Magazine Voir Québec V02 #10 | Octobre 2017

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QUÉBEC VO2 #1O | OCTOBRE 2O17 MITCHELL/RIOPELLE NICOLA-FRANK VACHON LOUIS-JOSÉ HOUDE ALEXANDRE FECTEAU LINA CRUZ BOOGAT KEITH KOUNA MAUDE AUDET DARAN PIEDS NUS DANS L’AUBE SUR LA LUNE DE NICKEL À LA TABLE DES PREMIÈRES NATIONS

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DENIS VILLENEUVE



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QUÉBEC | OCTOBRE 2017

RÉDACTION

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PHOTO COUVERTURE Jocelyn Michel | leconsulat.ca

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«C’EST QUE LE FILM, EN SOI, VALAIT LA PEINE D’ÊTRE FAIT, POUR SA POÉSIE ET SA PHILOSOPHIE IDENTITAIRE PRESQUE PARANOÏAQUE.» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière Maquillage | Sophie Parrot Production | Martine Goyette (Consulat)

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SCÈNE Louis-José Houde Alexandre Fecteau Nicola-Frank Vachon Lina Cruz

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MUSIQUE Boogat Keith Kouna Maude Audet Daran

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CINÉMA Pieds nus dans l’aube Sur la lune de nickel

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ART DE VIVRE À la table des Premières Nations

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LIVRES Du conte à la fable Julie Mazzieri: La Bosco Naomi Fontaine: Manikanetis

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ARTS VISUELS Mitchell/Riopelle

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QUOI FAIRE CHRONIQUES Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p18) Monique Giroux (p34) Normand Baillargeon (p46) Alexandre Taillefer (p60)


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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

TAXI SPLEEN ILLUSTRATION | ERIC GODIN

Je suis d’avis que les chauffeurs de taxi ont besoin d’un peu d’amour par les temps qui courent. C’est que depuis quelques années, ils mangent toute une volée de bois vert. Ils sont devenus les punching bags d’une sorte de frustration de l’homo numericus qui s’indigne devant tout ce qui n’est pas branché sur ses préférences et son profil d’utilisateur. Moi, j’aime le taxi. Je ne vous le dis jamais, car vous me diriez que je me frotte sur mon boss, le Dragon, qui signe une chronique à la fin de ce magazine et qui est aussi propriétaire d’une entreprise de taxis. Comprenez mon désarroi, si je vous parle des taxis, on pensera que je lui fais une job de relations publiques. Si je ne vous en parle pas, on pensera que je suis contraint au silence. Allez choisir. Je suis mal foutu anyway. Vous penserez bien ce que vous voudrez, mais bon, j’aime le taxi, comme je vous disais. J’ai le même numéro de téléphone depuis près de 20 ans que je compose dès que je veux commander une voiture. Je me souviens même qui me l’a donné. Une amie, décédée trop jeune depuis, m’avait laissé une carte d’une compagnie collée sur la porte du frigo avec un aimant. Avant d’avoir ce repère affiché dans ma cuisine, j’ouvrais tout bonnement le bottin, toujours à la même page, pour trouver ces précieuses annonces qui épousaient souvent la forme des luminaires posés sur les toits des voitures. Hochelaga, Coop, Diamond, Champlain, des noms enracinés dans mon patrimoine. Ensuite, j’ai fini par apprendre par cœur le numéro de téléphone laissé par cette amie sur mon frigo. Je ne l’ai jamais oublié. Sans doute un effet de la providence, car le bottin téléphonique allait bientôt disparaître. Fin d’une époque. J’aime le taxi. Beaucoup. Dans toutes les villes où je vais, j’aime prendre un taxi. Je l’attends avec impatience à l’aéroport ou à la gare avec mes valises. C’est ma porte

d’entrée, mon premier contact. Le chauffeur, c’est le premier que je rencontre. Une sorte d’ambassadeur de la faune urbaine. Dans tous les endroits du monde où j’ai pu me promener, j’ai au moins un souvenir d’une course en taxi. Au Québec, j’en ai des centaines. J’aime regarder arriver dans la nuit les lumières de tou­ tes les couleurs sur les voitures. J’aime cette incertitude, faire un signe de la main, se demander s’ils ou elles vont s’arrêter, ouvrir une portière pour découvrir une sorte d’univers habité par son chauffeur, la musique, le match de sport qu’il écoute pour passer le temps. J’aime ce sentiment d’être étranger, de dépendre un peu du hasard, de ne pas être maître de la situation. J’aime de tout cœur cet inconfort. Puis-je vous dire, un peu, combien vous me faites chier avec tous vos gadgets qui fabriquent un monde à partir de vos préférences, vos algorithmes, votre géolocalisation qui ne laisse plus rien au hasard, vos applications qui me disent à l’avance le nom du chauffeur, sa couleur de peau, la taille de ses chaussures et le temps qu’il me reste avant d’arriver à destination? Puis-je vous dire comment je m’ennuie avec tous ces cossins intelligents, à la fine pointe de la technologie, qui m’appellent par mon nom, comme si on se connaissait, qui me demandent où je veux aller, d’où je veux partir et quelle est ma recette favorite de crêpes aux bananes au cas où on passerait devant un commerce participant qui vend justement du sucre en poudre? Dans toutes ces discussions sur l’industrie du taxi, ce qui me fatigue le plus, c’est cette suffisance qui s’exprime avec tant d’aisance lorsque vient le temps de gueuler au service à la clientèle du taxi traditionnel. Je ne sais plus comment ç’a commencé, il y a quel­ques années, mais toutes les doléances sont apparues en même temps. Le taxi est devenu, d’un seul coup, le véhicule de toutes les frustrations, le symbole même de notre retard sur ce grand projet du monde numérique qui est en marche.

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Dans ce torrent de plaintes, on pointe les voitures qui sont toutes croches, ces chauffeurs qui parlent trop fort, qui se trompent de chemin, qui parlent au téléphone. Ça brasse, ça rebondit, les amortisseurs usés comme ma défunte mère qui cognent dans les nids-depoule, ils ne sont jamais au bon endroit au bon moment et, allez, n’ayons pas peur des mots, il y a le bruit et l’odeur… Toujours le bruit et l’odeur... Et même le son des marteaux-piqueurs si vous ouvrez la fenêtre. Difficile de ne pas voir dans cette marée de lamentations une condamnation en règle d’un secteur d’activité qui en arrache, où les emplois sont précaires. Toute cette indignation envers les taxis est marquée par un refus catégorique d’entrer en contact avec quoi que ce soit qui nous bouscule dans notre confort singulier. Là où on serait en droit d’espérer un peu de fraternité envers ces aspérités du destin ordinaire, c’est le grand je-me-moi global et universel qui se braque, avec une certitude agaçante, pour passer la sableuse afin de créer un monde d’une platitude désarmante. Comprenez qu’il faut que ce soit bien lisse, bien lubrifié. Il nous faudrait une application pour les gouverner tous. Peu importe où vous débarquez, soyez rassurés, on vous promet la même expérience, on vous protège de l’in-

connu. Partout on vous appellera par votre prénom. Bienvenue à bord, Jimmy! Comment puis-je vous aider aujourd’hui? Je vois dans votre profil d’uti­li­sateur que vous aimez le jazz fusion, laissez-moi rendre votre parcours agréable selon vos préférences. Et n’oubliez pas, en partant, de laisser une appréciation sur votre expérience. Il y a un mot pour ça: l’ennui. Et imaginez-vous donc, comme si ce n’était pas encore assez plate, qu’on nous explique que ce grand progrès ne sera finalisé que lorsqu’on sera parvenu à mettre sur la route des taxis sans chauffeurs. Aucun doute, l’humanité est en route et avance rapidement. Non merci. Moi, j’aime le taxi. Je l’aime comme il est, ou à peu près. Faut-il changer des règles qui datent d’une autre époque? Sans doute. Peut-on améliorer le service et soigner certains irritants? Bien sûr. Mais ce faisant, si au nom de l’efficacité numérique mondiale, nous devons javelliser toutes les bigarrures de l’humanité, pour créer un monde confortable, sans surprise, sans hasard, sans étonnement, oubliez-moi pour toujours. Je vais marcher. y

sjodoin@voir.ca


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ÉLOGE DE LA LENTEUR QUINZE ANS APRÈS SON ENTRÉE FRACASSANTE SUR LA SCÈNE HUMORISTIQUE QUÉBÉCOISE, LOUIS-JOSÉ HOUDE PROPOSE PRÉFÈRE NOVEMBRE, UN SPECTACLE «CRÉÉ DANS UNE URGENCE RAISONNABLE». MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

«Ça devient cliché à entendre, je sais, mais c’est l’œuvre qui me ressemble le plus, celle que je trouve la plus honnête», explique l’humoriste de 39 ans à propos de ce quatrième spectacle en carrière, qu’il considère plus près du récit intime de Suivre la parade, son deuxième, que du vigoureux feu roulant des Heures verticales, son subséquent. L’Apollinarois revendique ici son attachement au mois des morts, celui de l’indolence et du relâchement après l’été qui s’étire. Un paradoxe marqué pour un humoriste verbomoteur à l’énergie scénique bien connue: «C’est dur à croire, mais je suis pas quelqu’un d’euphorique. En m’écoutant parler dans la vie de tous les jours, je me suis rendu compte que j’étais toujours celui qui voulait pas aller à telle place, qui préférait rester chez lui. Je crois que c’est en pratiquant le métier d’écriture que je suis devenu comme ça. À travers les années, j’ai développé une grande capacité de solitude, un grand intérêt pour l’isolement.» Après une ode à la lenteur en introduction, Houde élargit sa thématique et décortique les raisons qui poussent l’humain à avoir peur de mourir. «Mon constat, c’est que cette peur-là vient probablement d’une peur de pas en avoir assez profité. Mais t’sais, c’est pas si simple que ça, en profiter. Qu’est-ce qu’il faut faire dans

la vie pour profiter de tout pis avoir du fun?» demande l’humoriste, avant de poursuivre sur le contenu de son spectacle. «Après ça, je m’intéresse à des sujets plus sociaux, une première dans ma carrière. J’ai même un numéro sur l’eau! Je pensais jamais que ça m’arriverait…» Bref, Préfère novembre n’est pas le spectacle conceptuel qu’il peut laisser sous-entendre. Loin de vouloir se cantonner à un seul sujet, l’artiste réfléchit aussi à la place des femmes dans sa vie, au célibat «passé 35 ans», à la monoparentalité. Des thématiques somme toute originales dans un style d’humour d’observation aux ramifications souvent redondantes. «Je voulais que ce soit personnel, mais y a des histoires là-dedans qui m’appartenaient pas à 100%. Y a un numéro, par exemple, que j’ai dû enlever parce que la personne impliquée dans le récit m’a pas donné l’autorisation de le raconter. Je me suis toujours fait un devoir de demander la permission avant de rendre ça public, à moins que ce soit une vieille anecdote qui s’est déroulée y a 16 ans à Alma à deux heures du matin», nuance-t-il judicieusement. Le plus épuré possible Comme d’habitude, Houde a fait appel à son fidèle metteur en scène Joseph Saint-Gelais.

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Repris à plusieurs sauces depuis, ce style d’humour sans artifices est toujours aussi populaire au Québec, autant dans les galas Juste pour rire qu’au comédie club Le Bordel. Copropriétaire de cette salle inaugurée il y a deux ans, Houde se dit plutôt heureux qu’un endroit comme celui-ci existe à Montréal, une ville qui a mis du temps avant de suivre la ten­dance des soirées d’humour hebdomadaires en vogue dans les banlieues et les régions depuis plus de 15 ans. «C’est un lieu qui favorise l’écoute. On l’a pensé pour qu’il soit physiquement sans failles. Je dis pas que les shows le sont, mais l’endroit, oui!» blague-t-il.

«C’EST MOI AVEC UN MICRO PIS UN RIDEAU D’OPÉRA EN ARRIÈRE. Ç’A L’AIR DE RIEN DE MÊME, MAIS UN RIDEAU DE QUALITÉ COMME ÇA, ÇA COÛTE CHER EN ESTI...»

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Fan de stand-up classique depuis l’adolescence, cette époque où il louait en boucle les deux seuls spectacles d’humour américain en VHS de son club vidéo, l’humoriste a encore une fois tenu à ce que le décor l’entourant soit le plus épuré possible. «C’est moi avec un micro pis un rideau d’opéra en arrière. Ç’a l’air de rien de même, mais un rideau de qualité comme ça, ça coûte cher en esti... Pas mal plus que des cristi de ballounes pis des cubes avec des trampolines!» Cette recette de spectacle simple, essentiellement axée sur le contenu des blagues et la présence scé­ nique de l’humoriste, Louis-José Houde la répète depuis son tout premier one-man-show, qui l’a révélé instantanément au grand public. Au tournant des années 2000, cette tendance héritée du comedy club new-yorkais n’avait toutefois pas la cote au Québec. Très précis, voire chirurgical, dans ses études des mécanismes humains, l’artiste s’est rapidement démarqué sur une scène humoristique à bien des égards sclérosée. «Je suis vraiment arrivé dans une transition, alors que l’humour à personnages était encore très fort. Mis à part pour des gars comme Patrick Huard, François Massicotte et François Morency, le stand-up d’observation, c’était relativement nouveau ici, se rappelle-t-il. J’essayais d’amener des nouveaux thèmes... J’avais pas de numéro sur le mariage, mais ça me dérangeait pas de parler de pâte à dents ou de pot de cornichons pendant quatre minutes.»

En manque de plateformes et d’espaces de diffusion il y a moins de 10 ans, la relève occupe une place de choix dans la dizaine de spectacles programmés chaque semaine au Bordel. En découle une proximité plus grande entre les générations d’humoristes. «On crée beaucoup de temps de scène, les gens se croisent beaucoup en coulisses. À titre d’exemple, avant Le Bordel, je devais connaître quatre humoristes de la relève au Québec, alors que maintenant, je dois en connaître plus de 50 par leurs noms, explique-t-il. Ce que j’aime tout particulièrement de la relève actuelle, c’est qu’elle tente pas de plaire à tout le monde. Beaucoup de jeunes humoristes ont construit leur public et se louent eux-mêmes des salles de 200, 300 personnes. C’est très différent de mon époque où tu faisais le tour des bars du Québec et que t’atten­ dais pendant sept ans de faire le Saint-Denis. Y a comme un entre-deux qui s’est créé, une classe dans le milieu.» Visiblement allumé par l’audace de ses collègues, Louis-José Houde se sert parfois de sa tribune au Bordel pour sortir de sa zone de confort. «J’y vais par essai-erreur, et ce que je remarque, c’est qu’avec moi, les gens ont le “honnnnnn!” très facile. À côté, t’as Mike Ward qui peut dire n’importe quelle obscénité et ça applaudit comme jamais, mais moi, je dis que quelqu’un est un peu grasset et les spec­tateurs sont déçus. On dirait que ça fait trop longtemps que je suis implanté dans le milieu pour changer de style, et de toute façon, c’est pas quelque chose que je voudrais faire, assure-t-il. Par contre, j’ai une anecdote scatologique que j’voudrais enregistrer et crisser dans une voûte pour que quelqu’un la ressorte à ma mort. J’ai 3, 4 numéros dégueulasses de même à mettre dans mon testament.» y Préfère novembre Du 21 au 24 novembre à la Salle Albert-Rousseau Supplémentaires: 19 et 20 janvier 2018 au Grand Théâtre de Québec


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MIEUX VAUT EN RIRE Alexandre Fecteau aborde la mort de plein front. Un thème qui rend à peu près tout le monde mal à l’aise mais qui, finalement, fait intrinsèquement partie de la vie. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTOS | MARILOU BOIS


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l est le père du NoShow, ce spectacle interactif portant sur la précarité financière de ses potes comédiens, ce blockbuster théâtral qui continue de tourner dans les vieux pays après presque une centaine de représentations. Quel dramaturge local est capable de pareil exploit, à part, bien sûr, Robert Lepage? Alexandre Fecteau a le vent en poupe, ça ne date pas d’hier. C’est lui qui a audacieusement dépoussiéré Les fées ont soif à la Bordée, lui qui a coordonné la dernière mouture du parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant…? au Carrefour international de théâtre de Québec. Dans la ville d’Ex Machina, il est possiblement le plus digne héritier du maître. De retour en 2011, il nous entraînait vers sa Changing Room, une pièce aussi sensible que grivoise, un texte hyperréaliste boni­ fié d’un décor immersif recréant Le Drague entre les murs du Périscope. C’est dans l’ablation du quatrième mur qu’il excelle, c’est indéniable, mais également dans la mise en lumière des personnes marginalisées ou éprouvées. Des portraits profondément humains livrés par des acteurs qui partagent son goût pour l’autodérision. «Ça me représente bien. En allant chez le psy, j’ai jamais pleuré, mais j’ai beaucoup, beaucoup ri.» Cette nouvelle création, titrée en l’honneur des hôpitaux homonymes, tend à recréer l’ambiance des salons funéraires, ces instants où on pouffe de rire avec les cousins, les amis, en étant étouffé par le décorum morbide. Hôtel-Dieu se divise en trois parties: le deuil, la souffrance, le rituel. «Le but, c’est pas de faire du bien ou de guérir. C’est d’aller à la rencontre de ce dont on ne parle pas.» Douleurs en chroniques Plutôt que de faire appel à des comédiens virtuoses, à sa muse Frédérique Bradet et à tous les autres, l’auteur a recruté ceux qu’il appelle ses experts. Des individus comme Michèle Tousignant, une amie du cégep, jadis sa camarade dans une troupe de théâtre amateur, une jeune maman avec une histoire toute particulière. «Moi, c’est ma fille qui est décédée. C’était mon deuxième enfant, je l’ai perdue en fin de grossesse. C’est pour ça qu’Alex m’a approchée. [...] J’ai toujours été confortable avec ça, je pense que c’est important d’en parler davantage. Ce n’est pas une peine qui est tellement reconnue, légitimée.» Le deuil périnatal, donc, mais également le suicide d’une sœur, la sclérose en plaques d’une danseuse, le récit d’un type qui a coupé les ponts avec ses parents Témoins de Jéhovah... L’inclassable production explore toutes ces afflictions et un tas d’autres à travers huit intervenants triés sur le volet. Des témoignages présentés dans un écrin scénographique des plus sobres, question de laisser toute la place à la parole de ces femmes et de ces

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hommes assez généreux, assez braves, pour par­ tager leurs parcours cruellement atypiques. «Un théâtre vaccin» «Nous sommes ici» a toujours donné dans le docu­ mentaire sauf que, cette fois-ci, le D.A. pousse le concept à son paroxysme: chaque membre de la distribution incarne son propre rôle, toutes les anecdotes racontées sont véridiques. Une démarche, disons, plus radicale, même si cette dernière offrande en date, la première en près de quatre ans d’ailleurs, porte toujours l’empreinte de la compagnie. Les caméras de coulisses façon Gob Squad reviendront, le metteur en scène nous le garantit, idem pour cette notion d’interactivité qui lui est si chère. C’est au cours du troisième segment, celui portant sur les rituels, qu’Alexandre a choisi d’intégrer le public. «Chacun d’entre eux nous a amené dans leur affaire pendant un après-midi, une répét’ au complet. Nous, on a vécu ça sur plusieurs semaines et ç’a été fantastique. Je me suis dit: “Ouais, c’est ça qu’il faut faire vivre au public.”»

«LE BUT, C’EST PAS DE FAIRE DU BIEN OU DE GUÉRIR. C’EST D’ALLER À LA RENCONTRE DE CE DONT ON NE PARLE PAS.» Hôtel-Dieu n’est pas une pièce thérapeutique et, de toute façon, son chef d’orchestre n’aurait jamais la prétention du mot. C’est plutôt une proposition artistique qui répond à des carences, à l’une des plus grandes lacunes du genre humain. «On prend quand même beaucoup de temps dans le spec­ tacle pour nommer à quel point les gens sont pas bons avec ces sujets-là. Je trouve qu’on est incompétents non seulement pour en parler, mais aussi pour réagir.» Avec un peu de chance, le spectacle fera réfléchir aux lieux communs mièvres, aux «niaiseries» (c’est le mot qu’utilise Fecteau) qui peuvent être dites pour consoler les endeuillés. Parfois, souvent en fait, vaut mieux se contenter d’écouter. Et de fermer sa gueule. y Lieu et dates à confirmer Consultez le site internet du Périscope theatreperiscope.qc.ca

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MOURIR POUR MIEUX S’OUVRIR DEVENUE UN LIEU TOURISTIQUE PRISÉ, L’ISLANDE EST UNE TERRE FASCINANTE, UN BOUT DU MONDE UNIQUE, À LA FOIS FANTASTIQUE ET ARIDE, EXPLOSIF ET CALME. LE THÉÂTRE PARFAIT POUR L’HISTOIRE D’HYPO, DE NICOLA-FRANK VACHON. MOTS | MICKAËL BERGERON

PHOTO | NICOLA-FRANK VACHON / PHILIP LAROUCHE

Inspiré par le décès d’un ami comédien mort jeune d’un cancer, Nicola-Frank Vachon s’est demandé ce qu’il ferait, lui, si ça lui arrivait. Dans Hypo, un homme apprenant sa mort imminente abandonne tout et se pousse en Islande, le lieu parfait pour mourir. Ou pour se redécouvrir. Muter. Se reconnecter en se déconnectant du reste du monde. Malgré la prémisse sombre, le trio au cœur d’Hypo assure que la pièce n’est pas lourde, mais bien tendre et drôle. Dès le début de l’écriture, Nicola-Frank Vachon a écrit le second rôle en pensant à Mary-Lee Picknell, tandis que Maryse Lapierre a rapidement voulu faire la mise en scène. Les deux amies auront même insisté auprès de l’auteur et comédien pour qu’il se pousse un peu afin de poursuivre le projet, deve­ nant ainsi une création commune. «Il part mourir à sa façon», raconte Nicola-Frank à propos du personnage masculin dont on n’apprend pas le nom, ni celui de la femme qu’il croisera sur son chemin et qui décide de le suivre sur sa route vers la mort.

airs philosophiques. «C’est un huis clos dans un grand dehors», résume l’auteur. Maryse Lapierre assure que la pièce est aussi bien rythmée, malgré une focalisation sur le quotidien des deux héros. «Ils visitent plusieurs lieux. Parfois, c’est au bord de la mer, d’un volcan ou sur une terre. C’est une pièce très cinématographique», précise la metteure en scène. Plus encore, le folk sera présent par la musique. Nicola-Frank Vachon et Mary-Lee Picknell chanteront plusieurs chansons, «tout seul, mais ensemble». Des chansons de répertoire, plus ou moins connues, grâce au musicien Philippe Larouche qui sera aussi sur scène. Hypo, c’est donc un voyage dans l’immensité, mais aussi dans l’intimité de la vie. Et ça tombe bien, Premier Acte permet cette intimité. y Du 10 au 28 octobre à Premier Acte

Elle, elle est bouillante, attirée par le chaos, par le gouffre, par la fin du monde qu’il représente. Lui, il a un détachement intellectuel, utopiste, désire se déconnecter du monde. «Ça clique super vite entre les deux personnages, mais ils se disent dès le départ qu’ils ne s’attacheront pas, que c’est temporaire», ajoute Mary-Lee. On n’en apprend pas tant sur le passé des personnages, une volonté plutôt qu’un oubli. Qu’est-ce qui se passe vraiment? Nicola-Frank a semé ici et là quelques doutes. «On a tous une vision et une interprétation différente de ce qui arrive», ajoute la metteure en scène. Malgré la trame de fond qui interroge notre connectivité, en ligne comme avec le monde, le trio a voulu donner une touche folk à ce roadtrip aux «IL PART MOURIR À SA FAÇON», RACONTE NICOLA-FRANK À PROPOS DU PERSONNAGE.»

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C’est avec un spectacle onirique bouillonnant de vie que s’amorce la nouvelle saison de La Rotonde, derrière les portes neuves de la Maison pour la danse, désormais grandes ouvertes au public. MOTS | ÉMILIE RIOUX

PHOTO | MAXIME DAIGLE

Un vent de fraîcheur semble souffler sur la ville, tourbillonnant autour de la récente inauguration de la Maison pour la danse. Alors que la scène locale trépigne d’impatience à l’idée d’explorer le large potentiel de ces nouvelles installations, c’est à la chorégraphe Lina Cruz que revient l’honneur d’y présenter un premier spectacle. Pratiquement créée pour cette occasion spéciale, la pièce Triptyque Cryptique met en scène six interprètes de chez nous, au confluent des générations

et des genres. Trois duos, en trois temps. «Pour moi, c’est un petit jardin où il y a trois merveilleux arbres. Chaque duo est une vignette, une histoire différente. Ce qu’ils ont en commun, c’est ma gestuelle et mon imaginaire. J’essaie quand même de créer des duos distincts, mais ce sont les interprètes qui font vraiment la différence», explique la chorégraphe, enthousiaste. D’abord imaginé autour de Jean-François Duke et de Fabien Piché, le spectacle s’est bonifié d’une


17 pour revenir à ses racines, quelles que soient les embûches. «Les trois, quatre premiers jours, je me mordais la langue. J’avais le goût de passer des commentaires et de faire des suggestions. Le chorégraphe en moi bouillonnait. Il a fallu que je me parle. […] Je viens d’avoir 50 ans. Si je veux refaire de la scène, c’est now or never.» Impossible pour l’interprète de ne pas s’investir complètement au service de l’univers de la choré­ graphe, que Rhéaume qualifie à la fois d’humoristique, d’étrange et de profondément humain. Une folie débridée qui exige un travail très fin et détaillé pour les danseurs dirigés avec passion, jusqu’à peindre les trois tableaux corporels et musicaux offerts aux spectateurs. Création cryptique «Il y a toujours une petite histoire», explique Lina Cruz avant de détailler le parcours du spectacle. Il y a Tunnel 3, où Harold et Lydia occupent l’espace tels des superhéros, capables d’habiter dans un tunnel et de s’organiser une belle vie avec quelques pierres. Puis, Tempo al dente, où le travail du temps et de l’insouciance habite la gestuelle des deux jeunes interprètes féminines, «comme deux petits chats qui jouent avec une horloge, sans savoir à quoi elle sert». En attendant la nuit blanche met en scène deux hommes, dans un espace vide et vaste. «J’ai développé l’idée des deux copains qui plongent dans une nuit d’insomnie. Je suis fascinée par le sommeil et le monde des rêves. La magie onirique finit par opérer même si on est éveillé, dans un état d’âme altéré.» Ces lignes dramaturgiques filent dans l’imaginaire de la chorégraphe après plus d’une centaine d’heures de création et autant d’allers-retours entre le corps et la tête. La précision du mouvement est au cœur des préoccupations de Lina, dont le travail se poursuivra jusqu’à la toute fin du parcours, à l’entrée en salle de la pièce. C’est aussi là que l’environnement sonore prendra toute sa place grâce au travail de Philippe Noireaut, qui fera une apparition sur scène, à l’ombre de son piano, le temps d’un tableau.

commande pour Geneviève Robitaille et Raphaëlle Fougères, jeunes diplômées de l’École de danse de Québec. C’est ensuite que le chorégraphe Harold Rhéaume s’est greffé au projet, entraînant avec lui sa collègue Lydia Wagerer, dans un désir vif de revenir à la scène en tant qu’interprète. «C’est maintenant ou jamais» Cette collaboration étroitement tissée par Lina Cruz marque ainsi officiellement le retour en scène d’Harold Rhéaume au sein d’une saison régulière. Après s’être entièrement consacré au développement de la danse contemporaine avec sa compa­ gnie Le fils d’Adrien danse, ce dernier désirait plus que jamais ranger le chorégraphe dans le placard

Dans l’effervescence de la création s’affirme une franche camaraderie, une solidarité familiale qui ne trompe pas sur la nature de la collaboration entre les artistes en scène. «C’est une petite équipe, avec des amis de longue date, affirme Harold Rhéaume. On partage de super beaux moments à chercher la matière que Lina nous donne. Je me sens très chanceux, à l’âge que j’ai, de pouvoir plonger là-dedans.» À entendre les sourires qui teintent les témoignages des créateurs chorégraphiques et de leurs interprètes, il semble que le meilleur soit toujours à venir. Aux spectateurs, maintenant, d’ouvrir grand les yeux. y Du 10 au 20 octobre Maison pour la danse (Une présentation de La Rotonde)


18 CHRONIQUE VOIR QC

VO2 #1O

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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE

AIMEZ-VOUS, CRISSE! Je venais de couvrir la fameuse manifestation, ou contre-manifestation, du 20 août dernier (La Meute, les antifas et compagnie). Sur la rue Saint-Jean, un petit bout de tissu, rose fluo, avec ceci écrit en noir dessus: «Aimez-vous crisse!» J’ai immédiatement été charmé. Surtout après cette journée de tensions.

Je pardonne à celles qui m’ont brisé le cœur comme je pardonne à ceux qui m’ont abandonné ou trahi. Je pardonne les accidents, les blessures, les rejets, les attaques, les injures, les injustices et les oublis.

Je l’ai prise en photo, avec en trame de fond les rues Saint-Jean et Honoré-Mercier, et l’ai mise comme photo de couverture de ma page Facebook. Ça peut sembler banal, mais je pense que je n’avais pas changé cette image depuis 2014. Je ne change pas souvent de photo, sur Facebook...

Ça ne veut pas dire que j’accepte les événements ou qu’ils n’ont pas d’impact. Ça ne veut pas dire que je n’en souffre pas et que je trouve ça bien. Je refuse toutefois que les blessures se creusent par ma haine, que le mal s’agrandisse par la colère, que le cercle vicieux prenne de la vitesse avec de la rancune. C’est, en bonne partie, un acte de survie, un acte de résilience.

L’amour et la douceur sont deux choses en lesquelles je crois beaucoup. Le monde manque souvent d’amour. Le monde croit souvent à tort que la douceur est plus faible que la sévérité ou la dureté. Et pourtant, à long terme, la douceur vient sûrement plus à bout de bien des choses que la colère. En langue geek, je dirais que non, le côté obscur de la Force n’est pas le plus fort.

Si une personne me fait mal à répétition, pour diverses raisons, je ne lui en voudrai pas et je ne l’enverrai jamais promener, mais je vais me distancier d’elle, voire l’écarter de ma vie, s’il le faut. Cette nuance est importante. Je le répète: pardonner ne veut pas dire oublier et ne rien ressentir, encore moins que les cicatrices sont absentes, ni ne rien vouloir changer.

On pense aussi, à tort, que la douceur signifie de tout accepter, que la douceur ne peut être ferme, que la douceur est synonyme de mollesse. C’est plutôt une façon d’aborder les choses, une façon de regarder l’autre et le monde. Ce n’est pas se plier à l’autre, bien au contraire.

La douceur comme moteur de changement. Je ne parle pas nécessairement de prendre tout le monde dans ses bras; la douceur ne se manifeste pas seulement par des accolades, des caresses et des mots doux. La douceur passe aussi par la compréhension, par l’ouverture, par la discussion, par le respect.

Après l’attentat de Québec en janvier dernier, j’ai été invité à une soirée où plusieurs auteurs et autrices réfléchissaient sur l’ouverture, sur la violence, sur l’inclusion. J’y ai parlé de l’importance du pardon, ce qui, selon moi, est une forme de douceur, une manière de mettre l’amour devant la haine.

Considérer son voisin comme son égal, c’est une forme de douceur. Tendre la main à quelqu’un qui trébuche, c’est une forme de douceur. Prendre le temps d’expliquer quelque chose, ouvrir son esprit, écouter, apprivoiser... la douceur peut prendre plusieurs formes, dont certaines sont très proactives.

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19 Comme le disait la philosophe Anne Dufourmantelle, récemment décédée, la douceur c’est aussi de «ne pas vouloir ajouter à la souffrance, à l’exclusion, à la cruauté», et ça, on l’oublie souvent. Loin de moi l’idée qu’il faille tout tolérer, mais je crois que la douceur, l’ouverture et l’amour, au sens large du terme, peuvent être plus efficaces que l’exclusion et l’isolement pour combattre l’intolérance. Selon moi, la violence pour combattre la violence, le feu pour combattre le feu, bien que pouvant avoir un effet à court terme, ne peut qu’être un piège à long terme. Reproduire envers quelqu’un ce qu’on lui reproche peut difficilement ne pas être un cercle vicieux. La douceur, c’est aussi l’éducation, populaire, familiale, mais aussi scolaire (gratuite, évidemment). L’évolution passe par l’éducation, rarement par les révolutions. Anne Dufourmantelle ajoutait, par ailleurs, autre chose de très important sur la douceur, l’acceptation de nos faiblesses, et de celles des autres. Elle disait qu’il faut un espace pour la sensibilité, afin de créer «un rapport à l’autre qui accepte sa faiblesse ou ce qu’il pourra déce­ voir en soi. Et cette compréhension profonde engage une vérité». L’honnêteté encourage la douceur, et la douceur encourage l’honnêteté.

«L’ÉVOLUTION PASSE PAR L’ÉDUCATION, RAREMENT PAR LES RÉVOLUTIONS.» La douceur ne doit pas seulement être envers les autres, elle doit aussi être envers soi-même. On voit souvent cette absence de cohérence dans la manière dont on se traite et traite les autres. Remarquez comment, souvent, les personnes les plus intolérantes envers les autres ont une facilité à se pardonner et comment les personnes les plus tolérantes envers les autres sont très dures ou exigeantes envers elles-mêmes. Je vous le donne en mille, j’ai une plus grande facilité à aimer les autres qu’à m’apprécier. Je tente de m’autoriser la même douceur que je donne aux autres. «Aimer, c’est agir», a écrit Victor Hugo. Je dirais qu’aimer, c’est changer le monde. Aimer est probablement le vrai sens de la vie. Dans toute cette vie absurde, et malgré mon célibat quasi éternel – parce que l’amour c’est plus que le couple –, c’est la seule chose qui me permet de donner du sens à la vie et probablement ce qui permet de bâtir une société, de vivre ensemble, comme le veut la formule éculée. y

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PHOTO | CARLOS GUERRA


MUSIQUE 21 VOIR QC

VO2 #1O

I

l a coiffé son «a» d’un accent, bonifié la con­ sonance de son sobriquet du même coup. Boogát a résidé à Mexico pendant un an. C’est là qu’il a réalisé que les gens ne savaient pas où placer l’accent tonique, c’est aussi là qu’il a créé son plus récent album. «Je vois ça comme une pro­ duction canado-mexicaine, c’est pas mal 50/50. Moi, j’ai tout écrit et composé là-bas, mais l’en­ registrement s’est beaucoup fait ici. J’aime dire que c’est assemblé au Québec avec des pièces mexicaines.» Immersion complète. Les nouvelles chansons, les 12 d’entre elles, sont inspirées par la ciudad. Las Fresas de Coyoacán, par exemple, évoque l’embourgeoise­ ment du quartier homonyme, ses rues et ses mai­ sons qui ont servi de refuge à Trotski, d’atelier à Kahlo. 3 Ojos, la plage suivante, traite du climat d’insécurité dans la capitale, des inquiétudes des marcheurs qui s’intensifient à la nuit tombée. Puis il y a, bien sûr, la désaltérante Mezcalero Feliz suivie de l’amusante Eres Una Bomba. Un morceau qui détourne les codes du reggaetón, usant du même riddim lancinant et minimaliste que les beatma­ kers de la première vague, «du moment où c’était le plus cochon et dégueulasse et misogyne», pour dénoncer le harcèlement sexuel. Les paroles, absolument ridicules, imitent les phrases d’accro­ che de Daddy Yankee et ses contemporains per­ pétuellement en pâmoison devant leurs proies. «Ton père est un terroriste parce que, toi, t’es une bombe.» Cette ligne est une satire, une façon pour lui de dénoncer le sexisme à la fois exacerbé et cautionné par la radio. «C’est complètement deuxième niveau. Je voulais rire du reggaetón et, pour ce faire, je n’avais pas le choix de parler d’une fille. Toutes les tounes de reggaetón parlent d’une fille! Je me suis demandé: “C’est quoi le contraire de comment ces MC-là parlent des filles?” Et c’est ça que j’ai fait. Ç’a vraiment été drôle à faire.» La prose de Boogát est pavée d’humour, et ce texte, à l’instar de tous les autres, ou presque, est en soi «une grosse joke». Une blague, oui, mais qui sert à mettre en lumière la réalité de ses sœurs et cousi­ nes latinas qui se taisent pour mieux survivre aux

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CHEZ MUFFY est un restaurant d’inspiration bistronomique localisé au coeur du Vieux-Port de Québec. Mettant en vedette les produits de la ferme, il combine une atmosphère chaleureuse avec une cuisine généreuse et contemporaine. Situé dans un entrepôt maritime de 1822 avec des murs en pierre et des poutres en bois, CHEZ MUFFY offre une vue imprenable sur le fleuve St-Laurent. La cave à vin accueille d’innombrables importations privées autant que des coups de cœur locaux de notre équipe de sommeliers. L’harmonie de notre offre culinaire est en accord avec nos vins et rehausse ainsi votre expérience. chezmuffy.com info@chezmuffy.com tél. 418-692-1022

agressions du quotidien. Un machisme ordinaire, une culture du viol qui tranche avec les valeurs plus progres­ sistes de ce Québec, cette ville homonyme qui l’a par ailleurs vu grandir. Escale à Buenos Aires Daniel joue sur deux tableaux: il tend la main aux audi­ teurs du Sud, qui captent d’emblée toutes ses références, et séduit les gens d’ici qui s’étonnent de retrouver pareil exotisme chez un petit gars de Beauport. Il pige un peu partout: dans la pop portoricaine, bien sûr, le hip-hop nord-américain, l’instrumentation traditionnellement mexicaine (flûte de pan et accordéon) et, c’est assez récent, l’électro argentin. Pour San Cristóbal Baile Inn, il s’est associé au producteur Andrés Oddone que les aficionados du genre connaissent pour son apport au pimpant duo Frikstailers. Des acteurs importants de la digital cumbia, cette mouvance musicale qui nous échappe un brin dans notre hémisphère sauf peutêtre lorsqu’il est question des collaborations de Lido Pimienta (courte liste du prix Polaris 2017) avec Chancha Via Circuito et El Remolón. «C’est un autre niveau de son, illustre Boogát. Ici, au Québec, on valorise vraiment


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l’analogue et je pense que c’est parce qu’on fait beaucoup de rock. Quand les musiciens d’ici mixent en digital, ils essaient de recréer des affaires analogues… Mais la vérité, c’est qu’il n’y en a pas une [méthode] de mieux que l’autre!» En Amérique latine, les réalisateurs ne s’enfargent pas dans leur équipement, sur leurs claviers et autres consoles dernier cri ou rétro, ces objets qu’ils collec­ tionnent pour s’épater entre collègues. Les albums préférés de Boogát sont pondus dans des conditions modestes, immortalisés dans des studios presque vides. «[Andrés] a un laptop avec plein de plugins, tous crackés, en Windows et même pas en Mac. Il a deux caisses de son KRK, et pas les plus chères, et des micros super simples. C’est tout.» L’important, de toute façon, c’est d’avoir l’idée, le rythme qui déclenchera les déhan­ chements, la mélodie qui se logera dans les cervelles. Boogát, lui, il a tout ça. y San Cristóbal Baile Inn (Maisonnette) Disponible maintenant 25 novembre au Cercle

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PHOTOS | NIC CANTIN


MUSIQUE 25 VOIR QC

VO2 #1O

> Le moins qu’on puisse dire, c’est que Bonsoir shérif est différent de Voyage d’hiver, album solo précé­ dent de Kouna qui revisitait Winterreise, cycle de 24 lieder pour piano et voix composé par Franz Schubert. Cette fois, les arrangements complexes et méticuleux ont fait place à une force brute intraitable, enracinée dans un profond dégoût des imbrications sociopolitiques actuelles. D’abord, il y a la venue de Marine Le Pen au Qué­ bec en mars 2016, qui a influencé Poupée. Amorcée lors d’un séjour en France deux ans auparavant, la chanson a trouvé son élan au moment de cette visite. «On peut dire que Marine a été ma muse! blague Kouna. C’est pas mal cette pièce-là qui a précisé la position plus sociale de l’album.» Par la suite, les sources d’inspiration ont été nom­ breuses. «La campagne présidentielle, l’élection de Trump, le passage de Marine au deuxième tour, les sorties du KKK, les flics qui tuent des blacks, la tuerie de la mosquée à Québec», énumère le chanteur des Goules dans un élan d’indignation bien contrôlé. De par sa proximité, cette dernière tragédie l’a passablement affecté. «Quand ce genre de trucs arrivent dans ta ville, tu finis par croire que le monde est vraiment barjo. Je peux pas dire que ça m’a influencé directement dans l’écriture, mais chose certaine, ça m’a mis en câlisse», nuance le chanteur originaire de Saint-Augustin, avant de se rétracter. «Dans le fond, ouais... On peut voir ça comme une forme d’influence.» Au fil des mois, cette hargne s’est décuplée jusqu’à trouver sa porte de sortie à travers la création. «À un moment donné, j’étais embarqué dans une spirale de haine. J’allais lire les commentaires en dessous des articles du Journal de Montréal, j’allais lire les chroniqueurs, les osties de crétins... C’en était presque maladif, viscéral. J’allais là pour haïr tous ceux qui haïssent.» Décidé à ne plus maquiller ses textes engagés avec «des pirouettes poétiques ou humoristiques», l’artiste a troqué son «je» habituel contre un «il» venant illustrer une critique plus directe. «Le gros danger là-dedans, c’était de ne pas sonner cucul. J’ai jamais tripé sur des groupes engagés comme Tryo. Ce que je cherchais, c’était plutôt la hargne de Béru ou de Renaud. Ç’a pas été évident de trouver le ton.»

Sans détour À l’image des textes, les compositions n’emprunt­ ent pas de détour. On nage ici dans un punk garage aux contours stoner, pas si éloigné de l’esprit du dernier album des Goules, lancé l’an dernier. D’ail­ leurs, la récente expérience du chanteur avec sa mythique formation, qui reprenait du service après plusieurs années de pause, l’a poussé à créer Bonsoir shérif en communauté – avec le batteur P-E Beaudoin, le claviériste Vincent Gagnon ainsi que les guita­ ristes et bassistes Martien Bélanger et Jessy Caron (de Men I Trust). C’est une mini-tournée française au printemps dernier qui aura permis à Kouna de saisir l’éten­ due de la complicité qu’il entretenait déjà avec ses quatre acolytes. «Durant notre séjour de deux semaines, on avait un 4 jours off. À ce moment-là, il me manquait une ou deux tounes, et y a certains textes que j’avais pas finis. Au lieu de rien faire, on s’est spotté une grosse cabane de campagne dans le sud-ouest du pays pour jammer pis faire de la préprod», raconte-t-il à propos du bar culturel Le Maska, «un genre d’auberge espagnole avec ben du monde sur le party qui squatte». En retraite fermée, les cinq musiciens ont donné une nouvelle impulsion à Bonsoir shérif. «On a rec­ tifié ben des affaires. On a notamment remplacé les backs vocals de filles par ceux des gars du band afin de donner un rendu plus live. Ça fait un bout que j’roule avec eux autres, et je trouvais ça cool de tous les faire chanter. Sérieusement, on a vraiment eu du fun. On faisait le party solide tous les jours, mais quand on se mettait à travailler, ça allait ben.» Créé dans une certaine urgence, ce quatrième album laisse tomber «les états d’âme et les ballades» comme Napalm ou Batiscan, deux pièces mémora­ bles de Du plaisir et des bombes, l’album qui a donné à Kouna l’occasion de toucher un plus grand public en 2012. «En tout cas, c’est certain que c’est pas mon nouveau disque qui va m’ouvrir ce genre de portes-là», reconnaît le chanteur, sourire en coin. «En ce moment, j’aime mon positionnement dans l’industrie, car je peux vivre de ce que je fais, sans être pogné insidieusement par une recette. De toute façon, ça me tente pas d’entrer dans le créneau généralisé de la pop artsy très dull que j’entends tou­ jours à la radio. Je trouve que ça brasse pas assez.» y Bonsoir shérif (Duprince) sortie le 6 octobre Lancement à l’Impérial Bell le 4 novembre

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MUSIQUE 27 VOIR QC

VO2 #1O

COMBUSTION LENTE LA CHANTEUSE ET MUSICIENNE FOLK ROCK MAUDE AUDET S’ENTOURE BIEN SUR CE TROISIÈME DISQUE PLUS PERSONNEL, COMME UNE ODEUR DE DÉCLIN. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«On voit parfois des artistes qui ont un gros succès et ensuite, ça fait un feu de paille. Personnellement, je préfère que ça prenne du temps, que les gens me découvrent plus lentement, mais qu’ils se tannent moins vite.» Maude Audet a un beau succès d’estime depuis quelques années, et la voici dans un nouveau cha­ pitre de sa carrière qui pourrait la mener loin. Entre deux contrats en scénographie dans la Vieille Capi­ tale, elle a lancé Le temps inventé en 2013, puis Nous sommes le feu en 2015. Des liens avec l’influente étiquette de disques Grosse Boîte se sont formés alors qu’elle signait un contrat en booking et que ce deuxième disque sortait sur son label sœur, Sainte Cécile. Aujourd’hui, ce fort beau troisième disque de chanson folk, de rock et de grunge, Comme une odeur de déclin, paraît au catalogue de Grosse Boîte.

«Y a rien qui arrive pour rien, lance-t-elle. Y a trois ans, je trouvais ça très long de ne pas être signée avec personne. Mais j’ai jamais été négative par rapport à ça. L’envie de continuer était plus forte que la déception que ma carrière ne marchait pas tant.» Cette attitude a porté fruit puisque le petit succès de son deuxième album – sa diffusion sur les radios satellites, entre autres – lui aura permis de vivre de musique et de produire Comme une odeur de déclin. Maude Audet voulait une femme aux commandes de son troisième album. L’heureuse élue, Ariane Moffatt, signe d’ailleurs ici sa première réalisation de disque. On applaudit cette initiative trop peu commune. «D’avoir suivi plusieurs étapes de sa carrière, je sentais qu’elle pourrait comprendre qui j’étais. On a le même âge. J’aimais qu’on ne soit pas pareilles. Je ne voulais pas faire ce qu’elle fait non plus.» Si la chanteuse, qui habite maintenant Longueuil avec sa famille, s’entoure de musiciens connus sur ce nouveau disque – Marie-Pierre Arthur et Joe Grass, par exemple –, ce n’est certainement pas pour crier au loup. «J’ai pas choisi ces gens-là en me disant: “Ah! je vais faire un album qui coûte cher!” J’ai hésité à demander à Ariane parce que je voulais pas être racoleuse, la fille qui se colle aux autres pour profiter de leur succès. Quand j’ai commencé à collaborer avec elle, j’avais fait beaucoup de shows solo et je n’avais plus vraiment de band. Elle m’a dit: “Avec ces musiciens-là, ce serait vraiment l’fun.” Ce sont des gens qui ont des agendas très remplis, mais heureusement, ils étaient disponibles pour nos dates en studio.»

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Maude Audet signe avec Antoine Corriveau un magnifique duo, Dans le ruisseau. La voix ténébreuse du chanteur arrive en écho aux doux mots de la compositrice. «C’est une chanson sur le deuil et ça se prêtait vraiment bien à un duo parce que le narrateur est dans le souvenir et il y a la voix fantomatique qui lui répond. Antoine est le premier à qui on a pensé puisque ça colle bien avec ce qu’il fait.» Comme une odeur de déclin reste dans les cordes des deux premiers albums, dans sa douceur folk et ses éclats grunge, tout en démontrant une évolution avec un côté classique, par exemple. «Je trouve ça important de rester moi-même, mais de décoller un peu de ma zone de confort, sans faire complètement différent», précise la chanteuse, avant de mentionner l’apport de l’auteure Erika Soucy aux textes. «Elle a fait ses études au Conser­ vatoire comme moi. On vient du milieu du théâtre et on s’était croisées. J’ai toujours aimé ce qu’elle écri­vait. Ç’a été ma première lectrice. Je ne voulais pas coécrire, mais je voulais quelqu’un qui allait avoir un second regard pour retravailler certains passages et pousser un peu plus loin certaines idées.»

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«Erika m’a fait réaliser que la plupart des chansons cette fois-ci sont écrites au “tu”, poursuit Maude Audet. Sur mon précédent disque, c’était beaucoup le “on” collectif. Si y a une chose qui diffère des autres albums, c’est que cette fois-ci, je voulais ça plus intimiste, quelque chose de plus personnel.» Quelques titres de Comme une odeur de déclin prônent l’amour et le couple avec grande sensibilité. En concert à Montréal récemment, Maude Audet disait trouver important de parler du couple même si ce n’est pas un sujet bien cool par les temps qui courent. «C’est pas à la mode être en couple en ce moment, dit-elle. Je comprends que c’est très attrayant, le fait d’être célibataire et libre, mais pour moi, être en couple depuis 15 ans et avoir une famille, c’est pas facile, mais y a vraiment quelque chose de beau et de profond quand on se retrouve avec quelqu’un en qui on croit. Je trouve que ça mérite de ne pas être laissé de côté.» En concert cet automne en solo ou en trio, dont un arrêt au Club Soda le 4 novembre en première partie de Saratoga dans le cadre de Coup de cœur francophone. y Comme une odeur de déclin (Grosse Boîte) En vente maintenant

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«Je fais tout tout seul», chante Daran sur son neuvième album en carrière. Tirade contre un politicien égoïste et surpuissant qui se croit tout permis («mon ode à Donald Trump»), la pièce représente aussi le processus de création de ce nou­ vel opus. «J’avais cette volonté de faire un album guitare-basse-batterie, joué par moi-même de A à Z. Je voulais une immersion totale», explique le Montréalais d’adoption. «Et puis, comme c’était le cas avec Le petit peuple du bitume [son septième album paru en 2007], j’ai voulu me mettre des contraintes de départ, des murs à ne pas dépasser. D’emblée, je me suis dit que tous les morceaux de cet album allaient être électriques et que j’allais les enchaîner avec des interludes uniquement électro.» Exigeant, l’exercice a été somme toute libérateur pour le chanteur de 58 ans. Conscient du trajet à emprunter pour arriver à destination, il s’est fié

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

à son instinct, sans demander l’avis d’une oreille extérieure. «De toute façon, ça m’est impossible de faire écouter ma musique à quiconque avant le mixage et, même, le mastering. Je trouve ça trop personnel. En fait, je suis probablement la per­ sonne la plus secrète du monde. J’aurais pu tra­ vailler au KGB, je pense», blague-t-il. En cours de route, le chanteur a toutefois révisé son plan de match et a appelé en renfort son batteur Marc Chartrain. «J’avais fait tout cet album seul jusqu’au bout, mais à l’arrivée, je me suis dit que Marc ferait mieux les batteries que moi. C’est le seul véritable intervenant de l’album.» En amont, deux autres «intervenants» à consi­ dérer sont venus teinter la couleur de cet album: les paroliers Erwan Le Berre et Pierre-Yves Lebert. Si la relation avec le premier, un membre du groupe


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> belge Atomique DeLuxe, en est une d’amitié de longue date, celle avec le deuxième en est une de grande complicité artistique. Signant huit des dix textes, Lebert «ne fait qu’un auteur-compositeur-interprète» avec Daran – ce dernier incarnant avec une intensité transcendante les vers de son auteur. «Sans le savoir, les gens qui pensent que j’écris mes propres textes lui font le plus beau des compliments», indique le chanteur à propos de son fidèle ami qui réside en France. «À chaque album, on a toujours de longues discussions au téléphone au préalable. Quand il m’envoie un texte, je m’assure de le garder tel qu’il est, car j’aime bien les premiers jets. La beauté de son œuvre, c’est ce qui me touche le plus. Au départ, quand on a com­ mencé à collaborer, je continuais à écrire de mon côté, mais à un certain moment, j’ai dû m’incliner devant le génie.» Que ce soit à travers le récit libérateur de Je repars, le triste constat social de Horizon ou bien la salve brute et bien sentie de Pauvre ça rime à rien, Endorphine dénonce l’inaction, sans nécessairement tomber dans le répertoire engagé et moralisateur. Le constat est ici plus fort que la critique. «J’ai toujours été intéressé à décortiquer les méca­nismes humains et je n’arrive toujours pas à me détacher d’une cer­ taine vision humaniste des choses. Ce qu’il y a de bien pour moi, c’est que les problèmes ne se résolvent pas, donc ça me fait du travail jusqu’à la fin de ma vie», ironise le musicien.

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Résident montréalais depuis maintenant sept ans, Daran a récemment eu l’occasion de se joindre à Jorane, Salomé Leclerc et Jean-Martin Aussant pour la deuxième tournée de Légendes d’un peuple, projet musical d’Alexandre Belliard revisitant l’his­ toire de la francophonie pana­méricaine. Pour un artiste d’origine italienne ayant passé la majeure partie de sa vie en France, ce genre d’invitation reflète bien une forme d’inclusion à la scène musi­ cale québécoise, même si elle avait de quoi surpren­ dre au départ. «La phrase qu’Alexandre m’a dite et qui m’a convaincu de me joindre à son projet, c’est: “Nous, on en est Québécois de naissance, mais toi, ta voix est encore plus pertinente, car tu as choisi d’être Québécois”.» Très heureux dans sa ville d’adoption, Daran ne délaisse pas la France pour autant. Son exil aurait d’ailleurs ravivé l’intérêt pour sa musique. «Main­ tenant, il me traite comme un artiste international, donc je fais de belles tournées avec beaucoup de dates, dit-il. Et bon, tu connais les Français… Pour eux, si tu es rendu loin, ça veut dire que le truc est forcé­ ment bien.» y Endorphine (Le mouvement des marées) Disponible maintenant 7 novembre au Cercle

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ST. VINCENT MASSEDUCTION

(Universal / Loma Vista) HHHH

Ça aura pris une dizaine d’années d’explorations dans l’art rock pour que St. Vincent en arrive là: un album qui nous en met plein la gueule, en cinquième vitesse, cru et cynique au possible (dans les textes) et éclaté comme jamais (dans les musiques). Annie Clark y déballe sa peine d’amour, évoque le suicide et la dépendance aux pilules, mais – comme le titre l’indique – c’est avant tout le pouvoir et la séduction qui sont rois. Si les beats programmés et les guitares grinçantes augmentent résolument notre pouls, Masseduction offre aussi, heureuse­ ment, des ballades intéressantes en milieu de disque qui nous donnent le temps de respirer un peu. Voilà un album qui prend plaisir à nous prendre par la gorge et nous relâcher au bon moment. (V. Thérien)

SATOKO FUJII ASPIRATION

LAURA SAUVAGE THE BEAUTIFUL

(Libra Records) HHHH

(Simone Records) HHH 1/2

La compositrice Satoko Fujii s’entoure ici de trois improvisateurs chevron­ nés pour élaborer un programme diversifié de grande qualité. Son époux et collaborateur régulier, le trompettiste Natsuki Tamura, appuie cet autre trompettiste extraordinaire qu’est Wadada Leo Smith, tandis que les explorations électro­ niques d’Ikue Mori se faufilent dans les appels d’air dont est parsemé le tissu musical. Beaucoup plus introspectif que les envolées de l’autre quatuor que mène la pianiste, Kaze (qui compte également deux trompettes), le discours se fait onirique, et l’ordinateur de Mori, comme à son habitude, est étonnam­ ment discret tout en étant pourtant très présent. La cohésion de l’ensemble est totale, mais chacun a aussi droit à de bons moments en solo. Enfin, l’enregistrement est superbe. Très réussi. (R. Beaucage)

Après Extraordinormal, un premier album solo qui est passé un peu sous le radar l’an dernier, mais qui a bien plu aux critiques musicales, Laura Sauvage revient avec un parfait mélange de rock’n’roll, de psychédélisme et d’ambiances rétro. La chanteuse (en réalité Vivianne Roy des Hay Babies) prouve ici qu’elle n’a rien perdu de son mordant et de son cran. C’est toujours un régal de l’entendre se défouler avec ses musiciens – dont Dany Placard et François Lafontaine. Elle ajoute quelques cordes à son arc ici avec des énergies variées: la pièce Alien est menée davantage par les claviers et Patio Living a des touches plus dreamy, par exemple. La deuxième partie de The Beautiful s’avère plus éclatée et surprenante et ça se termine en furie sur Song for DJT (Trump, on suppose!). (V. Thérien)

INSURRECTION EXTRACTION

QUADRO NUEVO & CAIRO STEPS FLYING CARPET

(Galy Records) HHH

(Justin Time) HHH 1/2

La première comparaison qui vient à l’esprit à l’écoute du quatrième album de la formation de Gatineau prend encore plus de sens une fois qu’on sait qu’il a été réalisé par le guitariste Pierre Rémillard (Voivod, Cryptopsy). L’influence d’Obliveon a toujours été présente dans le style death technique d’Insurrection, mais sur Extraction, elle s’ex­ prime aussi à travers la production calibrée, qui évoque par moment la mécanique sonore de Cybervoid, paru en 1996 (écoutez Parasite). À cela s’ajoute la présence du chanteur d’Obliveon, Bruno Bernier, sur Data Extracted… End Transmission. Au-delà des parallèles avec le groupe culte des années 1990, Insurrection garde le cap en proposant des morceaux accrocheurs, qui s’inscrivent dans la continuité de l’album Prototype (2013). (C. Fortier)

S’il n’était pas déjà reconnu pour son intelligence, sa finesse et sa musicalité, le quatuor allemand Quadro Nuevo passerait peut-être pour quatre charlatans ou faiseurs de «trop beau pour être vrai». Au confluent de la valse, du jazz soufi et des musiques du monde, voilà ces illusion­ nistes qui s’associent avec la formation Cairo Steps, un nonette de musique de chambre à l’orientale, et partent en voyage de Cologne au Caire avec une escale à Alexandrie. Tout y passe: les berges du Nil, le rêve d’Icare, l’hommage au Sheik, l’Arabiskan et même les Gnossiennes de Satie. Un album somptueux qui regorge de splendeur exotique avec des cordes, du sax, du qanun, du duduk, de la harpe et de l’accordéon. Superbe, ce tapis volant. Mais des fois, trop c’est comme pas assez… (R. Boncy)


DISQUES 33 VOIR QC

WEAVES WIDE OPEN (Buzz Records/Kanine/Memphis Industries) HHH À peine plus d’un an après la parution d’un premier album homonyme (qui s’est retrouvé sur la courte liste du prix Polaris), le quatuor torontois revient avec un deuxième, sur lequel il amène sa «bent pop» dans des zones polygonales et pyrotechniques toujours, et désormais plus immédiates, croisant indie pop mi-00s et street rock. Composé dans un blitz à la somme de plusieurs tournées en novembre dernier, Wide Open voit le groupe de Jasmyn Burke et Morgan Waters évacuer ses fulgurants collages sibyllins dans un désir de communication plus limpide. C’est encore tordu et téméraire parfois – surtout sur Scream, en duo avec Tanya Tagaq –, mais c’est comme si dans sa hâte et son bon vouloir de diffusion – qui lui vaut quelques beaux hymnes, comme #53 – la fauve formation s’était domptée. (B. Poirier)

MORTI VIVENTEAR LOVECRAFTSMANSHIP (Anette Records) HHH 1/2 En marge d’une scène hip-hop instrumentale montréalaise à l’emprise trap bien souvent redon­ dante, Morti Viventear se distingue admirablement avec une proposition bien à lui. Sur ce quatrième album, l’inventif producteur revisite des échantillons rock progressif européens, tout particulièrement ceux de la scène de Canterbury, et fouille d’obscures trames sonores afin d’en retirer des ambiances flottantes, parfois lugubres. Aux commandes de son MPC60, une boîte à rythmes des années 1980 dont la mémoire ne peut contenir que 26 secondes de son, l’Arvidien d’origine donne un élan vigoureux à ses habiles compositions et les enrichit avec quelques notes bien tempérées de synthés. Si plusieurs de ses anciens travaux rappelaient directement les collages des années 1990 de DJ Shadow, Morti Viventear se livre ici à un étalonnage plus maîtrisé de ses influences. (O. Boisvert-Magnen)

VO2 #1O

1O / 2O17

FRANCOIS JALBERT ET JÉRÔME BEAULIEU THIS IS A REAL PLACE (Multiple Chord Music) HHH 1/2 Concocté dans une jolie symbiose, ce disque plutôt doux va nous rendre bien rêveurs cet automne. Pourtant, s’il y a une chose qui n’est pas forcément évidente au départ, c’est bien un duo piano-guitare. Surtout avec deux solistes. Mais Jérôme Beaulieu et François Jalbert – qui se fréquentent depuis un bout, soit dit en passant – ont décidé de laisser momentanément de côté leurs trios de pointe respectifs pour s’aventurer en tête-à-tête comme dans une double introspection. Le résultat: onze tableaux cosignés par les deux compères. Une démarche qu’ils présentent comme «la conjugaison toute naturelle d’univers si semblables et pourtant si différents». Vrai. Car malgré des touches manouches, folk ou bluegrass çà et là, bien malin est celui qui collera une étiquette sur cette musique-là. (R. Boncy)

THE BARR BROTHERS QUEENS OF THE BREAKERS (Secret City Records) HHHH Le groupe montréalais nous fait cadeau d’un disque absolument somptueux. Après Sleeping Operator (2014), le EP Atlas (2015) et une pause bien méritée, son troisième long jeu prouve que The Barr Brothers est en parfaite maîtrise de ses moyens. Les guitares acoustiques ou électriques et la harpe de Sarah Pagé se font la cour, alors que la voix rassurante, tantôt éthérée, tantôt rugueuse, de Brad Barr nous chante des textes sensibles, parfois nostalgiques. Après un trio de pièces de folk alternatif délicieusement douces, le disque nous mène vers des titres plus énergiques, puis le groupe vire vers des musiques pop, sensuelles, mais aussi blues et très rock à la War On Drugs. Un disque d’une grande qualité qui devrait être magique sur scène. (V. Thérien)

GABRIELLE SHONK GABRIELLE SHONK

(Universal) HHH

Après avoir séduit la planète l’an dernier avec Habit, excellent premier extrait soul pop qui lui a valu une comparaison à Alicia Keys par Noisey, Gabrielle Shonk présente enfin son premier album, ce même qu’elle a terminé de préparer depuis des lunes et qu’elle a judicieusement attendu de faire paraître sous Universal Music Canada. Concocté de connivence avec le réalisateur Simon Pedneault, ancien membre de Who Are You et guitariste de Louis-Jean Cormier, cet opus n’est malheureusement pas le rendez-vous attendu. En quête d’un fil conducteur, Gabrielle Shonk touche au folk, au country, au blues et au jazz sans réellement en proposer des mélanges inventifs ou en offrir une mixture un tant soit peu originale. Bien sûr, la voix de la chanteuse de Québec impressionne à plusieurs moments, à l’instar de l’orches­ tration et des arrangements bien souvent impeccables (sur En équilibre, Raindrops et, évidemment, Habit), mais dans l’ensemble, ce premier effort manque de mordant et de vision. (O. Boisvert-Magnen)


34 CHRONIQUE VOIR QC

VO2 #1O

1O / 2O17

MONIQUE GIROUX SUR MESURE

ON VIENT TOUS D’AILLEURS OU DE QUELQUE PART La diffusion du documentaire Les Québécois de la loi 101 venait à peine de s’achever en août dernier que j’écrivais à mon collègue journaliste et chroniqueur, Stéphane Leclair, à l’origine de cette production, pour lui dire: «OK, on fait quoi? On commence par où? Quand? À quelle heure? Où est-ce qu’on a failli? À qui la faute? Comment faire pour se rattraper, pis vite à part de ça? Si on ne parvient pas à attirer nos amis issus de cette belle jeunesse québécoise, nés de parents immigrants, au TNM ou aux Francofolies l’été quand Ariane, Louis-Jean, Koriass chantent gratis à la place des Festivals devant 50 000 personnes ou au Salon du livre quand Michel Tremblay, Sophie Bienvenu, David Goudreault, Kim Thúy dédicacent leur nouvelle pub­ lication, je suis prête à faire du porte-à-porte pour partager les mots, les images et les notes qui, d’où qu’ils viennent, font la culture d’ici.» Je suis sérieuse, je tiens à le préciser. Je veux bien faire du porte-à-porte. Les effets positifs de la loi 101 sont tangibles. L’échec de la transmission de la culture québécoise à ces jeunes francophones de 16, 17 ans nés ici de parents immi­ grants est aussi tangible. Ils parlent français, sont nés ici, mais ne s’identifient pas à la culture québécoise. Le seul terme «Québécois» est pour plusieurs d’entre eux synonyme de Blanc, caucasien, catholique, francophone, tricoté serré en laine de souche depuis le 17e siècle. Si on n’est pas Québécois quand on est né au Qué­ bec, alors on est quoi? Dans le cadre de l’émission de Leclair, Louise Beaudoin, indépendantiste notoire, répond de manière excédée à cette question: «Cana­ dienne française catholique.» Ça m’a fait un choc.

Les jeunes interviewés déplorent d’être interpellés trop souvent par la question «Tu viens d’où?», alors qu’ils sont d’ici. Je peux comprendre leur lassitude, mais j’aimerais leur suggérer de se réjouir de cette question, plutôt que de s’en offusquer. Nos différences nous rendent plus riches et cette entrée en matière devrait ouvrir sur des échanges constructifs. Mutuelle­ ment, on apprendrait déjà à mieux se connaître si on se parlait. Quand en Europe francophone on me demande d’où nous vient notre accent bizarre, je commence par dire que le mien n’est pas plus bizarre que le leur et qu’il vient ultimement de France et d’Angleterre. Parce que le vieux Toussaint, dont je vous ai déjà parlé ici, est parti de France vers 1651, neuf ans après la fondation de Montréal. C’est là que mes interlocuteurs froncent les sourcils, dubitatifs et interloqués. Toussaint avait 18 ans quand il a immigré en Amérique. Son père s’appelait Jean Giroux, comme le mien. Il a eu avec sa femme, Marie Godard, 14 enfants et puis, 11 généra­ tions plus tard, je suis… de souche tricotée en babiche, en train de vous raconter ça sur mon ordi depuis mon bureau avec vue sur le mont Royal. Je répète ma question: si on n’est pas Québécois quand on est né au Québec, alors on est quoi, on est qui? Je propose une réponse qui vaut ce qu’elle vaut, mais honnêtement, il me semble qu’il y a là une solution. Imaginons une identité rassembleuse qui pourrait faire plaisir à tout le monde, qui permettrait à chacun de conserver son allégeance, ses croyances, sa couleur et qui valoriserait sa langue et donc sa culture. Et si nous étions des «francophones d’Amérique», des survivants sur un continent qui n’a pas toujours


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voulu de nous? Québécois, tricotés au sirop d’érable de souche depuis le 17e siècle, indépendantistes ou fédéralistes à gros grains fransaskois et acadiens, Franco-Ontariens, fils et filles de la loi 101, descen­ dants de Mohammed, de Tian, de Mahala ou de Lan Fen. Scolarisés, causant, chantant, écrivant en français sur une terre qui, il y a à peine quatre siècles, était faite de bois debout et habitée par les Premiers Peuples. Nous venons tous d’ailleurs – à moins que ce ne soit de quelque part. «On est toujours l’étranger de quelqu’un», chantait Pauline Julien. À partir de quand y a-t-il prescription? Combien ç’a pris de générations pour que les descendants de Toussaint, l’immigrant français venu de Normandie, ne se fas­ sent plus demander d’où ils venaient par des comme eux qui venaient des Charentes ou de Bretagne? Hochelaga, terre des âmes, film de François Girard (nous devons avoir un ancêtre commun, les Girard… Giroux, ça vient toutte de Basse-Normandie), propose une mise à jour, un rappel de notre histoire, celle des Français, des Anglais et des Premières Nations. Cette histoire qu’on n’enseigne plus, pas assez ou mal. Celle

qui nous rappelle que les non-Autochtones sont tous d’ailleurs – à moins que ce ne soit de quelque part. Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, juste avant la pro­ jection du film devant une Place des Arts bondée et après un long discours en innu plus émouvant que tous les autres, a ajouté en français: «Ce soir, vous allez voir la vérité. Or la vérité, nous, il y a longtemps qu’on la connaît.» À force de circonvolutions et de constatations, on devrait être en mesure de proposer des solutions pour que, ensemble, non seulement on parvienne à vivre tout simplement, mais qu’on assume aussi nos par­ cours, nos histoires, nos cultures et qu’on les partage. Et puis, pour ceux qui ne savent pas qui ils sont, «fran­ cophone d’Amérique», il me semble que ça sonne joyeux et fier. Pendant que je vous ai au bout du fil, je t’aime en mohawk, ça se dit: Konoronhkwa. Et bonjour en innu, ça se dit: Kuei. Je vous laisse, je m’en vais faire du porte-à-porte. y

La femme qui fuit Spectacle-lecture

Lire Québec

Lecture musicale Des textes d’une vingtaine d’auteurs lus par des gens que vous aimez

24 octobre | Chapelle du Musée de l’Amérique francophone

Manifeste scalène + Fuites – Les pipelines se couchent à l’est

Avec Anaïs Barbeau-Lavalette et Catherine de Léan

27 et 28 octobre | Chapelle du Musée de l’Amérique francophone

Cabinet de curiosités et autres friandises Soirée festive et musicale

Rendez-vous halloweenesque avec 13 auteurs

Programme double

28 octobre | Maison de la littérature

Avec des poètes de Québec, de l’Acadie et de Wendake

Et si…

25 octobre | Maison de la littérature

Nuit de la poésie Avec 26 poètes de Québec et d’ailleurs

26 octobre | Maison de la littérature

Spectacle en autobus Visite touristique déjantée avec Maxime Beauregard-Martin, Alexandre Martel, Erika Soucy et Maude Veilleux

28 et 29 octobre | Départ de la Maison de la littérature

Programmation, billets et information 418 641-6797 | quebecentouteslettres.qc.ca


«ILS M’ONT TENDU UNE ENVELOPPE DANS UN CAFÉ DU NOUVEAU-MEXIQUE, PIS C’ÉTAIT LE SCÉNARIO DE LA SUITE DE BLADE RUNNER QU’IL Y AVAIT DEDANS. JE PEUX MÊME PAS TE DIRE L’ÉMOTION QUE J’AI VÉCUE EN LISANT CES MOTS-LÀ SUR LA COUVERTURE!»


CINÉMA 37 VOIR QC

VO2 #1O

1O / 2O17

LE RÊVE ÉVEILLÉ LE PREMIER BLADE RUNNER EST UN CLASSIQUE INCONTOURNABLE, UN FILM ADULÉ TOUT AUTANT POUR SA POÉSIE VISUELLE QUE SON HISTOIRE ET SA MUSIQUE RÉVOLUTIONNAIRE. IL VA SANS DIRE QUE POUR LE CINÉASTE DENIS VILLENEUVE, LA TÂCHE DE RÉALISER UNE SUITE À CE CHEF-D’ŒUVRE PORTAIT UN ÉNORME POIDS. IL NOUS PARLE DE CETTE SECONDE VISITE DANS UN UNIVERS DÉCHIRÉ ET MYTHIQUE. MOTS | ANTOINE BORDELEAU

PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)

Denis Villeneuve, réalisateur montréalais maintenant dans les rangs des cinéastes les plus convoités par les studios hollywoodiens, n’est assurément pas un homme qui se plaît à chômer. Enchaînant les projets de taille sans cesse croissante, il livre maintenant, moins d’un an après la sortie de l’acclamé Arrival, son Blade Runner 2049. Ce projet de suite, qui devait d’abord être mené de front par le réalisateur de l’original, Ridley Scott, n’a pas atterri par hasard entre les mains de Villeneuve: «Quand Ridley a fait le premier, c’était à l’époque de Star Wars, Indiana Jones, on dirait que tout était des trilogies. Dans Blade Runner, il y avait beaucoup de potentiel pour poursuivre l’histoire. Au final, ç’a foiré avec la production, il s’est brouillé avec les producteurs, ç’a été un tournage très, très dur. L’idée d’une suite est morte là. Récemment, une équipe de producteurs a réussi un tour de force en sécurisant les droits et a remis le projet en branle, en demandant à Ridley [s’il voulait le réaliser]. Il était beaucoup trop occupé et a plutôt décidé d’aller vers Prometheus. Mais en parallèle, Harrison Ford insistait pour que le projet se fasse le plus rapidement possible. T’sais, à 73 ans, le temps n’a plus la même valeur. Alors, un peu pris entre les deux, ils m’ont contacté et m’ont dit: “On veut te rencontrer quelque part, il faut que personne ne nous voie et que personne ne sache qu’on se rencontre.” Ils m’ont tendu une enveloppe dans un café du Nouveau-Mexique, pis c’était le scénario de la suite de Blade Runner qu’il y avait dedans. Je peux même pas te dire l’émotion que j’ai vécue en lisant ces mots-là sur la couverture!» C’était, il faut le dire, une fantastique mauvaise idée. Retoucher à un film aussi légendaire vient avec son lot d’anticipation tant du côté des fans que de

la critique, et ce fait n’a pas échappé à Villeneuve. Bien qu’il y ait vu, après une première lecture, un film fort aux idées puissantes, il était toujours hésitant. «C’est un de mes films préférés à vie. Tu ne veux pas être celui qui l’a échappé, tu comprends! Mais là, j’ai eu une petite voix qui m’a dit: “Hey. Y a quelqu’un qui va le faire. T’as-tu vraiment envie que quelqu’un fuck it up?” Ça peut avoir l’air arrogant, comme ça. J’en ai refusé des films de grande ampleur, parce que le scénario ne me semblait pas assez fort. Ça, artistiquement, ça valait la peine de tout risquer pour le faire. Si tout foirait, au moins, ça avait du sens pour moi, cinématographiquement parlant.» Le réalisateur note au passage qu’il est complètement écœuré de la mode qui court actuellement à Hollywood de plonger dans la nostalgie pour ne sortir que des reboots et autres suites de piètre qualité. «J’haïs ça pis maintenant, j’en fais partie! Mais je ne pouvais pas dire non à ça. C’est que le film, en soi, valait la peine d’être fait, pour sa poésie et sa philosophie identitaire presque paranoïaque.» Justement, alors que certaines de ces suites contemporaines tombent dans la nostalgie à tout prix pour accrocher le public, Villeneuve a fait le choix de s’approprier complètement l’univers imaginé par Philip K. Dick. Tandis que le premier film semblait se dérouler sous la sombre pluie londonienne, le climat de 2049 est extrêmement différent, comportant notamment un élément bien connu du Québécois: la neige. «Ça m’a vraiment donné une vision. Le premier, c’était un Blade Runner noir, et là, je pouvais faire un Blade Runner blanc! Quand j’ai pensé à ça, que je l’ai exposé à Roger Deakins, il m’a dit: “Ouais! C’est en plein ce qu’on va faire.” Y a une chose que j’adore, c’est la lumière argentée du

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38 début de l’hiver, alors on a travaillé pour combiner l’univers avec une qualité de lumière comme ça, le tout dans la neige et la slush. C’était curieusement une manière aussi d’envahir cet univers-là avec quelque chose que je connais de manière intime. Notre rapport à l’hiver a été pour moi une manière de m’approprier ce film-là. Ça m’a aidé à définir la lumière, à comment j’allais faire le pont entre les deux films, à comment j’allais designer les vêtements, la technologie, les véhicules, l’architecture... tout s’est mis à faire du sens à partir de cette décision-là. J’ai pu m’amuser à des fantasmes de Montréalais en créant des machines qui enlèvent la neige et la subliment. J’avais un ancrage dans quelque chose qui venait de chez nous, aussi bête que ça puisse paraître.» Dans ce projet d’envergure, Villeneuve sait reconnaître l’aide inestimable que ses collègues lui ont apportée. C’est en discutant avec Hampton Fancher (qui a coécrit le scénario avec Scott) qu’il a pu se sortir d’un blocage important. «Je me demandais vraiment comment je pouvais rentrer dans cet univers-là. Je trouvais que le scénario avait quelque chose de curieusement plus contemporain, et je trouvais que c’était une erreur, car je me disais que le film devait vraiment être en continuité avec le premier. Il m’a simplement dit: “Arrête, tu te casses trop la tête. Le premier film, c’est comme un rêve. Faut juste que tu rêves

REN CONTRER L'ART CHORÉGRA PHIQUE AUTOMNE

à nouveau.» Ça peut avoir l’air niaiseux, mais pour moi, ç’a vraiment été comme la clé de départ pour m’enlever de la pression. J’ai ensuite pu partir du premier et en faire une extrapolation, une poursuite du rêve dans cet univers parallèle. Parce que tu sais, Steve Jobs n’existe pas dans le premier film, pis c’est en 2019, y a pas de cellulaires, tu peux pas te baser sur la timeline qu’on connaît. Il faut que tu en réimagines une de toute pièce sans tomber dans l’excès, vu que l’original est quand même teinté d’un certain réalisme dans sa vision.» Ces coups de pouce lui ont été fort utiles, car Scott lui a littéralement laissé carte blanche pour faire le film. Heureusement, les deux hommes avaient une vision et une culture visuelle très semblables et se sont donc rapidement entendus sur la direction dès la première rencontre: «Il m’a parlé de beaucoup de choses, de ses inspirations, des peintres qui avaient guidé sa vision dans l’ori­ ginal. Curieusement, en étant Québécois, j’ai une culture nord-américaine, mais très influencée par l’Europe et qui peut être complètement étrangère à un Américain. La plupart n’ont aucune idée c’est quoi Métal hurlant, Bilal, Mœbius. C’est des créateurs qui nous ont connectés, Ridley et moi, et qui ont donné naissance au visuel du premier film. Quand tu regardes Blade Runner, c’est clairement inspiré d’une œuvre de Mœbius qui s’appelle A Long Tomorrow. Tu les mets un à côté de l’autre

2017

01

LE FILS D’ADRIEN DANSE, PRODUCTIONS FILA 13 ET COLLECTIF XYZ OCT-017

02

LE PETIT THÉÂTRE DE SHERBROOKE ET LA PARENTHÈSE OCT-017

03

OUT INNERSPACE DANCE THEATRE NOV-017

ABONNEZ-VOUS ! AVANT LE 20 OCTOBRE 2017

04

DULCINÉE LANGFELDER & CIE NOV-017

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ANNE PLAMONDON DÉC-017

En coprésentation avec : 02 – Théâtre jeunesse Les Gros Becs / 04 – Productions d’Albert / 06 – Grand Théâtre de Québec

LAROTONDE.QC.CA 418 649-5013

06

FOU GLORIEUX/ LOUISE LECAVALIER DÉC-017


RYAN GOSLING ET ANA DE ARMAS

pis tu reconnais tout de suite les références. C’est toutes des choses que je connaissais. Il m’a donné quelques clés, mais il m’a dit que c’était vraiment mon film. Il m’a dit: “Tu peux toujours m’appeler si t’as la moindre hésitation, mais c’est entre tes mains. Je te fais complètement confiance.” La dernière chose qu’il m’a dite dans le premier rendez-vous c’est: “Si tu fais tes devoirs comme il le faut, ça va être excellent. Sinon, ça sera un désastre.” C’est vraiment ce que j’avais besoin d’entendre.» Bien qu’il ne sache pas si le film sera bien reçu, Villeneuve ressort de la postproduction avec le sentiment du devoir accompli. «C’est un peu agaçant parce que ces projets-là sont annoncés super longtemps d’avance, les gens se construisent des attentes et tout ça. Moi, en général, j’aime mieux rester dans l’ombre avant d’annoncer des trucs. Personne n’avait entendu parler d’Arrival avant la première bande-annonce. J’aime beaucoup rester under the radar, mais ce n’est plus possible pour ce genre de films. Au final, je suis fier du résultat, et je sais que Ridley est très content du film. C’est un projet de passion sur lequel on a fait des choses qui n’ont jamais été faites avant, et peu importe la réception, je sais que j’ai réalisé ce qui était important pour moi, artistiquement parlant.» y Blade Runner 2049 sera en salle partout dès le 6 octobre

RYAN GOSLING ET HARRISON FORD

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(L’AUTRE) ÉCOLE DE LA VIE LE RÉALISATEUR FRANCIS LECLERC A TOUJOURS COSCÉNARISÉ SES LONGS MÉTRAGES. SON ALLIÉ DU MOMENT S’APPELLE FRED PELLERIN. UN DUO DE CHOIX POUR S’AVANCER, PIEDS NUS DANS L’AUBE, EN TERRAIN CONNU: CELUI DE L’ENFANCE, CELLE DE FÉLIX, PATRIARCHE DE LA CHANSON QUÉBÉCOISE. MOTS | NICOLAS GENDRON

PHOTOS | DOMINIC GAUTHIER


CINÉMA 41 VOIR QC

VO2 #1O

1O / 2O17

I

l va sans dire que leur premier contact avec Félix Leclerc, non pas l’homme, mais l’écrivain derrière ce roman phare qu’est Pieds nus dans l’aube, n’a pas été du même ordre. «Moi, c’était au cégep, se souvient Pellerin. J’étais inscrit en “tu checkeras plus tard ce que t’as le goût de faire”, et j’ai découvert la québécitude des Félix, Godin, Vigneault. Je cruisais les bibliothécaires pour avoir le droit d’amener plus de livres la fin de semaine, je dévorais tout. Pis Pieds nus dans l’aube, ça n’a rien perdu de son lustre, au contraire, ça prend de la dorure!» Aussi étonnant que cela puisse paraître, le fils de Félix, lui, n’a rencontré l’auteur qu’après sa mort. «J’ai tout lu l’année qui a suivi. J’avais 16 ans. Je savais qu’il écrivait, mais la lecture, c’était pas mon fort. Et il était pratiquement retraité de la musique. Son dernier spectacle, j’avais 6 ans, c’était avec Claude Léveillée à l’île d’Orléans.» Il reconnaît avoir attendu de se forger un prénom pour adapter les écrits du paternel. «Heureusement, je n’ai pas choisi la chanson. Mais sans doute ai-je ce talent de raconter des histoires, comme lui. Je me suis dit: ça fait longtemps qu’il est mort, il nous a laissé cette matière-là, alors prenons-la et poussons-la plus loin.» Le conteur de Saint-Élie renchérit: «Quand on s’est mis à flirter pour travailler ensemble, j’avais peur, parce que ça prend tout un front de bœuf pour aborder Félix. Mais comme Francis me parlait du roman de son père, ce n’était plus l’œuvre d’un intouchable. Tout à coup, c’est comme si on n’était plus invités chez Félix par la galerie, mais par la véranda, avec la permission de garder nos souliers dans la cuisine!» Pour qui n’aurait pas lu l’œuvre originale sur les bancs d’école, rappelons l’âme du récit – même si Leclerc et Pellerin ont bien sûr pris quelques libertés pour accentuer l’arc dramatique et fusionner quelques personnages. Le jeune Félix (Justin Leyrolles-Bouchard), 12 ans, y vit son dernier été à La Tuque, avant son départ pour un collège d’Ottawa. Au village gravitent autour de lui ses frères et sœurs, sa mère (Catherine Sénart) et son père (le fidèle Roy Dupuis, «mon noyau, avant même d’écrire», d’avouer Leclerc), son oncle Richard (Guy Thauvette), le forgeron (Claude Legault), le barbier (Mickaël Gouin) et une certaine Garde Lemieux (Marianne Fortier), qui lui fait tourner la tête. Sans oublier Fidor (Julien Leclerc), ce nouvel ami dégourdi issu d’une famille pauvre, qui fréquente «l’autre école», la buissonnière, celle de la nature et de la vie à la dure.

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CINÉMA 43 VOIR QC

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«Si vous pensez que c’est Le p’tit bonheur et mon père avec une guitare, vous allez être déçus, prévient Leclerc. C’est un film scandinave, avec quatre saisons, et sa simplicité me plaît. Ça peut toucher tout le monde qui a eu 12 ans.» Au fond, on nous présente l’homme avant qu’il ne devienne l’artiste, pour mieux toucher à l’universel. Petits deuils et grands émois jalonneront «cette année où il découvre l’amitié, la nuque d’une femme, les rapports de force entre deux sociétés, avec la fête chez les Anglais», précise Pellerin. «Notre job, c’était d’équiper Félix pour qu’il soit capable de partir tout seul en train.» Quant aux Anglais, qui n’étaient alors pas très populaires, le cinéaste s’est permis un léger révisionnisme. «Le Félix que je dépeins, il défend les Anglais, contrairement à Fidor. Avant sa mort, quand il a relu son œuvre, mon père s’est dit: “Je les haïssais donc ben!” Et il a réalisé à quel point ce n’était pas nécessaire… C’est comme un Félix de 74 ans que j’ai saupoudré sur le Félix de 12.» Tourner aujourd’hui dans sa langue constitue déjà pour Francis un geste politique. Ce à quoi Fred ajoute: «Oui, il faut la chanter, l’écrire, la diffuser. Si tout d’un coup, c’est le fruit le plus beau du panier, c’est dans celui-là qu’on va mordre.»

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Campée dans la Mauricie des années 1920, cette sensible chronique d’enfance a été essentiellement tournée… au village québécois d’antan de Drummondville. «J’ai rien contre les gens de La Tuque, explique le réalisateur d’Un été sans point ni coup sûr, mais la maison familiale n’existe plus, le Manoir aux Anglais non plus. Avec la directrice artistique Marie-Claude Gosselin, on a fait en sorte de ne pas se sentir coincés dans un seul décor. C’était très important, l’espace, la nature.» Il y a d’ailleurs «une portion western» magnifique, filmée au parc de la Jacques-Cartier, qui évoque le canton Mayou, «au pays des ours, des bleuets et du vent neuf», là où Félix apprend à embrasser la forêt. À l’autre bout du spectre, il y a l’appel de la modernité, avec cette scène d’anthologie de l’oncle Rodolphe, sous les traits d’un Robert Lepage semblant tout droit sorti de la LNI. «Je voulais le Robert des débuts, confie Leclerc, quand il jouait Vinci avec ses lampes de poche et ses galons à mesurer. Il a été majeur dans mon parcours. À 24 ans, j’avais suivi sa troupe pour adapter Les sept branches de la rivière Ota. Ç’a été un gros déclic pour moi. Et trois ans après, je tournais mon premier long, Une jeune fille à la fenêtre, et il était mon conseiller.» S’ils s’attellent à de nouveaux projets – l’un adaptera le roman Le plongeur et l’autre planche sur un scénario autour de sa sorcière «arracheuse de temps» –, les deux ont éprouvé une grande joie à travailler ensemble. «On partage plusieurs valeurs, s’anime Francis. Comme Fred est aussi un fils de Félix, je me reconnais quand il parle du pays.» S’invitent à table l’identité, le territoire, la culture et l’appartenance. «Quand j’ai réalisé Mémoires affectives, mon personnage représentait un Québec complètement perdu. Tous ceux qui l’aidaient à se souvenir venaient d’ailleurs, un Africain, une Libanaise. Ça résonne toujours en moi. À la fin [très touchante!] de Pieds nus dans l’aube, Martin Léon, un autre fils de Félix, interprète Tu te lèveras tôt. Il chante le pays, ce qui s’en vient pour Félix. Ce n’est pas une œuvre politique, mais je serais heureux si ça pouvait brasser les plus jeunes sur d’où l’on vient.» Est-ce possible d’y arriver sans verser dans la nostalgie? Son ami conteur s’en défend: «La nostalgie, c’est à un millimètre de l’idéalisme. Pourquoi on se donnerait pas encore le temps de rêver à inventer des villages?» Pieds nus dans l’aube sera présenté en première mondiale lors de la soirée Gala, le mercredi 20 septembre, à 20 h, à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm Sortie en salle le 27 octobre


SOUS LA GLACE DE SIBÉRIE PRENEZ UNE ÉQUIPE DE TOURNAGE PASSIONNÉE PAR SON SUJET ET PRÊTE À TOUT POUR TOURNER. CATAPULTEZ-LA DANS UN GOULAG CONSTRUIT PAR STALINE POUR Y EXTRAIRE DES RESSOURCES MINIÈRES À L’AUTRE BOUT DU MONDE. LE RÉSULTAT VOUS DONNERA CE DOCUMENTAIRE D’EXCEPTION QUI SE PENCHE AVEC TENDRESSE ET MINUTIE SUR L’HISTOIRE OCCULTÉE D’UNE VILLE LONGTEMPS DEMEURÉE SECRÈTE. PHOTOS | CAMERA OSCURA

FRANÇOIS JACOB: «EN RUSSIE, IL EXISTE PLUSIEURS DIZAINES DE VILLES DE CE TYPE. ON LES NOMME ZATO ET C’EST LA POLICE SECRÈTE QUI EN GÈRE LES ALLÉES ET VENUES.»

MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ


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> La cité de Norilsk est une ville quasi inaccessi­ ble et qui a été découverte par le grand public à travers les clichés d’Elena Chernyshova à l’occasion de son exposition intitulée Days of Night/Nights of Day. Cette série de photos met en lumière l’étrange colonie d’êtres humains habitant un paysage tota­ lement désolé et dénaturé par l’exploitation humaine. Norilsk, en Sibérie, est l’une des 10 villes les plus polluées au monde (!). C’est à travers la lentille de Chernyshova que le réalisateur montréalais François Jacob a découvert l’existence de cet étrange petit bout d’Arctique. C’est ce qui a donné naissance à un documentaire sur une ville bâtie par des prisonniers à l’époque du goulag et qui devint ensuite le plus grand centre industriel métallurgique au monde. «À l’origine, je m’intéressais au développement du Nord canadien et aux impacts de l’activité humaine sur le territoire, dit François Jacob. En me rendant compte que cela serait beaucoup trop difficile à financer comme premier film, je me suis simplement intéressé à des exemples de colonisation du Nord. Je suis tombé assez rapide­ment sur le sujet de l’Arctique russe et Norilsk a alors surgi sur ma carte Google Earth. J’ai été fasciné par le destin de ces gens qui ont participé à la conquête de ces grands territoires blancs et hostiles.» En début de film, ce sont des images d’archives qui nous servent de guide, puis surgit Lev Netto, un ancien prisonnier du goulag qui fut condamné à 30 ans de prison pour s’être livré aux Allemands après avoir fièrement défendu son pays pendant la Deuxième Guerre mondiale. D’emblée, Jacob a la volonté de restaurer une histoire enfouie sous la glace de Norilsk. Ce document nous

emmène dans une ville longtemps inter­ dite; il faut la réhabiliter et en expliquer ses fondations, semble nous dire le documentariste, à travers la figure de Netto. La séquence suivante nous conduit dans la nuit glaciale de Norilsk, en compagnie de Grigaras Sipavitchus, l’un des personnages forts de ce film. Il fait froid, très froid, et le corps de Grigaras illustre très bien ce qu’est d’être un travailleur de la mine polaire. Lituanien, il est arrivé à Norilsk il y a plusieurs décennies et n’a jamais voulu la quitter; il s’y est ancré, ses amis et son milieu y sont là, car il y a bel et bien de la vie à Norilsk. «Pour trouver mes personnages et entrer en contact avec les citoyens de la ville, je suis passé par le club photo, nous explique François Jacob. Ce fut très facile d’échanger avec eux et j’ai développé une amitié en ligne avec son directeur, qui a accepté de faire toutes les démarches pour nous inviter sur place dans cette ville qui a un statut particulier de ville fermée. En Russie, il existe plusieurs dizaines de villes de ce type. On les nomme ZATO et c’est la police secrète qui en gère les allées et venues.» Norilsk est située à 2500 kilomètres de la ville la plus proche, les connexions internet sont opérées par satellite, l’isolement est donc presque total. Le film fut tourné en deux voyages de six semaines, avec beaucoup de procédures administratives kafkaïennes. Mais Norilsk, c’est aussi une population de plus de 170 000 personnes, qui ont presque toutes un rapport avec la mine de nickel ou les industries minières. François Jacob dresse un portrait de sa population à travers les figures de travailleurs ou d’anciens travailleurs de la mine,

du directeur du club photo passionné par l’histoire de sa ville, d’une metteure en scène de théâtre ou en suivant une bande de jeunes qui confient leurs ambitions pour le futur – peu envisagent leur avenir dans cette ville. C’est d’ailleurs le constat qui s’impose: Norilsk est une ville qui se dépeuple et qui n’a pas de mémoire. Tout le passé de camp de travail de la ville a été biffé des livres d’histoire – la Russie réinventant sans cesse son histoire à la lumière de son mythe prestigieux. Un mythe qui est bien symbo­ lisé par le plan de cette statue de Lénine en réfection, une belle réflexion à la volée sur ce pays, que l’on comprend de façon évidemment partiale. «L’imaginaire des Occidentaux par rapport à la Russie est toujours situé dans une époque post-guerre froide. Ce que je veux dire, c’est que nous sommes dans cette perception de l’autre un peu fantasmé, mais c’est aussi le cas en Russie. Par exemple, lorsque nous avons finalement eu les autorisations pour aller tourner là-bas (après deux ans de démarches), le FSB (la police secrète) nous a téléphoné directement pour savoir si nous étions réellement intéressés à venir encore tourner chez eux. C’était complètement surréel comme moment.» Avec une direction photo franche et un regard tout aussi sincère du réalisateur, Sur la lune de nickel réussit à se tenir en équilibre entre le film d’enquête et le documentaire intimiste à hauteur d’homme. Un film rempli d’intelligence. y Sur la lune de nickel À l’affiche le 20 octobre


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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

RACISTE!… OU PEUT-ÊTRE PAS… Il est parfois facile de décider qu’une personne ou une société est raciste. Une personne raciste? Voyez cet homme blanc membre du KKK (ou d’une quelconque organisation suprématiste blanche) pour qui les Noirs sont des êtres inférieurs. Voyez encore Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), auteur de l’influent Essai sur l’inégalité des races humaines (1853), qui contribuera à propager le mythe de l’aryen: il existe selon lui trois races (noire, jaune, blanche); leurs capacités intellectuelles sont inégales et les Noirs sont au bas de l’échelle; il soutient encore que le métissage des races conduit inéluctablement à la dégénérescence. Une société raciste? L’Allemagne nazie, inspirée entre autres par Gobineau, en est un parfait exemple, tout comme l’Afrique du Sud sous l’apartheid, les États-Unis esclavagistes ou le Canada et les Autochtones. Là, le racisme a été institué, revendiqué, inscrit dans le droit qui proclamait des lois racistes. Mais c’est rarement aussi simple. Déjà, on aura deviné qu’une société peut être en droit raciste (ou non raciste) tandis que certains de ses membres peuvent ne pas l’être. La situation est en fait plus complexe encore, ce que la recherche en sciences sociales a abondamment montré.

Biais

Des concepts à manipuler avec soin

Nous savons par exemple que nous avons tous des biais cognitifs: nous nous pensons volontiers objectifs (et croyons que les autres, eux, sont biaisés); nous méconnaissons les éventuels privilèges que nous confère notre situation; et nous nous pensons volontiers exempts de tout racisme.

Il faut ici être très prudent. Il y a, pour commencer, des frontières pas toujours nettes entre le racisme et divers autres concepts.

Vous aurez une idée de ces biais en visitant le Musée de la tolérance, à Los Angeles. Vous commencerez votre visite avec une présentation de tous ces groupes à propos desquels on peut faire – et on a effectivement fait – preuve d’intolérance. Tous ceux auxquels vous pouvez penser y sont, ou presque: les Noirs, les juifs, les Arabes, les homosexuels, les lesbiennes, les obèses… Vous devrez ensuite entrer dans le musée proprement dit par une ou l’autre des deux portes: celle pour les gens intolérants; celle pour ceux qui ne le sont pas. Certaines personnes n’ont toujours pas compris et tentent d’entrer par cette der­ nière porte, qui est verrouillée… À la question «êtes-vous raciste?», presque tous (et plus encore dans une société qui condamne explicitement le racisme ou en fait un délit) répondront non. Ce sera souvent de bonne foi. Et ce pourrait être vrai. Comment décider si ce l’est vraiment? Il n’est pas facile de répondre à cette question. Mais l’accusation est si grave qu’on ne peut l’éluder.

On pourra ainsi être intolérant à divers degrés sans être vraiment raciste. On pourra encore être mal à l’aise devant l’étranger qu’on ne connaît pas, en avoir peur, sans être raciste à proprement parler – et d’ailleurs, l’intolérance, la xénophobie et le racisme reculent avec les contacts et la familiarité avec les autres. On pourra aussi, cette fois en toute connaissance de cause, juger déplorables des us, des coutumes, des habitudes ou des religions sans être raciste et sans avoir à en recevoir l’accusation. D’autant que l’on entre ici dans le territoire, à soigneusement protéger, de la liberté d’expression. Tenir des propos racistes ou haineux est interdit par la loi, mais tout propos critique n’est pas nécessairement raciste ou haineux; dans le doute, il ne nous revient ni à vous ni à moi d’en décider, mais aux tribunaux. Et puis, sans être raciste ou avoir des intentions racistes, on peut défendre des politiques qui, dans les faits, ont des implications différenciées pour divers groupes: c’est le cas avec certaines conceptions plus républicaines de la laïcité. Ce serait un bien mauvais procès à faire à leurs défenseurs que de les présumer racistes.

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On m’accordera que ce n’est pas toujours simple. D’autant que d’autres biais entrent en jeu. Des biais à connaître C’est le cas de cette tendance naturelle et difficile à surmonter (et qu’il n’est pas toujours souhaitable de surmonter) à diviser le monde en «eux» et «nous». Des propos et des gestes nationalistes, xénophobes y prennent souvent leur source. Décider lesquels sont racistes ne sera pas toujours facile. D’autant qu’il peut aussi arriver que le racisme soit inconscient. Celui ou celle qui assure ne pas être raciste le serait alors en réalité; on le verrait, par exemple, dans l’écart entre ses paroles et ses gestes, qui détecterait ce biais raciste. Mais là encore, déterminer la présence de ce biais n’est pas facile. Ces temps-ci, par exemple, en psychologie sociale, on parle beaucoup d’un test (Implicit Association Test) assez ancien et longtemps tenu pour très fiable, destiné à déceler les biais racistes implicites (amusez-vous à vous tester ici: implicit.harvard.edu/implicit/ france). De plus en plus de voix s’élèvent pour mettre en doute sa valeur… Lutter contre la discrimination systémique On observe indéniablement dans notre société de graves discriminations systémiques et du racisme. Mais pour les raisons que j’ai dites (et quelques autres…), les réunir sous le vocable de racisme systémique me semble un pari risqué, même s’il se trouve certainement chez nous du racisme (et indéniablement systémique dans le cas des Autochtones…) qu’il faut combattre partout où on le trouve. Des consultations sur le sujet, certaines à huis clos, des consultations aussi facilement instrumentali­ sables par tant de groupes, y compris par des partis politiques à des fins électoralistes, ne me semblent pas la meilleure manière de lutter contre le racisme de notre société et ses discriminations systémiques. Elles risquent même, je le redoute, d’être contre-productives, de générer de graves tensions sociales et de ne pas faire grand cas du racisme systémique bien réel. J’aurais préféré que l’État intervienne par les moyens dont il dispose. Par exemple, en rappelant que le racisme et les discriminations systémiques sont inaccep­ tables; en travaillant sur l’insertion professionnelle des immigrants par la discrimination positive à l’em­ bauche ou par une meilleure reconnaissance des diplômes et des expériences des travailleurs étran­ gers. Et par d’autres moyens encore, que seul l’État a le pouvoir de déployer et même d’imposer. Le gouvernement a choisi une autre voie. J’espère que l’avenir dira que je me suis trompé… y

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À LA TABLE DES PREMIÈRES NATIONS QUE SAVONS-NOUS VRAIMENT DE LA GASTRONOMIE DES NATIONS AUTOCHTONES QUI PEUPLENT LE QUÉBEC, ET COMMENT LA CONCILIER AVEC LA CUISINE CONTEMPORAINE? UNE PREMIÈRE RENCONTRE DE CHEFS À QUÉBEC VIENT D’OUVRIR UNE BRÈCHE DANS UN PAN DE CE PATRIMOINE MÉCONNU MAIS PROMETTEUR. MOTS | SOPHIE GINOUX

Nous avons souvent une idée préconçue de la gastronomie des Premières Nations. Nous avons appris dans nos livres d’histoire que leurs modes de vie, tantôt nomade, tantôt sédentaire, faisaient d’eux des chasseurs, des pêcheurs, des cueilleurs et, pour certains d’entre eux, des cultivateurs. Nos ancêtres ont hérité d’eux des procédés de séchage et de fumage. Et les rares spécialités tradition­nelles que nous leur connaissons, servies dans des pow-wow ou lors d’événements à caractère un tantinet folklorique, se résument la plu­ part du temps à la sagamité et à la banique. C’est à cette grande inconnue que s’est attaqué un petit groupe de passionnés de la ville de Québec en organisant La rencontre des grands chefs, tout premier événement jumelant 11 chefs québécois et 11 chefs issus des Premières Nations du Québec, les 2 et 3 septembre derniers au Fairmont Château Frontenac. 12 nations qui s’ignorent Malgré le succès manifeste des produits du terroir et de la cuisine à tendance boréale, on ignore tout, ou presque, de la gastronomie des Premières Nations et de sa réinterprétation contemporaine. Martin Gagné, ancien chef du restaurant La Traite à l’Hôtel-Musée des Premières Nations de Wendake, Arnaud Marchand, chef du bistro Chez Boulay à Québec, ou encore Christopher Parasiuk, ancien chef du Manitoba à Montréal, font partie des rares cuisiniers qui ont jusqu’à présent exploité ces racines pour les élever à un degré de recherche supérieur.

PHOTO | PEXELS

Pourtant, ce n’est pas l’intérêt qui manque. Les gibiers, champignons et algues sont de plus en plus présents dans nos assiettes, et des compagnies comme Gourmet Sauvage diffusent largement des produits sauvages de qualité. Mais cela ne représente que la pointe de l’iceberg. Des freins divers, qu’ils soient d’ordres légaux, sociologiques, géo­ graphiques ou même pratiques, n’ont pas encore permis aux Premières Nations du Québec de partager leur savoir-faire millé­ naire. Il est par exemple toujours interdit au Québec de servir de la viande sauvage dans les restaurants. Toutes les initiatives menées par des chefs pour amener les petits gibiers sur les tables se sont ainsi avérées vaines. Enfin, la majorité des réserves ne disposent pas des fonds nécessaires au développement de l’agrotourisme et sont encore isolées du reste de la population. «Si l’on considère que les Québécois forment eux-mêmes une nation, on se rend compte que nous avons 12 nations qui ne se connaissent pas», constate Frédéric Cyr, directeur culinaire du Fairmont Château Frontenac. Observer et comprendre Faire les choses différemment: tel a été le mot d’ordre du petit groupe des Grands évé­ nements de la ville de Québec, qui a réussi à réunir des représentants des 11 Premières Nations du Québec avec des chefs d’ici. «Nous avons souhaité amener un chef dans chaque communauté, favoriser la rencontre et le partage. Créer des liens entre des cultures qui s’ignorent encore. Et nous avons

pensé que l’expression culinaire était la meilleure voie pour le faire», explique le compositeur Steve Barakatt, qui a accompagné bénévolement le projet. Ne rentre pourtant pas qui veut dans les foyers des communautés autochtones. «Il faut arriver sur place avec l’esprit ouvert à une tout autre culture, et les portes s’ouvrent beaucoup plus facilement qu’on ne le penserait», dit l’organisateur, qui avoue que cette expérience a changé sa vision du Québec. Le chef Stéphane Modat (restaurant Le Champlain et bistro Le Sam), quant à lui, a tellement été touché par sa rencontre avec la communauté inuite d’Inukjuak qu’il s’est fait un nouveau tatouage sur le bras. «Je suis tombé en amour avec le paysage, les gens et la culture de cette nation. Il était fondamental pour moi d’aller là-bas, non pas comme un conquérant, mais comme un apprenti. D’arriver avec un sac vide et de repartir avec un sac plein. D’observer et de comprendre.» Et il a beaucoup appris, comme plusieurs chefs participant à l’événement. «Il faut envisager les choses autrement sur place, faire table rase de nos acquis. Ce n’est pas compliqué: quand la communauté inuite abat un caribou, elle mange ce caribou au complet en le parta­ geant entre ses membres. Si elle en tue 10, elle en mangera 10. Et elle a réussi à composer au fil du temps avec les éléments qui étaient à sa portée. Par exemple, comme il pousse peu de plantes dans le Grand Nord en dehors du lichen, elle a utilisé pour cuisiner ce qui était à sa portée, comme de la graisse de béluga


50 (misiroq).» Il en résulte de surprenantes préparations comme le suvalik, une mayonnaise réalisée avec des œufs de poisson montés avec de l’huile, que le chef a marié avec de l’omble arctique pour la création de son plat combiné. La même philosophie a animé le chef Arnaud Marchand, qui a utilisé le maïs blanc central dans l’alimentation mohawk de Kahnawake pour le décliner de manière traditionnelle et plus moderne au sein d’une même assiette. Marie-Chantal Lepage (MNBAQ) a de son côté préparé avec son homologue de la nation Micmac, Norma Condo, du saumon boucané avec une mousseline de relish de mer, une algue cultivée au goût très délicat.

Un nouveau terroir? Gravlax de caribou aux baies sauvages et au thé du Labrador, cake au nard des pinèdes, perdrix rôtie et confite à la purée de maïs et aux croustilles de courge musquée sont quelques-unes des délicieuses créations qui ont marqué les jumelages de cette première rencontre gastronomique. Et l’exploration de ce patrimoine méconnu ne fait que débuter. «J’ai fait l’école hôtelière comme tous les autres, mais me suis plongé dans mes racines pour acquérir des bases solides sur les plantes sauvages», relate Maxime Lizotte. Ce jeune cuisinier-cueilleur malécite a combiné ces deux apprentissages pour concevoir ORJN,

SAISON DIX-SEPT

DIX-HUIT

UN JOYAU DE L’OPÉRA ITALIEN ! 21, 24, 26 ET 28 OCTOBRE GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC Gregory Dahl / Raphaëlle Paquette / Steeve Michaud / Geneviève Lévesque / Marcel Beaulieu Chœur de l’Opéra de Québec Orchestre symphonique de Québec

OPERADEQUEBEC.COM 418 529-0688

Direction musicale / Derek Bate Mise en scène / François Racine


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une gamme de mélange d’épices et de condiments aussi surprenante que raffinée. Son initiative, à l’image de celle des autres chefs participant à la Rencontre et de celles encore ignorées du grand public, nous permet d’entrevoir un bel avenir pour la cuisine autochtone moderne. Stéphane Modat est plus qu’enthousiaste à cette idée: «Là, on a servi du suvalik tel quel, mais les possibilités sont infinies! Si je fais par exemple frire les œufs de poisson utilisés dans la recette, ou si je déshydrate la préparation, où est-ce que cela m’amènera? Je suis fasciné par ce savoir-faire qui permet de se réapproprier la vraie cuisine traditionnelle du Québec et de la faire évoluer, de la réinterpréter avec l’esprit du voyageur, du découvreur. Savoir d’où on vient pour savoir où on s’en va, c’est essentiel en cuisine comme dans tout. Une cuisine doit être réfléchie, avoir du sens, sinon elle ne sert à rien. Et pour moi, maintenant, le terroir québécois, c’est ce que ces 11 nations font, pas ce que nous connaissons.» Steve Barakatt va encore plus loin: «Si on regarde les grandes gastronomies de ce monde, on se rend compte qu’elles ont toutes puisé dans leurs origines pour briller aujourd’hui. Nous avons commencé à le faire ici avec la cuisine boréale, mais nous sommes loin du degré de recherche que des pays comme la Norvège et la Suède ont atteint. Et je crois sincèrement que cet événement annuel servira de tremplin à la redéfinition de notre terroir québécois...» y


DU CONTE À LA FABLE MOTS | FRANCO NUOVO

ILLUSTRATION | GEOFFREY GERSTEN


LIVRES 53 VOIR QC

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e ne suis pas certain que j’aurais ouvert un livre avec un titre pareil, La vie rêvée des grille-pain, mais j’étais intrigué. En plus, ma collègue Karine n’avait eu pour ce bouquin que des mots et des formules de rêve et d’imagination, ce qui a fini par me convaincre de le lire.

De plus, l’auteure, dont je n’avais lu aucun livre, avait, à mes oreilles, un vrai nom d’écrivaine: Heather O’Neill. Elle n’est pas la fille d’Eugene O’Neill. Eugene est mort il y a trop longtemps. D’ailleurs, sa fille s’appelait Oona. Elle était très, très belle et fréquentait la jet-society newyorkaise. Adolescente, mystérieuse et séduisante, elle était une cliente assidue du réputé Stork Club, où elle côtoyait Truman Capote et J. D. Salinger. Salinger, d’ailleurs, est tombé follement amoureux d’elle, mais pas elle de lui. Oona ne l’a donc pas retenu quand il a décidé de s’enrôler et de partir à la guerre. Et Oona est partie à Hollywood pour faire l’actrice. Elle a rencontré Charlot. Oui, Charlot: Charlie Chaplin. Oona a donc épousé Charlot et est restée madame Charlot pour le reste de ses jours. Ah! l’amour! Tout ça pour vous dire que c’est important le nom. Hemingway, par exemple, ne pouvait qu’écrire. Avec un tel nom, Camus, me direz-vous, aurait pu devenir fonctionnaire ou professeur; Genet, lui, peut-être acteur. Ne l’était-il pas d’ailleurs? Heather O’Neill, elle, ne pouvait donc être qu’écrivaine. Une écrivaine qui, étrangement, admirait Genet, Gorki, Duras et Marie-Claire Blais, oui, Marie-Claire Blais. De plus, ai-je appris en fouillant un peu, elle est née à Montréal et a étudié à McGill. Peut-être d’ailleurs, le hasard étant ce qu’il est, l’ai-je déjà croisée, blonde, ses cheveux courts au vent, le regard sombre perdu dans des pensées étranges, grimpant l’avenue des Pins vers l’Hôpital Victoria, son sac plein de feuilles sous le bras. Bref, Heather O’Neill a déjà, à l’heure qu’il est, écrit quelques livres, dont un en tout cas, La ballade de Baby, qui a connu un immense succès. Bizarrement, elle n’avait jamais été traduite ici, et la traduction française de son ouvrage La ballade de baby sonnait un peu comme du Mordecai Richler tartiné de foie gras et digéré par Bourvil. Or, un éditeur d’ici a confié ce voyage au cœur de la fantaisie à Dominique Fortier. Du coup, le français d’ailleurs a pris le goût et les saveurs de celui d’ici. Ce n’est pas un roman. Et comme, histoire de citer Alain Resnais, la vie est un roman, ce n’est pas la vie non plus. Ce sont des histoires, des nouvelles, des fables, des illusions couchées sur papier, l’irréel en mots, en phrases, en récit.

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Heather, je me permets de l’appeler Heather avec le «th» résonnant comme «de», Heather, donc, m’a tellement entraîné ailleurs, ailleurs, ailleurs que sur la pelouse, ailleurs que sur le bitume, ailleurs que dans les couloirs froids de Radio-Canada! Elle m’a fait rêver et m’a raconté, à moi qui vais bientôt être grand-papa (si ce n’est déjà fait), que l’océan déposait les bébés avant que ne se retire la marée. C’est con, parce que j’ai toujours cru que c’était les cigognes qui les emmenaient, ou qu’ils naissaient dans les choux, lesquels, cette année, en raison de ce septembre caniculaire, sont énormes. J’en conclus que les bébés, s’ils ne sont pas rejetés par la marée, sont énormes aussi. J’ai aimé aussi ce petit bonhomme tzigane et son ami l’ours, ces jouets qui, abandonnés un moment par le petit garçon qui devait aller souper, en ont profité pour prendre vie. Et en bon Tzigane, il est parti sur la route et a joué du violon. Et en bon ourson, l’ours a cabotiné. Une balade qui les a menés au bordel. Ne me demandez pas pourquoi. Le Tzigane avait besoin de dormir et avait besoin d’aimer. Et Jésus qui était en sixième année, et les Noureev clonés et reclonés qui, finalement, dans ce petit village du Bas-du-Fleuve, n’aimaient pas particu­ lièrement danser, et les anges descendus pour «sauver» les soldats débarquant sur une plage de Normandie, et la petite O qui flirte avec le désir plus qu’avec le sexe… Je vous entends: «Pourquoi La vie rêvée des grille-pain?» Parce que 4F6, une androïde qui aimait regarder les étoiles, s’est éprise de BX19, à qui elle a demandé de l’embrasser tendrement. Le choc fut grand, si grand qu’est tombé d’entre les draps «un petit personnage aux allures de bonhomme allumette»… Un enfant de l’amour, seul au monde… seul au monde… seul au monde. Je n’en dirai guère plus. y La vie rêvée des grille-pain Heather O’Neill Éditions Alto, 400 pp

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Plus qu’une épicerie traiteur!

C’est aussi un espace café où savourer de délicieux plats, salades, croissants, sandwichs et desserts, où tout est préparé p dans notre cuisine. Heure d’ouverture de 7h à 18h De 7h a 19h les jeudis et vendredis

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LA BOSCO JULIE MAZZIERI Héliotrope, 2017, 126 pages Le travail de l’écrivain en est un de patience et d’acharnement. Si certains parviennent à récidiver d’année en année, produisant ainsi un nouveau titre chaque automne – juste à temps pour les bas de Noël –, d’autres prennent le temps qu’il faut pour se battre avec les mots, avec les idées. Avec Le discours sur la tombe de l’idiot, premier roman publié en 2009 aux éditions françaises José Corti, l’écrivaine québécoise désormais installée en Corse avait remporté le prix du Gouverneur général pour un livre aussi étrange que fascinant, dépeignant la figure de l’idiot stigmatisé en plein cœur des Cantons-de-l’Est. L’auteure revient ici en ses terres, huit ans après son précédent livre, le temps d’une journée, pour assister à l’enterrement de la Bosco. La Bosco est morte et c’est aujourd’hui qu’on l’enterre. Son mari, Jacques, ne pense qu’au chéquier. Son fils, Charles, ne pense qu’au billet de cinquante dollars si tôt gagné, si tôt perdu, alors que sa fille déplie lentement des caramels qu’elle s’engouffre en direct de la berline les menant au cimetière. Au moment où le chauffeur à la conduite médiocre s’engage difficilement dans l’entrée du lieu funèbre, le père pique une énième crise, lui demandant de partir, de conduire encore plus loin, sans s’arrêter. Tant qu’on ne la mettra pas en terre, les problèmes, eux, resteront. C’est ainsi que le périple de La Bosco se dessine, une cavale mortuaire qui brossera le portrait d’une famille grotesque, d’une fratrie qui semble avoir comme devise «chacun pour soi» tellement les liens les unissant semblent aussi ténus que malsains. Les arrêts seront aussi nombreux qu’étranges, le père s’engouffrant tantôt dans un champ de maïs, tantôt dans un débit de boisson, n’oubliant pas d’arrêter chez les Perrault, la richissime famille pour laquelle la Bosco a travaillé, cette même famille qui n’a pas daigné envoyer une seule fleur pour fleurir sa tombe. Court roman s’axant sur la détresse d’un clan en pleine perdition tant mentale que financière, La Bosco se déploie principalement par une maîtrise de la langue avec laquelle Mazzieri embrasse son histoire. La concision du roman, rappelant à quelques égards certains contes de Ferron, n’a d’égal que la précision des images que l’auteure parvient à créer au détour de ses phrases. (Jérémy Laniel) y


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Sur les rayons

MANIKANETISH NAOMI FONTAINE, Mémoire d’encrier, 2017, 150 pages Que peut le théâtre contre la misère du monde? Combien de fois sommes-nous l’étranger alors que nous sommes entouré des nôtres? Quels événements nous projettent si jeune dans l’âge adulte? Six ans après son splendide Kuessipan, Naomi Fontaine revient avec Manikanetish, replongeant son lectorat au cœur d’Uashat, réserve innue au nord de Sept-Îles. Une enseignante fraîchement diplômée quitte Québec, laissant derrière elle son copain pour y prendre une charge d’enseignement secondaire. Cette idée de revenir à la maison pour redonner à la communauté qui l’a vue grandir s’effritera au contact de ses élèves; rapidement, ce sont ces derniers qui lui ouvriront les yeux. Manikanetish signifie «Petite Marguerite», c’est aussi le nom donné à l’établissement scolaire où Yammie s’installe pour l’année, baptisé ainsi en la mémoire d’une femme sans enfant ayant pourtant passé sa vie à en élever plusieurs dizaines. L’enseignante s’installe au premier jour devant la classe, tout aussi motivée qu’elle est terrifiée. Au fil des courts chapitres meublant le roman, on découvrira avec elle Mélina, celle qui sait trop bien écrire pour son âge, Rodrigue, le flanc mou qui l’affrontera devant tout le monde, Marc, celui qui s’absentera rapidement pour suivre sa mère malade à Québec, et tant d’autres. Sans fignoler un roman polyphonique, Naomi Fontaine tisse habilement un réseau d’impacts entre l’enseignante et ses élèves, chacun représentant une singulière chambre d’échos pour chaque misère nous habitant. Familles disloquées, fillesmères, enfants abandonnés et sœurs suicidées sont autant de drames qui forment la faune de cette classe, classe dans laquelle jamais personne ne semble se délester de ses tragédies quotidiennes en y entrant. Bien que le choc soit réel pour Yammie, elle conçoit très vite qu’elle ne peut les laisser tomber et entreprend de les embarquer dans un projet un peu fou: monter Le Cid de Corneille comme spectacle de fin d’année. Rythmée par un découpage concis, fonctionnant presque à la façon de vignettes, l’année scolaire se déroulera sous nos yeux, la confiance se bâtira lentement, menant petit à petit chacun de ces jeunes dans une entreprise dont ils ignorent eux-mêmes l’importance. Comme dans Kuessipan, l’écriture de Fontaine en est une lumineuse qui parvient à montrer et à nommer les détresses et la violence sans pathos aucun. En résulte une lecture tout aussi bouleversante qu’à échelle humaine, d’une grande efficacité comme l’est d’ailleurs son brutal incipit: «Revenir est la fatalité.» (Jérémy Laniel) y


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(Ci-haut) Jean-Paul Riopelle, Un coin de pays, 1962. Huile sur toile, 200 × 200 cm. Ambassade du Canada à Paris. Collection Affaires mondiales, Gouvernement du Canada. © Succession Jean-Paul Riopelle / SODRAC (2017). Photo: Archives Yseult Riopelle (Page de droite) Joan Mitchell, Sans titre, 1951. Huile sur toile, 187,6 × 203,2 cm. Collection particulière, Paris. © Estate of Joan Mitchell. Photo: Bill Orcutt


L’IDYLLE EST NÉE DANS L’EXIL, DANS CETTE VILLE D’ART ET DE FÊTE QUI HÉBERGE RIOPELLE DÈS LA FIN DES ANNÉES 1940. LORSQUE LES VIES DE JEAN-PAUL ET DE JOAN SE CROISENT, PARIS EST LE CENTRE DE LEUR MONDE. LUI, IL A DÉJÀ FAIT SA PLACE. ELLE, FRAÎCHEMENT DÉBARQUÉE, A ENCORE TOUT À PROUVER. MOTS | CATHERINE GENEST

Lui, on l’étudie dès le primaire. Elle, on ne la connaît pas tellement. Au Québec, Joan Mitchell est un secret jalousement gardé, une artiste un peu oubliée ou réservée aux milieux initiés. «Même aux États-Unis, on la redécouvre après sa mort!» C’est que la peintre, toujours selon le commissaire Michel Martin, a littéralement été adoptée par les Français. Une reconnaissance qui a filé entre les doigts de l’auteur de l’Hommage à Rosa

Luxembourg, notre héros national, l’un des chouchous du MNBAQ. «Jean-Paul, oui, a ses heures de gloire dans les années 1950. Puis, à un moment donné, oups! il y a toute une critique en France qui va [le tasser], dire de lui qu’il est le Canadien, le bûcheron, des choses comme ça. C’est remarquable! Je reviens de Pompidou, ils font la collection des décennies 50-60, l’abstraction lyrique et tout. Si on le repose dans le temps, Jean-Paul était

quand même une figure importante… mais il est absolument absent de ces murs. Ils ont pourtant ressorti tous les autres, même ceux qui n’avaient pas sa notoriété. [...] J’ai trouvé ça un peu dommage, j’ai trouvé ça triste.» L’amoureuse de l’artiste, pour sa part, est évidemment du corpus. Elle est, encore à ce jour, l’un des visages les plus célébrés du courant dans l’Hexagone. Ses œuvres valent des millions.

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> La proposition du musée nous présente un personnage historique absolument fascinant. Une pionnière, un symbole féministe en soi, une dame qu’on ima­ gine franche, déterminée, courageuse. «Elle est née à Chicago, elle arrive à New York au début des années 1950 et puis, rapidement quand même, elle va s’associer à tout le mouvement expressionniste abstrait. Elle est l’une des rares femmes à être acceptée dans le groupe. En 1951, elle participe à un événement important avec eux, l’exposition de la 9e Rue. Un gros show. À partir de là, elle est de toutes leurs réunions et tables rondes. C’est sûr qu’elle, elle considère ça comme un milieu macho. Elle est un peu garçonne, si on veut. Elle tenait son bout.» C’est toutefois outre-Atlantique, loin de ses boys, qu’elle se développe pleinement et trouve sa propre voie.

C’était écrit dans le ciel Le travail des futurs tourtereaux, bien avant qu’ils se connaissent, trois ou quatre ans auparavant, présente déjà des similitudes tant sur le plan des teintes que de la composition. Les exemples du catalogue en page 9 sont frappants: La Ville (1949) pour Jean-Paul, Sans titre (1951) pour Joan. Des toiles qui, dénote Martin, rappellent celles du précurseur Arshile Gorky. «Ils ont quand même des racines [semblables], malgré le fait que l’un deux soit Canadien et l’autre Américaine, même si monsieur est Français de par sa production des dernières années. On est déjà dans l’abstraction, pour les deux. Ils ont des petits points de rencontre sans le savoir. [...] C’est intéressant, parce qu’ils partagent aussi des intérêts, notamment leur admiration pour Van Gogh.» Un

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Joan Mitchell, Sans titre, vers 1969. Huile sur toile, 194,8 × 113,7 cm. Collection particulière, Paris © Estate of Joan Mitchell. Photo: Patrice Schmidt

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L A G IROLLE

héritage impressionniste se manifestant dans leur palette, leur propension pour des sujets naturalistes. Les concubins, forcément, se contamineront de leurs idées, s’inspireront mutuellement. C’est précisément l’angle de cette exposition, la première, par ailleurs, qui ne se soit jamais intéressée aux destins entremêlés de ces deux artistes notoires. «Tu ne peux pas vivre si longtemps avec quelqu’un pendant 25 ans sans qu’il y ait une écoute, des discussions, des partages d’idées. Bon, des fois, c’est une interprétation que je donne… Il reste quand même que certaines années, il leur arrive de faire des formes qui se ressemblent.» Un couple dans la démesure, c’est le sous-titre de la présentation, réfère à leurs grands formats, ces pièces spectaculaires à l’image de leurs personnalités explosives, de la passion brûlante qui les consume. «En fait, ce qui est étrange, c’est que ce sont deux tempéraments forts. Très, très forts. Quelque part, et surtout dans les premières années, ils sont très amoureux et, en même temps, c’est deux peintres contemporains, donc ils sont des compétiteurs, d’une certaine façon.» Jean-Paul et Joan étaient rivaux, amants, foncièrement rebelles. Des person­ nages qui n’ont rien à envier à Diego et Frida, à Auguste et Camille. Ils incarnent un mythe romantique qui ne demande qu’à être étalé, sérieusement analysé, découvert par les nouvelles générations. C’est le genre d’histoire que les cinéastes portent à l’écran. y Du 12 octobre 2017 au 7 janvier 2018 Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ)

Cuisine française du marché qui surprend et innove en tout temps depuis 2000. Une réputation qui n'est plus à faire! Apportez votre vin!

Photographe anonyme, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle à Chicago, vers 1959, Archives de la Joan Mitchell Foundation, New York. Œuvre représentée à l’arrière-plan: Jean-Paul Riopelle, Sans titre, vers 1957, huile sur toile, 60 x 73 cm, collection particulière © Succession Jean-Paul Riopelle / SODRAC

1384 Chemin Ste-Foy Québec - (418) 527 4141 lagirolle.ca Suivez-nous sur


60 CHRONIQUE VOIR QC

VO2 #1O

1O / 2O17

ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

PETIT TRAITÉ PHILOSOPHIQUE DE FISCALITÉ POUR LES NULS Ce qui est surprenant avec la fiscalité, c’est de voir à quel point est incompris et jugé inintéressant quelque chose de pourtant omniprésent dans nos vies – notre plus important partenaire, en fait. On envoie une grande partie de notre chèque de paye, mais l’allocation de ces dollars est floue. Quel quidam peut se vanter de connaître le budget annuel du Québec, l’allocation qu’il fait en santé et en éducation, et la provenance de ses revenus? J’ai reçu une invitation à donner une conférence lors du 6e Symposium en fiscalité qui a eu lieu à l’Université Laval à Québec en juin dernier. Moi? Parler de fiscalité? Je sais à peine en baragouiner... Je me suis interrogé sur les raisons et surtout ma légitimité à parler devant des experts. Puis j’ai compris qu’ils ne cherchaient pas de moi une analyse technique du dernier jugement de la Cour, mais plutôt une réflexion d’un citoyen observateur. Une idée que je retiens à la suite de la lecture des différentes présentations qui ont été données durant le séminaire à Québec est qu’une tendance semble émerger dans le monde de la fiscalité. Bien qu’elle doive continuer à appliquer la loi et la jurisprudence à la lettre, la Cour de l’impôt prendrait de plus en plus en compte la question morale afin d’alimenter son jugement. Bien

sûr, la définition de la morale peut être très élastique, mais c’est très intéressant de savoir que le débat se déplace peut-être ailleurs, dans une autre stratosphère, dans celle des intentions originales. Je vous mentirais si je vous disais que la fiscalité ne m’intéresse pas. Pour avoir été dirigeant d’entreprises depuis 25 ans, une compréhension de base des concepts fiscaux a toujours été importante. J’ai eu la chance de payer beaucoup d’impôts et de côtoyer des professionnels qui m’ont accompagné dans la mise en place de ce qu’ils appellent une optimisation fiscale. Optimiser, parce que la loi est si complexe, si épaisse (plus de 3000 pages) et si tortueuse qu’elle oblige l’embauche de milliers de spécialistes qui aident ceux qui ont les moyens de les rémunérer à diminuer leur facture fiscale. C’est évident qu’une entreprise qui paye des dizaines de millions de dollars en impôts annuellement serait folle de ne pas examiner ses autres options fiscales. En fait, un PDG qui ne se soucie pas de cette importante ponction annuelle est considéré comme ne faisant pas bien son travail. La plupart des commentaires et des opinions entourant la fiscalité sont souvent acerbes envers les riches et les entreprises. Entretenues par des écrits démagogues et souvent incendiaires (je pense entre

autres au livre d’Alain Deneault intitulé Une escroquerie légalisée qui commence avec la phrase suivante : «Lorsqu’on attend quarante minutes un autobus à moins 20 degrés Celcius, c’est à cause des paradis fiscaux.»). Ces prises de parole rendent la population très méfiante, voire méprisante envers le 1% et les entreprises, sans discernement, alors que ces derniers assument une part très importante de nos recettes fiscales. Nul besoin ici de rouler les yeux et de vous dire: «On le sait bien, un riche qui va nous expliquer qu’y en a pas de problème.» Il ne fait pas de doute que certains trichent. Certains trichent même beaucoup. Mais il est difficile de déterminer avec certitude de combien. Ce que je sais par contre, c’est que les médias amplifient les choses et laissent parfois croire que le Québec et le Canada n’auraient plus de dettes si les riches payaient leur juste part. C’est du grand n’importe quoi. L’effort doit provenir de partout. S’il y a des sommes non déclarées dans les paradis fiscaux, il y a aussi des milliards qui transitent au noir chaque année, particulièrement dans le domaine de la construction, puis d’autres milliards qui sont subtilisés par des déductions injustifiées. Il m’apparaît important ici de parler de deux éléments de base en fiscalité. D’abord, le principe d’intégration fiscale. L’intégra-

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tion fiscale cherche à taxer les revenus de façon égale, qu’ils transitent par une entreprise, un fonds de pension ou qu’ils soient gagnés directement par un citoyen. C’est la raison pour laquelle un dividende est taxé de façon moins élevée qu’un salaire. L’entreprise a déjà payé une partie des impôts. En d’autres mots, une entreprise pourrait ne pas être taxée du tout, à condition que le propriétaire qui reçoit les profits de l’entreprise le soit au même niveau qu’un employé. Et vice versa. Ce principe est important à comprendre. Les entreprises sont détenues par des citoyens. Et l’objectif est d’appliquer une table d’imposition équivalente pour tous, et ce taux doit être en fonction de leurs revenus totaux. Ensuite, il est important de comprendre la différence entre évitement et évasion. L’évitement est l’utilisation de structures légales (mais peut-être pas morales) permettant de diminuer et de reporter de l’impôt. Avoir de l’argent dans un paradis fiscal n’est pas toujours illégal. Des juridictions qui

offrent des taux d’imposition très bas attirent des entreprises qui vont y reconnaître des revenus. Ces revenus devront toujours par la suite revenir aux actionnaires et donc dans les pays d’origine. Mais l’impôt peut y être reporté pendant des décennies. En toute légalité. L’évasion c’est de l’argent non déclaré; ce sont des gestes illégaux qui permettent d’éviter de payer sa juste part. J’étais dernièrement l’un des signataires d’une lettre ouverte saluant les efforts du gouvernement Trudeau quant à la réforme fiscale que son ministre des Finances, Bill Morneau, compte mettre en place. Je ne suis pas d’accord avec toutes ses propositions, je m’oppose entre autres à une taxation plus importante des revenus passifs générés par les entreprises et à toute forme de rétroactivité liée à l’introduction de nouvelles règles fiscales. On ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route et avoir ainsi un impact sur les finances de centaines de milliers de cotisants qui ont agi et planifié en fonction des règles d’alors. Mais je salue

la volonté d’ouvrir un dialogue et de cibler les iniquités et les incongruités. Nul n’est censé ignorer la loi, mais nul ne devrait avoir à lire 3000 pages pour la comprendre et la faire jouer en sa faveur. Je ne suis qu’un simple citoyen et mon opinion ne vaut sûrement pas grand-chose auprès des professionnels. On me traitera d’utopiste, mais je me demande si la Loi de l’impôt sur le revenu ne devrait pas être rapportée à sa plus simple expression, à quelques dizaines de pages, et que tout ce qui touche les mesures de développement économique et social devrait en être évacué afin de ne pas alourdir et complexifier inu­ tilement cette loi. Je demande en fait si on ne devrait pas faire table rase et établir ensemble ce que devrait être moralement le fardeau fiscal de tous afin d’atteindre des objectifs communs, dont l’amoindrissement des iniquités. Une vraie réforme n’aura de sens que si tous les volets sont atta qués sans complaisance. Me semble que ça constituerait une bonne base… y

Lequebecbio, en collaboration avec Aliments du Québec et ses partenaires, présente Le bio d’ici, ça vaut le coût!

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QUOI FAIRE

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MUSIQUE

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PHILIPPE B IMPÉRIAL BELL – 21 OCTOBRE

Tout nu sans ses lunettes, aussi vulnérable qu’en pleine possession de sa prose, le délicat Philippe B nous a émus avec son plus récent album sorti à l’aube de l’été. Un disque joliment intitulé La grande nuit vidéo.

LIANA VIEUX BUREAU DE POSTE – 6 OCTOBRE

Retour en mars dernier. L’auteure-compositrice-interprète et reine des nuits de Québec sortait un premier EP fort convaincant. Un son, des arrangements résolument PBR&B qui mettent bien en valeur sa voix chaude.

ROGER WATERS CENTRE VIDÉOTRON – 6 ET 7 OCTOBRE

Québec n’a pas encore eu droit à une visite de l’opéra The Wall, certes, mais son compositeur n’a pas oublié d’inclure la ville du rock à sa tournée Us + Them. Un tour de chant forcément épique qui inclura une poignée de chansons popularisées par Pink Floyd.

COCKTA I LS BOUFFE BAR À HUITRES


HARFANG

CORRIDOR

VIEUX BUREAU DE POSTE – 7 OCTOBRE

L’ANTI – 19 OCTOBRE

La voix de Samuel Wagner donne l’impression d’avoir été enregistrée au paradis lorsqu’elle est juxtaposée aux échos des guitares de ses collègues. Aussi folk que prog, résolument aérienne et bonifiée d’une instrumentation électro, la musique de Harfang nous transporte.

Les art rockeurs montréalais passent par chez nous pour nous présenter Supermercado, offrande qu’ils décrivent eux même comme «étrangement plus pop» que les précédentes. Mais attention: ils ne versent pas dans la facilité pour autant!

BELLFLOWER

TRIO DA KALI

THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN/

PALAIS MONTCALM – 12 OCTOBRE

MAISON DE LA CHANSON – 21 OCTOBRE

Le balafon de Lassana Diabaté, la voix de Hawa Kassé Mady Diabaté et le n’goni de Mamadou Kouyaté retentiront entre les murs de la salle D’Youville. Une rencontre entre culture contemporaine et traditions maliennes forcée par trois virtuoses qui ne demandent qu’à briller!

Les admirateurs de Bears of Legend et de Groenland aimeront ce groupe. Cuivres, voix d’or et guitares acoustiques se rejoignent sur ces pièces de folk orchestral, une musique aussi rassembleuse que somptueusement arrangée.

LE CERCLE – 24 OCTOBRE

LE CERCLE – 19 OCTOBRE

Ce musicien montréalais reprend le flambeau de Diamond Rings avec une pop presque new wave, très inspirée des années 1980 et teintée par une voix magnifiquement grave.

EN DIVERS LIEUX DU 12 AU 22 OCTOBRE

THE COURTNEYS

RADIANT BABY

FESTIVAL INTERNATIONAL DU CONTE JOS VIOLON DE LÉVIS

La guitariste Courtney Loove (!) et ses deux acolytes, toutes féminines, créent d’accrocheuses chansons teintées par le grunge. Un slacker rock franchement rafraîchissant qui nous vient de Vancouver!

Pour ses 15 ans, le Festival devient Terre de légendes. Au programme Les légendes d’un peuple vues par Alexandre Belliard et Pascale Montpetit. Une rencontre avec des artistes de la parole aux imaginaires fertiles et près d’une vingtaine de spectacle de contes à Lévis.

À VOIR CET AUTOMNE COMPLET

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TAXES ET FRAIS DE SERVICE INCLUS. ADMISSION GÉNÉRALE.

TIMBER TIMBRE 17 NOVEMBRE

JONATHAN ROY 18 NOVEMBRE


TABLE D’HÔTE MIDI ET SOIR - CARTE DES VINS RÉPUTÉE

NOUVEAU

L’ÉCHAUDÉ EN LIVRAISON

LOUD MÉDUSE – SALLE MULTI – 27 OCTOBRE

Le pote de Lary et Ajust débarque à Québec armé de «quelque chose de solide», une premier EP (New Phone) qui met bien en valeur son flow aussi décontracté que précis.

COMMANDEZ EN LIGNE SUR ECHAUDE.COM

FRED FORTIN LA TAVERNE (SAINT-CASIMIR) – 28 OCTOBRE

Sacré auteur-compositeur de l’année et choix de la critique au dernier gala de l’ADISQ, Fred Fortin règne en maître sur la scène folk québécoise. De passage dans Portneuf, il nous offrira évidemment des pièces de son acclamé album Ultramarr.

GEOFFROY IMPÉRIAL BELL – 3 NOVEMBRE

Coastline est indiscutablement l’un des meilleurs albums trip hop de 2017. On y apprécie les références à la musique berbère (Trouble Child), de même qu’à l’œuvre de Woodkid sur Raised by Wolves. Geoffroy surfe sur la vague de l’électro down tempo en se démarquant juste assez de ses contemporains!

LE RIGOLETTO DE VERDI GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC 21, 24, 26 ET 28 OCTOBRE

Tout le monde a déjà entendu La donna è mobile, cet air archi célèbre enregistré par Luciano Pavarotti au début des années 1980. Une interprétation qui est passée à l’histoire, qui fait partie de notre inconscient collectif et qui sera cette fois-ci assurée par Steeve Michaud.

MADO – CONCERT INDIGNE IMPÉRIAL BELL – 2 NOVEMBRE

SCÈNE

La reine des nuits de Montréal débarque à Québec pour nous présenter son Concert indigne. Un récital parsemé de ses plus coquettes bitcheries et mis en musique par le pianiste Squeegee Nicky.

73, RUE DU SAULT-AU-MATELOT, VIEUX-PORT QUÉBEC 418 692.1299 ECHAUDE.COM

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LE CAS JOÉ FERGUSON THÉÂTRE DU TRIDENT – 31 OCTOBRE AU 25 NOVEMBRE

La prolifique auteure Isabelle Hubert place un meurtrier campagnard de 19 ans au cœur de sa nouvelle histoire, un personnage qui sera vraisemblablement incarné par le comédien Steven Lee Potvin. De solides comédiennes lui donneront par ailleurs la réplique: Sylvie Drapeau, Valérie Laroche et Joëlle Bond.

CENTRE D’HUMBLES SURVIVANTS LÉGÈREMENT DÉTRAQUÉS THÉÂTRE DE LA BORDÉE – 24 OCTOBRE AU 18 NOVEMBRE

On s’attend à rire jaune devant cette création de Véronika Makdissi-Warren. Une pièce qui se joue de l’acronyme CHSLD et qui met en scène le quotidien pas toujours très hop-la-vie de nos aînés.

MAJOR MOTION PICTURE

FABIEN CLOUTIER

SALLE MULTI DE MÉDUSE –

SALLE ALBERT-ROUSSEAU – 10 OCTOBRE

1ER, 2 ET 3 NOVEMBRE

On l’a d’abord vu sur les scènes de Québec, puis on l’a découvert comme auteur avec Scotstown et Cranbourne. Désormais connu du (très) grand public grâce à ses rôles à la télévision, Fabien Cloutier plonge dans l’humour avec un premier one-man-show décapant.

La compagnie vancouvéroise Out Innerspace Dance Theatre était passée chez nous en 2014 pour présenter le duo Me So You So Me. Elle nous revient cette fois-ci avec une chorégraphie pour sept âmes, un spectacle théâtral inspiré par l’univers de George Orwell.


QUOI FAIRE 65

CINÉMA

VOIR QC

THE FOREIGNER EN SALLE LE 13 OCTOBRE

Un humble entrepreneur au lourd passé camouflé tentera d’obtenir justice pour sa fille, tuée violemment dans une explosion terroriste. Un véritable jeu de chat et de souris s’ensuivra alors qu’un membre du gouvernement cache l’identité réelle des tueurs.

LE JEUNE KARL MARX EN SALLE LE 13 OCTOBRE

À l’âge de 26 ans, Karl Marx part en exil avec sa femme. Arrivé en 1844 à Paris, le couple rencontrera Friedrich Engels, fils d’un propriétaire d’usines, qui expliquera à Marx la naissance sordide du prolétariat anglais. Entre censure, émeutes et prises de pouvoir politiques, les deux jeunes hommes forgeront le mouvement ouvrier, la plus grande transformation politique et théorique de l’histoire depuis la Renaissance.

THE KILLING OF A SACRED DEER EN SALLE LE 27 OCTOBRE

Steven et Anna, respectivement un brillant chirurgien et une ophtalmologue respectée, vivent une vie de famille heureuse avec leurs deux enfants. Depuis quelques semaines, Steven a également pris sous son aile un jeune garçon ayant perdu son père. Celui-ci deviendra progressivement de plus en plus imposant au sein de la famille et menaçant, jusqu’à ce qu’il pousse Steven à commettre un sacrifice immense.

HUMAN FLOW EN SALLE LE 20 OCTOBRE

À travers des images saisissantes capturées tour à tour en Irak, en Allemagne, en Israël, au Mexique, en Turquie et aux États-Unis, ce documentaire touchant explore la crise des réfugiés qui secoue actuellement notre monde.

ROBERT CHARLEBOIS

VO2 #1O

1O / 2O17

SUBURBICON EN SALLE LE 27 OCTOBRE

Dans la plus typique des banlieues américaines des années 1950, une famille nucléaire modèle se retrouvera prise dans un cambriolage meurtrier. À la suite de celui-ci, le père sombrera dans une spirale de violence, de trahisons, de représailles et de chantage qui le mènera dans les tréfonds les plus sombres de sa propre personne.

LOVING VINCENT EN SALLE LE 27 OCTOBRE

Chargé de livrer une lettre de Vincent Van Gogh à son frère Theo, Armand Roulin apprend que celui-ci n’a survécu que quelques mois à la disparition tragique de son frère aîné. Alors que Roulin ne pensait pas grand-chose de Van Gogh, il apprendra à connaître la vie surprenante et passionnée du peintre légendaire à travers des rencontres avec des gens qui l’ont connu.

MITCHELL | RIOPELLE. UN COUPLE DANS LA DÉMESURE

MICROBRASSERIE LES GRANDS BOIS

MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC

17 NOVEMBRE

LA ROTONDE - 5 NOVEMBRE

La microbrasserie Les Grands Bois reçoit le grand Robert Charlebois. À cette occasion, celui-ci offrira des relectures audacieuses de son puissant répertoire. Pour ce nouveau spectacle, on le retrouve sur scène entouré de cinq musiciens, au son des pianos, contrebasse, guitares et batterie, dans une ambiance intimiste, mais toujours rock.

Aux confins de la danse, du mime, de l’humour et du multimédia, l’artiste-interprète montréalaise Dulcinée Langfelder convie le public à un voyage onirique et poétique où le rêve nous rappelle qu’en chaque humain vit un être créatif qui s’ignore parfois.

DU 12 OCTOBRE 2017 AU 7 JANVIER 2018

En primeur mondiale, voyez deux géants de l’art moderne: les peintres Jean-Paul Riopelle et Joan Mitchell. Retracez leurs carrières artistiques respectives et découvrez quelque 60 œuvres majeures teintées de leur passion amoureuse. Dès le 12 octobre au Musée national des beaux-arts du Québec.

CONFIDENCES SUR L’OREILLER, UN ESSAI SUR LES RÊVES


Vous avez une soirée à organiser… Pensez Café du Marché!

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Groupes privés de 20 à 70 personnes.

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ESPACES PSYCHIQUES

GRAEME PATTERSON

MUSÉE DE LA CIVILISATION DE QUÉBEC

GALERIE 3 – 13 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE

25, 26, 27 ET 29 OCTOBRE

ARTS VISUELS

Les cinéphiles d’Antitube s’associent avec le MCQ pour projeter une série de films en lien avec l’exposition du moment: Cerveaux à la folie. Kubrick, Resnais et Tarkovski seront à l’honneur.

INFORMEZ-VOUS! 2215, CHEMIN DU FLEUVE, LÉVIS (SECTEUR ST-ROMUALD) 418 839.2525

Graeme Patterson est un inclassable. Son travail ne ressemble à celui de personne et allie moult techniques: maquettes, stop-motion, sculpture, et on en passe. Un univers surréaliste et près de l’enfance, une esthétique qui appelle au rêve.

NICOLAS PUYJALON

KAMIL KOCUREK

ŒIL DE POISSON

ENGRAMME

27 OCTOBRE AU 26 NOVEMBRE

27 OCTOBRE AU 26 NOVEMBRE

Français de naissance, Allemand de résidence, Nicolas Puyjalon bâtit des installations ludiques amalgamant une large variété d’influences culturelles. If Walls Could Talk, sa dernière création en date, s’inspire notamment du mobilier japonais et de la porno.

L’illustrateur polonais Kamil Kocurek donne dans l’austérité, l’économie de moyens et de couleurs, pour présenter une vision maussade de notre monde. Des gravures plutôt minimalistes qui nous montrent le côté le plus sombre (ce n’est pas peu dire) de la guerre.


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