Magazine Voir Montréal V02 #11 | Novembre 2017

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MONTRÉAL VO2 #11 | NOVEMBRE 2O17 CYCLE MYTHOLOGIQUE AU THÉÂTRE FRÉDÉRICK GRAVEL CATHERINE LÉGER LE DOCUMENTAIRE AU QUÉBEC MANIC / RIDM LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TROP LES ALLUMETTES PHILIPPE BRACH CHARLOTTE GAINSBOURG CUISINE JUIVE DOSSIER LEONARD COHEN

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MARA TREMBLAY


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O2 11

V

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MONTRÉAL | NOVEMBRE 2017

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Directeur des ventes: Jean Paquette Adjointe aux ventes: Karyne Dutremble Conseillers aux solutions médias: Stéphane Baillargeon, Miriam Bérubé, Catherine Charbonneau, Mizia Émond-Lavoie (comptes majeurs), Céline Lebrun (comptes culturels).

COLLABORATEURS

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Alessandra Rigano, Christine Fortier, Ralph Boncy, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Philippe Couture, Réjean Beaucage, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Catherine Genest, Jean-Baptiste Hervé, Alexandre Taillefer, Eric Godin

COMMUNICATIONS VOIR

OPÉRATIONS / PRODUCTION

Impression: Transcontinental Interweb

Directeur du développement web: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleuse: Yen Dang Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Service à la clien­tèle: Sophie Privé Chef de service, production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Infographie: René Despars

DISTRIBUTION

Président: Michel Fortin Vice-président: Hugues Mailhot

VOIR est distribué par Communications Voir inc. © 2017 Communications Voir inc. Le contenu de Voir ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 0849-5920 Convention de la poste-publications: No 40010891 606, rue Cathcart, 10e étage, bureau 1007. Montréal (Qc) H3B 1K9 Téléphone général: 514 848 0805 Télécopieur: 514 848 0533

PHOTO COUVERTURE Jocelyn Michel | leconsulat.ca

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«J’AI VÉCU DES TRUCS TRÈS, TRÈS TOUGH ET ON DIRAIT QUE LE LAC M’A APAISÉE. PAREIL POUR LES CONIFÈRES, LES FEUILLUS, LES ÉTOILES…» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière 2e assistante | Frédérique Duchesne Maquillage / Coiffure | Laurie Deraps (TEAMM) Production Consulat | Martine Goyette

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SCÈNE

Cycle mythologique Filles en liberté Frédérick Gravel

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MUSIQUE

Charlotte Gainsbourg Philippe Brach

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CINÉMA

Le documentaire au Québec Manic / RIDM La petite fille qui aimait trop les allumettes

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GASTRONOMIE

La gastronomie juive

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LIVRES

Hemingway, Hammett, dernière L’habitude des bêtes Zabor ou Les psaumes

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ARTS VISUELS

Dossier Leonard Cohen Nadia Myre

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QUOI FAIRE CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p16) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p40) Alexandre Taillefer (p68)


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VO2 #11

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

JE VOUS ÉCRIS D’AUSSI LOIN QUE POSSIBLE ILLUSTRATION | ERIC GODIN

C’était au milieu du mois d’octobre. Il faisait pres­ que canicule par ici. Une anomalie saisonnière. Une amie m’envoyait une missive du nord: «Je t’écris en direct de Puvirnituq, mais ce pourrait être le code postal de la lune.» Ça m’a foutu le cafard solide. D’où? Il a fallu que je cherche. Ça me sem­ blait plus loin que le Laos. Pas la porte à côté, en tout cas. Tout est si loin en ce pays. Si loin, ou trop proche. Quelques jours plus tard, la tête d’Éric Salvail roulait dans l’arène du showbusiness local. Gilbert Rozon, après lui. Tout le monde semble se connaître dans ce grand festival de la bite au vent. Tout le monde le savait, qu’on entend sur les ondes. Tout le monde se taisait, aussi. Bon, pas tout le monde, mais on a assisté à une étrange performance de promiscuité où la pure ignorance n’était pas monnaie courante. On dit parfois que le monde est petit. Ça n’a jamais été aussi vrai. Quelques mots de mon amie me sont arrivés par courriel. Elle prenait l’avion pour reve­ nir par ici avec l’envie de boire une bière. «Il fait plus froid ici que n’importe où ailleurs, que je lui ai répondu. Quand tu veux pour une bière.» On dit que ces types sont tombés de haut. Je me demande bien de quelle hauteur au juste. Je ne peux quand même pas me désolidariser com­ plètement du monde, mais j’aimerais dire, pour la postérité, que, moi, je ne savais pas. J’ignore tout de ce qui se passe dans ces galas à la mords-

moi-le-succès-mon-vieux et ces étranges espaces célestes où on transforme un cuistot du shooter en sommité culturelle et un magnat du gag en messie de la gestion d’entreprise. C’est le niaiseux ordinaire qui m’intéresse, moi. Ce jeune homme qui, tôt ou tard, en se touchant la graine, devra faire un choix: devenir un pauvre con ou un immense salopard. C’est lui que je connais, que j’ai croisé à maintes occasions, dans lequel je me reconnais. J’aimerais, à mon tour, lui dire deux mots: moi aussi. Qui lui apprendra, à lui, qu’on peut devenir autre chose qu’une bête? Pas un saint, pas un surhomme, pas l’achèvement de l’humanité… Simplement quelqu’un de bien, de pas trop mal, de correct. Commencée avec l’affaire Weinstein, cette chute des gros bonnets de l’écran a quelque chose qui relève de l’artifice hollywoodien. Comme si, ce qui craquait, c’était le vernis de la célébrité. Cette vie des gens riches et célèbres, je la croise tous les jours à l’épicerie, à la pharmacie, reluisante sur les pages couvertures de revues criardes. Tromperies, men­ songes, fourberies et hypocrisie semblent être les ingrédients d’un univers parallèle. On nage ici dans la fabrication du faux, comme si la vie des stars était une société secrète. Cette chute à laquelle on a assisté, c’est comme si toutes ces couvertures de magazines se déchiraient. Tout ce papier glacé réduit en miettes, bon pour les ordures.

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Il y a là un paradoxe malsain: tout faire pour être le plus visible possible, pour mettre sa face partout, et découvrir un jour que cette fuite constante vers le haut ne sert qu’à dissimuler tout le glauque de la condition humaine. Il faudra un jour rendre hommage aux victimes qui ont brisé le silence pour ça, après la tempête. Il faudra les remercier d’avoir découpé une fenêtre dans ce monde opaque où on confond la lumière aveuglante des projecteurs avec la clarté du jour. Entraînés dans ces affaires comme dans un vor­ tex, c’est à coup de grands titres qu’on mène de grandes discussions bruyantes qui dissimulent des questions qui semblent désormais lointaines et accessoires. Comment faire pour rencontrer quelqu’un? Comment séduire, tisser des liens de confiance, bâtir une relation et avoir l’espoir de laisser quelque chose de moins pire après soi? Qu’est-ce donc que le bonheur et l’amitié? Et l’amour dans tout ce bordel? C’est sans doute en avançant lentement qu’on trouvera des indices pour résoudre ces mystères. C’est peut-être la seule chose essentielle que je

«QUI LUI APPRENDRA, À LUI, QU’ON PEUT DEVENIR AUTRE CHOSE QU’UNE BÊTE?» puisse dire à ce jeune con qui assiste à ces explo­ sions en se demandant si, lui-même, il ne fonce pas à toute allure, guidé par sa queue, vers le pré­ cipice de la bêtise. Prends ton temps, mon vieux. Marche lentement et n’hésite pas à t’arrêter en chemin pour saisir les charmes du paysage. Tu ver­ ras, pour contempler la beauté, il vaut mieux être très loin. De trop près, on ne voit plus rien. y sjodoin@voir.ca


ANTIOCHE

L’ILIADE


SCÈNE 9 VOIR MTL

VO2 #11

MYTHOLOGIES D’AUJOURD’HUI AVEC L’ILIADE ET ANTIOCHE, LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER RAMÈNE CE MOIS-CI LES HÉROS ANTIQUES SUR SCÈNE… MOTS | MARIS PÂRIS

«C’est un heureux hasard!», assure Claude Poissant, le directeur artistique du théâtre du quartier Hochelaga. «Les deux projets étaient sur la table depuis un moment. Et quel beau hasard de les programmer tous les deux dans ce mois des morts qu’est novembre…» À ma droite, L’Iliade, une adaptation du long poème d’Homère par Marc Beaupré, qui montera sur les planches de la grande salle du théâtre. À ma gauche, Antioche, un texte de la jeune Sarah Berthiaume mis en scène par Marc Faucher, qui ressuscitera le personnage d’Antigone dans la salle Fred-Barry. «Il y a un spectacle de gars, avec une parole très mâle, versus un spectacle de filles, indique Claude Poissant. Ce sont deux mondes qui vont être complètement différents, à cause des paroles mais aussi à cause des espaces, mais les deux spectacles se répondent.» C’est en effet une volonté de plus en plus marquée chez le directeur artistique: faire en sorte que les deux salles du théâtre se parlent, dans l’approche, dans le texte, etc., et créer des liens entre toutes les étapes de création. Des créations très actuelles, car si L’Iliade et Antioche s’ancrent dans l’Antiquité, les deux spectacles vont chercher des écritures très contemporaines dans la mythologie. «Je veux qu’on puisse continuer à travailler le répertoire, mais en restant toujours dans la création», souligne Claude Poissant. «Il y a tellement de routes vers la compréhension de la race humaine dans ces histoires… Que des écrivains aujourd’hui s’y intéressent encore, ça me fascine.»

11 chants et 10 personnages Le premier contact qu’il a eu avec L’Iliade façon Marc Beaupré, c’est lors d’un laboratoire où les textes d’Homère étaient rythmés et scandés. «Faut pas passer à côté de ça…», s’était dit le directeur artistique. De son côté, Marc Beaupré avait Homère en tête depuis de nombreuses années. Il a commencé par en travailler une adaptation – ce qui lui a pris plusieurs centaines d’heures. Il a coupé du texte, surtout pour clarifier cette histoire très dense. Les dieux, par exemple, sont complètement sortis de sa version. «Mon Iliade devient une promenade parmi différents chants; j’en reprends seulement 11 sur 26. Le défi de ce texte, c’est que ça parle beaucoup de guerre, ça peut vite devenir monotone. Il faut donc trouver une façon différente d’aborder chaque combat.» L’Iliade, il l’a mise dans la bouche de 10 interprètes qui deviennent des personnages. «Il y a une volonté d’avoir un geste scénique à l’opposé du texte. La gang sur scène fait le contraire de ce que disent les mots: se tuer. Au lieu de s’entretuer, les personnages s’aident à raconter des histoires… Aujourd’hui, L’Iliade serait une télésérie», rigole le metteur en scène. Il résume sa pièce en une phrase: «Le verbe pour glaive.» «On n’a pas choisi les interprètes selon leurs compétences vocales ou musicales, mais selon avec qui on avait envie de travailler», précise Marc Beaupré. C’est qu’avec des musiciens live sur scène aux côtés

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des comédiens, la musique est omniprésente et prend une place capitale dans la pièce, comme dans un opéra ou une comédie musicale. Tout le spectacle est amplifié au niveau sonore au moyen de nombreux micros installés sur scène. Bref, cette Iliade à la sauce Beaupré, c’est un fond classique et une forme très moderne. «Certains pourraient dire: “On est dans un show de rap!” La scénographie peut faire penser qu’on est dans un studio de son… Il n’y a aucune représentation matérielle de l’Antiquité», décrit le metteur en scène. Alors que le public du Théâtre Denise-Pelletier est à majorité étudiante, Marc Beaupré se dit fier de pouvoir secouer un peu la conception que la plupart des étudiants ont du théâtre classique. «On va leur balancer un show rock! Ça radicalise un classique…» Antigone au secondaire Avec Antioche, la dernière production de la compagnie Théâtre Bluff, en résidence au Théâtre Denise-Pelletier, c’est aussi un public adolescent qui est visé. La pièce est une réflexion contemporaine sur la guerre et l’amour, mais aussi la radicalisation. Face à ces questions, le texte aborde la quête de sens, la soif d’absolu, la colère par rapport à la société… «C’est intime, délicat, intérieur», commente Claude Poissant. «La seule consigne que j’avais de Théâtre Bluff, c’était d’écrire un texte de filles, c’est-à-dire avec prédominance de personnages féminins», raconte Sarah Berthiaume, l’auteure. Antigone, c’est justement un de ses personnages théâtraux favoris, un personnage qui s’est imposé très vite dans Antioche en tant que figure d’adolescente révoltée: «C’est une fille très jeune, une des premières héroïnes de la littérature. Antigone est une radicale. Elle n’accepte pas les demi-mesures et elle embrasse sa colère.» L’auteure s’amuse alors à jouer les codes tragiques dans un univers hyper contemporain, en transposant la vraie Antigone de Sophocle dans notre monde d’aujourd’hui – elle l’envoie même au secondaire. «Au théâtre, on n’est pas obligé d’être réaliste ni de s’expliquer.»

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Elle glisse dans son texte deux extraits d’autres Antigone, l’un de la pièce de Sophocle et l’autre provenant de celle d’Anouilh. «Je veux que ça éveille une curiosité, qu’on ait envie de lire [ou relire] le texte…» La mythologie n’est pas un thème nouveau pour l’auteure, qui signe ici sa deuxième pièce pour adolescents – dans la première, elle abordait cette fois le mythe de Pandore. Pour elle, utiliser la mythologie et se rallier à ces histoires obligent à plonger dans l’essentiel, à éviter les pièges racoleurs dans l’écriture et surtout à se poser de grandes questions. «Ce sont des questionnements qui ont traversé les siècles, qui fascinent tout le monde. J’aime voir ce qui de nos jours résonne de ces pièces-là. Et encore aujourd’hui, ça n’a pas pris une ride. Notre espèce n’a pas évolué, en fait!» affirme en riant Sarah Berthiaume. «Mais il y a quelque chose de rassurant de se dire qu’on se pose toujours les bonnes questions, puisque ce sont les mêmes qu’il y a 2500 ans…» y

L’Iliade, du 8 novembre au 6 décembre Antioche, du 7 au 25 novembre Théâtre Denise-Pelletier


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FÉMINISME PUNK MÉLI A 20 ANS. ELLE SORT AVEC UN HOMME PLUS VIEUX. ELLE RÊVE D’ÊTRE FEMME AU FOYER. ELLE FAIT DE LA PORNO ÉQUITABLE. UN PERSONNAGE CONTRADICTOIRE, FÉMINISTE SANS L’ÊTRE, TYPIQUE DE L’ÉCRITURE DE CATHERINE LÉGER. DANS FILLES EN LIBERTÉ, CE PUNK-FÉMINISME SE DÉPLOIE SANS RETENUE. MOTS | PHILIPPE COUTURE

Auteure de Babysitter, un succès de la saison dernière à La Licorne dans lequel elle tissait une explosive toile dramatique autour du sexisme ordinaire, et de Princesses, une pièce à trois voix sur la compétition entre filles, Catherine Léger est une formidable créatrice de personnages féminins pas comme les autres. On la dit «auteure féministe». Mais elle avoue que l’étiquette l’intimide. Elle se sent loin du féminisme plutôt théorique qui a la cote ces jours-ci, celui qui se ramifie en de multiples courants de pensée et qui fait l’objet de longues thèses dans les départements de gender studies. «Je ne maîtrise pas parfaitement les notions de féminisme contemporain, avoue-t-elle, et mes personnages sont parfois carrément antiféministes. Je les chéris tout de même. Je pense que pour être féministe, il faut aimer toutes les femmes, même celles qui n’aident pas la cause. Je mets en scène des personnages qui ont le potentiel de choquer toute bonne féministe, peut-être parce que j’ai un tempérament rebelle qui refuse les catégorisations, mais probablement surtout parce que je cherche à faire exister le féminin sans retenue, dans sa complexité et ses paradoxes.» Une féministe punk, disions-nous. «Ouais, opine-t-elle, je pense que ce qualificatif me va bien.» Dans Filles en liberté, les filles sont jeunes, début vingtaine, et elles sont belles. En pleine possession de leurs moyens. Elles n’hésitent pas à utiliser leurs charmes pour accélérer leur accession à un meilleur statut social. Elles sortent avec des gars plus vieux, des profs de cégep en plein questionnement sur leur

PHOTO | BRUNO GUÉRIN

engagement politique et sur leur rapport à l’art. Elles sont brillantes mais plutôt individualistes. Des femmes fortes mais qui s’abandonnent parfois aux facilités de leur jeunesse et de leur confort. Sans pour autant y trouver bonheur ou équilibre. «Je pense que c’est très trash d’avoir 20 ans pour une jeune femme libre sexuellement, dit Catherine Léger. Elles sont dans un moment de bascule, et ce qui leur arrive dans cette pièce va probablement les transformer en jeunes adultes féministes. Mais à ce stade, il n’en est rien. Elles sont intelligentes, belles et applaudies pour ce qu’elles sont. Elles n’ont pas encore vu qu’elles n’ont pas les mêmes chances que leurs collègues masculins. Pour elles, les choses vont se corser plus tard.» Porno équitable du terroir Même si elle rêve d’être femme au foyer, Méli se lance dans un grand projet pornographique. Son idée? Faire de la porno sans briser les vies des actrices, en cherchant à montrer le sexe consentant de la manière la plus vraie possible. Noble projet, que pourtant son entourage observe avec beaucoup de circonspection. «Notre société est arrivée à une certaine banalisation de la porno, analyse Catherine Léger. On accepte que tout le monde en consomme régulièrement, hommes ou femmes, jeunes ou vieux. Mais il y a encore beaucoup d’hypocrisie à ce sujet; on n’est pas arrivés à l’étape d’en parler vraiment, on n’accepte pas de créer une vraie discussion pub­ lique à ce sujet. Je tente de mettre cette hypocrisie en lumière. Je ne pense pas que le projet de Méli soit vraiment possible, je ne pense pas qu’une porno équitable puisse vraiment exister, mais je pense qu’il faut se poser ces questions.»


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C’est aussi une manière comme une autre de s’engager socialement. L’autre grande question que pose cette pièce est celle du rapport au collectif, aux institutions démocratiques, à la nation québécoise et à ses grands rêves avortés. Chaque personnage tente laborieusement de se faire un chemin vers une vie plus politisée. Souvent en vain. «Je voulais explorer l’impact de l’absence de projet social sur ces deux générations-là, dit Catherine Léger. Il y a une certaine incapacité à se mettre en action, à poser les gestes qui correspondent à nos valeurs politiques.» Certes une auteure soucieuse de représenter le social, Catherine Léger est aussi une dialoguiste méticuleuse, qui aime quand les choses sonnent vrai. Et une rare auteure dramatique québécoise osant le ton de la comédie noire. Sa pièce offre une matière de choix au metteur en scène Patrice Dubois (Théâtre PÀP), qui, paraît-il, s’en donne à cœur joie. y Du 7 novembre au 2 décembre La Licorne PHOTO | DOMINIQUE LAFOND


Frédérick Gravel était de passage à Montréal, entre une escale à Paris pour la première de Logique du pire et un arrêt à Saint-Jean de Terre-Neuve afin d’y présenter Tout se pète la gueule, chérie, le même spectacle qui sera diffusé aux États-Unis dans quelques semaines. Montréal accueille à nouveau Some Hope for the Bastards, à l’Usine C. MOTS | ALESSANDRA RIGANO

PHOTO | STÉPHANE NAJMAN

«Ce n’est pas toujours comme ça.» Les pièces du choré­ graphe voyagent beaucoup ces temps-ci. Présentée au FTA en juin passé, Some Hope for the Bastards est la première création de Gravel avec un aussi grand nombre d’interprètes sur scène. Une réalité peu commune en danse contemporaine au Québec. Qu’est-ce qui l’a poussé vers cet exercice audacieux? «J’aime beaucoup les gens. Les artistes avec qui je travaille sont des personnes que je respecte énormément et qui m’inspirent.» Bien que ce grand nombre d’artistes fasse partie de la genèse du projet, cela a obligé le chorégraphe à «être inventif» et à faire des compromis pour respecter les budgets de création. Sa présence sur scène en tant que musicien était d’ailleurs une heureuse solution, dit-il à la blague: «Je coûte pas cher, parce que je


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> suis déjà là!» Le directeur musical, Philippe Brault, a bien voulu l’accepter dans son band, une place qui lui permet de vivre le buzz du spectacle et de l’incarner, tout en maintenant «une distance de la chorégraphie». Contrairement à ses autres pièces qui étaient structurées par vignettes, celle-ci se déploie de manière plus évolutive. Dans ce «concert chorégraphique» où musique et mouvements se donnent la réplique, les neuf danseurs alternent entre duo, trio et configuration de groupe dans une gestuelle puissante et rythmée, signature que l’on reconnaît bien du créateur. Même s’il se définit comme chorégraphe, il s’intéresse aussi à la musique quand il construit un spectacle afin que les deux disciplines soient au «service de l’œuvre» et pour éviter que l’une d’entre elles prenne le dessus. «C’est souvent la musique qui me fait bouger en studio. Des fois, j’utilise de la musique originale, des fois, c’est plus des albums qui me branchent. Ça me permet d’en discuter avec les compositeurs.» Son grand défi pour ce type d’approche est celui de «communiquer des intentions» afin de laisser suffisamment

de place à l’inconnu qui favorise la création tout en conservant une direction claire. Le titre Some Hope for the Bastards évoque un thème assez fort, mais Gravel ne prétend pas faire des spectacles «à propos de quelque chose». Il décrit ses spectacles comme le symptôme d’une situation. C’est davantage une «émotion, un état général» qui est celui de la culpabilité et de l’impuissance face aux privilèges dont il bénéficie. Par exemple, la chance de vivre dans un pays développé ou encore d’être un homme blanc dans une société qui discrimine encore trop. «Je sens que tout nous échappe, même de la part des chroniqueurs, des éditorialistes; on participe à ces inégalités même si on se sent spectateur. On est complice d’un ordre du monde, même si ce n’est qu’en lui obéissant mollement.» Il n’a pas la prétention de pouvoir «changer le monde avec une œuvre», mais il propose, avec cette pièce, une fenêtre pour «garder espoir en quelque chose». y

12 AVENTURES THÉÂTRALES À DÉCOUVRIR ESPACELIBRE.QC.CA

Les 29 et 30 novembre Usine C

SAISON THÉÂTRALE 17-18


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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

LES BOULES C’était un soir d’octobre, entre chien et loup, il faisait frais, mais l’atmosphère était à la fête. Dans un immense parc, le maire de Mascouche, aujourd’hui décédé, annonçait, jovial, le début des agapes. Fonctionnaires municipaux et hommes d’affaires avaient été conviés à ce souper bavarois. Un Oktoberfest avec bière, saucisses et folklore germanique au menu. C’était bien avant la commission Charbonneau, bien avant les accusations, les arrestations, les condamnations. À cette époque, le maire de Mascouche était considéré comme le «petit roi» de cette banlieue prospère, même si à peu près tout le monde racontait la corruption qui se cachait de son mieux dans la lumière, le meilleur endroit où dissimuler les secrets les plus sombres. La richesse de certains entrepreneurs s’affichait contre toute logique dans des maisons dont tout le monde connaissait l’adresse. L’opulence démesurée était un indice gros comme un dix roues; pourtant, on leur cherchait du stationnement. Tout le monde savait. Tout le monde avait peur. Je me souviens d’un entrepreneur en construction qui, après m’avoir donné une entrevue où il me révélait beaucoup de choses, m’avait appelée en pleurant. Il me disait craindre pour sa sécurité. Il avait peur de ne plus jamais travailler et me disait: «De toute façon, ça sert à quoi de parler? Ça ne changera jamais!» Après des mois d’enquête, des dizaines d’entrevues, je m’étais rendue à cette soirée bavaroise sachant que j’y trouverais le politicien qui ne répondait jamais à mes messages. Je voulais avoir sa version des faits, le confronter sur plusieurs points. C’est sa femme qui m’a vue en premier. Comme j’avais entendu dire entre les branches qu’elle et le maire de Mascouche avaient séjourné sur le yacht de Tony Accurso, je m’étais pointée, quelques mois plus tôt, dans un salon de beauté où elle travaillait dans l’espoir de la faire parler.

Ce soir d’octobre-là, entre chien et loup, elle m’avait donc reconnue et vertement engueulée. Il y avait dans son regard de la tristesse, de la peur. Dans les mois qui ont suivi, l’histoire est sortie. Son monde à lui s’est écroulé, le sien aussi. Lorsqu’il a été arrêté, j’étais là aussi. Le couple prenait des vacances à Cuba. Lui, avait perdu beaucoup de poids. Elle, portait l’angoisse sous le bronzage. Quand elle m’a aperçue à Varadero, elle s’est mise à crier. Tout le long de cette histoire et de ces conséquences subséquentes, j’ai pensé à cette femme avec une empathie complexe. Que savait-elle des agissements de son mari? Pouvait-elle ignorer l’évidence? Elle en profitait, elle avait marié «le petit roi» de l’endroit, elle devait bien faire des liens, mais elle, elle n’avait rien fait, concrètement. Je me souviens d’une période de ma vie particulièrement stressante professionnellement. J’arrivais chez moi éreintée. Je m’échouais dans le sofa et j’allumais la télé pour y apercevoir Véronique Cloutier qui animait un talk-show dont je ne me souviens plus du nom. C’était quelques mois à peine après que son père eut été accusé et reconnu coupable d’agressions sexuelles sur des mineures et je me demandais invariablement, en la regardant à la télé, comment elle faisait. Je me projetais et me disais que c’eût été moi, j’aurais été couchée en boule dans mon lit, loin, loin des regards. Comment fait-on pour vivre avec une telle morsure de l’âme? Comment fait-on pour survivre psychologiquement sachant que l’homme qui nous a donné la vie a agressé des enfants? Depuis que les victimes de Gilbert Rozon ont eu le courage de passer par-delà la peur et de ne plus se dire «de toute façon, qu’est-ce que ça va changer?», je pense à elles, mais aussi à la femme avec qui il a élevé ses enfants. Comment peut-on vivre avec cette morsure de l’âme, celle de savoir qu’un homme à qui l’on a offert son intimité s’est immiscé dans l’intimité d’autres femmes de façon trouble et grise?

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«J’AI PENSÉ À MA MÈRE QUI M’A TOUJOURS DIT: «TON CORPS EST UN CADEAU, TU CHOISIS À QUI TU LE DONNES.» J’ai les boules. Une boule d’angoisse. J’écris ces lignes alors que le scandale est tout chaud et je bous d’une sorte de solidarité féminine inquiète. Bien sûr, tout cela réveille de vieilles histoires que j’avais enfouies – un professeur d’université qui m’a embrassée de force alors que je l’interviewais dans son bureau. J’ai une boule d’angoisse dans l’estomac tissée par la complexité d’être une femme. Dans un souper de filles, récemment, j’ai presque pleuré. X, Y et Z avaient ceci en commun d’être des mères récemment séparées qui recommençaient à «dater». Elles racontaient de façon badine qu’elles essayaient la méthode Gwyneth Paltrow, l’actrice

américaine devenue une sorte de gourou douteuse de la santé des femmes. X, Y et Z se sont procuré des boules chinoises qu’elles s’insèrent quotidiennement dans le sexe pour le raffermir. «Y a un type avec qui j’ai eu une aventure qui m’a dit que j’avais la plotte slaque…» L’une d’elles a sorti les œufs de jade de son sac à main. Tout le monde riait. L’ambiance était légère. Ma boule à moi était lourde dans mon ventre, fouettée par la violence de cette assertion rapportée avec une étrange candeur. J’ai pensé à ma mère qui m’a toujours dit: «Ton corps est un cadeau, tu choisis à qui tu le donnes.» J’ai pensé à ma mère qui m’a parlé du respect de son corps et du respect attendu des hommes pour le corps de la femme. Et j’ai dit aux filles, les larmes aux yeux: «Vous, votre maman, elle ne vous a pas dit ça?» Et j’ai pensé à la lourde responsabilité des mamans qui doivent transmettre aux petites filles tout un appareillage de défense contre les agressions des hommes, mais aussi contre les agressions qu’elles s’imposent elles-mêmes. J’ai un peu cassé le party. J’ai les boules. y

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ÉCRIRE DANS LE CIEL LES YEUX POSÉS SUR LES CONSTELLATIONS, MARA TREMBLAY RETROUVE LE NORD. C’EST DANS LA NUIT NOIRE, ÉTENDUE DANS L’HERBE HUMIDE, QU’ELLE A TROUVÉ LE FILON DE SON PLUS RÉCENT ALBUM: CASSIOPÉE. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)

Son rire béat résonne dans le combiné. Sa dernière une du Voir? «Je te dirais que c’est dans une autre vie.» C’était il y a précisément 12 ans, c’était pour Les nouvelles lunes. Un cliché léché de Stéphane Najman, un astre orangé, un hibou comme ceux de Poudlard, un parc à la nuit tombée. Dans les yeux de Mara se mélangent l’appréhension et l’assurance. Magnétique, aussi intense sur pellicule que sur disque, la parolière met son âme à nu à la moindre occasion. Elle est de ces rares hypersensibles capables de rallier la masse à son œuvre très personnelle, infiniment intime. Ses chansons sont universelles. Il y a deux décennies que ses compositions bercent nos vies. Les fans de la première heure se souviennent de son Chihuahua. Les plus jeunes, de Tu m’intimides. Un disque important, un tournant, un exercice électro-folk qui a fait des petites, inspiré Rosie, Salomé et leurs semblables. D’un label québécois à un autre, l’impact se ressent encore. Elle est passée de l’anticonformiste, du mouton noir de l’industrie, à ce genre de reine mère des auteures-compositrices-interprètes ou figure de proue d’une pop à ascendance country qui ne veut pas mourir. Mara est au tournant du millénaire ce que Safia est à la dernière année: un oiseau (rare) qu’on ne met pas en cage, une artiste qui chante sa vérité et refuse d’entrer dans le moule. L’authenticité finit toujours par payer, elle en sait quelque chose.

Cassiopée est son septième disque. Déjà. Pour la toute première fois, c’est elle qui réalise – «eh oui», lâche-t-elle dans un soupir de soulagement. «Avec Olivier [Langevin], je pense qu’on est arrivés à un point où est-ce qu’on allait quelque part qui m’intéressait un petit peu moins. On [faisait appel à] des musiciens que je connaissais moins et moi, j’aime vraiment ce qui est familial, ce qui est amical, quelque chose de proche de moi. Le dernier album, tu vois, c’était beaucoup des musiciens engagés qui venaient…» C’est dans ce cocon, entourée des siens, dans le confort de son logis, que la musicienne fleurit. Si bien qu’elle a enregistré cette douzaine de chansons avec sa progéniture et son «meilleur ami»: Victor Tremblay-Desrosiers et François Sunny Duval. Un batteur et un guitariste qui l’ont épaulée dans la création, conseillée pour les arrangements. «En tant que réalisatrice, la direction que je voulais prendre, c’était de faire sentir aux gens l’énergie qu’il y a entre moi et surtout mon fils quand on joue ensemble. Je trouve ça assez hallucinant. Sunny, lui, il vient se greffer à ça.» L’ancien élu de son cœur cimente musicalement les deux êtres, une mère et son garçon liés dans le sang comme le son. Une complicité émouvante. «Lui, le premier rythme qu’il a entendu, c’est mon cœur qui bat, qui résonne. Cet enfant-là est sorti de mon ventre et ça n’a pas pris six, sept mois pour qu’il se mette à tapocher sur tout.»

Édouard, le plus jeune, 15 ans au moment d’écrire ces lignes, y met également son grain de sel. «L’histoire est super belle. On était en pré-prod chez moi, on était en train de faire de la musique, Sunny, son frère et moi, pour essayer de trouver la direction des chansons. Édouard est arrivé de l’école pendant qu’on était en break, il est entré dans le studio parce que c’est tripant, y a une belle ambiance, et il s’est mis à jouer de la guitare acoustique. Mais comme, pour la première fois! Il jouait de la guitare électrique avant. Il a joué pendant environ 15 minutes. Je lui ai dit: “Wow, man! C’est vraiment débile, tu sonnes comme moi.”» Impressionnée, la fière maman place un micro dans l’instrument de son fils et lui demande d’improviser. Le résultat fut fort concluant: «Je suis partie de ça pour faire Avec le soleil.» C’est également sa voix de tout jeune homme et ses doigts posés sur les cordes qu’on entend sur Entre toi et moi, la plage 6. «J’étais dans l’auto et, un moment donné, il m’a envoyé un texto: “Maman, j’ai composé une toune!” Je lui ai dit: “OK, envoie-moi ça.” Il me fait jouer ça… et je capote. C’est la première toune qu’il a composée de sa vie!»

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> En plus de cristalliser le quotidien d’une famille créativement hors-norme et tissée serrée, cette nouvelle offrande marque un retour au rock. Mara se reconnecte à sa vraie nature, la force brute qui la consume. «Depuis Les lunes, c’est ce que j’ai envie de faire en tournée, c’est ce que j’ai dans le ventre, ce que j’ai besoin de sortir. Je me suis dit que j’allais faire un album qui ressemble à ce que j’aime faire en show. Faire un album qui me ressemble, finalement.» La thérapie des encres Seule face au lac Notre-Dame, la Montréalaise s’est prêtée à une introspective séance d’écriture, un ermitage productif. C’est là, à Wentworth-Nord dans les Laurentides, que la poète-chanteuse a enregistré Notre amour est un héros. Une «version démo» empreinte de pureté qui capte la complainte d’un oiseau au passage, par inadvertance. Un heureux accident, un petit extra qui encapsule à jamais ce séjour fort réconfortant. «[Ce lieu-là] a été une oasis à un moment de ma vie où j’étais pas très bien. J’ai comme lancé un appel à l’aide: “Est-ce que quelqu’un a un chalet, quelque part, où je peux aller avec mon chien?” Y a quelqu’un qui s’appelle Sonia Cesaratto, une attachée de presse, qui m’a répondu très rapidement. Ç’a été magique. Je suis arrivée et ça m’a apporté du repos, de la paix, de la créativité. Beaucoup de choses ont changé à partir de ce moment-là dans ma vie. J’ai vécu des trucs très, très tough et on dirait que le lac m’a apaisée. Pareil pour les conifères, les feuillus, les étoiles…» Justement, les métaphores célestes sont récurrentes dans les textes de Mara. On devine chez elle une fascination pour le cosmos et sa lumière dans le titre de son troisième album paru en 2005, sur On a du violon («on a dit y a longtemps qu’on avait rendez-vous dans les étoiles»), dans la ligne «tu fais mon amour danser les aurores»… La pièce homonyme du nouveau disque, ce morceau un tantinet punk et accessoirisé de synthés à la limite new wave, est une référence directe à la figure stellaire zigzagante. Un symbole qui fait écho à sa propre mythologie. «Ça signifie un grand, grand amour qui a pas vécu, mais qui vit quand même, qui me suit depuis une vingtaine d’années. C’est toujours relié à cette constellation-là parce que les rares fois où nous nous sommes aimés, on passait la nuit la tête dans les étoiles entre deux couvertures.»

TAPAS GASTRONOMIQUES

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Qu’elle soit n’importe où sur la planète Terre, l’amas d’astres la ramène à cet amour comète. Un souvenir qui ne la quitte jamais comme autant d’idylles perdues, mais bien emmitouflées dans ses cahiers. y Cassiopée (Audiogram) Sortie le 3 novembre 7 novembre en formule 6 à 8 Sala Rossa (Dans le cadre de Coup de cœur francophone)

284, boul. Sainte-Rose, Laval

450.937.1 200 www. LeBlackForest.ca



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LA CHANTEUSE FRANCO-BRITANNIQUE SORT SON CINQUIÈME ALBUM, REST, UN OPUS TRÈS PERSONNEL DONT ELLE A ÉCRIT LES TEXTES. ENTRETIEN AVEC CETTE TIMIDE SI IMPRESSIONNANTE. MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTO | AMY TROOST

«C’est la première fois que je me livre et que l’objet entier m’appartient.» Cet album, Charlotte Gainsbourg en est très fière. Six ans après Stage Whisper, elle nous offre Rest, concocté avec des collaborateurs de taille: Connan Mockasin, Owen Pallet (arrangeur d’Arcade Fire et de Caribou), Emile Sornin (Forever Pavot), Vincent Taeger (Poni Hoax), Tom Elmhirst (mixeur de David Bowie, Jamie xx, Adele), et même Paul McCartney, qui lui a écrit une chanson. Charlotte Gainsbourg pose sur ces 11 titres d’électro contemporaine sa voix si caractéristique, son timbre de soprano tellement léger qu’il en semble parfois chuchoté, son chant en voix de tête qui se casse parfois dans les aigus. En plus de signer les textes, la chanteuse est aussi passée derrière la caméra pour réaliser les clips vidéo.

La mort et le temps qui passe sont des thèmes récurrents dans cet album. C’est que Charlotte Gainsbourg se livre beaucoup dans ses textes, évoquant sans détour son père ou Kate Barry, sa sœur décédée fin 2013. Rest (in peace), c’est un adieu à un ancien moi, celui d’une timide qui se cache pour se protéger. Les blessures sont évoquées ouvertement pour mieux faire la paix avec le passé. Rest, c’est une mue. Pour en parler, la chanteuse réfléchit et pèse ses mots, mais répond avec beaucoup d’assurance et de confiance. Simple, menue et discrète, elle dégage pourtant une belle aura de femme forte, d’oiseau blessé qui s’est relevé. Charlotte Gainsbourg nous montre avec ses talents avec les images, les mots et la voix qu’elle est une artiste à part entière, loin de l’étiquette de fille de, de sœur de ou

de femme de qu’on lui accole trop souvent. Et qu’elle s’assume enfin, jusqu’à livrer cet album autoportrait. Voir: Rest a failli s’appeler Take One. Le cinéma est toujours présent chez vous… Charlotte Gainsbourg: Take One c’était comme une première prise, il y avait un clin d’œil au cinéma. Au final, ce que je raconte avec l’album, c’est vraiment ce double sens de «rest» en anglais et en français. Mais à l’origine, il y avait en effet des musiques de film qui m’inspiraient, dont je voulais m’approcher (les films de Brian De Palma, l’ambiance pesante de The Shining de Kubrick, Rebecca de Hitchcock, Jaws de Spielberg…). C’était plutôt des films d’horreur: une ambiance un peu étouffante, nerveuse et effrayante.

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Ce qui me plaisait dans la musique de SebastiAn [le producteur de Rest, qui a aussi travaillé sur des albums de Kavinsky et de Franck Ocean], c’est ce quelque chose d’un peu grandiose et d’ample. Il y a ce côté grandiloquent parfois, de brutal aussi. C’est ça que je voulais: essayer d’approcher avec ma voix – qui n’est pas une grosse voix – ce genre de musique et de production. Et SebastiAn a totalement compris le challenge que c’était. Vous habitez aujourd’hui à New York. Quelle influence a la ville sur vous? En France, à cause de mes parents, on attend de moi que je fasse des œuvres grandioses… À New York, tout le monde est un peu artiste, et moi je suis plus libre. Quand j’ai perdu ma sœur, j’avais déjà commencé l’album, mais j’ai eu besoin de partir. On s’est donc isolés avec ma famille à New York. C’était un nouveau départ là-bas: j’avais une nouvelle vie, un nouveau quotidien, personne ne me reconnaissait, alors qu’en France tout le monde savait quel drame on venait de vivre. À nouveau, j’arrivais à respirer. SebastiAn a senti ce nouveau souffle.

Il y a beaucoup de chansons douloureuses dans l’album, mais ce n’était pas conscient. Et j’ai eu envie qu’il y ait une énergie derrière tout ce que je me permettais de raconter, malgré les thèmes de mort, de peine, de manque, etc. SebastiAn comprenait cette combinaison. J’aime bien quand les choses sont vraiment contradictoires… Moi, ça m’excite, y a un truc qui me porte. La brutalité dans la timidité, c’est ce que je ressens aussi de moi en tant qu’actrice: souvent, on me voit comme quelqu’un d’un peu fragile, effacé, timide, mais quand je fais des films comme ceux de Lars von Trier, je sors des choses beaucoup plus brutales, énergiques et violentes. L’album est presque tout en français, alors que vous préférez d’habitude l’anglais. Pourquoi ce choix? J’ai toujours écrit en français; j’écris un journal depuis que je suis adolescente. Mais le journal, c’est un style thérapeutique, c’est pas fait pour être lu, et j’avais parfois un style très complaisant avec le malheur. À chaque album, j’ai voulu écrire en français, mais l’ombre de mon père était tellement

THE BARR BROTHERS QUEENS OF THE BREAKERS

LE NOUVEL ALBUM DISPONIBLE MAINTENANT

- Voir

- Le Soleil

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En spectacle 24 novembre MTelus


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présente et pesante que ça rendait les choses beaucoup trop compliquées. À chaque fois, c’était des tentatives avortées, je n’aimais pas ce que je faisais, je me jugeais… Donc très vite, j’ai voulu chanter en anglais. Là, SebastiAn voulait que je retrouve un peu le style de mon premier album avec mon père, Charlotte Forever, et il m’a suggéré d’écrire en français. Moi, je ne pensais pas vouloir au départ, donc j’ai essayé d’écrire en anglais. Et puis c’est venu en français… Connan [Mockasin] m’a aussi dit que je devais chanter en français. Il m’a dit: «On va s’isoler tous les deux, je serai à la guitare, je ne parle pas français, donc je ne comprendrai rien de ce que tu racontes, et tu vas juste essayer de placer tes textes.» Il faisait de très jolies mélodies – certaines sont sur l’album d’ailleurs. J’ai compris que je pouvais y arriver. Tout ça est allé par étape, car je suis quelqu’un de très laborieux. Faut avoir beaucoup de patience avec moi! À New York, tout ce patchwork a commencé à prendre du sens. Je n’écrivais plus qu’à propos de ma sœur parce que je venais de la perdre. J’avais

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aussi énormément de plaisir à écrire, c’est pas comme si je me morfondais… Mais je ne voulais que parler d’elle, et ç’a été possible principalement en français. Je ne me posais plus la question de savoir si c’était assez bien ou pas, si j’étais aussi bonne que mon père, etc. Je m’en foutais. Et aujourd’hui, j’arrive encore à tenir bon avec cette idée. Écrire ces textes si personnels, ça s’est passé comment? Comme j’étais aux commandes des textes, je ne pouvais pas imaginer faire ça uniquement comme un exercice de style. C’était obligatoirement sincère, personnel, et du coup très intime et ressenti. Je ne pouvais pas l’envisager autrement. J’aimerais arriver à écrire à nouveau, c’est pas sûr, et j’espère que si j’y arrive je pourrai être un peu plus distante. Cet album, ç’a été particulier comme expérience… Comme j’étais seule avec mon projet à New York, avec SebastiAn comme seul interlocuteur pour valider mes textes, je ne me suis pas protégée, j’étais pas trop prudente... Je me suis sentie complètement libre et sans censure. Et c’est seulement en mixant l’album que j’ai réalisé comme je m’étais livrée beaucoup. Mais je l’ai assumé, je n’étais pas prise au piège. Ça me plaisait d’être impudique. J’ai l’impression que je suis une ex-timide: c’est vraiment propre aux gens timides d’avoir besoin de se provoquer. On est tellement dans un embarras constant… Le métier d’actrice m’a permis de me pousser, mais j’étais quand même tout le temps dans la frustration. Je ne prenais pas possession de moi, de ce que je voulais. Les timides, on est toujours un peu sur notre faim, c’est donc un rêve de pouvoir aller trop loin. Aujourd’hui, je suis allée là où je voulais aller. Je me laisse toujours la possibilité de changer d’avis demain, mais je suis en paix avec ce que j’ai fait. Votre fille Alice fait les back vocals sur une chanson, il y a une piste cachée où chante la plus petite, et les deux sœurs jouent dans un des clips… C’est nouveau, cette volonté de mettre votre famille en avant? Avant, j’ai toujours eu l’idée qu’il fallait les protéger, j’étais persuadée qu’il fallait tout garder secret, qu’il ne fallait pas qu’on parle de notre vie privée. Peut-être parce qu’on en a souffert beaucoup, Kate et moi, quand mes parents se sont séparés. Mais aujourd’hui, mes enfants, c’est ce que j’ai de plus cher, et j’ai envie qu’ils soient là et qu’ils fassent partie de l’histoire. Ce que j’ai de plus précieux avec mon père, ça sera toujours Lemon Incest… y

PHOTO | COLLIER SCHORR

Rest (Because Records) Sortie le 17 novembre



L’ILLUSIONNISTE FIDÈLE À LUI-MÊME, C’EST À TRAVERS UN VÉRITABLE «STUNT» PUBLICITAIRE QUE PHILIPPE BRACH A DÉCIDÉ D’ANNONCER SON PROCHAIN ALBUM, LE SILENCE DES TROUPEAUX. MAIS LE PRINCIPAL INTÉRESSÉ SOULIGNE QUE CE N’EST PAS UNE BLAGUE. CE N’EST NI PLUS NI MOINS QU’UNE ILLUSION. MOTS & PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

D’entrée de jeu, Brach est catégorique: «T’es aussi ben de pas écrire que c’t’une joke. Le but c’est pas de rire de personne.» C’est ainsi qu’il décrit Troupeaux, cette chanson lancée en août dernier pour annoncer son prochain album qui ne s’y retrouvera finalement même pas. «On s’est inspirés de tounes qui vendent du 100 000 albums, mais c’est pas pour alimenter la machine à hate. Les gars (2Frères) avaient complètement compris le niveau du truc pis ils ont embarqué. Concrètement, la toune, on s’en câlisse. C’pas bon, c’pas mauvais, y en a pas de vérité dans la vie. Je voulais juste aller là où on m’attendait pas.» Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas à d’autres chansons du genre qu’il faut s’attendre sur ce troisième opus de Brach. Au contraire, l’artiste y navigue dans des eaux plutôt novatrices et nous amène plus loin dans son univers musical, recrutant au passage Jesse Mac Cormack à la coréalisation et La Controverse (Gabriel Desjardins) aux arrangements. C’est avec cette offre qu’il tire un trait sur ce que l’on pourrait qualifier de trilogie initiatrice: «Ces trois albums, c’est comme un triptyque. À chaque fois, j’y mettais en scène une présence animale pis moi-même, dans une volonté de reprise de mon instinct perdu. Sur La foire et l’ordre, j’en étais comme témoin, sur Portraits de famine, ça devenait vraiment plus familier et sur celui-ci, de façon vraiment plus incarnée, c’est moi-même qui deviens comme une créature entre l’humain pis l’animal. Le but de tout ça, c’était de me définir artistiquement, de sorte qu’après ça, je puisse aller dans d’autres zones sans constamment avoir à me définir ou à me justifier. Ces trois albums-là c’est comme: “Bon, voilà ce que je suis, astheure allons ailleurs pis posons-nous des questions.”» Justement, Philippe Brach n’est pas le genre d’artiste à éviter les questions. Témoin du monde moderne et de ses problèmes, il s’en est inspiré pour Le silence des troupeaux. «On est comme à un moment pas très glorieux pour l’être humain en ce moment. On dirait que dans toutes les sphères, y a quelque chose qui marche pas. Pis moi, ce que je fais à longueur de journée,

c’est parler de moi? C’est quand même absurde. On a jamais été autant connectés, rejoignables, pis en même temps on dirait qu’on a jamais autant eu, collectivement, notre tête dans notre cul. Pis moi le premier, là! Je me suis dit: “Crisse, on peut-tu se poser des questions majeures pis essayer de faire de quoi avec tout ça?” C’est un peu ça, Le silence des troupeaux. Au final, oui, ça reste un album personnel, mais les thèmes abordés vont vraiment plus vers l’autre.» Parlant entre autres de la guerre et de racisme sur cet opus, Brach s’est demandé s’il ne faisait pas que tomber dans la redite et s’il n’allait pas être reçu comme rien de plus «qu’un autre» qui vient ajouter son grain de sel dans des débats clos. «T’sais, t’arrives en 2017 pis tu parles de racisme, tu te dis: “Hey, y en a du monde qui sont passés sur cette discussion-là, t’as peutêtre pas ta place là-dedans, le grand.” Pis là, pendant qu’on enregistrait l’album, y a eu Charlottesville. Pis là, j’ai allumé. On a beau en avoir fait, du progrès, on est encore vraiment cons. Pis y faut encore en parler. C’est plate en ostie à dire, mais c’est encore dans l’air du temps.» Du côté musical, Brach se réaffirme dans ses fondations folk-bluesy, mais la présence de l’orchestre se fait sentir fortement. Allant d’influences telles que Nat King Cole à l’ouverture du Sacre du printemps de Stravinsky, Le silence des troupeaux est une créature unique. «C’est sûr que le monde va me reconnaître, c’est du Brach. Mais je pense que c’est encore plus assumé, plus réfléchi, peut-être plus straight to the point, d’une certaine manière. Je savais où je m’en allais, je me suis entouré des bonnes personnes pour mener le projet au bout. On s’est gâtés, y a 41 musiciens sur cet album-là. J’pense que je tourne la page sur le triptyque dont je te parlais de la meilleure manière que je pouvais. Astheure, j’ai mis “quatrième album” sur ma to-do list. On va voir ce que ça va donner, ça.» y Le silence des troupeaux (Spectra Musique) Disponible


À ÉCOUTER

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HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

COURTNEY BARNETT AND KURT VILE LOTTA SEA LICE

(Matador / Marathon Artists / Milk!) HHH 1/2

Heureusement, Courtney Barnett et Kurt Vile se sont trouvés. Sur Lotta Sea Lice, l’Australienne et l’Américain s’affichent comme deux âmes sœurs musicales, cultivant une attitude rock indolente, sans autre prétention que celle du jam sympathique et amical. Manifestes, les influences country et folk se prêtent plutôt bien aux harmonies vocales douces et apaisantes des deux auteurs-compositeurs-interprètes, capables de faire interagir leurs guitares avec une remarquable aisance qu’on devine spontanée, instinctive. Poètes à la nonchalance caractéristique, les deux camarades se livrent à quelques réflexions sur la solitude, en appelant au calme, à l’accalmie, au laisser-aller, à l’indépendance. Paradoxalement, Lotta Sea Lice est l’expression d’une communion bien portante entre deux artistes aux affinités flagrantes, qui commencent à peine à concevoir l’étendue du potentiel de leur tandem. (O. Boisvert-Magnen)

DEATH TOLL 80K STEP DOWN

THE HELIOSONIC TONE-TETTE HELIOSONIC TONEWAYS VOL. 1

(Svart Records) HHH

(ScienSonic Laboratories) HHHH Enregistré 50 ans jour pour jour après la séance d’enregistrement du disque The Heliocentric Worlds of Sun Ra, le 20 avril 1965, voici un disque qui rend hommage au grand compositeur afro-américain avec beaucoup de bonheur. On trouve ici le saxophoniste Marshall Allen (93 ans), qui était membre du Solar Arkestra à l’époque et que l’on entend même ici jouer du marimba qu’utilisait Sun Ra sur le disque. Le saxophoniste Danny Thompson, qui joignait l’Arkestra en 1967, est aussi présent. Avec huit autres musiciens, l’ensemble est tout à fait similaire à l’équipe originale (on a même retrouvé l’ingénieur du son qui a enregistré en 1965!). Il ne s’agit pas, bien entendu, d’interpréter la musique de Sun Ra, mais bien de se brancher avec son souvenir pour retrouver son inspiration, et ça marche! (R. Beaucage)

Les principales différences entre Harsh Realities (2011) et Step Down se mesurent surtout en matière de durée des albums (25 minutes versus 15) et de fluidité des chansons. Sur Harsh Realities, les enchaînements étaient tellement organiques qu’on se rendait à peine compte de la brièveté des 23 morceaux. Cette fluidité permettait de savourer les transitions entre les breakdowns et les courtes séquences de pure cacophonie grindcore. Step Down ne s’éloigne pas trop de cette formule, mais les transitions sont moins réussies et plusieurs titres se terminent à leur meilleur (Trampled, Abolish Fur Farms, Binary), nous laissant avec un étrange sentiment d’inachèvement. Ce qui est plutôt rare et peut-être une bonne chose finalement. (C. Fortier)

LEWIS FUREY HAUNTED BY BRAHMS (Atma classique) HHH 1/2 Imaginons Johannes Brahms (1833-1897) jouant du piano au petit matin dans un bar enfumé de la belle époque, un troquet malfamé au plancher mouillé d’alcool, poussant la chansonnette pour lui-même plus que pour les clients... C’est là que nous emmène Lewis Furey, chantant et jouant ces lieder de Brahms avec un détachement extrême, sans se soucier le moins du monde d’éventuels auditeurs. À cent lieues de la voix de stentor généralement associé au genre, il demeure au contraire personnel, solitaire et intime. Avec une approche semblable à celle que Keith Kouna avait adoptée pour le Voyage d’hiver de Schubert, Furey rajeunit Brahms de quelques décennies, et cette interprétation iconoclaste est peut-être après tout la plus véritablement respectueuse de l’œuvre. (R. Beaucage)

PERSÉIDES FLEUR PERSANE (Malasartes musique / Dame) HHH 1/2 Perséides, c’est un duo formé du contrebassiste Jean Félix Mailloux et du joueur de santour Amir Amiri, auxquels se joint sur quelques titres la violoniste Marie Neige Lavigne, complice de Mailloux au sein de son ensemble Cordâme. Les sonorités du santour (un instrument à cordes frappées, comme un petit cymbalum) sont bien en avant, comme les inflexions si caractéristiques de la musique persane, qui inspire tout le programme, mais l’ensemble demeure d’une étonnante variété. L’apport du contrebassiste, avec ses teintes jazzées, fusionne admirablement avec les mélodies rythmées du santour, et lorsque le violon se met de la partie, la palette de textures des cordes est garnie à souhait. Une belle proposition, éclectique et accessible à la fois. (R. Beaucage)


DISQUES 29 VOIR MTL

AMADOU & MARIAM LA CONFUSION

JOHN RONEY/TEVET SELA THE RIVER

(Because) HHH

(Effendi) HHH 1/2

Ceux qui aiment leur Amadou & Mariam à la sauce John Lee Hooker ou encore assaisonné façon Manu Chao risquent d’être un peu déçus. Les chansons sont toujours aussi bonnes, mais l’emballage électropop avec boîtes à rythmes et synthés à bon marché fait passer la première moitié de ce nouveau compact comme une suite de maquettes. Heureusement, les choses se corsent en cours de route avec les instruments à vent, la guitare électrique qui reprend sa place et ces mélodies lancinantes et irrésistibles, caractéristiques du couple chéri de Bamako city. Fait à Paris par Adrien Durand et mixé par Jimmy Douglass à Miami, le répertoire de La confusion s’éloigne peu à peu de la chanson naïve et culmine en crescendo avec Mokou Mokou, Yiki Yassa et Massah Allah, toutes chantées dans la langue maternelle des tourtereaux. (R. Boncy)

L’hiver dernier, le 2 février, le pianiste John Roney et le saxophoniste alto Tevet Sela se sont enfermés librement et de leur plein gré au Studio 270, rue Saint-Grégoire, et ont enregistré cette heure de musique originale partagée en six compositions de l’un et quatre de l’autre. Pas le genre de duo timide où l’on passe son temps à contempler les silences méditatifs de l’autre yogi dans la nature avant de se lancer à l’eau. Non. Malgré des thèmes très mélodiques, les duellistes volubiles atteignent régulièrement des sommets d’intensité comme dans le superbe Pahon, aux accents klezmer, suivi du lyrique Closer Horizon, d’inspiration franchement gospel. Si l’excellent Roney trahit volontiers son expertise classique, c’est l’impétueux Sela qui étonne, faisant même penser au Norvégien Jan Garbarek dès le thème d’ouverture: The River. (R. Boncy)

ALL PIGS MUST DIE HOSTAGE ANIMAL (Southern Lord) HHH 1/2 Il ne faut pas se laisser tromper par la première impression qui se dégage du nouveau All Pigs Must Die. Hostage Animal est aussi sauvage, sinon plus, que son prédécesseur, Nothing Violates This Nature (2013). Que le groupe composé de membres de Converge, The Hope Conspiracy et Bloodhorse se soit assagi sur son troisième disque aurait été plutôt ironique étant donné l’arrivée du guitariste Brian Izzy de Trap Them (qui donne ses derniers concerts en novembre), renommé pour son grindcore essoufflant. Donc, bien qu’APMD ne décélère pas significativement sur Animal Hostage, la troupe hardcore met plus d’accent sur ses influences doom et sludge, insufflant une dose d’atmosphère lugubre aux chansons, sans leur enlever leur lourdeur, réalise-t-on après avoir comparé les deux albums. On approuve. (C. Fortier)

FÉLIX DYOTTE POLITESSES (Coyote Records) HHHH Politesses nous fait voyager, comme une série de rêves éveillés sous forme de chansons tantôt parfaitement atmosphériques, tantôt franchement entraînantes. Dans les musiques, Félix Dyotte navigue toujours avec justesse dans des eaux entre la chanson française d’hier et l’électropop d’aujourd’hui. Sa plume éloquente et poétique et sa voix grave trouvent ici de bons partenaires (Evelyne Brochu, Cœur de pirate et Philémon Cimon) qui ajoutent une touche de charme à une œuvre déjà assez irrésistible, merci. Avec son amalgame de cordes, de flûte traversière, de bongos et de maracas, Que ce soit toi, que ce soit moi s’avère l’un des moments forts de ce disque, qui, comme son prédécesseur (album homonyme, 2015), a de la grande classe. Sublime, encore une fois. (V. Thérien)

VO2 #11

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LOUD UNE ANNÉE RECORD

(Joy Ride Records) HHH 1/2

On n’écoute pas Loud de la même manière qu’on écoute les autres rappeurs québécois. Très minutieux dans ses écrits, le Montréa­ lais sait comment stimuler constamment l’intérêt de l’auditeur avec ses habiles doubles sens et son flow agile, l’un des plus notables de la scène rap d’ici. À bien des égards, c’est ce Loud qu’on retrouve sur Une année record, un honorable premier album solo réalisé par ses deux fidèles alliés Ajust et Ruffsound. Toujours aussi ambigu dans son rapport à la gloire, qu’il convoite autant qu’il repousse, le membre de Loud Lary Ajust poursuit la réflexion intimiste entamée sur son EP New Phone, en rappelant avec résilience quelques épisodes mouvementés de son adolescence (Il était moins une) et en clamant avec fierté son authenticité et son indépendance face à un entourage hypocrite (SWG, Hell, What A View). Même s’il se fait un peu moins pertinent sur On My Life et Nouveaux riches, une réplique convenue de son hit estival 56K, Loud montre qu’il a l’étoffe des grands en s’adaptant avec souplesse aux différentes ambiances orchestrées par ses producteurs. (O. Boisvert-Magnen)


30 CHRONIQUE VOIR MTL

VO2 #11

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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

À MOURIR POUR MOURIR Vous avez vu tout le tintamarre qu’on fait autour de l’anniversaire de la mort de Barbara? Mathieu Amalric a réalisé un film dans un film qui n’est pas un biopic, mais l’histoire d’un gars qui aimerait faire un film sur la vie de Barbara et qui, au final, ne le fait pas. Le pianiste classique Alexandre Tharaud, admirateur inconditionnel de Barbara, propose un magnifique album de reprises avec entre autres Vanessa Paradis, Jane Birkin, Dominique A, Radio Elvis. Il a aussi monté un spectacle intitulé Vaille que vivre avec la comédienne Juliette Binoche qui récite les textes de Barbara. Et Bruel, le premier, et Depardieu le grincheux. Et combien de livres édités. Et une grande exposition qui lui est consacrée à la Philharmonie de Paris. Et je m’y mets aussi en réunissant sur scène, pour reprendre ses chansons, quelques-uns de ses enfants de musique: Catherine Major, Alexandre Désilets, Jorane, Ludo Pin, Marie-Thérèse Fortin et Robert Charlebois, qui a écrit pour elle Le piano noir (Quand je serai morte/ Enterrez-moi dans un piano/Noir comme un corbeau). Barbara s’est éteinte le 24 novembre 1997. Elle a été emportée – on nous l’a caché jusqu’à tout récemment – par un empoisonnement dû à de bien criminels champignons congelés, décongelés, recongelés, et ainsi de suite… jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ils auront eu raison d’une femme qui pourtant avait combattu de bien plus cruels adversaires. C’est tellement con. Non, mais franchement, ça ne ferait même pas une jolie chanson. Ses ennemis, fussent-ils son père agresseur ou les nazis, elle n’a cessé de les fuir dans la création. Monique Serf, juive née à Paris en 1930, avait 9 ans au début de la guerre et 10 ans et demi quand elle a voulu porter plainte contre son géniteur devenu incestueux, mais personne ne l’a écoutée, apprend-on dans ses mémoires qui portent le titre Il était un piano noir: «J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. […] Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire. Parce qu’on les soupçonne d’affabuler. Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent

coupables. Parce qu’ils ont peur. Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. […] Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après.» Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik écrit dans Les vilains petits canards (cité dans le cadre de l’exposition parisienne): «Par quel mystère Barbara a-t-elle pu métamorphoser sa meurtrissure en poésie? Quel est le secret de la force qui lui a permis de cueillir des fleurs sur le fumier? Après les deux fracas de l’inceste et de la guerre, il a bien fallu que la grande fille mette en place quelques mécanismes de défense: étouffer sous ses pas les voix du passé qui la hantent, renforcer la part de sa personnalité que l’entourage accepte, sa gaieté, sa créativité, son grain de folie, son aptitude à provoquer l’amour. On ne peut pas être celle qui n’a pas été, mais on peut donner de soi ce qui rend les autres heureux. Le fait d’avoir été blessée la rend sensible à toutes les blessures du monde et l’invite au chevet de toutes les souffrances.» Elle disait avec pudeur: «Je m’en suis sortie parce que je chante.» Sur ses miroirs de loge, elle affichait les mots suivants: «J’ai peur, mais j’avance, j’ai peur, mais j’avance, j’ai peur mais j’avance.» Tu ne te souviendras pas/De mon visage, de mon nom/Les marionnettes d’ici-bas/Font trois petits tours et puis s’en vont. Elle a fait pourtant de bien grands petits tours. Elle savait bien l’impact qu’elle avait sur son public éperdu d’amour pour elle. Ses dernières scènes arpentées par elle, dès le matin, se couvraient de milliers de roses au dernier rappel. Le public, sa plus belle histoire d’amour, ne voulait pas la quitter. Les ovations ne s’achevaient que tard, très tard, longtemps, très longtemps après les spectacles.

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Était-elle à l’image de son image? Sombre, torturée, grande dame brune, triste, porteuse d’un passé qu’elle aurait préféré oublier comme elle semblait du moins le chanter? Fourrures, lunettes fumées des sixties, hauteur et distance pour se donner un genre, silence et mystère sous les flashs. Grands gestes d’aigle noir pour aller de la cour au jardin, intensité, regards vifs, timbre franc à la scène. Pourtant, elle était, dit-on, drôle, sautillante, légère, accessible, parfois cinglante, mais toujours généreuse.

[…] Le marteau se leva, dans la salle des ventes Une fois, puis deux fois, alors, dans le silence Elle cria: «Je prends, je rachète tout ça Ce que vous vendez là, c’est mon passé à moi» […] Hagarde, elle sortit de la salle des ventes Je la vis s’éloigner, courbée et déchirante De ses amours d’antan, rien ne lui restait plus Pas même ce souvenir, aujourd’hui disparu...

Qui parlerait encore d’elle si on ne soulignait pas le 20e anniversaire de la mort de Barbara? Sans doute quelques refugiés demandeurs d’asile poétique, rescapés d’un naufrage culturello-33 tours ou théâtreux nostalgiques du sacré et d’une époque révolue où on ne se souciait pas du petit quotidien des artistes qui n’étaient pas des stars. Selon les jours, je suis de ces trois-là. Il suffit que je distingue trois notes du début de Drouot pour retomber en mélancolie, mais surtout en admiration.

Oui, madame, c’est du texte! Et encore, je n’ai reproduit que trois des dix couplets de cette chanson sans refrain! Lalalonlère!!!

Dans les paniers d’osier de la salle des ventes Une gloire déchue des folles années trente Avait mis aux enchères, parmi quelques brocantes Un vieux bijou donné par quel amour d’antan

Il reste à ceux et celles qui ne la connaissent pas plus de 100 chansons à écouter les yeux fermés, et aux autres comme moi à retomber en mélancolie et en admiration éternelle. y

En 2000, trois ans après sa mort, ses héritiers ont vendu aux enchères à Cheverny son piano noir, ses vêtements, ses partitions annotées, préemptés par le ministère de la Culture de France qui promettait la création d’un Musée de la chanson française qui se fait toujours attendre.


OUI, IL FAUT EN PARLER. MAINTENANT. ENCORE. LE MILIEU EST UNANIME: LE DOCUMENTAIRE AU QUÉBEC A BESOIN D’AMOUR, D’UN COUP DE POUCE DES GOUVERNEMENTS PROVINCIAL ET FÉDÉRAL, SINON LES PRODUCTIONS FRANCOPHONES SERONT VOUÉES À DISPARAÎTRE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTO | DREAMSTIME


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«On ne passe pas à côté d’une opportunité de parler du documentaire», nous dit Karine Dubois lorsqu’elle nous accueille dans les bureaux de Picbois Productions, avenue Mozart, qu’elle partage avec d’autres petites boîtes de production documentaire. Un cri du cœur a été lancé le 1er juin lors d’une conférence de presse avec plusieurs acteurs du milieu, dont Hugo Latulippe, documentariste et président de l’Observatoire du documentaire. «Si y a pas un coup de barre qui est donné, je pense que le Québec va perdre cette forme d’art qui est liée à la culture québécoise», réitère-t-il en entrevue. Après des années Harper désastreuses pour la culture, le gouvernement libéral a remis de l’argent dans les coffres, mais tout juste assez – environ 50% de ce qui avait été coupé – pour garder la tête hors de l’eau, nous dit-on. La récente conférence de presse a eu pour effet de raviver les élans revendicatifs du milieu. «On a tellement crié pendant les coupes du gouvernement conservateur qu’on s’est essouflés et y a beaucoup de gens qui ont lâché, indique Karine Dubois. On a perdu espoir que ça valait la peine d’en parler tellement on était convaincus qu’il n’y aurait aucun changement ou amélioration. Mais là, on dirait qu’on se réveille et qu’on se dit que c’est le temps. Les libéraux ont réparé les dégâts, mais y a pas eu de hausse dans le financement du documentaire.» Malgré les remous budgétaires, la passion envers le documentaire est toujours très forte chez les cinéastes. Les films ne sont pas moins nombreux, mais les conditions sont devenues plutôt difficiles. «Y a moins de plages horaires pour le documentaire à la télévision, les budgets ont diminué», détaille Mara Gourd-Mercado, directrice générale des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), grand rendez-vous annuel du documentaire qui soulignera ses 20 ans ce mois-ci. «J’ai l’impression que souvent, au Québec, on a cette culture-là de dire: “Oui, mais de toute façon, ils sont capables! On coupe les budgets, mais regardez, ils continuent à en produire!” OK, mais dans quelles conditions?!», lance-t-elle. «Aux RIDM, on pense que tout passe par les créateurs et les cinéastes. Si ceux-ci n’ont plus les moyens de faire leur job, si on n’investit pas dans les boîtes de production et le cinéma documentaire, ça va disparaître, croit-elle. Dans une étude récente de l’ARRQ [Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec] on constatait que la plupart des documentaristes ne vivent pas du documentaire. Ils sont obligés de faire plein de choses à côté. En ce qui a trait aux boîtes de production, ce qui est terrible, c’est qu’elles ont un apport économique au Québec et au Canada, mais elles ne sont pas aidées par les gouvernements. Pourquoi les boîtes se retrouvent

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à quémander des miettes alors que Bombardier reçoit des milliards en “aide” au secteur industriel? Ce genre de cinéma est important et on doit le soutenir. Il faut arrêter de dire que c’est de l’aide. Ce n’est pas de l’aide, c’est de l’investissement. Ces gens-là créent de l’emploi au Québec.» Même son de cloche chez Karine Dubois, qui mentionne une blague que ses comparses de bureau et elle se disent souvent et qui en dit long sur la précarité du milieu: «On est à un refus de subvention d’être prof de yoga!» «Moi, mon cheval de bataille, c’est que le financement en culture, ce n’est pas de la charité ni une bonne cause, poursuit-elle. On est des entreprises créatives innovantes au même titre que le jeu vidéo. On crée autant d’emplois, on fait autant rayonner le Québec à l’étranger. On n’est pas des quêteux d’artistes, on est des entreprises qui sont prêtes à faire de la croissance, mais qui présentement sont maintenues en mode survie parce qu’on se dit que les industries ne sont pas toutes égales. Le problème avec le documentaire est que puisque c’est un métier de passion et de vocation, les gens vont toujours continuer à en faire même si c’est bénévolement.» En ce sens, Hugo Latulippe, de son côté, craint la mort d’un métier, le sien, celui de documentariste. Lui qui a appris avec les géants Brault et Perrault en début de carrière et qui est bien en vue dans le milieu est inquiet. «Pendant environ 15 ans, on travaillait avec des moyens qui étaient plutôt bons, qui nous permettaient de nous comparer aux autres pays, d’aller dans les festivals, de rendre nos films sur les marchés internationaux. Mais depuis 3, 4, 5 ans, personnellement, je n’arrive plus à financer de grands films documentaires. On me dit qu’il n’y a plus d’argent. Les gens se disent que moi, mes affaires vont bien, mais je dis et je répète: je n’arrive plus à vivre de mon métier.» Si «le documentaire a cette fonction d’éclairer le temps», comme le dit Hugo Latulippe, il ne faudrait pas se rendre jusqu’à perdre des voix qui émergent et qui ont des choses importantes à dire. Le documentaire est intimement lié à notre histoire. «Du point de vue du talent et de la capacité de poursuivre la tradition cinématographique documentaire au Québec, on pourrait dire que ça va très bien parce qu’il y a énormément de relève – de jeunes et moins jeunes cinéastes qui s’inscrivent tout à fait dans la poursuite de ce filon artistique créé par la génération des Perrault et Brault, indique-t-il. Pour moi, le cinéma documentaire est une spécificité de la culture québécoise. Le Québec est sûrement l’un des territoires de la planète qui a le plus contribué à cette forme-là dans les 50 dernières années. Mais là, on est en train de l’échapper, mais solide.»

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(EN HAUT) MARA GOURD-MERCADO, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU; (À GAUCHE) HUGO LATULIPPE EN TOURNAGE, PHOTO | ESPERAMOS

La crise du documentaire arrive à un moment où il semble y avoir une grogne générale dans le milieu culturel québécois. Alors que Mélanie Joly et Patrimoine Canada forment des alliances avec le géant Netflix, le Manifeste pour la pérennité et le rayonnement de la culture et des médias nationaux à l’ère numérique, signé entre autres par l’ADISQ, la FTQ et l’UDA, demande aux gouvernements provincial et fédéral de mettre en place des conditions pour que l’industrie retrouve une stabilité. Cette solidarité pourrait porter ses fruits. «Ça fouette le milieu, dit Mara Gourd-Mercado. C’est 40 organismes qui se mettent ensemble pour parler d’une seule voix. Les gens se rendent compte qu’on est en train de perdre quelque chose.»

«La production francophone est menacée, ajoute Hugo Latulippe. La clé est dans une alliance entre nos organisations, toutes formes d’art confondues. Même si nos contextes sont différents, y a des liens entre tout ça. On est en train de reculer parce que notre génération est pas consciente des chances qu’on a dans ce pays. Notre coalition est historique. C’est la première fois qu’on est unanime pour dire que le Canada a un problème dans sa compréhension de la conjoncture. Les anglophones et francophones comprennent que la culture canadienne et québécoise est en danger, y a pas de doute.» Désormais résident du Bas-Saint-Laurent, Hugo Latulippe pose un regard dans le rétroviseur en espérant que les choses se

rétablissent pour le mieux. «Le cinéma documentaire dans les écoles et les cinémas indépendants au Québec, j’y suis très attaché. Y a déjà eu une grande époque de ça. Quand j’ai sorti Bacon, le film [2001], on a fait plus de 100 projections dans la première année. Ç’a permis à des milliers de gens de se rassembler et de discuter de l’avenir du pays. Y a quelque chose de vraiment précieux là-dedans. Mais aujourd’hui, on ne produit plus de grands films et les modèles ne nous permettent plus de faire ça. Une des clés, c’est de s’allier et de rallier le grand public qui aime le documentaire dans ce pays.» y Les 20e RIDM se tiendront du 9 au 19 novembre




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LE TROUBLE DE BIPOLARITÉ EN DEUX TEMPS POUR SON TOUT PREMIER FILM, LE LONG MÉTRAGE DOCUMENTAIRE MANIC, KALINA BERTIN PART À LA RECHERCHE DE SON PÈRE, UN HOMME QUI A EU 15 ENFANTS ET DIFFÉRENTS NOMS AU COURS DE SA VIE, ET FINIT PAR DRESSER UN FASCINANT PORTRAIT D’UNE FAMILLE AFFECTÉE PAR LE TROUBLE DE BIPOLARITÉ. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

«C’est valorisant de voir qu’y a quelque chose de créatif qui ressort de toute cette folie et de cette souffrance-là.» Chassé-croisé entre le passé et le présent, Manic a permis à Kalina Bertin d’utiliser son amour pour la caméra comme forme de thérapie et comme outil d’investigation. «C’était un processus vraiment très particulier et très difficile», relate la cinéaste en entrevue. «J’ai commencé en 2013 en voulant faire un film sur mon père. Mais plus je recherchais et je filmais pour essayer de comprendre l’histoire de mon père, plus il y avait le chaos qui prenait place à la maison avec mon frère et ma sœur, qui ont tous les deux été diagnostiqués avec le trouble de bipolarité. Je voyais à quel point ce qui se passait au présent était lié au passé.» Si son père a eu plusieurs vies, en Californie et ailleurs, évoluant parfois en petites communautés – pour ne pas dire cultes – où il était considéré comme un leader et un demidieu en raison de son magnétisme, Félicia et François, deux de ses enfants, sont quant à eux pris au piège à Montréal, devant composer avec une maladie qui les mène vers de radicaux hauts et bas. «Mon père a été officiellement diagnostiqué bipolaire. Mais y a une composante chez lui qui complexifie la chose: un trouble de personnalité. Mais ça, c’est tout un niveau qu’on ne voit pas chez ma sœur et mon frère. Y a des gens qui disent que mon père était probablement sociopathe ou psychopathe. Il était capable d’exercer une forme de contrôle sur les gens. Il était très grand et il avait un charisme fou.»

Kalina Bertin, en quête de réponses, est donc partie à la recherche de cet homme qui en a marqué plusieurs. Les gens qui ont connu son père ajoutaient des pièces au casse-tête au fil de ses voyages. «Y avait une dualité noirceur/lumière qui tournait autour de lui, explique-t-elle. C’était un personnage qui me fascinait, mais je n’étais pas certaine de son prénom ni d’où il venait. Tu sais, les réponses à des questions fondamentales qu’on a à propos de ses parents, moi je ne les avais pas par rapport à mon père. J’avais besoin de faire le film pour aller au fond de ces questions-là.» De plus, la réalisatrice en a appris beaucoup en plongeant dans les archives personnelles familiales. Un élément crucial qui unit Kalina et son père: la caméra. Dans Manic, le patriarche Bertin filme souvent ses enfants. «Mon père a aussi un peu été le réalisateur du film, parce qu’on utilise beaucoup ses archives, indique-t-elle. Il a fallu expérimenter avec les archives pour construire le film puisqu’elles représentent les ponts entre le passé et le présent.» «Y a un drôle de symbolisme dans tout ça, poursuit-elle. Lorsqu’on a eu fini le film, mon producteur m’a dit: “Je sais pas si tu le réalises, mais tu as fait ce film avec ton père.” Mon amour de la caméra et du cinéma vient de mon père. J’ai l’impression qu’il utilisait la caméra pour gérer son énergie de manie. La caméra était souvent entre lui et nous.» De retour à Montréal, Kalina Bertin a filmé des scènes dans la maison familiale située

dans le quartier Ahuntsic. La réalisatrice nous ouvre la porte d’un quotidien parfois ébranlé par les écarts de conduite inquiétants de son frère ou les déraillements de sa sœur. Le film est donc un outil pour essayer de comprendre, ensemble, le trouble bipolaire, «une maladie extrêmement difficile à comprendre de l’intérieur pour quelqu’un qui le vit de l’extérieur», dit la réalisatrice. Félicia et François ont été de grands complices dans les questionnements de leur sœur. «Ils étaient conscients de cette nécessité d’essayer de comprendre à la fois qui était notre père et ce qu’est leur maladie. On voulait comprendre comment confronter tout ça. Comment trouver des solutions, comment s’aider?» Au-delà de l’histoire fascinante qu’il révèle, Manic joue un rôle important dans la mesure où il permet de mettre des images et des mots sur une maladie encore incomprise du grand public. Alors que son père n’avait pas d’aide ou de repères quant au trouble de bipolarité, dit-elle, aujourd’hui, c’est plus facile à diagnostiquer. Le film pourrait être bénéfique pour la déstigmatisation de cette maladie. «Je l’espère, dit Kalina. Pendant longtemps, ma famille et moi nous nous sentions seuls par rapport à ce qu’on vivait. J’avais honte et je me sentais isolée, exclue. Mais plus j’en parlais, plus je me rendais compte que c’est quand même récurrent. On n’en parle pas assez.» y Présenté les 10 et 15 novembre dans le cadre des RIDM


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PRENDRE L’UNIVERS EN MAIN C’EST AVEC AMBITION QUE SIMON LAVOIE MET À L’ÉCRAN L’UN DES ROMANS LES PLUS MARQUANTS DE NOTRE LITTÉRATURE. IL EN A FAIT UN FILM D’UNE VIOLENTE BEAUTÉ D’OÙ SURGIT LE SUBLIME ET LES BLESSURES DE LA LUMINEUSE ALICE SOISSONS DE COËTHERLANT. LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TROP LES ALLUMETTES EST LE PLUS BEAU FILM SORTI SUR NOS ÉCRANS CETTE ANNÉE. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ

PHOTOS | MAX RHEAULT

La faute, le remords et la culpabilité sont trois thèmes omniprésents dans le roman de Gaétan Soucy, sorti en 1998 et internationalement acclamé. Ce roman, qui présente l’histoire d’une famille cloîtrée, enfermée sur elle-même, les Soissons de Coëtherlant, est également une formidable métaphore du patriarcat et de la religion qui oppressent de tout leur poids une société québécoise pré-révolution tranquille. Et cela n’a pas échappé à l’attention de Simon Lavoie, un cinéaste qui a fait de la quête d’identité l’une de ses obsessions. «Lorsqu’on m’a approché pour réaliser ce film, il fallait d’abord et avant tout que Gaétan Soucy souscrive à mon adaptation», explique Simon Lavoie. «Nous étions en 2013 et cela faisait plusieurs années qu’on essayait d’adapter le roman sans succès. Gaétan était cinéphile et quelqu’un de très intelligent (l’auteur est décédé subitement en 2013 d’une crise cardiaque). Il ne fallait pas en faire une adaptation littérale, puisque c’est un roman d’une grande dextérité langagière, cela aurait été laborieux. J’ai donc décidé d’écrire mon adaptation selon mes premières impressions sur le livre: un univers poétique trouble mâtiné d’inceste, de violence, de religion et d’éradication de la féminité.» Pour ce faire, Lavoie décide de raconter l’histoire du point de vue d’Alice, alors que

le monde se dévoile à celle-ci. Il ne fera appel à aucun narrateur pour illustrer l’histoire qui est écrite par la jeune fille dans le roman. Avec ce brillant parti-pris narratif, le réalisateur nous fait donc vivre la quête initiatique de la jeune Soissons avant et après le suicide du père (Jean-François Casabonne). Ainsi laissés à eux-mêmes dans un monde qu’ils ne connaissent pas, le frère (intuitif Antoine L’Écuyer) et la sœur (fascinante Marine Johnson) vivent deux parcours bien différents. Alors que le jeune homme se terre dans le déni et la violence, la jeune femme s’ouvre et tente d’entrer de plein fouet dans le réel après en avoir été écartée toute son existence. «Anne Hébert se défendait des métaphores simplistes et réfutait les interprétations de son œuvre», nous explique Simon Lavoie. «Gaétan Soucy s’est défendu un peu sur le même mode. Je souscris à cette inter­ prétation métaphorique de ce roman qui dit que le Québec ressemble un peu à ces deux orphelins, notamment en ce qui a trait à la religion et au patriarcat. Je crois qu’il faut faire des films qui font sens, car la vacuité ne peut pas nous tenir pendant la durée de production d’un film qui peut s’échelonner sur plusieurs années. Ce genre d’œuvre contribue à l’élaboration de notre mythologie collective. Notre existence est une question incessante ici, au Québec, et nous sommes tout le temps en instance de dissolution.»

Outre le travail d’adaptation et de scéna­ risation, il a fallu aussi créer l’univers physique de la famille Soissons. Un univers dont la date et le lieu demeurent vagues et difficiles à situer dans le roman. C’est ici qu’interviennent le chef opérateur Nicolas Canniccioni et la directrice artistique Marjorie Rhéaume. En privilégiant l’utilisa­ tion de la caméra Red Epic Monochrome 6K, Canniccioni et Lavoie y vont d’un plaidoyer en faveur du noir et blanc. Cette caméra filme directement en noir et blanc et non en couleurs. C’est donc tout un agencement des couleurs qui a été pensé par la direction photo et artistique en fonction de ce choix. Et cela donne une image sublime tout en retenue et en éclatants contrastes dans les scènes de jour. On retient un très beau rêve d’Alice où un oiseau s’enflamme dans la nuit, ou encore cette scène où Alice pénètre dans une église avec un cheval. Avec son cinquième long métrage, Simon Lavoie réussit à arrimer avec fluidité et rigueur le fond que constitue le roman avec la forme cinématographique. En plus de la très belle caméra de Canniccioni et du jeu sans concession de Marine Johnson, Jean-François Casabonne et Antoine L’Écuyer viennent compléter un film qui ajoute du sens à notre odyssée collective et à celle de l’œuvre de Gaétan Soucy. Du grand art. y En salle le 3 novembre



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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

TROIS TRUCS POUR NAVIGUER DE MANIÈRE CRITIQUE Nous passons tous désormais beaucoup, beaucoup de temps sur internet. On ne sera pas surpris d’apprendre que les plus jeunes forment le groupe d’âge qui en passe le plus. Or internet et tout ce qu’on y trouve – depuis les médias sociaux jusqu’aux sites les plus crédibles, en passant par tout ce que vous savez ou imaginez – sont potentiellement une formidable machine à désinformer. Comment s’y retrouver, comment conserver son esprit critique devant cette surabondance d’informations qui ne sont manifestement pas toutes crédibles? L’enjeu est de taille puisque la qualité de la conversation démocratique dépend de manière décisive qu’elle se tienne entre citoyens informés. Et c’est loin d’être gagné. Considérez à ce propos les conclusions d’une récente recherche réalisée aux États-Unis.

À autant d’étudiants du collège, on demande s’ils utiliseraient, dans un travail, les données statistiques sur le système de santé publiées par un certain Joe Smith, qui commente un article de journal.

peurs, dont certains ont même été sciemment créés pour nous tromper, qu’on a proposé des stratégies pour aider les surfeurs de la Toile à départager le vrai du faux, ou du simplement plausible.

La réponse semble évidente, mais plus de 40% ont répondu oui.

On enseigne ainsi, notamment aux élèves, à porter une grande attention à la facture générale du site et à examiner avec soin divers aspects importants de son contenu.

À 58 étudiants universitaires et 95 étudiants préuniversitaires, on demande de juger si est crédible un site informant sur les effets (décrétés très négatifs) de l’instauration du salaire minimum dans l’industrie de la restauration. Le site est une création d’une firme de relations publiques travaillant pour cette industrie. Seulement 6% des étudiants du premier groupe et 9% du deuxième ont échappé au piège. Comment faire mieux?

On se demandera par exemple, à propos d’un site donné: est-il fait de manière professionnelle? Les textes sont-ils rédigés en une langue irréprochable? Des références sont-elles fournies? Sont-elles crédibles? Expose-t-on de manière acceptable une idée avec laquelle on n’est finalement pas en accord? Propose-t-on des arguments? Est-ce une adresse .com ou .org? Est-il possible de contacter une personne responsable du site? Et plusieurs autres semblables.

Les stratégies usuelles Tristes résultats À quelque 200 élèves du secondaire, on montre une page du web sur le réchauffement climatique tirée de la section «science» d’un magazine, puis, sur le même sujet, une page commanditée par une pétrolière et identifiée comme telle. On leur demande de dire laquelle est la plus crédible. 70% ont choisi la deuxième.

Une première et incontournable solution consiste à transmettre des savoirs, ce qui est bien entendu le rôle de l’éducation (j’allais écrire: de l’instruction…) publique. Car le fait est que pour naviguer les phares grands ouverts sur internet, posséder un grand nombre de savoirs est salutaire. Mais on ne peut tous les détenir; et il existe tant de pièges sur internet, de sites trom-

Mais cela ne fonctionne manifestement pas très bien, entre autres parce que les sites trompeurs sont bien faits et qu’ils sont parfois même conçus pour passer avec succès tous ces tests qu’on veut leur faire subir. Que faire, alors? Existe-t-il des stratégies plus efficaces que nous devrions tous connaître et enseigner dans les écoles? Les chercheurs ayant fait passer les épreuves rapportées plus haut ont eu l’heureuse idée

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d’aller voir comment, en allant sur internet, procédaient ces gens qu’on appelle en anglais des «facts checkers», des vérificateurs de faits ou d’informations. Ces personnes qui travaillent dans les médias ou pour diverses entreprises ou institutions ont un métier qui exige qu’elles soient justement capables, de manière rapide et efficace, et notamment sur internet, de départager le vrai du faux, ou du plausible. Que font ces experts? Il se trouve qu’ils utilisent couramment trois stratégies simples et efficaces. Avis d’experts Pour commencer, les experts pratiquent ce qu’on peut appeler la «lecture latérale». Passer du temps sur un site pour en évaluer la crédibilité, on l’a vu, risque d’être peu utile et constituer une énorme perte de temps. Les experts, eux, quand ils arrivent sur un site, ouvrent plutôt rapidement d’autres fenêtres pour lire à propos du site examiné. La page de la pétrolière était bien faite et on aura du mal à en percer le secret même en y restant pour lui faire passer les tests habituels: mais en en sortant, en quelques clics, on aurait su qui était derrière. Et il en va de même pour la page sur le salaire minimum. Ensuite, les experts utilisent Wikipédia. J’entends d’ici votre étonnement mêlé d’incrédulité. «On dit sans arrêt à nos étudiants de ne pas consulter ça!» Mais attention: si les experts vont sur Wikipédia, c’est pour en faire un bon usage. D’abord, là aussi, ils lisent latéralement; ensuite, ils consultent surtout les références et les sites proposés, en allant vers ceux qu’ils savent crédibles, plutôt que le texte de l’article; enfin, ils vont sur les pages de discussion des articles pour apprendre ce qui pose problème sur les sujets controversés. Finalement, les experts, quand ils font une recherche sur Google, pratiquent ce que l’on pourrait appeler la «modération du clic». Une tendance courante, quand on fait une recherche, est en effet de consulter les tout premiers sites que le moteur de recherche nous propose. Les experts, eux, passent plutôt du temps à examiner les URL des sites proposés et à lire les bribes de textes qui accompagnent chaque résultat. Cela fait, ils cliquent bien souvent sur des sites ne figurant que sur la deuxième ou la troisième page des résultats. Simple. Utile. Efficace. À pratiquer sans modération. Pour en savoir plus Pour lire sur la recherche originale, allez à [goo.gl/ xz9Xvf] et à [goo.gl/hNrqis]. Sur ce dernier site, vous trouverez des idées pour enseigner tout ça et les mettre en pratique. (C’est en anglais…) y

Soirée Mariachi

À Montréal tous les premiers VENDREDIS du mois À Terrebonne tous les premiers SAMEDIS du mois

MONTRÉAL

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TERREBONNE

www.restaurantagave.com



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LE MONTRÉAL JUIF SE MET À TABLE MONTRÉAL, ON L’APPELLE LA CAPITALE CANADIENNE DE LA CUISINE JUIVE. ET POUR CAUSE: SI LA RÉPUTATION DE SES VIEILLES INSTITUTIONS CULINAIRES N’EST PLUS À FAIRE, UNE GÉNÉRATION DE RESTOS DE NOUVELLE CUISINE JUIVE COMMENCE EN PLUS À ÉMERGER… MOTS | MARIE PÂRIS

Cet été, le Musée du Montréal juif et The Wandering Chew proposaient une façon originale de visiter la ville: un tour guidé sur le Montréal culinaire juif, entre informations historiques et dégustations de plats emblématiques. La visite ne se limite pas à la tournée des institutions, mais va aussi à des endroits moins connus où a commencé l’histoire culinaire juive de la ville. «Au début du tour, la plupart des clients étaient des juifs, mais aujourd’hui, on a plus de touristes attirés plutôt par l’aspect foodie», note Katherine Romanow, directrice de la programmation culinaire du Musée du Montréal juif. Les premiers restos juifs emblématiques ont ouvert dans les années 1930, devenant de véritables institutions au fil des décennies – notamment dans les années 1970 où Montréal avait alors la plus grande communauté juive du Canada. «Ces restaurants et épiceries font vraiment partie des institutions montréalaises: ils sont là depuis longtemps, car la communauté juive est très ancienne. C’est assez unique, aucune autre culture n’est allée aussi loin à Montréal, affirme Katherine. Ces institutions sont au-delà de la culture juive: elles sont devenues des symboles de Montréal à part entière. Elles ne représentent plus la culture juive, mais la culture montréalaise dans son ensemble. C’est fascinant!» Du brunch au bagel On connaît Beauty’s, cet établissement de brunch géré par la même famille depuis 75 ans et connu pour son Beauty’s Special (bagel, saumon fumé, fromage à la crème, tomate et oignon) et le MishMash (omelette, salami, hot-dog, poivron vert et oignons frits). Moishes, ce steakhouse vieux de 80 ans où l’on mange des patates latkes et des saucisses karnatzlach. Wilensky’s, tout petit resto datant de

(CI-CONTRE) FLETCHERS

1932 qui vend surtout le Wilensky’s Special, un pain de maïs pressé au salami, bologne et moutarde (il faut payer en plus si l’on veut son sandwich sans moutarde). Et bien sûr, le célébrissime Schwartz et ses sandwichs au smoked-meat avec pickles et frites. Rien à envier du côté boulangerie, grâce à des endroits comme Cheskie’s, dans le Mile-End, où les gens font la queue le dimanche pour ses typiques brioches à la crème. Mais Montréal est surtout connue pour les bagels de Saint-Viateur et Fairmount, fabriques mythiques depuis leur ouverture dans les années 1950. À la différence des bagels newyorkais, ceux de Montréal sont plus denses et plus sucrés (car cuits dans de l’eau avec un peu de miel). «C’est vraiment propre à Montréal: on a des petites communautés juives ailleurs, mais pas cette même culture culinaire, souligne Katherine. Mon beau-père a grandi à Québec, et il quand il venait en famille à Montréal, ils repartaient avec des bagels et du Schwartz…» Ces établissements emblématiques de la ville, on les reconnaît notamment au nom du commerce écrit en céramiques blanches et noires sur le sol de l’entrée, à leur fermeture le samedi pour le shabbat ou aux deux logos MK et CRC certifiant que la nourriture servie est casher. «Toute la nourriture n’est pas certifiée dans tous les restaurants, mais elle est en tout cas préparée dans cet esprit», indique Katherine. La plupart des vrais casher sont situés à l’ouest de Montréal, dans le quartier Côte-desNeiges notamment. Pancakes à la russe et Schnitzel au miel Il y a donc les monuments, les célèbres deli, mais il y a aussi de nouveaux restaurants qui se consacrent

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En bon resto juif, c’est encore une histoire de famille: Arthur est le nom du père de Raegan, celui qui l’a amenée à la cuisine, et ses photos sont sur la carte et les murs du resto. «On ne veut pas que ce soit un resto éphémère. On veut créer quelque chose dont on pourra être fiers dans 20 ans», insiste la chef. Elle voit en effet un mouvement nouveau dans la cuisine juive, «un revival, qui vient des enfants de ceux qui tenaient des deli avant…» Diversité et modernité Dans la même génération que le Arthurs Nosh Bar, il y a Hof Kelsten, qui fournit les restos Le Club Chasse et Pêche, Le Filet et Joe Beef. Dans cette boulangerie au décor signé Zébulon Perron (le top de la modernité), on goûte au babka au chocolat et aux rugelach aux fraises et aux noix de Grenoble… Ici, gravlax et bortsch côtoient foie gras et BLT. «Ce mouvement de nouvelle cuisine a commencé aux États-Unis via des gens dans la vingtaine qui ont réinventé la cuisine juive qu’ils connaissaient. Ça l’a rendue plus acceptable pour les jeunes générations, qui voient que cette culture culinaire peut aussi être moderne, analyse Katherine Romanow. Hof Kelsten a été le premier à le faire à Montréal il y a trois ans. Je suis très heureuse que de plus en plus de gens jouent et s’amusent avec cette cuisine, qu’ils commencent à explorer ce qu’on peut faire…»

ARTHUR’S

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à la cuisine juive. C’est le cas du Arthurs Nosh Bar, ouvert depuis juin dernier. À l’origine de ce resto de Griffintown, on trouve un couple qui vient de chez Joe Beef, Raegan Steinberg et Alexandre Cohen. «Quand j’ai parlé au chef du Joe Beef de notre intention d’ouvrir un resto, il m’a dit: “Cuisinez ce que vous savez faire!”», raconte Raegan. Le couple, d’origine juive roumaine et marocaine, décide donc de proposer une cuisine confort de tradition, mais revisitée à sa sauce: schnitzel (avec trois chapelures, miel du Québec fouetté, sauce piquante israélienne et câpres frits), pancakes à la russe, perogies, fromage challah grillé, etc. «C’est ça la cuisine juive: chacun a pris quelque chose du pays d’où il vient, commente la chef. Ici, on sert une cuisine simple, familière. C’est la nourriture que l’on connaît le mieux.» Ce qui est proposé au resto, pour le déjeuner, le dîner ou le brunch du dimanche, c’est «juste la pointe de l’iceberg en cuisine juive», affirme en riant Raegan. «Un resto, c’est aussi une opportunité pour éduquer les gens à cette cuisine; la bouffe est la meilleure façon d’introduire une culture.» Le couple veut métisser les influences et remettre les classiques au goût du jour, et Alexandre fait beaucoup de recherches pour travailler de nouveaux plats.

Membre de cette génération, Katherine a ouvert Fletcher’s, le café du Musée du Montréal juif où sont servis des plats, des sandwichs, des salades et des desserts qui rendent hommage aux traditions culinaires ashkénaze et sépharade. La plupart des plats juifs qu’on trouve à Montréal sont d’origine ashkénaze, le groupe le plus important dans la ville; la cuisine sépharade, souvent à base de tomate, un peu plus épicée et relevée, est moins représentée à Montréal. «Je veux montrer la diversité de la cuisine juive, montrer qu’il ne s’agit pas juste de recettes de l’Europe de l’Est, indique Katherine. À Fletcher’s, les gens peuvent goûter à des plats qu’ils ne trouveront pas ailleurs à moins d’aller manger dans une famille juive.» Mais si la plupart de ces restos proposent des sandwichs et autres repas sur le pouce, peut-on s’attendre à voir émerger des établissements plus gastronomiques, dans notre ville qui compte aujourd’hui environ 100 000 juifs? «Aller dans des restaurants où l’on prend le temps de s’asseoir et de manger est plus normal pour nos générations. Alors j’espère que ça va arriver, grâce notamment à ce mouvement de jeunes juifs qui ouvrent leurs restos, conclut Katherine. Montréal est l’environnement parfait pour que ça se développe…» y



LIVRES 47 VOIR MTL

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HEMINGWAY, HAMMETT, DERNIÈRE MOTS | FRANCO NUOVO

ILLUSTRATION | DREAMSTIME

J

e vous ai déjà dit ma passion pour Hemingway, pour les auteurs américains du 20e siècle, pour cette génération perdue. Je n’ai pas changé d’avis. Mes sentiments et mon goût pour leurs mots sont les mêmes.

L’autre dimanche, un dimanche matin comme tant d’autres, dans le couloir désert de ce sinistre sous-sol de Radio-Canada qui mène au studio 17 où on a l’habitude de dessiner des mondes et des idées, j’ai croisé le responsable littéraire du Devoir, Fabien Deglise, que j’avais invité, comme je le fais régulièrement, à venir faire l’autopsie d’un classique. Quelques semaines plus tôt, il était venu pour me parler du Vieil homme et la mer, de son auteur et du Nobel. À cette émission-là, il avait évoqué un roman imaginant la rencontre, sur les derniers milles de leur vie, d’Hemingway et de Dashiell Hammett, considéré par plusieurs comme le père du roman noir. Ce dimanche matin, donc, dans ce couloir trop froid, Fabien, connaissant désormais mon intérêt pour cette littérature, a sorti de son sac un bouquin en me disant: «Tiens, j’ai un cadeau pour toi.» C’était Hemingway, Hammett, dernière de Gérard Guégan, un écrivain, journaliste et scénariste français que je ne connaissais pas. Guégan, ai-je découvert par la suite, a écrit sous de nombreux pseudonymes, travaillé à L’Humanité, aux Cahiers du cinéma, côtoyé Rivette, Godard, traduit Bukowski. Bref, il a fait beaucoup de choses. Ah oui! Fait non négligeable, il a été communiste avant de rompre avec l’idéologie. Quand j’insiste sur «communiste» et «non négligeable», c’est que dans ce roman, ce mélodrame imaginant la rencontre de ces deux géants, le communisme se retrouve au centre de l’intrigue. Guégan y relate les retrouvailles de deux écrivains, camarades du parti, qui ont foulé

l’Italie, l’Espagne et mené une vie baignée d’alcool et de nuits folles. Ils se sont éloignés, disputés, fâchés. Détestés par les maccarthystes qui voyaient en eux des suppôts de Satan, bien installés dans la mire de Hoover, suivis par le FBI, ils sont devenus à leur tour des personnages de roman. Guégan ancre son récit en 1956, soit quelques années avant la mort des deux hommes. Les années ont passé. Maganés par une vie dissolue, ils portent sur leurs épaules, en pliant à peine les genoux, les guerres, les affrontements, les rivalités politiques et littéraires de tout un siècle, et leurs jalousies aussi. Comme dans la fable, sentant probablement sa mort prochaine, un riche Hemingway part à la recherche de Hammett, son vieil ami. Oui, ami malgré tout. Il prend la route à bord d’un taxi conduit par une magnifique femme noire. Il retrouve Hammett, cogne à sa porte. Et les voilà tous deux face à face, face à leur passé, à leurs histoires, à leurs altercations. Dans ce roman au style saccadé, construit presque comme le scénario d’un film où coulent et découlent les scènes, on plonge en plein 20e siècle. On y retrouve les événements, les guerres, les idéologies et les personnages qui l’ont façonné. Staline et Hoover passent et repassent. Flaubert et Stendhal font un saut dans le temps. Aragon et Sartre apparaissent et disparaissent. On assiste à un corps-à-corps. Dans des situations inventées, imaginées et modelées sur la personnalité de ces deux hommes hors-norme. Dès les premières pages, j’ai été happé, intrigué par le style de Guégan. Je ne savais pas où il voulait m’entraîner ni ce qui était vrai et ne l’était pas. La désillusion aussi se creuse une place dans ce roman à travers l’effondrement des idées et des régimes, à travers aussi les trahisons.

J’y ai vu également le mélodrame de la vie que cause l’inéluctable vieillesse, celle du corps plus que celle de l’esprit, bien que l’esprit en subisse inévitablement les contrecoups. Ces deux géants ne sont plus ce qu’ils ont été physiquement et moralement. Ils ont perdu confiance et n’ont plus l’énergie de leur talent. Ils marchent, boitillent, se blessent, bien que pour le fier Hemingway se fouler la cheville ne soit pas une blessure. S’accrochant malgré tout à leur bouteille, l’un subit les maux de sa prostate et l’autre les affres d’une dépression qui le guette. La faucheuse est présente sous la forme d’un révolver, d’un pistolet ou de la maladie. Une vie d’aventure, c’est court quand la mort est au bout. C’est ça que raconte Guégan, les dernières années, les derniers moments avant la fin. En appendice, Guégan nous rappelle que Dashiell Hammett est mort le 10 janvier 1961 d’un cancer du poumon dans la chambre 823 du Lennox Hill Hospital. Et qu’Ernest Hemingway, lui, s’est suicidé le 2 juillet de la même année. Parce que même les géants finissent par tomber. y Hemingway, Hammett, dernière Gérard Guégan Gallimard, coll. «Blanche» 2017, 240 pages


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L’HABITUDE DES BÊTES LISE TREMBLAY Les éditions du Boréal, 2017, 168 pages Après son récit intimiste Chemin Saint-Paul, Lise Tremblay revient à la fiction avec son court roman L’habitude des bêtes, où elle tente de sublimer l’histoire de la chasse pour mieux comprendre la tension des hommes lorsqu’on empiète sur des territoires aux frontières tout aussi imaginaires qu’ancestrales. Plaçant son histoire au nord de son Chicoutimi natal, Tremblay revient sur des terres qu’elle connaît trop bien. On retrouve ici le talent de l’auteure de La héronnière pour créer rapidement et efficacement un village où tous semblent être beaucoup plus que ce qu’ils laissent voir. Ainsi tentera-t-elle de cerner l’habitude des bêtes que nous sommes. Docteur Ouellette est dentiste à la retraite. Divorcé, il décide de s’installer pour de bon dans son chalet, sur le flanc de la montagne, avec son vieux chien Dan. Au fil des pages, Lise Tremblay fait vivre une galerie de personnages où tout le monde tient un rôle bien précis. Chaque jour, le docteur marche jusqu’au lac, près de chez Mina chez qui il arrête. Ancienne propriétaire du dépanneur du coin, elle se gave désormais à même les chaînes de nouvelles en continu, mais ne manque aucune rumeur du village. La plus persistante est celle du retour des loups dans le parc, à quelques jours de l’ouverture de la chasse. Ce temps de l’année où l’homme civilisé laisse place à la bête en lui. Lorsqu’on croise les chasseurs au village, leurs regards hagards laissent présager le pire et, lentement, l’information circule comme quoi un groupuscule tenterait de braconner les loups qui attaquent sans gêne chevreuils et orignaux. Même si la tension monte dans le village et que le commérage ne semble que vouloir remettre de l’huile sur le feu, Lise Tremblay se joue habilement de ce faux suspense pour plonger au fond des hommes qui prennent place de près ou de loin dans le conflit. La concision que maîtrise Tremblay dans son dernier livre nous laisse pourtant ici un peu sur notre faim. Bien que l’on comprenne qu’elle ne veut pas se jouer des violences, mais plutôt de ce qui la génère, que l’entreprise est ailleurs, reste qu’on a l’impression qu’on aurait pu pousser quelques personnages plus loin. Si la trame narrative autour de la mort prochaine du chien Dan nous émeut, celle avec la fille du docteur Ouellet en pleine crise identitaire nous semble ici superflue et aurait pu être développée dans une autre entreprise littéraire. (Jérémy Laniel) y


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ZABOR OU LES PSAUMES KAMEL DAOUD Actes Sud, 2017, 328 pages Kamel Daoud publiait l’année dernière Mes indépendances, recueil de ses chroniques tenues dans le Quotidien d’Oran, le quotidien le plus lu d’Alger. Ce sont ces mêmes chroniques qui sont à l’origine d’une fatwa et de menaces de mort contre lui. Son premier roman, Meursault contre-enquête (une réécriture de L’étranger de Camus de point de vue de la famille de l’Arabe assassiné sur la plage), fut finaliste au Goncourt et lauréat du Goncourt du premier roman. Il revient avec Zabor ou Les psaumes, un roman où l’écrivain expose sans gêne son rapport romantique et total à l’écriture. Dans une société où tous semblent refouler désirs et envies, Zabor se questionne sur la liberté par l’écriture et la littérature. Fils du boucher du village, Zabor est l’enfant dont on a honte, celui qui a toujours le nez dans les bouquins à défaut de rester les yeux bien collés sur le livre sacré. Vivant un peu reclus du village avec une tante vieille fille, il passe ses journées à lire et à écrire, à remettre en question l’ordre des choses et à trouver le sublime à même les mots. Alors que plusieurs baissent le regard en le croisant dans la rue, ils sont plusieurs, le soir tombé, à venir à sa porte quémander ses services, car l’écriture sauve des vies. Bien que la formule soit galvaudée, ici c’est exactement ce dont il est question. Lorsque Zabor se retrouve au chevet des mourants, il écrit des nuits durant, éloignant la mort et peuplant ainsi la ville d’une étrange proportion de centenaires. Avec une prémisse particulière, le roman de Daoud laisse se déplier une langue riche et envoûtante, les phrases partent en vrilles, les aphorismes se découvrent au détour des pages, laissant Daoud exprimer haut et fort son besoin de littérature. Livre-plaidoyer, Zabor ou Les psaumes est d’abord celui d’un homme qui a décidé de ne pas se taire, celui d’un écrivain qui trouve dans la fiction une liberté plus grande que dans les chroniques. Car si, comme le dit Zabor, «la langue est le versant impétueux du silence», Daoud n’hésite pas ici à aborder les tabous d’une société qu’il n’a jamais eu peur de critiquer: la sienne. Tantôt vindicatif, tantôt sulfureux, mais toujours habilement littéraire, Zabor ou Les psaumes se lit comme une charge en règle, comme une fête, comme un souffle, comme un conte; une entreprise tout aussi ambitieuse qu’ingénieusement menée. (Jérémy Laniel) y

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ARTS VISUELS 51 VOIR MTL

VO2 #11

COHEN DE TOUTES LES ÉPOQUES LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DU MAC, JOHN ZEPPETELLI, L’ADMET D’EMBLÉE: C’EST ASSEZ ÉTRANGE POUR UN MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE VOUER UNE EXPOSITION DE CINQ MOIS À UN ÉCRIVAIN ET MUSICIEN. CEPENDANT, LE 375e ANNIVERSAIRE DE MONTRÉAL A MIS LA TABLE POUR PERMETTRE CETTE DOUCE DÉROGATION. MOTS | ALESSANDRA RIGANO

PHOTO | MICHAEL DONALD/EYEVINE/REDUX

De pair avec le commissaire Victor Shiffman, John Zeppetelli a passé des commandes à quelque 40 artistes multidisciplinaires afin qu’ils proposent de nouvelles perceptions du poète. Les démarches auprès de Leonard Cohen ont été entamées de son vivant avant le lancement de son dernier album, You Want It Darker, précise John Zeppetelli. «On avait déjà l’approbation de Cohen lui-même. Il a dit oui parce qu’il aimait l’angle que l’on prenait, c’est-à-dire une réflexion de sa présence dans la culture et le fait que ce n’était pas une exposition biographique, mais plutôt une exploration de sa présence et de son influence à travers différentes générations d’artistes. Je pense qu’il a été vraiment ému que d’autres artistes réfléchissent à lui.» On ne fait pas référence ici à sa musique, reprise par d’innombrables interprètes, mais plutôt à la façon dont cette dernière a traversé les époques. «Je pense qu’il ne comprenait pas son influence dans la culture plus élargie. C’est un peu ça qu’on souhaitait faire. La réflexion de l’exposition a commencé comme une célébration, elle a évolué en hommage et, après sa mort, bien sûr, il y a un côté plus commémoratif qui s’est installé. L’exposition est devenue plus importante et plus urgente.» L’exposition s’ouvrira sur une œuvre d’archive du cinéaste George Fok qui reprend cinq décennies de concerts; un montage allant des années 1960 à nos

jours. L’œuvre Leonard Cohen: Passing Through souhaite faire vivre aux visiteurs les moments forts de l’artiste, que ce soit lorsqu’il s’adressait à son public ou en mettant en parallèle son interprétation d’une même chanson à 30 et à 60 ans. Le musée a également demandé à Ari Folman, réalisateur, scénariste et compositeur de musique israélien, connu pour son long métrage d’animation Valse avec Bachir, de créer une œuvre qui sera sa première à être exposée dans un musée. «Cohen est entré dans son imaginaire grâce à sa sœur qui, à la suite d’une rupture, a pleuré pendant des mois sur la musique de Cohen en s’enfermant dans sa chambre. Il n’entendait que les pleurs de sa sœur et les chansons de Cohen. Cohen lui-même a souffert énormément de dépression. Ari Folman a identifié la chanson la plus dépressive, Famous Blue Raincoat, et a construit une petite chambre accessible à un visiteur à la fois qui, depuis un socle, pourra regarder le plafond et la musique. Chaque parole ou chaque lettre qui défile trouvera une résonance avec une animation énigmatique.» L’œuvre maîtresse de l’exposition est celle de Candice Breitz, artiste d’origine africaine qui a élu domicile à Berlin, et première invitée par le musée pour cette exposition. L’œuvre sonore qu’elle propose se veut une anthropologie de l’enthousiasme et du fan. Un processus qu’elle avait déjà utilisé

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Parmi les autres œuvres phares, on retrouve celle de l’artiste multidisciplinaire américaine Taryn Simon, déjà exposée au MAC et à la fondation DHC/ART. Elle propose une photographie de la une du New York Times en date du 11 novembre 2016 où l’on retrouve une image de la première rencontre entre Trump et Obama au-dessus de la rubrique nécrologique de Cohen qui enlève son chapeau. «On ne sait pas s’il nous dit bonjour ou au revoir…» À travers cette image, Taryn Simon évoque le récit d’une époque en changement, rapporte Zeppetelli. «Quand on pense au dernier album et à la chanson-titre You Want It Darker qui est une sorte de prémonition sombre de ce qui s’en vient, c’est vraiment touchant de voir cette œuvre très simple avec énormément de résonance.» y Du 9 novembre 2017 au 9 avril 2018 Au Musée d’art contemporain

(PAGE DE GAUCHE) KOTA EZAWA, COHEN 21, 2017. FILM D’ANIMATION 16 MM. AVEC L’AIMABLE PERMISSION DE L’ARTISTE. SOURCE: LADIES AND GENTLEMEN... MR. LEONARD COHEN. RÉFÉRENCE: HAN’S RICHTER, RHYTHM 21, 1921

pour rendre hommage à Bob Marley, Michael Jackson et Madonna. Réalisée avec la participation de 18 hommes montréalais âgés de plus de 65 ans, l’installation vidéo multicanal présente les enregistrements individuels de chacune des chansons de l’album I’m Your Man. «Candice a choisi cet album parce que, selon elle, il symbolise le come-back de Cohen à l’âge de 55, 56 ans, après avoir vécu un creux dans sa carrière. C’est une réflexion sur la masculinité tardive, le style tardif.» Les hommes qu’on entend dans cette œuvre chantent a capella et forment «un hommage dénudé et assez cru». Les harmonies vocales sont assurées par une chorale du Shaar Hashomayim Synagogue Choir de Westmount. «Il y a des fausses notes, c’est un chœur improbable et artificiellement mis ensemble, mais ils sont unis dans leur amour et leur dévouement à Cohen.»

(CI-CONTRE) KARA BLAKE, THE OFFERINGS, 2017. MAQUETTE D’INSTALLATION, MATÉRIEL D’ARCHIVE. AVEC L’AIMABLE PERMISSION DE TONY PALMER, UNIVERSITY OF TORONTO

«La réflexion de l’exposition a commencé comme une célébration, elle a évolué en hommage et, après sa mort, bien sûr, il y a un côté plus commémoratif qui s’est installé.»


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L’HÉRITAGE D’UN «MOINE DE L’ÉCRITURE» L’HÉRITAGE QUE LÈGUE LEONARD COHEN AUX AUTEURS-COMPOSITEURS-INTERPRÈTES QUÉBÉCOIS EST COLOSSAL. SA FAÇON DE SE RÉINVENTER CONSTAMMENT, DE SE PRÉSENTER SUR SCÈNE SANS ARTIFICES ET D’ÉVOLUER AVEC HUMILITÉ A GRANDEMENT INSPIRÉ DIVERS ARTISTES DE NOTRE SCÈNE MUSICALE, PEU IMPORTE LEUR STYLE ET LEUR LANGUE. C’EST LE CAS DE SOCALLED, DEAR CRIMINALS, ARIANE MOFFATT ET CHILLY GONZALES, QUI PARTICIPENT TOUS AU VOLET MUSICAL À L’ÉCOUTE DE LEONARD DE L’EXPOSITION UNE BRÈCHE EN TOUTE CHOSE. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

À l’instar de pointures internationales comme Little Scream, Lou Doillon, Moby, The National et Sufjan Stevens, ces artistes québécois ont tous été mandatés pour reprendre une chanson de l’œuvre monumentale de Cohen.

La stature de l’homme a également mis un peu de pression sur les épaules d’Ariane Moffatt, qui a choisi de restituer Famous Blue Raincoat avec la collaboration de l’Orchestre symphonique de Montréal. «C’est vraiment un privilège de se faire donner cette mission-là, alors je l’ai abordée comme une œuvre conceptuelle», explique la chanteuse, à propos de cette reprise de 10 minutes qui contient beaucoup d’«expérimentations abstraites». «En cours de route, j’ai commencé à voir ma chanson comme une façon de remercier Leonard, un artiste que je considère comme vraiment mystique. À chaque soirée de libre que j’avais, je me ramassais au studio à travailler là-dessus, un peu comme si j’étais en train de faire mon deuil.» Pour Chilly Gonzales, cet exercice de relecture s’est fait en amont. Jouée en rappel lors de sa tournée Room 29 avec Jarvis Cocker, qui mettait de l’avant «un cycle de chansons se déroulant dans un hôtel», sa reprise de Paper Thin Hotel s’est imposée tout naturellement comme choix de premier ordre lorsque le MACM lui a demandé de se joindre à l’exposition. «J’aime quand les choses se présentent comme ça, un peu par coïncidence. J’ai vu ma bonne

SOCALLED, PHOTO | PETER HÖNNEMANN

Aussi stimulant soit-il, ce simple mandat s’est transformé en défi pour quelques-uns d’entre eux. «Ça n’a pas été si facile que ça parce que, justement, c’est Cohen...», relate la chanteuse Frannie Holder, qui reprend Anthem avec son groupe Dear Criminals. «Fallait prendre le temps de faire quelque chose de beau.»

amie Feist chanter Hey, That’s No Way to Say Goodbye aux Junos et, franchement, je ne voulais pas avoir une pression semblable. C’est aussi pour cette raison que l’idée de reprendre un morceau un peu méconnu me plaisait.» À l’inverse, Socalled a plongé tête première dans un classique indiscutable: I’m Your Man. Décomplexé, le chanteur et multi-instrumentiste ne s’est pas cassé la tête et y est allé d’une version «à la sauce Socalled», c’est-à-dire au piano avec des influences de l’Europe de l’Est. «Pour moi, chaque jour est une nouvelle aventure de musique, alors chanter une chanson de Cohen n’était que


DEAR CRIMINALS, PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

l’expérience d’une journée. Le seul objectif que je me suis donné, c’était de la reprendre de façon juste et honnête, en mettant du cœur dans chaque mot.»

été enchanté par les arrangements un peu cheesy de son orchestre, j’ai été fasciné par son chant, sa voix et son aura. À mon sens, c’est ce qui est essentiel chez un artiste.»

Connexion sincère C’est d’ailleurs ce côté honnête de la personnalité de Cohen qui interpelle tout particulièrement Socalled et qui, encore aujourd’hui, trouve écho dans sa création. «La connexion qu’il avait avec son public était vraiment sincère, sans bullshit. C’est en le voyant en spectacle à la Place des Arts que j’ai réalisé que, sans le savoir, je tentais de faire comme lui sur scène. Même si, ce soir-là, je n’ai pas

Ariane Moffatt aussi était présente lors de ce passage de Cohen en juin 2008. Elle en retient aussi sa présence et sa générosité. «C’était rassurant de voir ça. Il était fidèle à sa musique, à l’image que je me faisais de lui», se souvient-elle. Mais bien au-delà de ce rendez-vous marquant, c’est la patience, la minutie et l’ardeur au travail de Cohen qui laissent sa marque dans l’approche de

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ARIANE MOFFATT, PHOTO | JULIEN LAPERRIERE

l’auteure-compositrice-interprète. «C’était vraiment un moine de l’écriture, et ça paraissait qu’il travaillait certaines chansons des années de temps. Il a légué en moi le sentiment que je dois toujours en faire plus.» Le Montréalais était réputé pour se surpasser constamment, et un seul survol de sa vaste disco­ graphie permet de constater le foisonnement des directions musicales qu’il a empruntées en un demi-siècle. De l’esprit folk intimiste de ses débuts

aux arrangements riches de son dernier album, en passant par son virage soft rock aux couches froides et synthétiques des années 1980, Cohen a évolué avec son temps, tout en gardant sa signature poétique et, bien sûr, sa voix rauque et feutrée, plus basse à chaque époque. «C’est de cette façon qu’il a réussi à renouveler son public», estime Chilly Gonzales. «En même temps, il restait toujours le même poète et ne se salissait jamais avec quelque chose de très commercial.»

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«Ce qui nous relie, c’est notre profond attachement à Montréal. On prend la ville comme un personnage vivant, une figure d’attachement» «Cohen, c’est notre Bob Dylan», considère Charles Lavoie de Dear Criminals. «Il ne s’est jamais assis sur ce qu’il a fait et il a toujours trouvé un moyen de se réinventer.» «Il répond aussi à la question qu’on se pose en tant qu’artiste: comment faire pour durer au-delà du buzz du début?», poursuit Frannie Holder. «Durant toutes ces années, il a rendu son travail légitime et pertinent dans un monde saturé de propositions artistiques.»

avoir l’air au-dessus des autres. Sincèrement, tu ne peux même plus voir une star comme Win Butler marcher dans les rues de Montréal comme ça. Il est beaucoup trop cool! Leonard, lui, il se promenait dans les parcs, allait dans les cafés, comme s’il était un gars normal. Mais, il n’était pas juste un gars normal, banal... Il était un artiste prodigieux.» y Du 9 novembre 2017 au 9 avril 2018 Au Musée d’art contemporain

Emblématique de son répertoire, cette ouverture a forcément des résonances sur la scène musicale de la province qui l’a vu naître. Pour la chanteuse de Dear Criminals, celles-ci sont parti­culièrement évidentes dans la frange indie de la métropole. «Y a tellement d’artistes [de cette scène-là] qui ont été influencés par Cohen. Des fois, j’me demande même ce qu’aurait été POP Montréal sans lui.» Sa formation n’y échappe évidemment pas. «L’un de nos premiers shows, c’était un hommage à lui durant POP. Tout de suite, je crois que les gens ont vu que la lenteur, la douceur et la noirceur étaient des thèmes qui appartenaient à nos deux univers.» Ariane Moffatt remarque également des similitudes entre sa proposition poétique et celle du parrain de la mélancolie. «Ce qui nous relie, c’est notre profond attachement à Montréal. On prend la ville comme un personnage vivant, une figure d’attachement», analyse l’auteure d’Hiver Mile-End. Plus porté vers la musique que les textes, Chilly Gonzales se dit inspiré par un tout autre aspect de Cohen, bien plus étonnant. «Il avait un certain sens de l’humour qui me plaisait. Même derrière certains morceaux plus sérieux, il dégageait l’énergie d’un musicien playful. Je le trouve très original dans la combinaison de son détachement humoristique et de sa profondeur émotionnelle.» Pour Socalled, c’est surtout l’humilité de la légende québécoise qui retient l’attention. «Malgré sa popularité, il continuait de faire partie de la ville, sans CHILLY GONZALES, PHOTO | ALEXANDRE ISARD


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DANCE ME DANS LEUR NOUVEAU SPECTACLE CONSTRUIT AUTOUR DES CHANSONS DU POÈTE MONTRÉALAIS, LES BALLETS JAZZ DE MONTRÉAL RENDENT UN HOMMAGE DANSÉ À LEONARD COHEN. MOTS | MARIE PÂRIS

«Leonard Cohen, c’est un de mes vieux projets. Alors que je dansais aux Ballets Jazz de Montréal, je rêvais de danser sur sa musique…» Il y a trois ans, quand on a demandé à Louis Robitaille, le directeur des Ballets Jazz de Montréal (BJM), de déposer un projet pour le 375e anniversaire de Montréal, il n’a pas hésité longtemps. D’autant qu’il fallait un projet phare pour cette année qui marque aussi le 150e anniversaire du Canada, le 45e des BJM et le 20e de Danse Danse. «On connaît l’icône qu’est Monsieur Leonard Cohen… J’étais en période de réflexion pour la prochaine étape de travail aux BJM, et je pensais beaucoup à une soirée intégrale,

concept dont on s’était un peu éloignés pour créer plutôt des programmes mixtes.» C’est ainsi que naît Dance Me, qui sera présenté du 5 au 9 décembre à la Place des Arts à Montréal. À l’époque, le chanteur montréalais donne son aval au projet, enthousiaste à l’idée d’un spectacle de danse autour de son œuvre – et qui ne parle pas de sa vie. «Parmi les nombreux projets sur lui qui lui ont été présentés, il en a accepté deux: le nôtre et celui du Musée d’art contemporain», indique fièrement Éric Jean, dramaturge et metteur en scène de Dance Me.


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Plateaux de fromages disponibles

Différents langages Le spectacle reprend 17 chansons du répertoire de Leonard Cohen. Certains titres se sont imposés, notamment les classiques, tandis que d’autres sont des coups de cœur du duo qui dirige le projet. «C’était important de travailler avec toutes les étapes de la création du chanteur, et pas juste ses premières chansons. Cohen nous avait donné cette indication: ne pas utiliser seulement ses hits, souligne Éric Jean. Le spectacle se construit en cinq parties, cinq saisons qui font référence aux différentes étapes de la vie d’un homme. La dernière a pris un sens encore plus symbolique et important avec le décès de Cohen. On utilise notamment les chansons de son dernier album, qui font beaucoup référence à la mort.» Ces chansons ont été distribuées à trois chorégraphes, Annabelle Lopez Ochoa, Andonis Foniadakis et Ihsan Rustem – les deux premiers ont déjà travaillé avec les BJM, mais le dernier en est à sa première collaboration. Les concepteurs ont ensuite rassemblé ces créations pour qu’elles se placent en contraste, se répondent. «Les chorégraphes ont des voix propres et singulières, mais il y a aussi une complémentarité entre eux, note Louis Robitaille. On a voulu trouver un rythme différent selon les chansons, apporter aussi d’autres couleurs, d’autres éclairages… plus de nuances. On a créé un tout avec ces différents langages, ça n’est pas un patchwork de numéros. On tente de créer un parcours, une courbe dramatique qui n’est pas pour autant une histoire.»

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Voir la musique

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Un hommage dansé, rien de tel pour honorer l’artiste multidisciplinaire qu’était Leonard Cohen, et une façon de faire exister le chanteur sur scène. Pour Dance Me, les quatorze danseurs de la compagnie participent au spectacle, dont trois danseuses qui symbolisent les muses du poète. «En voyant les danseurs performer, on n’entend plus les mots de la même manière. On voit la musique, assure le directeur artistique des BJM. On n’est jamais dans l’illustration pour autant, ce n’est pas un vidéoclip…» Ce spectacle marque en outre un vrai tournant pour la compagnie, qui s’entoure d’une grande équipe de collaborateurs aux éclairages, vidéos, etc. «On va cette fois un peu plus loin dans l’aspect théâtral. C’est évidemment un spectacle de danse, mais qui flirte beaucoup avec d’autres disciplines», explique Éric Jean. En effet, Louis Robitaille a notamment été chercher le metteur en scène pour qu’il amène une ligne dramaturgique au projet. Les deux hommes ont suivi au plus près l’œuvre de Leonard Cohen, qui a travaillé jusqu’aux derniers jours de sa vie. «C’est une grande peine de savoir qu’il ne verra jamais le spectacle, conclut Éric Jean. Et quelle déchirure d’avoir perdu un artiste semblable! Je le croyais éternel, Monsieur Cohen…» To the end of love. y

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Épicerie · Traiteur

Dance Me Musique de Leonard Cohen 5 au 9 décembre à la Place des Arts

360, DE MAISONNEUVE OUEST, MONTRÉAL, QUÉBEC, H3A 1L2 514-600-3424 · INFO@FOUDICI.COM · Place des Arts


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DANS LA PEAU DE LEONARD CINQ ANS APRÈS SA SORTIE EN VERSION ORIGINALE, UNE TRADUCTION FRANÇAISE DE LA BIOGRAPHIE OFFICIELLE DU CHANTEUR MONTRÉALAIS A ÉTÉ PUBLIÉE CETTE ANNÉE. I’M YOUR MAN – LA VIE DE LEONARD COHEN, DE SYLVIE SIMMONS, RETRACE LA VIE DU POÈTE EN S’APPUYANT SUR DE NOMBREUSES ANECDOTES. INTERVIEW DE SON INTERVIEWEUSE. MOTS | MARIE PÂRIS

C’est la «biographie de Cohen la plus complète à ce jour» pour le Globe and Mail, et de nombreux autres médias (Rolling Stone notamment) n’ont pas tari d’éloges sur le livre à sa sortie en 2012. Le 13 septembre dernier, la maison d’édition québécoise Édito sortait la version française de la biographie de Leonard Cohen, augmentée cette fois d’une postface. L’auteure, Sylvie Simmons, Anglaise installée à San Francisco, a également signé des biographies de Neil Young ou Johnny Cash. La journaliste se spécialise en musique et plus précisément dans l’histoire du rock depuis les années 1970 – elle est d’ailleurs une des rares femmes dans le domaine. «Il manquait sérieusement de livres sur Leonard Cohen, alors qu’il y a des étagères complètes sur Bob Dylan. Personne n’avait encore essayé de comprendre le mystère de cet homme. J’ai donc voulu creuser plus profondément», raconte l’auteure. Et de répondre, quand on lui demande si elle pense être allée au bout du mystère: «Personne ne le pourra jamais! Leonard est comme un oignon géant, avec de nombreuses couches…» Il lui a fallu trois ans de travail pour arriver au résultat final, un bon gros pavé de 600 pages. Elle a étudié toute l’œuvre de Cohen, et ses analyses permettent de mettre en contexte certains de ses textes de poésie, musique ou fiction et de dresser des parallèles avec la vie privée de l’artiste. De même, des détails de sa vie donnent un nouvel éclairage sur certains textes. Et des textes, il y en a à profusion; car si on connaît surtout Cohen le chanteur, il a d’abord été poète et romancier, ne devenant musicien qu’après ses 30 ans. Sylvie Simmons connaît son sujet sur le bout des doigts, citant par

PHOTO | LORCA COHEN

cœur des couplets de chansons de Cohen pendant notre entrevue. Sur les traces de ce juif errant, elle a fait ses recherches de la maison natale de Cohen à Montréal jusqu’au Chelsea Hotel et aux studios d’enregistrement de New York, en passant par le monastère de Mount Baldy près de Los Angeles où l’artiste a étudié le bouddhisme pendant quelques années dans les années 1990. Ne manque que l’île grecque d’Hydra où Cohen a passé quelque temps en compagnie de la fameuse Marianne. Sur ces endroits où il a vécu, la journaliste commente: «Il a toujours habité des endroits peu chers, à la décoration rudimentaire et très simple. En fait, ça n’était pas très différent du monastère où il a vécu par la suite…»


LEONARD ET SUZANNE ELROD, MIAMI, 1973. COLLECTION PRIVÉ SUZANNE ELROD

Les femmes, une adoration absolue Le portrait qu’elle dresse de Leonard Cohen n’est pas sans lui rappeler un autre artiste, dont elle a également rédigé la biographie (Serge Gainsbourg: A Fistful of Gitanes). «Certaines des choses que j’ai écrites sur Serge Gainsbourg étaient les mêmes pour Leonard», note l’auteure. Tous les deux juifs, ils partageaient une adoration absolue pour les femmes et avaient un grand sens artistique qui les a amenés à dépasser une seule discipline pour toucher à tout. Cohen avait d’ailleurs lu la biographie de Gainsbourg et en avait beaucoup apprécié le travail. «J’espère qu’un jour quelqu’un va écrire ainsi sur moi. Quand je serai mort…», avait-il alors confié à Sylvie Simmons. En 2009, quand elle décide de rédiger sa biographie, elle en

parle avant à Cohen, cet «homme privé, timide, très proche de sa famille». «Écrivez-la. Je vous fais confiance», lui répond-il. Trois ans plus tard, alors que la journaliste lui fait part de ses interrogations sur quand et comment terminer son livre, il rit: «C’est parce que je suis encore vivant…» Leonard Cohen a travaillé jusqu’aux derniers jours de sa vie – pour refaire sa fortune volée par un ancien manager, il a notamment repris à l’âge de 70 ans une tournée mondiale de deux ans avec des sets de plus de trois heures. Sylvie Simmons est allée chercher de nombreux témoignages pour nourrir sa biographie, intervie­ want une centaine de personnes: des artistes ayant fréquenté le chanteur (Rufus Wainwright – proche de Lorca, la fille de Cohen –, Nick Cave, David Crosby, Judy Collins, Phillip Glass), ses producteurs, ses amis

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proches et les figures spirituelles qui l’ont influencé. «C’est un vrai travail de détective: il faut suivre toutes les pistes, vérifier les faits… Au fur et à mesure de ce travail, je découvrais de nouvelles choses en route», se souvient la journaliste. Elle a aussi mené des entrevues avec les femmes de sa vie, dont Marianne Ihlen (So Long, Marianne), la Suzanne de Montréal, Suzanne Elrod, la mère de ses enfants, et ses partenaires Rebecca De Mornay et Anjani Thomas. Avec pudeur, l’auteure évite de s’arrêter trop sur la vie sentimentale et sexuelle de l’homme à femmes qu’était Cohen – ce que certains critiques ont d’ailleurs reproché au livre. «J’ai dit plus de choses que n’importe qui d’autre sur sa vie personnelle. Mais certains semblaient vouloir que j’ouvre la porte de sa chambre à coucher pour lui demander quelle était sa position préférée…», se défend Sylvie Simmons. Parmi tous les témoignages recueillis, seules deux personnes osent parler négativement du chanteur au charme hypnotique, évoquant par exemple son égoïsme et sa phobie de l’engagement (Cohen a notamment quitté sa femme alors qu’elle venait juste d’accoucher de leur premier enfant pour aller en Israël pendant la guerre du Kippour). Pas d’écho de cela du côté de ses partenaires amoureuses

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NOV.

Bïa et Mamselle Ruiz

Betty Bonifassi

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La biographie revient sur plusieurs périodes de la vie du chanteur et ses différentes facettes. «Mon livre, comme sa vie, n’est pas linéaire ou chronologique, prévient la journaliste. Tout ce qu’il écrivait dans sa jeunesse était la même chose que ce qu’il écrivait sur ses vieux jours.» On découvre son enfance et sa jeunesse à Montréal, l’émergence de ses talents et les rencontres avec des artistes qui lancent sa carrière, son côté amoureux des femmes et surtout de l’amour, ses tendances dépressives, sa spiritualité d’homme en quête d’absolu (ayant grandi dans la culture juive, il a par la suite été gradé de l’Église de Scientologie, puis ordonné bouddhiste)… Le livre revient également sur la dépendance aux drogues du chanteur, qui a notamment fait beaucoup de concerts sur le LSD. Lors d’un de leurs entretiens pour le livre, Cohen annonce ainsi à Sylvie Simmons qu’il a pris

DÉC.

20

DÉC.

Emilie-Claire Barlow

Speed et scientologie

2

DÉC.

Avec pas d’casque

cependant: «Ses femmes acceptaient le fait que l’égoïsme fasse partie de tous les grands artistes, qui font les choses à leur façon. Ça faisait partie du jeu d’accepter ça. Et selon Rebecca De Mornay, Leonard ne promettait jamais de choses qu’il ne pouvait pas réaliser…»

DÉC.

SPECTACLES À DÉCOUVRIR

Les Zapartistes 23

FÉV.

17

MARS

J E M ’A B O N N E

Race

François Bellefeuille

Philippe Brach

45 0 670 -1 61 6 | 15 0, RUE DE G ENTI LLY E ST, LONG UEUI L


«Certains semblaient vouloir que j’ouvre la porte de sa chambre à coucher pour lui demander quelle était sa position préférée…» du speed avant de venir. La journaliste est étonnée: à entendre le débit lent et nonchalant si caractéristique du chanteur, elle ne s’en serait jamais doutée. Il rit: «Ma chère, vous devriez m’entendre quand je ne suis pas sur le speed!» On découvre au fil du livre de nombreuses infos peu connues et des anecdotes sur celui que la presse musicale britannique surnommait «Laughing Len», en rapport à ses paroles de chansons sombres et sa voix grave. Parmi celles qui ont le plus surpris Sylvie Simmons: la difficulté à faire son premier album, les séjours de Cohen, à sa propre initiative, dans des hôpitaux psychiatriques pendant sa tournée de 1970, ou le fait qu’il jouait du ukulélé avant de se mettre à la guitare. Au fil des entrevues, une certaine complicité s’est installée entre la journaliste et le chanteur, qu’elle appelle très

simplement «Leonard». Une complicité qu’on sent dans les quelques extraits de leurs conversations que l’auteure a retranscrits dans le livre. «Je voulais que les lecteurs aient un peu la perception de la personne qu’il était, qu’ils puissent vraiment l’entendre…» Elle assure malgré tout avoir su garder le recul nécessaire au travail de la biographie: «Il ne faut pas se lancer là-dedans en tant que fan, mais bien en tant que journaliste. J’ai réussi à garder une légère distance. Ça fait 40 ans que je fais ce métier…» Mais quand elle apprend la mort de Cohen en novembre 2016, à l’âge de 82 ans, Sylvie Simmons parle d’un véritable choc – certains médias l’ont d’ailleurs directement appelée pour confirmer la nouvelle. Elle se souvient surtout de la classe et de l’élégance de cet homme qui se disait «né dans un costume». «Leonard a habité une bonne part de mon cerveau pendant longtemps…» y


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Ci-haut Nadia Myre (née en 1974) Indian Act, 2000-2002, perles de verre, copie de la page 41 de la Loi sur les Indiens. Ruban-cache, fil, feutre. MBAM, don de Stéphane Cauchies. Photo: MBAM - Christine Guest À droite, de haut en bas Circle, 2017, Impression numérique 10 x 110 cm, édition de 5. Avec l’aimable concours du CARCC et d’Art Mûr. Pipe Beads, 2017 Impression numérique 297 x 110 x 2,5 cm. Avec l’aimable concours du CARCC et d’Art Mûr. Pipe, 2017 Impression numérique 110 x 166 cm, édition de 5. Avec l’aimable concours du CARCC et d’Art Mûr.


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ET SI ON JASAIT DIVERSITÉ? MALGRÉ LE LONG PARCOURS DE NADIA MYRE, ARTISTE MONTRÉALAISE D’ORIGINE ALGONQUINE, SA RENOMMÉE A PRIS DU TEMPS À S’INSTALLER. NADIA MYRE EXPOSE DES ŒUVRES RÉCENTES AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL EN MARGE DE L’EXPOSITION IL ÉTAIT UNE FOIS… LE WESTERN, À L’OCCASION DE LA SAISON ELLES AUTOCHTONES. MOTS | ALESSANDRA RIGANO

Elles Autochtones est une série d’initiatives du MBAM dans laquelle s’inscrit notamment l’exposition du travail de Nadia Myre et l’acquisition d’œuvres de Maria Hupfield et de Rebecca Belmore. «L’art est un cadeau pour moi.» C’est en fait celui qu’elle s’est offert en choisissant cette voix qui lui a permis de mieux comprendre ses racines. «C’était une façon de décortiquer mon identité mixte. Une façon d’entrer en contact avec un héritage qui ne m’était pas accessible en raison de la pression du colonialisme. C’est une façon de m’exprimer et de communiquer avec les gens.» Nadia Myre est une figure forte et importante de l’art contemporain au Québec. Elle met à profit sa pratique pour engager des discussions autour de l’identité, du langage, du désir et de la mémoire. Le processus The Scar Project qu’elle a mené entre 2005 et 2013 en est un bel exemple. Pendant les 8 années consacrées à ce projet, l’artiste a accumulé plus de 14 000 histoires et blessures exprimées par des gens à travers des témoignages et des tissages. L’année suivant la réalisation de ce projet représente un point culminant, celui où elle a mérité le prestigieux prix Sobey pour les arts. Ses œuvres se situent dans l’entre-deux, dans ce lieu «spécial» où des histoires culturelles trouvent un point de rencontre. D’abord intuitive, sa démarche se précise au fur et à mesure que le processus avance. C’est le cas de la série Code Switching qui s’articule autour de la pipe à tabac, dont

certaines œuvres seront présentées au MBAM. On peut y lire l’héritage autochtone dans l’objet qui évoque également la culture de l’Ouest… les pipes étant fabriquées en Angleterre. En contextualisant de nouveau les pièces, Nadia Myre pose un regard sur le pouvoir qu’a un objet de créer des relations et des connexions. La création de ces œuvres a débuté au moment où elle a trouvé des perles blanches et cylindriques au bord d’une rivière. «J’ai demandé à quelqu’un d’où provenait ce que je pensais être des perles. On m’a dit qu’elles étaient des fragments des premières pipes commerciales européennes. La première chose que j’ai faite, c’est de les perler et puis de les photographier.» En ce sens, cette œuvre est similaire au processus que l’on retrouvait au cœur de son exposition Refaire le chemin qu’elle a présentée au McCord l’année dernière: «Il y a une forme d’intuition sur la nature de l’objet et un processus ancestral.» L’artiste cherche aussi de plus en plus à redimensionner les objets, les agrandir pour leur donner une autre résonance. Les œuvres de Nadia Myre seront présentées en marge d’Il était une fois… le western au Musée des beaux-arts de Montréal. Une exposition qui s’intéresse autant aux aspects flamboyants de cette culture qu’à ses avenues sombres et peu abordées, comme celles des préjugés perpétués envers les peuples des Premières Nations. Donner une voix aux artistes autochtones au sein de l’exposition en marge de celle-ci a pour objectif d’offrir un éventail de points de vue, souligne

la commissaire Geneviève Goyette, titulaire de la Chaire Gail et Stephen A. Jarislowsky en art québécois et canadien contemporain. Elles Autochtones est le troisième épisode d’une vitrine offerte aux femmes par le MBAM, après Elles Aujourd’hui et Elles Photographes. Des initiatives qui annoncent peutêtre l’urgence de donner une plus grande visibilité aux femmes en art, que ce soit en matière de genres ou de diversité culturelle: «Il reste beaucoup de travail à faire, souligne Nadia Myre, pour que les femmes autochtones se taillent plus facilement une place au Québec.» L’artiste a pourtant grandi ici et parle le français. Au-delà d’offrir des plateformes spécifiques comme une exposition, la discrimination systémique ne devrait-elle pas aussi être contrée par un effort individuel? Pour la commissaire, c’est un souci qui se doit d’être constant: «Je pense qu’on doit, et ce, dans n’importe quelle exposition, s’assurer d’un minimum de représentativité. Quand on parle de représentativité, c’est aussi la diversité des générations, des genres, des origines des artistes et des types de pratiques. Cette diversité doit être multiple parce qu’en ne donnant pas la voix à tous, c’est comme si on ignorait une partie de la créativité.» y

Il était une fois… le western 14 novembre 2017 au 31 mars 2018 Au Musée des beaux-arts de Montréal


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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

LE BS CORPO Je jouis d’une réputation et d’une notoriété enviables, fruit de 25 ans de travail acharné qui a permis la création ou l’expansion de plus d’une vingtaine d’entreprises. J’ai participé directement à la création de plus de 2000 emplois au Québec. J’en suis très fier. Depuis un an, les radios de Québec m’accusent d’être un BS corporatif, un téteux de subventions, un ultra-subventionné. Pas occasionnellement. Je reçois les clips médias me citant chaque jour. C’est une moyenne de 20 mentions par semaine. Certains journaux en rajoutent, sans nuance. C’est devenu un fait. Si vous saviez le nombre de messages haineux que je reçois de gens qui gobent ces paroles comme étant celles de l’évangile, vous resteriez saisis. Tout y passe. La dernière salve en règle a été formulée à la suite d’une proposition pour que la subvention pour l’achat de véhicules électriques utilisés par l’industrie du taxi soit majorée de 8000$ à 15 000$. On a passé sous silence que cette demande a été soumise par le regroupement représentant la majorité des intermédiaires de taxi au Québec, parce que c’est plus sensationnaliste de jouer Téo à la une en y adjoignant ma photo. Je me suis dit qu’il était peut-être temps d’expliquer à quoi servent les crédits d’impôt. Si des fonctionnaires déterminent qu’il est utile de mettre en place un programme de soutien, ce n’est pas pour enrichir leurs «petits amis», mais bien pour encourager des secteurs ou des comportements que l’on estime importants pour notre société. Prenons l’exemple précédent. L’argent pour subventionner les véhicules électriques provient du Fonds vert, un fonds qui se remplit par les crédits carbone générés par le Québec et qui sont vendus sur la bourse du même nom. En gros, quand une province ou un État met en place des mesures de diminution d’émissions de GES, il peut vendre ses diminutions (ou crédits) à un marché qui les achète pour compenser son inefficacité. Le Québec a généré

des milliards de dollars de recettes provenant de ces ventes. Ces sommes doivent être réinvesties dans des initiatives de réduction de ces émissions. La tonne de GES se vend autour de 20$ sur le marché du carbone. On estime qu’un véhicule d’un particulier va en éviter la génération d’environ 4 tonnes par année. Sur une durée de vie de 5 ans, c’est donc 20 tonnes qui ne seront pas émises. La subvention que l’État octroie est donc d’environ 325$ par tonne économisée (le 8000$ inclut la TPS et la TVQ). Un taxi va rouler environ 100 000 km par année et émettre 5 fois plus de GES qu’une voiture personnelle. Même en doublant la subvention pour un véhicule commercial, la tonne de GES coûterait le tiers du prix d’une voiture individuelle (20 tonnes x 5 ans = 100 tonnes / 12 500$ ÷ par 100 = 125$). C’est pourquoi l’industrie a proposé d’augmenter la subvention pour elle. Cette logique devrait s’appliquer à toutes les flottes commerciales: taxis, mais aussi camions de livraison, camions lourds, bref, tout véhicule qui pollue lourdement. Le secteur du transport émet 41% de nos GES annuellement. Nous visons une réduction de 37,5% de nos GES, basée sur les niveaux produits en 1990 d’ici 2030; 13 ans pour réduire nos émissions d’environ 25 millions de tonnes de GES annuellement. Vous avez bien lu. Certains attaquent le programme de crédit de GES. Selon eux, le programme de GES ne serait pas ren­ table parce que nous pouvons acheter des crédits carbone pour moins cher. Ce raisonnement n’est pas dénué de logique. Pourquoi payer 300$ une tonne alors qu’on peut l’acheter 20$ sur le marché? Il est important de noter que le programme mis en place n’est pas unique au Québec. Il est offert dans de nombreux autres États et provinces dans le monde – en Ontario (où le crédit est à 12 000$) et en Norvège, mais aussi dans plusieurs États américains. La logique en est une de développement de bonnes

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CHRONIQUE 69 VOIR MTL

habitudes. Les subventions ne seront pas en place éternellement. Le prix des batteries diminue et le choix deviendra alors évident: une voiture électrique coûtera moins cher qu’une voiture à essence dans les 5 prochaines années. Si vous cherchez à calculer le vrai retour sur investissement pour la société, il faut considérer des facteurs intangibles, l’effet d’entraînement par exemple, mais aussi d’autres aspects: le prix de la tonne va monter dans les prochaines années, certains disent 50$, d’autres 100$... On doit aussi miser sur le fait qu’essayer l’électricité, c’est l’adopter. Si 80% des gens qui ont acheté une voiture électrique en rachètent une, sans subvention, dans 5 ans, il faut inclure ça dans le calcul. Mais avant tout, il faut se rappeler que nos programmes sont payés par les sommes recueillies par les crédits que nous obtenons en diminuant nos émissions… Le Québec est devant l’une des plus belles possibilités: celle d’éliminer notre dépendance à l’énergie fossile. Nous ne produisons aucun pétrole et devons en importer à hauteur de plus de 12 milliards de dollars chaque année. Il s’agit du plus important facteur affectant négativement notre balance commerciale. On se doit de s’attaquer à ce problème et y consacrer l’attention requise.

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Tous les programmes de subvention tablent sur des logiques similaires: comment stimuler des secteurs économiques qui créeront des emplois bien rémunérés? Comment encourager des investissements qui entraîneront des répercussions positives pour notre communauté? Si la société investit un certain montant et en retire davantage, que ce soit en impôts, en taxes diverses ou en crédits verts, elle a la capacité de le faire. Il s’agit d’un levier économique puissant. C’est sur cette base que devraient être analysés les programmes en place. Certains mériteraient certainement d’être revus. Mais s’attaquer à tout programme de subvention relève de l’idéologie libertarienne, la même qui privatiserait aussi nos systèmes de santé, nos écoles et j’en passe. C’est aussi nier à quel point qu’il s’agit d’un levier utilisé ad nauseam par d’autres nations – les États-Unis figurant à l’avant-plan. Sans programme de subvention, point de Boeing, de Tesla ou d’Amazon. C’est facile de casser du sucre sur le dos des entreprises d’ici, ça fait de la belle chair à offrir. Enfoncer les gens dans un analphabétisme économique, c’est aussi ça, le populisme. y

Lequebecbio, en collaboration avec Aliments du Québec et ses partenaires, présente Le bio d’ici, ça vaut le coût!

Visitez lequebecbio.com


QUOI FAIRE

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L'ENDROIT IDÉAL POUR VOS RÉUNIONS D'AFFAIRES OU VOS SOUPERS ENTRE AMIS

MUSIQUE

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THE NATIONAL M TELUS – 7 ET 8 DÉCEMBRE

Retour en ville triomphal pour ce grand groupe américain. Avec son rock atmosphérique intelligent, ses prestations émouvantes et captivantes et une constance impressionnante dans son offre musicale, The National s’est forgé une solide carrière qui se poursuit avec Sleep Well Beast, son plus récent disque sorti il y a quelques semaines.

TOWER OF SONG: HOMMAGE À LEONARD COHEN CENTRE BELL – 6 NOVEMBRE

Dans ce numéro, on vous parle en long et en large de l’hommage à Leonard Cohen au Musée d’art contemporain, mais n’oubliez pas ce grand concert au Centre Bell, la veille de l’anniversaire de sa mort, réunissant entre autres Elvis Costello, Lana Del Rey, Sting, Philip Glass, Feist, K.D. Lang, Patrick Watson, Adam Cohen.

458, RUE NOTRE-DAME REPENTIGNY


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ALACLAIR ENSEMBLE SOCIÉTÉ DES ARTS TECHNOLOGIQUES – 10 NOVEMBRE

Fort de ses nombreuses mentions au Gala de l’ADISQ et au GAMIQ, le sextuor hip-hop Alaclair Ensemble revient à Montréal pour un rendez-vous unique organisé dans le cadre de Coup de cœur francophone. En ouverture, le duo Eman & Vlooper (également membre d’Alaclair), la révélation anglo-montréalaise Mike Shabb et le duo Columbine, originaire de Rennes, seront de la partie.

MARTIN LÉON CLUB SODA – 5 NOVEMBRE

Plus de quatre ans après l’avoir initié au Quat’Sous, Martin Léon reprend du service avec son Laboratoire exotique, spectacleconcept expliquant avec une grande originalité la genèse et la création de son album Les atomes, paru il y a déjà sept ans. Le sympathique et pertinent auteur-compositeur-interprète pourra compter sur un public déjà conquis.

LOUD CLUB SODA – 3 NOVEMBRE

Loud a l’habitude des Club Soda à guichets fermés. Après l’avoir rempli aux côtés de Koriass et Eman & Vlooper lors du Rap Queb Money Tour en novembre 2014, le rappeur montréalais a refait le coup quelques mois plus tard, cette fois, uniquement avec sa formation Loud Lary Ajust. Maintenant en solo, il viendra y présenter les pièces de son premier album, Une année record. >

PHOTO | GUILLAUME LAROSE


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M POUR MONTRÉAL DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL 15 AU 18 NOVEMBRE

La cuvée 2017 du festival M pour Montréal s’annonce excitante. En plus des spectacles très attendus d’Odesza, d’Alvvays, de Del the Funky Homosapien et de Yonatan Gat, on pourra y voir plusieurs artistes clés du renouveau pop, hip-hop et électro local, notamment Lydia Képinski, Geoffroy, Rymz, FouKi, Flawless Gretzky, Men I Trust et Un Blonde.

LYDIA KÉPINSKI, PHOTO | ÉTIENNE DUFRESNE


MARA TREMBLAY

AVEC PAS D’CASQUE

SALA ROSSA - MARDI 7 NOVEMBRE

THÉÂTRE DE LA VILLE - 1ER DÉCEMBRE

Mara Tremblay lance son tout nouveau disque Cassiopée dans le cadre de Coup de Cœur Francophone. Venez découvrir ses nouvelles chansons le mardi 7 novembre dès 18h sur la scène de la Sala Rossa à Montréal. L’album est en vente le 3 novembre. Toutes les infos au maratremblay.com

Spectacle le plus abouti et le plus lumineux de la formation, Effets spéciaux se déploie lentement dans un espace hors du temps, offrant une pause bénéfique dans la course effrénée du monde. Plus que jamais, la poésie minimaliste de Stéphane Lafleur se marie parfaitement à la musique épurée, et c’est magnifique.

LE FIDÈLE

DANS LE CHAMP AMOUREUX

EN SALLE LE 17 NOVEMBRE

ESPACE LIBRE - 7 AU 25 NOVEMBRE

Quand Gino rencontre Bénédicte c’est le coup de foudre. Bibi est pilote de course. Gigi travaille dans « l’importexport de voitures » mais en vérité il est braqueur de banques. Ensemble, ils devront se battre envers et contre tous pour pouvoir rester fidèles à leur amour.

Elle est auteure/barmaid, lui, doctorant en philosophie/amateur de Timbits. Ils ont passé leur vingtaine ensemble. Cumulant les élans passionnés, les querelles et les infidélités, ils entretiennent une union singulière qui échoue à les rendre heureux. Ce soir, leur joute rhétorique les amène aux limites du champ amoureux...

SPECTACLE-LANCEMENT DE “QUEENS OF THE BREAKERS” DES BARR BROTHERS MTELUS - 24 NOVEMBRE 2017

Déjà encensé par la critique avec 4 étoiles dans le Q Magazine (Angleterre) et dans le Rolling Stone France, Queens of the Breakers est l’oeuvre la plus accomplie des Barr Brothers à ce jour. En tournée avec The War on Drugs en Europe au mois de novembre, ils seront de retour sur scène à Montréal pour le plus grand plaisir de leurs fans!

MARCHÉ DE NOËL ALLEMAND DE QUÉBEC HÔTEL DE VILLE DE QUÉBEC DU 23 NOVEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2017

Le Marché de Noël allemand de Québec fête ses 10 ans! Européen à souhait… et GRATUIT! Le Marché de Noël allemand ouvre ses portes pour une 10e année consécutive. Du 23 novembre au 23 décembre 2017, venez vivre la féérie à l’européenne à son meilleur dans le décor unique de la ville de Québec.


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JAY-Z

LAND OF TALK

CENTRE BELL – 21 NOVEMBRE

CENTRE PHI – 23 NOVEMBRE

La légende du rap new-yorkais sera dans la métropole pour défendre les pièces de 4 :44, son plus récent album qui, en plus d’avoir connu un bel accueil de la part de la critiques, a atteint la première place du Billboard 200 à sa sortie. En première partie, le Chicagoan Vic Mensa viendra prouver qu’il est l’un des espoirs les plus considérables du hip-hop américain.

L’année 2017 signait le retour – à notre grande surprise – de ce groupe phare de la scène indie rock montréalaise mené par Elizabeth Powell. Joie! Un nouvel album qui marie les riffs électriques à la voix rassurante de Powell a vu le jour en juin, Life After Youth. C’est l’heure de prendre des nouvelles de cet excellent groupe.

LCD SOUNDSYSTEM

CRYSTAL CASTLES

PLACE BELL – 2 DÉCEMBRE

M TELUS – 16 NOVEMBRE

Le brillant groupe de l’Américain James Murphy signait son retour sur disque et sur scène tout récemment, avec American Dream. Et voilà une bonne occasion de faire une pierre deux coups en visitant la toute fraîche Place Bell de Laval, nouvel amphithéâtre situé à côté du métro Montmorency et pouvant accueillir 10 000 personnes.

Un an après son passage au Théâtre Corona, Crystal Castles ramène son électropunk tapissé de synth-pop à Montréal, cette fois dans l’ancien et iconique Métropolis. Lancé l’an dernier, Amnesty (I) signalait un nouveau départ pour la formation torontoise, qui a changé la chanteuse survoltée Alice Glass pour Edith Frances.


À l’affiChe À l’oBseRVatoiRe Des atelieRs DÉgustatioN pouR les amateuRs, pouR les passioNNÉs, pouR CeuX qui aimeNt le ViN et l’alCool ! au 46e Étage De la plaCe Ville maRie Billets et iNfos : 514 544-8200 ou ausommetpVm.Com

miXologie 101

avec Patrice Plante Histoire, techniques de création de cocktails et dégustation de cocktails en accord avec des mets. 7 novembre 18h30

ChaBlis

Une dégustation côte à côte de différents Premiers Crus pour comprendre les différences liées à leurs terroirs. 8 novembre 18h30

De la VigNe au sommet

Les vignerons du domaine Il Torchio en Toscane vous présentent leurs vins naturels et biologiques et vous feront voyager à travers découvertes et dégustations. 13 novembre 18h30

Rhum et CaChaÇa avec Yan Aubé Histoire du rhum et techniques de dégustation 23 novembre 18h30

Yoga au sommet

Découvrez un contenu historique riche et inusité sur les racines et la modernité de Montréal !

tous les jeudis matins 7h30 Yoga & Brunch les dimanches matins à 10h 19-26 NoVemBRe + 3 DÉCemBRe 2017

sez Dan ans te d la tê ages u les n

18 novembre 2017

Une visite guidée avec l’historien Laurent Turcot


SCÈNE <

NINA, C’EST AUTRE CHOSE THÉÂTRE LA CHAPELLE – 1ER AU 5 NOVEMBRE

Deux frères dans la quarantaine vivent ensemble le Paris des années 1970, entre chômage, racisme et souffrances du quotidien. Un été, Nina, 24 ans, fait irruption dans leur vie et leur montre l’ouverture à l’autre et la spontanéité... Un spectacle poétique de Florent Siaud entre danse et théâtre, dans lequel Éric Bernier, Renaud Lacelle-Bourdon et Eugénie Anselin dansent des tangos entre trois répliques.

UN SI GENTIL GARÇON USINE C – 7 AU 18 NOVEMBRE

Denis Lavalou a adapté sur scène ce roman de Javier Gutiérrez avec cinq comédiens, une performeuse visuelle et trois musiciens. Un spectacle multisensoriel qui nous plonge dans les années 1990, où un jeune garçon de bonne famille joue des concerts de rock avec son groupe de copains. Un soir, ça dérape...

MAJOR MOTION PICTURE AGORA DE LA DANSE – 8 AU 11 NOVEMBRE

Sept danseurs, quinze personnages différents. Dans cette création de la compagnie de Vancouver Out Innerspace Dance Theatre, deux gangs luttent pour le contrôle d’un territoire. Ce spectacle qui s’inspire aussi bien de Charlie Chaplin que d’Orson Wells s’appuie sur une bande sonore à suspense... Sombre et drôle à la fois.

VU DU PONT THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE –14 NOVEMBRE AU 9 DÉCEMBRE

Lorraine Pintal, la directrice artistique du TNM, s’attaque à la mise en scène de ce grand texte du dramaturge américain Arthur Miller. Cette pièce, c’est l’histoire d’un immigrant italien déchiré entre sa culture et ses racines et les lois de son pays d’adoption, les États-Unis. Une tragédie encore très actuelle.

SOUS LA NUIT SOLITAIRE THÉÂTRE DE QUAT’SOUS –15 NOVEMBRE AU 2 DÉCEMBRE

285, avenue du Mont-Royal Est Montréal pizzeriaromeo.com 514 987 6636

Estelle Clareton et Olivier Kemeid s’inspirent des gravures que Gustave Doré a réalisées au 19e siècle pour illustrer les enfers de Dante et de sa Divine Comédie. Résultat: sept acteurs et danseurs représentent sur scène les enfers modernes avec leur propre langage.


QUOI FAIRE 77 VOIR MTL

MYTHOMANIA

VIRGINIE FORTIN

THÉÂTRE LA CHAPELLE – 16 AU 25 NOVEMBRE

THÉÂTRE SAINTE-CATHERINE 24 ET 25 NOVEMBRE ET 1, 2, 8 ET 9 DÉCEMBRE

Mélanger l’univers du merveilleux à l’autoreprésentation sur le web. C’est ainsi que Nicolas Berzi nous représente les relations amoureuses, et surtout ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Un spectacle multidisciplinaire à une interprète et basé sur un fait: le développement croissant de la mythomanie à l’ère des rencontres virtuelles.

TRIPTYQUE DES 7 DOIGTS DE LA MAIN

Après avoir fait sa marque sur scène aux côtés de Mariana Mazza lors d’un «two-womenshow» présenté un peu partout au Québec, Virginie Fortin a poursuivi son parcours à la télévision, à SNL Québec notamment. Dotée d’un charisme nonchalant inné et d’une vision relativement mordante de la vie, l’humoriste et comédienne de 31 ans s’offre un 75 minutes sans entracte.

LES SECRETS DE LA PETITE-ITALIE

LA TOHU – 23 AU 25 NOVEMBRE

THÉÂTRE JEAN-DUCEPPE – JUSQU’AU 2 DÉCEMBRE

Pour la première fois, la compagnie de cirque fait appel à des collaborateurs extérieurs pour sa direction artistique. Marie Chouinard, Victor Quijada et Marcos Morau ont ainsi chorégraphié chacun une partie de ce spectacle en trois volets. Danse et acrobaties se succèdent dans un décor immaculé où les artistes convient avec talent les disciplines circassiennes.

Monique Duceppe met en scène ce nouveau texte de Steve Galluccio, qui nous offre un drame comique à l’italienne. Dans la Petite-Italie, un dimanche aprèsmidi, une galerie de personnages plus amusants les uns que les autres tentent de sauver leur honneur, entre coups bas, disputes et histoires de famille. PHOTO | JOCELYN MICHEL

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DU 23 NOVEMBRE AU 23 DÉCEMBRE 2017 LE VIEUX-QUÉBEC SE TRANSFORME EN AUTHENTIQUE MARCHÉ DE NOËL ALLEMAND noelallemandquebec.com

Présenté par :

VO2 #11

11 / 2O17


CINÉMA

MURDER ON THE ORIENT EXPRESS

THÉÂTRE DENISE-PELLETIER

17-18

l’ILIADE APRÈS HAMLET_DIRECTOR’S CUT ET CALIGULA (REMIX), BEAUPRÉ NOUS PRÉSENTE UNE ILIADE RÉSOLUMENT MODERNE, SANS ARMES NI SANG, AVEC LE VERBE POUR GLAIVE !

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LIBRE ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE

MARC BEAUPRÉ

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NOV.

AVEC STÉFAN BOUCHER, MAYA KUROKI, OLIVIER LANDRY-GAGNON, JUSTIN LARAMÉE, CATHERINE LAROCHELLE, LOUIS-OLIVIER MAUFFETTE, JEAN-FRANÇOIS NADEAU, ÉMILE SCHNEIDER, EMMANUEL SCHWARTZ ET GUILLAUME TREMBLAY

DÉC.

Coproduction Théâtre Denise-Pelletier - Terre des Hommes

2017

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AVANT-GOÛT ET BANDE-ANNONCE AU

DENISE-PELLETIER.QC.CA BILLETTERIE 514 253-8974


QUOI FAIRE 79 VOIR MTL

VO2 #11

CHARCUTERIE

11 / 2O17

MURDER ON THE ORIENT EXPRESS EN SALLE LE 10 NOVEMBRE

Dans un huis clos enfermant tout un groupe de passagers dans le célèbre train de l’Orient-Express, un meurtre sordide vient tout juste d’être commis. Le célèbre détective belge Hercule Poirot, heureusement à bord, mènera une enquête où personne n’est écarté comme suspect, et où les apparences peuvent assurément être trompeuses.

WONDER EN SALLE LE 17 NOVEMBRE

Le jeune August Pullman est né avec une malformation au visage qui l’a empêché d’aller à l’école jusqu’ici. Entrant finalement au primaire à l’école de son quartier, il devra confronter tout autant ses nouveaux camarades que sa famille à leurs propres limites, leur générosité et leur étroitesse d’esprit. À travers cette quête humaine, il finira par unir les gens autour de lui.

DOUBLE PEINE EN SALLE LE 3 NOVEMBRE

Dans ce documentaire déchirant réalisé par Léa Pool, on fait le portrait d’enfants laissés pour compte alors que leurs parents ont été incarcérés. De pays en pays, on pose les questions suivantes: quel est le sort réservé à ces enfants et quels sont leurs droits? Est-ce que l’aide qu’ils reçoivent est suffisante?

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80 QUOI FAIRE VOIR MTL

VO2 #11

11 / 2O17

MOLLY’S GAME EN SALLE LE 22 NOVEMBRE

Ce film présente l’histoire véridique de Molly Bloom, une jeune et belle skieuse de calibre olympique qui a tenu pendant une décennie complète une série de parties de poker extrêmement exclusive. Ses joueurs comprenaient des stars d’Hollywood, des vedettes du sport, des magnats de la finance et, finalement, à son insu, la mafia russe.

ROMAN J ISRAEL, ESQ. EN SALLE LE 10 NOVEMBRE

Ce thriller dramatique prend place dans le système de cour criminelle surchargée de Los Angeles. Roman Israel, un avocat de la défense idéaliste et motivé, se retrouvera pris dans une situation de crise après qu’une série d’événements tumultueux viennent brasser les fondations mêmes de la firme pour laquelle il travaille. Il devra alors faire des choix extrêmes.

THOR: RAGNAROK EN SALLE LE 3 NOVEMBRE

Dans ce troisième opus de la saga du dieu du tonnerre de l’univers Marvel, Thor devra faire face à Hela, la déesse des morts. Exilé à l’autre bout de l’univers sans son marteau de légende, il devra redoubler d’adresse pour retourner à Asgard avant que Ragnarok, l’apocalypse, ne se produise. >


MOLLY’S GAME

1030 Laurier Ouest - (514) 279-7355

chezleveque.ca - Tous les soirs après 21 h.


MATHIEU LACA, AUTOPORTRAIT. HUILE SUR LIN, 92CM X 76CM, 2017

Pour un délicieux smootie, un jus cru, un bon café ou pour le légendaire club sandwich

ARTS VISUELS

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MATHIEU LACA LE LIVART – 30 NOVEMBRE AU 30 DÉCEMBRE

Pour son exposition L’animal que je suis, le peintre contemporain Mathieu Laca explore notre relation à l’animalité à travers 30 œuvres majoritairement de grand format. Désirant «peindre des visages aussi intenses que le regard des bêtes qu’on mène à l’abattoir», le Montréalais opère «des portraits déconcertants, déformés par l’excès, comme vus sous l’emprise de quelque philtre».

BARBARA NESSIM CENTRE PHI – JUSQU’AU 1ER DÉCEMBRE

L’artiste, designer et illustratrice américaine Barbara Nessim présente Conditions de fluidité, une exposition qui, sans être une rétrospective, rassemble «une multitude d’œuvres survolant la production prolifique d’une artiste qui a su incarner, depuis les années 1960, l’esprit de son temps haut en couleur». Collages, dessins, aquarelles, sketchbooks et art pour ordinateur s’entrecroisent.

MICHAEL WHITE CENTRE CLARK – JUSQU’AU 1ER DÉCEMBRE

Actuellement en résidence au Centre Clark, l’Écossais Michael White s’approprie «une grande variété d’images tirées de médias grand public contemporains et des formes préfabriquées» afin de déstabiliser «les interprétations courantes [...] d’événements ou de phénomènes». Utilisant divers médiums et travaillant en collaboration avec des tailleurs, des tapissiers et des illustrateurs, White participera à l’édition 2018 du Festival international d’arts visuels de Glasgow.



PP 40010891

DÈS LE 21 NOVEMBRE


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