOTO | JOCELYN MICHEL
MAUDE AUDET PHOTO | MARC-ÉTIENNE MONGRAIN
RYMZ PHOTO | OLIVIER ROBITAILLE
GABRIELLE SHONK PHOTO | MAXIME G. DELISLE (CONSULAT)
25 RENTRÉE CULTURELLE MUSIQUE
UNE RENTRÉE PLEIN LES OREILLES Une saison musicale intense s’annonce à l’horizon. Les étiquettes de disques québécoises ne chôment pas et nous en sommes fort reconnaissants! Voici quelques sorties de disques attendues et des concerts à mettre à l’agenda cet automne. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN, VALÉRIE THÉRIEN ET EDOUARD GUAY
Mara Tremblay – Cassiopée Si Mara Tremblay a su développer une chimie musicale hors pair pendant plus d’une décennie avec ses inséparables collaborateurs Pierre Girard et Olivier Langevin, voilà qu’elle prend une toute nouvelle direction pour son cinquième album studio. Cette fois, c’est entouré de son copain Sunny Duval et de son fils Victor Tremblay-Desrosiers, respectivement guitariste et batteur, que la BaieComoise a enregistré l’essentiel de son nouvel opus, à paraître cet automne sous Audiogram. Loin d’en être à sa première expérience artistique avec les deux musiciens, l’auteure-compositrice-interprète de 48 ans avait au préalable donné quelques spectacles en leur compagnie durant la tournée d’À la manière des anges en 2015. Bref, on peut bel et bien parler d’un nouveau départ pour la chanteuse, car en plus d’avoir renouvelé son équipe, elle signe ici sa première réalisation d’album à vie. Sortie le 3 novembre. (O. Boisvert-Magnen)
Gabrielle Shonk (homonyme) Patiente, perfectionniste au possible, Gabrielle Shonk aura attendu d’innombrables années avant de livrer sa première offrande. Une attente si longue qu’on a
perdu le compte! C’est finalement avec un label majeur (Universal Music Canada) qu’elle libérera ses chansons écrites dans les deux langues officielles, celles de sa mère et de son père, des pièces qui mettent en valeur sa voix chaude et teintée par son bagage jazz. Un instrument peaufiné sur les bancs de l’Université Laval, dans les bars de Québec puis devant les caméras de La Voix. Cet automne, l’Américano-Québécoise rompt toutefois avec les reprises pour présenter du matériel original: ses musiques, ses textes, des arrangements qu’elle a cautionnés. Dans les bacs et en ligne ce 29 septembre. (C. Genest)
Saisons classiques Le pianiste français Bertrand Chamayou mettra ses mains au service de son compatriote Fabien Gabel, chef de l’Orchestre symphonique de Québec. Un programme en trois temps alliant Strauss, Evangelista et Dvořák. Les 8 et 9 novembre au Grand Théâtre de Québec. Trois semaines plus tôt, la soliste Pascale Giguère part en quête de perfection – du violon de faïence, comme dirait Champfleury – aux côtés de Michel Frank et des Violons du Roy. Ils interpréteront la Sonate pour violon et piano de César Franck le 18 octobre au MNBAQ, puis le lendemain
au Palais Montcalm. Ce samedi-là, et de retour au GTQ, c’est le baryton Gregory Dahl qui incarnera le rôle-titre de Rigoletto (Verdi) dans une production de l’Opéra de Québec qui restera à l’affiche jusqu’au 28 octobre. (C. Genest)
Rymz – Mille soleils Rymz revient avec un nouvel album, alors qu’il termine à peine les spectacles en soutien à Petit Prince, son honorable deuxième opus solo paru au printemps 2016. Auparavant secret bien gardé de la scène rap locale, le rappeur originaire de Saint-Hyacinthe touche maintenant un plus large public, et Mille soleils va sans doute lui permettre de poursuivre sur cette lancée. Moins agressif que son prédécesseur, l’effort profite d’une ligne directrice plus soul, encore une fois concoctée par ses fidèles acolytes Shash’U, Gary Wide, Neo Maestro et Farfadet. Toujours porté à explorer ses zones d’ombre à travers des récits parfois rudes, Rymz laisse ici plus de place à ses émotions et au «feeling de la musique». Prévu pour le 10 novembre sous Joy Ride Records, Mille soleils paraîtra dans la même saison qu’une autre parution fort attendue de l’étiquette montréalaise: le premier album solo de Loud. (O. Boisvert-Magnen)
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19 au 30 septembre PAR HOMMERIES !
La Cour
suprêm e 10 au 28 octobre PAR LES HÉBERTISTES
Hypo 7 au 25 novembre PAR DÉTOUR NAZARETH
Abadou veut
jouer du piano PAUPIÈRE, PHOTO | CHRISTINE GROSJEAN
29 novembre au 9 décembre PAR CATHERINE DORION ET MATHIEU CAMPAGNA
Paupière – À jamais privé de réponses Après le EP Jeunes Instants, le trio de pop synthé montréalais annonce enfin la sortie d’un premier album complet. Né de la rencontre entre une artiste visuelle (Julia Daigle), une comédienne (Éliane Préfontaine) et un musicien vétéran (Pierre-Luc Bégin, membre de We Are Wolves), Paupière mélange habilement la musique pop dance à des compositions sensuelles et envoûtantes qui rappellent le courant new wave des années 1980. Trois extraits du disque à paraître, dont la rêveuse Rex, sont disponibles sur le Bandcamp du groupe en attendant de pouvoir se mettre l’album entier sous la dent. À paraître le 15 septembre. (E. Guay) Maude Audet – Comme une odeur de déclin Après un début de carrière remarqué dans la Vieille Capitale, Maude Audet a lancé un deuxième album fort convaincant en 2015, Nous sommes le feu. Elle nous revient cet automne avec un album somptueux de folk alternatif et de grunge qui mise sur des textes évocateurs, une voix chaleureuse qui rappelle la regrettée Ève Cournoyer et un univers musical dans la famille de Catherine Durand. Nouvellement signée sur l’étiquette Grosse Boîte (Fred Fortin, Les sœurs Boulay), la chanteuse et musicienne autodidacte prend du galon sur ce disque qui arrive comme une bonne dose de «girl power», puisque réalisé en compagnie d’Ariane Moffatt. Du lot des collaborateurs du disque, on retrouve les talentueux Robbie Kuster, Marie-Pierre Arthur, Joe Grass, Antoine Corriveau, Marianne Houle et Julie Boivin. Sortie le 29 septembre. (V. Thérien) y
Fuck tout e
enhanced version !!!
15, 20, 21, 22, 28 et 29 décembre à 20 h 16, 17, 23 et 30 décembre à 15 h et à 20 h PAR LA VIERGE FOLLE
Les Contes à
passer le temp s
le cadeau parfait
hors-série
Lieu : La Maison historique Chevalier 50, rue du Marché-Champlain
À ÉCOUTER
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HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
THE NATIONAL SLEEP WELL BEAST (4AD) HHH 1/2
PIERRE KWENDERS MAKANDA AT THE END OF SPACE, THE BEGINNING OF TIME
(Bonsound) HHH 1/2
Il faut plusieurs écoutes pour saisir toute la richesse des arrangements de MAKANDA, deuxième album de l’auteur-interprète montréalais Pierre Kwenders. Orchestrée avec ingéniosité par le visionnaire réalisateur et compositeur Tendai Baba Maraire, moitié du duo hip-hop seattlien Shabazz Palaces, l’œuvre porte la rumba congolaise vers des horizons insoupçonnés, là où se côtoient les basses creuses (Woods of Solitude), les cordes prenantes (Sexus Plexus Nexus) et les synthétiseurs rétrofuturistes (Tuba Tuba). À travers tout ce fouillis savamment mené, le jeu de guitare habile et précis de Hussein Kalonji (du collectif Chimurenga Renaissance) assure une ligne directrice à l’album, à l’instar de la voix de Kwenders qui, à défaut d’être transcendante, fait ici preuve d’une impressionnante polyvalence. Parfois effacé derrière ses éminents collaborateurs, le Congolais d’origine est à son meilleur sur ses chansons en solo. (O. Boisvert-Magnen)
Probablement l’un des groupes les plus constants de la scène indie rock américaine, The National signe un septième album efficace qui ne dépaysera pas les amateurs. Chargé d’émotions (gracieuseté de la formidable voix baryton de Matt Berninger), porté par une puissante batterie et par des textes énigmatiques où beauté et laideur ne font qu’un, Sleep Well Beast nous présente plusieurs bêtes qui hantent l’humain, dont la rupture amoureuse, les paradis artificiels et le manque de communication. Le groupe ne manque pas, au passage, de décocher une flèche au cynisme ambiant, symbolisé par un président qui ne sera jamais nommé… Si l’on peut reprocher à The National de faire du surplace sur certaines pièces, quelques expérimentations électroniques et des moments de rock énergique donnent à l’album de quoi se mettre sous la dent. (E. Guay)
BOKANTÉ STRANGE CIRCLES (Music Works International) HHHH Quatre guitares, trois percussionnistes et une audacieuse chanteuse et parolière montréalaise, Malika Tirolien, originaire de la Guadeloupe: voilà le projet fou qui nous a administré toute une claque au Club Soda, le 29 juin dernier. L’Américain Micheal League, co-leader de la formation funk progressif nouvelle tendance Snarky Puppy, décrit ce projet secondaire comme une réunion polyglotte à la fois multiethnique et multigénérationnelle. Le chroniqueur Thom Jurak y voit clairement, quant à lui, un hybride zeppelinesque de folk caribéen superposant le blues de l’Afrique de l’Ouest à celui du Delta du Mississippi. Voilà donc une nouveauté, à laquelle rien ne nous préparait. Et Malika la conteuse aux fables incisives qui brode sur le karma dans Nou tout se yonn (nous sommes tous un), expliquant comment chacun récolte ce qu’il sème. En passant, le mot Bokanté évoque l’échange en créole antillais. Ce disque est important. (R. Boncy)
MEKLIT WHEN THE PEOPLE MOVE, THE MUSIC MOVES TOO (Six Degrees) HHHH Dieu merci, il est encore de ces rares albums qui, avant même la fin de la minute initiale, vous transmettent la certitude que vous allez les aimer longtemps. C’est précisément le cas avec le quatrième opus de la chanteuse éthiopienne Meklit Hadero, fort possiblement son meilleur. Après un départ flamboyant avec This Was Made Here, on enchaîne ensuite avec I Want to Sing for Them All où résonnent très forts les noms de Leonard Cohen et de Doctor Mulatu ainsi que le violon d’Andrew Bird qui siffle aussi comme un merle. Meklit est une auteure particulièrement pertinente qui gratte de la guitare et du krar devant un quartette à deux cuivres et qui invite, dans le désordre, une bonne vingtaine de musiciens de L.A., de San Francisco, de La NouvelleOrléans et surtout d’Addis-Abeba pour les sevrés en manque d’éthio-jazz contemporain, tous autant que nous sommes. (R. Boncy)
BARBARA HANNIGAN / LUDWIG ORCHESTRA CRAZY GIRL CRAZY (Alpha Classics / Naxos) HHHH La soprano canadienne Barbara Hannigan a fait sensation ces dernières années avec quelquesunes de ses interprétations spectaculaires, dirigeant les musiciens tout en chantant (voir Mysteries of the Macabre, de Ligeti, sur YouTube). Elle joint ici pour la première fois sur disque ses deux passions, direction et chant, dans un programme qu’elle ouvre cependant en solo avec Sequenza III, de Luciano Berio, qui lui permet de déployer tout l’arsenal vocal dont elle dispose. C’est ensuite devant le Ludwig Orchestra, d’Amsterdam, qu’elle chante et dirige Lulu Suite d’Alban Berg, offrant une interprétation impeccable. Le programme se termine avec la Girl Crazy Suite, arrangée avec le concours de l’orchestrateur Bill Elliott d’après la comédie musicale de George et Ira Gershwin. Servie avec la même instrumentation que celle de Berg, la musique de Gershwin est d’une tout autre couleur, mais la chef et la chanteuse y brillent tout autant. (R. Beaucage)
DISQUES 29 VOIR QC
COMEBACK KID OUTSIDER
THE WAR ON DRUGS A DEEPER UNDERSTANDING
(New Damage Records / Nuclear Blast) HHH 1/2 En juin dernier, le groupe de Winnipeg nous a mis l’eau à la bouche avec Absolute, un premier extrait hardcore-punk accrocheur qui comprend en plus la contribution vocale de Devin Townsend (The Devin Townsend Project). Si Absolute donne un bon aperçu d’Outsider en ce qui concerne la vélocité et l’efficacité des breakdowns, son introduction comporte une légère influence thrash qui revient en force sur Somewhere, Somehow, puis qui affleure sous la surface de I’ll Be That et Throw That Stone. On ne parle pas d’une révolution, mais d’une incursion sonore vivifiante et de la démonstration de la vitalité de Comeback Kid, malgré tous les changements de musiciens des dernières années. Outsider compte aussi les colla borations de Chris Cresswell (The Flatliners) sur Consumed the Vision et de Northcote sur Moment in Time. (C. Fortier)
(Atlantic) HHHH
PARTNER IN SEARCH OF LOST TIME (You’ve Changed Records) HHHH Dans un reflux 90s qui s’essouffle, tranquillement, par une part d’ennui inhérent, la paire queer-punk de Sackville (Nouveau-Brunswick) Partner arrive avec l’enthousiaste et généreuse vigueur d’un premier album aux hymnes gros comme des stades. Josée Caron et Lucy Niles offrent ici 19 pistes aux soliloques panoramiques et hilarants truffés de collages pop (dont 7 sketchs qui fabulent comiquement les périphéries de la mise en marché du disque), tramant un éloge de l’émancipatrice fainéantise post-adolescente via des sujets essentiels (c.-à-d. les sensibilités lesbiennes contemporaines) ou plutôt triviaux (c.-à-d. la paranoïa après une bouffée de joint). Des pièces aux riffs retentissants (pensez Dinosaur Jr, Sleater-Kinney), augmentés des solos de Caron, pour un album immédiat, exaltant, au terme duquel on se dit, comme le monsieur du dernier sketch, que ça va plutôt bien, le rock. (B. Poirier)
«But it just stopped raining», chante symboliquement Adam Granduciel sur l’ouverture Up All Night. Aux prises avec une détresse émotionnelle frôlant la dépression sur le précédent Lost in the Dream, paru il y a trois ans, l’auteur-compositeur-interprète semble reprendre du mieux sur A Deeper Understanding, émouvant album qui laisse entrevoir un début de résilience à travers ses textes mélancoliques, parfois nostalgiques et langoureux comme sur la chanson-fleuve Thinking of a Place. Toujours aussi portée vers l’americana et l’esthétique heartland rock des années 1980, celle qu’ont popularisée les Bruce Springsteen et Tom Petty de ce monde, la formation philadelphienne offre une musique riche et profonde, autant capable de douceur (Strangest Thing, Clean Living) que de vigueur (Nothing to Find, Holding On). Évoquant avec parcimonie Bob Dylan, Bryan Adams et Dire Straits, The War on Drugs prouve ici qu’il est bien plus que la somme de ses influences. (O. Boisvert-Magnen)
DEATH FROM ABOVE OUTRAGE! IS NOW (Last Gang Records) HHH 1/2 Alors qu’on avait dû attendre 10 ans entre les deux premiers opus de Death From Above, le duo dance-punk nous arrive ce mois-ci en surprise avec un troisième album des plus solides. La basse dégoulinante de distorsion de Jesse F. Keeler et la batterie coup-de-poing de Sebastien Grainger n’ont rien perdu de leurs fougues respectives et les deux musiciens prouvent qu’ils sont capables d’accoter – sinon de dépasser – leur première offre. S’ouvrant avec la puissante Nomad, l’album met rapidement la table en nous régalant de riffs qui, sans être particu lièrement originaux, ont beaucoup de saveur et peuvent se targuer d’être efficaces. Comme on le dit dans les chaumières, «ça rentre au poste». Loin devant The Physical World, ce nouveau 10 titres redonne ses lettres de noblesse noisey aux deux comparses, qui semblent ici plus en forme que jamais. (A. Bordeleau)
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EMAN & VLOOPER LA JOIE
(7ieme Ciel) HHHH
Moins accrocheur et plus complexe que son prédécesseur, LA JOIE mérite une place considérable dans la liste des meilleurs albums hip-hop québécois de la décennie actuelle. Traversant une période créative pour le moins foisonnante, Vlooper s’en remet aux structures inusitées et aux expérimentations empreintes de soul qui ont fait des Frères cueilleurs, le plus récent album d’Alaclair Ensemble, une œuvre d’exception. Particulièrement agité derrière la console, le producteur se permet une belle liberté, comme en témoignent les nombreuses altérations, parfois hasardeuses, qu’il applique à la voix de son collègue. Les idées plus alignées que jamais, ce dernier analyse les périls d’une «jeunesse perdue dans les ruelles» qui, aveuglée par la quête de l’argent, délaisse l’école et alimente son propre piège. Capable d’autocritique, le rappeur creuse également des périodes moins reluisantes de sa vie avec un recul constructif, notamment sur l’éminente La plage. Comme d’habitude, il y a toujours une partie des textes d’Eman qui restera insondable, et c’est ce qui rend les écoutes subséquentes de LA JOIE aussi captivantes. (O. Boisvert-Magnen)
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MONIQUE GIROUX SUR MESURE
PAR LA PETITE-VALLÉE DE GRANDE VALEUR Il n’était pas encore dix heures. Les draps d’un blanc immaculé claquaient au vent, telles les laizes d’un grand voilier. Ça bourrasquait fort en contrebas. On ne se soucie pas de nos tignasses à Petite-Vallée. La nature décoiffe sur la Longue-Pointe. On vit sur la mer été comme hiver. Faut être fait fort pour regarder dans les yeux le temps qu’il fait par là. Il n’était pas encore dix heures, je m’en souviens très bien. Plume, assis à la grande table chez Denise, faisait dos à la mer mais face à Vigneault. Nous étions huit lève-tôt à manger des œufs-jambon et à parler chanson. Plume dit: «Trenet c’est le plus grand, non?» Vigneault répondit: «J’suis ben d’accord avec tôa. Prends La folle complainte, c’est un pur chef-d’œuvre. Les jours de repassage, dans la maison qui dort, la bonne n’est pas sage, mais on la garde encore. On l’a trouvée hier soir, derrière la porte de bois, avec une passoire, se donnant de la joie.» Éclats de rire. Fannie, qui chantait divinement la veille au soir sur la scène de Grande-Vallée, nous propose encore du café. Comme si ça allait de soi. On entend le craquement des berçantes dans la cuisine. Des touristes, les yeux écarquillés, faisant mine de trouver ça normal, mangent en silence. Attention, quelqu’un ouvre la porte. Ça souffle. — Avez-vous vu Dan? — Il doit être avec Alan, ils sont allés chercher Piché à Gaspé. C’est Marie-Claire qui me l’a dit en rentrant de sa marche. Elle venait de croiser Bori qui partait faire son jogging et qui en profiterait pour ouvrir la porte à Mathilde qui attend Forestier pour commencer l’atelier. Louise est toujours à l’heure. Elle devait ce matin-là retourner au CLSC – l’urgence la plus rapide au Québec – pour le truc qu’elle a reçu sans fracas dans l’œil, pendant le souper de homard d’hier. Sans doute un microscopique éclat de pince. C’est survenu juste après qu’elle eut soigné Émilie… Dubreuil… nulle autre. Émilie qui, dans des circonstances que je ne dévoilerai pas ici, avait le dos déchiré de garnottes.
Voisine de Yann Perreau, je logeais au chalet de l’épicier Lebreux qui habite en ville, enfin, je veux dire à PetiteVallée, dans la forêt au bord d’un lac paisible à l’abri du vent. Ça repose. Là-bas, donc, au chalet, ne trouvant pas de trousse de premiers soins, Louise a pressé un citron sur les plaies d’Émilie qui, malgré son courage légendaire, n’a pu retenir un retentissant cri de douleur. Les joncs du lac ont plié. Dis que tu t’en souviens, collègue chroniqueuse, dis surtout que tu ne m’en veux pas de raconter l’histoire ici. Pendant plus de dix ans, en bande radio-canadienne, nous nous sommes rendus jusqu’en Gaspésie pour faire résonner sur tout le pays les échos de Petite-Vallée, la force de notre chanson et de ses créateurs ainsi que les réalités gaspésiennes. Nous remplissions notre mission avec passion, proposant des émissions en direct où on découvrait les si jeunes Tricot Machine, Catherine Major, Stéphanie Boulay et tant d’autres qui sont aujourd’hui la force belle de notre culture. Des émissions en direct au cours desquelles tout pouvait se passer: un concours de dégustation de pets de sœur avec pour juge Daniel Lavoie et Marie-Christine Trottier, des délires de rires infinis, des confidences, la création de versions inédites. On pouvait arrêter une entrevue et faire sortir tout le monde sur la terrasse, pendant que je décrivais tout ça en ondes, parce qu’une baleine passait par là. Nos techniciens, en arrivant le matin, installaient des micros sur la grève pour que partout les auditeurs entendent les vagues. Émilie y faisait de merveilleux reportages. Et puis le soir, j’animais les spectacles, mémorables spectacles. Je me souviens de l’hommage à Paul Piché, avec sur scène tout ce que vous pouvez imaginer de chanteurs québécois, qu’on a dû commencer avec une heure de retard parce que Paul n’avait pas fini de souper. Je me souviens de Daniel Boucher qui chante pour la première fois La désise, seul à la guitare, de Bernard Adamus qui casse la Rue Ontario pendant que le batteur Berger tape le rythme sur une échelle avec un marteau. Je me souviens d’Alexandre Désilets qui fait ses vocalises en faisant les
31 cent pas en coulisses et qui me jette par terre. «Bonjour, moi c’est Monique», «Moi, c’est Alexandre». Et puis un jour, les coupes ont mis fin à ces productions radio phoniques.
Pendant que j’écris ces mots, Daniel Boucher publie un appel sur sa page Facebook. Avec son autorisation, je vous en propose quelques extraits:
J’y suis retournée de mon propre chef, en silence, pour revoir madame Brousseau, les parents de Louis-Jean, ceux de Marie-Pierre et Ti-Bass et toute la famille. Pour me bercer dans la cuisine. La dernière fois que j’ai vu Alan, c’était à Pigalle un vendredi après-midi de décembre. Il rencontrait Dick Annegarn pour l’inviter à Petite-Vallée, comme il l’avait fait quelques années auparavant avec Michel Fugain.
Parce qu’on est tous passés par là…
Ce matin (mardi 15 août), en voyant les images de la Vieille Forge en flammes, j’ai répété, répété, répété en fixant mon téléphone: «Non, non, non, c’est pas vrai… non, je le crois pas… non, ah non…» Et puis la gorge serrée, j’ai senti en moi comme un geyser de souvenirs sur le point d’éclater. Tout me revenait en vrac, sans distinction chronologique. J’ai effacé le texte que je devais envoyer à notre rédacteur en chef et me suis remise au clavier pour eux, pour les amis de Petite-Vallée, pour la chanson qui brasse par là, pour les souvenirs qui sont partis en fumée. Les optimistes diront que ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. Bien sûr. Mais regardons la fatalité dans les yeux, ne serait-ce que pour lui faire comprendre qu’elle nous fait chier de temps en temps. Bien sûr qu’on va rebâtir, qu’on sera là plus que jamais.
FCVQ-iD IMAGINÉ PAR LE FCVQ, INSPIRÉ PAR VOS HISTOIRES. LE STORYTELLING SOUS TOUTES SES COUTURES. ID-LE GÉNÉRATEUR Des rencontres professionnelles d'exception, des conférenciers inspirants. Mercredi 20 sept. 13H Monastère des Augustines
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À l’autre bout du monde, entre la mer et les montagnes, caché comme le trésor qu’il est, le Théâtre de la Vieille Forge de PetiteVallée a été, depuis 35 ans, l’incubateur d’un tas de carrières… Heureusement pour nous, ce village est peuplé de guerriers qui savent se relever coup après coup: par amour pour la chanson, par amour tout court, ils se sont toujours relevés. Toujours... Alors, nous aussi, par amour, par respect, par devoir, soyons solidaires et aidons-les à se relever. Parce que relever Petite-Vallée, c’est un peu relever le Québec au complet. Réagissons et soyons créatifs. – Daniel Boucher
Depuis la rédaction de cette chronique, alors que la Vieille Forge fumait encore, il a dû s’en passer des choses. Il y a des maisons où les chansons aiment entrer, disait Félix. Cette phrase, on la lisait chaque fois qu’on entrait dans la Vieille Forge. Rebâtissons la maison, on en a tous bien besoin. y
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AÏCHA ET SES HOMMES AU CŒUR DE L’HISTOIRE D’ET AU PIRE, ON SE MARIERA, IL Y A UNE ADOLESCENTE, AÏCHA. JOLIE ET PÉTILLANTE, ELLE VIT UN AMOUR IMPOSSIBLE AVEC UN HOMME DEUX FOIS PLUS VIEUX QU’ELLE. PUIS, TOUT DÉRAILLE. SIX ANS APRÈS LA SORTIE DU ROMAN DE L’AUTEURE SOPHIE BIENVENU, VOICI QUE LA VIE PASSIONNANTE ET TRAGIQUE D’AÏCHA EST PORTÉE AU GRAND ÉCRAN PAR LÉA POOL. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
«Pour moi, c’est une petite fille qui s’appelle Aïcha et qui est blonde aux yeux bleus. Elle est contradictoire, elle n’a pas de place nulle part», raconte Sophie Bienvenu, également coscénariste du film avec la réalisatrice Léa Pool. Enfant, Aïcha (Sophie Nélisse) a été très attachée à Hakim (Mehdi Djaadi), un Algérien d’origine qui l’a élevée avec sa mère et qui lui a donné son prénom. Trop attachée, même. Les liens de confiance se sont brisés avec la mère d’Aïcha (Karine Vanasse) et elle a dû le mettre à la porte. Depuis, Aïcha méprise sa mère. Claquage de portes et engueulades au quotidien, donc. Voilà des gestes d’adolescence typiques, direz-vous, mais Aïcha est un cas hors norme. C’est une jeune fille mature et débrouillarde, mais aussi manipu latrice, qui a pour seules amies des prostituées transsexuelles dans un quartier pas toujours facile de Montréal, Centre-Sud. En entrevue, les deux scénaristes encensent le travail de Sophie Nélisse et de sa sœur cadette Isabelle, qui brillent à l’écran sous les nombreux visages d’Aïcha. Errant en patins à roulettes dans la ville entre deux sessions de décrochage scolaire non justifié, Aïcha rencontre Baz (Jean-Simon Leduc) et c’est le coup de foudre absolu pour ce musicien à ses heures. Mais l’amour dans les yeux de la jeune fille ne peut pas être réciproque puisque la pédophilie serait vite condamnée. Une amitié très floue se développe entre les deux jusqu’à ce qu’un drame – qu’on ne dévoilera pas ici – survienne. «Aïcha est un être passionné, blessé, commente Léa Pool. Elle est très sincère dans son amour pour Baz. Elle ne comprend pas pourquoi il n’est pas accessible. C’est vraiment l’amour impossible.»
LÉA POOL ET SOPHIE BIENVENU
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> Tout n’est pas noir ou blanc dans Et au pire, on se mariera. Le spectateur est appelé à se poser des questions sur les intentions des personnages et à se faire son propre récit. Léa Pool a été séduite par les zones de gris du roman de Sophie Bienvenu. «Ma fille l’a lu et m’a dit: “Tu devrais lire ce roman, c’est formidable.” J’ai eu un coup de foudre. C’est extraordinaire parce que ça permet de laisser au lecteur plusieurs pistes possibles.»
«Dans un roman, tu peux y aller beaucoup plus cru. C’est une question que j’ai dû me poser, d’abord parce que je travaillais avec une adoles cente, avoue Léa Pool. Dans les premières versions du scénario, on décrivait en détail certaines choses et je disais: “Oui, mais attends, je dois tourner ça avec une gamine. Je veux pas la DPJ sur le dos!” C’est donc plus soft, mais tout en gardant la suggestion présente.»
En début de film, Aïcha est convoquée à un interrogatoire et elle raconte sa version des faits. L’action qui se déroule est donc son histoire, mais est-ce le fruit de son imagination? La caméra s’avère complice de la jeune femme à la manière de la narration coup-de-poing dans l’œuvre originale. «Dans le livre, le lecteur peut décider ce qui s’est vraiment passé, dit Sophie Bienvenu. Le fait que la caméra soit très présente dans le film, j’ai l’impression que ça permet au spectateur de faire son propre film.»
«Dans le film, il y a une finesse avec laquelle Léa suggère des choses, poursuit Sophie Bienvenu. En fait, quand j’ai écrit le livre, je ne voulais pas choquer, je voulais déranger. Sauf que ce qui dérange dans un roman va peut-être choquer au cinéma.» y En salle le 15 septembre
Léa Pool adhère aux propos de l’autrice. Ce qui rend le film percutant, c’est qu’«on rentre dans la tête d’Aïcha avec tous ses mensonges, ses demi-vérités. La notion du bien et du mal n’est pas si claire parce qu’on comprend quand même qu’elle l’a aimé son Hakim. C’est pas si simple. J’aimais beaucoup, dans le roman de Sophie, que ce soit ouvert pour qu’il y ait une partie de création chez le lecteur. Ça m’attirait d’autant plus parce que j’avais fait juste avant un long métrage beaucoup plus classique (La passion d’Augustine) et j’avais envie de replonger dans des films plus proches du début de ma carrière où la narration était plus éclatée.» Les deux scénaristes ont développé une belle complicité pendant le processus d’adaptation du roman au film, qui s’est avéré être sans grandes embûches, loin des histoires d’horreur qu’on pourrait entendre. «À la base, on avait la même idée, la même compréhension du roman, alors on voulait faire le même film, précise Sophie Bienvenu. Mes amis scénaristes ou auteurs qui avaient adapté leur roman m’avaient dit: “Tu vas voir, c’est douloureux, c’est ci, c’est ça”… comme si c’était les 12 travaux d’Hercule! Mais pour moi, ç’a juste été positif.» Alors que Léa Pool travaillait davantage sur la structure et le descriptif des scènes du scéna rio, Sophie Bienvenu se chargeait d’adapter les dialogues. Lorsqu’on passe d’un médium à un autre, on s’adresse à de nouveaux publics. Doiton revoir la façon d’aborder certains éléments – comme la sexualité – qui pourraient choquer?
KARINE VANASSE ET SOPHIE NÉLISSE, PHOTOS | VÉRONIQUE BONCOMPAGNI
À LA GUERRE COMME À LA GUERRE APRÈS AVOIR CONQUIS LE PUBLIC AVEC L’AUDITION, PUIS VISITÉ L’UNIVERS DE FRED PELLERIN DEUX FOIS PLUTÔT QU’UNE, LUC PICARD EST DE RETOUR DERRIÈRE LA CAMÉRA POUR REVISITER LA CRISE D’OCTOBRE À HAUTEUR D’ENFANT DANS LES ROIS MONGOLS. MOTS | NICOLAS GENDRON
L’acteur-réalisateur insiste d’entrée de jeu pour spécifier que l’enfance ne rime surtout pas pour lui avec condescendance. «L’idée, c’est de les faire exister tels qu’ils sont, parce que dans notre ère politically correcte, les enfants à l’écran, on a tendance à les regarder de haut. Mais qui de mieux placé que ces jeunes acteurs pour savoir ce que c’est d’avoir 13, 14, 15 ans? Des flos, c’est toujours plus intelligent et sensible qu’on pense.» Ici, les bouleversements familiaux se fondent aux déchirements politiques de l’automne 1970, et la prise d’otage devient, aux yeux de Manon (la très
douée Milya Corbeil-Gauvreau, remarquée dans Nelly) et son petit frère Mimi (Anthony Bouchard, craquant), l’issue idéale pour éviter la «famille d’écueil». Aidés par leurs cousins (les attachants Alexis Guay et Henri Picard, fils de Luc), ils partiront en cavale avec une vieille dame (Clare Coulter, lumi neuse) qui n’avait rien demandé. Adapté du roman Salut mon roi mongol! de Nicole Bélanger et scénarisé par l’auteure elle-même, le film navigue aisément entre le grave et l’at tendrissant, entre la trame sociopolitique et le
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ressort comique. «Oui, il y a un certain humour, mais c’est une touche parmi d’autres, de préciser Picard. C’est un peu le même thème que dans L’audition: comment rester intègre face à tes promesses d’enfance, quand la vie adulte te force à tellement de compromis. Voir cette jeune Manon jurer à son frère qu’ils ne seront jamais séparés, et se démener pour que ça n’arrive pas, c’est tout de suite venu me chercher.» Travailler à partir d’un roman lui a aussi fourni d’autres clés. «Avec les contes de Fred (Babine, Ésimésac), je n’avais pas accès à la même intériorité qu’avec un roman. Là, je traînais toujours le livre annoté avec moi. Et c’est la pensée de Manon qu’on suit. C’est très beau, un peu Ducharmien. C’est pour ça qu’on l’a appelée Ducharme.» S’il peut paraître périlleux de confier les quatre rôles centraux d’un film à des enfants de 5 à 15 ans, le cinéaste n’a pas pris la tâche à la légère. «J’ai d’abord cherché à créer une gang. On a quand même vu 170 jeunes en audition! Et une fois qu’ils ont été choisis, je faisais des soupers avec eux pour développer leur chimie; je leur ai fait écouter Stand by Me, dont le jeu des enfants est hallucinant. Ensuite, il s’agit de vivre les situations les unes après les autres, sans tout théoriser. Tu t’ennuies de ta mère, t’as faim, t’es de mauvaise humeur, etc. Il faut miser sur la simplicité, sans être paternaliste.» Parlant de paternité, craignait-il de travailler avec fiston? «Après ses deux auditions, les filles du casting étaient presque désolées de me dire que c’était le meilleur, comme ça me plaçait dans une drôle de position. Mais après, ça s’est fait tout seul, il s’agissait de ne pas abuser ni l’un ni l’autre de notre lien privilégié. Sur le plateau, il m’appelait Luc – ce qu’il ne fait jamais –, et de retour à la maison, c’était papa.» Au moment de la crise d’Octobre, Luc Picard n’avait que 9 ans. «Je me souviens qu’on nous disait qu’il y avait des méchants. Je n’avais pas de recul et j’avais l’impression qu’on était en danger. Comme dans cette scène du film où Denis demande à son grand frère Martin: “Est-ce que le FLQ peut enlever du monde comme nous autres?”» Autrement, il garde un excellent souvenir des ruelles, une part importante de la reconstitution d’époque. «L’action se déroule dans Hochelaga, et même si j’ai grandi dans Lachine, je connais bien ce monde parallèle. On vivait carrément dans les ruelles! C’était très communautaire, le paradis sur terre.» L’interprète du film Octobre a-t-il eu une pensée émue pour son ami Pierre Falardeau en se replongeant ainsi dans notre passé? «Ça m’arrive souvent. Ce fut le cas en tournant les scènes de l’armée. Je me suis demandé s’il aimerait le film.»
Sans doute Falardeau aurait-il rigolé que l’armée débarque à Montréal sous l’air de Comme j’ai toujours envie d’aimer, le hit de Marc Hamilton. «Je ne décide jamais trop d’avance quelle forme va prendre un film. La chanson m’est apparue le soir où je tournais l’arrivée des soldats. J’ignorais alors que c’était le gros succès de 1970. Les autres chansons québécoises ont suivi au montage, même si je savais que ça donnerait un côté pop au film. C’est ce qui me vient naturellement, un certain “cinéma du milieu”, à la fois intègre et accessible. Comme un mariage plus intime entre Les ordres et E.T. Je ne sais pas comment l’expliquer autrement.» Voilà qui est aussi limpide qu’une promesse d’enfant. y
Les rois mongols Sortie en salle le 22 septembre En ouverture du Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ) Le 13 septembre
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GENS BATAILLEURS LES FRÈRES JEAN-LAURENCE ET JONATHAN SEABORN VONT AU FRONT AVEC UN DOCUMENTAIRE ENVIRONNEMENTALISTE QUI ÉCORCHE LE PORT ET LE MAIRE DE QUÉBEC. C’EST L’AUTOPSIE DES PROVERBIALES POUSSIÈRES ROUGES DE LIMOILOU, LE PORTRAIT RELUISANT DE LA MILITANTE VÉRONIQUE LALANDE. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTO | FRANCIS BOUCHARD
Indiscutablement politique, la courte filmographie des frères Seaborn penche à gauche et place le citoyen écorché au premier plan. Après avoir tendu un micro aux toxicomanes de la capitale (Pas de piquerie dans mon quartier), le duo s’attaque à la brumeuse question de la pollution atmosphérique en Basse-Ville. Un sujet qui a fait les manchettes avant de sombrer dans l’oubli relatif, un débat que les cinéastes réaniment avec ce nouveau thrillerréalité plutôt enlevant. Bras de fer, c’est le titre du long métrage, pose une caméra sur Véronique Lalande et son amoureux Louis Duchesne. Une porte-parole éloquente et un scientifique de profession qui ont élevé la voix contre le port de Québec et la compagnie Arrimage du Saint-Laurent. Les David d’un combat perdu d’avance, des étoiles filantes dans notre paysage médiatique local. Ce film raconte leur quête de justice au nom de tous les citoyens de Limoilou, dont Jean-Laurence et son frère font partie. «Ce n’est pas un projet qu’on a choisi, ça nous est tombé dessus. L’histoire est assez drôle, c’est vraiment une histoire de quartier. Je me promenais sur la piste cyclable avec mes enfants et ma femme, puis j’ai croisé Véronique après le premier épisode de poussière rouge. […] Elle avait son bébé dans un bras, les pamphlets dans l’autre main. Elle m’a vraiment beaucoup inspiré.» La rencontre fut déterminante. Dès lors, le vidéaste entreprend de tourner coûte que coûte et de forcer son frangin à le suivre dans l’aventure. «J’ai pas écrit un film pour le déposer à une station de télé ou à un distributeur et chercher du financement
après ça. J’ai plutôt pris le téléphone, j’ai appelé Jonathan et je lui ai dit: “Charge les batteries, prépare le kodak, on a une bataille à mener avec d’autre monde!”» Pendant quatre ans, les Seaborn ont suivi leurs voisins jusque dans leur cuisine, jusque dans les moindres recoins de leur intimité. Ils vécurent heureux (quand même) L’histoire, on la connaissait déjà: Véronique et Louis ont posé leur pied sur le frein. Le couple a choisi de déménager parce que rien n’a changé, parce que les métaux lourds continuent d’être pous sés par le vent. De fines particules de nickel qui ont pourchassé Jonathan jusqu’à l’étape de postproduction à l’été 2017. «J’habite sur la 3e Avenue, au troisième étage. Le micro n’avait pas bien enregistré la scène de Louis qui ramassait de la poussière sur son bord de fenêtre. Donc je suis sorti dehors, sur mon bord de fenêtre, et j’ai refait le bruitage avec la matière originale.» Autrement que pour cette petite tricherie sonore, ou pour la colorisation verdâtre qui symbolise l’espoir, un choix réfléchi, les réalisateurs clament que «rien n’a été stagé». Exempt d’une fin heureuse, Bras de fer est un film cru et sans flaflas esthétiques. C’est un document désarçonnant qui nourrit le cynisme, mais qui fera peut-être trembler quelques géants. y Bras de fer En salle au cours de l’hiver 2018
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SAISON 2017 2018
BLADE RUNNER 2049, DE DENIS VILLENEUVE
STAR WARS EPISODE VIII: THE LAST JEDI, DE RIAN JOHNSON
LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TROP LES ALLUMETTES, DE SIMON LAVOIE
SUBURBICON, DE GEORGE CLOONEY ET DES FRÈRES COHEN
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À SURVEILLER EN SALLE L’été tirant à sa fin, on aura de nouveau plus envie de passer du temps devant un écran dans une salle sombre que dehors. Mais qu’est-ce que nous réservent Québec et Hollywood pour les prochains mois? Petit tour d’horizon des sorties cinéma à venir. MOTS | ANTOINE BORDELEAU
Blade Runner 2049
Star Wars Episode VIII: The Last Jedi
Suburbicon
Probablement l’un des films les plus attendus de tous les temps, cette suite au chef-d’œuvre de Ridley Scott réalisée par nul autre que notre Denis Villeneuve national mettra de nouveau en vedette Harrison Ford, qui sera rejoint par Ryan Gosling. Œuvre qui se veut plus qu’une simple suite, aux dires mêmes de Scott, le film explorera plus l’univers futuro-réaliste créé par Philip K. Dick dans son livre Do Androids Dream of Electric Sheep? Blade Runner 2049 sera en salle dès le 16 octobre.
Le premier opus de la saga Star Wars à être sorti des studios de Disney ayant été fortement apprécié tout autant des fans que de la critique, la suite des aventures de Rey (Daisy Ridley), Finn (John Boyega) et Poe (Oscar Isaac) est attendue de pied ferme par les fans de science-fiction. Réalisé cette fois-ci par Rian Johnson, le film nous fera entre autres renouer avec le légendaire Luke Skywalker (Mark Hamill) et porte le titre de Les derniers Jedi. Star Wars Episode VIII: The Last Jedi sera en salle dès le 15 décembre.
Qu’arrive-t-il lorsque les frères Cohen font équipe avec George Clooney? En général, c’est signe que l’on aura droit à un film de qualité. Ce coup-ci, Clooney troque ses souliers d’acteur pour une chaise de réalisateur alors que le scénario est signé par les deux frères. On nous y plonge dans une banlieue américaine tout ce qu’il y a de plus beige où un père de famille (Matt Damon) sera poussé à faire ressortir le plus sombre de son être après un cambriolage meurtrier dans son domicile. Suburbicon sera en salle dès le 27 octobre prochain.
La petite fille qui aimait trop les allumettes
Pieds nus dans l’aube
Darkest Hour
Après s’être frotté aux événements du printemps érable dans Ceux qui font la révolution à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau, Simon Lavoie se lance maintenant dans un projet d’adaptation litté raire en explorant le roman du regretté Gaétan Soucy. Racontant l’histoire de deux adolescents coupés du monde élevés dans l’obscurantisme religieux et devant apprendre à vivre seuls après le suicide de leur père, le film mettra en vedette Marine Johnson et Antoine L’Écuyer. La petite fille qui aimait trop les allumettes sera en salle dès le 3 novembre prochain.
Cette adaptation du roman de Félix Leclerc par son fils Francis, bien qu’elle ne soit pas complètement fidèle au récit original, nous plongera néanmoins au cœur de cette enfance typique de l’entre-deuxguerres. Portant au générique des noms tels que Roy Dupuis, Claude Legault et Robert Lepage, le long métrage devrait être comme un lourd rideau que l’on lève sur l’imaginaire de l’artiste mythique. D’un petit village situé sur les rives du Saint-Maurice, on pourra y voir naître un univers unique. Pieds nus dans l’aube sera en salle dès le 27 octobre.
On peut dire que Winston Churchill ne l’a pas eu facile; à peine entré en fonction comme premier ministre de Grande-Bretagne, il a eu à décider entre négocier un traité de paix avec l’Allemagne nazie ou tenir front et se battre pour les idéaux et les valeurs de sa nation. Ce sont ces instants décisifs de l’Histoire qu’explore ce biopic, où Gary Oldman use de son talent incroyable pour donner vie à un Churchill déchiré entre le public, un sceptique et son propre parti divisé complotant contre lui. Darkest Hour sera en salle dès le 22 novembre prochain.y
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
RÉFUGIÉS Il arrive, bien entendu, que les migrations soient volontaires et choisies. Aux 19e et 20e siècles, dans plusieurs pays comme le Canada, elles ont même souvent été sollicitées: la croissance économique de ces pays demandait en effet l’arrivée massive d’immigrants, attirés pour leur part par la promesse d’un avenir meilleur. Mais de tout temps, de très importants déplacements de populations n’ont été ni choisis ni sollicités; ils ont plutôt été causés par des guerres, par des persécutions ou encore par des catastrophes naturelles – les gens fuyant pour ces raisons les endroits où ils habitaient. Très tôt dans l’histoire, un droit d’asile sera donc pensé pour ces populations, et il sera peu à peu codifié, notamment à partir du 18e siècle. Mais c’est après la Deuxième Guerre mondiale que va se mettre en place le régime politique et légal que nous connaissons aujourd’hui. Un peu d’histoire Pour aller à l’essentiel, devant le chaos engendré par la guerre, on va créer en 1943 l’Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruc tion, devenue en 1946 l’Organisation internationale pour les réfugiés. Puis, en 1950, l’Assemblée générale des Nations Unies fonde le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR); et dès l’année suivante, on adoptera la fameuse Convention relative au statut de réfugiés (ou Convention de Genève). Un réfugié y est défini comme une personne qui «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont
elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays» (Article 2). Cette définition, et ainsi la manière de penser toute la question des réfugiés, est toutefois aujourd’hui mise à rude épreuve: c’est que nous traversons un épisode de crise migratoire sans équivalent, tant par le nombre que par la nature des personnes réfugiées. De nouveaux défis Les causes de cette mutation sont multiples (guerre en Irak, crises et conflits en Syrie, en Libye, en Afghanistan, en Somalie, présence de l’État isla mique, notamment…), mais leur effet est clair. Jennifer Welsh, une experte de ces questions, les décrit par ces mots terribles: «De 2011 à 2015, à l’échelle mondiale, les déplacements forcés de populations ont augmenté de 50%; on est passé de 42,5 à 65,3 millions de personnes déplacées. En 2015 seulement, les conflits ou les persécutions ont poussé plus de 12 millions de personnes supplémentaires à migrer – ce qui représente 34 000 individus par jour, ou 24 par minute, forcés de fuir leurs maisons pour chercher protection et sécurité ailleurs.» Et encore: «[Actuellement] un être humain sur 113 est réfugié, déplacé interne ou demandeur d’asile», tandis que la Méditerranée et ses images tragiques viennent périodiquement nous rappeler pourquoi cette mer est désormais appelée «le cimetière de l’Europe». Cette situation amène de nouveaux défis et elle va inévitablement conduire à repenser les respon sabilités qu’ont les États envers les réfugiés et les moyens d’y faire face. La situation presse d’autant que, comme le rappelle encore Welsh, l’immigration est désormais perçue négativement et que tout cela se joue un peu partout sur un dangereux fond de populisme et de xénophobie. Par exemple,
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les citoyens de tous les pays de l’UE (sauf le Portugal…) donnent l’immigration comme l’enjeu politique le plus important (sondage Eurobaromètre 2015). Ce n’est pas une mince tâche de décider comment il convient d’agir, d’autant que, il faut rappeler ici notre devoir moral, l’Occident a souvent contribué, par ses actions ou par ses inactions, à créer les tragiques situations dans lesquelles tant de ces gens se trouvent aujourd’hui – et dans lesquelles encore plus se trouveront très probablement demain. Avenues de réflexion et d’action Certaines idées qui semblent prometteuses proposent de repenser la définition du concept de réfugié. Par exemple, dès 1985, le philosophe Andrew Shacknove, jugeant trop restrictive celle de 1951, demandait pourquoi on penserait exclusivement en termes de groupes; ou pourquoi, si on continuait à le faire, on n’inclurait pas d’autres groupes (les femmes; les homosexuels, par exemple); et enfin pourquoi d’autres menaces (par exemple économiques) à la possibilité de mener une vie décente ne seraient pas considérées dans la définition d’une personne réfugiée. Désormais, c’est jusqu’à la distinction entre migration volontaire et migration involontaire ou forcée qui devient moins claire, avec tous ces gens fuyant l’insécurité alimentaire, la violence, sans oublier les catastrophes naturelles; et avec elle, c’est tout le cadre conçu en 1951 qui demande à être repensé. D’ailleurs, comment ne pas noter qu’il faudra aussi hélas bientôt, on peut le craindre, prendre en compte ces réfugiés climatiques, fuyant des endroits devenus inhabitables en raison du réchauffement climatique anthropique? Welsh suggère que, en pratique, trois chantiers devraient être ouverts: l’adoption de politiques innovantes plus aptes à répondre à la réalité actuelle des migrations (par exemple: offrir des visas humanitaires aux réfugiés en transit; ou encore, accorder aux réfugiés installés un statut double, grâce auquel, retournant dans leur pays, ils pourraient au besoin revenir dans leur pays d’accueil); valoriser l’apport des talents et des compétences des réfugiés «au lieu de les percevoir comme une charge»; et faire preuve «d’une plus grande considération morale à l’égard de ceux qui sont en quête d’une vie meilleure». Ce sont des pistes qui méritent qu’on les explore. On espère qu’il y en aura de nombreuses autres. Car la question des réfugiés n’a pas fini de nous interpeller. *** Une lecture Jennifer Welsh, Le retour de l’histoire. Conflits et migrations au XXIe siècle, Montréal, Boréal, 2017.
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MARC À LA FERME MARC SÉGUIN S’EST PROMENÉ PENDANT UN AN ET DEMI À TRAVERS LES FERMES ET LES CHAMPS DU QUÉBEC ET D’AILLEURS POUR METTRE AU POINT LA FERME ET SON ÉTAT, UN ÉTAT DES LIEUX DE L’AGRICULTURE D’AUJOURD’HUI. DANS CE FILM DOCUMENTAIRE QUI SONNE COMME UN CRI DU CŒUR, ON VOIT LES NOUVEAUX MODÈLES DE PRODUCTION DURABLE ET ÉCOLOGIQUE SE HEURTER À UN SYSTÈME INADAPTÉ ET RIGIDE. ENTRETIEN AVEC UN RÉALISATEUR-AGRICULTEUR. MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTO | JOHN LONDOÑO (CONSULAT)
Voir: Vous avez vu les choses commencer à bou ger en agriculture il y a une quinzaine d’années… Marc Séguin: Une conscientisation écologique s’est faite mondialement. Au Québec, c’était le début de l’Union paysanne, l’arrivée d’une génération de hippies rêveurs, avec un retour à la terre. Avant, il n’y avait pas de programme universitaire ou collégial en agriculture, maintenant c’est le cas, car il y a une demande. Et jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de demandes de conversion en bio que cette année. Il y a 15 ans, le compost ou le recyclage en ville n’existaient pas; aujourd’hui, ça se passe. Le changement est possible! Prenons l’exemple des bières artisanales: les microbrasseries sont partout, ça fonctionne. Molson et Labatt, qui se sont mis à vendre moins, se sont battus pour l’espace de marché. Mais il y avait tellement de demande des consommateurs pour la bière artisanale que les microbrasseries ont quand même pris leur essor. Ça montre qu’il est possible de penser et de faire différemment. Je pense que c’est surtout une question de temps. Quand la population ne sera composée que de gens nés après 1980, les gens auront conscience des problèmes environnementaux parce qu’ils seront nés là-dedans. L’écologie et l’agriculture durable, ça leur semblera plus normal... De qui va-t-il venir, ce changement? Le changement, c’est quand tout le monde est sur la même longueur d’onde, les politiciens comme
les consommateurs. Et entre eux, il y a les producteurs, qu’il faut aussi considérer. Mais ça dépend beaucoup du consommateur, parce que le gouvernement va l’écouter. Plus les gens vont demander un poulet de pâturage, plus on va se rendre compte qu’il y a une demande… Le gars du IGA va trouver ça drôle une fois, mais au bout de 30 fois, il va vite comprendre qu’il y a des sous à faire! Le consommateur a le pouvoir de créer la demande. Mais pour ça, il doit d’abord être informé. Pourtant, l’agriculture durable, c’est un thème à la mode… On voit souvent des zooms sur ces jeunes qui font autrement, mais ils sont des gouttes d’eau dans l’océan; l’agriculture maraîchère bio par exemple, c’est 3% seulement par rapport au reste. Les gens n’ont pas encore compris que c’était possible. Et pourtant… L’un des couples que j’ai inter rogés m’a dit que sur une mauvaise année, ils faisaient 100 000$ à deux avec deux stagiaires, et 150 000$ sur une année exceptionnelle, avec 0,8 hectare seulement – et ils ont trois mois de congé par an. Le modèle est prouvé, il fonctionne! Sans pesticides, fongicides, etc. Mais tous les rapports sur ces productions sont sur des tablettes et il ne se passe rien. J’ai peur que ça devienne du folklore… Quel est votre but avec ce film? J’aimerais que les gens en sortent informés, qu’ils aient appris des choses. On entend parler de quotas ou de la gestion de l’offre, mais personne ne sait ce que c’est! On mange trois fois par jour,
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«QUAND LA POPULATION NE SERA COMPOSÉE QUE DE GENS NÉS APRÈS 1980, LES GENS AURONT CONSCIENCE DES PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX PARCE QU’ILS SERONT NÉS LÀ-DEDANS.»
la bouffe concerne tout le monde, elle touche aussi le système de santé, et le ministère de l’Agriculture est le troisième plus gros budget au Québec, c’est pas rien. Il est important que les gens sachent ce qui se passe. Mais je ne qualifierais pas ce film d’engagé… C’est une démarche humaine et nécessaire; entre le moment où j’ai décidé de le faire, il y a deux ans, et aujourd’hui, rien n’a avancé. C’est une prise de parole citoyenne. Et tout a été autoproduit: pas une cenne ne vient de vos taxes! Que dit le gouvernement sur le sujet de l’agriculture? J’ai rencontré trois ministres de l’Agriculture, mais je ne les ai pas intégrés au film, car ils m’ont tous servi la même cassette. Il y en a un qui m’a répondu: «L’agriculture au Québec va très bien, regardez, on a fait 1,6 milliard de dollars avec nos exportations de porcs!» Mais le porc que l’industrie fait, c’est de la marde, il a été dégénéré pour faire des longes plus longues et pour pousser très vite. Il est rentable jusqu’à 7 mois, et à 7 mois et
un jour il faut l’abattre, car les subventions n’arrivent plus à compenser la moulée qu’il mange. Soustrayons ces subventions aux 1,6 milliard de dollars, et on verra si l’agriculture va bien! J’ai aussi demandé à rencontrer le premier ministre, mais je n’ai eu aucune réponse… Les ministres, ils ont leurs limites. Il y en a eu deux qui ont quand même été très bons dans l’histoire: Claude Béchard et Jean Garon, qui avait mis de l’avant une politique alimentaire souveraine. Aujourd’hui, plus ça va et moins on mange ce qu’on produit. Et tout le monde a une politique agricole sauf le Québec! Je ne dis pas que les politiciens sont les méchants: ils changent souvent, ils font ce qu’ils peuvent. Je l’ai cherché partout, le méchant! Mais il n’existe pas. Il y a juste un laisser-aller général... Il faudrait par contre qu’il y ait une prise de décision, au lieu de toujours reporter à demain. Qu’est-ce qui devrait bouger au niveau politique, selon vous? Ça doit venir du premier ministre, c’est lui qui va donner le mouvement aux autres ministères. Bien
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«AUJOURD’HUI, PLUS ÇA VA ET MOINS ON MANGE CE QU’ON PRODUIT. ET TOUT LE MONDE A UNE POLITIQUE AGRICOLE SAUF LE QUÉBEC!»
sûr, c’est pas payant politiquement; si on prend une décision pour que ça aille mieux dans 20 ans, qui va récolter les médailles? Ça prendrait le courage d’un politicien qui se dirait que oui, on peut faire mieux avec le budget qui est en place. Sans l’augmenter, il suffirait de migrer les sous ailleurs… 70% du budget de l’État va aller à la santé en 2030: peut-être que si les gens étaient plus en santé en amont, on aurait moins besoin d’injecter de l’argent dans le système, et on pourrait alors le mettre ailleurs. Les politiciens nous disent toujours qu’il y a un projet-pilote en cours, un sommet sur l’alimentation à venir… L’échéance est toujours repoussée plus loin, mais on aurait besoin d’une décision maintenant. Ils ont commandé des rapports mais on n’en fait rien, alors que tout est là: on sait ce que le consommateur veut! Il suffirait de mettre les choses en place. Oui, il y a des gens qui protègent leurs acquis, mais il y a aussi toute une génération de jeunes qui veulent faire autrement, avec une conscience écologique. L’État devrait faire la promotion du bien manger pour que la santé de la population s’améliore. Inci ter les gens, on a vu que ça marchait pour la cigarette: les taxes, le volet éducatif, etc. Ça aurait des répercussions positives sociales.
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Pendant votre enquête, on ne vous a pas toujours donné accès à l’information… Oui, je devais notamment assister à une table ronde du ministère de l’Agriculture sur l’agriculture bio, comme observateur muet. Finalement, on m’a retiré de la liste des invités, sans plus d’explication. Et puis il y a eu des gens qui m’ont appelé en me demandant de ne pas trop taper sur telle ou telle personne dans le film… Je sais que je suis à la bonne place quand les gens m’appellent pour me dire de ne pas trop brasser! Et il y a les statistiques… On a dépensé des fortunes en recherches, des gens ont travaillé avec moi en Scandinavie, au Québec et aux États-Unis, et le seul endroit où on a été incapables d’avoir des statistiques, c’est au Québec! Elles n’ont jamais été mises ensemble et comptabilisées. Grosso modo, y a un milliard en subvention, mais pas moyen de savoir combien va où! C’était les douze
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travaux d’Astérix, cette recherche: les gens se contredisaient, se renvoyaient les uns aux autres pour avoir une info... Même le ministère ne peut pas dire le budget. Ce n’est pas qu’il ne veut pas; il ne le sait pas. Finalement, le système québécois, c’est beaucoup d’aberrations? Oui! Ici, quand tu vas dans un poulailler, tu dois t’habiller comme dans un épisode de X-Files… Si jamais je rentre dans un poulailler en espadrilles et qu’un inspecteur me voit, il boucle la ferme au complet pendant des mois pour être sûr qu’il n’y a pas eu de contamination. C’est hallucinant. Et je ne peux pas vendre un œuf s’il n’est pas passé par un poste de placement… Pareil pour la crise de la listeria. La bactérie est présente sur tous les fromages, mais les autres bactéries saines du lait cru font en sorte qu’elle ne peut pas causer de dommages. Sauf qu’ici, tout est tellement aseptisé que quand la listeria se pointe, elle runne tout. Donc on a fermé plein de froma geries… Aujourd’hui, il y a trois fromageries au lait cru au Québec – contre une vingtaine avant. Les cahiers de charges sont tellement épais et impossibles à suivre que les gens ferment boutique. L’industrie qui a le plus évolué au Québec ces 15 dernières années, en culture hors sol, c’est le fromage de chèvre. Pour une seule raison: il n’y a aucune législation qui l’encadre! Ils sont passés entre les mailles du filet, quelqu’un a oublié d’écrire sur eux et ils sont allés plus vite que la machine. Et on a de super beaux fromages de chèvre au lait cru aujourd’hui… Que pensez-vous de ce qu’on mange au Québec? Actuellement, c’est l’industrie agroalimentaire qui décide de ce qu’on mange. Et elle fait des produits génériques sans goût. Résultat, les gens perdent le sens de l’artisanerie, leur fierté, ils ne savent plus cuisiner et ne connaissent plus le goût des aliments. On s’est sortis de la misère avec la mécanisation de l’agriculture, mais on a perdu quelque chose… Et c’est malheureux. Maintenant, le seul endroit où les gens ont du plaisir, c’est en restauration. Par exemple, je rêve d’un vrai beurre… Ça n’existe pas ici. Tout goûte la marde, parce que c’est le même lait d’un océan à l’autre. D’une race de vache à l’autre, on n’obtient pas le même lait… Mais on a tout standardisé.
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Regarde comme on est fiers du sirop d’érable ici… Eh bien, les camions ramassent les barils, les emmènent à l’entrepôt, font les tests, et quand c’est prêt à être mis en marché, ils versent les barils de toute la province dans une grosse cuve et mettent ensuite ça en cannes. C’est tout mélangé! Et c’est ça qu’on exporte. C’est dommage, car celui que je fais n’a pas le même goût que dans le Bas-du-Fleuve ou en Gaspésie. «Grattez un Québécois, vous trouverez un agriculteur derrière», dit l’un de vos interlocuteurs dans le film… Ici, tout le monde a un grand-père, un oncle, un frère qui est agriculteur. Moi, j’en suis un! J’ai des chèvres, des poulets, des cochons, des chevaux, un potager, une cabane à sucre… Je le fais pour moi. C’est un luxe, je me nourris de ça. Ma tomate n’est pas meilleure que celle d’à côté, mais au moins elle n’est pas venue en camion. Ça devrait être favorisé, les circuits courts, etc., tout le monde devrait y avoir accès! On a déjà eu 80 marchés publics au Québec, et depuis on est tombé à 26.
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Quand je suis arrivé à Hemmingford en 2003, il restait des petits abattoirs dans le village. Quand le propriétaire mourait, l’abattoir fermait; en 12 ans, ils ont tous fermé. Maintenant, il faut mettre les animaux dans un camion et les envoyer loin pour les faire abattre. Par jour, il y a 12 000 porcs sur la 20 qui vont se faire abattre à Lévis…
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«ON VIENT DE DÉPASSER 40 MILLIONS DE DOLLARS POUR ANTICOSTI, ET C’EST PAS ENCORE RÉGLÉ. DONC EST-CE QUE ÇA SERAIT SI GRAVE SI ON METTAIT 100 000$ SUR UN PROJET D’AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE, MÊME S’IL NE FONCTIONNAIT PAS?»
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Vous êtes allé en Scandinavie et aux États-Unis pour comparer les politiques agricoles. Comment est vu le Québec de l’étranger? Quand on parle de nos quotas animaliers avec les agriculteurs du Vermont, ils nous traitent de nazis! J’ai rencontré des gens de l’Ontario qui n’en reviennent pas de ce qui se passe ici. On est vraiment le parent pauvre au Canada, pour la volonté, les idées… Les plus bas quotas possible, c’est ici, le moins d’innovation qui peut se faire, c’est ici. Au contraire, l’Ontario est très en avance. J’ai aussi choisi la Scandinavie, car c’est à peu près le même climat qu’ici. Je me demandais pourquoi ils étaient plus en avance que nous sur l’agriculture durable… Les produits bio sont plus accessibles, ils se retrouvent partout, et les subventions vont à cette agriculture-là. Les gens argumentent souvent que le bio, c’est plus cher… Vous leur répondez quoi? Un poulet, ça coûte 25$ à produire. Quand on te le vend 5$ à l’épicerie, c’est qu’on a subventionné les ventilateurs, les bâtiments, le vétérinaire, les hormones de croissance – un antibiotique, si c’est prescrit par un vétérinaire, on a le droit d’appeler ça «hormone de croissance». Mais si les subventions étaient dirigées vers les gens qui veulent bien faire, le bio coûterait moins cher. On vient de dépasser 40 millions de dollars pour Anti costi, et c’est pas encore réglé. Donc est-ce que ça serait si grave si on mettait 100 000$ sur un projet d’agriculture écologique, même s’il ne fonctionnait pas? Il faudrait qu’on ose prendre des risques, et il faudrait prendre en compte les nouvelles idées, pas juste l’ancien modèle. Certes, on n’arrivera pas en 2018 à nourrir tout le monde avec une agriculture durable ou respec tueuse. Mais est-ce qu’on pourrait quand même faire un peu plus de place à ceux qui veulent le faire, en les subventionnant, ou en limitant les contraintes?
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Quel genre de contraintes? Pour se lancer dans le lait aujourd’hui, il faut que les vaches soient transmises de père en fils, c’est la seule façon de rendre ça rentable. Sinon, faut avoir les moyens de se lancer avec 1,8 million de dettes… Sans casser toute la baraque, on devrait permettre aux gens d’avoir deux vaches, par exemple. Mais on a fait un cadre, et tout le monde doit fitter dedans. Probablement pour faciliter le travail de certains fonctionnaires. En attendant, les seuls qui arrivent à survivre, c’est les exploitations qui grossissent vite et beaucoup. Mais ces gens que j’ai rencontrés, ils n’ont pas l’ambition de grossir. Ils sont heureux s’ils arrivent à manger et à nourrir des gens de leur communauté. On a du mal à comprendre ça, car c’est aux antipodes du capitalisme et de ce qu’on nous dit que devrait être l’ambition humaine. Ils ne détiennent pas de vérité, mais ils font différemment, dans une certaine forme de respect…y La ferme et son État En primeur le 19 et 22 septembre dans le cadre du FCVQ En salle le 29 septembre
QUELQUES CHIFFRES Actuellement, seuls 33% des produits alimentaires consommés par les Québécois proviennent de fermes du Québec. De 2006 à 2011, la superficie agricole totale a diminué de 3,5% et le nombre d’exploitations agricoles de 4%. 10 à 12 millions de dollars sont consacrés aux nouvelles formes d’agriculture, aux petites fermes en démarrage, au bio et à la diversité agricole, sur un budget total qui dépasse le milliard de dollars.
bière et spectacles automne 2017
MON DOUX SAIGNEUR - 15 SEPTEMBRE • WE ARE WOLVES - 22 SEPTEMBRE
MANU MILITARI - 29 SEPTEMBRE • LES COWBOYS FRINGANTS - 13 OCTOBRE CAYA/DUBÉ - 21 OCTOBRE • FRED FORTIN - 28 OCTOBRE
DANIEL LANOIS - 3 NOVEMBRE • THE PLANET SMASHERS - 4 NOVEMBRE GRIMSKUNK - 10 NOVEMBRE • ROBERT CHARLEBOIS - 17 NOVEMBRE GEOFFROY - 18 NOVEMBRE • LES HÔTESSES D’HILAIRE - 2 DÉCEMBRE KEV PARENT - 8 DÉCEMBRE • CAROTTÉ - 23 DÉCEMBRE KEVIN LES TIREUX D’ROCHES - 29 DÉCEMBRE
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IL Y AVAIT LONGTEMPS… MOTS | FRANCO NUOVO
... que je ne m’étais pas laissé sombrer avec tant d’abandon dans la peau d’un tel personnage. Un personnage énigmatique qui navigue entre le génie, la folie, la carence émotive et la violence qui en découle.
souvenir lointain. Il y a quelques semaines, cependant, ce grand gaillard aux yeux sombres et à la bouche rieuse est venu en studio nous livrer un édito-slam de son cru; parce que l’homme est aussi slameur, poète, dramaturge et romancier.
Je n’avais pas lu David Goudreault. Or, je l’avais croisé une première fois à la radio, il y a des années, quand il a remporté la première Coupe du monde de poésie à Paris. Franchement, c’est un
L’émission terminée, il m’a demandé si j’avais lu ses romans. À ma plus grande honte, j’ai dû répondre que non, mais que je me les étais procurés. Ce qui était vrai.
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> Et puis, le mois d’août ouvrant la porte aux vacances, je suis parti avec ses trois bouquins dans mon sac. Avec des titres comme La bête à sa mère, La bête et sa cage et Abattre la bête, je ne savais trop à quoi m’attendre sinon que j’allais rencontrer une bête. Je n’étais même pas certain de passer à travers la trilogie, pas certain de trouver dans ces pages de quoi partir en voyage, m’évader, m’envoler librement. Et pourtant… Le voyage que m’a offert Goudreault a davantage occupé mon esprit que le va-et-vient de l’océan. Trois livres, un seul personnage psychopathe et carencé, trois univers si différents l’un de l’autre et une seule quête, l’amour. L’amour d’un fils pour une mère névrosée qui l’a abandonné.
«Maître absolu de son coin de trottoir, la maîtresse au rabais offrait maintenant ses sourires à toutes les voitures daignant ralentir. La vie lui avait passé sur le corps, en surcharge, avec des pneus cloutés, allerretour. Une vraie pute de rue, avec les fissures et le vécu des infrastructures vétustes de la métropole. Comme le stade, il aurait fallu la couvrir, la réparer, l’aimer un peu. Mais il était trop tard, elle ne s’aimerait plus jamais elle-même. Fallait la garder intoxiquée, ce serait trop souffrant de la laisser dégeler. Des engelures plein le cœur et la tête perforée de l’intérieur, c’est la dope qui la tenait debout, et à genoux. C’est fort la dope. Surtout sur la rue Ontario… Les putes s’usent plus vite que les femmes bénévoles. À force de vendre son cul, on n’arrive plus à racheter son âge… Et elle offrait des blow jobs à tous les Jos Blos croisant sa route…» David Goudreault sait écrire et écrire bien. Il autopsie l’âme des désespérés de la terre dans des univers tous plus glauques, dysfonctionnels et déficients les uns que les autres. Or, qu’on suive le parcours de la bête, c’est une chose. Que l’auteur nous plonge dans des univers anxiogènes en parvenant à nous attendrir, à nous faire comprendre sa détresse, c’en est une autre. On ressent rapidement pour elle, cette bête, non pas de la pitié mais de la tendresse, de l’empa thie, de la compassion. Quels que soient les gestes horribles qu’elle pose, on ne parvient pas à la détester. Tout comme Mary Shelley a su dissimu ler le monstre derrière l’humanité inattendue de Frankenstein, la bête se fragilise sous nos yeux. Et on l’aime. C’est documenté. Ha! ha! Ce «c’est documenté» qui rebondit au fil des récits comme des pierres plates sur l’eau nous rappelle avec cynisme que malgré les apparences de réa lité, nous sommes bel et bien dans le romanesque. C’est aussi cette façon qu’a David Goudreault de manier l’humour, de dépeindre son monde, sa culture, ses chanteurs, de jouer avec les mots, de confondre volontairement les acteurs de sa société sans pour autant les noyer dans l’incohérence.
La bête (puisqu’il faut ainsi l’appeler) est obsédée par des retrouvailles, par une tendresse imaginaire, par une image, par des fantasmes. Déséquilibrée, rien ne l’arrête, ni les familles d’accueil qui «l’accueillent» pour mieux la jeter, ni le crime nourri de déraison, ni la prison et son insanité, ni l’hôpital psychiatrique et ses inconséquences, ni même la rue où elle se sent mieux, chez elle et à l’abri dans les bras d’une vieille pute.
Ces trois bouquins, je les ai dévorés. J’ai capoté. Ma compagne n’attendait même pas que j’aie terminé d’en ingérer un pour y mordre à son tour. Et à la fin du troisième, comme la bête: «J’ai survécu au destin et vaincu la mort, ne me reste plus qu’à tuer le temps». y Abattre la bête (2017) La bête et sa cage (2016) La bête à sa mère (2015) Stanké
AUDRÉE WILHELMY PHOTO | GRASSET/JFPAGA
FRANÇOIS RIOUX PHOTO | JUSTINE LATOUR
ROGER DES ROCHES PHOTO | NATHALIE CONSTANS
MATHIEU BÉLISLE PHOTO | D.R.
57 RENTRÉE CULTURELLE LIVRES
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE EN TITRES Cet automne, nous attendons de pied ferme la nouvelle portée de bouquins d’auteurs d’ici et d’ailleurs. On garde l’œil ouvert pour ces romans, essais et recueils de poésie. MOTS | JÉRÉMY LANIEL
Romans Deux écrivaines ont décidé, en cette rentrée 2017, d’occuper le territoire. D’abord Audrée Wilhelmy, l’auteure derrière Oss (Leméac, 2011) et Les sangs (Leméac, 2013), qui nous revient avec un troisième roman, Le corps des bêtes, poursuivant ainsi son œuvre avec cohérence et concision. Dans une ville portuaire du bout du monde, une jeune fille espère qu’un jour son oncle lui ouvrira la porte de sa chambre pour l’éduquer aux élans du corps. En attendant, elle fréquente le bois et les bêtes. (En librairie) De son côté, l’écrivaine chicoutimienne Lise Tremblay publie au Boréal L’habitude des bêtes, un roman qui promet une plongée dichotomique en bonne et due forme entre le bien et le mal. Les loups refont surface dans la réserve faunique près d’une municipalité de Saguenay et rapidement deux camps se formeront: certains désireront les éradiquer, d’autres voudront cohabiter avec eux. Ces citoyens armés en plein cœur du village viendront dessiner une cicatrice vive de laquelle émaneront des histoires passées qu’on aurait préféré garder enfouies. (À paraître le 23 septembre) Traductions Après le succès trop confidentiel de l’excellent Du ventre de la baleine (Boréal, 2012), on aura enfin le plaisir de redécouvrir le génie narratif de l’écrivain terre- neuvien Michael Crummey avec la traduction de Sweetland chez Leméac. Une île au large de Terre-Neuve se voit relocalisée; tous les habitants la quittent sauf un.
Moses Sweetland, maintenant seul, aura le loisir d’alors vivre dans le passé. (À paraître le 18 septembre) Les éditions Triptyque traduisent cet automne Les argonautes de Maggie Nelson. Ni fiction, ni essai, ni biographie, ni récit, ce livre rappelle I Love Dick de Chris Krauss publié l’année dernière chez Flammarion en raison de son caractère hybride. Une réflexion qui jumelle tout: l’amour, le sexe, la maternité et les transformations incessantes qui font de nous des êtres de chair. (En librairie) Après Aki Ollikainen et Gyrðir Elíasson, les éditions La Peuplade poursuivent leur collection «Fictions du Nord» avec l’écrivaine groenlandaise Niviaq Korneliussen et son roman Homo sapienne. Il s’agit d’une nouvelle – et d’une rare – voix littéraire issue de ce pays, nous offrant un roman queer en plein cœur des contrées nordiques. Fort probablement l’un des romans les plus dépaysants de l’automne. (À paraître le 26 septembre) Essais Bienvenue au pays de la vie ordinaire. Voilà déjà un titre d’essai un brin provocateur qui n’est pas pour nous déplaire. Mathieu Bélisle signe un livre qui se veut une réflexion sur l’homme moyen qui peuple notre société, celui que le manque d’ambition ou de curiosité aveugle les possibilités et les désirs, les gardant trop bien cachés sous un drap d’ignorance. Qu’adviendrait-il s’il osait un jour regarder plus haut? (À paraître en octobre)
Frédérick Lavoie parvient toujours dans ses livres à ramener à échelle humaine des enjeux qui trop souvent nous dépassent. Avec Avant l’après: voyage à Cuba avec George Orwell, l’écrivain et journaliste se plonge au cœur de cette période de flottement qui a cours à Cuba à la suite du départ de Fidel Castro. Au détour de ce témoignage des derniers milles du régime castriste, Lavoie tente au même moment de comprendre pourquoi le régime a décidé d’autoriser la publication de 1984, œuvre phare et antitotalitariste de George Orwell, en 2016. (À paraître le 24 octobre) Poésie On ne sait rien encore du prochain recueil de poésie de François Rioux autrement qu’il nous arrivera en libraire cet automne, intitulé L’empire familier au Quartanier. Fort de son Prix des libraires pour son deuxième recueil, Poissons volants (Le Quartanier, 2014), Rioux offre une poésie du quotidien, mais il parvient à le sublimer, à lui rendre sa superbe. Avec des références tantôt littéraires, tantôt populaires, Rioux écrit avec un humour certain pour célébrer nos inextricables détresses à la petite semaine. (À paraître le 23 octobre) Roger Des Roches manie la langue comme une saison que lui seul peut habiter. Après plusieurs dizaines de recueils de poésie publiés, Faire crier les nuages paraîtra cet automne aux Herbes rouges et on s’attend à ce qu’il poursuive cette recherche poétique qui occupe a posteriori toute son œuvre. Une soif insatiable de concision et d’évocation qui, à chaque recueil, nous submerge telle une vague scélérate. (À paraître le 23 octobre) y
ART CONCEPTUEL RÉALISÉ POUR ASSASSIN’S CREED ORIGINS PAR RAPHAËL LACOSTE
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BEAUTÉS LUDIQUES L’INDUSTRIE VIDÉOLUDIQUE EST L’UNE DE CELLES AYANT LE PLUS ÉVOLUÉ DANS LES 20 DERNIÈRES ANNÉES, TOUT AUTANT DU POINT DE VUE TECHNOLOGIQUE QU’ARTISTIQUE. EN FAIT, LES AVANCÉES TECHNIQUES ONT PERMIS À SES ARTISANS VISUELS D’ÉTENDRE LEUR IMAGINAIRE ET DE RÉALISER UN OBJECTIF PRIMORDIAL: CRÉER DES UNIVERS CAPTIVANTS. MOTS | ANTOINE BORDELEAU
Pour le joueur moyen, il peut être parfois difficile de concevoir justement l’immense tâche qu’est la direction artistique dans un jeu vidéo. Alors qu’on s’extasie devant les graphiques de plus en plus époustouflants des consoles et des ordinateurs modernes, il est plus rare que l’on considère la genèse de ce qui défile devant nos yeux, c’est-à-dire la véritable naissance d’un environnement visuel réalisé par des illustrateurs à l’imagination débordante. Raphaël Lacoste, directeur artistique senior sur la série Assasin’s Creed, explique sa profession: «Le métier évolue tout au long de la production d’un jeu. Comme directeur artistique, je suis le projet de la conceptualisation jusqu’à sa réalisation. Au départ, on définit un monde avec des illus trations avant qu’il soit modélisé et recréé en 3D. C’est avant tout un travail de création d’un genre de bible graphique avec laquelle on peut arriver, avant que les artistes 3D se mettent au boulot, devant le head office et présenter l’univers visuel d’un jeu.» Travaillant actuellement sur Assassin’s Creed Origins (réalisé chez Ubisoft Montréal), dont l’action se situera au sein de l’Égypte antique, l’équipe de Lacoste s’est retrouvée devant un défi intéressant. Devant combiner un angle historique avec un autre très créatif, elle a
eu à réimaginer une grande portion de la toile visuelle du monde qu’elle devait dépeindre: «Comme il ne reste actuellement que très peu de références en Égypte de ce qu’on voulait créer, on a eu beaucoup de marge créative. Bien que l’on se soit basé sur des références historiques, on a laissé place à notre imagination en se basant sur ce que l’on voulait transmettre visuellement: un monde très épique, qui déclencherait des émotions chez le joueur en ayant des dimensions extrêmes dans les bâtiments, en jouant avec les contrastes. Tous ces moments visuels impressionnants que l’on vit en jouant, ça part toujours de choix artistiques que l’on montre en dessin, avant tout. Un coup que c’est mis en 3D, je suis pour ma part garant de la qualité visuelle dans le jeu. Je dois m’assurer que tout ce qu’on a imaginé est efficacement recréé dans le moteur du jeu.» Alors que le travail à abattre est absolument massif dans ce contexte semi-historique, celui de créer un univers de toutes pièces comprend également des difficultés très marquées. Si l’on n’est pas entouré de la bonne équipe, il peut s’avérer très ardu de fabriquer un monde où le joueur aura envie de passer des dizaines d’heures, de trouver le bon équilibre entre réalisme et imaginaire
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OBTENIR
PLUS
D’ARGENT POUR MANGER AU RESTO?
OUI C’EST POSSIBLE!
RAPHAËL LACOSTE, DIRECTEUR ARTISTIQUE SENIOR SUR LA SÉRIE ASSASIN’S CREED PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
débridé. «C’est beaucoup plus complexe à réali ser, mentionne Lacoste, quand tu pars de rien. Il faut que tu aies des personnes avec toi qui ont des visions très fortes. L’inspiration vient toujours de choses que l’on connaît, d’une culture générale. On peut puiser dans Blade Runner pour dessiner les premières planches d’un jeu de sci-fi, par exemple. Faut avoir une bonne culture visuelle.» Il mentionne au passage que des gens de tous les milieux finissent dans son équipe. Alors que certains ont étudié aux Beaux-Arts, il y en a d’autres qui ont des diplômes scientifiques. «Le profil de l’illustrateur en jeux vidéo est incroya blement varié. Si on a une vision claire et un coup de crayon solide, on a des chances. Ça prend surtout une imagination très développée.» À travers ses nombreuses années passées à mener la barque visuelle de la marque Assassin’s Creed, Raphaël Lacoste a également eu la chance de voir son métier évoluer grandement. Les contraintes techniques étant très importantes sur les anciennes plateformes, les artistes devaient volontairement modifier leur approche: «Ça nous forçait à nous rapprocher plutôt d’un côté cartoon. On voulait faire de très beaux jeux et on le pouvait, mais les limitations des machines nous empêchaient d’aller dans le réalisme, qu’on écartait donc des choix créatifs. Ça amenait des directions beaucoup plus graphiques, des ambiances plus fantastiques.» De nos jours, les processeurs graphiques permettant
«SI ON A UNE VISION CLAIRE ET UN COUP DE CRAYON SOLIDE, ON A DES CHANCES. ÇA PREND SURTOUT UNE IMAGINATION TRÈS DÉVELOPPÉE.» des prouesses visuelles inouïes, c’est précisément au directeur artistique de fixer les limites. «Je pense que l’art vient toujours avec des contrain tes. Si tu te dis que tu peux faire n’importe quoi, ce n’est pas non plus une bonne chose. Il faut que tu te forces à créer dans des lignes plus définies. Si ta seule contrainte c’est de donner dans le réalisme, c’est à mon sens beaucoup moins intéressant, parce qu’il n’y a pas de direction, pas de choix.»
Assasin’s Creed: Origins paraîtra sur PC, PS4 et Xbox One le 27 octobre prochain
OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE IL S’INSPIRE DES ESTHÈTES DU 17e SIÈCLE, DES HOLLANDAIS SURTOUT, POUR REPRODUIRE DES NATURES MORTES FAUSSEMENT HIGH-TECH ET IRONIQUES. UNE PRODUCTION AUSSI RIGOLOTE QU’ENGAGÉE. MOTS | CATHERINE GENEST
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(EN HAUT) BLACK FRIDAY, HUILE SUR TOILE, 188 X 283 CM (74’’ X 111’’), 2016 (EN BAS À GAUCHE) HI & LO (DEVANT LA FOULE), HUILE SUR TOILE, 188 X 283 CM (74’’ X 111’’), 2016 (À DROITE) HI & LO (DEVANT PIETER CLAESZ), HUILE SUR TOILE, 188 X 283 CM (74’’ X 111’’), 2016
Chicoutimi. C’est là qu’on rejoint le natif de Saint-Gédéon, Saguenéen d’adoption qui aura finalement regagné le nord du parc après un exil montréalais. Un séjour prolongé dans la métropole qui, ça n’a rien d’anodin, l’aura amené à occuper un emploi en animation 3D après des études en infographie – «c’était bien à la mode dans l’autre millénaire», se moque-t-il en trahissant son âge. Lauréat de la première bourse du Projet D’Artagnan remise par le Centre Bang et nouveau poulain dans l’écurie de l’enthousiasmante Galerie 3, Julien Boily a le vent en poupe. On reconnaît son singulier travail à ses motifs de lecteurs VHS et autres téléviseurs cathodiques désuets, des objets qu’il peint à l’huile avec grand réalisme lors qu’il ne génère pas virtuellement ses propres gadgets. «Je les crée avec des logiciels de modélisation. Même s’ils n’existent pas, ils ont comme une familiarité ou une espèce d’effet naturel, si on veut.» Des bibelots au design épuré, mais au look un tantinet suranné, comme autant de luminaires clignotants et de réveille-matin perpétuellement en spécial chez La Source ou feu RadioShack. Ces bidules fictifs longuement dessinés deviennent des toiles dans lesquelles se reflètent toutes sortes de décors. L’amusant Hi&Lo (Devant Pieter Claesz) en est un bel exemple, un diptyque de boules miroitantes qui laissent voir l’écran d’un PC ouvert sur le fil d’actualité Facebook, un ordinateur posé sur une table de victuailles à l’ancienne. «C’est carrément la citation d’une œuvre de Pieter Claesz. Je me suis vraiment payé un trip! J’ai fait une copie littérale de ce tableau-là. […] C’est pour ça que l’expo [présentée à Québec] s’appelle Hors champs. Dans pratiquement toutes les œuvres, je fais référence à ce qu’il y a à l’extérieur, ce qui est réfléchi dans les objets.» Cette toile, c’est aussi un commentaire sur notre dépendance au réseau social, sur la manière dont on se divertit et dépense notre argent. Boily réfléchit aux considérations actuelles sans moralisation aucune. C’est un homme de son temps. «On parle beaucoup du numérique, c’est presque devenu galvaudé comme mot. Moi, j’essaie d’en parler, mais plutôt que de faire de l’art numérique, j’utilise des médiums plus traditionnels. L’idée d’éclairer une scène avec un écran, c’est une petite blague à propos de la lumière. C’était l’une des grandes préoccupations des peintres de l’époque, des préimpressionnistes.» Bien qu’empreinte d’humour, sa pratique frôle la critique sociale: c’est un regard posé sur le gaspillage, sur tous ces biens dont on se lasse et qu’on finit par jeter parce qu’ils sont démodés, parce que le nouveau modèle est sorti en magasin. Les tableaux de Julien Boily nous renvoient à un quotidien pas si lointain, à ce iPod nano de première génération ou ce PS1 qui gisent quelque part au fond d’un dépotoir. Des bouts de métal et de plastique qui génèrent envie puis désintérêt à une vitesse folle, les preuves les plus flagrantes de la folie du consumérisme qui nous ronge à peu près tous. y Hors champs Du 8 septembre au 8 octobre Galerie 3
Bistrot Corse
MARGOT FONTEYN, SHARY BOYLE, 2013. ENCRE SUR PAPIER, 18 X 26 CM. (COURTOISIE DE L’ARTISTE)
DEUX FOIS TOI FOIS TROIS, FANNY MESNARD, 2017. ENCRE SUR PAPIER VÉLIN, 75 X 100 CM. (COURTOISIE DE L’ARTISTE)
PLATFORM GAME3, KAMIL KOCUREK, 2016. IMPRESSION EN TAILLE-DOUCE, 77 X 41 CM. (COURTOISIE ENGRAMME)
LE MONT ANALOGUE, NICOLAS PUYJALON, 2009/2013. ENCRE SUR PAPIER, 75 X 104 CM. (COURTOISIE L’ŒIL DE POISSON)
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JEUX D’ENFANTS Ils nous ont charmés par leurs signatures picturales uniques, leurs propositions ludiques. Mais attention: les apparences sont parfois trompeuses! Un propos dur, sombre ou profond se cache sous l’emballage givré de leurs œuvres. MOTS | CATHERINE GENEST
Cabinet des curiosités On laisse notre imagination virevolter dans tous les sens devant les personnages qui peuplent les sculptures, les toiles et les dessins de Fanny Mesnard. Des créatures aussi fascinantes qu’un conte des frères Grimm, des animaux masqués en érection et autres petits mutants à la sexualité décomplexée qui nous accrochent un sourire au passage. On flanche pour ces figurines de céramique aux lignes un rien naïves, pour la finesse de leurs détails qui évoque un tantinet l’art inuit. Une esthétique toute en délicatesse, des pièces trempées dans des coloris pastel que l’artiste locale enjolive aussi de savants mélanges de motifs. Bizarre et mignon! Secrets de bestiaire, à la bibliothèque Gabrielle-Roy, du 23 septembre au 17 octobre.
Matière grise Géométriques et austères, les gravures monochromes du Polonais Kamil Kocurek évoquent le constructivisme de cette URSS qu’il n’a pourtant pas eu le temps de connaître. Teintées de références rétro, mais
intensément actuelles dans leur propos, ses images mettent en garde contre la soif de violence de certains dirigeants politiques et de leurs militants. C’est un puissant plaidoyer pacifiste à prendre au deuxième niveau, une vision post-apocalyptique de notre monde si une Troisième Guerre mondiale venait à éclater. Des motifs de missiles, des G.I. Joe armés jusqu’aux dents, des figurines sur des barques gonflables et des chars d’assaut qui donnent froid dans le dos autant qu’ils suscitent la tristesse. Topography of War, à la galerie d’Engramme, du 27 octobre au 26 novembre 2017. Bouffonneries Mimes, clowns et autres pierrots inspirent la nouvelle série de la captivante Shary Boyle. Une artiste ontarienne devenue absolument incontournable dans le paysage contemporain canadien, une sculptrice et dessinatrice mieux connue pour ses poupées de porcelaine décapitées et autres motifs un peu gores qui flirtent avec les bibelots kitschs. Cette fois, par contre, elle rend hommage aux artistes de
la scène et du cinéma. Des légendes comme la ballerine Margot Fonteyn (photo), Charlie Chaplin ou encore Jean-Louis Barrault, interprète du personnage de Baptiste dans le vieux film français Les enfants du paradis. The Smile at the Bottom of the Ladder, du 17 novembre au 17 décembre à la Galerie 3. Culture fusion Nicolas Puyjalon est Français, mais c’est dans la cosmopolite capitale allemande qu’il a fait son nid. Depuis son atelier de Berlin, le plasticien et perfor meur concocte des installations aussi amusantes que réfléchies. Sa prochaine offrande s’articule autour du mobilier japonais (la pièce centrale étant un tatami), de la céramique portugaise, de l’architecture de son compatriote Le Corbusier, des mots de la chorégraphe légendaire Pina Bausch et de la pornographie homosexuelle. D’improbables mariages! If Walls Could Talks, du 20 octobre au 19 novembre à l’Œil de Poisson. y
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
LES PRINCES ABSOLUS Les princes absolus, ou d’autres personnes accoutumées à une déférence illimitée, ressentent ordinairement cette entière confiance dans leurs propres opinions sur presque tous les sujets. John Stuart Mill, De la liberté Il y a quelques semaines, des amis anglo phones m’interpellaient en affichant une profonde indignation à la suite du vote des jeunes libéraux contre la mise sur pied d’un projet-pilote favorisant l’intégration d’élèves francophones dans le système scolaire anglophone. Je leur ai promis que j’y reviendrais en défendant cette position avec des arguments fondés sur des faits plutôt que sur mes émotions. Comme le hasard fait bien les choses, à peu près au même moment, mon plus vieux chum qui connaît mon intérêt pour les échanges philosophiques m’invitait à souper chez lui en compagnie d’un philo sophe qu’on entend régulièrement sur les ondes de Radio-Canada: Jocelyn Maclure. Comme quelqu’un qui tomberait face à face avec le Grand Mandrake, je n’ai pu m’empêcher de lui poser quelques questions afin d’étoffer ma réponse: — Jocelyn, je base souvent mes réfle xions sur des faits, des statistiques et des études. Je suis un grand défenseur de notre langue et de notre culture, mais j’ai de la misère à les défendre autrement qu’en utilisant des arguments émotionnels. — Ce ne sont pas des arguments émotionnels, m’a-t-il répondu. Défendre le français, c’est défendre des valeurs com munes, établies par la majorité. Défen-
dre sa culture et sa langue, c’est un choix démocratique. Quand la majorité déterminera qu’il s’agit d’une cause qui n’en vaut plus la peine, le Québec passera à autre chose. En partant, Jocelyn m’a remis son dernier livre, Retrouver la raison, que je me suis empressé de lire en arrivant à la maison. C’est là que j’y ai trouvé cette citation de John Stuart Mill, que j’ai mise en exergue et sur laquelle je médite depuis. Ai-je moi-même, comme les princes absolus, trop confiance en mon opinion? Cette question allait me rattraper... Samedi dernier, Le Devoir publiait un sondage qui indiquait clairement qu’une majorité de Québécois sont pour un relâchement des règles encadrant l’accès aux écoles anglophones...
La Ronde en tentant d’assommer avec un marteau chacune des marmottes qui sortent par hasard des trous du stand. Au bout de 48 heures, après avoir bloqué près de 200 personnes, il n’en sortait plus beaucoup. Plusieurs commentaires me reprochaient de bloquer des gens qui émettaient des opinions contraires aux miennes. T’as beau refuser en bloc l’adversité, certains propos continuent de te miner l’humeur. Un passage du livre de Jocelyn Maclure m’est revenu à l’esprit, comme pour m’inviter à retrouver la raison, justement... «Par la discussion et l’expérience – mais non par la seule expérience – [l’homme] est capable de corriger ses erreurs: la discussion est nécessaire pour montrer comment interpréter l’expérience.»
*** *** J’ai publié le mois dernier un message sur Facebook à propos de La Meute qui m’a valu des réactions disparates. Il faut dire que mon message était très dur et ne faisait pas dans la dentelle. Je disais que ceux qui affichent le logo de ce regroupement sur leur page ne sont pas différents de ceux qui soutiennent le KKK. Aucun des messages que j’ai publiés sur les médias sociaux n’a reçu autant de J’aime et de J’adore, tout en suscitant, en parallèle, autant de commentaires virulents. Des messages haineux, d’une rare méchanceté. Je me suis braqué, je ne pouvais pas croire ce que je lisais. J’ai pris quelques heures à lire les commentaires, à me pomper, puis à bloquer chacun des belligérants, un peu comme quand vous dépensez quelques dollars à
L’hiver dernier, j’ai croisé le chemin d’un jeune homme du nom de Benoît. À peine âgé de 14 ans, ce garçon possède un sens politique et un esprit de synthèse comme j’en rencontre rarement chez mes contemporains. C’est en partageant une bouchée avec lui samedi dernier qu’il a échangé quel ques-unes de ses observations avec moi. Des observations qui allaient sérieusement bousculer ma vision du monde. — L’élite est déconnectée, me disait-il. Ce que la population dit, ce n’est pas qu’elle ne veut pas d’immigrants, c’est qu’elle a peur et qu’elle veut que ça se fasse comme du monde. Ce n’est pas en les traitant de xénophobes et de
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> racistes qu’on va mettre le couvercle sur la montée du populisme. — Tu es certain, Benoît? Comment en es-tu venu à développer ton sens critique, ta lecture politique? — J’en suis absolument certain. Je n’é coute aucun média populaire, pas de LCN, pas de Radio-Canada, je n’ai jamais écouté ça, c’est juste de la propagande. Je préfère écouter la lutte japonaise et les médias alternatifs. Il faut que vous compreniez que c’est fini, les enfants de la loi 101. Les conversations dans les cours d’école se déroulent de plus en plus dans la langue maternelle des nou veaux arrivants. Nous ne sommes plus une communauté, nous sommes plusieurs communautés et ça fait peur pour la sauvegarde de notre identité. On ne veut rien savoir d’un post-nationalisme à la Trudeau dont les Ontariens se contentent. Je vous avais prévenus, ce Benoît est articulé et drôlement lucide. Une fois
de plus, je m’interroge devant les arguments de ce jeune que je trouve allumé et brillant: devais-je remettre en question ma propre opinion?
aussi que nos enfants bénéficieront d’un plus important accès au marché du travail s’ils sont parfaitement bilingues et que ce bilinguisme n’est pas une menace à la survie de notre langue.
*** Il faut reconnaître que la société québécoise fait face à plusieurs dilemmes importants qui vont nécessiter réflexions et débats et requérir éventuellement l’introduction d’un nouveau cadre législatif. Il faudra bien être capable d’établir ce dialogue dans le plus grand respect, avec la volonté de protéger nos valeurs communes. Les dilemmes sont nombreux: être ouvert à l’immigration tout en pro tégeant notre langue et notre culture; accueillir les musulmans et les juifs hassidiques tout en établissant clairement que notre société n’accepte pas de discrimination basée sur le sexe; aider les anglophones à protéger leurs institutions tout en défendant le français comme langue commune et fondement de notre culture, mais en reconnaissant
Bref, il faudra réconcilier toutes ces posi tions qui nous semblent parfois irré conciliables. Tout un défi! Alimenter mes réflexions et faire évo luer ma pensée à travers les critiques acerbes sur les médias sociaux, les réfle xions des philosophes comme Jocelyn, l’indignation de mes amis anglophones, le sens politique d’un jeune comme Benoît et de tous ces autres humains autour de moi, c’est un exercice que je souhaite pratiquer davantage. Parce que l’un des plus grands dangers qui nous guettent est certainement de nous transformer en princes absolus qui n’écoutent plus personne. Merci d’être nombreux à m’en empêcher. y
UN COUPLE DANS LA DÉMESURE 12 OCTOBRE 2017 – 7 JANVIER 2018 Présentée par
Une exposition organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec, en partenariat avec le Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. Avec le soutien de la Succession Jean Paul Riopelle et de la Joan Mitchell Foundation, New York. Photo : Heidi Meister, photographe, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle dans le séjour de l’appartement de la rue Frémicourt, Paris, 1963. Archives Joan Mitchell Foundation. © Heidi Meister Œuvre représentée : Jean-Paul Riopelle, Pleine Saison, 1954, huile sur toile, 129 × 160 cm. Collection particulière © Succession Jean Paul Riopelle / SODRAC (2017)
Soutenue généreusement par
Avec la collaboration de
partenaire des activités
MNBAQ.ORG
QUOI FAIRE
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PHOTO | NEIL MOTA
MUSIQUE
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PIERRE KWENDERS LE CERCLE – 22 SEPTEMBRE
Le Montréalo-Kinois embrasse une esthétique plus sensuelle que jamais! Un afrobeat teinté par la pop et le R&B qui invite aux déhanchements langoureux.
QUOI FAIRE 69 VOIR QC
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WE ARE WOLVES LE CERCLE – 23 SEPTEMBRE
Retour à l’automne 2016. Les princes de la dance punk montréalaise revenaient à la charge avec Wrong, un cinquième album mordant et pavé de sonorités électro. Décoiffant.
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HOMMAGE À BOWIE ET PRINCE – OSQ GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC – 5 ET 6 OCTOBRE
COURTOISIE OSQ
Quelques mois après avoir revisité le répertoire d’ABBA, le chef David Martin retrouve la formation ontarienne Jeans’n Classics pour répéter l’exercice autour des répertoires de Bowie et de Prince.
UZEB
ENVOL & MACADAM
PALAIS MONTCALM – 8 SEPTEMBRE
DU 7 AU 9 SEPTEMBRE
LES DEUXLUXES
Alain Caron, Michel Cusson et Paul Brochu profitent du 35e anniversaire de l’album Fast Emotion pour remettre leur mythique groupe sur les rails. Des as du jazz fusion, des musiciens d’exception qui continuent de nous envoûter avec leurs créations instrumentales indémodables.
The Planet Smashers, Bodh’aktan et Streetlight Manifesto dans une même soirée à l’Îlot Fleurie, des groupes de la Tchéquie (I Love You Honey Bunny), du Mexique (Cavernoise) et d’ici… Envol & Macadam se fait beau pour sa 22e édition!
LE CERCLE – 9 SEPTEMBRE
Le rock’n’roll n’est pas mort! La charismatique (c’est un euphémisme) Anna Frances Meyer et Étienne Barry offrent un Traitement Deuxluxe, un concert séduisant et musicalement sans faille.
LEFÈVRE ET LE CONCERTO DE QUÉBEC – CONCERT D’OUVERTURE
LE RENDEZ-VOUS DES GRANDES GUEULES
LES VIOLONS D’AUTOMNE
À TROIS-PISTOLES, EN DIVERS LIEUX
SAINT-JEAN-PORT-JOLI
GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC - 20 ET 21 SEPTEMBRE
DU 3 AU 8 OCTOBRE
DU 21 AU 24 SEPTEMBRE
Cet automne, vivez 21 ans d’histoires pas possibles! Le festival le Rendez-vous des Grandes Gueules c’est une trentaine de spectacles de contes à Trois-Pistoles et ses environs, c’est une rencontre avec des conteurs et conteuses de la francophonie à la parlure et aux imaginaires colorés.
Saint-Jean-Port-Joli vous convie à un grand voyage musical pour célébrer le violon, les violonistes de tous azimuts et la musique mettant à l’honneur l’instrument, quels qu’en soient l’époque et le style. Spectacles, danse, gala du violon traditionnel, exposition de lutherie et activités pour tous.
Fabien Gabel, chef d’orchestre Alain Lefèvre, piano Œuvre d’un grand romantisme composée par un prodige alors âgé de 14 ans, ce concerto pour piano d’André Mathieu, mieux connu sous le titre de Concerto de Québec, met en lumière le génie de celui qu’on a déjà appelé « le Mozart québécois ».
LES DEUXLUXES, PHOTO | JOHN LONDOÃ&#x2018;O
JERUSALEM IN MY HEART, PHOTO | MELANIE MARSMAN
UN MOMENT PRIVILÉGIÉ À S’OFFRIR UNE VÉRITABLE OASIS DE DÉTENTE CONTEMPORAINE AU CŒUR D’UN SITE NATUREL EXCEPTIONNEL...
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JERUSALEM IN MY HEART LE PANTOUM – 23 SEPTEMBRE
L’instrumentation moyen-orientale et l’électro font bon ménage avec Radwan Ghazi Moumneh, l’artiste libano-québécois à l’origine du projet multidisciplinaire Jerusalem in My Heart. Une proposition tout à fait unique alliant musique et projections vidéo.
PAUPIÈRE LE CERCLE – 14 SEPTEMBRE
Formé de Pierre-Luc Bégin (We Are Wolves, feu Polipe), de l’artiste visuelle Julia Daigle et de la comédienne Éliane Préfontaine, le trio électro Paupière décore ses chansons de synthétiseurs au son agréablement suranné. Un chic clin d’œil aux années 1980!
YES GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC – 18 SEPTEMBRE
Jon Anderson, membre fondateur de Yes, est de passage chez nous pour nous chanter les plus belles pièces de ce groupe phare du rock progressif. Trevor Rabin, Rick Wakeman, Lee Pomeroy et Louis Molino III complètent la formation.
XIU XIU LE CERCLE – 20 SEPTEMBRE
Difficile à classer, la musique du Californien Jamie Stewart (seul membre stable de ce groupe à géométrie variable) est une vaste expérimentation autour du malaise et du rock, des dissonances comme des refrains presque pop. Formidablement bizarre.
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Pour bien commencer la soirée avec un bon repas, un idéal pour les amateurs de spectacles! Situé à deux pas de la Salle Albert-Rousseau.
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CHRIS DE BURGH GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC – 30 SEPTEMBRE
Toujours inspiré, l’auteur-compositeur-interprète irlandais passe par la Vieille Capitale pour nous offrir les chansons de son plus récent opus intitulé A Better World. Un concert parsemé de grands succès comme High on Emotion, Spanish Train et, bien sûr, The Lady in Red.
BIRDMAN SYMPHONIQUE PALAIS MONTCALM – 21 SEPTEMBRE
Le Festival de cinéma de la ville de Québec s’associe avec le batteur Antonio Sánchez, ce grand musicien américano-mexicain qui a remporté un Grammy pour la trame sonore du film d’Alejandro González Iñárritu.
GUY BÉLANGER THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN – 6 OCTOBRE
Indissociable de l’œuvre du regretté Bob Walsh, l’harmoniciste Guy Bélanger a aussi collaboré avec Céline Dion et Les Colocs, pour ne nommer qu’eux. Un virtuose, le grand maître auquel à peu près tous les musiciens québécois font appel lorsqu’ils ont besoin d’une dose d’harmonica.
QUOI FAIRE 75
SCÈNE
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NOTRE BIBLIOTHÈQUE THÉÂTRE PÉRISCOPE 29 ET 30 SEPTEMBRE
Christian Lapointe invite une vingtaine de lecteurs et une poignée d’improvisateurs musicaux à donner vie aux livres qui auront été laissés dans les petites bibliothèques libreservice de Montcalm et Saint-JeanBaptiste. Un spectacle présenté en continu de 18h à minuit. < PHOTO | THÉÂTRE BLANC
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BIENVEILLANCE LA BORDÉE – DU 12 SEPTEMBRE AU 7 OCTOBRE
La Montréalaise Fanny Britt est l’auteure de cette histoire qui tourne autour d’un dilemme moral, un texte qui sera mis en scène par la non moins talentueuse Marie-Hélène Gendreau – la même qui nous avait donné les brillantes relectures de Trainspotting et des Marches du pouvoir.
LA COUR SUPRÊME PREMIER ACTE – DU 19 AU 30 SEPTEMBRE
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Hommeries, c’est le nom de la troupe, promet de faire rire jaune avec cette création collective. Un texte écrit par les six mains de François-Guillaume Leblanc, Paul Fruteau de Laclos et Valérie Boutin – des figures de la relève qui s’imposent de plus en plus.
QUOI FAIRE 77 VOIR QC
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ENCORE UNE FOIS SI VOUS PERMETTEZ SALLE ALBERT-ROUSSEAU – 2 OCTOBRE
PHOTO | CAROLINE LABERGE
Guylaine Tremblay et Henri Chassé sont en ville! Ils nous offrent leur interprétation de ce beau texte de Tremblay, cette histoire d’amour entre une mère et son fils qui avait d’abord été portée par la regrettée Rita Lafontaine.
78 QUOI FAIRE
CINÉMA
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IT EN SALLE LE 8 SEPTEMBRE
De nombreux enfants disparaissent dans la petite ville de Derry, Maine, puis sont retrouvés mutilés de façon horrible. Pendant que la terreur gagne la communauté, un groupe de sept jeunes unis par leur rencontre affreuse avec un clown malveillant et diabolique. Ils tenteront de l’éliminer, dans le but de faire cesser l’horreur qui menace leur ville. <
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L A G IROLLE
STRONGER EN SALLE LE 22 SEPTEMBRE
Afin de reconquérir sa petite amie coureuse, un ouvrier vient l’attendre derrière le fil d’arrivée du marathon de Boston. Une explosion, à quelques mètres d’où il se trouve, lui fauche les deux jambes. S’amorce pour lui et elle un véritable parcours du combattant pendant lequel ils essaieront de se retrouver.
BATTLE OF THE SEXES EN SALLE LE 22 SEPTEMBRE
Biopic portant sur la joueuse de tennis américaine Billie Jean King. Numéro un mondial de sa discipline dans le début des années 1970, elle devient une véritable star en 1973 en participant à la «bataille des sexes», lorsqu’elle relève le défi d’affronter le champion Bobby Riggs sur un court.
LES ROIS MONGOLS EN SALLE LE 22 SEPTEMBRE
Dans le Montréal d’octobre 1970, la famille de Manon, 12 ans, est sur le point de tomber en ruine, alors qu’elle et son petit frère doivent être placés dans une famille d’accueil. S’inspirant de la crise politique ambiante, elle décide de prendre en otage une vieille dame avec ses deux cousins pour revendiquer son propre futur. En première au FCVQ le 13 septembre au Palais Montcalm >
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KINGSMAN – THE GOLDEN CIRCLE EN SALLE LE 22 SEPTEMBRE
Kingsman, l’élite du renseignement britannique en costume trois-pièces, fait face à une menace sans précédent. Alors qu’une bombe s’abat et détruit leur quartier général, les agents font la découverte d’une puissante organisation alliée nommée Statesman, fondée il y a bien longtemps aux États-Unis. Face à cet ultime danger, les deux services d’élite n’auront d’autre choix que de réunir leurs forces pour sauver le monde des griffes d’un impitoyable ennemi, qui ne reculera devant rien dans sa quête destructrice.
AMERICAN ASSASSIN EN SALLE LE 15 SEPTEMBRE
DÉLICES
d'ailleurs et d'ici
Nouvelle recrue d’une équipe d’élite officiant pour le contreespionnage américain, Mitch Rapp va suivre un rude entraînement mené par Stan Hurley, formateur légendaire de la CIA. Face à une vague d’attaques terroristes sans précédent, les deux hommes vont devoir s’associer à un agent turc afin d’arrêter un individu aussi dangereux qu’insaisissable, ayant pour intention de déclencher une guerre au Moyen-Orient. >
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KINGSMAN – THE GOLDEN CIRCLE
THE SWINDLERS | ROBIN BOULIANNE LES ÉVADÉS | TRIO SIN FRONTERAS PASCAL GEMME ET YANN FALQUET | DAGDAD TRIO KONOGAN | DUO PAGANINI JEAN-FRANÇOIS BÉLANGER | DANSE CADENCE DUO COTNAM GAGNON MALDAGUE ET MARTIN AUCOIN CAPUCINE MAL GABRIEL FAURE | VIOLON DINGUE GALA DES VIOLONEUX | CLASSE DE MAÎTRE VEILLÉE DE DANSE TRAD | FEST-NOZ EXPOSITION DE LUTHERIE | JAM SESSION
PASSEPORT 60$ VIOLONS-AUTOMNE.COM 1 866 598-9465
Plus qu’une épicerie traiteur!
Heure d’ouverture de 7h à 18h De 7h a 19h les jeudis et vendredis
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ARTS VISUELS
C’est aussi un espace café où savourer de délicieux plats, salades, croissants, sandwichs et desserts, où tout est préparé p dans notre cuisine.
JOCELYNE ALLOUCHERIE, IMAGE TIRÉE DE GÉOMÉTRIE, 2017 PHOTO | COURTOISIE DE LA BANDE VIDÉO
JOCELYNE ALLOUCHERIE LA BANDE VIDÉO – DU 9 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE
Lauréate des prix Paul-Émile Borduas et Jean-Paul Riopelle au début des années 2000, la Montréalaise Jocelyne Alloucherie continue de marquer les esprits avec son esthétique sculpturale et sa palette monochrome, voire austère.
ANDRÉE-ANNE DUPUIS-BOURRET ENGRAMME – DU 8 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE
C’est avec une myriade de papiers imprimés et pliés que l’artiste Andrée-Anne Dupuis Bourret construit ses installations aux formes souvent géométriques. Des œuvres de très grands formats, certes, mais regorgeant de petits détails.
ACHROMATOPSIE L’ŒIL DE POISSON – DU 8 SEPTEMBRE AU 9 OCTOBRE
Anne-Valérie Gasc, Marie-Andrée Godin, Jean-Charles RemicourtMarie, Ezzio Puglia, Estelle Evrard, Sylvain Bouthillette et Hugo Nadeau se rassemblent pour une exposition collective «à base d’ondulations chromatiques». Une réflexion sur la société actuelle, promet-on.
JOAN FONTCUBERTA VU – DU 8 SEPTEMBRE AU 14 OCTOBRE
418 687-9420
1292, avenue Maguire Québec (Qc) G1T 1Z3
L’artiste espagnol est la vedette de la rentrée chez VU! Un grand maître de la photographie plasticienne contemporaine qui a vu ses œuvres présentées au MoMA et au Centre Georges-Pompidou, notamment.
PP 40010891